1 Petite sémantique des proverbes avec une vue spéciale sur les
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1 Petite sémantique des proverbes avec une vue spéciale sur les
1 Petite sémantique des proverbes avec une vue spéciale sur les proverbes métaphoriques Georges Kleiber (Université Marc Bloch de Strasbourg & EA 1339 LDL-Scolia) Qui trop embrasse les proverbes, mal étreint leur sens 1. Du sens des proverbes en général et en particulier 1.1. En particulier ◊ un proverbe particulier a-t-il un sens et si oui quel est ce sens!? - stabilité, sens littéral et sens non littéral, sens propositionnel et sens fonctionnel, sens acquis par composition ou pré construit (codé). 1.2. En général ◊◊ y a-t-il une sémantique des proverbes!? C’est-à-dire la catégorie des proverbes a-t-elle ou non! un sens qui lui est propre? —> les «!pessimistes!: «!The definition of a proverb is too difficult to repay the undertaking and should we fortunately combine in a single definition all the essential elements and give each the proper emphasis, we should not even then have a touchstone. An incommunicable quality tells us this sentence is proverbial and that one is not. Hence, no definition will enable us to identify positively a sentence as proverbial. Those who do not speak a language can never recognize all its proverbs, and similarly much that is truly proverbial escapes us in Elizabethan and older English. Let us be content that a proverb is a saying current among the folk. At least so much of a definition is indisputable, and we shall see and weigh the significance of other elements later.!» (Taylor, 1931!: 3). —>> Les «!optimistes!»!: nous avons une compétence du proverbe. «!On dirait que chaque parémiographe sait intuitivement ce que c'est qu'un proverbe » (Milner,1969 : 50). √ 3 arguments!: (a) Les castors sont amusants Si Dieu n'existait pas, il faudrait l'inventer (Voltaire) Un sot savant est sot plus qu'un sot ignorant (Molière, Les femmes savantes) (b) A pluie battante, eaux combattantes Celui qui bêche tôt cueillera (c) Frog forgets he had a tail La chance est chauve par derrière √√#triple hypothèse : (i) les proverbes constituent une catégorie sémantique. Ou, dit autrement, ils ont un sens que l’on peut définir et qui fait que l’on peut prédire quelles phrases peuvent accéder au statut de proverbes et dans quelles conditions. (ii) les proverbes sont des dénominations (iii) l’hypothèse (ii) est à l’origine de (i) 2. Les proverbes#: des dénominations d’un type «#très très spécial# 2.1. Quelques généralités -1- la dénomination est une relation qui engage l’extra-linguistique, en ce qu’elle établit une relation entre une expression linguistique (simple ou complexe) X, appelée aussi dénomination ou name, et un ou des éléments de la réalité x (ou de ce que nous pensons être la réalité) ; -2- c’est une relation différente de la relation de désignation (désigner, renvoyer à , référer à, etc.), parce qu’elle suppose un contrat de dénomination préalable entre X et x ; -3- elle a pour conséquence l’établissement d’une association référentielle durable ou stable qui se manifeste par une compétence référentielle, celle de pouvoir utiliser ensuite X pour x. -4- en cas de dénominations lexicales, par opposition à celle des noms propres, l’expression linguistique X devient le name ou la dénomination d’une catégorie (ou concept général et non individuel) et le sens lexical codé ou conventionnel de X est celui qui permet de décider de l’appartenance ou non à la catégorie. -5- si une unité lexicale (simple ou complexe) est une dénomination, elle a nécessairement un sens codé ou préconstruit, qui permet d’effectuer l’opération de catégorisation. -6- une dénomination présuppose l’existence du référent (individu, catégorie de choses) qu’elle dénomme ; elle constitue ainsi un engagement ontologique en faveur des choses dont nous voulons 2 qu’elles existent, c’est-à-dire dont nous voulons qu’elles soient stables et intersubjectivement partagées. -7- au niveau de la forme, c’est le statut d’unité lexicale, le fait de constituer un tout formel (cf. la différence entre une unité simple comme courir et une combinaison d’unités courir très