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Cycle
« ces industries qui gouvernent le monde »
Le long combat
contre le Médiator
Irène Frachon,
Médecin pneumologue au CHU de Brest, et auteur du livre « Médiator 150 mg.
Combien de morts ? » (éditions-dialogues.fr)
Avec le concours de
Gérard Bapt,
député de la Haute-Garonne et rapporteur du budget
de la santé publique à l’Assemblée Nationale
Irène Frachon
Je suis venue ici suite à l’invitation de Gérard Bapt, qui m’a rejointe dans un moment très
critique, en juin 2010, quand mon livre s’est retrouvé censuré et qu’on me voulait plus
de mal que de bien. Il y a eu un relais par la presse et par Gérard Bapt, qui a relayé cette
question censurée, interdite : « Médiator 150 mg, combien de morts ? ». C’est son intervention et son travail qui ont permis de faire émerger une partie de la vérité, et en particulier
l’importance de ce drame sanitaire qui aurait, sinon, disparu sous le tapis comme d’autres,
notamment celui de l’Isoméride. Merci beaucoup Gérard Bapt, je suis contente d’être dans
ta région.
Je vais d’abord vous expliquer le plus simplement possible de quoi il s’agit avec un petit
exposé médical. Il y a forcément parmi vous des gens qui ont consommé du Médiator, (il
y en a toujours où que j’aille) et ces personnes se posent beaucoup de questions. C’est une
de mes fâcheries supplémentaires : on a lancé dans l’opinion un chiffre effrayant de morts,
on a envoyé un courrier aux gens en disant d’aller voir leur médecin, ou leur cardiologue,
et on a oublié d’expliquer de quoi il s’agissait, ce qu’était une valvulopathie, ce qui était
à craindre ou pas craindre et je le regrette beaucoup. En effet, avec un peu d’explications,
90 % des inquiétudes soulevées par ce livre et ce scandale se seraient calmées très vite et je
vais donc vous expliquer cet aspect médical.
Cycle : Ces industries qui gouvernent le monde
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Les pathologies liées au Médiator : les valvulopathies
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Au moment où on absorbe le Médiator, qui est un dérivé d’amphétamine, et aussi un coupefaim, celui-ci donne des tas d’ennuis qui disparaissent à l’arrêt de prise du médicament. Les
gens peuvent avoir un peu de diarrhée, un peu d’excitation, du mal à dormir, donc tous les
effets des amphétamines et tout cela disparait à l’arrêt de la prise du médicament. Mais il y
a un souci, qui fait l’objet de ce livre et du dépistage. C’est quelque chose de très particulier,
une atteinte des valves du cœur ni plus ni moins. Quand on absorbe du Médiator, il se forme
dans l’organisme une substance, la norfenfluramine, qui se fixe sur des récepteurs qui sont
dans le cerveau (ce qui provoque la sensation de satiété) mais qui sont également sur les
valves et les cordages du cœur. Et chez certaines personnes (et seulement ces personnes),
cela déclenche un processus qui va abîmer ces valves.
Comment ? Les valves du cœur sont une sorte de porte à 2 battants, qui s’ouvrent et qui se
ferment chaque seconde. Il y en a 4 dans le cœur. Cela permet au sang de circuler dans les
cavités cardiaques en allant toujours dans le bon sens. Dans l’état normal, quand le sang
circule, les 2 battants s’ouvrent très librement et on les voit très bien en échographie. Ils
se referment de façon absolument hermétique, ce qui empêche le reflux du sang en arrière
et ce qui permet au sang d’aller toujours dans la même direction. Pour aller de l’oreillette
gauche au ventricule gauche, le sang passe par la valve mitrale puis la valve aortique qui
est plus petite.
Mais chez certaines personnes, lorsque de la norfenfluramine circule, il va y avoir un épaississement de ces valves par un tissu un peu cicatriciel et elles vont se rétracter et se figer.
Au lieu d’avoir un mouvement très fluide qui aboutit à une fermeture absolument étanche,
il y a une petite rétraction : les valves se ferment moins bien et ne sont donc plus étanches.
Il va alors y avoir un reflux de sang, et le cœur va devoir pousser plus fort pour assurer le
même débit cardiaque.
Les problèmes principaux liés au Médiator concernent les ennuis sérieux, c’est-à-dire ceux
qui aboutissent à des hospitalisations, pour des insuffisances cardiaques, avec des nécessités d’interventions chirurgicales et même un risque de décès. Ca concerne moins de 1
personne sur 1 000 exposées au Médiator chaque année, et les autres personnes vont s’en
tirer sans ces ennuis. Un petit pourcentage va présenter une petite rétraction des valves qui
ne sera pas catastrophique, avec des fuites qui seront minimes. Ces fuites seront parfois
un peu plus ennuyeuses et il faudra les suivre médicalement, mais elles resteront de petits
problèmes. Les ennuis sérieux vont concerner peu de personnes.
Le Médiator, à ce moment de nos connaissances, ne concerne pas les maladies coronariennes, ne concerne pas l’infarctus, ne concerne pas l’hypertension artérielle prise au bras,
ne concerne pas les maladies extra-cardiaques quelles qu’elles soient, ni les maladies pulmonaires qui font souffler et qui n’ont pas de rapport avec le Médiator. Le fait d’avoir eu un
infarctus, des poses de stents, des coronaropathies, etc., n’a rien à voir avec l’exposition au
Médiator. Cela ne concerne que les valves du cœur et (beaucoup plus rare) un peu trop de
tension au niveau de l’artère pulmonaire, l’HTAP.
Dans tous les cas, l’anomalie se voit avec un examen et un seul qui est l’échographie cardiaque. Une valvulopathie peut s’entendre à l’auscultation car elle peut donner des souffles,
mais si on veut en avoir le cœur net, il faut faire l’échographie du cœur et l’examen des
valves. Si l’échographie du cœur montre une insuffisance cardiaque, cela peut être signe de
séquelles d’infarctus, cela n’a parfois rien à voir avec le Médiator. La question est « Comment vont les valves et quelle est la tension dans l’artère pulmonaire ? ». C’est le premier
point.
Irène Frachon, Gérard Bapt : Le long combat contre le Médiator
Le deuxième point est que même si on a une valvulopathie et qu’on est consommateur de
Médiator, il se peut que la valvulopathie n’ait rien à voir avec le Médiator car il y a d’autres
causes fréquentes. Je vous ai dit que le Médiator provoquait un reflux du sang, on appelle
ça une fuite ou une régurgitation ou une insuffisance valvulaire. Suivant la valve ou les
valves touchées, on va appeler ça l’insuffisance mitrale, insuffisance aortique, éventuellement insuffisance tricuspidienne (mais on a tous plus ou moins une petite insuffisance
tricuspidienne donc pas forcément d’inquiétude dans ce cas). Un certain nombre de valvulopathies ne sont pas une insuffisance mais un rétrécissement, (une maladie très banale de
la personne qui vieillit), le rétrécissement aortique et notamment le rétrécissement aortique
calcifié. Ce dernier n’a rien à voir avec le Médiator. Généralement, les valvulopathies qui
viennent de rétrécissements et/ou qui se calcifient n’ont rien à voir avec le Médiator. Il
y a une autre maladie qui se concrétise par une insuffisance mitrale, où les cordages qui
retiennent la valve cassent, et cela aussi n’a rien à voir avec le Médiator. Le Médiator
concerne une petite proportion de valvulopathies qui sont très particulières, et quand on
est spécialiste de cette maladie, (ce qui n’est pas mon cas car je suis pneumologue) cela
se reconnaît très bien à l’échographie. Et si on observe l’aspect de ces valves lors d’une
opération du cœur, ce que l’on voit ne ressemble à rien d’autre. Voilà donc l’explication
des valvulopathies liées au Médiator. Les symptômes que cela provoque sont : un peu
d’essoufflement, parfois des sensations de douleur dans la poitrine, des palpitations. Mais
beaucoup d’autres maladies peuvent donner ces symptômes et la réponse au doute sera
apportée par l’échographie du cœur.
Alors, quand on a consommé du Médiator, même pendant 20 ans, et si aujourd’hui, après
un an d’arrêt du médicament, on a une échographie normale et notamment l’absence d’atteinte des valves du cœur, on doit être tranquille. Il ne se passera rien, vous n’aurez pas
d’épée de Damoclès au-dessus de la tête, vos valves resteront normales. Il va persister un
minime risque d’hypertension pulmonaire pour moins de 1 personne sur 10 000 exposées
au Médiator (voire 1 sur 100 000 exposées). Ce n’est pas de ces cas-là qu’on va parler. En ce
qui concerne la maladie plus fréquente, celle des valves du cœur, un bilan cardiaque est nécessaire si on pense qu’on est un peu essoufflé, ou si on est très inquiet car on a consommé
longtemps du Médiator, et l’échographie pourra écarter les doutes.
Je ne pourrai pas répondre individuellement aux questions mais je vous ai donné les explications essentielles. Sachez que j’ai une adresse Internet, et si vous m’y envoyez une
question je pourrai vous répondre. Je ne pourrai peut-être pas répondre tout de suite mais je
vous donnerai des explications générales vous concernant.
Je vais maintenant quitter le domaine médical pour entrer dans l’affaire du Médiator proprement dite. Il y a différentes façons d’aborder la question.
Histoire de l’Isoméride
J’entends dire souvent que j’ai montré un certain courage. Mais je peux vous dire que je ne
suis pas courageuse du tout et que je suis même du genre trouillarde, mais quelque chose a
provoqué mon indignation et ma révolte. Tout à coup la coupe est pleine, et on se dit alors
que si on ne s’indigne pas, ce n’est pas bien et on devient même complice d’un système.
Cette indignation n’est pas intellectuelle ou théorique, mais tout simplement l’indignation
devant la souffrance de gens qu’on connaît et qui souffrent pour des raisons qui sont totalement inacceptables. En plus quand on réalise qu’il y a mise en danger d’autres personnes
avec ce même type d’atteinte, il faut réagir.
Quand j’avais 25 ans, dans les années 90, j’étais jeune médecin en formation dans un serCycle : Ces industries qui gouvernent le monde
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vice hospitalier à Antoine Béclère à Clamart. Ce service était spécialisé dans une maladie
à l’époque complètement orpheline, l’hypertension artérielle pulmonaire. C’est une maladie qui fatigue le cœur car petit à petit la circulation pulmonaire se bouche. Maladie très
rare, elle touche une à deux personnes (peut-être plus maintenant : jusqu’à une dizaine de
personnes) par million d’habitants. Il se trouve qu’en France il y a un service qui s’est intéressé très tôt à cette maladie. C’est devenu une habitude : quand ils diagnostiquent cette
maladie, les médecins ne se posent pas de question, ils envoient le malade dans ce service.
Cela concentre donc la compétence dans ce service qui devient un observatoire privilégié
de cette population de malades. C’est une maladie qui peut tuer en 2 ans et elle était répartie
sur tout l’hexagone.
Quand j’arrive dans ce service, les médecins me disent : nous sommes catastrophés, car
nous voyons arriver depuis peu un certain nombre de jeunes femmes ayant une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) gravissime dont elles meurent rapidement (à l’époque
on n’a aucun traitement, uniquement la greffe pulmonaire). On s’aperçoit que c’est lié
à la consommation d’Isoméride (qui est un coupe-faim) pour 20 % puis plus tard pour
30 % d’entre elles. On est certain que c’est l’Isoméride parce que dans les années 70, il
y a eu un premier coupe-faim commercialisé en Suisse, en Autriche, en Allemagne, (pas
en France), et les « écrans radar » suisses ont vu une épidémie d’HTAP mortelles chez les
jeunes femmes. Très vite ce coupe-faim a été identifié comme étant le point commun entre
ces femmes. On a interdit ce coupe-faim en Suisse, et les chiffres de cette maladie sont
revenus à ce qu’ils étaient avant.
Ce type de médicament, développé notamment par le laboratoire Servier, arrive sur le marché français dans les années 80 et des médecins commencent à signaler des cas d’HTAP
chez des malades exposés à ces autres coupe-faim (proches chimiquement de l’Isoméride).
