La loi Alur : des avancées significatives en matière de sites et sols

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La loi Alur : des avancées significatives en matière de sites et sols
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ÉTUDE IMMOBILIER
ENVIRONNEMENT
La problématique des sols pollués n’est plus à poser pour le notariat . À ce titre,
la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 (Alur) comporte des avancées significatives,
tant dans l’émergence d’un droit des sites pollués que dans l’encadrement des
opérations de reconversion de sites industriels.
1
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La loi Alur : des
avancées significatives
en matière de sites et
sols pollués
A
Étude rédigée par Olivier Salvador
Olivier Salvador est notaire, ancien rapporteur de la troisième commission du 104e
Congrès des notaires de France
1
1 - Avec la loi Alur, la naissance d’une nouvelle police
des sites et sols pollués s’accompagne d’une sécurisation des opérations d’aménagement foncier portant sur
d’anciennes friches industrielles.
1. L’émergence d’un droit des
sites et sols pollués
2 - Jusqu’à une époque récente, la pollution des sols ne
faisait pas l’objet d’un traitement juridique autonome.
Certes une proposition de directive européenne du 22
septembre 2006 définissait un cadre pour la protection
des sols.
En droit interne, l’émergence d’un droit des sols pollués
s’est manifestée par l’introduction par l’ordonnance du
17 décembre 2010 d’un dispositif permettant notamment, en cas de pollution ou de risques de pollution
des sols, d’imposer une remise en état du site pollué aux
frais du responsable (C. env., ancien art. L. 556-1).
1 V. à ce sujet : Les sites pollués : un enjeu pour les professionnels de
l’immobilier, Journée d’études au Conseil supérieur du notariat,
11 oct. 2013 : JCP N 2014, n° 9, 1103-1114.
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3 - La loi Alur complète et enrichit cette police spéciale en renforçant les obligations informatives et en élargissant le cercle
des débiteurs de la réhabilitation des sols pollués.
A. - L’information sur les sols pollués
4 - Le rôle de l’information en matière environnementale est
fondamental2.
Le mécanisme opératoire de l’information tient en un droit de
savoir et une obligation d’informer.
1° Le porter à connaissance des sites pollués
5 - La pratique d’inventaires de sites pollués a été systématisée
en 1993 (circulaire du 3 décembre 1993) par la mise en place
d’un inventaire national des sites pollués, puis en 1998 d’un inventaire des anciens sites industriels et activités de service. Ces
deux inventaires sont accessibles sous la forme de deux bases de
données informatiques : BASOL et BASIAS.
s La base BASOL (basol.ecologie.gouv.fr) recense les sites pollués ou potentiellement pollués appelant une action des pouvoirs publics.
s La base BASIAS (basias.brgm.fr) identifie (de manière non
exhaustive), les anciens sites industriels et les activités de service
identifiés par le bureau de recherches géologiques et minières
(BRGM). Elle est alimentée (depuis 2005) par un transfert de
sites figurant dans la base BASOL mais n’appelant plus d’actions de la part des pouvoirs publics.
6 - L’État renforce désormais l’accès à l’information, par un
vecteur privilégié : la règle d’urbanisme - L’accès renforcé à
l’information passe avec la loi nouvelle par la création des secteurs d’information sur les sols pollués (C. env., art. L. 125-6).
Ces secteurs visent les terrains où la connaissance d’une pollution des sols justifie la réalisation d’études de sols et de mesures
de gestion de la pollution, notamment en cas de changement
d’usage.
7 - Ils sont élaborés par le représentant de l’État dans chaque
département et annexés sous forme graphique au plan local
d’urbanisme (ou au document d’urbanisme en tenant lieu).
REMARQUE
➜
Les services instructeurs doivent indiquer dans le
certificat d’urbanisme prévu à l’article L. 410-1 du Code de
l’urbanisme si le terrain objet de la demande est situé sur
un site répertorié sur la base BASIAS ou sur un ancien site
industriel ou de service dont il aurait connaissance.
Sur un plan pratique, il n’est pas certain que la base BASIAS permette actuellement une localisation cadastrale précise des sites répertoriés.
2° Deux nouvelles obligations informatives
8 - Corrélativement, l’accès à cette nouvelle information fait
peser deux nouvelles obligations informatives sur le vendeur ou
le bailleur d’immeuble.
Ce dernier doit informer son cocontractant du fait que le terrain est situé en secteur d’information sur les sols (C. env., art.
L. 125-7).
9 - L’information doit obligatoirement être délivrée par écrit,
l’acte de vente ou de location attestant de l’accomplissement de
cette formalité.
La sanction du défaut d’information est alignée sur celle
de la nouvelle mouture de l’article L. 514-20 du Code de
l’environnement.
Mais l’entrée en vigueur de cette nouvelle obligation informative est conditionnée par un décret d’application.
10 - Le vendeur doit également informer le bénéficiaire du droit
de préemption urbain (C. urb., art. L. 213-2).
REMARQUE
➜
Ainsi, la déclaration d’intention d’aliéner doit comporter les informations dues au titre de l’article L. 514-20 du
Code de l’environnement. Le titulaire du droit de préemption peut en outre, dans le délai de deux mois, demander au
propriétaire de lui communiquer des documents lui permettant d’apprécier l’état de pollution des sols.
B. - Vers une responsabilité du propriétaire
de sols pollués
11 - La police des déchets fournit un instrument de coercition
à l’encontre du propriétaire d’un terrain où des déchets ont été
entreposés. Mais la seule pollution des sols ne permet d’agir à
son encontre par le biais de cette police.
12 - La loi Alur comble cette lacune en permettant à l’autorité
publique d’assurer d’office l’exécution des travaux nécessaires
aux frais du responsable (C. env., art. L. 556-3).
2 V. à ce sujet : 104e Congrès des notaires de France, Développement durable :
un défi pour le droit, Nice 4-7 Mai 2008, 4e commission.
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Le responsable, au sens de cette police nouvelle, est
en premier lieu le dernier exploitant ou, à défaut d’une installation classée, le producteur des déchets polluants.
En leur absence, le propriétaire de l’assiette foncière polluée devient le responsable subsidiaire s’il a fait preuve de
négligence ou s’il n’est pas étranger à cette pollution.
13 - On relèvera à ce sujet que le législateur a écarté un régime
de responsabilité objective retenu par la Cour de cassation en
matière de police des déchets et initialement prévu dans l’avantprojet de loi.
14 - Il n’en demeure pas moins que la négligence est une notion
éminemment subjective et que cette responsabilité potentielle
ne peut qu’inciter les propriétaires d’assiettes foncières potentiellement polluées ou en passe de l’être à la plus grande prudence dans leurs rapports avec un cocontractant.
2. La sécurisation des opérations de
reconversion de sites pollués
15 - La police des installations classées fournit un cadre à la remise en état d’un site par l’ancien exploitant ayant cessé définitivement son activité (C. env., art. R. 512-74 à 512-80). Mais cette
police n’a pas vocation à réglementer de manière générale les
opérations de reconversion d’anciennes friches industrielles3.
16 - Le besoin de sécurité juridique s’exprime alors tant dans la
capacité à transférer légalement la charge de la remise en état
sur la tête de l’aménageur que dans celle de fournir un cadre
méthodologique impératif.
A. - Faciliter les opérations foncières par
une substitution administrative du débiteur
de la remise en état
17 - