Typologie de réformes de l`Etat : Un moyen de changement

Transcription

Typologie de réformes de l`Etat : Un moyen de changement
Typologie de réformes de l’Etat : Un moyen de changement
garantissant la souveraineté étatique
Georges El Khoury - Chargé d’enseignement à la FGM
Résumé :
Malgré l’évolution de la notion et des fonctions de l’Etat pour suivre l’évolution des attentes des
citoyens, ces derniers restent souvent mécontents considérant l’Etat comme étant un mauvais
gestionnaire du fait des faiblesses structurelles au niveau du secteur public qui se traduisent par
des services publics de mauvaise qualité. Ainsi dans le but de résoudre ses problèmes, surtout
ceux administratifs, l’Etat a recours à plusieurs solutions dont la plus répandue est la
privatisation qui consiste à transférer la gestion des entités étatiques à des organismes privés.
Ainsi ces derniers peuvent se trouver engagés dans des activités régaliennes qui peuvent ne pas
supporter, d’après les citoyens, aucune délégation. Dans ce contexte, la privatisation dépasse le
transfert de la gestion publique pour atteindre un transfert de la souveraineté et du pouvoir
étatiques. Pour cette raison, pour atteindre l’objectif de la résolution des problèmes étatiques et
dépasser les faiblesses du secteur public, la privatisation des activités régaliennes devrait rester
une possibilité du dernier recours, la «réforme de l’Etat » resterait le choix prioritaire. Cette
réforme représente un processus stimulé par la mise en place d’un plan de réformes puisque le
lancement d’une réforme sans soutien d’autres réformes resterait inefficace.
Cet article présente une amorce de processus qui pourrait être mis en œuvre pour réformer l’Etat.
De la définition de l’Etat :
La définition de l’Etat n’est pas aussi facile comme on le perçoit vu son concept qui risque de
varier en fonction des changements environnementaux. La naissance de l’Etat a coïncidé avec
l’avènement de la civilisation où la cueillette et la chasse étaient les principales sources de vie de
l’espèce humaine1. Après l’invention de l’agriculture on est passé aux Etats primitifs considérés
comme de proto-Etat2. Suite à la naissance du concept de la démocratie, c’est la naissance de la
conception moderne d’un Etat qui a poursuit son développement pour acquérir les structures
1
Google.fr/Wikipédia.htm./Etat (21/1/2010)
Le terme de proto-État a d’abord été utilisé par les pré-historiens, les historiens et les géographes pour désigner une organisation
politique et sociale intermédiaire entre l’organisation de type communautaire (clans, tribus, chefferies, royautés pré-étatiques,
etc.) et l’organisation politique de type étatique.
2
1
nécessaires à son existence avec la révolution française en 1789 suite à la disparition du
féodalisme1 et le passage au concept d’Etat-nation.
Avec les changements du concept de l’Etat, des philosophes, des sociologues, des savants, des
juristes et des chercheurs ont donné plusieurs définitions de l’Etat parfois contradictoires; ce qui
reflète la complexité de cette donne. D'après le sociologue et l’économiste allemand Max Weber
dans «Le Savant et le politique»2, «l'Etat est une entreprise politique à caractère institutionnel
dont la direction administrative revendique avec succès dans l'application de ses règlements le
monopole de la contrainte physique légitime sur un territoire donné », c'est-à-dire qu'il est le seul
à pouvoir faire respecter les lois à travers l'armée, la justice et la police. Pour Weber donc, l’Etat
s’incarne visiblement dans des rôles de «petits bonshommes habillés en bleu » car d’après lui, une
entreprise politique à caractère institutionnel ne peut être un Etat que pour autant que sa structure
administrative réussit à être la seule, directement ou par délégation, à faire respecter les lois à
travers les principales institutions de l’Etat.
Définir l’Etat a toujours été source de conflits dans le monde académique où certains courants de
la sociologie insistent sur le fait que l’Etat dispose également d’une capacité à exercer une
violence symbolique sur ses citoyens, ce que le sociologue français Pierre Bourdieu 3 a appelé la
«
magie d’Etat».
La perspective de Maurice Hauriou4 est distincte de celle des autres sociologues puisqu’il rejette la
question de la souveraineté absolue proposée par Weber. Pour lui, toute souveraineté est relative. A ce
niveau, les juristes ont eu beaucoup de mal à définir ce qu’était l’Etat. Plusieurs écoles se sont
5
affrontées sur ce terrain. En ce qui concerne le positivisme juridique , ce n’est pas l’Etat qui produit le
droit, mais l’ordre juridique (c'est-à-dire la hiérarchie des normes) qui ne serait alors que l’émanation du
droit limitant sa puissance d’arbitraire comme l’aurait proposé Kelsen6. Alors que Léon Duguit7 propose
«
l'Etat de service» qui n’est caractérisé ni par la souveraineté, ni par son identification à un ordre
juridique mais par une coquille vide sans personnalité, ne pouvant disposer de droits subjectifs ni
d’entreprendre des mesures d’imposer quoi que ce soit à qui que ce soit. Ceci dit que selon Duguit
1
Le féodalisme apparaît au XIXe siècle siècle et désigne chez les historiens marxistes le mode de production qui succède à
l'esclavagisme de l'Antiquité et précède l'économie capitaliste.
2
Karl Emil Maximilian Weber (21 avril 1864-14 juin 1920), sociologue et économiste allemand, est avec Vilfredo Pareto, Émile
Durkheim, Georg Simmel et Karl Marx, l'un des fondateurs de la sociologie moderne et considéré comme étant le fondateur de la
sociologie compréhensive, c'est-à-dire d'une approche sociologique qui fait du sens subjectif des conduites des acteurs le
fondement de l'action sociale. Le Savant et le politique est la traduction en français de deux textes du sociologue allemand Max
Weber, issus de conférences prononcées en 1919 à l'université de Munich. Les deux textes originels en allemand sont :La
Vocation de savant, ou précisément Wissenschaft als Beruf, dans lequel Weber traite de l'épistémologie de la science, du
jugement et du rapport aux valeurs et La Vocation de politique, ou précisément Politik als Beruf, dans lequel Weber traite de
l'action politique, de son fonctionnement, de sa légitimation, et donne sa célèbre définition de l'État.
3
Pierre Bourdieu (1930-2002) est un sociologue français devenu, à la fin de sa vie, par son engagement public, l’un des acteurs
principaux de la vie intellectuelle française. Sa pensée a exercé une influence considérable dans les sciences humaines et sociales,
en particulier sur la sociologie française d’après-guerre.
4
Maurice Hauriou (1856 - 1929) fut juriste et doyen de la faculté de droit de Toulouse de 1906 à 1926. Jurisconsulte français à
l'origine d'une œuvre singulière et importante concernant le droit public et en sociologie, Hauriou a écrit notamment sur la
«théorie de l'institution» et «la puissance publique».
5
Le positivisme juridique est un courant en théorie du droit qui s'oppose au jusnaturalisme (droit naturel) et dit décrire le droit tel
qu'il est. Il consiste à rejeter l’idée d’un droit idéal ou naturel, et à affirmer soit que seul le droit positif a une valeu r juridique, et
qu’il est donc la seule norme à respecter (positivisme légaliste), soit que seul le droit positif est susceptible d'être l'objet de la
connaissance juridique.
6
Hans Kelsen, un juriste austro-américain, est à l'origine de la «théorie pure du droit» dans laquelle il se porte fondateur du
normativisme et du principe de la pyramide des normes.
7
Léon Duguit (1859 – 1928) est un juriste français spécialiste et professeur en droit public et doyen de l’Université de Bordeaux.
Il est avec Hauriou le premier représentant de ce qu’on a appelé «l’école du service public».
2
l’existence de l’Etat reste le service public qui assume toute responsabilité relative à la solidarité
sociale. Evidemment cette dernière devant s’accompagner par la création de normes de gestion de la
solidarité sociale.
Faudrait-il accepter à ce niveau que l’Etat n'est alors que l’émanation de la société et non pas la
conséquence d’une quelconque souveraineté de l’Etat ou d'un ordre juridique préexistant !
Faudrait-il considérer également que «le service public est le fondement et la limite du pouvoir
gouvernemental»1 !
