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CHAPITRE 3 COMPORTEMENT THERMIQUE ET HYDRIQUE Les propriétés de transferts thermiques sont directement liées aux constituants, à la morphologie du milieu (matrice solide et réseau poreux) et aux interactions entre les différents types de transferts existant dans le matériau. Les propriétés isolantes des matériaux de construction se quantifient au travers de deux paramètres usuels : la conductivité thermique λ et la diffusivité a. Ceux-ci dépendent des caractéristiques intrinsèques des constituants, de la microstructure du matériau et des conditions de conservation (rôle de l’eau). Ce chapitre dresse dans un premier temps un bilan rapide des différents modes classiques de transferts de chaleur (conduction, convection, rayonnement) sans transfert de masse. Il vise à décrire le comportement thermique du béton de chanvre en milieu sec à partir de l'étude de la conductivité λ. Il confronte les résultats de campagnes de mesures expérimentales et d'une modélisation par homogénéisation autocohérente (HAC). Un motif générique de type inclusion tricomposite semblable à celui utilisé en mécanique est testé. Cette première phase conduit à un modèle prédictif fiable de la conductivité thermique sèche du matériau en fonction de sa formulation et de sa densité. Dans un second temps, le comportement en milieu humide du béton de chanvre et de chacun des constituants est étudié. Ceci permet de voir la sensibilité du matériau à l’eau et d’évaluer ainsi son caractère hydrophile. En effet, les particules végétales contiennent de - 137 - nombreux capillaires, contrairement à des granulats minéraux usuels. Ces capillaires sont à l'origine de deux phénomènes physiques. Le premier phénomène est le transfert d’eau liquide dans le réseau de pores. Les particules se comportent comme des pompes capillaires et monopolisent l’eau présente dans le matériau. Le deuxième phénomène est la condensation capillaire. Un changement de phase se produit dans les capillaires les plus fins, au cours duquel l’eau vapeur passe sous forme liquide, humidifiant ainsi les particules végétales. Ces phénomènes seront d’autant plus favorisés que le milieu extérieur sera humide et les capillaires seront fins. Un comportement similaire vis à vis de l’humidité de l’air ambiant est également observable dans le liant. Cette sensibilité à l’humidité des constituants du béton de chanvre a des répercussions immédiates sur les propriétés isolantes du matériau. L’eau, milieu très conducteur, remplace l’air isolant dans la particule et dans le liant. Des variations de conductivité non négligeables sont alors constatées et quantifiées de manière expérimentale en fonction de l’humidité ambiante. Une modélisation HAC conclut l'étude et permet de disposer d'un modèle prédictif de la conductivité thermique sous différentes conditions hygrométriques. - 138 - CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique 1. LE TRANSFERT DE CHALEUR 1.1. Généralités 1.1.1. Définition des modes de transfert Le transfert de chaleur correspond à une transmission de l’énergie contenue dans une zone vers une autre. Ce transfert a lieu sous trois formes : la conduction sous l’effet d’un gradient de température, la convection et le rayonnement. La conduction désigne le transfert d’énergie par contact sans déplacement global de matière. Ce sont des porteurs élémentaires (molécules, électrons ou phonons) qui véhiculent l’énergie. Ce mode de transfert est très étudié car il dépend uniquement de la structure du matériau et de ses composants. La conductivité λ est donc une valeur caractéristique intrinsèque du matériau. La convection caractérise le transfert de chaleur entre une matrice solide immobile et un fluide qui s’écoule le long de la paroi solide, ces deux éléments étant à des températures différentes. On distingue la convection naturelle et la convection forcée. La convection naturelle recouvre les écoulements de fluides interstitiels, induits par les variations de masse volumique dues aux différences de température. La convection forcée quant à elle, recouvre les cas où le fluide a un mouvement donc une vitesse de déplacement imposée par une cause d’origine mécanique (pompage…). La convection mixte mêle de manière équivalente les deux modes de convection précédemment cités. Le rayonnement enfin est dû aux émissions d’ondes électromagnétiques. La chaleur se transmet entre le corps émetteur qui joue le rôle de source et le corps récepteur qui emmagasine l’énergie sans aucun support matériel entre les deux matériaux. Compte tenu de la température à laquelle les tests sont réalisés T = 20°C, le rayonnement sera négligé vis à vis des phénomènes de conduction et de convection. 1.1.2. Équation de la chaleur L’équation générale de la chaleur pour un point M d’un solide homogène isotrope, repéré par ses coordonnées cartésiennes spatiales et temporelles s’écrit : ( ∂t λ ∆T + grad T ⋅ grad λ + m = ρ C ∂T + U ⋅ grad T - 139 - ) (III.1) avec λ: conductivité thermique du matériau (W/(m.K)) C : chaleur massique m : terme source T : champ de température dans le matériau (° K) U : champ des vitesses du solide Elle est obtenue en écrivant la conservation de l’énergie dans le milieu. 1.1.3. Hypothèses de travail L’équation (III.1) est simplifiée grâce à quelques hypothèses : - La conductivité des solides varie très peu avec la température d’où grad λ = 0 . - Il n’y a pas de production interne de chaleur : m = 0 - Le solide considéré est immobile donc U = 0 - Les études sont faites en régime permanent donc ∂T = 0 ∂t On aboutit à l’équation finale : λ ∆T = 0 (III.2) Cette équation et l’ensemble du raisonnement mené au début de ce paragraphe ne s’appliquent que dans le cas d’un matériau homogène. Or, le béton de chanvre est un matériau composite pour lequel l’équation est a priori non valable. Cependant, l’équation de la chaleur est exacte au niveau microscopique sur des volumes élémentaires du constituant homogène. Le passage de cette échelle microscopique à une échelle macroscopique se fait par des techniques d’homogénéisation qui permettent de définir une conductivité macroscopique λ*, également nommée conductivité effective du matériau. Pour simplifier les écritures, nous utiliserons λ pour la conductivité thermique globale du matériau poreux en sachant que cela fait référence à la conductivité équivalente macroscopique. Sur l’ensemble du chapitre, λ sera fonction de la formulation de béton de chanvre considérée. - 140 - CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique 1.2. Étude de la Conductivité thermique en milieu sec La conductivité thermique λ des matériaux est la propriété le plus couramment étudiée car elle dépend uniquement de la structure du matériau et de ses composants, contrairement à la convection qui intègre l’environnement immédiat du matériau. En effet, la convection dépend de la façon dont l’air peut se déplacer à l’intérieur du matériau. Ainsi, un matériau dans lequel les déplacements d’air seront favorisés en créant une différence de température ou de pression entre ces deux faces par exemple, présentera un niveau de convection plus important qu’un matériau placé entre deux parois imperméables qui empêchent les déplacements d’air. Cette partie est consacrée à l’étude du phénomène de conduction en milieu sec de manière théorique et expérimentale. Dans un premier temps, les principaux résultats théoriques au sujet de la conductivité thermique sont exposés. Dans un second temps, la méthode de mesure expérimentale de la conductivité est exposée et les résultats obtenus sur le béton de chanvre sont comparés aux modèles issus de l’homogénéisation autocohérente. 1.2.1. Bornes de Voigt et Reuss Deux modèles simples, l’un série et l’autre parallèle, encadrent la conductivité thermique du milieu. Ce sont les bornes de Voigt et Reuss. 1.2.1.1 Notations Notons θi la concentration volumique de la phase i, occupant un volume Vi dans un matériau de volume total V : θi = Vi / V (III.3) Soit un matériau poreux composé d’une phase solide et d’une phase fluide. La phase solide de conductivité λs et de taux volumique θs correspond à la matrice solide sans air (particules, liant). La phase fluide contient la totalité de l’air du matériau. Elle a une conductivité λf et un taux volumique θf. On a par définition θf = 1 - θs. - 141 - 1.2.1.2 Modèle en série Le modèle série correspond au cas de figure où le flux de chaleur traverse les deux phases de manière parallèle à la normale n à leur surface de contact. n FLUIDE 1- θs SOLIDE θs FLUX Fig.III. 1: Modèle série de conduction thermique La conductivité thermique λsérie correspondante est : λsérie = 1 θs + 1 - θs λs (III.4) λf Dans le cas où la conductivité du fluide λf tend vers 0, la conductivité totale λ tend aussi vers 0. La couche de fluide isole le matériau global et crée une rupture dans le chemin de propagation de la chaleur. Ce schéma fait jouer un rôle prépondérant à l’air qui va imposer la conductivité globale du matériau. 1.2.1.3 Modèle en parallèle Le modèle parallèle correspond au cas de figure où le flux de chaleur traverse les deux faces de manière perpendiculaire à la normale n à leur surface de contact. n FLUIDE 1- θs SOLIDE θs FLUX Fig.III. 2 : Modèle parallèle de conduction thermique La conductivité thermique λparallèle correspondante est : λparallèle = θs λs + (1 - θs ) λ f (III.5) Lorsque la conductivité du fluide devient négligeable devant celle du solide (λf << λs), la phase solide impose la conductivité totale et λ tend vers θsλs. Il en est de même lorsque la phase fluide a une conductivité très faible comme c’est le cas pour l’air. Dans ce type de configuration, on néglige le rôle de l’air sur la conductivité. - 142 - CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique La conductivité thermique λ réelle du milieu est bornée par ces deux modèles. Ceux-ci permettent donc de déterminer une zone dans laquelle la conductivité se situe obligatoirement quel que soit le matériau considéré : λsérie < λ < λparallèle (III.6) Ces bornes ont été représentées dans le cas du béton de chanvre (Fig.III.3) en faisant l’hypothèse que la conductivité de la phase solide est celle du liant. On observe que l’écart entre les bornes est trop important pour constituer une modélisation prédictive de la conductivité thermique. 