NP FORUM VENISE:w - Médiathèque de la Cité de la musique

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NP FORUM VENISE:w - Médiathèque de la Cité de la musique
Jean-Philippe Billarant,
Président du Conseil d’administration
Laurent Bayle,
Directeur général
Samedi 20 janvier 2007 de 15h à 18h30
Forum Venise, entre Orient et Occident
Amphithéâtre
Dans le cadre du cycle Venise
Du mardi 16 au mercredi 24 janvier 2007
Vous avez la possibilité de consulter les notes de programme en ligne, 2 jours avant chaque concert,
à l’adresse suivante : www.cite-musique.fr
La librairie-boutique reste ouverte jusqu’à la fin de l’entracte.
Un stand de vente est disponible dans le hall à l’issue du concert.
15H
CONFÉRENCE
La musique à Venise entre Orient et Occident
Sylvie Mamy, musicologue, directeur de recherche au CNRS
16H
TABLE RONDE
Animée par Jeanne-Martine Vacher, productrice à France Culture
Avec Sylvie Mamy, Joël Dugot, conservateur au Musée de la musique, Denis Raisin Dadre, directeur
musical et artistique de Doulce Mémoire, Pascale Boquet, fac-similé du luth Jacob Hes (dépôt du Musée
des Arts décoratifs au Musée de la musique) et colachon (collection particulière) et Fadel Messaoudi,
oud Georges Nahat (collection Musée de la musique).
17H30 CONCERT
Venise aux portes de l’Orient
Anonyme (instrumental)
Passamezzo et gaillarda
Alessandro Striggio (1535-1592)
Ancor ch’io possa dire, diminué par G. Bassano
Cipriano de Rore (1516-1565)
Ancor che col partire, diminué par G. Bassano
Giovanni Pier Luigi da Palestrina (1525-1594)
Pulchra es amica mea, diminué par G. Bassano
Alessandro Striggio
Ancor ch’io possa dire, diminué par G. Della Casa
Cipriano de Rore
Beato mi direi, diminué par G. Della Casa
Giovanni Cavaccio (1556-1626)
Pavane et saltarello
2
Adriano Willaert (v. 1490-1562)
Zingari simo
Giovanni Antonio Casteliono (intabulatura di lauto, 1536)
El Mazzolo
Adriano Willaert
Sempre me ride sta
Lodovico Novello (mascherate, 1596)
Mascherata dei scultori
Mascherata dei mori
Anonyme (XVIe siècle)
La comadrina
In Venetia c’e una figlia
Antonino Barges (v. 1520 - 1565)
La mia gallina
Filippo Azzaiolo (XVIe siècle)
E me levai
Doulce Mémoire
Denis Raisin Dadre, direction, flûtes, bombardes, doulçaines
Véronique Bourin, soprano
Pascale Boquet, luth et guitare renaissance
Lucas Guimaraes Peres, viole de gambe
Françoise Enock, viole de gambe
Sylvia Abramovicz, viole de gambe
Judith Pacquier, cornet à bouquin
Elsa Frank, flûtes, bombardes, doulçaines
Jérémie Papasergio, flûtes, bombardes, bassons
Doulce Mémoire est porté par la Région Centre. Doulce Mémoire est conventionné par le Ministère de la Culture et de la Communication/
DRAC du Centre, soutenu par le Conseil Général d’Indre-et-Loire, le Ministère des Affaires étrangères/CulturesFrance et la Ville de Tours.
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CONFÉRENCE
La musique à Venise entre Orient et Occident
Il est indéniable que les Orientaux ont exercé de multiples influences sur les artistes
et les artisans vénitiens. S’ils sont moins nombreux que dans les arts décoratifs, plusieurs
témoignages démontrent l’intérêt que les Vénitiens portèrent aux musiques orientales
(facture instrumentale, formes musicales, audaces harmoniques, danses…). Il faut aussi
évoquer les milliers de chrétiens orthodoxes (Grecs, Arméniens, Dalmates) et de Juifs
fuyant les persécutions turques qui trouvèrent refuge sur la lagune, à laquelle ils
apportèrent un foisonnement d’idées et de traditions et qui pratiquaient, dans leurs
communautés, leurs musiques nationales. On se souvient que Benedetto Marcello aimait
aller suivre les offices dans les synagogues du Ghetto ; c’est là que le compositeur
vénitien avait noté des mélodies originales issues de la liturgie hébraïque qu’il intégra
ensuite dans ses célèbres Psaumes de David…
On fait communément partir la fondation de « l’école de Saint-Marc » de la date
à laquelle le flamand Adrian Willaert prit la direction de la chapelle privée des doges.