Au niveau international, la notion d'Etat repose sur l’idée de souveraineté et de sujet du droit
international. Une définition fonctionnelle est toujours ardue, en raison des différents points de
vue notamment au point de vue de la théorie constitutive et celle déclarative. La théorie
constitutive considère qu'une structure devient un sujet du droit international uniquement lorsque
d'autres Etats le reconnaissent comme Etat souverain. Cette idée développée par Oppenheim2 où
le «droit international ne prétend pas qu'un Etat existe tant qu'il n'a pas été reconnu. C'est
seulement et exclusivement par ce biais qu'un Etat devient une personne et un sujet du droit
international»3. Quant à la théorie déclarative, pour elle une structure ne devient un Etat
souverain que lorsqu'il remplit les critères suivants : «être peuplé en permanence, contrôler un
territoire défini, être doté d'un gouvernement et être apte à entrer en relation avec les autres
Etats» (Convention de Montevideo, art.1)4.
Du changement des fonctions de l’Etat :
De ce qui précède, il est clair que le concept de l’Etat est complexe et son explication pourrait
entraîner des conflits et des points de vue contradictoires. A partir de là, il est nécessaire de
souligner que les fonctions de l’Etat ont changé avec le temps pour s’adapter à un environnement
instable qui ne cesse de changer. A partir du XXème siècle, l’Etat-providence5 qui a succédé à
l’Etat gendarme recouvre plusieurs réalités notamment la sécurité sociale et celle du travail.
De nos jours on pourrait penser plus fonctionnellement à l’Etat «promoteur économique» et où
l'économiste américain Richard Musgrave définit trois fonctions économiques de l'Etat6:
1- La régulation ou la stabilisation puisque l’activité est souvent cyclique dans une
économie de marché ce qui nécessite l'intervention publique pour éviter de trop grandes
fluctuations.
2- L'allocation ou l’affectation des ressources qui permet aux pouvoirs publics d’intervenir
pour prendre en charge les biens collectifs.
3- La distribution ou la répartition des ressources collectées, qui a pour but d'influer sur les
inégalités. Ces politiques sont liées à des notions d'équité et de justice sociale.
1
Cité par Claire Andrieu dans son enquête sur les origines du service public en France, in Echange et projets, numéro 74, juillet
1995. COHEN Elie et HENRY Claude, « Service public Secteur public », p 18.
2
Lassa Oppenheim Francis Lawrence (1858 – 1919) était un célèbre juriste allemand. Il est considéré par beaucoup comme le
père de la discipline moderne de droit international.
3
Google.fr/Wikipédia.htm./Etat (21/1/2010)
4
La Convention de Montevideo sur les droits et les devoirs des États est un traité signé à Montevideo (Uruguay) en 1933 au
cours de la septième Conférence internationale des États américains pour la mise en route de la Politique de bon voisinage.
5
Les fondements de l’Etat-providence ont démarré dans les années 1880 où le mouvement ouvrier européen a imposé les lois de
l’assurance-maladie en 1883, des accidents de travail en 1884, de la vieillesse et de l’invalidité en 1889.
6
Richard Abel Musgrave (1910 – 2007) était un économiste américain d’origine allemande spécialiste en économie publique.
3
De même Louis Gill1 a souligné le développement de l’intervention de l’Etat dans l’économie de
la fin du XIXème à la fin du XXème siècle à plus d’un niveau notamment:
-
«
la mise en place et le développement des services publics ;
l’utilisation des politiques fiscale et monétaire aux fins de la redistribution du revenu et
du soutien de la demande globale et de l’emploi ;
le soutien direct de l’entreprise privée par les subventions et les exemptions fiscales ;
la nationalisation d’entreprises existantes ou la création d’entreprises d’Etat nouvelles
dans des secteurs considérés comme vitaux pour l’économie nationale ;
la réglementation et le contrôle de l’activité économique privée ».
D’après Gill, les activités économiques de l’Etat seront regroupées en activités industrielles,
commerciales et financières, en administration publique générale et en travaux publics.
Au niveau des administrations publiques générales, il distingue les services publics comme
l’éducation et la santé, l’administration publique au sens strict comme l’appareil administratif
gouvernemental et enfin les activités redistributives comme les indemnisations des retraités.
Malgré l’importance de la fonction de l’Etat comme acteur économique surtout dans les
économies non libérales, ce rôle n’est plus absolu comme auparavant pour des raisons diverses
qui réduisent le pouvoir étatique à un développement économique inhérent aux structures de
l’Etat. Parmi ces raisons on peut citer :
-
La mondialisation qui dans son côté économique renforce la contrainte extérieure ce qui
réduit le pouvoir d’intervention des Etats dans l’économie face aux marchés financiers.
La privatisation des entreprises publiques engendrant un désengagement étatique de
l’économie.
Auxquelles s’ajouterait la construction européenne qui a limité l’intervention des Etats
européens dans la prise des directives et règlements européens ce qui a polarisé la
construction européenne dans plus d’un secteur d’activité.
En fait, le rôle des Etats comme acteurs économiques s’est relancé durant la crise financière de
2008 où ces derniers ont exercé leur pouvoir de régulation puisqu’il était trop risqué de laisser les
économies sous le seul pouvoir des marchés financiers. L’expérience aurait montré que l’Etat
reste la puissance du dernier recours surtout durant les crises économiques bien que les
économistes restent divisés sur son intervention dans l’économie comme les promoteurs du
libéralisme qui refusent l’interventionnisme de l’Etat.
Ce qui induit que le concept de l'Etat est très large et se développe avec le temps. De l'Etat où les
tâches étaient de rendre la justice, d'assurer la sécurité, de prélever l'impôt, d’assurer l'éducation
obligatoire et de participer au développement social, etc., on passe à une situation
d’interventionnisme dans le secteur économique et financier où son rôle est de plus en plus
accentué et où de plus en plus il devient partenaire des entreprises privées voire, détenir une
majorité du capital. Ceci se manifeste aussi bien au niveau des administrations publiques, des
collectivités ou autres entités étatiques et publiques où le phénomène de partenariat répond à des
1
Economiste québécois et professeur retraité de l’UQAM. GILL Louis, « le secteur public : un acquis pour la société, un poids
pour le capital », contribution au colloque du SFPQ, l’Etat que nous voulons, Quebec, 13, 14 et 15 juin 2007, p 5.
4
besoins pressants dans le développement de différents acteurs tant productifs, qu’écologiques,
qu’informatiques que dans les télécommunications et l’énergie renouvelable.
Malgré l’évolution de la notion et des fonctions de l’Etat pour suivre l’évolution des attentes des
citoyens, ces derniers restent souvent mécontents considérant l’Etat comme étant un mauvais
gestionnaire du fait des faiblesses structurelles au niveau du secteur public1 qui se traduisent par
des services publics de mauvaise qualité 2. Ainsi l’évolution des attentes des citoyens resterait
plus rapide que celle des services publics offerts. A ce niveau, peut-on aller dans le sens que
François Morin3 a donné au service public en considérant que l’essence de ce dernier relève d’un
mode d’organisation de la société ! D’après Morin, «le service public est la garantie pour chacun
d’accéder à des biens essentiels pour la satisfaction de ses besoins, la garantie d’exercice des
droits fondamentaux de la personne, conditions du lien social et liées à l’Etat providence. Il est
l’expression de l’intérêt général de la collectivité indissolublement lié aux différents niveaux,
local, régional, national ou européen. Il est un moyen essentiel que se donne la puissance
publique pour assurer la cohésion économique, sociale, territoriale, culturelle d’un pays, ou plus
largement pour conduire des politiques de développement, concourir à l’émergence d’un modèle
de société»4.
Stiglitz5 a argumenté les inefficiences de l’Etat comme acteur industriel et considère que ce
dernier ne peut que faire moins bien que le marché. D’après lui, l’Etat est incapable de
sélectionner les secteurs et les entreprises porteurs. L’Etat n’est pas rationnel mais soumis à des
groupes de pression, il est incapable de prouver que son intervention est justifiée. Il ne peut et ne
sait attirer les talents et les expertises requis pour opérer en environnement concurrentiel. Il est
en permanence suspect de privilégier les bénéfices politiques à court terme et conduit à mêler les
critères dans la détermination d’une stratégie. Il est enfin multiple et ne peut de ce fait réagir
avec la célérité nécessaire aux changements intervenus sur les marchés.
Dans ce contexte, l’efficience des entreprises publiques a été traitée dans le rapport Nora6 remis
en avril 1967, «L’efficience, pour une entreprise publique, ce n’est donc pas seulement la
1
Le secteur public englobe les administrations publiques, les entreprises publiques et les organismes publics de sécurité sociale.
Une description détaillée permet de fragmenter les administrations publiques en administrations centrales, administration d’Etats
fédérés et administrations locales. De même les sociétés publiques sont divisées en sociétés publiques non financières et sociétés
publiques financières qui contiennent les sociétés publiques financières non monétaires et les sociétés publiques monétaires.