0,250 Modèle série Modèle parallèle 0,200 λ (W/(m.K)) BETON DE CHANVRE 0,150 0,100 0,050 0,000 0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1 θsolide Fig.III. 3 : Bornes de Voigt et Reuss pour le béton de chanvre D’autres auteurs comme [JACKSON & BLACK, 83], [LAURENT, 91] et [LOUKOU, 94] se sont intéressés à des modèles mixtes qui couplaient les modèles séries et parallèles. Ces modèles reposaient sur l’hypothèse que la microstructure du matériau ne variait pas lorsque sa masse volumique changeait (pas de réarrangement du squelette sous l’effet du compactage) et que la répartition de l’air dans le matériau était uniforme. Un calage expérimental déterminait la proportion de chaque modèle (série et parallèle) dans le modèle mixte. Cette modélisation dépendait donc fortement de la qualité des mesures expérimentales. Une autre technique basée sur de la HAC a donc été employée. Le principe est d’assimiler un matériau hétérogène à un matériau homogène équivalent dont on doit déterminer les caractéristiques. On réalise ainsi un passage de l’échelle microscopique (les - 143 - constituants) à l’échelle macroscopique (le matériau), en exprimant la conductivité thermique globale du matériau comme une fonction des caractéristiques de chaque constituant (conductivité, concentration volumique). 1.2.2. Modèles par homogénéisation autocohérente (HAC) La mise en œuvre de la HAC nécessite deux conditions, la séparation d’échelle et l’existence d’un motif générique. A ces deux conditions s'ajoute la conservation de l’énergie entre le milieu hétérogène réel et le milieu homogène fictif, dont les propriétés sont à définir. Dans le cadre de cette étude, le motif générique est constitué d’inclusions sphériques simples ou composites [HASHIN, 68], qui permettent de simplifier les calculs par des effets de symétrie. La modélisation peut se faire en une seule homogénéisation ou faire appel à une double homogénéisation [BOUTIN, 96]. Ces deux approches sont détaillées ci-après. 1.2.2.1 HAC avec des inclusions simples Dans le cas d’un milieu constitué d’inclusions simples, le problème se traite en deux étapes. Tout d’abord, le champ des températures dans le milieu constitué d’une inclusion sphérique de rayon R1 et du milieu homogène soumis à un gradient G unitaire à l’infini est déterminé. Le champ de températures solution de l’équation (III.2) est de la forme : (i = 1, eq) Ti = ⎛⎜ Ai r + B2i ⎞⎟ cosθ ⎝ r ⎠ Les conditions aux limites imposent que: En r = 0 T1 est finie donc B1 = 0 En r = ∞ (grad T)eq tend vers G donc Aeq = 1 En r = R1 T est continue donc En r = R1 Beq + R1 = A1 R1 R12 ⎛ ⎞ λeq ⎜1 - 2 B3eq ⎟ = λ1 A1 le flux Φi est continu donc R1 ⎠ ⎝ - 144 - (III.7) CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique λ1 R1 G λeq Fig.III. 4 : Inclusion sphérique simple soumis à un gradient G unitaire On se ramène donc à un système de deux équations à deux inconnues A1 et B1, dont la solution est : 3 λeq λ1 + 2 λeq (III.8) B1 = λeq - λ1 3 R1 λ1 + 2 λeq (III.9) A1 = Supposons ensuite que le milieu est constitué de deux types d’inclusions simples 1 et 2 de concentrations volumiques θ1 et θ2 telles que θ1 + θ2 = 1. La conservation du flux dans l’ensemble du matériau s’écrit : λ eq ( grad T ) eq = θ1 λ1 ( grad T ) 1 + θ 2 λ 2 ( grad T ) 2 (III.10) La dernière équation est obtenue en considérant que les deux inclusions sont soumises au même gradient de température à l’infini : ( grad T ) eq = θ1 ( grad T ) 1 + θ 2 ( grad T ) 2 (III.11) On en déduit finalement: soit d’où λ eq (θ1 ( grad T ) 1 + θ 2 ( grad T ) 2 ) = θ1 λ1 (grad T ) 1 + θ 2 λ 2 ( grad T ) 2 (III.12) λ eq (θ 1 A 1 + θ 2 A 2 ) = λ 1 θ 1 A 1 + λ 2 θ 2 A 2 (III.13) θ1 λ1 - λ eq λ1 + 2λ eq + (1 - θ 1 ) λ 2 - λ eq λ 2 + 2λ eq =0 (III.14) On pose les paramètres suivants : X = λ eq λ2 et et on obtient l’équation du second ordre en λ: - 145 - β= λ1 λ2 (III.15) 2 X2 + X [3 θ1 - 2 + β (1 - 3 θ1 )] - β = 0 (III.16) La résolution de ce système permet d’obtenir les valeurs de X et d’en déduire λeq. Dans le cas ou λ1 est très faible devant λ2 (air par exemple), (III.16) se simplifie avec β=0 : 2 X 2 + X [3 θ1 - 2 ] = 0 (III.17) 3 2 (III.18) λ eq = (1 - θ1 ) λ 2 soit On obtient une dépendance linéaire entre la conductivité du milieu équivalent et la conductivité du milieu 2. On retrouve la valeur limite de 2/3 pour la concentration θi qui définit le domaine de connexité de la phase 1. 1.2.2.2 HAC avec inclusions bicomposite Dans ce cas, la connexité de la phase externe est imposée (milieu 2 dans Fig.III.5). On considère donc un constituant 1 modélisé par une sphère de rayon R1, de conductivité λ1 et de masse volumique ρ1, entouré d’un constituant 2 de caractéristiques R2, λ2 et ρ2. Cette inclusion bicomposite est entourée d’une matrice de matériau homogène équivalent de caractéristiques λeq et ρeq. On définit un paramètre θ qui permet de caractériser la concentration volumique de la phase interne 1 : θ = ⎛⎜ R 1 ⎞⎟ ⎝ R2 ⎠ 3 (III.19) Tout comme dans le cas des inclusions simples, le milieu est soumis à un gradient de température uniforme unitaire G à l’infini. Le champ de température solution est de la forme (III.7). L’équation de la chaleur est résolue pour cette inclusion composite en respectant les conditions aux limites c’est-à-dire la continuité des flux et des températures aux deux interfaces. - 146 - CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique Milieu équivalent λeq λ2 R2 G G λ1 R1 Fig.III. 5: Équivalence entre milieu bicomposite à inclusions sphériques et milieu homogène Les conditions aux limites imposent que: En r = 0 T1 est finie donc B1 = 0 En r = ∞ (grad T)eq tend vers G donc Aeq = 1 En r = R1 T est continue donc En r = R1 le flux Φi est continu donc En r = R2 T est continue donc En r = R2 le flux est continu donc B2 + A2 R1 = A1R1 R12 ⎛ ⎞ λ2 ⎜ A2 - 2 B32 ⎟ = λ1 A1 R1 ⎠ ⎝ B2 + A2 R2 = R2 + Beq 2 2 R2 R2 ⎛ ⎞ ⎛ ⎞ λ2 ⎜ A 2 - 2 B32 ⎟ = λeq ⎜1 - 2 B3eq ⎟ R2 ⎠ R2 ⎠ ⎝ ⎝ Dans la méthode autocohérente, la conductivité λeq doit être telle que sous le même gradient de température à l’infini G, il y ait identité entre les énergies thermiques contenues dans le milieu homogène équivalent sans inclusion et dans le milieu avec l’inclusion composite. Ceci équivaut à dire que la moyenne du gradient de température dans la sphère composite est égale au gradient G d’où Beq = 0. On obtient ainsi un système de 4 équations à 3 inconnues. Ce dernier n’aura une solution que si le système est lié donc son déterminant est nul. On obtient ainsi la conductivité λeq du milieu homogénéisé bicomposite [HASHIN, 68]: λeq ⎡ ⎤ ⎥ θ = λ 2 ⎢1 + 1 ⎢ 1-θ + ⎥ 3 ⎢⎣ λ 1/ λ 2 - 1 ⎦⎥ (III.20) La même méthode peut être appliquée au cas d’une inclusion sphérique tricomposite avec les milieux 1, 2, 3. - 147 - λ2 R2 λ1 R1 G λ3 R3 Fig.III. 6 : Inclusion sphérique tricomposite On pose les concentrations volumiques suivantes : θ = ⎛⎜ R 2 ⎞⎟ 3 (III.21) ⎝ R3 ⎠ δ = 1 - ⎛⎜ R 1 ⎞⎟ 3 ⎝ R2 ⎠ (III.22) On obtient alors un système de six équations à cinq inconnues et la conductivité équivalente vaut [BOUTIN, 96] : ⎡ ⎤ ⎢ ⎥ ⎢ ⎥ ⎢ ⎥ ⎥ θ λ eq = λ 3 ⎢1 + ⎢ ⎥ (λ 1/λ 2 - 1) δ 1+ ⎢ ⎥ 3 1 θ + ⎢ ⎥ 3 ( ) ( ) + / 1 2 / 1 δ λ 1 λ 2 λ 2 λ 3 ⎢ ⎥ λ1 - 1⎢⎣ ⎥⎦ 3 λ3 (III.23) Quelques remarques peuvent être faites quant aux comportements limites induits par ces deux formules. Concernant les inclusions bicomposite, quand θ tend 0, λéq tend vers λ2. En revanche, pour θ tendant vers ∞, on retrouve λéq ≈ λ1. De plus, un fort contraste entre les deux milieux simplifie (III.20) en : - 148 - CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique λ2 >> λ1 λ eq = λ 2 λ1 >> λ2 λ eq = λ 2 (1 - 23+θθ ) (1 + 13-θθ ) (III.24) (III.25) Dans le cas d’un milieu tricomposite, on se ramène au milieu bicomposite lorsque δ tend vers 0 (les phases 1 et 2 se confondent). Dans ce cas, on retrouve θ = (R1/R3)3. Cette méthode peut être étendue à des inclusions à n phases. Le problème se ramène à un système de n équations avec (n-1) inconnues pour lequel on déduit une relation entre les différents paramètres. 1.2.2.3 Application de HAC bicomposite au chanvre en vrac sec Du chanvre en vrac a pu être testé dans la machine thermique en utilisant un moule carré dont les parois latérales sont faites de Styrodur et les faces supérieure et inférieure sont constituées de plaques de cuivre. Cet échantillon est donc constitué de deux phases : les particules végétales et l’air inter-particules. On pose : - ρc : masse volumique du chanvre en vrac - λc : conductivité du chanvre en vrac mesurée par la machine thermique - ρpc : masse volumique de la particule végétale - λpc : conductivité de la particule végétale (inconnue) - λa : conductivité de l’air ambiant à 20°C - ρa : masse volumique de l’air (négligeable) A partir de la mesure expérimentale de la conductivité macroscopique du chanvre en vrac, considéré comme le milieu équivalent, on peut déduire la valeur de la conductivité de la particule λpc en inversant la formule obtenue dans le cas du modèle à inclusions bicomposite. On considère une structure avec une bulle d’air centrale (phase 1) de rayon Ra entourée d’une particule végétale (phase 2 connexe) de rayon Rpc [ARNAUD & al., 00b]. La conductivité du chanvre en vrac s’écrit donc : ⎤ ⎡ ⎥ ⎢ θ ⎥ ⎢ λ = λ ⎢1 + ⎥ c pc 1−θ 1 + ⎥ ⎢ λ / λ −1 ⎥ 3 ⎢ a pc ⎦ ⎣ avec θ = ⎛ ⎜⎜ ⎝ Ra R pc ⎞ ⎟⎟ ⎠ 3 =1 - - 149 - ρc ≈ ρ pc (III.26) 1 2 (III.27) La masse volumique moyenne de la particule est ρpc ≈ 320 kg/m3. De plus, pour ρc = 155 kg.m-3, on a mesuré λc = 0,058 W/(m.K). En intégrant ces valeurs dans (III.26), on déduit la conductivité de la particule seule λpc = 0,102 W.(m.K). Finalement, on peut exprimer la conductivité du chanvre en vrac en fonction de sa masse volumique en remplaçant les valeurs numériques dans (III.26): λc = 0,102 + 0,102 1 − ρ c / 320 − 1,342 + ρ c / 960 (III.28) Les résultats fournis par ce modèle théorique sont cohérents avec les mesures expérimentales (Tab.I.11) fournies par le C.S.T.B. et l'E.N.T.P.E. . 