Ces médecins disent : « attention, est-ce qu’on ne va pas avoir les mêmes ennuis ? On a vu
que ces jeunes femmes faisaient des HTAP très rapidement après la prise de ces coupe-faim
puis ça se calme parfois quand on arrête le médicament, certaines de ces HTAP régressent ». Il y a donc des signaux qui font réfléchir. L’équipe spécialisée dans l’HTAP est
parfaitement à jour sur les connaissances scientifiques dans le domaine, s’inquiète donc de
l’arrivée de ces jeunes femmes ayant consommé de l’Isoméride.
On est en 1990, je suis une jeune interne, je vois ces femmes mourir ou bien bénéficier
d’une greffe pulmonaire et je m’aperçois qu’on ne peut pas interdire ce médicament. Le
laboratoire Servier refuse toute discussion et dénie toute responsabilité de ce médicament
vis-à-vis de ces HTAP. Les autorités de santé sont pétrifiées, et cela va durer 7 ans après
1990. Les publications scientifiques sur le sujet se multiplient. Je vais moi-même aller à
l’Hôpital Foch m’occuper d’une jeune femme de 30 ans qui a consommé de l’Isoméride,
qui a été greffée, qui sort abîmée de cette opération et qui décide de porter plainte. J’ai
suivi toute cette histoire et j’apprends qu’en 97, après une grande étude épidémiologique
faite par le professeur Lucien Abenhaim (université McGill, Montréal avant que ce dernier
ne devienne, en France, Directeur général de la Santé de 1999 à 2003), on restreint l’indication de l’Isoméride, (qui était consommée comme des cachous : 10 millions de femmes
en consommaient à cette époque). Mais on ne l’interdit pas. Entre-temps il y a eu tout une
embrouille qui fait que, en 1996, alors que tous les clignotants sont en rouge, les ÉtatsUnis (qui sont très concernés par l’obésité), acceptent de commercialiser cette molécule
du laboratoire Servier. En fait, il se trouve que les experts qui ont pesé dans la balance sont
d’anciens consultants des laboratoires Servier et n’ont pas déclaré leurs liens avec Servier
car cela ne se passe pas comme ça aux USA. Et la grande publication du professeur Lucien
Abenhaim du New England Journal of Medicine en 1996 va être tempérée par un éditorial
Irène Frachon, Gérard Bapt : Le long combat contre le Médiator
disant « oui d’accord cela tue de temps en temps, mais il y a un tel problème d’obésité qu’il
faut quand même commercialiser ce produit ». Et c’est un ancien consultant du laboratoire
Servier qui a écrit cet éditorial et qui ne déclare pas son conflit d’intérêt !
La molécule a été autorisée aux États-Unis, et cela a été une chance pour nous, car quelques
mois plus tard un chirurgien découvre, en opérant des femmes obèses qui avaient une valvulopathie complètement inhabituelle, qu’on voit dans des circonstances très rares, et en
s’interrogeant face à leur nombre anormalement élevé, que toutes consomment le même
coupe-faim.
Une publication est sortie en 1997, qui disait : « il y a un gros problème, cette forme de
valvulopathie est liée très probablement à ce coupe-faim ». C’est alors l’arrêt complet de
l’Isoméride, (et des produits de la famille de l’Isoméride) dans les pays anglo-saxons et en
Europe. Pour moi, ce fut un soulagement, (mais la pilule m’est restée un peu dans la gorge
car j’ai vu 7 ans perdus, ayant la certitude dès les années 90 de la toxicité de ce produit).
Ce médicament est retiré, mais on n’en parle plus. Il va falloir un journaliste très courageux
du Parisien, Eric Giacometti, pour essayer de faire un peu de ramdam. Ce monsieur va
recevoir des intimidations effarantes avec des méthodes de barbouses et il finira pour ne
plus s’occuper de santé mais faire autre chose. Et il y a cette femme greffée qui, après 10
ans de procédure absolument épuisante, va obtenir réparation de son préjudice. Et cela va
s’arrêter là, cela restera en fait impuni. Aux États-Unis il va y avoir des dizaines de milliards
de dollars provisionnés et à ma connaissance 3 ou 4 milliards de dollars déjà versés à des
victimes de cette molécule.
En 1997, je me réjouis donc du retrait de l’Isoméride, mais je reste avec l’impression que
cette histoire est absolument scandaleuse, surtout vu le délai de 7 ans pour interdire un
médicament très dangereux. D’autant plus que j’ai vu le stress et la pression des médecins
de l’époque qui voulaient faire interdire ce médicament et qui en sont encore traumatisés aujourd’hui. J’apprends alors qu’il reste un médicament appartenant probablement à la
même famille, mais très peu distribué, (car on pensait qu’il ne servait pas à grand-chose et
qu’on ne le donnait pratiquement pas) appelé Médiator, produit par les laboratoires Servier.
Il reste commercialisé et cela me semble incroyable, mais j’en reste là.
Origine de l’histoire du Médiator
Ensuite je pars à Brest pour créer un centre de compétence qui s’occupera de ces HTAP.
Cette maladie rare m’avait intéressée et j’ai pensé créer ce service à Brest. En 2006, je vois
arriver une patiente très obèse, et on me l’adresse car elle a une HTAP un peu inhabituelle.
En regardant son ordonnance, je vois qu’elle est sous Médiator depuis plusieurs années, et je
me demande si c’est ce Médiator dont on m’a parlé il y a 10 ans. Je suis abonnée à la revue
médicale Prescrire (1), (dont un des rédacteurs est présent dans la salle : le professeur Montastruc). J’avais vu dans Prescrire que la molécule appelée benfluorex, celle du Médiator,
(1) Les rédacteurs de Prescrire ne signent jamais de leur nom car c’est une rédaction commune et c’est une façon de protéger les auteurs contre des pressions professionnelles ou individuelles et les risques de procès. C’est
une stratégie pour échapper aux lobbyings procéduriers des laboratoires pharmaceutiques. Je suis abonnée à
Prescrire bien que cela concerne peu les maladies pneumologiques. Mais cette revue joue le rôle le poil à gratter : si on va à un congrès flamboyant qui raconte qu’un médicament va tout changer, qu’il a été sujet d’études
formidables, il ne faut pas oublier d’ouvrir cette revue pour savoir ce qu’elle en pense. Il s’avère parfois que la
revue dit que ce médicament est sans intérêt et que le congrès n’a fait que nous faire perdre notre temps. Cette
revue est un peu le garde-fou du bénéfice réel apporté par un médicament au patient au-delà des arguments très
publicitaires.
Cycle : Ces industries qui gouvernent le monde
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était de la même famille que l’Isoméride. Cela a fonctionné comme une piqûre de rappel.
Cette histoire de l’Isoméride, je ne l’avais pas digérée et quand j’ai revu une patiente sous
Médiator, je me suis demandé si sa pathologie avait un rapport avec l’Isoméride.
J’ai appelé mes collègues de l’hôpital Béclèree pour savoir où ils en étaient avec le Médiator, ils m’ont répondu : « on est embêtés parce qu’on a quelques observations, et on ne sait
pas trop que faire ». On a alors décidé de signaler les faits à l’Afssaps, l’Autorité Française
de Santé et de Sécurité des Produits de Santé. C’est ce qu’on doit toujours faire. Cela s’appelle une déclaration de pharmacovigilance. On décide également d’en faire une communication scientifique en rassemblant nos cas. Mais c’est compliqué car il n’y a pas beaucoup
de cas, leur imputabilité est un peu délicate et je commence à avoir un peu peur. Je pense
que si je commence à mettre en cause quelque chose de ce laboratoire dont je connais le
juridisme, les méthodes d’intimidation, le lobbying, je vais avoir des ennuis et on ne va
rien me pardonner. Cette peur diffuse me conduit à revoir 50 fois les dossiers pour voir ce
qu’on a raté dans notre analyse. Je ne sais pas si cela vous est arrivé vous, professionnels
de la santé, de revoir vos dossiers comme cela pour voir ce qui manque : quand vous vous
rendez compte qu’il y a une petite erreur, vous en êtes malade, vous vous dites : c’est la
catastrophe. On rentre là dans une période d’insécurité personnelle alors qu’il s’agit d’insécurité sanitaire. C’est quelque chose de très important. Je suis praticien hospitalier, c’est
mon devoir, c’est la loi qui me demande de rapporter les suspicions sur les médicaments.
C’est donc un gros problème personnel. La peur peut être bonne conseillère, contrairement
au dicton, et je me dis qu’il faut que je bétonne mon dossier. Il faut que je me renseigne sur
la molécule car non seulement je vais avoir les laboratoires Servier contre moi mais aussi le
professeur Simonneau de l’hôpital Antoine Béclère qui est très exigeant et rigoureux. Bref
je dois faire très attention.
Recherches sur le Médiator
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Je cherche donc des renseignements sur cette molécule car mes connaissances sont assez
vagues. Je vois qu’il y a très peu de choses dans la littérature scientifique sur ce produit.
Je n’ai pas de réponse vraiment scientifique. Je me tourne vers le laboratoire qui m’envoie
une petite note expliquant qu’il n’y a aucune relation tant pour la structure chimique que
pour la voie métabolique (c’est-à-dire le devenir de la molécule dans l’organisme) entre
l’Isoméride et le Médiator. Parallèlement ma pharmacologue (qui est mieux organisée que
moi) et la revue Prescrire m’envoient des documents qu’ils ont gardés. Prescrire m’envoie
des documents des années 70, et pour ma pharmacologue ce sont des archives de 98 de
l’Afssaps dans lesquelles il y a des fiches techniques dont certaines viennent du fabriquant
expliquant quelle est la molécule en cause et ce qu’elle devient dans l’organisme. Je peux
vous montrer ces documents (à droite ci-dessus).
On part du squelette chimique de l’amphétamine, si on accroche là 3 fluors on obtient une
molécule qui appartient à la famille des fenfluramines. On rajoute une partie et cela donne
l’Isoméride. On rajoute une autre partie et cela donne le Mediator…
Dire qu’il n’y a pas de ressemblance chimique entre les deux, c’est être de mauvaise foi.
Je veux bien croire que cela aurait pu donner des actions extrêmement différentes parce
que les molécules ne sont effectivement pas les mêmes. La réalité est que, quand on absorbe la molécule, elle est coupée et il va rester un noyau de la famille des amphétamines
avec ce branchement tri fluoré. Cela en fait de la norfenfluramine qui est le principe actif
(coupe-faim) de l’un et l’autre de ces produits et c’est cela qui marche épatamment. Mais
malheureusement aussi, pour certaines personnes, cela va se fixer sur les longs filaments
Irène Frachon, Gérard Bapt : Le long combat contre le Médiator
des cordages de la valve mitrale. Cela va déclencher un signal sur ces cordages et ils vont se
recouvrir d’une gangue fibreuse qui va les rétracter et faire en sorte que les valves vont fuir.
Chacun voit donc la proximité chimique de ces molécules. Pourtant, face à cela, j’ai le courrier du laboratoire fabriquant signé par un de ses grands directeurs (ce signataire est également trésorier de la société française de pharmacologie et de thérapeutique). Il me dit qu’il
n’y a pas de relation ni en termes de structure chimique ni en termes de voie métabolique
entre Isoméride et Médiator. Il m’a fallu longtemps pour comprendre où était l’information
juste et pour réaliser que l’information déformée était reçue par l’ensemble des médecins
qui s’inquiétaient de la similitude entre l’Isoméride et le Médiator depuis des années.
Recherche sur les cas de valvulopathie
En 2008, parallèlement à ça j’ai beaucoup travaillé avec des cardiologues, qui ont participé à cette réflexion sur le Médiator car nous avons l’habitude de travailler ensemble sur
l’HTAP. Et ils me disent par exemple : « Il y a 7 ans j’ai vu une patiente avec une échographie du cœur montrant des valves complètement normales ; or aujourd’hui deux des valves
sont très abîmées, il va falloir les changer chirurgicalement, et en la questionnant elle me dit
qu’elle a pris du Médiator. Ce que j’observe est absolument superposable à ce qui avait été
décrit avec l’Isoméride ». Tout cela se passe le long des années 2007-2008. D’autres cardiologues m’alertent sur des cas de valvulopathie. J’ai des doutes sur la pure coïncidence.
