Facteurs limitant l`accès aux universités privées en Côte d`Ivoire
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Facteurs limitant l`accès aux universités privées en Côte d`Ivoire
JOURNEES DE LA RECHERCHE EN EDUCATION DE CÔTE D’IVOIRE (JRECI) 2009 134 Abou FOFANA © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.135-150 Facteurs limitant l’accès aux universités privées en Côte d’Ivoire 135 1. FACTEURS LIMITANT L’ACCES AUX UNIVERSITES PRIVEES EN COTE D’IVOIRE GOIN BI Zamblé Théodore1, [email protected] N’DEDE Bosoma Florence2, [email protected] RESUME Depuis trois décennies, les universités publiques ivoiriennes sont en proie à une crise multiforme qui affecte profondément leur fonctionnement. Cependant, il y a une dizaine d’année, des universités privées ont commencé à investir le champ de la formation postsecondaire. L’objectif de cet article, est d’identifier et d’analyser les causes du faible taux de fréquentation dans les universités privées. A cet effet, une enquête réalisée auprès de trois cent cinquante (350) étudiants dans treize (13) universités privées ivoiriennes, a permis de dégager deux causes essentielles expliquant la faiblesse des effectifs. Il s’agit du choix limités de filières de formation et surtout à des coûts scolarisations inaccessibles à la majorité de la population. Seulement une frange infime de la population peut scolariser leurs enfants dans ces universités. Les parents dont les enfants fréquentent ces universités ont généralement un niveau d’étude de l’enseignement supérieur. Ils appartiennent dans la grande majorité la classe sociale la plus aisée du pays. Ce qui faire penser que les universités privées sont faites pour les personnes nanties. Mots-clés : Universités privées, filière de formation, coût de scolarisation, Côte d’Ivoire. CONTEXTE ET PROBLÉMATIQUE L’enseignement supérieur est le pilier essentiel pour le développement humain. La Banque Mondiale (2003) définit l’enseignement supérieur comme le point culminant de la pyramide classique du système éducatif dans le monde entier. Pour l’UNESCO (1998), sans établissements d’Enseignement Supérieur et de recherche adéquats, permettant de constituer une masse critique d’individus qualifiés et éduqués, aucun pays ne peut assurer un authentique développement endogène et durable et 1 Doctorant en Sciences Sociales du Développement, option éducation, Université de cocody 2 Doctorante en Sciences Sociales du Développement, option éducation, Université de cocody © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.135-150 136 Abou FOFANA les pays en développement, les pays moins avancés en particulier, ne peuvent espérer réduire l’écart qui les sépare des pays industriellement développés. En Afrique, la période des indépendances a été marquée par la nécessité de former un nombre important de fonctionnaires pour remplacer les colons dans les administrations. Alors dans cette politique de formation l’Etat était le principal bailleur de l’Enseignement Supérieur. A partir des années 1980, s’accentue dans l’environnement sociétal des universités africaines, l’histoire du déclin économique, des tensions politiques, des guerres civiles, des traumatismes de la sécheresse, des famines, de la dégradation écologique, et l’imposition des programmes d’ajustement structurel, toute une conjoncture de crise-instabilité politique, baisse de la production économique et agricole, rareté des investissements étrangers, chômages et pauvreté extrême qui cristallise le phénomène des «universités de la crise» (Essane, 2001). Depuis ces années, les universités Africaines traversent une crise qui relève de dysfonctionnements majeurs. De façon générale, depuis ces années, les capacités des gouvernements africains à financer les services publics ont fortement diminué. L’enseignement supérieur public souffre en conséquence, de la réduction du budget destiné à l’éducation. Le resserrement des contraintes budgétaires, consécutif à la baisse des recettes fiscales et aux politiques économiques structurelles mises en œuvre dès les années 1990 a placé les institutions publiques d’enseignement supérieur devant un défi sans précédent : améliorer la qualité de l’enseignement supérieur face à un flux de plus en plus important d’étudiants alors même que les allocations budgétaires