LP 3 Rubrique DVD - Blogs Poker Academie

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LP 3 Rubrique DVD - Blogs Poker Academie
LP44p76-79_Technique-Sharp:LP3 AR pas si simple 22/03/11 10:49 Page76
TECHNIQUE
PAR SHARP
PROFESSEUR SUR POKER-ACADEMIE.FR
QUESTION DE TEMPO
Quand changer de vitesse selon
les différentes phases d’un tournoi ?
Un tournoi se divise en plusieurs périodes, qu’il ne faut pas toutes aborder de la même manière. Selon qu’il
s’agisse du début ou du milieu du match, selon que l’on soit à l’approche de la bulle ou après son éclatement,
il faut tempérer, éviter de jouer beaucoup de coups, ou au contraire mettre le turbo… et la pression sur ses rivaux.
L
a clé de la réussite en tournoi
est de savoir changer de vitesse ;
savoir balancer entre Dr Serrure
et Mr Maniaque. Mais quand
freiner ou quand accélérer ne se
décide pas selon l’humeur ou de façon aléatoire. Comme sur un circuit de Formule 1, il y
a des zones du tournoi qu’il faut aborder en
première et d’autres en cinquième vitesse.
Ceux qui ne respectent pas ces variations,
en fonction des moments, risquent fort de
se faire distancer, voire de sortir de piste.
Il y a deux façons de remporter un tournoi : en étant un survivor ou un Terminator.
Dans le premier cas, vous ferez tout pour
préserver votre tapis, et privilégierez la
survie coûte que coûte. Dans le second, vous
irez chercher les coups, provoquerez les
confrontations, écraserez vos adversaires et
accumulerez tous les jetons. Se présenter en
tant que vainqueur fait appel à ces deux
stratégies, certes opposées et pourtant
nécessaires : la survie et l’accumulation.
La stratégie de survie repose sur un fondement mathématique qui peut surprendre
de prime abord, mais qui a été démontré :
en tournoi, un jeton gagné a moins de
valeur qu’un jeton perdu.
Prenons un exemple pour illustrer ce fait…
Vous disputez un SNG ou un MTT ; chaque
joueur a 1500 jetons de départ, les blindes
sont à 5/10 et la première main est distribuée. Vous êtes de grosse blinde avec
2♦2♥. Tout le monde jette jusqu’à la petite
blinde qui fait tapis. Vous avez vu sa main
lorsqu’il a regardé ses cartes : A♦K♥. Vous
savez que vous disposez de 52,25% de
chances de l’emporter.
76 LivePoker
Si vous étiez en cash game, où un jeton
vaut un euro, l’équation serait simple. Vous
gagneriez 1500 € dans 52,25% des cas et
en perdriez autant le reste du temps, c’està-dire dans 47,75% des cas. Soit l’espérance
de gains suivante :
(52,25% x 1500) – (47,75% x 1500) = 783,75
– 716,25 = 67,5 € en moyenne. Payer est
donc la meilleure ligne de jeu.
Mais imaginons maintenant que vous soyez
dans un tournoi du type “Winner take all”,
avec un prix pour le seul gagnant.
Si vous n’avez pas de problème de conscience – après tout, il appartient à chacun
de protéger ses cartes –, si tous les joueurs
sont de force égale – vous ne pouvez pas
espérer de futures livraisons –, et si votre
fonds de roulement est suffisamment bien
garni pour supporter la variance, la logique
mathématique est la même qu’en partie
d’argent et vous devez donc caller.
Cependant, dans la plupart des tournois, le
gagnant ne repart pas avec la totalité de
l’argent mis en jeu. Celui-ci se répartit entre
tous ceux qui finissent dans les places
payées. Or, un joueur qui double ses jetons
ne double pas son équité dans le tournoi.
Il est mathématiquement démontrable, par
la théorie de l’ICM, que vous perdriez en
équité en payant le tapis avec paire de
Deux. Bien entendu, l’agresseur en perdra
également. Les gagnants de la confrontation seront les autres participants au tournoi qui, en spectateurs inactifs, bénéficieront de l’élimination de l’un de vous.
Démontrer le fondement mathématique de
la stratégie d’accumulation est en revanche
plus ardu. Je me contenterai de souligner
par l’exemple que la prudence n’est pas toujours du côté que l’on pense (lire encadré).
Retenez surtout que la prudence en tournoi n’est pas dans un jeu serré. Afin d’atténuer la variance, il faut limiter au maximum les situations où l’on risque son tapis
PRUDENCE N’EST PAS TOUJOURS MÈRE DE SÛRETÉ
Jean est d’une prudence de Sioux : il ne joue que paire d’As. Lors de son dernier tournoi,
il est parti cinq fois à tapis pré-flop. Il a doublé contre KK, AK, 7♠6♠, 99, avant de sauter
contre Q♥J♥. Si vous lui demandez son avis, Jean vous répondra sans doute qu’il est le
joueur le plus malchanceux de la terre. Mais on peut facilement contre-argumenter…
- Il a eu la chance de trouver cinq fois une paire d’As. En probabilité, cela arrive une fois
sur 221 mains distribuées.
- Il a eu la chance de trouver des adversaires pour jouer leur tapis à chacune de
ces confrontations.
- La probabilité que Jean survive à cinq all ins n’est que d’une chance sur trois :
81,5% x 82% x 77,5% x 80,9% x 80,9% = 33,9%.
Avec deux chances sur trois de sauter, son élimination n’est en rien hors norme et sa
stratégie d’accumulation pure n’a ainsi pas de sens.
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à l’abattage, ainsi que celles susceptibles
de conférer une quelconque avance en
chips aux autres joueurs. En effet, les gros
tapis bénéficient d’un effet boule de neige :
ils peuvent prendre plus de risques, menacer constamment leurs adversaires, mettre
la pression et continuer ainsi à amasser
des jetons.
DEUX FACTEURS
D’IMPORTANCE : TAPIS
ET PROFIL ADVERSE
Dès lors, quand privilégier une stratégie
plutôt que l’autre ? Le premier facteur à
prendre en compte est la taille de son tapis.
Cet élément est bien connu depuis qu’il
a été théorisé dans le deuxième ouvrage
d’Harrington et Robertie.
Les deux techniciens ont nommé M le nombre d’orbites au bout desquelles le tapis va
disparaître, sans jouer, et ce à niveau de
blindes constant. M comme Magriel, génie
mathématique qui avait défini ce facteur
dans ses travaux avec Gus Hansen pour un
livre jamais publié. Plus le M est
bas, plus la stratégie d’accumulation prend le pas sur celle de la
survie. C’est une règle de bon
sens : il est suicidaire de s’asseoir
sur ses jetons avec une poignée
de blindes loin de l’arrivée. Il n’y
a plus de stratégie de survie qui
vaille, car rester inactif revient à
signer son arrêt de mort. Il faut
prendre tous les risques pour accumuler des jetons.
L’opposition est le second facteur
par ordre d’importance, avec deux
facettes à prendre en compte…
D’abord, le niveau général du tournoi : on pourrait présumer qu’il faut pratiquer un style plus serré au fur et à mesure
que l’opposition se durcit. Eh bien, c’est
tout le contraire ! Il y a plus à perdre à sauter dans un tournoi faible où nous pouvons toujours compter sur des livraisons
futures. Alors que dans un tournoi de
champions, la route vers la victoire est de
toute façon longue et difficile. Notre équité
étant plus faible, on risque moins à être éliminé. Il est dès lors correct de pousser le
plus petit avantage et d’engager son tapis
dans des situations plus marginales.
Il faut ensuite considérer le niveau des
rivaux à la table : c’est sans doute le facteur
chance le plus sous-estimé en tournoi. Or,
nos marges de manœuvre et notre réussite vont largement dépendre de cet élément incontrôlable. Si vous êtes entouré
de cadors, faites le dos rond en attendant
que la table casse. À l’inverse, sachez exploiter un field composé de joueurs faibles ou
trop timides. C’est une alchimie délicate,
car un ou deux adversaires agressifs suffisent pour inverser la stratégie optimale.
QUELLE STRATÉGIE EN DÉBUT
DE TOURNOI ?
Le début d’un tournoi est la phase avant
l’arrivée des antes. Au départ, les tapis sont
généralement profonds, et le passage des
blindes les égratigne à peine. On a les
moyens d’attendre, mais néanmoins, les raisons pour être actif dès ce stade ne manquent pas. En jouant beaucoup de mains,
on augmente nos chances de prendre des
jetons à nos concurrents avant qu’ils ne les
donnent à d’autres. Trois à dix blindes de
plus ou de moins sur un tapis de plusieurs
centaines n’affectent pas l’avenir dans le
tournoi : on peut donc se permettre d’aller
voir des flops, de 3-better ou squeezer en
bluff. De plus, avoir une image de joueur
actif augmente nos chances de doubler si
l’on trouve une grosse main ou un bon flop.