Je vais voir mes collègues du service informatique de l’hôpital (vous savez que maintenant,
afin que l’hôpital soit payé, il faut coder chaque malade hospitalisé avec sa pathologie. On
peut donc exploiter des statistiques épidémiologiques). Ils ont été très gentils malgré leur
surcroît de travail et m’ont sorti la liste des valvulopathies. J’ai analysé ces valvulopathies
pour voir si je retrouvais des cas de valvulopathies ressemblant à celles que je connaissais,
et si on retrouvait la trace du Médiator dans ces dossiers. Je me souviens de ce travail sysCycle : Ces industries qui gouvernent le monde
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tématique de consultation de toutes ces valvulopathies, de celles pas fuyantes et qui donc
sortaient de mon investigation, et de celles aux contraires qui étaient fuyantes et qui retenaient mon attention. Et je voyais souvent apparaître le Médiator sur une ordonnance d’une
précédente hospitalisation. J’ai compris que cela était grave, Parfois je ne voyais d’abord
pas de trace de Médiator, je me disais : ce n’est donc pas si grave, je me suis trompée ; mais
je fouillais quand même le dossier pour voir toutes les consultations et ordonnances et je
retrouvais finalement le mot Médiator.
Il faut savoir que beaucoup de personnes continuaient à absorber du Médiator, qui avait pris
la place de l’Isoméride dans la prescription des coupe-faim. En effet quand on regarde les
courbes de ventes de ce médicament après l’arrêt de l’Isoméride, on voit que la consommation a culminé au chiffre de 450 000 personnes par jour. Il est évident qu’un fabriquant,
voyant ces niveaux de vente pour une niche thérapeutique qui est un adjuvant du diabète, se
doute bien que ce ne sont pas que les diabétiques qui utilisent le produit. J’imagine le drame
de ces femmes qui veulent maigrir, souffrent puis sont hospitalisées. Personne ne comprend
pourquoi elles ont fait une valvulopathie, mais on les opère pour cette pathologie et elles
sortent de l’hôpital en conservant le Médiator comme coupe-faim. Cela va alors parfois
abîmer la 3e valve, la tricuspide.
Relations avec l’Afssaps
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On avait envoyé les dossiers à l’Afssaps, on avait également fait une communication scientifique dans un congrès européen qui n’a eu aucun écho fin 2008 (communication pourtant
reprise par une dépêche de presse de l’agence médicale, APM) et en février 2009, on se dit
que cela ne peut pas continuer comme cela. Ce n’est plus une question de courage, mais
une question de panique, de manque de sommeil à la pensée que des gens consomment ce
médicament et sont en train d’installer en eux une valvulopathie. Cela devient pour moi obsessionnel, avec l’envie de dire « arrêtez tout ». On envoie donc 15 déclarations à l’Afssaps
accompagnées d’un mail pour dire « Nous sommes très inquiets, très préoccupés par ces
valvulopathies ». Et là on va être reçus pour la première fois par l’Afssaps le 3 juin 2009 et
on présente tout ce que je viens de dire avec les photos de ces valvulopathies.
Et on compare avec le dossier américain de 1998 sur l’Isoméride, et on peut voir qu’on a
les mêmes pathologies. On a également un dossier d’un cas Espagnol en 2003 : une patiente
qui, sous Mediator avait une valve très rétractée. Les Espagnols ont tiré un signal d’alarme
en disant, qu’ils voyaient des valvulopathies sous Médiator comme sous Isoméride. Servier
a retiré immédiatement son médicament de ce pays, sans doute aussi pour que le bruit ne
vienne pas en France. Mais Servier ne l’a pas retiré de la France, car les ventes y étaient
très bonnes, et que cela garantissait aussi sans doute l’export non pas dans les pays anglosaxons (puisque cette famille de médicament était interdite aux USA), mais vers le Maghreb, l’Afrique, l’Asie, l’Amérique du Sud, la Chine…
Je montre tout cela aux commissions de l’Afssaps, et les auditeurs me disent : « cela est très
bien, mais il va falloir faire avant toute chose des études complémentaires pour confirmer
ce lien de causalité, on ne retire pas une AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) comme
cela »
Je suis sortie de cette commission très déroutée, mais le pire c’est que je savais que j’aurais cette réponse, car mes collègues qui avaient connu le drame de l’Isoméride m’avaient
prévenue.
Irène Frachon, Gérard Bapt : Le long combat contre le Médiator
Étude épidémiologique
On a mis en place une étude épidémiologique type cas-témoins qui a consisté à prendre
en compte l’ensemble des valvulopathies conduisant à des insuffisances et nécessitant une
hospitalisation au CHU de Brest à partir de 2003. Puis on a isolé les valvulopathies inexpliquées, pensant que c’est parmi elles qu’on aurait le plus de chances de retrouver ce facteur
causal. Ensuite on a interrogé ces personnes de manière extrêmement rigoureuse pour savoir si elles avaient été exposées au Médiator, on a interrogé aussi leur médecin traitant et
on a comparé leur dossier avec des patients qui avaient des valvulopathies pour des causes
habituellement connues. On s’est aperçu que c’était 70 % d’exposition contre 6 %. Nous
avons montré ces résultats en septembre à l’Afssaps, qui s’est précipitée… pour critiquer
à fond nos études.
Ils ont dit « qu’on avait été influencés, qu’il y avait des biais dans notre étude, que ce n’était
pas comme cela qu’il fallait faire ». Je ne suis pas une spécialiste des études épidémiologiques et j’ai douté et pensé qu’ils avaient peut-être raison avec leur discours sur les biais
etc.
Je suis allée voir les manuels qui décrivaient les « cas-témoins » pour comprendre ce
qu’était l’impact d’un biais sur un résultat. Les analyses de biais peuvent nous faire voir si
on a confondu des résultats, pour voir où on peut se tromper. J’ai découvert que le biais a
surtout une importance quand la différence entre les 2 groupes est très faible. En effet lors
d’un résultat où on a 5 % d’un côté et 2 % de l’autre il faut s’interroger sur des facteurs
non pris en compte. On utilise alors l’odd ratio qui estime un risque relatif et les biais ont
vraiment de l’importance quand l’odd ratio est inférieur à 4. Or notre odd ratio était à 40 !
On peut discuter à l’infini des biais, mais il faut aussi savoir s’arrêter quand cela n’en vaut
pas la peine.
Le dossier repasse en commission le 29 septembre 2009, et là, l’étude que nous présentons
inquiète les experts présents de l’Afssaps. De plus j’avais réalisé une autre investigation
que j’ai évoquée à cette occasion. Je ne m’étais pas contentée d’une étude sur Brest, j’avais
utilisé mon réseau de soin d’hyper-tension artérielle pulmonaire. En mai 2009, j’avais envoyé à l’ensemble du réseau français HTAP (qui comporte des pneumologues et des cardiologues), une alerte en disant : « cherchez chez vos patients des cas de valvulopathies
ou d’HTAP exposés au Mediator ». J’ai appris qu’à Lyon, il y avait une étude menée par
le laboratoire Servier concernant ce médicament pour le comparer à son concurrent qui
depuis a de sérieux soucis, puisque c’est une glitazone (retirée du marché aujourd’hui).
Cet exemple montre combien parfois on peut se faire avoir. J’apprends que cette étude
comprend une étude échographique du cœur. J’ai pensé : « c’est formidable s’ils ont pensé
à vérifier ce point ». Mais pas du tout : c’est parce que la glitazone était suspectée de donner
des insuffisances cardiaques, et l’objectif de ces échographies cardiaques était de couler la
glitazone et non pas de surveiller le Médiator !
J’ai eu la chance d’être en relation avec le professeur Derumeaux, investigateur pour
l’échographie cardiaque, cardiologue, présidente de la Fédération française de cardiologie
et je lui ai fait part de mes inquiétudes. Elle a été d’accord pour faire une étude fine des
valvulopathies de l’étude Servier. L’Afssaps, que j’avais aussi prévenue, a exigé d’avoir
les résultats de cette étude. L’étude a montré qu’il y avait chez les malades sous Médiator
et non pas chez les malades sous glitazone, des anomalies des valves, mais des anomalies
minimes puisque la durée de prise de médicament était courte. Cette étude a donc été utile
mais pas complètement concluante. Et quand j’entends parfois dire que c’est grâce à cette
étude et donc grâce à Servier que le Médiator a été retiré, je vois qu’il y a un décalage entre
le discours et la réalité.
Cycle : Ces industries qui gouvernent le monde
507
Décision du retrait du médicament
Le 29 septembre 2009, sur la foi de ces 2 études, il est voté qu’on ne peut pas laisser des
patients exposés à ce risque. Le retrait effectif sera le 30 novembre 2009. Donc pendant 2
mois encore des personnes ayant déjà une valvulopathie grave vont continuer à aggraver
leur maladie en prenant du Médiator.
Statistiques de la CMAM
508
Entre-temps, au mois d’octobre, je vais avoir la chance d’être en contact avec quelqu’un
à qui je dois rendre hommage, Catherine Hill. Elle est épidémiologiste à l’Institut de
cancérologie Gustave Roussy, c’est un esprit brillant et indépendant et elle m’a conseillé
durant toute cette période. Devant ma peur permanente, elle me disait comment répondre
face à mes détracteurs. Catherine Hill a rencontré un responsable de la Caisse Nationale
d’Assistance Maladie, proche du système de codage national des maladies, et elle lui
a demandé s’il avait la possibilité de poser une question comme celle que nous avions
développée à Brest. Ce responsable a reconnu que c’était possible et qu’il fallait que je
prenne contact avec lui. Je l’appelle et il prend cette étude instantanément au sérieux.
15 jours après il me téléphone pour me dire qu’il a constaté la même chose que moi. Il
avait collecté les données, et il venait d’établir le résultat de ce qu’il recherchait. Et là ce
n’était plus 700 dossiers qu’il avait sous les yeux, mais 1 million de diabétiques. Il a vu
un signal absolument énorme apparaître sur son écran. Il a refait ses calculs dans tous les
sens mais il retombait toujours sur les mêmes résultats. Il a même contacté des épidémiologistes qui n’étaient pas dans le domaine de la santé. Il s’est dit comme moi qu’il fallait
faire quelque chose tout de suite, car il avait la vision concrète de personnes toujours en
train de consommer ce médicament. Son attitude a été très différente de celle des experts
qui passent leur temps en commission, car il avait l’impression d’avoir devant lui des
cas concrets de personnes proches ou proches de ses connaissances etc. J’ai trouvé que
ce médecin de la CMAM était vraiment formidable, et il était sûrement important que ce
soit d’abord un médecin car c’est sa formation d’origine qui lui a donné cette sensation
de vertige et d’obligation de faire quelque chose. Et il m’a appelé un vendredi soir pour
me donner ses chiffres.
Cela a conforté le signal et cela a permis qu’il n’y ait pas de recours en justice fait par le
laboratoire Servier. Il y avait une grande campagne de dénigrement contre moi et l’analyse faite à Brest. J’ai eu beaucoup de retours du professeur Montastruc et d’autres personnes également, qui ont reçu des contacts du laboratoire qui s’adressait à eux plutôt
qu’à moi pour défendre leur point de vue. Les études de la CMAM nous ont épargné
d’avoir une suspicion qui aurait pu aller très loin. Enfin le médicament est retiré le 30 novembre 2009
Motivation d’écriture du livre
Je devrais être contente, mais ce n’est pas le cas. Je m’aperçois qu’il n’y aura pas d’information du grand public sur les raisons du retrait. Un lien à minima existe sur le site de
l’Afssaps (dans un coin introuvable de leur site) et un courrier mail a été envoyé par la
Direction Générale de la Santé aux médecins généralistes (noyé dans un maximum d’autres
informations), mais rien en direction des victimes du produit.