1.2.2.4 Application au cas du béton de chanvre sec Le béton de chanvre étant constitué de trois éléments, on utilise le modèle à inclusions tricomposite avec une bulle d’air, entourée de particules végétales, elle-mêmes entourées de liant [ARNAUD & al., 00a]. Ce type d’inclusion générique est basé sur trois hypothèses : - Le liant est constitué du T70 hydraté et de bulles d’air microscopiques (air intra-liant) - Les particules végétales sont constituées de la partie végétale et de l’air intra-particule - La bulle d’air correspond à l’air macroscopique contenu dans le matériau (hors liant et hors particule) λ c Rc G λ a Ra λ l Rl Fig.III. 7 : Inclusion sphérique tricomposite représentant le béton de chanvre sec - 150 - CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique L’expression de la conductivité thermique du béton de chanvre devient donc: ⎡ ⎤ ⎢ ⎥ ⎢ ⎥ ⎢ ⎥ ⎢ ⎥ ⎥ θ λ = λ l ⎢ 1+ ⎢ ⎥ ⎛ ⎞ λa δ ⎢ ⎥ 1+ ⎜ − 1⎟ 3 λ ⎝ pc ⎠ ⎢ 1-θ + ⎥ ⎢ 3 ⎥ 2 λ ⎛ ⎞ ⎛ ⎞ λ λ pc a −1− δ a − 1 ⎢ + 1⎟ ⎥ ⎜ ⎟ ⎜ 3 ⎝ λ pc λl ⎢⎣ ⎠ ⎝ λl ⎠ ⎥⎦ ⎛ R pc ⎞ θ =⎜ ⎟ R l ⎝ ⎠ avec On pose avec 3 ⎛ δ =1-⎜ ⎜ ⎝ mpc = k.ml Ra R pc ⎞ ⎟ ⎟ ⎠ (III.29) 3 (III.30) (III.31) mpc : masse particules ml :masse de liant en poudre dans la formulation de béton On en déduit : θ =1- 1 ρ k + 1 ρl et δ= ρ k 1 ρ ( + 1 ) k ρ pc 1 1ρl k + 1 (III.32) (III.33) Cette définition de k est basée sur l’hypothèse que les variations de propriétés entre le liant en poudre et le liant hydraté sec n’entraînent pas de variation notable de la conductivité thermique du béton de chanvre. Ceci a été vérifié par [CORDIER, 99] sur 6 formulations différentes (utilisant deux liants distincts) pour lesquelles la variation de λ n’excédait pas 2% entre les deux approches. 1.2.3. Mesures expérimentales Les campagnes de mesures expérimentales sont menées à l’aide d’un dispositif appelé boîtes thermiques [MENGUY & LAURENT, 86]. Elles permettent de déduire la conductivité thermique des matériaux en régime permanent en réalisant un bilan énergétique du système. - 151 - 1.2.3.1 Description du dispositif expérimental Le dispositif est constitué d’une enceinte isotherme maintenue à la température de T = -4,2°C (± 0,1°C) par un système de refroidissement. C’est la source froide du système. Cette enceinte possède deux ouvertures carrées de 27 cm de côté sur sa face supérieure sur laquelle sont disposées les deux boîtes en Styrodur contenant les échantillons à tester. Le Styrodur est un excellent isolant, qui limite les pertes de chaleur par les surfaces des boîtes en contact avec l’extérieur. Chaque boîte contient une plaque chauffante jouant le rôle de source chaude. On impose ainsi une température uniforme dans la boîte en modifiant la tension électrique U (V) appliquée aux bornes de la plaque. Une console indique la valeur de cette tension U et un ohmmètre électronique permet de mesurer les résistances R (Ω) de chaque boîte. On peut ainsi évaluer la quantité de chaleur dégagée par effet Joule dans le système. Des sondes de température (thermosondes à résistance de platine) permettent de mesurer la température ambiante dans la boîte (Tboîte), la température extérieure dans la salle (Text), les températures sur la face supérieure de l’échantillon (Tsup) et sur la face inférieure (Tinf). Le gradient thermique imposé entre la boîte et l’enceinte climatique crée un flux de chaleur entre les deux faces de l’échantillon. La mesure est réalisée sur 24 heures de façon à laisser le système se stabiliser et ainsi établir un régime permanent. Fig.III. 8 : Machine thermique - 152 - CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique Fig.III. 9 : Schéma de principe de la machine thermique - 153 - 1.2.3.2 Résolution de l’équation de la chaleur dans le cas d’une plaque L’équation de la chaleur (III.2) se résout analytiquement dans le cas d’un échantillon simple dont les parois de surface S sont soumises à deux températures différentes. En régime permanent, le transfert de chaleur se fait suivant des lignes de flux perpendiculaires aux faces, c’est un écoulement de type monodimensionnel avec la température T variant linéairement en x. Tsup e Tinf FLUX x Fig.III. 10 : Écoulement en régime permanent au travers d’un mur d’épaisseur e En tenant compte des conditions aux limites, on en déduit: T(x) = T sup + (T inf - T sup ) e x (III.34) Le flux de chaleur par unité de temps vaut d’après la loi de Fourier: dΦ = - λ dT S dx (III.35) En considérant qu’il n’y pas de fuites par les parois latérales de l'échantillon, le flux de chaleur émis par la face supérieure se retrouve intégralement sur la face inférieure. Par intégration en tenant compte des conditions aux limites, on obtient : Φ(x) = - (T inf - T sup ) λ S e (III.36) Cette configuration d’écoulement au travers d’un échantillon d’épaisseur e correspond à l’écoulement dans le dispositif de mesures utilisé. On calcule ainsi la conductivité thermique de notre matériau. 1.2.3.3 Principe de la mesure La mesure est basée sur le principe de conservation de l’énergie dans le système constitué de la boîte en Styrodur et de la plaque de béton de chanvre. On pose les conventions d’écriture suivantes : - 154 - CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique D: Coefficient global de déperdition thermique (W.K-1) à travers les parois de la boîte e: Épaisseur (m) de l’échantillon S: Surface corrigée de l’échantillon (0,0692 m2) En régime permanent, l’énergie fournie au système est dissipée pour partie à travers les parois de la boîte et pour partie au travers de l’échantillon de béton de chanvre. Le système reçoit l’énergie fournie par dissipation thermique dans la résistance (effet Joule). Elle vaut U2 / R. La chaleur perdue à travers les parois de la boîte vaut : D (Tboîte – Tamb) et la chaleur passant à travers l’échantillon vaut : Φ = - λ S (Tinf – Tsup) / e. On obtient donc : U 2 = D (T boîte - T amb) - λ S (T inf - T sup) R e (III.37) d’où on déduit la conductivité thermique du matériau : λ= 1.2.3.4 2 ⎛ ⎞ e ⎜⎜ D (T boîte - T amb) - U ⎟⎟ S (T inf - T sup) ⎝ R ⎠ (III.38) Les perturbations dues à la convection Les échantillons étant très poreux, des échanges convectifs peuvent se produire et perturber les mesures. Des mesures ont été réalisées sur des échantillons enfermés entre deux plaques de cuivre et sur des échantillons sans plaque. On observe que pour des valeurs de masses volumiques inférieures à 400 kg/m3, il existe un écart entre les mesures réalisées sur ces deux configurations (Fig.III. 11). De plus, l’écart entre les mesures avec et sans plaques diminue lorsque la masse volumique des échantillons augmente. Cette différence de comportement des échantillons peut s’interpréter par un rôle non négligeable de la convection lorsque la masse volumique du béton de chanvre est inférieure à 400 kg/m3. Lorsque l’échantillon est testé sans plaque et que la perméabilité du matériau est suffisamment importante, des transferts thermiques par déplacement d’air au travers du béton de chanvre deviennent possibles. Ces échanges convectifs s’additionnent aux transferts thermiques par conduction. Lorsque l’échantillon est placé entre deux plaques, les échanges convectifs sont limités car on réduit la surface de contact entre l’air extérieur et la phase solide. L’écart de mesures entre les deux configurations d’essais correspond donc aux échanges convectifs dans le matériau. Comme l’étude porte sur la conductivité thermique du béton de chanvre, les échantillons sont placés entre deux plaques de cuivre de conductivité très élevée par rapport à - 155 - celle des échantillons λ ≈ 400 W/(m.K), pour ne mesurer que les échanges conductifs et éliminer les échanges convectifs (Fig.III. 12). 0,12 0,11 CONVECTION + CONDUCTION λ (W/(m.K)) 0,10 0,09 CONVECTION PREPONDERANTE 0,08 0,07 Sans les plaques thermiques Avec plaques thermiques Conductivité théorique 0,06 CONDUCTION PREPONDERANTE 0,05 200 250 300 350 400 450 ρ (kg/m3) Fig.III. 11 : Influence de la convection sur les mesures de conductivité thermique Fig.III. 12 : Échantillon de béton de chanvre préparé pour les mesures à la boîte thermique 1.2.3.5 Coefficient de déperdition thermique D des boîtes Le dispositif contenant les échantillons est isolé de l’extérieur par du Styrodur. Ce matériau permet de limiter les pertes de chaleur à travers les parois des boîtes thermiques, générées par l’existence d’un gradient de température entre l’intérieur de la boîte et le milieu extérieur. On définit un coefficient de déperdition thermique D pour chaque boîte, qui dépend de la géométrie (dimensions) et des propriétés thermiques des matériaux constitutifs. Dans un premier temps, ce coefficient D est calculé de manière théorique avec les formules de Carslaw et Jaeger, et celles de Langmuir [MENGUY & LAURENT, 86]. Dans un second temps, le coefficient D est déterminé de manière expérimentale à l’aide d’un échantillon de béton, dont - 156 - CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique les caractéristiques sont connues. On obtient alors par ces deux approches, les valeurs numériques suivantes : Boîte 1 0,160 0,179 Approche théorique Approche expérimentale Boîte 2 0,150 0,160 Tab.III. 1 : Coefficients de déperdition thermique D des boîtes Les coefficients de déperdition thermique déduits expérimentalement sont légèrement plus élevés que les valeurs théoriques. Ceci peut s’expliquer par des imperfections d’étanchéité du système. La détermination des conductivités thermiques du béton de chanvre prend en compte les valeurs expérimentales des coefficients de déperdition thermique. 1.2.3.6 Echantillons testés Les plaques de béton de chanvre sont séchées dans un four à T = 60°C pendant une semaine, de façon à stabiliser leur masse en éliminant l’eau libre présente dans le matériau. Le tableau suivant indique le nombre de plaques testées pour chaque formulation, ainsi que les masses volumiques maximale et minimale des échantillons secs. L’écart entre ces deux extrêmes varie entre 41 et 210 kg/m3. Le but est d’étudier la conductivité thermique à la fois en fonction de la formulation et de la masse volumique du matériau. La quasi-totalité des échantillons a été testée successivement dans les deux boîtes, qui ont des coefficients de déperdition différents, afin de vérifier l’indépendance des résultats vis à vis du dispositif de mesures et la cohérence des résultats entre eux. Toit A4-1 A3-0,75 Mur Dalle A3-1 A4-1,5 A3-1,5 A3-2 3 Nombre ρf inal (kg/m ) 3 d'échantillons ρmin (kg/m ) ρmax (kg/m3) 9 206 285 2 338 410 2 352 415 10 311 444 14 349 506 3 369 510 2 453 507 2 497 707 3 715 827 Tab.III. 2 : Inventaire des échantillons testés en thermique - 157 - 1.2.4. Analyse des résultats 1.2.4.1 Influence de la formulation Les résultats des essais effectués sur du béton préalablement séché sont fournis sur la figure III.13. Chaque symbole correspond à une formulation définie dans le chapitre 1. Pour chaque formulation, différentes masses volumiques sont testées. La conductivité thermique augmente lorsque la concentration volumique en liant augmente. On remplace de l’air, excellent isolant naturel, par du liant, bon conducteur thermique. On note également que dans la gamme considérée, la conductivité thermique varie de manière quasi-linéaire avec la masse volumique (Fig.III.14). La densité suffit donc à caractériser le comportement thermique. Ce résultat n’est vérifié que pour des masses volumiques comprises entre 200 et 800 kg/m3, car les formulations dans cette zone sont voisines. Lorsque la masse volumique devient trop faible, les échanges thermiques par conduction deviennent petits devant les échanges thermiques par convection et le coefficient λ mesuré ne correspond plus à de la conduction pure mais à l'association conduction/convection. La valeur de λ pour ρ = 0 dans la loi empirique λ = 0,0002ρ + 0,0194 devrait correspondre à la conductivité de l’air seul (λ = 0,026 W/(m.K)), ce qui n’est pas tout à fait vérifié. Pour retrouver cette valeur, il serait nécessaire de faire un modèle plus élaboré. 0,19 Conductivité (W/(m.K)) 0,17 0,15 0,13 A3-2 A3-1,5 A4-1,5 A3-1 DALLE MUR A3-0,75/A4-1 TOIT 0,11 0,09 0,07 0,05 200 300 400 500 ρ (kg/m3) 600 700 800 Fig.III. 13 : Conductivité thermique du béton de chanvre sec en fonction de la masse volumique ρ - 158 - CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique 0,2 0,18 y = 0,0002x + 0,0194 R2 = 0,9555 0,16 λ (W/(m.K)) 0,14 0,12 0,1 0,08 0,06 0,04 0,02 0 200 300 400 500 600 700 800 ρ (kg/m3) Fig.III.14 : Dépendance quasi-linéaire de la conductivité en fonction de la masse volumique du béton 1.2.4.2 Influence de la masse volumique Pour chaque formulation, diverses masses volumiques ont été testées en faisant varier le niveau de compactage des échantillons. La conductivité thermique augmente lorsque la masse volumique augmente, car on diminue la proportion de vides dans le matériau. 1.2.4.3 Comparaison entre les mesures expérimentales et l’approche théorique par HAC La modélisation par HAC permet d’exprimer la conductivité du béton de chanvre en fonction des caractéristiques et des concentrations volumiques des constituants pour une inclusion tricomposite (§ 1.2.2.4). Ce choix d’inclusions sphériques imbriquées les unes dans les autres permet d’imposer la continuité de la matrice de liant, qui est l’élément conducteur prépondérant dans le béton de chanvre. La figure III.15 représente en trait plein les résultats donnés par le modèle théorique, chaque trait indiquant une formulation particulière. Les symboles correspondent quant à eux aux différentes mesures expérimentales. Pour chaque formulation, un paramètre caractéristique k est calculé comme le rapport entre la masse de particules de chanvre et la masse de liant en poudre. Les valeurs théoriques sont très cohérentes avec les différentes mesures expérimentales effectuées au laboratoire. Un écart inférieur à ±10% est obtenu entre théorie et expérience. Cet écart peut s’expliquer par des imprécisions expérimentales. En premier lieu, - 159 - la détermination de la conductivité thermique expérimentale dépend de l’épaisseur réelle de l’échantillon. Or, la présence des particules rend difficile le surfaçage des échantillons et génère des différences locales d’épaisseur. On utilise une valeur moyenne de l’épaisseur en réalisant deux mesures sur chaque face latérale de la plaque. En second lieu, la conductivité thermique est calculée à partir du coefficient de déperdition thermique D de la boîte. Or, celui-ci est obtenu par calage expérimental et en considérant qu’il est indépendant de la température d’essais, ce qui n’est pas tout à fait exact. 0,19 A3-2 (k = 0,207) A3-1,5 (k = 0,276) A4-1,5 (k = 0,386) A3-1 (k = 0,415) DALLE (k = 0,409) MUR (k = 0,489) A3-0,75/A4-1 (k = 0,553) TOIT (k = 1,019) 0,17 λ (W/(m.K)) 0,15 0,13 0,11 0,09 0,07 0,05 200 300 400 500 600 700 800 ρ (kg/m3) Fig.III. 15 : Comparaison entre conductivité expérimentale (symboles) et modèle autocohérent (trait plein) 1.2.5. Conclusion Cette première partie du chapitre fait le bilan des recherches menées à l’E.N.T.P.E. sur la conductivité thermique du béton de chanvre sec. Les essais complémentaires réalisés au cours de cette thèse ont confirmé les premiers résultats obtenus par [CORDIER, 99] sur deux points principaux. Le premier point concerne les excellentes performances du béton de chanvre en tant qu’isolant thermique avec des conductivités variant entre 0,06 et 0,19 W/(m.K) pour des masses volumiques allant de 200 à 840 kg/m3. Le deuxième point concerne la bonne représentativité du modèle théorique basé sur la HAC. Le motif générique est constitué d’une inclusion sphérique tricomposite, qui impose la - 160 - CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique continuité du liant. Ce dernier permet de tenir compte du dosage des matériaux dans le béton de chanvre (concentrations volumiques variables des constituants selon la formulation). Les écarts entre la conductivité théorique et les résultats expérimentaux sont inférieurs à 10 %. On peut donc considérer que ce modèle HAC possède un caractère prédictif de la conductivité du béton de chanvre sec satisfaisant. La suite de ce travail va maintenant aborder l’influence de l’eau sur la conductivité thermique et le choix d’un motif générique qui donne des résultats théoriques cohérents avec les valeurs expérimentales. 2. SENSIBILITE MATERIAU A L’HUMIDITE DU Le béton de chanvre possède une sensibilité à l’eau qui a des conséquences quant à son comportement thermique. En effet, sous des variations de conditions hydriques ambiantes, le béton de chanvre absorbe de la vapeur, qui se condense sous forme d’eau liquide. Ceci se traduit par un gain de masse dans le matériau. Or, l’eau liquide présente une conductivité thermique trente fois supérieure à celle de l’air sec. Sa présence va donc modifier la conductivité thermique globale du matériau. Cette deuxième partie du chapitre vise deux objectifs majeurs. Le premier objectif est de définir les principales notions liées à la présence d'eau dans les matériaux. Cette partie introduit le phénomène de condensation capillaire, qui explique les transferts de masse observables dans les matériaux poreux lorsque la température T reste constante et que l'hygrométrie ambiante HR fluctue. Le deuxième objectif est de quantifier ces transferts hydriques dans le béton de chanvre. Pour ce faire, des courbes de sorption/désorption sont déterminées pour chaque constituant et pour cinq formulations de béton de chanvre. Ces courbes expriment la teneur en eau du matériau sous diverses hygrométries extérieures. Elles sont indispensables à la suite de l'étude car elles permettent de connaître la quantité d'eau liquide reprise par le béton de chanvre par rapport à son état de référence (i.e. sec) en vue de modéliser l'impact de l'eau sur la conductivité thermique. 2.1. L'eau contenue dans les matériaux L’eau est présente dans un matériau sous trois états. Chacun de ces états correspond à un mode de liaison de l’eau. Ainsi, on rencontre : - L’eau liée (hydratation) - 161 - - L’eau attachée par des liaisons mécaniques (forces de capillarités) - L’eau libre dans le matériau Notre étude ne tient compte que de l’eau libre et de l’eau attachée par la pression dans les capillaires. Selon la quantité d’eau présente dans le matériau, on distingue trois répartitions des phases liquide et gazeuse (Fig.III. 16). Fig.III. 16 : Répartition des phases liquide et gazeuse dans un milieu poreux saturé (a),dans le cas d’une fixation funiculaire (b) et dans le cas d’une fixation pendulaire (c) [GARNIER, 00] Dans le cas d’un milieu saturé ou quasi-saturé, la phase liquide occupe la quasi totalité du réseau poreux. Les quelques bulles d’air persistantes sont collées le long des parois de la phase solide. La phase liquide est connexe, contrairement à la phase gazeuse. Dans le cas où la phase liquide et la phase gazeuse seraient présentes toutes les deux d’une manière non négligeable, on parle de fixation funiculaire. Ceci signifie que des anneaux de liquide entourent les grains. Les deux phases (liquide et gazeuse) sont connexes. Dans le cas où la phase gazeuse occuperait un espace très nettement supérieur à la phase liquide, on parle de fixation pendulaire. La phase liquide sert de contact entre les grains et de nombreux ménisques sont observables. On considère que la phase gazeuse est non connexe. 2.2. La condensation capillaire La condensation capillaire est un phénomène physique permettant d’expliquer comment un matériau poreux initialement en équilibre hydrique avec le milieu extérieur se remplit peu à peu d’eau liquide lorsque l’on augmente HR de manière isotherme. Prenons deux plaques parallèles constituées d’un matériau solide quelconque, entre lesquelles se trouve de l’air et de la vapeur d’eau. Si l’espace entre les deux plaques est suffisamment petit, - 162 - CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique un changement de phase s’opère et de l’eau se condense le long des parois formant des ménisques [RESTAGNO, 00]. Le rayon limite en-dessous duquel l’eau se condense dans les capillaires se calcule à partir de la loi de Kelvin : Pv = Pvs e - 2σ cos α lv m RTr ρ w (III.39) avec σlv : tension de surface liquide/vapeur de l’eau ( = 0,075 kg.s-2) αm : angle de mouillage (< π/2) R : constante des gaz parfaits ( = 8,314 J.mol-1.K-1) ρw : masse volumique de l’eau liquide r : rayon du capillaire On obtient donc la relation suivante : r =- 2σ lv cos α m (III.40) H R RT ρw HR (%) 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Rayon du pore (µm) 10 1 0,1 0,01 angle 0° angle 45° angle 60° angle 75° angle 89° 0,001 0,0001 Fig.III. 17 : Rayon du capillaire en dessous duquel se produit la condensation capillaire pour T = 20°C La figure III.17 indique la variation du rayon limite de condensation des capillaires pour différentes hygrométries extérieures et divers angles de mouillage. On constate que pour - 163 - HR = 50 %, la condensation capillaire apparaît pour des rayons inférieurs à 0,1 µm. La question est maintenant de connaître la répartition de ces micropores entre les particules et le liant, pour savoir lequel de ces constituants est le plus sensible au phénomène de condensation. Notre démarche a alors été de déterminer les courbes de sorption/désorption de chaque constituant, de les comparer et d’en déduire quelques informations sur la répartition de la taille des pores dans chaque constituant. 2.3. Résultats expérimentaux 2.3.1. Méthodologie et dispositif d’essais Les plaques de béton de chanvre sont placées dans une enceinte climatique maintenue à température constante T = 20°C. L’hygrométrie HR dans l’enceinte est contrôlée. Cinq ambiances sont successivement imposées : HR = 25 %, 40 %, 50 %, 75 % et 95 %. Dans un premier temps, les échantillons sont séchés dans un four durant une semaine à T = 60°C, afin d’éliminer l’eau libre présente dans le matériau. On considère que l’échantillon est sec lorsque trois pesées journalières consécutives donnent des masses équivalentes (variation de masse inférieure à 1 %). On introduit alors les échantillons dans l’enceinte. Des pesées journalières permettent de suivre la variation de masse de l’échantillon, donc la quantité d’eau adsorbée par le matériau sec sous HR fixée. Lorsque les masses des échantillons sont stabilisées, l’hygrométrie est modifiée pour atteindre le palier suivant. On définit ainsi les courbes de sorption. Une fois HR = 95 % atteinte, on effectue le chemin inverse pour revenir à HR = 0 %. On obtient alors la courbe de désorption. 2.3.2. Variations de la teneur en eau massique ω 2.3.2.1 La chènevotte Des essais ont été menés par [GARNIER, 00] sur des particules de chènevotte seules. Les courbes de sorption- désorption montrent une teneur en eau massique ω de l’ordre de 0,35 sous HR = 95 %. 2.3.2.2 Le liant Le liant T70 présente un fort caractère hydrophile avec des teneurs en eau massiques allant de 0 en ambiance sèche jusqu’à 0,55 en ambiance quasi-saturée (HR = 95 %). Selon la valeur de HR, le phénomène de sorption devient prépondérant dans le liant ou dans les - 164 - CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique particules. Pour des niveaux d’humidité relative de l’ordre de 50 %, la condensation capillaire est plus forte dans les particules. En revanche, pour les très fortes humidités, la condensation devient plus importantes dans le liant (Fig.III.18). 0,60 0,50 ω (kg/kg) 0,40 particules végétales Liant T70 0,30 0,20 0,10 0,00 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% HR (%) Fig.III. 18 : Courbes de sorption et désorption du liant T70 pur et des particules végétales On peut donc déduire quelques informations quant à la taille des pores des constituants et leur répartition. Tout d’abord, il semble que les particules possèdent plus de capillaires de taille inférieure à 0,1 µm que le liant, puisque la quantité d’eau qui y apparaît est supérieure sous HR = 50 %. Ensuite, la condensation capillaire est beaucoup plus forte dans le liant que dans les particules lorsque HR = 95 %. Ceci signifie donc que la quantité de pores de diamètre compris entre 0,1 µm et 10 µm est plus important dans le liant que dans les particules. Ces résultats sont cohérents avec les tailles caractéristiques de pores définies au chapitre 1. En effet, les particules ont des pores compris entre 10 et 40 µm de diamètre tandis que ceux du liant sont compris entre quelques centièmes de microns et quelques millimètres. 2.3.2.3 Le béton de chanvre La cinétique du phénomène de sorption/désorption dans le béton de chanvre est lente et l’équilibre thermodynamique est difficile à atteindre surtout pour les fortes valeurs de HR. Les échantillons ont mis plus de 200 jours pour passer de l'équilibre sous HR = 95 % à l'équilibre sous HR = 50 % (Fig.III. 19). On note que pour chaque phase, une variation de - 165 - masse importante se produit dans les 24 heures suivant le changement d’hygrométrie (environ 40% du gain massique total), puis le phénomène ralentit jusqu’à atteindre l’équilibre. 500 50% 95% 480 75% 75% 50% 460 440 Masse (g) 420 400 380 360 340 320 300 0 50 100 150 200 250 300 JOURS Fig.III. 19 : Reprise en eau du béton de chanvre (formulation Mur) en enceinte climatique à T = 20°C 0,45 0,40 Mur Dalle Toit A3-2 A3-1,5 0,35 ω (kg/kg) 0,30 0,25 0,20 0,15 0,10 0,05 0,00 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% HR (%) Fig.III. 20 : Courbes de sorption/désorption de quelques formulations de béton de chanvre Les teneurs en eau mesurées au cours de cette expérience sont relativement élevées. Elles mettent en lumière le fait que la présence d’eau dans le matériau poreux est loin d’être - 166 - CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique négligeable même sous des hygrométries fréquemment rencontrées comme HR = 50%. On observe également que les écarts de ω entre les différentes formulations sont inférieurs à 3% jusqu’à HR = 50%. Au-delà, les différences deviennent notables. La phase d’expérimentation s’est étendue sur une année mais une panne mécanique de l'enceinte mécanique a interrompu la manipulation et n’a pas permis de revenir à l’état initial. Ceci explique que les courbes de désorption sont incomplètes (Fig.III. 20). A partir des courbes de sorption du béton de chanvre et de celles des constituants seuls, on a pu vérifier une hypothèse de conservation du volume d’eau total. En effet, le volume d’eau contenu dans le béton de chanvre correspond approximativement à la somme de l’eau contenue dans le chanvre seul et dans le liant seul : Meau = ωliant * Mliant + ωchanvre * Mchanvre (III.41) avec ωliant : teneur en eau du liant seul ωchanvre : teneur en eau des particules seules Mliant : masse de liant dans 1 kg de béton de chanvre Mchanvre : masse de chanvre dans 1 kg de béton de chanvre Meau : masse d’eau adsorbée dans 1 kg de béton de chanvre Ceci aura une application immédiate dans la modélisation par homogénéisation autocoherente, qui vise à évaluer l’influence de l’eau sur les propriétés thermiques du béton de chanvre. Les résultats de la caractérisation expérimentale et de la modélisation théorique sont détaillés dans la dernière partie de ce chapitre. 3. INFLUENCE DE L’EAU CONDUCTIVITE THERMIQUE SUR LA Dans la première partie de ce chapitre, le transfert de chaleur par conductivité en milieu sec a été étudié et modélisé. Cependant, le béton de chanvre possède une sensibilité importante à l’humidité. L'apparition d'eau liquide par condensation capillaire entraîne une augmentation de la conductivité thermique par rapport à l'état initial sec. Étant donné que les matériaux poreux sont utilisés en génie civil car ils présentent un bon comportement en tant qu’isolant thermique, il est crucial de quantifier la variation de conductivité δλ induite par une absorption d’eau par l’échantillon sous différentes hygrométries HR. Or, ceci n’est pas pris en compte dans les études traitant de l’utilisation de poreux en bâtiment, qui considèrent que le matériau est insensible à l’eau. L’utilisation de granulats végétaux très absorbants interdit de faire cette hypothèse usuelle dans le cas d’utilisation de granulats minéraux. - 167 - Après quelques rappels bibliographiques, différents modèles permettant d’exprimer la conductivité thermique en fonction de la quantité d’eau présente dans le béton de chanvre sont exposés. Ensuite, ces modèles sont validés par des campagnes de mesures expérimentales. 3.1. Rappels Le transfert de chaleur à basse température est essentiellement conductif. Comme le rappellent [AZIZI & al., 88], différents modèles simples de conductivité, introduisant une phase aqueuse, existent mais ils semblent inadaptés car ils nécessitent de nombreuses mesures expérimentales de calage. Ces modèles basés sur une cellule élémentaire composée de constituants en parallèle sont largement développés par [LAURENT & GUERRECHALEY, 91] et [LAURENT & FRENDO-ROSSO, 95] pour du béton cellulaire soumis à différentes ambiances hydriques. Le principe est identique à celui exposé dans le § 1.2.1, si ce n’est que l’on rajoute une phase correspondant à l’eau. Une seconde approche possible de la conductivité thermique du béton humide est la modélisation par homogénéisation autocohérente [BOUTIN, 96]. Le matériau est modélisé à l’aide d’un motif générique qui permet de reconstituer l’ensemble du matériau à l’échelle macroscopique. La détermination des propriétés de ce matériau homogène équivalent se fait en réalisant une moyenne énergétique en considérant que l’énergie dans le matériau hétérogène est identique à l’énergie du matériau homogène équivalent soumis aux même conditions aux limites. Cette méthode présente l’intérêt de pouvoir calculer directement les valeurs des paramètres caractéristiques du matériau au niveau macroscopique à partir des caractéristiques de chaque constituant. De plus, la microstructure du matériau hétérogène n’a pas besoin d’être connue a priori. On fait une hypothèse sur le choix du motif élémenatire, dont on vérifie la pertinence a posteriori par comparaison entre les valeurs expérimentales et les valeurs fournies par le modèle. Cette démarche permet d’émettre in fine, quelques hypothèses quant à la microstructure du matériau (connexité des phases, interactions entre les différents milieux). Par exemple, [BOUTIN, 96] en testant deux modélisations pour le béton cellulaire met en lumière une structure privilégiée pour ce matériau. Dans un premier temps, il réalise un modèle basé sur des inclusions sphériques à trois constituants pour lesquelles l’eau sert de liaison entre la phase solide et les bulles d’air. Il considère dans cette approche que les bulles d’air contiennent la même épaisseur d’eau quelles que soient leurs tailles. La conductivité obtenue est du bon ordre de grandeur mais le modèle peut être encore affiné. - 168 - CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique Dans un deuxième temps, [BOUTIN, 96] réalise une homogénéisation en deux étapes. Tout d’abord, il crée un milieu homogène constitué du matériau solide et de l’eau, dont l’échelle caractéristique est intermédiaire entre « micro » et « macro ». Puis, il homogénéise ce milieu fictif avec l’air pour parvenir au matériau global, c’est-à-dire le béton cellulaire humide. Dans cette configuration, on considère que les pores de petite taille du matériau solide sont saturés, ce qui est proche de la réalité. Les résultats numériques permettent de valider cette configuration comme étant la plus représentative du matériau humide. En conclusion, il est important de retenir que l’homogénéisation permet d’exprimer la conductivité thermique globale d’un matériau hétérogène pour toutes les teneurs en eau en fonction des caractéristiques de chaque constituant et de leurs concentrations volumiques sans réaliser de calages expérimentaux. Cependant, il faut vérifier la séparation d’échelle et choisir un motif générique basé sur l’observation du matériau et des phénomènes physiques dont il est le siège. 