2
Généralement, les activités de service public peuvent être classées en trois catégories. Tout d’abord on peut citer les activités
régaliennes comme la défense nationale, la police et la justice qui sont financées par l’impôt et assurées par les administrations
publiques. Ensuite il y a les activités non marchandes comme l’éducation nationale, les services hospitaliers et la gestion
d’infrastructures qui sont des services presque gratuits et financés principalement par l’impôt. Enfin on peut citer les acti vités
marchandes comme la distribution de l’énergie et de l’eau potable qui ont un caractère commercial et financées principalement
par les usagers mais considérées comme devant être disponibles à la collectivité.
3
Professeur de sciences économique à l’Université de Toulouse 1 et il a été membre du Conseil général de la Banque de France
et du conseil d’analyse économique.
4
Commentaire François Morin, « Service public Secteur public », rapports COHEN Elie et HENRY Claude, p 74.
5
Joseph Eugene Stiglitz est un économiste américain qui a reçu le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en
mémoire d’Alfred Nobel en 2001. Il est un des fondateurs et un des représentants les plus connus du nouveau Keynésianisme. Il a
acquis sa notoriété populaire à la suite de ses violentes critiques envers le FMI et la Banque mondiale, émises peu après son
départ de la Banque mondiale en 2000, alors qu’il y était économiste en chef. J. Stiglitz (1989): The economic: Role of the state,
Oxford, Basic Blackwell. COHEN Elie et HENRY Claude, « Service public Secteur public », p 45.
6
Simon Nora (1921-2006) un haut fonctionnaire français et spécialiste des questions économiques. Il a rédigé en 1967 un rapport
sur les entreprises publiques qui repose sur une gestion plus stricte. L’une des orientations consiste à restituer aux entreprises
5
capacité de réaliser au mieux n’importe quelle tâche qui lui serait assignée de l’extérieur. C’est
aussi de permettre aux pouvoirs publics de déterminer des objectifs répondant aux exigences du
marché, et de ne s’en écarter qu’en parfaite connaissance des charges que cela entraîne pour la
collectivité. Mais la conduite efficiente de l’entreprise publique plus autonome et mieux orientée
par son marché implique des modalités internes de gestion qui ne sont pas toutes encore réunies
dans de nombreuses entreprises publiques» 1. De même Dominique Bureau 2 a souligné que les
problèmes rencontrés dans la gestion publique en matière d’efficacité interne présentent de
nombreux symptômes communs avec ceux qui retiennent l’attention dans l’analyse du
gouvernement des entreprises comme par exemple la construction d’empires, la dispersion des
activités et la productivité insuffisante.
Suite à ces symptômes communs présentés par Bureau, il serait intéressant de se demander si la
gestion publique est conforme à celle privée ou bien des traits de dérivation pourraient être
dégagés. Martineau et Sauviat 3 ont détecté des points de vue de plusieurs chercheurs concernant
ce sujet. Certains n'acceptent aucune différence de nature entre public et privé et par conséquent
il convient d'appliquer les principes et les concepts du management privé aux organisations
publiques. D'autres soulignent des traits distinctifs4 au niveau des organisations publiques qui
pourraient limiter le recours aux concepts du management privé. Ainsi et selon les expressions
de Martineau et Sauviat 5 «le Management public oscille entre une indifférenciation et
différenciation. Indifférenciation car il se nourrit des approches managériales forgées dans tous
les domaines des sciences de gestion, et qu'il se fixe des objectifs d'efficacité et d'efficience.
Différenciation car il recherche en même temps des cadres théoriques spécifiques et reconnaît
une dimension sociale et politique de ses productions. Entre ces deux pôles, il réalise une
synthèse, une hybridation qui consiste à reconnaître et accumuler des spécificités, à se forger et
adapter des outils spécifiques».
Ce débat sur le Management public conduit à un creusage dans les différences entre les
entreprises du secteur public et celles du secteur privé. Dans ce contexte, il faut souligner que la
comparaison entre la performance des entreprises publiques et celle des entreprises privées sera
inévitablement biaisée en faveur de ces dernières pour des raisons diverses parmi lesquelles on
peut citer la différence des objectifs entre ces entreprises. D’après Bozec6 «Le problème de
publiques une mission conforme à leur nature d’entreprise et une autonomie qui leur est indispensable pour s’acquitter de cette
mission. Le rapport reste secret, il est partiellement diffusé en 1968.
1
BUREAU Dominique, Les recommandations du rapport Nora trente ans après, annexe (A) Service public Secteur public,
rapports COHEN Elie et HENRY Claude, p 80.
2
Enseignant à l’école nationale des ponts et chaussées, à l’école nationale de la statistique et de l’administration économique et à
l’Ecole Polytechnique.
3
Régis Martineau est professeur en management stratégique au CERMAT(Le centre d’Etudes et de recherches en Management
de Touraine) – I.A.E. de tours (Institut d’Administration des Entreprises à l’Université de Tours). Isabelle Sauviat est maître de
conférences et enseignant chercheur à l’Ecole de Management de l’Université de tours.
4
Ces traits se rapportent à des spécificités qui font l’objet de nombreuses typologies comme celles de Bartoli, Boyne, Santo et
Verrier. L’environnement organisationnel des organisations publiques est plus complexe face à la variété des parties prenantes,
plus perméable face aux évènements extérieurs et plus instable à cause des changements politiques. En plus leurs structures
organisationnelles sont plus bureaucratiques avec un manque d’autonomie managériale. De même il faut souligner les spécificités
managériales où l’objectif des organisations publiques resterait de se mettre au service de l’intérêt général.
5
MARTINEAU Régis et SAUVIAT Isabelle, « Le public au travers du prisme managérial : état des lieux d’un domaine des
sciences de gestion », Politique et Management public, les 14 et 15 mars 2005 à Florence, p 16.
6
mesure que posent les différences d’objectifs entre les entreprises est alors mis à la lumière ».
Selon lui, les entreprises publiques, contrairement à celles privées, ne fonctionnent pas dans le
but de maximisation de profit, mais pour répondre à des volontés gouvernementales. Ces
objectifs à caractère politique peuvent aboutir à la baisse des revenus et à la hausse des coûts des
entreprises publiques. En plus, Bozec n’ignore pas le système de patronage ou de corruption
dans les entreprises publiques qui servirait les intérêts personnels des politiciens et des
bureaucrates ce qui engendrera des coûts supplémentaires considérés comme des coûts
d’inefficacité non destinés à l’amélioration du bien être de la collectivité. Pour lui, «les objectifs
non commerciaux seraient imposés aux entreprises publiques par des politiciens qui
chercheraient non pas à maximiser l’intérêt général mais plutôt leurs propres intérêts (intérêts
électoraux). Ceci est possible dans le mesure où les systèmes de contrôle en place sont
déficients»1.
La critique des analyses comparatives entre les entreprises publiques et celles privées à cause des
disparités entre les objectifs pourrait être généralisée pour atteindre le secteur public et celui
privé puisque le secteur public est considéré comme l’action de la société sur la société et dont
les activités sont destinées aux citoyens «bénéficiaires» par opposition aux activités du secteur
privé destinées à offrir des biens et services commerciaux aux individus «consommateurs».
De la nécessité de l’amélioration des fonctions de l’Etat :
Ainsi, malgré le débat que pourrait engendrer la comparaison entre public et privé, on ne peut
pas ignorer la mauvaise image du secteur public à plus d’un niveau. Dans le but de satisfaire les
attentes des citoyens, de soutenir leur intégration dans les fonctions publiques et ne pas accentuer
leur appréhension envers les compétences des administrations publiques et ensuite envers l’Etat,
il est nécessaire d’améliorer la performance des composantes du secteur public qui resterait,
surtout dans les pays en voie de développement, incomparable avec celle des entreprises privées
qui est poussée par la concurrence sur les marchés et l’objectif de rentabilité et de maximisation
du profit.
Ce défaut au niveau de la performance des administrations publiques devrait être disputé par
l’innovation dans le secteur public et que d’après Harrison et Roy2 l’innovation ne peut jamais
être implantée de façon unilatérale mais il s’agit de trois concepts :
1- L’innovation qui se définit comme une idée ou une pratique nouvelle dont l’introduction
aboutira à de nouvelles combinaisons dans l’organisation : «Dans l’administration
publique, les termes du nouveau paradigme post-bureaucratique comme la qualité ou la
flexibilité constituent des innovations en ce que leur aménagement est nouveau pour les
acteurs qui en adoptent les prémisses … L’innovation s’institue à travers des projets sur
6
Richard Bozec, école de gestion à l’Université d’Ottawa. BOZEC Richard, « L’analyse comparative de la performance entre les
entreprises publiques et les entreprises privées : le problème de mesure et son impact sur les résultats », L’actualité économique,
volume 80, numéro 4, décembre 2004, p 2.