Des patientes brestoises qui avaient fait le lien entre leur valvulopathie et leur consommation de Médiator voulaient déposer un recours en justice devant le laboratoire pour obtenir
une reconnaissance de la responsabilité du laboratoire et ensuite une indemnisation. L’inIrène Frachon, Gérard Bapt : Le long combat contre le Médiator
demnisation était nécessaire car ce sont des personnes qui ont perdu leur travail, qui sont
dans des situations très difficiles mais leur démarche première est la reconnaissance de leur
statut de victime.
Et moi (qui suis un témoin depuis 20 ans des conséquences de l’Isoméride), je sais ce qui
attend les gens au prétoire face à ce laboratoire. Ce qui les attend est le mépris, c’est d’être
traités de menteur, c’est de remettre tout en question. Je vous donne un exemple : la personne qui a eu une greffe pulmonaire, suite à la toxicité de l’Isoméride (et qui a eu 10 ans
de procédure contre le laboratoire), juste après la greffe, pour éviter le rejet du greffon, a dû
prendre beaucoup de cortisone. Quand on prend beaucoup de cortisone, cela fait gonfler les
joues qui deviennent un peu grosses comme celles des hamsters et un peu rouges. Cela a été
considéré par l’avocate du laboratoire comme un signe de bonne santé ! Cela vous donne
une idée de ce que vont endurer les victimes plaignantes et je sais que c’est cela qui attend
les victimes brestoises. (J’entends des bruits dans l’assistance, cela montre combien ce récit
suscite de l’indignation : ce n’est pas possible que les victimes affrontent en plus cela !) Il
faut donc leur donner tous les documents, la chronologie des événements, les documents
mensongers, leur dire dans un langage simple ce qui s’est passé et que cela aille dans la
trousse de leurs avocats.
Voilà donc la motivation de ce livre. Pour toutes les victimes françaises qui ne seront jamais
informées, il faut qu’elles sachent qu’elles peuvent faire l’objet d’un dépistage et que si
elles ont déjà une atteinte valvulaire grave, elles peuvent entamer des démarches.
L’objectif du livre était d’avoir un document pas trop gros, accessible et extrêmement documenté. A côté du livre, j’ai préparé ma défense avec mon avocat car je savais que cela
n’allait pas plaire. A chaque ligne importante correspond un document rassemblé dans un
classeur et qui n’est pas inclus dans le livre pour ne pas l’encombrer, mais qui étaye le
propos. Le classeur a bien sûr existé avant la sortie du livre car c’est la base de son écriture.
Publication du livre
Puis j’ai eu la chance de rencontrer la bonne
personne (je reconnais que j’ai eu de la chance
de rencontrer beaucoup de bonnes personnes au
cours de ce périple), l’éditeur Charles Kermarec qui dirige une petite maison d’édition et une
merveilleuse librairie appelée « Librairie Dialogues » à Brest (c’est l’équivalent d’Ombres
Blanches à Toulouse).
Je lui ai demandé son avis en tant que libraire,
suite aux contacts que j’avais avec de gros éditeurs parisiens qui proposaient des délais éditoriaux qui me paraissaient incompatibles avec le
temps judiciaire de cette histoire. Il fallait aller
très vite car mes patientes commençaient à poser des recours en justice.
J’ai donc donné mon livre à Charles Kermarec
qui, dès le lendemain m’a dit : « c’est une urgence ». Il l’a vu comme un livre de combat et
il l’a édité sachant parfaitement ce qui l’attendait. Il a pris une attachée de presse, car l’avocat
Cycle : Ces industries qui gouvernent le monde
509
nous a dit : « le meilleur moyen de vous défendre est de mettre votre photo dans les journaux ». Cela a d’ailleurs été interprété par mes « petits amis » experts de l’Afssaps : « elle
est contente, elle a sa photo dans les journaux »
Malgré cela il y a eu la censure du sous-titre 2 jours après la sortie du livre
Il a dû être retiré de toutes les librairies et il a été massivement décommandé de tous les sites
Internet. Courageusement, l’éditeur a refait une édition avec le sous-titre censuré. Mais il
a été moins diffusé car il a été moins accessible, et beaucoup de gens ont eu du mal à se le
procurer au moment où ils le voulaient. Heureusement la presse a suivi. C’est arrivé aux
oreilles de Gérard Bapt
Contact avec Gérard Bapt
510
Gérard Bapt m’appelle : « Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Il faut s’adresser aux
politiques ». Effectivement, j’avais oublié qu’il fallait s’adresser aux politiques ; Gérard,
je t’ai envoyé le livre que tu as lu très vite. Par chance tu es cardiologue, par chance tu es
rapporteur de la mission santé. J’ai oublié de citer, parmi les personnes qui m’ont protégée,
Rony Brauman. Je suis ancienne MSF (Médecins Sans Frontières), et Rony Brauman est
une idole pour les anciens MSF (pourtant je ne l’ai jamais rencontré : il est venu inspecter
ma mission en Thaïlande après que j’en sois partie et j’en ai été malade de l’avoir raté). Je
l’avais entendu parler des conflits d’intérêt autour de l’OMS et j’avais pensé qu’il pouvait
écrire une post face à mon livre. Il a été extraordinaire car il ne me connaissait pas. Il a
adhéré complètement à cette histoire. Il était débordé avec le tremblement de terre en Haïti,
mais il a fait cette postface pour mon livre en temps et en heure et ce fut très important pour
moi.
Je suis allée rencontrer Gérard Bapt à Paris avec un certain nombre de documents et une
thèse de pharmacie car parallèlement, on avait demandé à une jeune pharmacienne de faire
une thèse de pharmacovigilance sur le sujet. La thèse a été faite parallèlement à l’écriture
du livre, et a apporté un aspect plus scientifique et une enquête auprès de personnes comme
Catherine Hill, le médecin de la CNAM, et l’Afssaps. Auprès de l’Afssaps elle a voulu voir
comment se passait le retrait de ce type de médicaments en France, quels étaient les outils
en place, en prenant comme exemple de retrait le Médiator. Au passage, elle a pris sa calculette et elle a essayé de compter combien de victimes le Mediator avait fait. Avec les chiffres
de la CNAM et les nôtres, on avait à peu près une idée du nombre de personnes concernées,
on a multiplié par 33 ans de commercialisation, par un taux de mortalité qu’on connaît sur
les valvulopathies, et on arrive au créneau de 500 à 1 000 morts.
Cela figurait dans un coin de sa thèse. Avec elle, on s’est interrogées sur ce chiffre et si on
devait le laisser, et on a fait le choix de le laisser en mettant le conditionnel. Comme on
retombait toujours un peu sur la même estimation avec les chiffres de la CNAM et de Brest,
cela nous semblait réaliste.
J’ai montré cette thèse à Gérard Bapt qui l’a lue intégralement et ces chiffres ne lui ont pas
échappé. Il a eu un vrai dialogue de sourds avec l’Afssaps et leur a aussi demandé d’arrêter
de chercher à me nuire, car c’était effectivement cela l’intention des experts de l’Afssaps.
Ils ont fait appel au Conseil de l’ordre, aux Académies, à la justice et ont pensé même à
la direction de mon hôpital pour me punir. Nous, on voulait avoir des explications sur le
retard apporté à l’interdiction de commercialisation du Médiator. Malgré des argumentations très serrées, on avait des réponses sous forme de langue de bois et un déni très fort du
Irène Frachon, Gérard Bapt : Le long combat contre le Médiator
responsable de l’Afssaps, Jean Marimbert. Gérard Bapt a publié une tribune (qui est passée
magnifiquement inaperçue) le 24 Août 2010, et qui reprenait le titre : « Médiator Combien
de morts ? » dans un petit coin du monde.fr quand tout le monde est en vacances et que tout
le monde pense à autre chose.
Et les experts de l’Afssaps, qui se disent « comment ce député ose-t-il écrire cela ? On va
voir ce qu’on va voir », s’adressent à la CNAM et demandent s’il y a un moyen d’avoir une
évaluation du nombre de morts. Et c’est là que cela tourne au vinaigre côté Afssaps car c’est
un cimetière qui leur tombe sur la tête et avec les conséquences que vous connaissez : le 1er
février 2011, Jean Marimbert, Directeur de l’Afssaps, a été remplacé.
Gérard Bapt, tu as peut-être des choses à rajouter ?
Gérard Bapt
Irène je voudrais te faire remarquer que tu as eu l’honneur de remplir cette salle bien qu’on
soit au milieu des vacances scolaires.
Je voudrais remercier Catherine Lemorton qui est dans la salle, Pharmacienne et députée
socialiste de la Haute-Garonne, qui est la spécialiste des médicaments pour notre groupe
socialiste à l’Assemblée Nationale, ainsi que Claude Calestropat qui représente le Président
du Conseil général, M. Izard, qui aurait été là si cela n’était pas tombé durant cette période
de vacances. Et je remercie l’équipe du GREP qui a tout de suite accepté de monter cette
conférence avec le nom d’Irène Frachon qui a attiré ce public nombreux, malgré la période.
Je salue aussi la présence de Bertrand Monthubert, qui fut président du collectif « Sauvons
la Recherche » ; et je voudrais saluer deux médecins avec lesquels j’ai travaillé dans les
hôpitaux, Jean-Pierre Marc-Veynes, qui fut mon maître d’internat, et un camarade de promotion, Jacques Giron, avec qui j’ai partagé des nuits de garde.
On m’avait prévenu que, quand on s’oppose à une puissance comme celle de Servier, il
faut mettre un gilet pare-balles. Et je ne l’ai vraiment compris que plus tard. J’ai été traité
de petit cardiologue de province, que je ne savais pas ce qu’était un CHU et que je n’avais
jamais pris une garde en soins intensifs. Jacques pourra confirmer que ce n’est pas vrai !
En effet, Irène m’envoie son livre et je tombe un peu des nues, car je suis rapporteur spécial
de la mission santé au parlement. Qu’est ce que la mission santé ? Elle concerne le budget
de l’État consacré à la santé, particulièrement les programmes de prévention, (qui sont
translatés ensuite vers l’assurance-maladie), et le fonctionnement de tous les organismes de
santé publique et notamment les agences.
Chaque année, je reçois des données pour publier un rapport. J’avais surtout travaillé avec
l’AFSSET et l’AFSSA car j’ai suivi un problème sur le bisphénol dans les biberons. J’avais
commencé à regarder quels étaient les conflits d’intérêt dans le domaine de l’industrie
chimique (et ici plus précisément du plastique). Je recevais également la direction de l’Afssaps qui m’expliquait chaque année que l’agence travaillait très bien, et qui me fournissait
un très beau rapport chaque année.
Ils me disaient aussi qu’ils avaient des problèmes budgétaires et qu’il fallait que je les aide,
ce que j’essayais de faire notamment. C’est quand même une entreprise de 1 000 salariés
pour traiter les produits de santé mais également la cosmétologie
Aussi, je suis stupéfait de lire cette interview d’Irène Frachon. Puis je lis son livre, puis la
thèse de Flore Michelet, et j’écris ensuite une tribune dans Le Monde. La presse a commencé
Cycle : Ces industries qui gouvernent le monde
511
512
là à jouer un rôle capital. Quand on n’a pas un grand nom, qu’on n’est pas chef de parti,
ou qu’on ne s’appelle pas Bernard Henri Lévy qui peut avoir tout de suite tribune ouverte,
c’est difficile de faire passer une idée. Avec Le Monde, j’avais travaillé sur le bisphénol, et
concernant ma chronique, ils me disent : « ce n’est pas un sujet grand public, on va la publier
sur LeMonde.fr. Le site est très lu, on a beaucoup de visiteurs ». Mais personne ne me parle
plus de cette tribune que j’avais intitulée par provocation, « Combien de morts ? ». Sauf que,
quelqu’un à l’Afssaps l’a lu, et a eu le mauvais réflexe (de leur point de vue, car il s’est fait
réprimander par la suite) de demander à la CNAM une étude de mortalité pour infirmer mes
propos. Il ne croyait pas à ce que je disais, et jusqu’au bout il n’y a pas cru !
Pour revenir aux conflits d’intérêt, je peux vous parler des miens. Car j’ai des scrupules et
que je me méfie dans le climat actuel où il faut se blinder. J’ai une plainte en diffamation.
Il y a autre chose en ce moment sur le net, si vous allez voir vous tomberez immanquablement dessus : un mail apocryphe, signé de mon nom, dit que le frère du Président de la
république serait président d’une filiale de Servier. Je n’ai pas signé ce mail, et c’est un
faux. C’est quelque chose qui circule par provocation, et qui essaie de m’atteindre. Les
conflits d’intérêt, j’en ai eu. Quand j’étais dans les hôpitaux, j’ai posé des pacemakers, et à
deux reprises j’ai été à l’étranger visiter des usines qui fabriquent des pacemakers. Et puis,
en tant que député, je participe parfois à des colloques, des déjeuners débats, qui peuvent
être sponsorisés par l’industrie. L’an dernier, au Club Hippocrate, (le Cercle Hippocrate
c’est Servier à Neuilly, cela n’a rien à voir avec le Club Hippocrate), et c’est là-dessus que
circulent beaucoup de mails, le professeur J-P. Moatti, grand spécialiste de la santé publique
en Afrique et grand chercheur sur le SIDA, est venu exposer les problèmes de santé dans les
pays en voie de développement. Il était sponsorisé par la petite entreprise de communication qui organisait l’exposé (et j’ai découvert ensuite que c’était un élu UMP par ailleurs),
elle-même sponsorisée par GSK (laboratoire pharmaceutique GlaxoSmithKline) laboratoire avec qui j’avais eu maille à partir à propos de la grippe, car ils avaient produit des
vaccins. Et maintenant partout circule que je suis financé par l’industrie pharmaceutique !
En tant que Député, je dois faire doublement attention. Catherine Lemorton le sait mieux
que moi car elle est vaccinée, mais il faut être très prudent !
Je voudrais parler aujourd’hui des missions parlementaires. Un travail a déjà été fait pour
l’essentiel par l’Inspection Générale des Affaires Sociales (l‘IGAS), qui a démonté beaucoup de choses mais qui n’a pu travailler que sur les agences et les administrations d’État.
Ensuite on a un travail parlementaire préexistant. Le sénateur François Autain, après l’histoire du VIOXX, a produit un rapport qui était plutôt sur l’expertise. Catherine Lemorton,
dès qu’elle a été députée, a produit un rapport sur la chaîne du médicament dans lequel
nous puisons des propositions d’amendements de lois qui sont régulièrement rejetées ces
dernières années par la majorité au gouvernement
Mais si on peut dire qu’il y a un avant et un après Médiator, (cf. proposition du ministre de
la santé de fin juin 2011), je ne pense pas que c’est gagné, il ne faut pas être trop optimiste,
parce que les laboratoires pharmaceutiques ont la puissance de l’argent, une puissance tentaculaire. Ils ont en plus pour eux une espèce de culture qu’ils diffusent partout et qui a
fait que, ces dernières années, les lanceurs d’alerte ont été stigmatisés, et découragés J’en
connais au moins deux, qui sont en dépression et qui deviennent un peu vindicatifs, et
deviennent ainsi sujets à des critiques telles que « Voyez, ils sont vraiment barjots » mais
c’est parce qu’on les a écartés et brisés professionnellement et psychologiquement. Heureusement Irène Frachon a gardé son tonus, son obstination pour faire sortir cette affaire
qui aurait pu ne pas exister. En Belgique, en 1977, les Belges voyant arriver l’équivalent
du Médiator dans leur pays, se disent « c’est curieux, cette molécule ressemble beaucoup
Irène Frachon, Gérard Bapt : Le long combat contre le Médiator
à celle avec laquelle ont a des ennuis, les amphétamines, les fenfluramines. Les études ne
montrent pas trop son intérêt, et les Belges ne retiennent pas cette molécule comme médicament. En 1997, c’est la Suisse qui retire le produit de leur marché, en 2003 l’Espagne
pose des questions, et Servier retire le produit du marché espagnol, ce qui évite Servier de
se voir sanctionné. Quand un laboratoire retire un produit de lui-même, c’est une histoire
terminée. Si Servier avait retiré son médicament en 2007, quand on a commencé à parler
des premiers cas, on n’en serait pas à ce constat hallucinant du système de contrôle sanitaire
tel qu’il fonctionnait ces dernières années.
Bien entendu, il y a la responsabilité politique. L’affaire du sang contaminé avait fait accuser des politiques et parfois cruellement et injustement. Pour tirer les leçons du sang contaminé on a mis en place les agences sanitaires qui constituaient un système de sécurité sanitaire qui satisfaisait certains. Les ministres successifs s’en sont contentés, faisant confiance
à ce système. Et on découvre aujourd’hui que ce système est délabré, complètement poreux
vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique.
Et tout cela n’est pas fini, parce que le Laboratoire Servier n’est pas seulement présent à
l’Afssaps. Le Trésorier de la Société française de pharmacologie, Monsieur Schiavi, est lié
à Servier et lors d’un conseil d’administration, dernièrement, a présenté sa démission, que
le conseil d’administration a refusée. Je me suis renseigné et j’ai appris que les membres
du conseil d’administration avaient besoin du financement de Servier pour les bourses de
leurs étudiants. Les réunions de la Société de pharmacologie, (sauf dans 2 régions, dont
Toulouse, grâce au professeur Montastruc) sont organisées par le Laboratoire Servier. Elles
se passent dans de riches demeures et de nombreux étudiants, futurs pharmacologues ou
futurs toxicologues, y sont invitées, informés, et subventionnés par eux…
Dans la recherche, le président de Medicen (Pôle de compétitivité des technologies innovantes pour la santé et les nouvelles thérapies en Île de France, c’est-à-dire La moitié de la
recherche française en bio-santé), et deux présidents de commissions en bio santé sont des
gens de Servier. Le conseil de surveillance de l’AP-HP (Assistance publique - Hôpitaux
de Paris) avait pour Président Jean-Marie Le Guen, adjoint de Bertrand Delanoë. Chargé
de la santé publique et des relations avec l’AP-HP, il s’est battu contre des gens de Servier
et a perdu la présidence. Le Doyen de la faculté de pharmacie de Paris a été élu grâce aux
personnalités qualifiées (dont à l’époque Monsieur Servier lui-même) contre un professeur
que j’ai rencontré récemment, qui est parti et qui dénonce aujourd’hui le système. Ce sont
des pieuvres avec des réminiscences partout. Et le Laboratoire Servier a été épinglé en 1999
au sujet de ses méthodes de recrutement, comme l’a révélé le Canard enchaîné, pour avoir
constitué une équipe de barbouzes, des anciens des services secrets chargés des enquêtes de
personnalité très poussées. L’objectif : écarter les candidats « de gauche », « syndiqués »,
ou « contestataires ». Il n’y avait pas de noirs, pas de gens de gauche, pas de syndicalistes,
pas de juifs, pas de ceci, pas de cela… et il subventionnait le Front National. Ce laboratoire
recrutait comme agents de sécurité des anciens de la DST et de la DGSE. D’après le livre
d’Éric Giacometti (Santé publique en otage, les scandales du vaccin contre l’hépatite B),
ce laboratoire a les trois-quarts de son effectif à l’étranger, où ses établissements servent
de base à la DGSE car c’est une des rares entreprises franco-française où cela est possible.
Vous comprenez qu’il faut être solide quand on s’attaque à un Laboratoire comme cela.
Le combat n’est pas gagné. Et on aura encore besoin d’Irène Frachon, qui elle n’est pas
suspecte d’avoir des vues partisanes et des conflits d’intérêt (même si elle a quand même
des liens d’intérêt avec des industries, car les chercheurs sont bien obligés de travailler
avec l’industrie.) On va continuer à travailler également avec Jean-Jacques Mirassou, qui
appartient à la commission d’information du Sénat sur le Médiator depuis janvier 2010
Cycle : Ces industries qui gouvernent le monde
513
et qui est sénateur socialiste de la Haute-Garonne (et n’a pas pu venir aujourd’hui). Nous
veillerons à ce que les bonnes intentions de l’actuel Ministre de la santé Xavier Bertrand
(qui tranchent avec celles de son prédécesseur qui était autiste et qui a prétendu n’avoir
jamais reçu les copies des courriers que j’avais envoyés pendant tout l’été et tout l’automne
au directeur Général de l’Afssaps) se concrétisent, il ne faudrait pas que ce soit un camouflage à la veille des élections présidentielles (pour protéger un certain Maître Sarkozy, qui
avait travaillé pour M. Servier quand il a fallu transformer la société Servier en fondation
de droit Néerlandais, ce qui fait que ce laboratoire est complètement opaque et paie très
peu d’impôts. Cela permet de faire des dépenses de marketing et de lobbying fantastiques
et n’a pas empêché que N. Sarkozy, devenu Président de la République, remette en 2009 la
Grande Croix de la Légion d’honneur à M. Servier.
Débat
514
Un participant - Je suis médecin depuis 34 ans et je vous remercie d’avoir apporté cette
parole très importante. Depuis 34 ans je n’ai jamais prescrit de Médiator et j’ai toujours
refusé de le prescrire. Pourquoi ? Parce que je me suis inscrit en 1977 au Syndicat de Médecine Générale. J’ai apporté 3 numéros de la revue Pratique que j’ai retrouvés chez moi, et
ils parlaient déjà des laboratoires Servier pour le Médiator et le Pondéral (qui est un fenfluramine) : un médecin de Colmar avait porté plainte pour publicité mensongère et le SMG
l’avait appuyé… et le SMG avait perdu son procès. Cette revue a donné naissance ensuite à
la revue Prescrire et je suis toujours resté abonné à Prescrire. Nous avons aussi à Toulouse
la chance d’avoir un service de pharmacovigilance qui est essentiel
Le professeur Montastruc nous a donné de très bons conseils pendant nos études et nous en
avons gardé un esprit critique très utile. Mais, hélas, il y a eu quand même des médecins qui
ont prescrit le Médiator, même en étant abonnés à la revue Prescrire.
Ce que m’a appris cet événement et que je veux répéter à tous les confrères, c’est que le
médecin qui prescrit reste responsable de son ordonnance, même quand il reconduit une
ordonnance faite pas un CHU. C’est pourquoi je refuse certains médicaments déconseillés
par Prescrire. J’étais donc bien prévenu sur les produits des laboratoires Servier. C’est un
laboratoire entièrement français (il y a également Boiron dans le même cas et ils ont été
soutenus par les différents gouvernements). En 1977 la revue Pratique a décidé de décerner
le prix Nobel de la supercherie scientifique aux laboratoires Servier.
Et en 1989, (Gérard Bapt l’a rappelé), le Canard enchaîné a révélé les méthodes de recrutement les laboratoires Servier et de ses visiteurs médicaux. Les visiteurs médicaux, certains
confrères ne les reçoivent pas, moi je les reçois et je ne parle pas médicament avec eux,
je leur parle de leurs méthodes. Avec eux, on peut voir l’importance de la manipulation
visuelle avec des supports documentaires. Pour ceux qui ne sont pas spécialistes, je vais
expliquer
Irène Frachon, Gérard Bapt : Le long combat contre le Médiator
Ce qui est primordial pour un médicament, c’est son effet à long terme, sa morbidité éventuelle, et les complications à prévoir. Mais tous les documents Servier sont basés sur des
critères intermédiaires. Ce sont des chiffres, et moi je ne soigne pas des chiffres, mais des
patients. Je vais donner un exemple, l’hypertension artérielle. On peut donner un médicament qui va faire baisser la tension, mais si à la fin les problèmes sont les même alors le médicament est inefficace. C’est comme les statines (qui sont énormément prescrits au CHU
par tous les cardiologues - peut-être pas tous mais beaucoup -), qui devrait faire baisser le
taux de cholestérol, mais au final elle n’a aucun effet sur le taux de mortalité et pourtant
elle est en tête des ventes.