diminuent. Cette politique a pour conséquence la détérioration des infrastructures académiques, des laboratoires, du matériel d’enseignement et des taux d’encadrement des étudiants et en dernière analyse à la réduction de la qualité de l’enseignement supérieur. Face à l’incapacité de l’Etat à accueillir le flux important d’étudiants chaque année dans ses structures, des instituts d’enseignement supérieur privé vont investir le champ de la formation post baccalauréat. En Côte d’Ivoire l’avènement des institutions d’enseignement privées s’est fait suivant deux phases : les grandes écoles privées puis les universités privées. L’émergence des universités privées est un fait relativement récent et ce secteur en pleine construction. L’Unesco dans son document cadre «l’enseignement supérieur et la mondialisation », fait remarquer que la diminution des fonds publiques et les thèses économiques dominantes ont tendance à affaiblir le rôle et les pouvoirs publics dans les questions intéressant l’enseignement © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.135-150 Facteurs limitant l’accès aux universités privées en Côte d’Ivoire 137 supérieur, alors que le rôle et la contribution du secteur privé se sont considérablement développer. Ce facteur contribue à renforcer le marché de l’enseignement supérieur aux niveaux tant national que mondial. Jandhyala B. G. Tilak (2005), présente la privatisation comme le nouveau mantra quotidien. Selon lui : « plus concrètement, les gouvernements de nombreux pays ont semble-t-il adoptés la philosophie néolibérale voulant que soient appliquées à tous les domaines les règles du marché, et de fait ils encouragent la croissance des établissements d’enseignement supérieur privés, qui sont pour la plupart des établissements d’enseignement à but lucratif ». N.V VARGHESE3 montre que l’enseignement supérieur est en train de d’émerger comme une entreprise commerciale et un secteur lucratifs. Les établissements d’enseignement supérieur se livrent à une concurrence féroce pour attirer les étudiants étrangers et pour ouvrir, hors de leur pays des campus, source de revenus et de profits. Le développement rapide de ce secteur est un bon indicateur de son attrait économique et le commerce des services d’éducation commence à être politiquement et socialement recevable. Les universités privées complètent les universités publiques dans la formation des futures élites du pays. La naissance des universités privées accroit l’offre de formation. Le rôle de ces universités est donc de contribuer au décloisonnement des universités publiques. Elles doivent en conséquence engendrer des innovations dans le système. En effet, Fulbert Géro AMOUSSOUGA (2005), après un examen de l’expérience des pays fait apparaître entre autres réformes, le développement d’établissements universitaires privés. Il pense que l’émergence de ces établissements peut constituer un moyen de participation efficace du secteur privé au financement du coût de la formation. On peut donc ainsi desserrer la contrainte financière et améliorer la qualité de l’enseignement supérieur, en mobilisant une fraction plus importante des fonds auprès des étudiants eux-mêmes, lesquels peuvent escompter des revenus nettement plus élevés, leur vie durant, grâce aux études supérieures qu’ils auront faites, et dont les familles ont souvent largement les moyens de contribuer au coût de leur éducation. Fulbert Géro AMOUSSOUGA (op. cit.) va plus loin dans son analyse, en soutenant que les établissements privés de l’enseignement supérieur peuvent répondre avec efficacité et souplesse à l’évolution de la demande et offrent de nombreuses possibilités d’éducation sans coûter grandchose aux pouvoirs publics. Ces établissements privés complètent 3 L’AGCS et le commerce transfrontalier des services d’éducation © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.135-150 138 Abou FOFANA les établissements publics et constituent aussi un moyen de maintenir dans une limite raisonnable les coûts liés à l’augmentation des effectifs d’étudiants, d’accroître la diversité des programmes de formation et d’élargir la participation sociale à l’enseignement supérieur. Les établissements privés sont donc perçus comme un élément important de certains des meilleurs systèmes d’enseignement supérieur dont disposent