1
BOZEC Richard, « L’analyse comparative de la performance entre les entreprises publiques et les entreprises privées : le
problème de mesure et son impact sur les résultats », L’actualité économique, volume 80, numéro 4, décembre 2004, p 3.
2
Denis Harrison est directeur du Centre de recherche sur les innovations sociales (CRISES) et professeur au département
d’organisation et de ressources humaines de l’Ecole des sciences de la gestion à l’UQAM. Nathalie Roy spécialiste en relations
industrielles à l’Université du Québec en Outaouais (UQO).
7
les modes de coordination, la fusion de tâches, l’aplanissement de la structure
hiérarchique, le travail en équipe, la formation de la main d’œuvre en qualité et
l’habilitation»1.
2- L’organisation du travail qui, dans les administrations publiques, dépasse la nature du
travail et les qualifications requises pour atteindre les relations horizontales et verticales
entre les fonctionnaires. Ainsi organisation et relations du travail sont attachées. A ce
niveau il est important de souligner que l’organisation du travail dans le secteur public se
caractérise par une forte bureaucratie et que le travail dans les fonctions publiques est
politique.
3- Le processus qui est considéré comme étant l’ensemble des activités qui permettent de
modifier un état ou une situation donnés, c’est donc la façon pour opérer le changement.
Cette innovation, toujours conseillée dans le champ public comme outil de développement et
moyen de survie, reste souvent insuffisante pour résoudre les problèmes culminants à plus d’un
niveau et les faiblesses enracinées dans les organismes publics. En comparant les difficultés
rencontrées dans les secteurs publics de plusieurs pays, on trouve souvent que celles-ci y sont
généralement identiques. Un grand nombre de fonctions publiques dans le monde connaissent
des problèmes qui réduisent l’efficacité de l’action publique et par conséquent le service public
offert aux citoyens est considéré de mauvaise qualité.
Dans ce contexte, les administrations publiques de plusieurs pays, y compris le Liban, font face à
plusieurs problèmes parmi lesquels on peut citer :
- L’accumulation des missions.
- La complexité et la lourdeur des structures.
- La rigidité des organisations dont l’adaptation est souvent très lente engendrant une
lenteur des changements administratifs face à la volatilité des politiques.
- L’inflation normative et la rigidité des procédures pesant aussi bien sur les citoyens que
sur les agents publics eux-mêmes.
- L’absence ou bien parfois la multiplication des organismes et des procédures de contrôle.
- Les difficultés de coopération tant interne qu’externe.
- La très mauvaise maîtrise du temps qui limite les moyens d’action.
Pour ce qui est de la France, Cannac2 a résumé les problèmes du secteur public français en une
phrase : « La faiblesse de notre système Etat vient de ce qu’il repose, des pieds à la tête, et dans
tout son fonctionnement, sur une logique de défiance, elle-même source permanente de
frustration pour tous les acteurs publics, en même temps qu’obstacle majeur à la
responsabilisation et à l’efficacité, et donc à la satisfaction de la société. »3 En plus, on ne peut
pas ignorer le problème de la corruption dans le secteur public qui constitue un gaspillage des
1
HARRISON Denis et ROY Nathalie, « Innovations du travail et fonction publique : des efforts louables ; un arrimage
difficile », La revue de l’innovation: La revue de l’innovation dans le secteur public, volume 9 (2), 2004, p 2.
2
Yves Cannac, président du comité éditorial de Sociétal, revue trimestrielle d’analyse économique et sociale publiée à Paris par
l’Institut de l’entreprise. Il est maître des requêtes honoraire au Conseil d’Etat, ancien président de la Cegos et membre du conseil
économique et social. Il a rédigé en 2003 le rapport sur « La qualité des services publics », remis au premier ministre de l’époque,
Dominique Villepin.
3
CANNAC Yves et TROSA Sylvie, La Réforme dont l’Etat a besoin, Dunod, Paris, 2007, préface.
8
ressources de l’Etat et provoque un manque de confiance et un désengagement des organismes
publics de la part des citoyens. De même, «James Wolfensohn, le président de la Banque
mondiale, a expliqué à la réunion annuelle de la Banque mondiale et du FMI d’octobre 1996,
que la corruption était un cancer pour le développement et qu’elle réduisait l’efficacité de l’aide
au développement. »1 La corruption est le résultat combiné de la malhonnêteté des fonctionnaires
d’une part et de l’échec des procédures de gestion et de contrôle dans le secteur public d’autre
part. D’après Cartier-Bresson2, « La corruption, dans cette perspective, trouve son origine dans
la mauvaise gouvernance. La solution consiste alors à adopter les principes de la bonne
gouvernance3 puisque l’Etat constitue à la fois le problème et la solution. »4
Ces diverses faiblesses au niveau du secteur public nous ramènent à la question posée par
Birnbaum5 : La fin de l’Etat ?6 Dans ce contexte, Birnbaum a présenté les processus capables de
remettre en question la différenciation de l’Etat provoquant une dédifférenciation comme par
exemple le développement de la démocratie, l’épanouissement du marché et l’organisation du
corporatisme introduisant des intérêts privés dans une structure à caractère universel. D’après
Birnbaum, « L’Etat se trouve menacé par divers processus de dédifférenciation, qui risquent de
porter atteinte à son institutionnalisation quasi complète ou seulement partielle. Alors que l’Etat
semble assurer sa prééminence, n’assiste-t-on pas, de façon paradoxale, également à sa fin ? »7
Pour lui donc, il faut un Etat différencié pour dépasser les problèmes assurant ainsi sa propre
survie. La question de Birnbaum se rencontre avec l’analyse de Hibou 8 qui a souligné, à cause de
la globalisation et l’internationalisation, un retrait et même une déliquescence des Etats du Sud à
plus d’un niveau y compris les fonctions régaliennes les plus fondamentales comme la fiscalité
qui ne seraient remplies qu’avec difficulté.
La privatisation est-elle une vraie réforme ?
Ainsi dans le but de résoudre ses problèmes, surtout ceux administratifs, l’Etat a recours à
plusieurs solutions dont la plus répandue est la privatisation qui consiste à transférer la gestion
des entités étatiques à des organismes privés. Bien que la privatisation de l’Etat semble affaiblir
ce dernier du côté de la souveraineté et du pouvoir dont une partie non négligeable pourrait être
transférée au privé, Hibou présente un point de vue différent se basant sur la renégociation
permanente des relations entre public et privé, les processus de délégation et le contrôle ex-post.
D’après lui, « la privatisation de l’Etat n’implique ni la perte de ses capacités de contrôle, ni sa
cannibalisation par le privé, mais son redéploiement, la modification du mode de gouvernement
sous l’effet des transformations nationales et internationales. »9 Cette privatisation dépasse les
1
CARTIER-BRESSON Jean, «La Banque mondiale, la corruption et la gouvernance», Tiers-monde, tome 41 n0161, 2000, p165.
Jean Cartier-Bresson est professeur à l’Université de Reims et membre associé CEDI-GREITD, Paris 13.
3
Jean Cartier-Bresson entendait par la notion de « gouvernance » la gestion des affaires publiques et par la notion de « bonne
gouvernance » une conception particulière de la révélation des préférences collectives des agents, des domaines de l’action
publique et de leur coordination.
4
CARTIER-BRESSON Jean, « La Banque mondiale, la corruption et la gouvernance », Tiers-monde., tome 41 n0161, 2000,
p165-166.
5
Pierre Birnbaum est un historien et sociologue français, professeur de sociologie politique à l’université Paris 1 PanthéonSorbonne et à l’Institution d’études politiques de Paris.
6
BIRNBAUM Pierre, « La fin de l’Etat ? », Revue française de science politique, 35e année, n06, 1985.
7
BIRNBAUM Pierre, « La fin de l’Etat ? », Revue française de science politique, 35e année, n06, 1985, p 982.
8
Béatrice Hibou est une politologue rattachée au Centre d’Etudes et de Recherches Internationales (CERI).
9
HIBOU Béatrice, « Retrait ou redéploiement de l’Etat ? », Critique international, n01, automne 1998, p 152.
2
9
ressources économiques pour atteindre les fonctions régulatrices et régaliennes de l’Etat dans
l’objectif de modifier non seulement les formes de régulation économique, mais aussi celles de la
souveraineté. Ainsi on peut signaler la privatisation de l’une des principales fonctions
régaliennes, la fiscalité comme par exemple le cas de la douane indonésienne. 1
La notion de la privatisation de l’Etat s’accompagne souvent avec un débat sur la souveraineté
étatique et le monopole de pouvoir régalien où plusieurs points de vue peuvent être affrontés.