Le Médiator a été vu dès le départ comme un médicament qui faisait baisser les triglycérides. Le diabète des personnes âgées (pas celui des jeunes personnes) se traduit par une
augmentation des triglycérides car les gens mangent beaucoup, et les triglycérides aident
au passage du sucre dans le sang et on a vu les recommandations du Médiator glisser vers
le terme adjuvant du diabète
Autre exemple de glissement des prescriptions : actuellement, il y a des médicaments pour
l’arthrose comme la piasclédine. Il y a 34 ans c’était prescrit par les dentistes pour des problèmes de fragilité des gencives, et il est devenu aujourd’hui médicament contre l’arthrose.
Espérons que ce n’est pas trop dangereux (c’est à base d’avocat donc probablement moins
dangereux que le Médiator). Donc on voit souvent un glissement de l’indication du médicament en fonction du marché. Les conflits d’intérêt interviennent de plus en plus. Pour nous,
médecins praticiens, on a de la formation continue qui n’est pas quand même financée à
100 % par les laboratoires, car on a des associations indépendantes. Je voudrais finir en disant quelque chose de très important : je pense qu’il y a une corruption passive d’une « forte
minorité » de médecins par rapport aux laboratoires, c’est-à-dire les acceptations de voyage
etc. Mais les laboratoires savent à qui s’adresser, car à moi, ils ne m’ont jamais offert un
voyage aux Seychelles ou en Andalousie ou ailleurs. Il y a également une corruption active.
En échange, les laboratoires font des cadeaux, à une époque ils ont été jusqu’à offrir des
trains de pneus. Il faut absolument dénoncer cette corruption ainsi que les conflits d’intérêt.
Les visites médicales sont un processus de marketing qu’il faut supprimer. Pour l’instant,
moi je les reçois pour qu’ils ne soient pas au chômage et je leur dis, venez on va prendre un
café et on va parler d’autre chose que votre médicament.
Une participante - Une question de néophyte. Vous avez dit qu’après 1 an d’arrêt de Médiator, il n’y a plus de risque (Irène Frachon - Oui, c’est tout à fait vrai. Si l’échographie
cardiaque est normale, il n’y aura pas d’apparition de valvulopathie).
La participante - Mais qu’est-ce qui permet d’en être sûr ? N’y a-t-il pas dégradation ultérieure ?
Irène Frachon - Cela a été étudié avec l’Isoméride aux États-Unis, et l’extension peut être
faite pour le Médiator. Je vais vous raconter une petite histoire extraordinaire. J’ai cherché
à savoir si l’Isoméride qu’avaient pris les gens sous Médiator pouvait être responsable des
valvulopathies qu’on observait en 2007, 2008, 2009 et si cela parasitait l’analyse de ces
valvulopathies. Je voulais savoir s’il pouvait y avoir apparition des valvulopathies longtemps après l’arrêt du médicament. J’ai donc vu que les études américaines ne pointent pas
ce risque-là. Mais j’ai trouvé une observation isolée à Lyon. Une valvulopathie très grave
d’une personne jeune, qui a été opérée en 2006 car elle avait consommé de l’Isoméride
Cycle : Ces industries qui gouvernent le monde
515
avant 1997 et c’était considéré comme une valvulopathie d’apparition tardive. Je vois la
photo de la valve et je me dis : ça, c’est dû au Médiator. J’ai appelé le chirurgien de Lyon
pour évoquer mes doutes et je lui ai demandé d’appeler cette dame. Il n’a pas réussi à la
joindre pour lui demander si elle avait pris du Mediator et je suis restée sans réponse. Le
temps passe, mon livre sort, fait du bruit et beaucoup de gens cherchent à me contacter. Il y
a entre autres, une dame de Lyon qui cherche à me parler. Je lui parle et au bout de quelques
secondes je lui dis que je la cherche depuis 2 ans et elle me confirme qu’elle a consommé
énormément de Médiator.
Une participante - Comment se fait-il qu’on donne une AMM à un médicament dont l’efficacité est douteuse, La sécurité sociale est en déficit et Servier reçoit des sommes colossales
avec son médicament. Qui va payer les soins des nouveaux malades ?
Irène Frachon - Les conditions à remplir pour une AMM actuellement ne sont plus du tout
celles de l’époque de la sortie du Médiator. A l’époque, il suffisait de montrer une petite
étude sur des rats et cela faisait l’affaire.
Actuellement, c’est beaucoup plus sérieux, avec des critères très exigeants. Mais il manque
quand même des inspections pour savoir comment sont faites les études cliniques. Qui analyse les résultats ? Il y a une nouvelle étude Servier sur laquelle je m’interroge beaucoup. Il
faudrait des contrôles similaires à ce que font les Américains. On a l’exemple du Vioxx où
les essais ont été truqués, montrant la difficulté des vérifications
Votre deuxième question porte sur le coût. Effectivement quelqu’un m’a fait remarquer
que ces échographies cardiaques coûtaient très cher (94 euros l’échographie), mais face à
1 an de Médiator qui coûte 160 euros, c’est relatif. La CNAM pense qu’on peut assumer le
coût des échographies de contrôle des personnes ayant pris du Médiator et va se retourner
vers le laboratoire pour la facture. La CNAM a donc porté plainte et va suivre toutes les
procédures nécessaires.
516
Une participante - Je voudrais vous remercier. J’ai décidé de me battre contre les Laboratoires Servier et votre livre va m’y aider. Donc ce laboratoire est un bandit qui a joué avec
notre santé. Je voudrais dire que, même si il y a beaucoup de médecins ici, moi je ne suis
que victime, les médecins ont prescrit ce médicament. Moi je suis un peu médiatisée avec
ce procès, et j’ai rencontré beaucoup de personnes qui ont pu me dire que les médecins qui
se sont occupées d’elles, et leur avaient prescrit le Médiator, ont refusé de les rencontrer
ensuite et même leur ont claqué la porte au nez. Ensuite il y a d’autres questions, toutes
ces femmes « grosses » car ce sont des femmes grosses qui ont pris le Médiator, « ce sont
des femmes qui n’ont pas beaucoup de volonté ». Moi on me l’a prescrit en me disant
que c’était un anti-lipidique. J’ai même posé la question à un médecin endocrinologue,
de savoir s’il y avait un lien avec l’Isoméride. J’ai été signalée à la pharmacovigilance Je
viens d’apprendre que M. Montastruc fait partie de cette structure. Jamais personne ne m’a
interrogé sur mon cas. Je renvoie donc chacun à sa responsabilité individuelle. Je me suis
fait traiter d’idiote par un cardiologue quand j’ai posé la question sur le pourquoi de ma
valvulopathies de grade 2. On a beau être grosse et ne pas avoir fait des études médicales,
on pourrait nous considérer comme des êtres humains.
Professeur Montastruc (intervention non relue par l’intervenant) - Je réponds à cette question que l’on m’a posée personnellement. On a eu la chance (ou la malchance pour la
patiente), d’avoir le premier cas de valvulopathie en France à Toulouse, patiente qui a été
opérée suite à la prise de Médiator. L’auditrice qui est ici a déclaré son cas à l’Afssaps tout
Irène Frachon, Gérard Bapt : Le long combat contre le Médiator
comme 4 autres personnes. Mais l’Afssaps n’a pas répondu. On a été des lanceurs d’alerte
mal écoutés et malheureusement cela continue pour d’autres médicaments dont on pourra
parler tout à l’heure.
Pour vous répondre madame, on compatit beaucoup à votre maladie. Mais les intervenants
de la pharmacovigilance ne se substituent pas au médecin traitant. Notre interlocuteur, c’est
le médecin qui vous a soigné, on parle de votre cas avec lui si besoin, mais je ne peux pas
avoir votre nom, ni votre numéro de téléphone, car les patients sont anonymes. Mais dans
l’exemple de la patiente opérée dont je vous ai parlé, c’est elle qui m’a appelé et je l’ai
reçue, je le fais volontiers, mais sans nom de malade, je ne peux rien faire. Je ne peux pas
contacter des personnes référencées par un code pour le respect de leur identité, je ne peux
que parler à leur médecin.
Je suis prêt à vous recevoir et parler avec vous. Mon rôle n’est pas de jouer le rôle de votre
médecin, mais de l’informer, et lancer des alertes sur les produits dangereux. Dans l’affaire
du Médiator, il y a un très grand silence de l’ensemble des médecins prescripteurs, diabétologues, obésiologues etc.
Irène Frachon - Il y a parfois de l’hostilité de la part des prescripteurs
Professeur Montastruc (intervention non relue par l’intervenant) - J’ai effectivement
connu cela avec l’Isoméride. J’ai évoqué mon doute sur l’Isoméride auprès d’obésiologues
et je leur ai proposé de venir leur en parler. Ils ne m’ont jamais recontacté.
Madame, je vous rencontrerai avec plaisir.
La participante - Mon médecin m’a pourtant bien dit : « j’ai signalé votre cas à la pharmacovigilance, ils vous appelleront »
Professeur Montastruc (intervention non relue par l’intervenant) - Non, ce n’est pas dans
le rôle de l’agence de pharmacovigilance de téléphoner au patient
Un participant - Il y aura certainement un avant et un après Médiator. Sans doute que le
Médiator a dévoilé les conflits d’intérêt. Il y a un rapport qui conduira peut-être à une loi.
Pourtant moi je suis très pessimiste, parce qu’on nous dit qu’il faut déclarer les conflits
d’intérêt qu’ont des personnes travaillant sur un sujet donné. En gros, quelles sont les personnes qui sont financées par l’industrie pharmaceutique. Ca c’est ce qu’on voit côté cour.
Mais côté jardin qu’est-ce qui se passe ?
On a des laboratoires publics de recherche qui ont des crédits en baisse. Au CNRS, les
crédits de base qui font tourner les laboratoires au quotidien ont baissé de 12 %. Le pouvoir politique actuel dit « Vous devez aller chercher l’argent ailleurs ». A un point tel que
N. Sarkozy, fin 2009, a réuni les grandes entreprises pharmaceutiques et leur a dit : « Il
va falloir beaucoup plus renforcer vos partenariats avec les laboratoires publics ». Cela a
donné lieu a des communiqués triomphants sur le fait que tel laboratoire allait donner tant
d’argent pour la recherche. En même temps, certains groupes, comme Sanofi, licencient
300 chercheurs et font 8 milliards de bénéfices. En conclusion, les laboratoires publics ont
de moins en moins d’argent de l’État, ils se font financer par des entreprises privées et ils
se trouvent en situation de dépendance. Et ce n’est pas forcément individuellement que des
gens vont recevoir de l’argent, ce n’est pas forcément un chercheur qui va être payé par un
laboratoire pharmaceutique, mais il va y avoir des subventions pour des post-doctorants,
des bourses pour des étudiants chercheurs Et on a besoin d’eux pour faire avancer le laboratoire et ses recherches
Cycle : Ces industries qui gouvernent le monde
517
Mais il y a encore pire. Il y a un an, le gouvernement a fait passer l’idée d’intéressement des
fonctionnaires. Cela veut dire que, quand le laboratoire de recherche aura gagné un contrat
où un chercheur a joué un rôle dans le gain du contrat, ce chercheur va pouvoir en prendre
une petite partie en rémunération. Exemple, vous êtes dans un laboratoire public, et vous
venez de gagner un contrat avec un industriel. Celui-ci ne sera pas obligé de vous payer directement, mais il va payer votre laboratoire, et vous aurez droit à en prélever une partie. On
ne pourra plus identifier le conflit d’intérêt. Pendant qu’il y a un grand discours expliquant
qu’il faut mettre de la transparence dans le système, on l’opacifie par un autre moyen et on
maintient des liens de dépendance qui sont très dangereux. Ce que je crains, c’est qu’on se
retrouve dans une situation telle que l’ont connue les USA pendant des années. En 2004, il
y a eu une grave crise au sein des National Institute of Health (NIH) qui sont l’équivalent
de notre INSERM (Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale) parce que
des grands pontes de la médecine américaine ont été pris en flagrant délit de ne pas publier
des résultats qui étaient au détriment des laboratoires avec lesquels ils avaient des relations.