les pays en développement. Ils peuvent répondre efficacement et avec souplesse à l’évolution des besoins des étudiants et des conditions de travail du marché. En outre, l’enseignement supérieur privé augmente les possibilités d’étude avec un minimum de dépenses publiques directes. L’Unesco (op. cit.) dit que d’autres acteurs de l’éducation soulignent les avantages du commerce d’enseignement supérieur. Ils estiment qu’une plus grande concurrence sur le marché est un stimulant qui pousse les institutions traditionnelles à innover et à mettre en place des réseaux spécialisés. De plus, l’offre commerciale de service par de nouveaux prestataires à la recherche du profit et les établissements d’enseignement supérieur classiques peut élargir les possibilités d’accès à l’enseignement supérieur. Ils reconnaissent que préserver la qualité de l’enseignement supérieur, assurer un accès équitable à cet enseignement et protéger les apprenants tout en leur donnant des moyens d’action sont en passe de devenir les priorités essentielles face au développement de la commercialisation et des échanges de services d’enseignement supérieur. En Angleterre, des quasi marchés ont été volontairement créés avec l’idée que d’avantage de compétition devrait mener à d’avantage de qualité4. Depuis une décennie en Côte d’Ivoire, on observe, que des universités privées ont fait leur apparition dans le paysage universitaire. Aujourd’hui, l’offre d’enseignement universitaire privé, a une croissance plus importante que celle publique. Le nombre d’établissements privés est largement supérieur à celui des universités publiques (26 universités privées contre 3 universités publiques). Malgré cette émergence rapide des universités privées, le taux de croissance des effectifs y reste encore très faible. En effet, les effectifs des étudiants dans les universités privées représentent une part minime des effectifs de l’enseignement supérieur en Côte d’Ivoire. Elles accueillent une très faible population estudiantine qui s’évalue à 3,08%5 des étudiants fréquentant l’ensemble des universités (publiques et privées). Au niveau des effectifs on remarque que la population est inégalement repartie dans les universités privées6. D’abord, on constate 4 ibidem 5 Goin Bi Z., N’Dédé B. (2008), Qualité et Innovation dans l’enseignement supérieur : Cas des universités privées en Côte d’Ivoire. http://www.rocare.org/grants/2007/Qualité et innovation.pdf 6 Voir annexe 1 © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.135-150 Facteurs limitant l’accès aux universités privées en Côte d’Ivoire 139 que 9 universités sur 13 ont un effectif inférieur à 100 étudiants. Dans cette catégorie il faut souligner que 5 d’entre elles ont moins de 30 étudiants. Ensuite 2 universités sur 13 ont quant à elles un effectif compris entre 109 et 129 étudiants. Enfin 1 seule université compte 308 étudiants tandis que la plus peuplée compte 1549. Par conséquent elles n’ont pas encore une influence significative sur l’ensemble du système. Pourquoi malgré le nombre important d’universités privées, les taux de fréquentation dans ces institutions restent faibles ? OBJECTIF DE L’ÉTUDE L’objectif de cet article est d’identifier et d’analyser les facteurs limitant l’accès aux universités privées en Côte d’Ivoire. Les objectifs spécifiques sont : • Identifier les offres de formations dans les universités privées en Côte d’ivoire ; • Evaluer les coûts de scolarisation dans les universités privées en Côte d’ivoire ; • Déterminer les caractéristiques sociales des étudiants fréquentant les universités privées en Côte d’ivoire. MÉTHODOLOGIE Site de l’étude Cette étude a été réalisée dans les universités privées localisées à Abidjan capitale économique de la Côte d’ivoire. Ce choix se justifie parce que la quasi-totalité des universités privées s’y trouve, soit vingt – deux (22) sur vingt-six (26). Population d’étude et échantillonnage • Population d’étude La population concernée par cette se compose étude était composée: - De la Direction de l’Enseignement Supérieur Privé, - Des responsables administratifs et/ou académiques7, - Des étudiants des universités privées. 