Dans ce contexte, il serait nécessaire de distinguer d’une part les activités étatiques non
régaliennes, marchandes ou bien non marchandes, effectuées par des organismes publics comme
par exemple les entreprises publiques et d’autre part les activités étatiques régaliennes effectuées
souvent par les administrations publiques. Dans le premier cas, la privatisation des entreprises
publiques dans un objectif d’amélioration de la modalité de gestion, de l’efficacité, de la qualité
du service rendu et de la rentabilité pourrait justifier le transfert de la gestion même de la
propriété. Mais dans le deuxième cas, des conflits peuvent avoir lieu puisqu’il ne s’agit plus d’un
simple transfert de gestion ou de propriété, mais d’un transfert de pouvoir et de souveraineté.
Malgré qu’Hibou souligne l’importance de la renégociation permanente entre public et privé
pour démontrer que la privatisation des fonctions régaliennes ne présente pas un désengagement
de l’Etat de sa souveraineté, mais peut être considéré comme un nouvel interventionnisme
étatique, ceci n’élimine pas le fait que des organismes privés se trouvent engagés dans des
activités régaliennes qui peuvent ne pas supporter, d’après les citoyens, aucune délégation.
Pour cette raison, pour atteindre l’objectif de la résolution des problèmes étatiques et dépasser les
faiblesses du secteur public, la privatisation des activités régaliennes devrait rester une possibilité
du dernier recours, la «réforme de l’Etat » resterait le choix prioritaire. La réforme de l’Etat
désigne ainsi «les actions du type législatif ou réglementaire qui doivent entraîner une
modification substantielle de l’organisation, du périmètre d'action, ou des méthodes de
fonctionnement de l'Etat, c'est-à-dire de ses administrations. »2 A partir du XIXe siècle, la
nécessité de réformer l’Etat, surtout celui administratif, s’est accentuée. Les réformes étatiques
structurelles, organisationnelles ainsi que celles législatives présentent des enjeux considérables
pour pouvoir atteindre les objectifs fixés qui peuvent être résumés comme suit :
- L’amélioration du fonctionnement des organismes publics.
- La minimisation des coûts engendrés par ce fonctionnement.
- L’amélioration de la productivité de ces organismes.
- L’amélioration de la qualité des services rendus aux citoyens.
Ainsi pour réaliser les objectifs souhaités, la réforme de l’Etat doit remplacer le fonctionnement
de gouvernement par un fonctionnement de gestionnaire et le système bureaucratique par un
autre décentralisé ce qui nous ramène à la signification littéraire de la notion « réforme » qui est le
changement de forme. Pour que la réforme soit bien perçue par les citoyens, elle doit réussir à
constituer une administration bien adaptée aux évolutions environnementales et simplifier en tant
1
Les droits à payer sont évalués et collectés par une société privée.
2
Google.fr/Wikipédia.htm./Réforme de l’état (21/1/2010). D’après Frank Mordacq, un haut fonctionnaire au ministère des
Finances en France, «la réforme de l’Etat est alors la réforme de l’ensemble des missions, des organisations et des méthodes de
fonctionnement des administrations de l’Etat. » ; MORDACQ Franc, La réforme de l’Etat par l’audit, LGDJ, 2009, p 12.
10
que possible les démarches administratives. Pour cette raison adopter, en les adaptant aux
spécificités des organismes publics, les méthodes de gestion appliquées dans les grandes sociétés
privées, pourrait être une bonne décision. Ceci peut rebâtir la confiance des citoyens envers les
fonctions publiques aboutissant à un véritable partenariat entre les deux parties. Il est intéressant
de mentionner en ce qui concerne la notion de la réforme de l’Etat qu’il est nécessaire de choisir
comme point de départ le «chapeau de réformes» lancé et de creuser par la suite dans les
différents types de réformes. A ce niveau, la réforme de l’Etat représente un processus stimulé
par la mise en place d’un plan de réformes puisque le lancement d’une réforme sans soutien
d’autres réformes resterait inefficace. Par exemple pour qu’une réforme informatique ou
technologique soit rentable, il faut qu’elle soit soutenue par une formation des ressources
humaines engagées. Pourrait-on donc parler d’une cascade de réformes ? D’une hiérarchie de
réformes, d’une permanence et d’une continuité de réformes ?
Ainsi parmi les réformes qui peuvent être mises en place peut-on citer :
- Les réformes législatives destinées à suivre les évolutions de l’environnement et assurer
le soutien légal pour les autres réformes.
- Les réformes structurelles consistant à la mise en place de nouveaux organismes publics,
nouvelles activités et fonctions dans le but d’adapter l’Etat aux changements
environnementaux et aux évolutions des besoins des citoyens.
- Les réformes organisationnelles consistant à la mise en place de nouvelles méthodes de
gestion et à l’adoption d’une gouvernance publique moderne pour dépasser les problèmes
de gestion dominants dans les organismes publics.
- Les réformes technologiques et informatiques destinées à automatiser le travail,
augmenter la productivité, minimiser les coûts, améliorer la transparence et développer le
contrôle.
- Les réformes au niveau de la gestion des ressources humaines dans l’objectif de former
et motiver les fonctionnaires existant pour comprendre et accepter les changements
engendrés par les autres réformes, et recruter de nouveaux fonctionnaires ayant les
compétences jugées nécessaires pour atteindre les objectifs fixés.
Puisque l’Etat est généralement perçu comme mauvais gestionnaire, les réformes
organisationnelles sont considérées prioritaires et représentent le noyau de tout plan de réformes
lancé surtout dans les pays en voie de développement comme le Liban. D’après les propositions
du Cercle de la réforme de l’Etat1 en France, comme déjà cité par Yves Cannac, la faiblesse
majeure du fonctionnement de l’Etat provient d’une logique de défiance généralisée engendrant
une hyperconcentration des pouvoirs et des rivalités de toute sorte ce qui aboutira à la frustration
et la déresponsabilisation. Pour cette raison, «Le fil rouge de la réforme doit être de mettre en
place, dans l’ensemble des administrations de l’Etat, des relations managériales 2, mais aussi
partenariales3, reposant sur une logique de confiance et de responsabilité. »4 En ce qui concerne
la confiance, il s’agit d’une confiance raisonnée basée sur la prise en considération des
1
Le cercle de la réforme de l’Etat en France est un groupe de réflexion composé pour une large part de fonctionnaires en charge
de responsabilités importantes et des personnalités de la société civile et du monde politique.
2
Concernent les rapports hiérarchiques.
3
Concernent les rapports de coopération entre des organisations non liées entre elles par des liens hiérarchiques.
4
CANNAC Yves et TROSA Sylvie, La Réforme dont l’Etat a besoin, Dunod, Paris, 2007, p 7.
11
compétences existantes d’une part et l’analyse des risques d’autre part. Pour ce qui est de la
responsabilité, il s’agit des engagements assumés qui doivent être bien définis et convenus. Pour
atteindre cette logique de confiance et de responsabilité, l’action doit être soutenue d’une part par
une réforme de la gouvernance publique et d’autre part par une réforme au niveau de la gestion
des ressources humaines.
La bonne gouvernance ne devrait-elle pas primer toute réforme ?
En ce qui concerne la réforme de la gouvernance publique, elle constitue un support pour
l’établissement de bonnes relations managériales et partenariales. Dans ce contexte, la réforme
de la gouvernance consiste à établir des relations de confiance et de responsabilité entre les
autorités politiques exécutives assurant une stabilisation de la structure gouvernementale
solidaire. En plus, elle atteint les relations entre les ministres et les administrations qu’ils dirigent
qui doivent être établies sur la base de confiance et de responsabilité. Enfin, on ne peut pas
ignorer la nécessité d’établir ces relations au sein de la sphère administrative elle-même, sur le
plan vertical ainsi que celui horizontal. Pour que la réforme de la gouvernance publique et par
conséquent celle des relations managériales et partenariales soient efficaces et tangibles, elles
doivent être acceptées et comprises par les agents concernés de tous les niveaux hiérarchiques
d’où l’importance de la mise en œuvre d’une nouvelle gestion des ressources humaines
aboutissant à une gestion individuelle plus dynamique, plus responsabilisante, plus ouverte et
plus équitable.