vite) qui se révèle déterminant ; au niveau du sens, c’est le caractère de sens descriptif ou représentationnel préconstruit ou codé qui prévaut. Le tout ou unité ontologique est précisément marqué iconiquement par le tout formel que représente la dénomination. Il faut donc postuler deux Stück de sens pour une dénomination : a) l’indication qu’il s’agit d’une (catégorie de) chose(s), en somme d’un “tout”, avec ses limites et b) la description ou représentation du type de choses dont il s’agit. 2.2. Mots construits, polylexèmes et proverbes > poivrier!; pétrolier, fauteuil roulant >> Fauteuil roulant ≤≥ les proverbes!: quatre arguments ≤≥1 Qui roupille dîne / Qui dort bouffe pour Qui dort dîne Il a cassé sa bouffarde pour Il a cassé sa pipe Il a brisé sa pipe (réplique possible!: Mais c’est!: «!il a cassé sa pipe!»!!) Qui vole un œuf … (pour Qui vole un œuf vole un bœuf) Charité bien ordonnée… (pour Charité bien ordonnée commence par soi-même) ≤≥2 relations lexicales de synonymie (Tel arbre tel fruit / tel maître tel valet / tel père tel fils), d’antonymie (Deux patrons font chavirer la barque vs L’union fait la force), etc. ≤≥ 3 Et, comme on dit, pierre qui roule n’amasse pas mousse (proverbe) Les carottes sont cuites, comme on dit (expression figée) ≤≥4 «!nomination indépendante!» le simple act of naming de Geach, 1962)!: cf. par ex. une assiette de faïence vendue au marché aux puces de Neudorf, qui représentait les enfants de troupe en habits militaires qui jouaient aux billes pendant la pause avec comme légende le proverbe Chassez le naturel il revient au galop. 3. Proverbes métaphoriques et proverbes littéraux#: comment s’en sortir 3.1. Signe-phrase et généricité Rappel A. Le proverbe est à la fois phrase et dénomination et ce double aspect, antinomique, fonde son originalité sémiotique. En tant que phrase, il ne devrait pas être signe (ou unité codée, puisque l’interprétation d’une phrase est une construction et non un donné préalable. En tant que dénomination, il est néanmoins une unité codée, c’est-à-dire un signe. Un signe-phrase donc, qui possède les vertus du signe sans perdre pour autant son caractère de phrase Rappel B. les proverbes constituent des phrases génériques. A ce titre, ils expriment des régularités structurantes, law-like ou gnomiques, et non des assertions sur des faits particuliers. B1. C’est ce qui les sépare des expressions figées phrastiques comme!: Les carottes sont cuites La mariée est trop belle Un ange passe B2. Leur généricité se manifeste par deux propriétés communes aux simples phrases génériques!: - comme les phrases génériques, ils ne se trouvent pas infirmés par d'éventuels contre-exemples!: Les singes mangent des bananes, mais pas Cheetah Pierre qui roule n'amasse pas mousse. Et pourtant, ce globe-trotter a amassé une fortune - ils autorisent, comme les phrases génériques, des inférences par défaut sur les situations particulières rencontrées. Les ânes sont têtus Chien qui aboie ne mord pas 3.2. Différents types de proverbes -C1- Chat échaudé craint l’eau froide Pierre qui roule n’amasse pas mousse «!Proverbs concern people, though they often look superficially as if they concern other things — cows, frogs, peppers, knives, charcoal.!» (Lakoff et Turner, 1989!: 166). Homme échaudé craint l’eau froide -C2- L’habit ne fait pas le moine 3 C’est en forgeant qu’on devient forgeron Ce sont les cordonniers les plus mal chaussés -C3- A petites causes grands effets A quelque chose malheur est bon Bien mal acquis ne profite jamais (Qi) Pourquoi une phrase telle que Pierre qui roule n’amasse pas mousse ne peut-elle devenir proverbe si elle se cantonne au domaine des entités impliquées, c’est-à-dire les pierres, et n’englobe donc pas, métaphoriquement ou non, les hommes!? Autrement dit, pourquoi des phrases génériques portant sur des entités concrètes «!non humaines!» telles que!l’or, les castors, etc. : L’or est jaune Les castors construisent des barrages ne peuvent-elles prétendre au statut de proverbe, à moins de «!sortir!» des catégories concernées et de s’étendre aux hommes!? (Qii) Pourquoi n’y a-t-il pas proverbe sans montée hyperonymique pour des phrases telles que!: C’est en