En conséquence les NIH ont décidé de couper court à ces pratiques parce que c’était particulièrement dangereux. Nous, on est en train de faire l’inverse. Heureusement qu’il y a
eu des combats très importants comme celui mené par Irène Frachon, et il va y en avoir
encore plus, parce qu’on est en train d’exploser les situations de conflit d’intérêt qui sont
à l’origine des problèmes comme celui du Médiator. A la question « Y aura-t-il un après
Médiator ? » je réponds que cela dépendra de la mobilisation citoyenne. Il ne faudra pas se
contenter de voir comment fonctionne telle ou telle agence, mais s’interroger sur comment
fonctionne tout le secteur public.
Je connais bien le sujet car je m’occupe, au sein du parti socialiste, des questions de la recherche et de l’enseignement. Mon combat n’est pas un combat corporatiste, mais une nécessité citoyenne qui exige l’indépendance de la recherche face aux intérêts privés, car sinon, des
Médiator, on en aura beaucoup, et combien de morts, je n’en sais rien, mais sans doute trop.
Irène Frachon - Je vais donner un exemple de ce que vous venez de dire. Un chercheur (qui
est nommé dans mon livre, épidémiologiste, dont le laboratoire dépend du financement de
Servier de façon très importante), était le consultant de Servier pour contredire nos études
présentées le 29 septembre 2009, ce qui revenait à défendre la poursuite de la commercialisation du Médiator. C’est un grand responsable de la recherche publique.
518
Un participant - J’ai une question sur le rôle des politiques dans cette affaire de Médiator.
On n’a pas évoqué le fait qu’en novembre 1999 c’est-à-dire 10 ans avant le retrait, la commission de transparence a rendu un avis sur le service médical rendu de ce médicament,
disant que son efficacité était insuffisante pour sa prise en charge et son remboursement
pas la Sécurité Sociale. C’était Mme Dominique Gillot qui était secrétaire d’état à la santé
auprès du ministre des affaires sociales qui était Mme Aubry (1999 Gouvernement Jospin).
Pourquoi, les politiques n’ont-ils pas pris la décision du retrait à ce moment-là ? On peut
dire la même chose en 2006 quand l’Afssaps a rédigé discrètement un avis sur le service
rendu du Médiator. Ils ont dit qu’il y avait nouvelle étude en cours et qu’il ne fallait pas se
prononcer avant la fin de l’étude. C’est le ministre actuel des affaires sociales, il était déjà
à ce poste en 2006 et il doit aujourd’hui gérer l’affaire Médiator.
Gérard Bapt - Concernant la responsabilité politique : en 1998, Martine Aubry demande
que soit fait un bilan sur tous les médicaments soupçonnés d’avoir un service rendu médical insuffisant. Il en ressort 812 produits. Certains vont avoir un déremboursement, pas
complet parfois car certains patients prennent ce médicament pour un confort réel ressenti.
Irène Frachon, Gérard Bapt : Le long combat contre le Médiator
D’autres produits vont subir une baisse de prix. A ce moment-là, ne se pose absolument pas
le problème du risque, ni au niveau du gouvernement ni au niveau des instances sanitaires
ministérielles.
On est en train de réfléchir pour comprendre pourquoi ? Un risque était déjà pointé, dans
certaines commissions, et même dans certaines assurances maladie, et il n’a jamais été pris
en considération.
Donc il y a eu à cette époque, une vague de déréglementation et de baisse de prix. Le Médiator a subi une diminution de prix de 10 %, puis une autre diminution de 10 % et le ministre suivant (M. Jean-François Mattei) voulait poursuivre cette diminution sur 3 ans. Mais
le Laboratoire Servier a fait appel, il a gagné et plus personne ne s’est occupé de ce sujet.
Pourquoi l’alarme qui concernait le mésusage (c’est-à-dire l’utilisation pour un autre usage,
anorexigène ou coupe-faim, que celui prévu au départ), n’est pas apparue ? On essaie de
comprendre cela aujourd’hui. Au niveau de l’Europe également il y a des choses inexplicables, comme des documents qui ont disparu. Nous ne sommes pas des juges, ni des
procureurs, donc on ne peut pas faire grand-chose. Seule la justice peut enquêter, ou la
gendarmerie, pour aller demander tous les comptes du Laboratoire Servier pour savoir qui
a profité de quoi. Seuls les juges peuvent faire une enquête de patrimoine pour savoir si tel
professeur a vu son patrimoine évoluer pendant une période donnée
Pour l’épisode 2006, c’est plus grave, car en plus de l’évaluation du service rendu montrant
l’insuffisance, il y a une note qui pointe le risque. Ces documents sont envoyés à la commission d’autorisation de mise sur le marché. Et la question se noie, en attendant, toujours, la
fameuse étude dont Irène Frachon parlait et qui évoquait le besoin d’échographies. L’étude
avec les échographies n’arrive qu’en 2009.
On n’a donc aucun élément de la direction générale de la santé, ou des hôpitaux, ou de
la direction de la Sécurité Sociale, montrant que quiconque qui aurait eu un doute, a fait
remonter ce risque au niveau politique. Voilà pourquoi, les petit(e)s lanceurs d’alerte ne
doivent pas rester dans leur petit coin à Brest.
Et il faut protéger les lanceurs d’alerte !
Un participant - Madame, j’espère que votre indignation sera contagieuse car elle montre
une révolte contre des procédés inacceptables. (Irène Frachon - C’est ce qui se passe, mon
indignation a été contagieuse. Le participant - Non pas trop. Irène Frachon - Si, pendant des
mois ça a été le cas) Le participant - En vous entendant on voit qu’il y a un vrai problème
d’information du milieu médical. Alors, est-ce qu’on travaille sur la question de cette information, afin que les médecins soient vigilants, alertés ?
Une deuxième question : Est-ce que le Médiator, pourrait être prescrit dans un autre pays
que la France, là où il y a un problème d’obésité
Irène Frachon - Je vais passer la parole à une amie pharmacovigilante car sa profession est
très active dans ce domaine.
La personne pharmacovigilante - Je n’ai pas la réponse à la question posée comme telle. On
présente le Médiator comme un médicament français car c’est un laboratoire français qui le
produit. Mais les conséquences vont au-delà de la France et même au-delà de l’Europe. Par
exemple, le retrait du médicament à Singapour, c’était en avril 2010, 5 mois après le retrait
français et toutes les indications thérapeutiques étaient conservés jusqu’au bout, alors que
l’indication sur les triglycérides a été retirée en 2007 en France. Cela veut dire que l’information n’est pas passée
Cycle : Ces industries qui gouvernent le monde
519
Mais c’était aussi Servier qui commercialisait à Singapour. Il faut aller voir sur le site internet du ministère de Singapour où le retrait a été annoncé en avril 2010. On parle beaucoup
des morts en France et cela pose problème en France, mais sur le plan déontologique il
faut parler des morts dans les autres pays car il doit y avoir des cas de valvulopathies dans
d’autres pays. (I Frachon : la revue Prescrire va peut-être écrire un article là-dessus)
Puisque j’ai le micro, je vais parler aussi d’un autre médicament qui ne tue pas comme le
Médiator. C’est le ketoprofène, qui a été retiré du marché en décembre 2009 (1 mois après
le médiator en France) et qui est revenu sur le marché en janvier 2010 après l’intervention
du Conseil d’État. Monsieur le député, est-ce que vous comptez interroger les gens du
Conseil d’État au sujet de leur conflit d’intérêt ? Une première réaction par rapport aux auditions de Monsieur Servier (que vous aviez en huis clos hier) est qu’apparemment tous les
députés étaient dégoûtés parce que Monsieur Servier ne veut rien reconnaître. Aujourd’hui
je vous ai suivi un peu dans votre débat On a l’impression que Monsieur Sarkozy va lâcher
Monsieur Servier. Mais je pense que si Monsieur Servier se comporte de cette manière,
c’est qu’il a toutes les assurances et le soutien qu’il faut pour ne pas lâcher. Il ne faut pas
oublier que Monsieur Servier a été décoré par François Mitterrand et par Nicolas Sarkozy
Un participant - Sur la question de la formation, il y a tous les moyens pour s’informer
sans les visiteurs médicaux. J’ai signalé à la commission parlementaire en début de semaine
qu’il fallait légiférer sur la profession des visiteurs médicaux car ils donnent une mauvaise
information, une information qui n’est pas fiable. On sait très bien que les médecins qui
suivent les recommandations des visiteurs médicaux sont ceux qui prescrivent le plus mal,
et cela a été très largement étudié. Ensuite il y a des formations indépendantes qui existent,
par exemple avec la revue Prescrire, et également avec les centres de pharmacovigilance,
on fait des formations qui n’ont pas forcement beaucoup de succès, mais elles sont indépendantes. Donc, on peut parfaitement se former sans les visiteurs médicaux, cela a été étudié
et démontré. Les médecins peuvent aussi se regrouper pour s’auto-former en se méfiant de
professeurs de faculté qui pourraient donner une information biaisée.
520
Catherine Lemorton (non relu par l’intervenante) - Il y a quelque chose qu’il faut toujours
avoir en tête, on n’en a pas encore parlé, c’est la balance bénéfice-risque d’une molécule et
cela rejoint la question internationale. Un même médicament n’est pas perçu de la même
manière selon le pays où il est distribué. Dans un pays comme la France, où globalement le
niveau de soins est correct et l’espérance de vie correcte, on voudrait le risque zéro pour un
médicament. Je peux prendre un exemple que je connais bien, c’est celui du vaccin contre
l’hépatite B. Aujourd’hui en France, il y a un doute, on ne sait pas répondre à la question,
est-ce que cela provoque des scléroses en plaques ? Par contre quand on distribue le vaccin
dans un pays comme l’Éthiopie, qui est frappé par de nombreuses causes de mortalité, eux,
ils acceptent le risque de la sclérose en plaque même si le risque est haut, car la balance
bénéfice-risque est toujours en faveur du vaccin, car il y a tellement d’autres causes de
décès dont celle de l’hépatite B elle-même. Donc la balance bénéfice-risque ne conduit pas
au même résultat selon le pays
Un participant - Je suis le Docteur Giron, et je confirme d’abord que Gérard Bapt a fait
des gardes avec moi, c’est vrai.
Par ailleurs, il y a plein de choses qui sont dites ce soir, par exemple par « Sauvons la
Recherche », mais il y a un autre aspect que je veux citer. On est en ce moment en France
Irène Frachon, Gérard Bapt : Le long combat contre le Médiator
confronté à une difficulté de l’accès aux soins, des gens qui ne se soignent pas car il y a des
restrictions aux soins qui sont massives et le gouvernement fait ce qu’il faut pour. Il faut
continuer le combat tous ensemble pour cet accès aux soins.
Pour en revenir à la question de ce soir, je vais choquer mais je pose la question de la façon
suivante : après la mise sur le marché, il faudrait un contrôle indépendant, il faudrait plus
de formations indépendantes. Mais le problème de fond, c’est que la vente de médicaments
rapporte des sommes colossales. Le retour sur investissement est de l’ordre de 18 à 20 %.
C’est presque aussi rémunérateur que les cartels de la drogue. Ces gens sont très puissants.
Pfizer aux États-Unis a aidé Bush. D’autres ont aidé les élections en France pour certains
noms connus. Servier est quasiment au Front National. Comment faire par rapport à ces
gens-là ? Quand il y a 20 à 25 % de dépenses qui sont sur la force de frappe pour la vente,
comment faire pour que les personnels, qui sont par ailleurs des médecins, soient différents
et ne soient pas un prétexte. Ils ont un argument imparable, la recherche est tellement chère,
qu’il faut que le médicament soit très cher. Mais les dépenses sont plus élevées en diffusion
et en représentants qu’en recherche. Le débat sur la recherche est le débat des brevets. La
fabrication du médicament coûte peu au niveau de la production. On pourrait résoudre ce
dilemme en nationalisant l’industrie pharmaceutique. Le vrai problème n’est pas la production qui ne coûte pas cher, c’est le brevet. Et il y a tout un débat à mener sur les brevets
touchant aux questions de santé publique. Les brevets qui maintiennent le droit de pouvoir
exploiter un médicament jusqu’à la corde, puis en sortant la forme L du médicament, on
continue à faire fortune, puis encore avec le générique etc.., c’est ça le problème. Est-ce
que les brevets ne pourraient pas être propriété collective et bien communs. Cela semble
un peu radical dans une société comme la nôtre, mais c’est le débat que je souhaite susciter
Irène Frachon- Un communiqué d’ATTAC a été très récemment publié qui va un peu dans
le sens de ce que vous dites (voir le site Internet Le Monde.fr par Jean-Claude Salomon le
03/03/2011)
Une participante - J’ai pris du Médiator pendant 17 ans, diabétique type 2. Une échographie montre que j’ai la valve de l’aorte qui a épaissi et une fuite dans la valve mitrale. Est-ce
qu’à ce stade, je vais continuer à avoir des problèmes ?