Après avoir identifié les problèmes à résoudre, déterminé les réformes à lancer et fixé les
objectifs à atteindre, il serait le temps de passer du «quoi faire ? » à «comment le faire ? », c'est-àdire de la stratégie à la réalisation. Ainsi, d’après les propositions du cercle de la réforme de
l’Etat, «l’important est de conduire la réforme de manière cohérente avec son contenu. »1
Dans ce contexte, il a présenté en quelques points les conditions de succès jugées nécessaires :
- Un engagement fort des responsables politiques et administratifs appuyé sur un pilotage
efficace assuré à chaque niveau par le dirigeant de l’entité en coopération avec les
responsables qui l’entourent.
- Un effort maximum pour donner à la réforme tout son sens, de sa perception comme étant
globale atteignant ainsi tout le système étatique engendrant par conséquent une
transformation générale, à l’explicitation de ses valeurs essentielles (la confiance et la
responsabilité) et enfin à la clarification des résultats souhaités que ça soit au niveau de la
performance de l’Etat ou de la qualité des services rendus aux citoyens.
- Le choix sans équivoque du dialogue et du partage entre l’Etat et ses partenaires
externes, entre ses différentes structures et enfin avec ses personnels. Il est important de
mentionner à ce niveau que ce dialogue et partage, sûrement conseillés, n’entraînent pas
un désengagement des mesures sur lesquelles l’Etat n’a pas pu obtenir un accord
suffisant.
- Une gestion efficace du temps de la réforme pour pouvoir assurer d’une part, dès le
démarrage du projet de réforme, une légitimité et une crédibilité fortes, et d’autre part des
1
CANNAC Yves et TROSA Sylvie, La Réforme dont l’Etat a besoin, Dunod, Paris, 2007, p 78.
12
-
choix plus sûrs pour éviter tout risque injustifié car l’engagement gouvernemental n’aura
de poids que s’il s’exerce dans la continuité.
La pleine intégration de la réforme dans l’action, notamment par une bonne utilisation
de la démarche qualité.
Des moyens suffisants pour la mise en œuvre de la réforme, qui peuvent être de
différentes natures en fonction du type de la réforme et des objectifs fixés.
A ce niveau, on revient de nouveau à la notion «plan de réformes ». Cette réforme
organisationnelle étudiée par le cercle de la réforme de l’Etat, et dans le but d’atteindre les
résultats souhaités, devrait être couverte par une réforme législative lui assurant la légalité,
soutenue par une réforme structurelle à travers l’établissement de nouvelles tâches, activités ou
départements, même de nouvelles administrations ou bien leur effondrement. En plus, la réforme
organisationnelle devrait être enrichie par une réforme technologique et informatique assurant un
aspect de modernisation tangible sur le terrain, et enfin complétée par une réforme de la gestion
des ressources humaines assurant ainsi l’adaptation des personnels aux changements en réduisant
le risque de refus et de résistance. Ceci implique que le lancement d’un plan de réformes n’est
pas gratuit, il nécessite du temps et du financement. Mais, ce plan une fois bien planifié et bien
mis en place sur le terrain, la valeur ajoutée en termes d’efficacité, d’efficience, de productivité
et de la perception des citoyens justifient les investissements effectués.
Tout en restant dans l’exemple français, Mordacq1 a classé les réformes que la France a connues
en sept familles :
1- La réforme de l’Etat par la rigueur appliquée dans des conditions particulières d’urgence
de nature économique ou politique. Elle consiste à utiliser le budget par la réduction des
moyens financiers et humains pour que le changement s’établisse par la compression de
ces moyens.
2- La réforme de l’Etat par la gestion qui n’entraîne aucune modification de structure, mais
cherche à développer le fonctionnement et l’organisation de l’Etat dans l’objectif
d’amélioration de son efficacité et efficience. Cette deuxième réforme soulignée par
Mordacq nous ramène à la notion «réforme organisationnelle » mentionnée dans «le plan
de réformes» et qui a été analysée par le cercle de la réforme de l’Etat dirigé par Cannac.
3- La réforme de l’Etat par la simplification à plus d’un niveau comme par exemple la
simplification des procédures et celle du langage administratif pour le rendre plus
compréhensible, ce qui aboutira à un Etat plus transparent à l’égard des citoyens
renforçant ainsi leur intégration.
4- La réforme de l’Etat par le transfert qui consiste à transférer des compétences, des
responsabilités et des pouvoirs à d’autres organismes publics comme les collectivités
territoriales. Il s’agit donc d’un transfert entre l’administration centrale et les services
extérieurs aboutissant à la décentralisation et la déconcentration.
5- La réforme de l’Etat par la mission consistant à redéfinir les missions de l’Etat dans les
situations de crises pour en sortir. A ce niveau, la redéfinition des missions dépend de la
nature de la crise qui pourrait être économique, politique, sociétale ou autre.
1
Frank Mordacq est haut fonctionnaire au ministère des Finances en France. Il a conduit la mise en œuvre de la loi organique
relative aux lois de finances (LOLF) dans l’administration française. En tant que directeur général de la modernisation de l’ Etat,
il a piloté les audits de modernisation avant de participer au lancement de la Révision Générale Des Politiques Publiques (RGPP).
13
6- La réforme de l’Etat par le budget suivie avec importance extrême surtout en France où
«
l’attention des années 2000 en matière de réforme change de visage car désormais
l’ensemble des administrations sont tournées vers la mise en œuvre d’une réforme
inattendue, la réforme de l’Etat par le budget avec la LOLF qui devient, à ce tournant du
siècle, la réforme des réformes.»1 La LOLF est une réforme consensuelle d’origine
parlementaire soutenue par un accord entre le pouvoir exécutif et celui législatif. Elle a
augmenté les pouvoirs du parlement du côté budgétaire et financier, changé le système
comptable de l’Etat et introduit une mesure de la performance engendrant ainsi une
meilleure transparence. A ce niveau, la logique de moyens a été remplacée par une
logique de résultats puisque l’allocation des ressources n’est plus effectuée en fonction
des objectifs fixés, mais au contraire les objectifs sont fixés en fonction des ressources
allouées.
7- La réforme de l’Etat par l’audit s’applique en considérant l’Etat similaire à toute grande
organisation. A ce niveau, «l’audit interne est une activité indépendante et objective qui
donne à une organisation une assurance sur le degré de maîtrise de ses opérations, lui
apporte ses conseils pour les améliorer, et contribue à créer de la valeur ajoutée. Il aide
cette organisation à atteindre ses objectifs en évaluant, par une approche systématique et
méthodique, ses processus de management des risques, de contrôle et de gouvernement
d’entreprise et en faisant des propositions pour renforcer leur efficacité.»2 Ainsi, en
appliquant cette définition à l’Etat, la réforme par l’audit aura comme objectif de garantir
à l’organisation étatique une bonne maîtrise et une amélioration des opérations de service
public tout en réduisant les déficits de l’Etat.
A partir de tout ce qui précède, du plan de réformes complémentaires, à la réforme
organisationnelle basée sur la confiance et la responsabilité étudiée par le cercle de la réforme de
l’Etat en France, aux familles de réformes présentées par Mordacq, il est clair que la réforme de
l’Etat est un processus complexe qui pourrait être établi de façons différentes en fonction des
objectifs fixés, des moyens disponibles, des caractéristiques environnementales et des traits
distinctifs de chaque Etat notamment ceux politiques. Pour ce qui est de la Suisse où la diversité
sociétale converge à plus d’un niveau avec le cas libanais, Bonoli 3 politologue et sociologue
articule que la modernisation «des structures qui ont été en place pendant plusieurs décennies
n’est sans doute pas une tâche aisée… Le changement institutionnel est un processus lent et le
plus souvent incrémental qui se heurte à des résistances importantes. Cependant, la structure du
système politique Suisse, du fait qu’elle nécessite de larges coalitions autour d’un projet de
changement, crée du même coup des opportunités pour une convergence d’intérêts opposés sur
des réformes combinant modernisations et économies. Séparément, on l’a vu, chacune de ces
opérations se révèle extrêmement difficile dans le cadre institutionnel Suisse. Par contre,
1
MORDACQ Frank, La réforme de l’Etat par l’audit, LGDJ, 2009, p 56.
Définition approuvée le 21 mars 2000 par le conseil d’administration de l’Institut français de l’audit et du contrôle interne
(IFACI). MORDACQ Frank, La réforme de l’Etat par l’audit, LGDJ, 2009, p 68.
2
3
Professeur en politique sociale et responsable de la chaire des politiques sociales à l’institut de hautes études en administration
publique (IDHEAP).