3.2. Mesures expérimentales de la conductivité du béton humide 3.2.1. Protocole d’essais Le protocole d’essais est identique à celui des mis en place pour les bétons secs. Les tests sont réalisés sur les mêmes prismes en conditions sèches, puis humides. Chaque échantillon est humidifié en étant placé dans une enceinte climatique dont la température est fixée à T = 20°C et l’hygrométrie HR successivement à 50 et 75 %. Les échantillons sont conservés dans l’enceinte jusqu’à stabilisation de leur masse. Ils sont ensuite isolés de l’extérieur par deux plaques en cuivre et introduits dans la boîte thermique pendant 24 heures afin d’établir un régime permanent d’écoulement. Après la mesure, les échantillons sont repesés afin de vérifier que la quantité d’eau dans le matériau n’a pas évolué de manière sensible (variation de masse < 0,1 %). 3.2.2. Échantillons testés Compte tenu de la cinétique du phénomène de sorption relativement lente, seules sept formulations parmi les dix initialement réalisées ont été testées. Le tableau III.3 indique le nombre d’échantillons fabriqués pour chaque formulation et le nombre de mesures réalisées pour chaque hygrométrie. - 169 - Nom Toit Mur Dalle A4-1,5 A3-1 A3-1,5 A3-2 Nombre d'échantillons HR = 50% HR = 75% 3 6 16 2 2 2 2 5 3 3 - Tab.III. 3 : Bilan des échantillons testés en thermique pour HR variables 3.2.3. Résultats Les échantillons de béton de chanvre soumis à des hygrométries de 50 % et 75 % présentent des gains de masse variant de 5 à 15 %, qui induisent des augmentations de la conductivité thermique du matériau (Fig.III. 21). 0,20 0,18 λ (W/(m.K)) 0,16 0,14 0,12 Conductivité HR=75% Conductivité HR=50% Conductivité HR=0% 0,10 0,08 0,06 200 300 400 500 600 700 800 ρsec (kg/m3) Fig.III. 21 : Influence de l’humidité sur la conductivité thermique λ du béton de chanvre soumis à HR = 50% et HR = 75% On note que pour les faibles masses volumiques la conductivité augmente de 40 % par rapport à la conductivité sèche en passant de 0,60 à 0,85 W/(m.K) entre HR = 0 % et HR = 50 %. La conductivité thermique dépasse même les 0,100 W/(m.K) pour HR = 75 %. Pour les masses volumiques intermédiaires (ρ autour de 450 kg/m3), la conductivité thermique augmente de 10% entre HR = 0 % et HR = 50 % passant de 0,10 à 0,11 W/(m.K). - 170 - CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique Elle atteint 0,13 W/(m.K) pour HR = 75%. Enfin, pour des masses volumiques fortes (ρ autour de 700 kg/m3), la conductivité augmente de 15 % environ entre HR = 0 % et HR = 50 %. Ces mesures expérimentales montrent que l’impact de l’humidité relative ambiante est non négligeable puisque la conductivité sèche du matériau augmente de 0,2 W/(m.K) en moyenne entre HR = 0 % et HR = 75 %. Un écart équivalent existe également entre HR = 50 % et HR = 75 %. 3.3. Approche par homogénéisation autocoherente (HAC) Dans l’étude par HAC, nous avons pris en compte plusieurs configurations de motif générique dans lesquels la position de l’eau varie. Ces motifs génériques conduisent à différents modèles d’intégration de l’eau et traduisent donc des interactions différentes entre l’eau et les constituants du béton de chanvre. Deux approches sont utilisées. La première approche fait appel à un motif générique de type inclusion sphérique constituée de quatre phases, dans lequel l’eau joue un rôle équivalent à celui des trois autres constituants. La deuxième approche est basée sur une double homogénéisation. L’eau et la phase solide (liant ou particule) sont homogénéisés lors d’une première étape de calcul. Puis, ce constituant « humide » est lui-même inclus dans un autre modèle de façon à être vu comme une phase homogène par les constituants restants. Les modélisations théoriques par chacune des deux approches et les implications structurelles qu’elles ont, sont abordées dans les paragraphes suivants. Une confrontation avec les mesures expérimentales sera par la suite réalisée afin de valider l’un ou l’autre des points de vue. 3.3.1. 3.3.1.1 Modèle à quatre phases Résolution du problème La résolution de l’équation (III.2) dans le cas d’un milieu à quatre phases est identique à celle d’un milieu tricomposite. On considère une cellule élémentaire constituée de quatre inclusions sphériques successives (Fig.III.22). On précisera par la suite l’ordre des phases dans cette cellule générique. Les conditions aux limites (continuité aux interfaces) et la conservation de l’énergie ramènent le problème à la résolution d’un système de 8 équations à - 171 - 7 inconnues, qui a une solution lorsque le système est lié. La résolution du système se ramène alors au calcul du déterminant de la matrice suivante, qui doit être nul. - 172 - CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique Milieu équivalent λeq R2 λ2 G R3 λ3 R1 λ1 R4 λ4 Fig.III. 22 : Cellule générique dans le cas d’un milieu à quatre phases On a det(M) = det( ⎡ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎣ 1 -1 − 1 R1 λ1 −λ2 λ2 2 R1 0 λ2 3 1 1 R2 0 3 −2 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 -1 3 − 1 R2 λ2 R2 0 3 0 −λ3 λ3 2 R2 0 0 λ3 3 1 1 R3 0 3 −2 0 0 0 − 1 R3 λ3 R3 0 -1 3 3 0 −λ4 λ4 2 R3 0 0 0 0 λ4 3 1 1 R4 0 3 −2 3 λ4 R4 λ = f(θi, λi) On obtient ainsi une relation du type avec θi : concentration volumique de la phase i λi : conductivité thermique de la phase i. - 173 - 3 ⎤ 0 ⎥⎥ ⎥ ⎥ ⎥ ⎥ 0 ⎥⎥ ⎥ ⎥ ⎥ ⎥ ⎥ 0 ⎥ ⎥ ⎥ ⎥ ⎥ ⎥ 0 ⎥⎥ ⎥ ⎥ ⎥ ⎥ ⎥ 0 ⎥ ⎥ ⎥ ⎥ ⎥ ⎥ 0 ⎥⎥ ⎥ ⎥ ⎥ ⎥ 1 ⎥⎥ ⎥ ⎥ ⎥ ⎥ ⎥ λ ⎥ ⎥ ⎦ ) 3.3.1.2 Définition des paramètres de calcul Afin de simplifier les calculs, on note : ω = (III.42) mw m l + m pc k = m m (III.43) pc l avec mpc : masse des particules végétales conservées à HR = 50 % (ω ≈ 4 % en masse) ml : masse de poudre de liant mw : masse d’eau absorbée par le matériau lors d’un changement isotherme de l’hygrométrie imposée au milieu extérieur (condensation capillaire) De plus, on définit les concentrations volumiques suivantes au moyen des Ri, correspondant aux rayons successifs des inclusions sphériques (i allant de 1 pour le centre à 4 pour la phase la plus externe) : θ = ⎛⎜ R 3 ⎞⎟ 3 (III.44) ⎝ R4 ⎠ δ = 1 - ⎛⎜ R 2 ⎞⎟ 3 (III.45) ⎝ R3 ⎠ ξ = ⎛⎜ R 1 ⎞⎟ 3 (III.46) ⎝ R4 ⎠ Il est possible d’exprimer θ, δ et ξ en fonction des paramètres k, ω et des masses initiales et finales des échantillons. Cependant, les formules correspondant à ces trois rapports volumiques varient selon le choix des phases dans le motif générique. 3.3.1.3 Choix du motif générique et conséquences Pour l’étude du matériau sec, un motif générique de type inclusions sphériques tricomposite avait été choisi avec une bulle d’air entourée de particule de chanvre, elle-même entourée de liant. Comme ce choix avait donné des résultats satisfaisants, il sera conservé pour le modèle à quatre phases. En effet, le phénomène d’humidification du béton de chanvre après sa prise ne modifie pas l’arrangement des constituants. L’eau qui apparaît occupe au fur et à mesure la place de l’air contenu dans le matériau initialement séché à l’étuve. La question est de savoir où intercaler la phase liquide dans ce motif générique. Quatre positions sont possibles. Toutefois, l’idée de placer l’eau au centre de l’hétérogénéité est écartée immédiatement. En effet, l’eau serait alors entourée d’air qui est un matériau très isolant et - 174 - CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique qui couperait la phase liquide des autres constituants. La conductivité globale du béton de Milieu équivalent λeq POSITION 1 POSITION 2 POSITION 3 chanvre ne varierait alors plus de manière sensible avec la présence d’eau liquide. Fig.III. 23 : Positions de la phase liquide dans le modèle à quatre phases De plus, la reprise en eau du matériau est intimement liée au phénomène d’évapocondensation, il semble approprié de mettre la phase liquide en contact avec l’une ou l’autre des phases solides. Trois positions subsistent donc en partant de l’intérieur vers l’extérieur du motif générique (Fig.III. 23). Ces trois positions conduisent à des valeurs de λ différentes. Un exemple de l’influence de la position de la phase aqueuse sur λ est fourni ci-dessous (Fig.III.24) pour un échantillon de béton de chanvre de formulation Dalle (k = 0,409) de masse volumique sèche ρsec = 500 kg/m3. La teneur en eau massique du matériau est comprise entre 0 et 0,35 pour HR variant de 0 % à 95 %. On note que le modèle 1 donne un rôle moindre à l’eau, en l’isolant par une couche de particules végétales. L’effet sur la conductivité du béton humide est d’autant plus accentué que la quantité d’eau est importante dans le matériau. Les modèles 2 et 3 donnent des résultats proches car deux effets se compensent. Dans le modèle 3, la phase aqueuse très conductrice est à l’extérieur du motif générique mais son épaisseur est faible. Dans le modèle 2, l’épaisseur de la phase aqueuse est plus grande, mais elle est séparée de l’extérieur par du liant de conductivité trois fois moins importante. Dans la gamme de ω considérée, les positions 2 et 3 donnent donc des conductivités thermiques très proches. - 175 - 0,210 0,200 CW LW Mixte Position 2 Position 3 Position 1 0,190 0,180 λ (W/(m.K)) 0,170 0,160 0,150 0,140 0,130 0,120 0,110 0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% ω (kg/kg) Fig.III. 24 : Influence de la positions de la phase liquide sur la conductivité thermique (Dalle, ρsec = 500 kg/m3) Détermination explicite des concentrations volumiques θ, δ et ξ 3.3.1.4 Le calcul de θ, δ et ξ est détaillée dans une configuration donnée. Les formules obtenues pour les deux autres configurations seront simplement indiquées. La démonstration est réalisée sur le modèle AWCL, qui correspond à une bulle d’air, entourée d’eau, elle-même entourée de chanvre, lui-même entouré de liant, le tout étant noyé dans le milieu équivalent (Fig.III. 25). Milieu équivalent λeq AIR (A) - R1 EAU (W) - R2 CHANVRE (C) - R3 LIANT (L) - R4 Fig.III. 25 : Motif générique du modèle AWCL - 176 - CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique Tout d’abord, on utilise la relation (III.41) : 4π ρ pc (R 3 - R 3 ) = k 4π ρ (R 3 - R 3 ) 3 2 3 3 l 4 3 (III.47) En divisant