Ce simple fait rappelle que Venise entretenait un courant d’échanges vivaces,
commerciaux et culturels, avec les pays européens nordiques ; de nombreuses familles
de marchands et financiers allemands, flamands et hollandais avaient, tout comme
les Orientaux, élu domicile dans le centre de la cité des doges.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, Venise perdit l’un après l’autre les comptoirs qu’elle avait
implantés autrefois dans le Levant et les échanges avec ces pays ne cessèrent de décliner
jusqu’à la chute de la République. Cette période correspond, à Venise, au règne tout
puissant de l’opéra. Dans le lointain désormais imaginaire que représentait l’Orient,
les librettistes, les chorégraphes, costumiers et décorateurs allèrent chercher des sujets
de livrets, des symboles politiques (trônes injustement usurpés par des tyrans),
des costumes de fantaisie, des machines merveilleuses, des ballets hauts en couleurs.
Les voix efféminées des castrats de la scène baroque ne sont pas sans évoquer
les eunuques des harems orientaux ! Mais ces artistes arrivèrent à Venise par le royaume
de Naples, culturellement marqué par des décennies de domination espagnole, elle-même
pénétrée de culture arabe.
Aujourd’hui, on peut s’étonner de la force et de la détermination avec laquelle la
Sérénissime, confrontée à tant de traditions étrangères, a réussi à se forger une identité
musicale unique, extrêmement particulière qui, des siècles durant, des Gabrieli et de
Zarlino à Bruno Maderna et à Luigi Nono, rayonna sur toute la culture occidentale.
Sylvie Mamy
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SAMEDI 20 JANVIER
TABLE RONDE
À partir du contexte général dégagé par la conférence, la table-ronde permettra
de croiser les points de vue du musicologue, de l’organologue et des interprètes
sur la position centrale de Venise comme point de passage entre les traditions musicales
du Nord de l’Europe et celles du bassin méditerranéen. Les exemples musicaux,
joués séparément ou ensemble sur le luth, le oud et le colachon, en témoigneront.
INSTRUMENTS JOUÉS PENDANT LA TABLE RONDE
Fac-similé luth à sept chœurs Jacob Hes, vers 1586, (dépôt du Musée des Arts
décoratifs, n°40381 au Musée de la musique) réalisé par Stephen Murphy en 1992.
L’instrument original est un des très rares luths du XVIe siècle conservé dans
les collections publiques françaises. Il s’agit d’un instrument de prestige entièrement
en ivoire. Le dos est constitué de quinze côtes séparées de filets à trois brins. Le manche
et le cheviller sont en bois plaqué d’ivoire. La table d’harmonie (épicéa) est percée
d’une rose aux motifs d’entrelacs dont le motif principal est une double étoile à six
branches : la lointaine origine islamique du luth est ainsi manifestée en plein XVIe siècle.
On remarquera le dessin très élégant de la caisse de résonance, dont la sûreté de ligne
évoque des ateliers plus connus tels ceux des Tieffenbrucker de Padoue. La facture
de luth vénitienne n’est pas pour autant en reste puisque de nombreux artisans d’origine
germanique l’ont servi dès le début du XVIe siècle, faisant de cette ville une des capitales
du luth, avec Padoue et Bologne. De Jacob Hes nous ne savons que fort peu de choses
sinon son origine allemande et la date de son décès en 1587. Un seul autre instrument
de ce facteur nous est actuellement connu (collection particulière, Royaume-Uni).