J’ai aussi d’autres problèmes pour lesquels je prends d’autres médicaments et il y des périodes où j’arrête tout car j’ai trop peur
Irène Frachon - Oui je comprends et il y a pas mal de personne dans votre cas. Ce n’est pas
facile de passer de la confiance aveugle à la confiance éclairée.
Pour les petites valvulopathies qui n’ont pas de conséquences sur le fonctionnement du
cœur, on a le retour d’expérience des États-Unis avec l’Isoméride et on peut espérer que
cela reste à ce stade ou même que cela régresse. Vous pouvez être rassurée si les fuites sont
petites. Il faudra le surveiller avec votre cardiologue. Les valvulopathies qui posent des
problèmes éventuellement vitaux sont celles qui sont graves, avec un affaiblissement de
la fonction cardiaque et un entraînement vers un état qui continue à se dégrader. Cela ne
semble pas être le cas que vous décrivez, mais cela peut être responsable toutefois d’essoufflement.
Un participant - Je ne suis pas médecin mais avocat dans le procès des irradiés de Toulouse
en 2007. Nous avons eu 9 décès sur 150 personnes traitées, c’est donc assez significatif et
je pourrais faire un tas de rapprochements utiles pour la commission nationale. La première
Cycle : Ces industries qui gouvernent le monde
521
522
idée qui me vient à l’esprit, c’est l’inégalité foncière qui existe entre les patients et les
médecins, et également l’inégalité dans le combat judiciaire. Vous avez dit tout à l’heure
que le temps joue en faveur des laboratoires, et c’est parce qu’ils utilisent plusieurs armes
La première c’est diviser pour mieux régner c’est-à-dire imposer des procédures disparates
avec des petits détails de questions juridiques et judiciaires. Il y a un chiffre qui est assez
troublant. Selon que vous dépendez du tribunal de Colmar ou la cour d’appel d’Aix en
Provence, vous avez une disparité d’indemnisation avec un rapport de 1 à 5
L’autre arme qui est utilisée est le dénigrement.
J’ai des propositions à faire pour permettre aux victimes de se protéger. La première est
un peu technique mais très simple à comprendre, c’est ce qu’on appelle les liens de causalité. Très souvent, Servier ou les autres disent : « Mais on n’est pas sûr, vous n’arrivez
pas à établir avec certitude que… » Et donc, en l’état du droit français, la victime qui ne
peut pas montrer avec certitude que tel effet est causé par ce médicament est déboutée. Il
faudrait donc mettre en place quelque chose qui s’appelle inverser la charge de la preuve.
Tel laboratoire doit démontrer que le problème subi par le plaignant n’est pas causé par
son médicament et si le laboratoire n’y arrive pas, alors il est responsable. Vous imaginez
que les lobbyings pharmaceutiques en France et en Europe vont tout faire pour éviter cela.
Un autre aspect est l’action collective. On peut espérer voir arriver sur la scène judiciaire
française des actions collectives telles qu’elles existent aux USA. Pour le Médiator, on
pourrait faire comme on l’a fait à Toulouse dans le cas du procès des irradiés, c’est-à-dire
créer une commission d’indemnisation. On ne chercherait pas à savoir qui est responsable
juridiquement dans un premier temps. Mais on sait qu’on a des victimes, il y a une commission qui va les expertiser. Et à partir du moment où le lien de causalité est établi, la personne
est indemnisée par un fond, puis ensuite le fond se retourne vers le coupable fabricant du
produit. Cela permet l’indemnisation immédiate des personnes
Dernière chose qui pourrait être le pavé dans la mare, qui fait trembler de peur les industriels, il y a aux USA ce qu’on appele les dommages et intérêts punitifs. En droit français,
vous n’êtes indemnisé que pour le préjudice que vous subissez. Aux États-Unis, il y a
en plus les dommages et intérêts punitifs. Si on démontre qu’un industriel fabrique en
connaissance de cause, et commercialise des produits qui ont provoqué une toxicité et parce
qu’il a profité de cette vente avec un prix lucratif, alors, il doit payer à la communauté des
dommages et intérêts qui sont un pourcentage des sommes collectées par la vente du produit. Il faudrait donc que le législateur français fasse quelque chose (et il y en a 2 dans la
salle !). J’espère que le message passera et je pense qu’il ferait un bon thème de campagne
électorale pour 2012 !
Une participante - Vous avez parlé d’un coupe-faim des années 70 : de quoi s’agit-il ? Et
concernant la spécificité de l’atteinte des valves due au Médiator, quand vous voyez une
valvulopathie, est-ce que vous pouvez dire que cela est dû au Médiator et non pas à une
autre cause de valvulopathie ?
Et une remarque : en plus de la question sur les brevets, je pense qu’il faudrait revoir le
financement des études de médecine
Irène Frachon - Le coupe-faim des années 70 c’est l’Aminorex et il n’a jamais été commercialisé en France et j’ai oublié son nom de marque
Certaines valvulopathies, notamment les plus évoluées, ont des aspects particuliers pour
les bons connaisseurs. Mais en France, on n’a pas de bons connaisseurs des valvulopathies.
Celles dues au Médiator sont vraiment évocatrices. Pour les valvulopathies de moindre
Irène Frachon, Gérard Bapt : Le long combat contre le Médiator
importance, le problème est plus complexe et le lien de causalité avec le Médiator est compliqué. Pour certains signes spécifiques, je suis absolument formelle aujourd’hui sur leur
origine provoquée par le Médiator.
Un participant - L’inversion de la charge de la preuve existe déjà avec la jurisprudence
de la Cour d’Appel, de Cassation et du Conseil d’État en ce qui concerne l’information
que les médecins donnent à leur patient. Je vais faire une question/suggestion qui va dans
le sens de ce qu’a dit Bertrand Monthubert et le docteur Giron également. J’ai eu pendant
longtemps des contacts étroits avec l’industrie pharmaceutique Nous avions voulu, au sein
de l’INSERM, développer une politique d’essai des médicaments qui soit indépendante des
laboratoires pharmaceutiques. Hélas nous n’y sommes pas arrivés. On nous a dit que cela
coûterait très cher et effectivement tous les essais thérapeutiques sont financés par l’industrie pharmaceutique
Après avoir été expert dans le domaine du médicament, je me suis reconverti en expert en
radio fréquences qui est un autre problème compliqué et difficile. Nous venons de vivre une
expérience à partir de laquelle les futures recherches sur les effets sanitaires des radiofréquences vont être financées, non pas par l’industrie comme elle l’a fait pendant longtemps,
mais par une taxe qui va être prélevée sur les opérateurs téléphoniques. La chose n’a pas
été facile, mais ne pourrait-on pas développer une politique indépendante d’évaluation des
médicaments en mettant une taxe prélevée sur le financement des essais thérapeutiques ?
Un participant - Je suis médecin à la retraite. Vous avez dit que sur le plan échographique
on n’a pas une certitude parfaite des lésions. (Irène Frachon - Si, il y a des choses très
évocatrices. Le participant - Mais sur le plan anatomie ou pathologique, y a-t-il des images
caractéristiques ?)
Irène Frachon - Oui elles sont caractéristiques. Sur le plan échographique, sur le plan
macroscopique, ou microscopique pour des valvulopathies assez évoluées, elles sont absolument caractéristiques. Oui, on peut les différencier des autres pathologies. Par contre en
France il n’y a que 3 spécialistes qui savent les reconnaître, et 5 cardiologues
Le participant - Une deuxième question pour Gérard Bapt : est-ce qu’il n’y a pas des
solutions politiques, en plus de la pharmaco vigilance ou du dépistage de conflit d’intérêt.
Par exemple, un vrai pôle public du médicament ne pourrait-il pas être à l’ordre du jour ?
Gérard Bapt - Sur le premier point, il se trouve que notre amie pharmacovigilante m’a
fait passer ce matin un échange de courrier entre le centre de Toulouse et l’Afssaps. Mais
l’Afssaps a communiqué tout de suite le dossier à Servier en 2004, et Servier a contesté
la causalité malgré l’histoire caractéristique de cette personne de 39 ans. Mais les lésions
histologiques à l’époque n’avaient pas été considérées comme probantes, et les preuves ont
été détruites. Même le service anatomie-pathologie de Toulouse ne les a pas retrouvés. A
partir de cette observation, tout de suite, le laboratoire Servier conteste
Concernant le plan politique, on a vu cette semaine l’aréopage Servier composé de Monsieur Servier et 10 collaborateurs. Ils vont mener une énorme bataille scientifique pour
continuer à affirmer que le Médiator n’avait pas de rapport avec les autres molécules incriminées. Je lui ai rappelé que ses propres chercheurs, dans les années 60, en mettant au point
le Médiator, le présentaient (notamment un certain Monsieur Duhau), à plusieurs reprises
dans telle publication ou telle publication, comme un anorexigène puissant au même titre
Cycle : Ces industries qui gouvernent le monde
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que la fenfluramine et la texfenfluramine. Il m’a répondu : « ce n’est pas parce que j’ai financé ces études que je les reconnais ». Vous imaginez le combat qu’il va y avoir. Si on ne
démontre pas que c’est la même molécule, cela voudra dire qu’il n’y a pas tromperie de la
part des laboratoires Servier. Et qui sera alors responsable : l’Agence qui a laissé l’Autorisation de Mise sur le Marché pour les indications cohérentes avec l’AMM, et les médecins
qui auraient prescrit hors AMM et qui n’auraient pas dû le faire.
Je souhaite que le tribunal de Nanterre qui est en situation directe et qui a programmé la
première audience en septembre et octobre 2011 ne soit pas dessaisi au profil du pôle de
Paris en nommant un juge d’instruction, parce que cela reportera les travaux du tribunal de
4 ou 5 ans au moins
Une participante - Vous avez parlé de vos statistiques officielles. Mais on sait qu’en France,
on est les champions de l’auto médication. Est-ce que dans vos évaluations chiffrées, vous
tenez compte de ces personnes qui auraient pris ces coupe-faim sans suivi médical ou ordonnance. (Irène Frachon - Ce n’est pas possible d’acheter ce produit sans ordonnance. La
participante - Mais des femmes très motivées se le seront procuré sans ordonnance)
Irène Frachon - Il y avait très probablement des boîtes de Médiator vendues sans ordonnance. Sur Internet, on a vu un trafic de Médiator, mais cela ne représente pas un gros
volume
Un participant - Je ne suis pas médecin, je ne suis pas victime mais simplement un patient dans tous les sens du mot. Une des conséquences du Médiator et surtout du scandale
associé, est la publication récente par l’Afssap d’une liste de 70 médicaments à surveiller
concernant leur efficacité. Je crois que Prescrire a dit que cette liste était faite de n’importe
quoi. Il se trouve que dans cette liste il y a 2 médicaments que je prends tous les jours.
Malgré la grande amitié que j’ai pour mon médecin, je ne suis plus sûr de pouvoir lui faire
confiance. Ma question est : qu’est-ce quelqu’un comme moi peut faire ?
Irène Frachon - Cette communication montre l’incapacité de l’Afssaps de parler à de vrais
patients. C’est insensé.
Gérard Bapt - L’IGAS a été missionné par le ministère pour aller auditionner l’ensemble
des systèmes de surveillance des médicaments des autres pays en particulier celui de la
Suède qui est très performant.
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Le 4 Mars 2011
Irène Frachon, Gérard Bapt : Le long combat contre le Médiator

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