Ma stratégie dépendra essentiellement
de la nature des rivaux autour de la table,
et ma façon d’être actif sera condition-
née par la structure du tournoi.
Dans les structures lentes, je vais jouer en
position en suivant des relances avec des
mains à potentiel pré-flop et post-flop. En
attaque, j’ouvre également avec un éventail plus large incluant, si la table est assez
faible, les petites paires et les consécutives
assorties. J’attends de réaliser mon équité
avant de faire gonfler le pot : c’est-à-dire
jouer pour le contrôle du pot en étant
l’agresseur et relancer les mises en continuation avec parcimonie. Je réserve mes 3bets en bluff aux cibles les plus exploitables.
Dans les structures rapides, je vais resserrer
ma range. Perdre 20 ou 30% de mon tapis
en allant voir des flops me placerait trop vite
en zone dangereuse à la prochaine augmentation de blindes. Je vais être beaucoup plus
agressif dans les pots disputés, à l’aide de
3-bets et de squeezes pré-flop, ou en relançant les mises en continuation post-flop.
Prenons l’exemple de ce tournoi à 55 $ que
j’ai disputé sur Internet. Je suis au bouton
avec Q♦9♥, nous sommes au deuxième
niveau, les blindes sont de 15/30
et je dispose d’un tapis de 2955
sur les 3000 jetons de départ.
Le hi-jack ouvre sans relancer.
Depuis le début du tournoi, il
ouvre une main sur deux et en
relance une sur 20. Il a quasiment doublé avec 5555 de tapis.
Je relance à 120. C’est une mise
en isolation classique que l’on voit
beaucoup en partie d’argent. Mon
but est d’être payé et de jouer un
coup en position contre un rival
faible à la range très large. Le tournoi offre une structure qui reste
profonde longtemps et de nombreux niveaux avant l’arrivée des antes. Avec
moins de profondeur, je me contenterais
souvent de compléter derrière le hi-jack afin
d’économiser au maximum mes jetons.
Je suis payé par la petite blinde et le limpeur.
Le joueur en petite blinde est un régulier au
style très serré. Sa range dans cette situation : AJ/AQ, 77-JJ, peut-être même QQ.
L’ouvreur du pot me paye sans doute avec
l’intégralité de sa range de départ, soit une
main sur deux.
Il y a donc 390 jetons dans le pot.
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Flop : 2♦3♠4♦.
Je mise en continuation 240 dans 390 : les
deux joueurs payent.
Ce n’est pas un si mauvais flop, car les cartes
sont trop petites pour avoir donné brelan
au régulier. Ma mise a pour objectif de lui
faire jeter toutes ses hauteurs As. Or, il reste
dans le coup : il a donc une paire au-dessus
du flop ou un tirage couleur. Mon second
adversaire peut avoir suivi avec deux overcards, alléché par la taille du pot.
Il y a maintenant 1110 jetons au pot.
Turn : 8♦.
Je checke derrière mes deux concurrents.
C’est le pouvoir de la position : je ne vais pas
faire jeter une paire et l’un d’eux peut avoir
couleur. Mais je peux encore améliorer avec
mes deux cartes supérieures et mon tirage
couleur à la Dame, donc j’accepte volontiers
la carte gratuite.
Il y a toujours 1110 au pot.
River : A♥.
Mes adversaires checkent de nouveau. J’en
déduis qu’aucun n’a d’As ou de couleur. Je
mise alors 600 et remporte le pot. En prenant des risques calculés, j’ai gagné 25 BB,
soit le quart de mon tapis au départ du coup.
CHANGEZ DE BRAQUET AVEC
L’ARRIVÉE DES ANTES
Avec les antes, ce n’est plus deux fois par
orbite, mais à chaque main, que l’on doit
contribuer au pot. Ainsi, ceux qui continuent de pratiquer un poker serré et qui
attendent les premium compromettent
leurs chances. Les antes grignotent alors
leur réserve de jetons qui vont s’accumuler devant les joueurs actifs. Ils devront
plus tard risquer plusieurs fois leur tapis
afin de combler ce retard à l’allumage. Ou
attendre encore et voir leur paire d’As se
faire craquer par une main marginale qui a
payé un tapis équivalent à 10 ou 20% de
son stack. À l’inverse, il suffit de gagner 1,5 à
2 pots incontestés par orbite pour agréger
– comme par magie – des jetons à son tapis.