L’état actuel de l’instrument, qui fut cruellement reconverti en mandoline quand la vogue
du luth se fut éteinte, ne permet en aucune sorte une remise en état de jeu. Pour la
réalisation du fac-similé, on a choisi des matériaux de construction alternatifs à l’ivoire
mais cependant traditionnels comme l’if pour la caisse et un placage d’ébène pour
le manche et le cheviller.
Joël Dugot
Oud de Georges Nahat, Damas, 1931, E.997.6.1 (collection Musée de la musique)
Ce oud de Georges Nahat compte aujourd’hui parmi les instruments les plus recherchés
et les plus valorisés par les musiciens et collectionneurs actuels. Ces luths sont réputés
pour leur exceptionnelle sonorité et bien entendu pour la qualité et le grand raffinement
de leur facture, laquelle, ne semble pas avoir été dépassée. Cette facture traditionnelle
de haut niveau s’explique en partie par l’expérience accumulée et transmise de génération
en génération puisqu’il semble que la « dynastie » Nahat trouve son origine dès le début
du XIXe siècle. Mais au-delà de cette filiation liée à la célèbre famille syrienne, la tradition
de construction du oud remonte évidemment beaucoup plus loin dans l’histoire (Ve ou VIe
siècle après J. C.), en tout cas bien avant la tradition européenne du luth puisque cette
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dernière en est issue (IXe- Xe siècle). Ce qui est aujourd’hui remarquable est bien l’identité
du mode de facture de ces deux traditions et en particulier la construction sur moule de
la caisse constituée de fines lamelles de bois (les côtes) juxtaposées et collées ensemble :
qui des arabes ou des occidentaux eurent les premiers l’idée d’abandonner l’archaïque
méthode qui consistait à sculpter caisse et manche dans un unique bloc de bois
(construction monoxyle), pour la construction plus légère décrite ci-dessus ?
Voici une question à laquelle il est aujourd’hui impossible de répondre avec certitude.
Certains avancent l’hypothèse des arabes avec comme inventeur le légendaire musicien
arabo-andalou Zyriab (arrivé à Cordoue en 822), mais il se pourrait bien plutôt que la
découverte fut le fait de facteurs germaniques et donc beaucoup plus tardive. On serait
alors en face d’un effet « en retour », les arabes ayant adopté finalement une méthode
occidentale. Venise, qui, de longue date fut un des berceaux de la facture de luth
germano-italienne aurait pu jouer là un rôle important dans ces échanges de facture
entre les deux cultures.
J. D.
Copie d’un colachon XVIIe siècle, Didier Jarny, Tours, 2005, d’après un colachon italien
anonyme du XVIIe siècle du Musée de la musique (collection particulière).
Le colachon (en italien, colascione ) est une variété de luth à manche long pourvu de deux
ou trois cordes de boyau. Son manche est garni de ligatures (boyau) ou frettes en nombre
variable (au moins 16). L’instrument, aux dires de Mersenne (L’Harmonie universelle, Paris
1636) était joué principalement en Italie. Il semble avoir concerné avant tout une tradition
populaire et n’a laissé pratiquement aucune trace musicale, si ce n’est sous la forme
d’imitations par d’autres instruments contemporains (clavecin, théorbe) : sa sonorité
typée et surtout ses tournures idiomatiques (liées à l’accord) ont marqué la mémoire
des musiciens.
L’iconographie nous le montre souvent dans des scènes de musique de rue, voire
de comedia dell arte.
On notera que, comme pour le luth, l’origine de l’instrument est arabe, certains types
très proches étant encore pratiqués actuellement dans plusieurs pays du bassin
méditerranéen. Charles Burney (1773) témoigne l’avoir entendu accompagner
une chanson napolitaine aux côtés d’un violon et fut surpris à la fois par l’agilité
des instrumentistes et par l’âpreté de leurs modulations.
J. D.
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SAMEDI 20 JANVIER
CONCERT
Venise aux portes de l’Orient (Création 2007)
Loin de la Venise officielle des grandes institutions musicales, Doulce Mémoire propose
de découvrir la Venise des palais et des rues, celle surnommée longtemps « l’autre
Byzance » en raison de ses liens étroits avec la cité orientale.
Dans l’intimité des académies et des palais vénitiens de la Renaissance, une musique
de chambre virtuose et raffinée se fait entendre, développant les passagi et autres
techniques d’ornementation. Certaines d’entre elles, recommandées par les traités
de l’époque, évoquent la musique orientale. Quand Francesco Rognoni reproche en 1612
à certains chanteurs de faire des « roulades à la façon des maures », il témoigne aussi
de l’ouverture de Venise vers l’Orient.
Cité portuaire, Venise n’est jamais aussi vivante et colorée que dans ses rues et ses salons
de courtisanes où, dans un contexte joyeux, érotique et souvent carnavalesque
s’épanouissent madrigaux, mauresques et villanelles.
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Biographies
Doulce Mémoire
Lorsqu’en 1990, Denis Raisin Dadre
fonda l’ensemble Doulce Mémoire,
avait-il la prémonition qu’il posait ainsi
un pied conquérant en terres
Renaissance et qu’il allait rapidement
conquérir les plus illustres hauts lieux
musicaux du monde ? Au terme
de quinze ans d’activité intense et
de réalisations mémorables, au disque
comme au concert, son amour de
la Renaissance ne s’est jamais attiédi.
De la Messe de mariage d’Henri IV
et de Marie de Médicis au Requiem
des Rois de France de Du Caurroy,
des extravagances linguistiques de
Viva Napoli ! aux réparties incendiaires
de Viva Venezia !, Denis Raisin Dadre
a définitivement modifié notre
perception de la Renaissance, jetant à
bas toute joliesse décorative, révélant
des visages parfois inattendus mais
toujours fascinants de son époque
de prédilection. Devenu au fil des ans
un véritable laboratoire musical,
Doulce Mémoire est et restera prodigue
en nouveautés marquantes : on suit
pas à pas les découvertes en tous
genres de l’ensemble, les avancées
musicologiques accompagnant
fidèlement la restauration de fresques
musicales plus fascinantes les unes
que les autres. La richesse infinie
de la Renaissance nous promet bien
des délices, nous les savourerons,
n’en doutons pas avec les musiciens
de Doulce Mémoire.
Pascale Boquet
Ancienne élève de Hopkinson Smith
et Paul O’Dette, Pascale Boquet a joué
et enregistré au sein d’ensembles tels
que l’Ensemble Guillaume de Machaut,
Les Ménestriers, La Compagnie Maistre
Guillaume, La Grande Ecurie et la
Chambre du Roy, Le Concert Spirituel,
etc… Elle est actuellement membre
des ensembles Doulce Mémoire et
Les Witches (Musique Renaissance).
Titulaire du C.A de musique ancienne,
elle a enseigné dans de nombreux
stages, et est actuellement professeur
de luth, musique de chambre,
accompagnement et improvisation
au CNR de Tours. Elle est l’auteur
d’une méthode de luth et de nombreux
recueils pédagogiques, et s’occupe
activement de la Société Française
de Luth depuis 2005.
Yutha Tep – Février 2006
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Fadhel Messaoudi est né à Gabès en
Tunisie. Elevé dans un environnement
musical, il s’initie au chant et à
la percussion. Très rapidement,
il se tourne vers le luth, et après avoir
reçu une solide formation classique,
il remporte de nombreux concours.
C’est en France que sa carrière débute
véritablement, ayant accès aux
archives de la musique classique arabe,
il découvre de véritables trésors
auxquels il décide de se consacrer.
Il approfondit son art dans l’approche
de la musique classique arabe qui
privilégie l’art de l’improvisation et
de l’exploration modale. De 1990 à
1993, il collabore avec le CEMUDAMM
(Centre d’ Etude des Musiques et
Danses du Mashreq et du Maghreb).
Fadhel effectue de nombreuses
tournées et fait découvrir au public
français le répertoire de la musique
traditionnelle de la Nahda (Renaissance)
qui se pratiquait dans la deuxième
moitié du XIXe siècle au Proche Orient.
De 1995 à 1999, il est le luthiste de
l’ensemble AL- ADWAR. Il se produit
alors sur de nombreuses scènes en
France (Théatre de la Ville, Institut du
Monde arabe …) et à l’étranger (PaysBas, Suisse, Maroc, Jordanie…).