7 Les responsables universités cumulent les fonctions administratives et académiques. © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.135-150 140 Abou FOFANA • Echantillonnage • Au niveau des universités privées Toutes les vingt-deux (22) universités de la ville d’Abidjan ont été visées par notre étude. Cependant faces aux refus certains responsables d’universités d’accepter que les enquêtes se fassent au sein de leur établissement seulement treize (13) sur les vingtdeux (22) ont pu être enquêtées. • Au niveau des étudiants La technique utilisée est celle de l’échantillonnage accidentel. Cette technique a été retenue parce que nous n’avions pas connaissance exacte des différents effectifs. Nous avons donc appliqué le questionnaire aux étudiants trouvés sur place lors de notre passage dans les 13 universités privées. • Au niveau de la Direction de l’enseignement supérieur privé (DESPRIV) Le responsable en charge des universités privées au sein de la DESPRIV a été rencontré dans le cadre de cette étude. Techniques d’enquête Pour cette étude des techniques d’enquête qualitative et d’enquête quantitative ont été utilisées. • l’enquête qualitative Deux techniques d’enquêtes ont été utilisées, il s’agit de l’entretien semi directif et de l’observation directe. • L’observation directe : cette méthode nous a permis de voir directement les infrastructures des universités privées, les effectifs, les équipements et les installations. • L’entretien semi directif : Une première série d’entretiens avec les responsables des universités privées. Ces entretiens avaient pour but de nous éclairer sur les questions relatives aux frais de scolarisation, aux effectifs, aux filières ouvertes, aux modes de financement dans les universités privées. Une seconde série a été réalisée avec le responsable en charge des universités privées au sein de la Direction de l’enseignement supérieur privée en vue de savoir les conditions d’ouverture des universités privées. © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.135-150 141 Facteurs limitant l’accès aux universités privées en Côte d’Ivoire • l’enquête quantitative L’enquête quantitative est été réalisée par le bais d’un questionnaire adressé essentiellement aux étudiants des universités privées. Le but de ce questionnaire était de recueillir les données socioéconomiques de leurs parents ou tuteur. Tableau I: Les outils de collectes des données ayant été appliqués dans les universités privées Techniques d’enquêtes Universités Privées Ussas Celaf Cerap-iddh Ismant Uc-asm Uiss-hb Umeci Uclm Uns Fupa Groupe bak Ist-ci ucao TOTAL Entretien semi directif X x X X X X X X X Questionnaires x X X x X x x x x x x X 12 X 10 Tableau II: Répartition des étudiants enquêtés par filières et niveau d’étude Deug 1 Deug 2 Sciences économiques Droit Communication Sciences de l’éducation Sans réponse Total Dut 1 Licence Maitrise DESS pdr Total 40 43 8 3 11 10 12 2 35 - - 66 1 41 - 16 - 3 21 - 23 3 3 60 3 102 8 93 55 % 115 32,86 176 3 50,29 0,86 - 50 14,29 26 6 350 1,71 100 6 6 Traitement des données Les données quantitatives ont été traitées à l’aide du logiciel SPSS (11.0) en vue de vérifier les relations entre les variables mises en jeu pour l’étude. Quand aux l’analyse qualitative a été essentiellement une analyse de contenu des entretiens. © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.135-150 02 8 93 55 26 6 142 350 100 Abou FOFANA RÉSULTATS Caractéristique sociales des enquêtés Identification des enquêtés L’identification des enquêtés montre qu’on a une quasi égalité au niveau du genre. En ce qui concerne la nationalité 80,9% sont des ivoiriens. A plus de 90%, ils sont inscrits au premier et au second cycle. Concernant l’établissement d’origine 80,6% des enquêtés proviennent d’établissements privés. Cela laisse entrevoir que les parents qui inscrivent leurs enfants dans les universités privés ont pour la plus part la culture de la scolarisation payante. Tableau III : Identification des enquêtés en fonction de leur sexe, nationalité, niveau d’étude, établissement d’origine Variables SEXE Nationalité Niveau d’étude Etablissement d’origine Indicateurs Masculin Féminin Total Ivoirienne Afrique CEDEAO Afrique Hors CEDEAO Autres Pas de réponse Total 1er Cycle 2e Cycle 3e cycle Pas de réponse Total Public Privé Pas de réponse Total Nombres 172 178 350 283 33 % 49,1 51,9 100 80,9 9,4 22 6,3 5 7 350 170 148 26 6 350 56 282 12 350 1,4 2 100 48,5 42,3 7,4 1,7 100 16,0 80,6 3,4 100 