forgeant qu’on devient forgeron Chat échaudé craint l’eau froide On ne tire pas sur une ambulance Autrement dit, pourquoi des phrases génériques non proverbiales exprimant des situations particulières, déterminées, relatives aux hommes ou non, telles que!: Le gazon n’est vert que si on l’arrose suffisamment Tout laboureur est guidé par son sillon ne peuvent-elles devenir proverbes si l’on en reste à l’état de choses qu’elles décrivent et si l’on ne s’élève pas à un niveau interprétatif`où cet état de choses n’apparaît plus que comme un hyponyme ou une instanciation d’une situation plus générale!? (Qiii) Pourquoi, enfin, les proverbes dit littéraux comme!: Qui peut le plus peut le moins Bien mal acquis ne profite jamais L’union fait la force ne nécessitent ni basculement vers les hommes ni montée!«!synecdochique!»!? Autrement dit encore, pourquoi une phrase générique telle que!: L’amour est toujours une force pourrait-elle accéder telle quelle au rang de proverbe!? 3.3. Réponses antérieures Dans Kleiber (2000 a)!: une réponse en deux parties!: postuler le trait ‘humain’ et faire jouer la maxime gricéenne de quantité. Obj. A petites causes grands effets Charité bien ordonnée commence par soi-même 3.4. Appariement métaphorique et élévation hypo/hyperonymique ™ Que se passe-t-il lors de la première utilisation proverbiale d’une phrase générique du type de celles qui entraînent une montée abstractivo-hyperonymique!? On ne tire pas sur une ambulance (Conenna et Kleiber, 2002) 3.5. Des catégories de niveau superordonné ™™Pourquoi certains proverbes du type de!: L’union fait la force peuvent-ils être proverbes en restant en somme littéraux, alors que d’autres du type de!: C’est en forgeant qu’on devient forgeron Chat échaudé craint l’eau froide © modèle hiérarchique des catégories proposé par Rosch et al. (1976) - niveau superordonné (exemple!: animal, fruit et meuble) - niveau de base (exemple!: chien, pomme et chaise) - niveau subordonné (exemple!: teckel, golden et chaise pliante) avec un statut cognitif privilégié accordé au niveau intermédiaire. Hypothèse!: les proverbes dénomment des catégories non de niveau basique ou subordonné, mais de niveau superordonné, autrement dit, des catégories qui regroupent des situations hétérogènes. 4 R1: a) Chat échaudé craint l’eau froide C’est en forgeant que l’on devient forgeron b) L’or est jaune Les castors construisent des barrages Le gazon n’est vert que si on l’arrose suffisamment Tout laboureur est guidé par son sillon R2. a) A petites causes grands effets Bien mal acquis ne profite jamais L’union fait la force Qui peut le plus peut le moins b) L’amour est toujours une force Quelques précisions pour terminer -1- la différence entre proverbes et dictons Noël au balcon, Pâques aux tisons Petite pluie abat grand vent -2- le rapport entre le sens des proverbes littéraux et le sens des proverbes non littéraux -3- la question du trait [+humain] -4- la raison d’être des proverbes, littéraux ou non!: ils servent à dénommer des situations qui, étant donné leur caractère hétérogène, ne sont pas, disons pour aller vite, «!concrètes!», c’est-à-dire directement accessibles ou perceptibles. Les proverbes ont précisément pour mission d’identifier et de stabiliser par la dénomination qu’ils opèrent de telles catégories issues du regroupement de catégories homogènes particulières. Etant des dénominations, ils présupposent l’existence de telles catégories et ce parce qu’ils présupposent la vérité de la situation générique dénotée et nous dispensent donc de l’asserter. Bibliographie Anastassiadis-Syméonidis, A., 1998, Le proverbe en grec moderne, in Mejri S., Clas A., Gross G. et Baccouche T. (éds), Le figement lexical, Préactes des 1ères Rencontres Linguistiques Méditerranéennes (Tunis, 17-19 septembre 1998), Tunis, CERES, 77-85. Anscombre, J.C.,1994, Proverbes et formes proverbiales : valeur évidentielle et argumentative, Langue française, 102, 95-107. Anscombre, J.C., 1995, La nature des topoï, in Anscombre J.C. (éd.), Théorie des topoï, Paris, Kimé, 49-84. Anscombre, J.C.,1999, Estructura(s) métrica(s) en los refranes, Paremia, 7. 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