La dynamique de cette phase tourne autour
du vol de blindes et des 3-bets afin de
contrer ces larcins. Mais sa mise en place
sera différente selon l’opposition. Si mes
concurrents se laissent faire, je vais relancer
100% des boutons, toutes les mains avec
78 LivePoker
TRANSFORMER SA MAIN EN BLUFF EN CHECK/RAISANT RIVER
Hero (Bouton)
(2955)
Small Blind
D
Pré-flop
Flop
Turn
River
Blindes 15/30
Hi-jack call 30 / Hero raise 120 / SB call 120 / Hi-jack call 120
SB check / Hi-jack check / Hero bet 240 / SB call 240
Hi-jack call 240
SB check / Hi-jack check / Hero check
SB check / Hi-jack check / Hero bet 600 / SB fold / Hi-jack fold
Flop
Turn
River
Hi-jack
(5555)
des bloqueurs, nommément tous les As
et les broadways.
Si mes opposants relancent les mises du
bouton, je vais devoir trouver des alternatives : voler depuis le premier poste afin
de représenter plus de force ou attaquer
lorsque les joueurs en grosse blinde et au
bouton ont tous les deux un style serré.
Si je n’ai aucun espace pour voler, je vais
concentrer ma range d’ouverture sur AK, AQ
et les paires afin de faire all in sur les 3-bets.
Ma politique de resteal en 3-bet va également dépendre des profils des voleurs. Face
aux joueurs qui respectent les 3-bets, je vais
attaquer avec mes mains les plus faibles et
payer en position avec mes gros jeux afin
de les piéger au flop. En revanche, contre
ceux qui s’engagent avec pas grand-chose,
je ne vais 3-better qu’avec le top de ma
range – AQ, 88+ – dans l’intention d’engager mon tapis.
Enfin, le dernier atout en notre possession
est le 4-bet en bluff. Pensez-y !
À LA BULLE,
LA SURVIE À TOUT PRIX
La bulle sépare les derniers participants :
ceux qui repartiront bredouilles et les
gagnants. S’il y a bien un temps dans le
tournoi où risquer son stack est inapproprié, c’est celui-là ! Risquer l’élimination en
jouant son tapis sur un bluff ou un coin flip
est une lourde erreur mathématique. Plus
la marche est haute, plus il est essentiel de
jouer serré.
Par exemple, un satellite sur Internet offre
40 tickets de qualification à un tournoi.
Après quatre heures de jeu, vous avez
40 blindes, soit un peu plus de la moyenne,
et le 17e tapis sur 43 restants. Avec K♥K♣
en premier de parole, quelle est la meilleure
ligne de jeu ?
La meilleure stratégie est de jeter ses
cartes. Oui, vous avez bien lu ! En effet, il n’y
a aucune différence de prix entre la 1re et la
40e place : vous n’avez donc aucun intérêt
à engager des jetons. Laissez le temps faire
son œuvre et les plus petits tapis se démener pour survivre.
Bien entendu, si vos concurrents n’ont
d’autre but que de finir dans l’argent, il est
judicieux d’exploiter la bulle pour amasser
des jetons. Mais généralement personne
n’est dupe et, à part dans les grands événements, même le plus gros tapis rencontre
très rapidement de la résistance s’il veut se
mettre en tête de martyriser la table.
APRÈS LA BULLE, LE PIED
SUR L’ACCÉLÉRATEUR
Les rôles s’inversent à l’explosion de la
bulle. Soulagés d’être “In the Money”, les
plus petits tapis se transforment en kamikazes. Leurs anciens bourreaux s’assoient sur
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leurs jetons et font le dos rond. Laissez
une orbite aux microtapis pour s’éliminer et profitez de cette zone de flottement pour prendre la direction des opérations. Maintenant, prendre tous les risques
est mathématiquement justifié, car il y a
souvent très peu d’écart dans l’échelle des
prix jusqu’à la table finale. Il faut jouer son
va-tout afin de se construire un tapis capable de figurer en finale.
Prenons l’exemple de ce tournoi à 162 $,
auquel j’ai participé sur Internet. Il ne reste
qu’une quarantaine de joueurs sur 1000 participants au départ.
Les blindes sont de 1250/2500, ante 250,
et il y a huit joueurs autour de la table. J’ai
la moyenne avec 100.000 chips, soit 40 BB,
et K♥Q♣ en grosse blinde. Le niveau est
très relevé et offre peu d’espace pour
monter des jetons.
Joe Cada, le champion du monde 2009,
ouvre au bouton à 6275. Il a relancé trois
fois en trois orbites depuis que nous sommes à la même table. Je ne l’ai pas joué
depuis longtemps, mais je me souviens qu’il
relance énormément au bouton et au cutoff et jette souvent sur les 3-bets.