Source : données d’enquête © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.135-150 143 Facteurs limitant l’accès aux universités privées en Côte d’Ivoire Lieu de résidence et moyen de transport 72% des étudiants enquêtés habitent la commune résidentielle de Cocody où sont localisées 18 des 22 établissements universitaires privés de la ville d’Abidjan. Les moyens de transport les plus utilisés par les étudiants sont les taxis communaux (Woro-Woro), suivie par les voitures personnelles à 16,57%. Tableau IV : Lieu de résidence et moyen de transport des étudiants Cocody Yopougon Abobo Plateau Adjamé Attécoubé Treichville Marcory Koumassi Port-bouet Bingerville Ayama 19 Véhicule personnel 44 à pieds 39 sans réponse 1 3 3 3 1 - 9 1 - - Bus Gbaka1 Woro-woro2 Taxi 4 5 140 2 19 2 Total % 252 72,00 - 36 7 2 10,29 2,00 0,57 2,29 1 1 1 3 2 2 - - - 8 - 1 - - - - - 1 0,29 - - 3 - - - - 3 0,86 1 - 1 1 1 2 - - - 4 3 1,14 0,86 2 - 3 - - - - 5 1,43 - 1 - - - - - 1 0,29 1 - - - - - - - 1 Sans réponse Total 8 22 11 41 3 159 3 29 1 58 39 1 2 27 350 % 6,29 11,71 45,43 8,29 16,57 11,14 0,57 100,00 0,29 7,71 100,00 Source : données d’enquête Coût de la formation On observe que les coûts moyens de formation excèdent 1 000 000 F Cfa. Cependant ce tableau reflète seulement des moyennes. Car les coûts réels varient du simple au double voire plus, d’une université à l’autre. Concernant le deug par exemple les cours oscillent entre 1 280 000 F Cfa et 8 640 000 F Cfa. © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.135-150 144 Abou FOFANA Tableau V : les coûts moyens de la formation par cycle dans les universités privées Diplômes Coût Moyen DEUG DUT LICENCE LICENCE PROFESSIONNELLE MAITRISE MASTERS DESS DEA 2 272 615 1 700 000 1 280 455 1 325 000 1 299 545 2 037 500 1 645 000 1 533 333 Source : données d’enquête Filières de formation dans les universités privées Filières demandées à l’ouverture Les filières demandées à l’ouverture relèvent essentiellement des sciences sociales, des lettres, des technologies de l’information et de la communication (TIC). Parmi elle l’Economie et le Droit sont en tête avec respectivement 88,46% et 62,23% de la demande des établissements. Figure 1 : Le nombre de filières ouvertes par université Source : données d’enquête © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.135-150 Facteurs limitant l’accès aux universités privées en Côte d’Ivoire 145 Filières effectivement ouvertes Les enseignements des universités s’articulent essentiellement autour de deux filières. 8 universités sur 11 ont 2 filières ouvertes parmi elles 7 ne font que du Droit et de l’Economie. 3 universités sur 11 ont chacune une filière. Tableau VI : Nombre de filières ouvertes par université Nombre de facultés ouvertes 1 2 Total Nombre d’université 3 8 13 % 2727 72,73 100 Source : données d’enquête Financement des études Acteurs du financement Les études dans les universités privées sont à 46% financées par les pères des étudiants. Les mères, l’association père et mère, les bourses, financent pour chaque catégorie les études à hauteur de 15,1%. Tableau VII : Les personnes responsables de financement des études des étudiants Père Mère Tuteur Père et mère Bourses Autres Sans Total Total 161 53 12 53 53 15 3 350 % 46 15,1 3,4 15,1 15,1 4,3 0,9 100 Source : données d’enquête Niveau d’étude des acteurs du financement La grande majorité (père, mère, père et mère, tuteur) de ceux qui financent la scolarité des étudiants dans les universités privées ont un niveau d’étude d’enseignement supérieur (Bac +). Cela se vérifie dans les différentes catégories susmentionnées, Pères 88,82%, Mère 66,4%, l’association père et mère 83,03% et 58,33 chez les tuteurs. Les parents © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.135-150 146 Abou FOFANA qui scolarisent leurs enfants dans les universités privées sont pour la plupart des cadres supérieurs dans l’administration (32,57%), des ingénieurs et des enseignants et des cadres supérieurs de la santé8. Tableau VIII : Niveau d’étude des personnes responsables du financement des études des étudiants Analphabète Primaire Secondaire Supérieur Nombre Père % Nombre Mère % Père et Mère Nombre % Nombre Tuteur % Source : données d’enquête 5 3,11 4,00 7,55 2 0,38 1 8,33 0 0 0 0 3 5,66 1 8,33 11 6,83 6 11,32 4 7,55 1 8,33 143 