par R43, on en déduit la première équation : δ θ ρ pc = k ρ l (1 - θ ) Ensuite, (III.40) s’écrit : [ (III.48) ] 4π ρ w (R 3 - R 3 ) = ω 4π ρl (R 3 - R 3 ) + 4π ρ pc (R 3 - R 3 ) 4 2 1 3 3 2 3 3 3 (III.49) En divisant par R43, on en déduit la deuxième équation : ρw (θ (1 - δ ) - ξ ) = ω (ρl (1 - θ ) + δ θ ρ pc ) (III.50) Enfin, la conservation de la masse globale du matériau permet d’écrire la relation suivante : 4π ρ bc R 3 = 4π ρ l (R 3 - R 3 ) + 4π ρ pc (R 3 - R 3 ) + 4π ρ w (R 3 - R 3 ) 4 4 3 3 2 2 1 3 3 3 3 (III.51) En divisant par R43, on déduit la troisième équation : ρ bc = δ θ ρ c + ρ l (1 - θ ) + ρ w (θ (1 - δ ) - ξ ) (III.52) Les équations (III.48) (III.50) et (III.52) forment un système de trois équations à trois inconnues. La résolution permet d’exprimer θ, δ et ξ en fonction des masses volumiques des constituants et des rapports massiques k et α. Des calculs similaires sont réalisés pour les configurations ACWL et ACLW. L’ensemble des résultats obtenus est fourni dans le tableau III.4. - 177 - ξ δ θ θ ( 1 - 1) k ρl ρ pc ρ (1 + ω ) (1 + k ) ρ l 1 ρ (1 + ω ) (1 + k ) ρ l 1 θ (1 - δ) - ρ l k (1 - θ) ρ pc ω ( 1 - 1) (1 + k ) ρ l θ ρw 1- ACWL - 178 - ρw 1 ω (1 + k ) ρ l θ ⎡(1 - δ) - ρ l k δ ⎤ ⎢⎣ ρ pc ⎥⎦ ( 1 - 1) θ ACLW ρ 1- ω 1+ ω ρ w Tab.III. 4 : θ, δ et ξ en fonction des masses volumiques des constituants et des rapports massiques ω et k θ δ ρ pc + ρ l (1 - θ) - ρ θ (1 - δ) + ρw 1- AWCL HOMOGENEISATION AUTOCOHERENTE PARAMETRES POUR LES TROIS CELLULES GENERIQUES TESTEES EN 3.3.1.5 Résultats numériques Les valeurs expérimentales obtenues pour les différents échantillons stabilisés sous HR = 50% sont comparées aux valeurs théoriques calculées avec les trois modèles présentés précédemment (Fig.III. 26). Les séries de valeurs sont présentées en fonction de la masse volumique du béton de chanvre humide. Les symboles pleins représentent les valeurs expérimentales et les symboles évidés correspondent aux résultats obtenus par HAC avec les trois motifs génériques. 0,22 Mesures expérimentales Modèle ACWL Modèle ACLW Modèle AWCL 0,20 0,18 λ (W/(m.K)) 0,16 0,14 0,12 0,10 0,08 0,06 0,04 200 300 400 500 600 700 800 900 ρhumide (kg/m3) Fig.III. 26 : Comparaison entre mesures et résultats théoriques du modèle à quatre phases pour HR = 50 % Les valeurs de conductivité thermique obtenues avec les trois modèles sont proches et d’un ordre de grandeur correct par rapport aux résultats expérimentaux. On peut considérer que ces modèles sont performants pour des masses volumiques humides comprises entre 350 kg/m3 et 600 kg/m3. La proximité des résultats des trois modèles était prévisible car sous HR = 50 % la teneur en eau des matériaux est de l’ordre de 0,05. En se reportant aux courbes de la figure III.23, on constate que les valeurs de conductivité thermique sont proches. De part et d’autre de ces deux bornes, les modèles semblent moins adaptés. Les valeurs expérimentales et théoriques présentent des écarts de l’ordre de 30 %. Ceci peut s’expliquer par la microstructure variable du béton de chanvre selon le dosage en liant (chapitre 1). En effet, la microstructure influe sur la distribution de l’eau dans le matériau. Celle-ci ne sera pas répartie de la même manière selon la taille des capillaires et la continuité - 179 - des phases. Elle n’aura donc pas le même impact sur la conductivité thermique globale du béton de chanvre. En ce qui concerne les faibles dosages en liant, les modèles donnent des valeurs de conductivité inférieures aux valeurs expérimentales. Ce type de cellules génériques ne permet donc pas de représenter la structure du matériau d’une manière satisfaisante. En effet, les modèles ACWL et AWCL imposent la connexité du liant, ce qui n’est pas vérifié dans la réalité. En ce qui concerne les forts dosages en liant, ces motifs génériques ne sont plus représentatifs car le volume d’eau contenu dans le matériau sous HR = 50 % est supérieur au volume d’air disponible dans la cellule générique en dehors de l’air intra-particule et de l’air intra-liant. Ceci semble donc confirmer le fait que l’eau se positionne dans les pores du liant ou ceux des particules végétales. Enfin, les courbes théoriques présentent des pentes (δλ/δρ) supérieures à la pente de la courbe expérimentale. Ceci semble confirmer le fait que le modèle d’inclusions à quatre phases ne représente qu'imparfaitement la structure du matériau. 3.3.1.6 Conclusions Les simulations numériques réalisées sur les modèles à quatre phases ont montré que ceux-ci avaient tendance à sous-estimer l’influence de l’humidité sur la conductivité thermique. Ceci peut provenir de l’hypothèse faite dans la description du modèle. Celle-ci revient à considérer que chaque cellule élémentaire présente la même concentration volumique en eau. Autrement dit, tous les pores absorbent de l’eau dans les mêmes proportions, quelle que soit leur taille. On néglige dans ce cas l’influence de l'effet capillaire qui est plus élevé dans les pores de petite taille qui se remplissent en général les premiers. Ce modèle semble donc très approché. Toutefois, les résultats sont satisfaisants lorsque la masse volumique du matériau varie entre 350 et 600 kg/m3 mais ils restent éloignés de la réalité pour les faibles et les forts dosages en liant. De plus, ces trois modèles donnent des résultats relativement proches car les teneurs en eau ω testées sont faibles et l’impact sur la conductivité thermique est modérée. Enfin, certains matériaux de masse volumique élevée posent problème pour des valeurs élevées de HR ambiant. En effet, le choix d’une géométrie à base de couches concentriques était basé sur l’hypothèse que l’eau remplaçait progressivement l’air macroscopique du béton de chanvre. Or, il s’est avéré que pour la formulation A3-2 sous HR > 50 %, le volume d’eau absorbé était supérieur au volume d’air macroscopique - 180 - CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique disponible, en dehors de l’air intra-liant et de l’air intra-particules. Ce fait semble donc indiquer que de l’eau pénètre dans la matrice solide (particules végétales et liant) du matériau, ce qui est cohérent avec le phénomène de condensation capillaire. Ces motifs génériques ne sont donc pas compatibles avec le phénomène de sorption observé sur le béton de chanvre. Afin de résoudre cette difficulté, une démarche de modélisation par double homogénéisation a été envisagée. 3.3.2. Modèles par double homogénéisation Le modèle par double homogénéisation propose une démarche en deux étapes. Il revient à considérer une échelle intermédiaire entre l’échelle microscopique (MICRO) et l’échelle macroscopique (MACRO), c’est l’échelle mésoscopique (MESO) avec MICRO << MESO << MACRO. Le modèle à quatre phases a montré des limites dans le cas de matériaux à fortes densités. Les mesures ont prouvé que de l’eau devait se trouver dans la phase solide, soit dans le liant soit dans le chanvre, voire dans les deux à la fois. On propose donc un motif générique basé sur des inclusions sphériques bicomposite permettant d’homogénéiser l’eau et la matrice solide. Ce matériau fictif assimilable à une matrice solide saturée est ensuite réinjecté dans un modèle bas sur un motif générique tricomposite identique à celui employé dans le cas du béton de chanvre sec. Dans un premier temps, les modèles potentiels vont être explicités et les relations théoriques entre la conductivité λ du béton de chanvre et les propriétés des constituants vont être établies. Dans un second temps, des simulations numériques vont être réalisées afin de confronter les résultats aux valeurs expérimentales. 3.3.2.1 Paramètres de l’étude Comme pour la modélisation de la conductivité du béton de chanvre sec, on utilise les paramètres k et ω définis en (III.42) et (III.43). On pose m0, la masse du béton de chanvre sec. On en déduit les relations suivantes entre les masses des constituants et la masse initiale du béton de chanvre : m pc = 1 +k k m 0 (III.53) m l = 1 +1 k m 0 (III.54) - 181 - 3.3.2.2 Modèle « particules + eau » La démarche de modélisation comporte deux étapes. La première étape permet de créer un milieu homogène (CW) constitué des particules végétales et de l’eau. La deuxième étape permet d’inclure ce milieu homogène CW dans un modèle tricomposite pour obtenir le matériau homogénéisé final. Les particules végétales et l’eau sont vus par les autres constituants comme un milieu homogène et non plus comme deux phases distinctes. Le milieu CW constitue l’échelle MESO. Du point de vue physique, cette modélisation revient à considérer que l’eau sature les petits pores contenus dans les particules végétales. Or, les particules possèdent des capillaires de diamètre compris entre 10 et 40 µm, ce qui induit une saturation quasi-instantanée des pores par remontées capillaires. AIR (A) EAU (W) MILIEU HOMOGENE (CW) PARTICULES CHANVRE (C) LIANT (L) Fig.III. 27 : Modèle de double homogénéisation autocohérente (particules végétales + eau) La résolution numérique utilise les relations (III.20) et (III.23) donnant la conductivité équivalente d’un milieu bicomposite et d’un milieu tricomposite. Pour la première étape, on utilise un paramètre θ’ afin d’évaluer la concentration volumique de l’eau dans les particules : 3 θ ' = ⎛⎜ R 1 ⎞⎟ = ⎝ R2 ⎠ avec 1 1+ m pc ρ w m w ρ pc R1 : rayon de la bulle d’eau R2 : rayon extérieur de la cellule élémentaire On obtient la conductivité du milieu équivalent CW : - 182 - (III.55) CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique λ cw = λ pc ⎡ ⎤ ⎢ ⎥ θ' ⎢1 + ⎥ 1 ' θ 1 ⎢ ⎥ + 3 λ w ⎢ - 1⎥ λ pc ⎦ ⎣ (III.56) La deuxième étape fait intervenir le modèle à inclusions tricomposite. On pose : k1 = m pc + m w = k + (1 + k ) m w ml m0 3 θ = ⎛⎜ R 4 ⎞⎟ = 1 ⎝ R5 ⎠ 3 δ = 1 - ⎛⎜ R 3 ⎞⎟ = k 1 ρ l ρ cw ⎝ R4 ⎠ avec ρ bc 1 1 + k1 ρ l ⎛ ⎞ ⎜ ⎟ 1 ⎜ - 1⎟ ρ bc ⎜1 - 1 ⎟ ⎜ 1+ k ρl ⎟ ⎝ ⎠ 1 (III.57) (III.58) (III.59) R3 : rayon de la bulle d’air R4 : rayon de l’inclusion intermédiaire (milieu homogène = eau + particule) R5 : rayon extérieur de la cellule élémentaire (liant) On en déduit alors la conductivité du béton de chanvre humide λh de masse volumique humide ρbc : ⎤ ⎡ ⎥ ⎢ ⎥ ⎢ θ ⎥ λ h = λ l ⎢1 + a δ λ ⎥ ⎢ 1+ ( - 1) cw θ λ 1 3 + ⎥ ⎢ a - 1 - δ ( λ a - 1) (2λ cw + 1) λ 3 ⎥⎦ ⎢⎣ λl λl 3 λ cw 3.3.2.3 (III.60) Modèle « liant + eau » Ce modèle de double homogénéisation permet de modéliser la saturation des petits pores du liant. Cette hypothèse