La petite blinde, qui a certainement repéré
l’activité de Joe Cada au bouton lors des
orbites précédentes et qui a dû se faire la
même réflexion que moi, 3-bette à 13.250.
Je ne connais pas le joueur, mais c’est
son neuvième 3-bet en 66 mains… Mon
Roi et ma Dame diminuent les probabilités
de faire face à une paire de Rois, de Dames,
ou AK et AQ, chez mes adversaires. De plus,
j’ai une bonne image, car j’ai été jusque-là
très peu actif à cette table.
Je min-raise alors à 20.225 : je risque
17.755 jetons, soit sept blindes, pour en
gagner 8,5. Je remporte instantanément le
pot et augmente mon tapis de près de 25%.
RESSERRER LE JEU EN FIN
DE TOURNOI
Table finale, derniers trois joueurs, heads
up et vainqueur : chacune de ces étapes
représente généralement un saut dans
l’échelle des gains. On peut voir la fin du
tournoi comme une succession de bulles,
où la stratégie de survie reprend le pas sur
l’accumulation. Avec de tels écarts dans
TOP PAIRE / TOP KICKER : CONNAISSEZ VOTRE ADVERSAIRE !
Small Blind
(190.000)
Hero (Big Blind)
(244.000)
Blindes 2000/4000 - Ante 400
Pré-flop SB raise 10.000 / Hero call 10.000
Flop
SB bet 14.000 / Hero call 14.000
Turn
SB bet 30.000 / Hero raise all in / SB call all in
Flop
l’échelle des prix, la priorité n’est plus de
gagner leurs jetons, mais d’éliminer un à
un vos concurrents. Il m’en a coûté de ne
pas savoir mettre le frein un peu plus tard
dans ce même tournoi online.
Les blindes sont maintenant de 2000/4000,
ante 400, 19 joueurs restants et six rivaux à
ma table. Je suis chipleader du tournoi avec
244.000 jetons, soit 61 BB. Dans ce coup, je
suis de grosse blinde avec T♥8♥.
La petite blinde ouvre à 10.000. Il possède le
troisième tapis avec 190.000, mais je viens
de changer de table et je n’ai aucune information sur le joueur. Il m’en coûte 6000 chips,
soit 1,5 BB, pour défendre en position.
Il y a 22.400 jetons au pot.
Flop : 4♣7♣5♥.
L’attaquant mise alors 14.000 dans un pot
de 22.400.
J’ai deux cartes supérieures au flop, une
ventrale pour la quinte et un backdoor couleur. Cependant, je n’ai qu’hauteur Dix, ma
main n’est pas assez forte pour supporter
un 3-bet et j’ai trop d’équité pour relancer.
Je suis donc la mise en espérant améliorer
ou bluffer plus tard.
Il y a maintenant 50.400 jetons au pot.
Turn : A♥.
La petite blinde mise 30.000. Avec un tirage
couleur en plus de ma ventrale, j’ai 25%
d’équité contre un brelan. De plus, l’As est
une carte sur laquelle la petite blinde va très
Turn
River
souvent miser en bluff. J’ai décidé de lui
mettre une pression maximale en faisant
tapis pour son tournoi. J’ai été payé dans
l’instant par A♣Q♣. J’avais encore 25%,
mais à la rivière, le 8♠ n’est pas venu à mon
secours. Le coup m’a laissé avec à peine plus
de 10 BB. J’ai fini 15e, en poussant avec une
paire de Sept qui n’a pas survécu à A9. Mon
bourreau, lui, a gagné le tournoi.
Si ce duel de blindes était survenu un peu
plus tôt, avec une dizaine de joueurs supplémentaires, alors que nous étions encore
dans une phase d’accumulation, je n’aurais
eu aucun regret à jouer 80% de mon tapis
en poussant avec un tirage. Mais ici, j’aurais dû jouer la prudence et me contenter
de suivre la seconde salve au turn et attendre de voir à la rivière si mon concurrent
montrait de la faiblesse ou si je réalisais
mon équité. Ces 140.000 jetons supplémentaires, qui représentent 35 BB, m’auraient permis beaucoup plus de souplesse
dans mon jeu pour atteindre la table finale.
Autre élément d’importance : les chances
de voir mon adversaire sacrifier une part
de son confortable tapis pour bluffer le
chipleader du tournoi s’amenuisent au fur
et à mesure que l’on se rapproche du but.
Sa range de seconde salve est donc beaucoup plus forte que je ne l’ai estimée dans
le feu de l’action et mon contre avait donc
toutes les chances d’être payé. ■
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