88,82 35 66,04 44 83,03 7 58,33 Pdr Total 2 1,24 8 15,09 0 0 2 16,67 161 100 53 100 53 100 12 100 ANALYSE DES RÉSULTATS Filières et coûts de formation Des choix de formation limités Les universités privées en Côte d’Ivoire articulent leur formation essentiellement autour de deux filières: Sciences économiques et Droit. Généralement, ces universités ont une ou deux facultés ouvertes. Quand c’est une seule faculté ouverte, elles font soit du droit ou les sciences économiques. Dans le cas où deux facultés sont ouvertes, quelque exception près, elles dispensent des cours de droits et d’économie. Cette situation réduit les choix de formation dans les universités privées ivoiriennes. Certaines personnes désireuses de faire des études autres que le Droit et l’Economiques, se voient obliger d’avoir recours aux universités publiques ou d’aller à l’étranger. Ce choix limité de filière de formation, pour être un élément explicatif des faibles effectifs dans les universités privées. Cependant, le nombre limité de filières n’en est pas la seule explication. Puisque dans les universités publiques, les facultés de Droit et d’Economie sont toujours surpeuplées. Cela sous-entend que, en dépit du nombre limité d’offre de formation (en termes de filières), les universités privées accueillent de petits effectifs en Droit et en Economie. 8 Voir annexe 2 © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.135-150 Facteurs limitant l’accès aux universités privées en Côte d’Ivoire 147 Des coûts de scolarité inaccessibles pour les populations Les coûts de la formation dans les universités privées sont largement supérieurs à ceux des universités publiques. Contrairement aux universités publiques, les universités privées ne bénéficient pas de subvention de l’Etat. Elles fonctionnent essentiellement sur des fonds propres. Ces fonds émanent principalement des frais d’inscription et de scolarité payés par les étudiants (cf. tableau 3). Les coûts en rigueur montrent que la formation dans les universités est excessivement onéreuse. Quand on sait, d’après le PNUD (2004) que le taux de pauvreté général en Côte d’ivoire est estimé à 50,4%. On déduit aisément que les universités privées sont fermées à une très grande franche de la population. Même si la volonté est manifeste chez certains parents, le nombre d’enfants à scolariser, constitue un épineux problème. Les moyens financiers ne sont pas à mesure de satisfaire tous les désirs de fréquentions dans les universités privées. Les bourses d’étude ne représentent que 15,1% des sources de financement des étudiants dans les universités privées. En général, les étudiants boursiers sont des religieux désireux de poursuivre leurs études et les bourses émanent plus souvent de leurs congrégations d’origines. L’Etat qui a déjà du mal à assurer les bourses dans les universités publiques, ne saurait en aucun cas prêt à s‘engager dans une telle entreprise en ce qui concerne les universités privées. Les frais de scolarité deviennent alors une prérogative essentiellement familiale. 79,6% des frais sont payés par les familles à savoir le père, la mère, le tuteur ou une association du père et de la mère. Des universités pour personnes nanties Le niveau d’étude des parents Les parents qui envoient leurs enfants dans les universités privées ont généralement le niveau d’étude de l’enseignement supérieur. Les pères sont majoritairement les premières personnes responsables du financement des études de leurs enfants dans les universités privées. Sur 161 pères, 143 soit 88,82 % ont un niveau supérieur. Le niveau d’étude supérieur des parents les rend plus sensibles à la nécessité d’assurer une bonne formation universitaire à leurs enfants. Plus conscients des avantages liés à la formation et aux diplômes universitaires, ils sont plus enclins à opter pour des formations de qualité pour leurs enfants. En sus de la qualité, ils ont besoin d’un cadre propice à l’épanouissement, où les risques de perturbations sont moindres contrairement aux universités publiques. L’obtention des diplômes dans les établissements privés offre plus de chance dans les perspectives de © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.135-150 148 Abou FOFANA recherche d’emploi. Cela est dû essentiellement au fait de la dégradation de l’image des étudiants et à