14
lorsqu’elles sont combinées au sein d’un même acte législatif, leur chance d’aboutir en sort
renforcée.»1
L’échec de l’expérience brésilienne :
Pour ce qui est de l’Etat brésilien, un processus de réforme a été lancé par le gouvernement et
énoncé dans le plan directeur de réforme de l’appareil de l’Etat, rendu public en 1995. Cette
réforme avait pour objet :
- La décentralisation des services sociaux.
- La délimitation du champ d’action de l’Etat en distinguant les activités qui doivent être
conservées dans le champ étatique et celles qui doivent être transférées au champ privé.
- La détermination des responsabilités au niveau stratégique, au niveau des politiques et
des hauts fonctionnaires et enfin celles des activités de services.
- La séparation entre la stratégie politique et la diffusion sur le terrain.
- L’amélioration de l’autonomie des activités étatiques exécutives et des services sociaux
assumés par l’Etat.
- L’obligation de rendre compte au moyen de la gestion par objectifs et l’amélioration de la
transparence dans le service public.
Ainsi on cherchait l’efficacité de l’administration centrale pour les activités étatiques
stratégiques, transformait les entités gouvernementales en agences exécutives pour les activités
exclusives de l’Etat et créait des organisations sociales, c'est-à-dire des institutions privées
financées et contrôlées par le gouvernement et liées par un contrat de gestion, pour les services
non exclusifs. Pour les activités étatiques commerciales et industrielles, la privatisation était
recommandée. D’après Saravia 2, à la fin du gouvernement de Cardoso3, les projets de réforme
demeurent très en-deçà des prévisions du fait que l’administration de l’Etat n’a pas obtenu des
résultats convaincants. En plus, la sous-traitance généralisée a affaibli la qualité des cadres de
l’administration publique ce qui a détérioré la qualité des prestations publiques. La situation
générale était caractérisée par la démotivation ce qui a engendré une grande rotation des
personnels et abouti à un excès d’ouverture aux personnels externes.
Donc après l’échec de la réforme, il était nécessaire de chercher les raisons. Dans ce contexte,
Saravia a bien clarifié les fautes commises et les problèmes qui ont abouti à l’effondrement de ce
processus de réforme, considéré au moment de lancement comme générateur de développement
et de modernisation. «Le plan de réforme de l’Etat a souffert de nombreux inconvénients. En
premier lieu, il n’a jamais reçu le soutien de la structure gouvernementale. Le ministère de
l’administration et de la réforme de l’Etat a été supprimé dès la fin du premier mandat du
président Cardoso (1998) et ses fonctions ont été absorbées par le ministère de la planification,
du budget et de la gestion. Certains ministres influents ont exprimé ouvertement leur opposition
au plan. Le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire n’ont pas soutenu la réforme dès lors
1
BONOLI Giuliano, « La réforme de l’Etat social Suisse: Contraintes institutionnelles et opportunités de changement », Swiss
political science Review, 5 (3) 1999, p 74.
2
Professeur à l’école brésilienne d’administration publique et des affaires.
3
Fernando Henrique Cardoso, sociologue et enseignant universitaire, fut président de la République fédérative du Brésil de 1995
au 2003.
15
qu’elle touchait la rationalisation et la modernisation de leurs propres cadres. Les
fonctionnaires publics se sont clairement exprimés contre le plan. Il a certainement manqué une
stratégie adéquate de participation, aussi bien de la part du reste de la structure publique, que
des fonctionnaires, qui aurait permis de rendre les réformes viables… Le plan, en vérité, avait
été conçu en cabinets, et très peu de consultations des secteurs concernés avaient eu lieu. Le
raisonnement semble avoir été la recherche de solutions apparemment réussies dans d’autres
pays (Royaume-Uni, Nouvelle-Zélande, Australie, Etats-Unis, pays scandinaves) et de tenter les
appliquer à la réalité administrative brésilienne. Comme un observateur l’a affirmé, il s’agissait
de solutions à la recherche de problèmes et non de problèmes qui demandaient des solutions.»1
Il est important de souligner que la condition principale de succès d’un plan de réformes est qu’il
soit précédé d’une planification bien communiquée assurant son adaptation aux spécificités
politiques, gouvernementales et sociétales de l’Etat concerné. Dans le cas brésilien, il y avait un
manque au niveau de la méthodologie qui devait permettre une coopération entre la fonction
publique et la société civile.
Pour ce qui est du Liban :
Pour ce qui est du Liban, dès 2005, le gouvernement s'est fixé comme objectif la mise en œuvre
d'un programme de réformes pour résoudre les dysfonctionnements dans l'économie libanaise,
restructurer la gestion de la dette publique, soutenir le développement et résoudre les problèmes
sociaux. Mais, la guerre ayant lieu en juillet 2006 a entraîné par ses effets politiques et
économiques une modification de ce plan gouvernemental de réformes pour répondre aux
besoins d'après guerre. Ainsi, le conseil des ministres a présenté le 25 janvier 2007 un
programme de réformes à la Conférence Internationale des Etats donateurs organisée en France
(Paris III) pour obtenir le support international nécessaire pour l'application d'un programme
pareil. Ce programme, jugé ambitieux et cohérent, a été à la base d'un support financier s'élevant
à 7.6 milliards de dollars américains octroyés au Liban sous forme de dons à moyen terme.
Ce programme de réformes était organisé en quatre axes critiques relatifs aux perspectives
futures de développement et de stabilité fiscale au Liban :
1- La réforme de la structure des recettes et des dépenses budgétaires.
2- Le soutien du développement et de la privatisation.
3- La réforme de la politique monétaire de change.
4- Les réformes sociales.
Dans ce contexte, les réformes qui doivent être introduites au ministère des Finances libanais
étaient présentées comme suit:
1- Une réforme du système fiscal.
2- Une réforme de la gestion des dépenses publiques.
3- Une restructuration de la gestion de la dette publique pour réduire les risques existants et
les coûts engendrés.
4- Un développement du marché financier.
1
SARAVIA Enrique, « La réforme de l’Etat au Brésil : L’influence du new public management », Revue française
d’administration publique, n0 105-106, 2003, p 65.
16
5- Une modernisation des procédures douanières.
6- Une modernisation du système foncier.
7- Un développement des investissements et support du secteur privé.
8- Une bonne coordination avec les Etats donateurs.
9- Une intégration des jeunes dans le ministère.
10- Un développement de la gestion des ressources humaines.
11- Une amélioration de la transparence et de la diffusion de l'information et des rapports
auprès des contribuables.
12- Un développement de l'infrastructure de la technologie de l'information.
Ceci induit que la réforme du ministère des Finances occupe une place importante dans ce
programme du fait que ce ministère est considéré comme étant un des ministères-clés au Liban
(au delà des ministères de la Défense, de l’Intérieur, et des Affaires Etrangères) sans ignorer
évidemment l’intérêt et l’importance des autres ministères. En fait il jouit d’un grand impact sur
tous les secteurs du pays et sur les autres ministères. Ainsi, les initiatives de réformes dudit
ministère ayant comme objet de surmonter les obstacles et les perturbations politiques ont été
structurées en quatre piliers qui définissent ensemble le programme de réformes du ministère des
Finances :
1- L’amélioration de l'efficacité et de l'efficience opérationnelles à travers le développement
technologique, la simplification des procédures et la mise en œuvre d'un système
d'indices d'évaluation de la performance relativement à l’objectif du ministère des
Finances d’améliorer la qualité des prestations de services rendus aux contribuables.
2- L’amélioration du système fiscal à travers une restructuration optimale des revenus, des
dépenses et de la dette publique en considérant le ministère des Finances comme le
système central chargé de formuler la politique économique et fiscale.
3- La modernisation au niveau structurel ainsi qu'au niveau de la gestion des ressources
humaines relativement à l’objectif dudit ministère de rénover les services rendus et de
développer les compétences des fonctionnaires.
4- Le soutien de la réforme du secteur public libanais relativement aux procédures et aux
normes dont le ministère des Finances exige l’adoption dans les autres ministères pour
rendre les dépenses publiques compatibles avec les priorités fixées, ce qui aboutira à une
réforme au niveau national.
Donc, en ce qui concerne le Liban, on ne peut pas parler d’une réforme de l’Etat ou des
administrations publiques sans mentionner les efforts effectués au ministère des Finances
libanais qui s'est engagé, depuis longtemps, dans un ambitieux programme de réformes (légales,
structurelles, organisationnelles, techniques, gestion en ressources humaines, etc.) visant à
rationaliser le système fiscal libanais, à améliorer sa performance et à assurer les prestations de
services. Ce plan de réformes s'inscrit dans le cadre d’un programme à long terme afin de réaliser
les objectifs fixés1. Le ministère des Finances libanais s'est développé rapidement durant la
dernière décennie suite au lancement du plan de réformes à long terme et à plus d'un niveau. La
modernisation du dit ministère a démarré avec l'introduction des nouvelles technologies de
1
Dans ce contexte, le ministère des Finances a été récompensé par le prix de la «meilleure amélioration des prestations de
services rendus» proclamé par l'Organisation des Nations Unies en 2007.