est basée sur des constations expérimentales selon lesquelles le liant présentait une sensibilité importante au phénomène de sorption-désorption (Fig.III.17). La démarche de modélisation se décompose selon le schéma suivant : - 183 - AIR (A) EAU (W) PARTICULES CHANVRE (C) LIANT (L) MILIEU HOMOGENE (LW) Fig.III. 28 : Modèle de double homogénéisation autocohérente (liant + eau) Le modèle fait intervenir les paramètres θ’, θ, et δ dont l’expression en fonction des caractéristiques des constituants est synthétisée dans le tableau III.5 . On définit k2 : k2 = m pc 1 = ml + m w 1 + 1+ 1 k k ( ) mm (III.61) w 0 On obtient la conductivité du milieu « liant + eau » homogénéisé (LW) : λ lw ⎡ ⎤ ⎢ ⎥ θ ' ⎥ = λ l ⎢1 + θ 1 ' 1 ⎢ ⎥ + w -1 λ 3 ⎢ ⎥ ⎣ ⎦ λl (III.62) On exprime ensuite la conductivité du béton de chanvre humide : ⎡ ⎤ ⎢ ⎥ ⎢ ⎥ θ ⎥ λ h = λ lw ⎢1 + a δ λ ⎢ ⎥ 1 + ( - 1) 3 1 θ λ c ⎢ ⎥ + 2 3 λ δ λ λ a a c - 1 - ( - 1) ( + 1) ⎥ ⎢ ⎣ ⎦ 3 λc λ lw λ lw 3.3.2.4 (III.63) Modèle mixte Le troisième modèle est issu de la comparaison entre la quantité d’eau absorbée par le béton de chanvre sous certaines hygrométries et la quantité d’eau absorbée par chacun des constituants pris seuls sous la même ambiance hydrique. En effet, la quantité d’eau réellement captée par le matériau est supérieure à la quantité d’eau théoriquement contenue dans les particules ou dans le liant seul en se basant sur les courbes de sorption-désorption. L’idée de - 184 - CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique répartir l’eau liquide entre les deux phases s’est donc imposée (Fig.III. 29). La démarche mise en œuvre est également une double homogénéisation. La première étape permet de définir les deux milieux homogénéisés correspondant au liant saturé en eau (milieu LW) et aux particules saturées en eau (milieu CW). Les calculs sont strictement identiques à ceux exposés au § 3.3.2.2 et au § 3.3.2.3. La difficulté est de répartir de manière correcte l’eau entre le liant et les particules. Pour ce faire, on utilise une fonction de répartition basée sur les teneurs en eau massique de chaque constituant. On a ωl (x %) : teneur en eau massique du liant pour HR = x % ωpc (x %) : teneur en eau massique des particules de chanvre pour HR = x % Donc la masse d’eau dans les particules de chanvre vaut : mwc = ωpc mpc (III.64) mwl = ωl ml (III.65) et celle dans le liant vaut : Il faut vérifier que mw = mwl + mwc, ce qui est globalement vrai sur l’ensemble des essais. EAU DU LIANT (WL) AIR (A) LIANT (L) MILIEU HOMOGENE 1 (CW) EAU DU CHANVRE (WC) MILIEU HOMOGENE 2 (LW) CHANVRE (C) Fig.III. 29 : Modèle de double homogénéisation autocohérente (mixte) - 185 - La conductivité thermique du béton de chanvre humide vaut alors : ⎡ ⎤ ⎢ ⎥ ⎢ ⎥ θ ⎢ ⎥ λ h = λ lw 1 + a δ λ ⎢ ⎥ 1+ ( - 1) 3 1 cw θ λ ⎢ ⎥ + 2 3 a a cw λ δ λ λ - 1- ( - 1) ( + 1) ⎥ ⎢ ⎣ ⎦ 3 λ cw λ lw λ lw (III.66) Comme pour les modèles précédents, un comparatif des résultats obtenus est réalisé dans le cas d’une formulation de béton de chanvre donnée (Dalle) et une masse volumique sèche ρsec = 500 kg/m3. On observe que les trois modèles donnent des résultats équivalents pour de faibles teneurs en eau (ω < 0,1 HR < 60 %). Pour des teneurs en eau supérieures à 0,10 le modèle mixte (i.e. eau contenue à la fois dans le liant et dans les particules) conduit à des valeurs de conductivité inférieures à celles des deux autres modèles. Ceux-ci renvoient des valeurs numériques de conductivité proches car ils donnent tous deux un rôle prépondérant à l’eau, qui dicte la valeur finale de conductivité thermique humide. 0,210 0,200 0,190 Particules + Eau Liant + Eau Mixte 0,180 λ (W/(m.K)) 0,170 0,160 0,150 0,140 0,130 0,120 0,110 0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25 0,3 ω Fig.III. 30 : Conductivité thermique obtenue par une double homogénéisation autocohérente (Dalle, ρsec = 500 kg/m3) - 186 - 0,35 δ ρ bc 1 1 + k1 ρ l ρl ρ cw k2 k2 = ) ρ lw ρ pc ρ bc 1 1 + k 2 ρ lw ⎛ ⎞ ⎜ ⎟ 1 ⎜ - 1⎟ bc ρ ⎜1 - 1 ⎟ ⎜ 1 + k ρ lw ⎟ ⎝ ⎠ 2 1- 1 ρw m 1+ l mw ρ l ( m pc 1 = + ml m w 1 + 1 + 1 mw k k m0 - 187 - Tab.III. 5 : θ, θ’, k’ et δ en fonction des masses volumiques des constituants et de k ⎛ ⎞ ⎜ ⎟ 1 ⎜ - 1⎟ bc ρ ⎜1 - 1 ⎟ ⎜ 1+ k ρl ⎟ ⎝ ⎠ 1 1- θ m pc + m w = k + (1 + k ) m w ml m0 θ’ k1 k1 = « LIANT + EAU » « PARTICULES + EAU » 1 m pc ρ w 1+ m w ρ pc (i=1, 2, 3) ki MODELE MODELE k3 ρ lw ρ cw ρ 1 1 + k3 ρ lw bc ⎛ ⎞ ⎟ ⎜ 1 ⎜ - 1⎟ bc ρ ⎟ ⎜1 - 1 ⎟ ⎜ 1 + k ρ lw ⎝ ⎠ 3 1- 1 m l ρ w 1+ m wl ρ l 1 + ω pc m pc + m wc =k 1 + ωl m l + m wl 1 m pc ρ w 1+ m wc ρ pc k3 = « MIXTE » MODELE PARAMETRES POUR LES TROIS MODELES DE DOUBLE HOMOGENEISATION AUTOCOHERENTE 3.3.3. Comparaison entre valeurs théoriques et expérimentales Les comparaisons entre valeurs théoriques et valeurs expérimentales sont présentées ci-dessous. 0,20 Mesures expérimentales Chanvre+Eau Liant+Eau Mixte 0,18 λ (W/(m.K)) 0,16 0,14 0,12 0,10 0,08 0,06 0,04 200 300 400 500 600 700 800 900 3 ρ hum ide (kg/m ) Fig.III. 31 : Conductivité thermique expérimentale et théorique sous HR = 50 % 0,20 Mesures expérimentales Chanvre+Eau Liant+Eau Mixte 0,18 λ (W/(m.K)) 0,16 0,14 0,12 0,10 0,08 0,06 200 250 300 350 400 450 500 550 600 650 3 ρhumide (kg/m ) Fig.III. 32: Comparaison entre conductivités théoriques et expérimentales sous HR = 75 % - 188 - 700 CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique Les figures III.30 et III.31 montrent une cohérence entre les valeurs expérimentales et les valeurs théoriques pour des masses volumiques humides supérieures à 350 kg/m3. En dessous de cette valeur seuil, un écart de 30 à 40 % est constaté sur la valeur de la conductivité thermique. Sous HR = 50 %, les trois modèles donnent des résultats similaires. La conductivité thermique semble donc peu sensible aux modifications morphologiques induites par les différentes cellules génériques. Ceci peut s’expliquer par le volume d’eau relativement faible adsorbé sous cette hygrométrie. Les concentrations volumiques de liquide sont donc petites par rapport à celles des autres constituants. Leur impact sur la conductivité thermique est alors limité. Sous HR = 75 %, les écarts entre les différents modèles sont plus marqués, tout en conservant le même ordre de grandeur. Il semble que le modèle mixte donne les résultats les plus proches de l’expérimental. Les résultats obtenus par la double homogénéisation apportent une légère amélioration du point de vue numérique par rapport aux modèles à quatre phases développés au § 3.3.1. Toutefois, l'intérêt de la double homogénéisation reste modéré au regard des résultats obtenus précédemment. Ces modèles peuvent donc être considérés comme des raffinements par rapport aux autres mais ils présentent l’avantage de décrire une structure en meilleur accord avec la physique. En effet, la double homogénéisation suppose implicitement que les pores saturés sont de petites taille devant les pores secs (séparation d’échelle) pour que le milieu saturé (liant ou particules végétales) puisse être considéré comme un milieu homogène par les pores secs. Cette hypothèse est en accord avec les phénomènes de remontées capillaires, qui se produisent prioritairement dans les petits pores des matériaux et les saturent. En revanche, une question demeure en suspens quel que soit le modèle utilisé. La pente δλ/δρ de la courbe expérimentale est moins forte que celle issue des modèles théoriques. Ceci signifie donc que les modèles surestiment l’influence de l’eau sur la conductivité thermique du matériau. 3.4. Conclusion Cette étude démontre l’approximation importante réalisée en bâtiment, lorsque seule la conductivité sèche des matériaux de construction est considérée indépendamment de l’hygrométrie extérieure. En effet, les valeurs de conductivité sèche sont entre 20 et 40 % inférieures aux conductivités obtenues sous HR = 50 % et HR = 75 %. Cependant, la mesure de la conductivité en milieu humide présente des difficultés car le matériau doit être en équilibre hydrique avec l’air ambiant. Or, la cinétique du phénomène de reprise en eau est très - 189 - lente (plusieurs semaines), ce qui se révèle être une contrainte expérimentale forte. La deuxième difficulté est liée à la conservation de l’état hydrique du matériau. Il faut vérifier que l’eau adsorbée par le béton de chanvre ne disparaît pas en cours de mesure. Des plaques de cuivre ont été employées pour isoler le matériau de l’air ambiant et des vérifications par pesées avant et après mesure ont été faites. Les campagnes de mesures expérimentales ont été suivies d’une modélisation par homogénéisation autocohérente. Le motif générique utilisé est issu des travaux antérieurs sur le béton de chanvre sec. En effet, la présence d’eau ne modifie pas la structure du matériau. Deux approches de modélisation ont été testées successivement. Dans un premier temps, un motif générique constitué de quatre phases concentriques est employé. L’eau occupe une place équivalente à celle des autres constituants. On se trouve alors dans la configuration traitée par Hashin, dans laquelle la concentration volumique en eau est identique quelle que soit la taille des pores. L’ordre de grandeur des conductivités obtenues par ce biais est correct mais le modèle montre des limites dans le cas d’hygrométries élevées. Les échantillons de masse volumique supérieure à 750 kg/m3 absorbent un volume d’eau supérieur au volume d’air macroscopique contenu dans le béton de chanvre. Ceci confirme l’impression selon laquelle l’air intra-liant et l’air intra-particules est remplacé par de l’eau (lié à la condensation capillaire). Dans un deuxième temps, une technique de double-homogénéisation a été utilisée. Ceci permet de simuler la saturation des pores de petite taille contenus soit dans le chanvre soit dans le liant et d’intégrer ce matériau saturé dans un motif générique à trois phases. Ces modèles permettent d’obtenir des valeurs de conductivité légèrement meilleures que celles obtenues par le modèle à quatre phases, mais l’écart entre les deux approches reste modeste. L’intérêt de cette démarche réside dans le fait qu’il permet de mieux prendre en compte la saturation des petits pores du matériau et le comportement en sorption de chacun des constituants. En effet, il semble approprié de répartir l’eau entre le chanvre et le liant, tous deux étant fortement hydrophiles. - 190 - CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique - 191 -