la dévalorisation des diplômes des universités publiques. C’est donc un souci, que leurs enfants conservent au moins les acquis sociaux familiaux ou les améliorent, qui militent fortement en faveur des inscriptions dans les universités privées. Profession des parents La majeure partie des étudiants des universités provient d’origine sociale aisée. Les diverses professions qu’exercent leurs parents sont une illustration parfaite de leur appartenance sociale. Ils sont très souvent : Avocats, Magistrats, Notaires, Huissiers, Ingénieurs, Chefs d’entreprises, Gros Commerçants, Cadres de l’Administration et du Privé, Médecins, Pharmaciens, Architectes, Professeurs d’université, Professeurs dans le secondaire, Officiers Supérieurs de l’Armée, de la Douane, de la Police et de la Gendarmerie, Banquiers et Assureurs, etc. On voit bien à quel point la profession des parents est un facteur déterminant pour l’accès aux universités privées. La démarcation est nette entre les personnes socialement aisées et les autres. On pourrait dire que les universités privées sont pour le moment un choix de formation réservé à une strate bien précise de la population. En effet, en plus de la profession des parents, d’autres signes peuvent compléter notre analyse précédente et surtout la renforcer. Il s’agit de deux variables, indicatives des revenus et du rang social de parents. Ces variables sont : le lieu de résidence et les moyens de transport. 72% des étudiants enquêtés habitent la commune chic de Cocody. Commune résidentielle, cet espace est connu pour la richesse de ses habitants et l’architecture de ses maisons. Les classes les plus aisées de la société ivoirienne, autant que la plupart des expatriés et des diplomates en font leur résidence de choix. On remarque que seulement 6,9% des étudiants des universités privées utilisent le bus comme moyen de transport. Quand on sait que le bus est le moyen de transport des populations à revenus moyens ou faibles, on comprend alors que les étudiants des universités privées ne les utilisent presque pas. Ils viennent le plus souvent en taxis communaux, ce qui représente environ 30 000 f/Cfa par mois soit plus de la bourse mensuelle d’un étudiant du premier cycle dans les universités publiques (environ 20 000f/Cfa par mois). En plus, les universités privées sont presque toutes dans la commune de Cocody. Après les ‘‘ woro – woro9’’ les étudiants se rendent au cours en voiture personnelle (accompagnés par leur parent, un chauffeur ou eux-mêmes 9 Taxi communal © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.135-150 Facteurs limitant l’accès aux universités privées en Côte d’Ivoire 149 au volant) soit 16,51%. L’utilisation de voiture personnelle pour se rendre à l’université dénote d’un luxe probant et d’une aisance avérée. CONCLUSION Les universités privées ne sont pas encore en mesure d’apporter une réponse efficace à la crise des universités publiques en Côte d’Ivoire. En effet, les universités privées attirent très peu d’étudiants. Cela est essentiellement dû au nombre limité de filières de formation et surtout aux frais d’écolages trop élevés pour la grande partie de la population. De ce fait elles apparaissent comme des universités pour personnes financièrement nanties qui cherchent à fuir les perturbations dans les universités publiques. Elles sont trop dépendantes des frais de scolarités payés par leurs étudiants, ce qui engendre des positions financières très délicates. Elles doivent faire des arbitrages entre divers types de dépenses, les unes aussi importantes que les autres. Le corollaire de cet état de fait, est les universités privées n’arrivent pas à amorcer un bon décollage. La réduction des frais d’écolage et la diversification des filières de formation s’imposent. La réduction des frais permettra d’attirer vers elles des étudiants ayant des parents à revenus modestes. En sus, des économies d’échelles pourront être réalisées, cela garantirait au mieux une autonomie financière. La diversification des filières, va élargir l’éventail des possibilités de formation. Les étudiants désireux de faire des études dans des branches autres que le Droit ou l’Economie, pourraient eux aussi avoir accès aux universités privées. BIBLIOGRAPHIE Alava S., Longevin L. 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