17
l’information et de la communication (NTIC) qui a facilité et organisé le travail effectué
manuellement, réduit la marge d'erreur et amélioré la transparence. Ce développement
technologique a coïncidé avec l'augmentation du nombre de nouvelles recrues, facteur de réussite
de tout changement. Au-delà des réformes technologiques, des réformes structurelles ont été
introduites surtout après la création du département de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) et
celui des Grandes Entreprises1. Il faut souligner également les réformes organisationnelles
modifiant les méthodes de gestion en réduisant la centralisation, la bureaucratie et l’hyper
concentration des pouvoirs, aboutissant ainsi à une plus grande responsabilisation et autonomie
dans l’exercice des fonctions. On ne peut ignorer de ce fait les réformes en ressources humaines
surtout après la fondation de l'Institut des Finances qui assume parmi ses missions principales
une formation continue des fonctionnaires du même ministère au-delà d’autres formations
spécialisées adressées à d’autres ministères. Enfin il est intéressant de souligner l'importance des
réformes législatives qui constituent impérativement le support légal des réformes lancées. Ceci
s’est manifesté notamment avec l’adoption du Code des Procédures Fiscales devenu exécutoire
en 2009. Le parcours n'étant pas encore achevé, divers projets de réformes sont prévus sur
plusieurs axes2.
Ceci dit, et malgré sa complexité et les investissements que cela nécessite, la réforme de l’Etat
devient de plus en plus un besoin primordial. Cette solution ne présente pas une simple
correction à des dysfonctionnements au niveau de la gestion de l’Etat, mais elle est considérée
comme un moyen de changement, d’adaptation et de modernisation à l’instar des Etats avancés.
Bien que la privatisation permette de surmonter plusieurs obstacles dans la gestion publique à
travers le transfert des biens ou de la gestion de l’Etat à des entités privées comme par exemple
la technique BOT 3, ceci ne justifie en aucun cas le dessaisissement de l’Etat de sa souveraineté et
de son pouvoir régalien. Malgré qu’elle puisse constituer un moyen de gestion et non une finalité
dans la cession du pouvoir de l’Etat au privé, l’engagement de ce dernier dans les activités
régaliennes demeure refusé. Dans ce contexte nous pouvons être amenés à reprendre la formule
de Bezes4 que «la politique de réforme administrative ne s’inscrit pas dans un vide
institutionnel : elle est, au contraire, « située » et historiquement « produite » au cœur d’un
ensemble de groupements étatiques (ministères, bureaux, corps, élites politiques et
administratives, etc.) qui en contraignent et/ou en favorisent l’émergence, la formulation et les
réalisations éventuelles. Elle doit donc être saisie dans le cadre des luttes pour l’acquisition, la
conservation ou l’accroissement du pouvoir dans l’Etat. »
1
Le département des grandes entreprises concerne les banques, les sociétés financières et les sociétés de capitaux réalisant u n
chiffre d’affaire supérieur à dix milliards livres libanaises. Organisé en plusieurs divisions, ce département est centralisé à
Beyrouth, couvrant ainsi toutes les sociétés remplissant les critères déjà citées sur tout le territoire libanais.
2
Réformes légales en préparant le projet de l’impôt unifié sur le revenu, réformes structurelles et organisationnelles qui von t
suivre cette modification du système fiscal, réformes électroniques en préparant le projet de la déclaration en ligne, etc.
3
Build-Operate-Transfer (en français CET : Construction-Exploitation-Transfert), contrat de concession de travaux publics
signifiant tout accord contractuel dont l’objectif premier est d’assurer la construction ou la réfection d’infrastructures, d’usines,
de bâtiments, d’installations ou d’autres ouvrages appartenant à un gouvernement et en vertu duquel, en contrepartie de la
réalisation par le fournisseur des travaux prévus au contrat, une entité acheteuse accorde au fournisseur, pour une période
déterminée, la propriété temporaire ou le droit de contrôle et d’exploitation, et exige un paiement pour l’utilisation des ouvrages
pendant toute la durée du contrat.
4
Philippe Bezes est un sociologue français et docteur en science politique. Il est chargé de recherche au CNRS, rattaché au centre
d’études et de recherches de science administrative et travaille sur la sociologie de l’administration et des réformes de l’Etat.
BEZES Philippe, « Aux origines des politiques de réforme administrative sous la Vème république : La construction du Souci de
soi de l’Etat », Revue française d’administration publique, n0 102, 2002, p 308.
18
Le modèle libanais ne devrait-il pas dans ce sens rejoindre les politiques de réformes qui ont
connu un fort développement dans la plupart des pays surtout occidentaux et où des exemples
concrets du New Public Management 1(NPM) ont présenté plusieurs caractéristiques parmi
lesquelles on peut citer la décentralisation et la responsabilisation par le transfert des pouvoirs
des administrations centrales aux autres organismes publics, la privatisation de certaines activités
publiques, l’optimisation des services rendus aux citoyens par la minimisation des coûts et
l’amélioration de la qualité des services, auxquelles s’ajoutent la simplification de la
réglementation et l’amélioration de la transparence ?
1
Les principes du NPM ont été en outre développés de manière implicite dans le plan « Réinventer le gouvernement » dressé par
la commission Gore durant le gouvernement Clinton. Tous les fonctionnaires publics fédéraux ont reçu les « principes de
réinvention » consistant à placer les clients au premier plan ; éliminer les procédures bureaucratiques ; donner du pouvoir aux
fonctionnaires afin d’obtenir des résultats orientés vers l’essentiel ; créer un véritable sens du service ; piloter plus, ramer moins ;
déléguer l’autorité et la responsabilité ; aider les communautés à résoudre leurs problèmes ; élaborer des budgets fondés sur des
résultats ; injecter partout de la concurrence ; privilégier le marché par rapport aux solutions administratives ; mesurer les succès
par la satisfaction du client. SARAVIA Enrique, « La réforme de l’Etat au Brésil : L’influence du new public management »,
Revue française d’administration publique, n0 105-106, 2003, p 55.
19
Bibliographie et références :
-
BEZES P., « Aux origines des politiques de réforme administrative sous la Vème république : La
0
construction du Souci de soi de l’Etat », Revue française d’administration publique, n 102, 2002.
BIRNBAUM P., « La fin de l’Etat ? », Revue française de science politique, 35e année, n06, 1985.
BONOLI G., « La réforme de l’Etat social Suisse: Contraintes institutionnelles et opportunités de
changement », Swiss political science Review, 5 (3), 1999.
BOZEC R., « L’analyse comparative de la performance entre les entreprises publiques et les
entreprises privées : le problème de mesure et son impact sur les résultats », L’actualité économique,
volume 80, numéro 4, 2004.
CANNAC Y. et TROSA S., La Réforme dont l’Etat a besoin, Dunod, Paris, 2007.
CARTIER-BRESSON J., « La Banque mondiale, la corruption et la gouvernance », Tiers-monde.,
0
tome 41 n 161, 2000.
COHEN E. et HENRY C., Service public Secteur public, rapport, 1997.
GILL L., « le secteur public : un acquis pour la société, un poids pour le capital », contribution au
colloque du SFPQ, l’Etat que nous voulons, Quebec, 13, 14 et 15 juin 2007.
HARRISON D. et ROY N., « Innovations du travail et fonction publique : des efforts louables ; un
arrimage difficile », La revue de l’innovation: La revue de l’innovation dans le secteur public, volume 9
(2), 2004.
HIBOU B., « Retrait ou redéploiement de l’Etat ? », Critique international, n01, 1998.
MARTINEAU R. et SAUVIAT I., « Le public au travers du prisme managérial : état des lieux d’un
domaine des sciences de gestion », Politique et Management public, les 14 et 15 mars, 2005.
MORDACQ F., La réforme de l’Etat par l’audit, LGDJ, 2009.
SARAVIA E., « La réforme de l’Etat au Brésil : L’influence du new public management », Revue
française d’administration publique, n0 105-106, 2003.
TROSA S., La réforme de l’Etat : Un nouveau management, Ellipses, 2008.
Références Net :
-
Google.fr/Wikipédia.htm./Etat (21/1/2010).
Google.fr/Wikipédia.htm./Réforme de l’état (21/1/2010).
Finance.gov.lb/Reforms (30/5/2011).
20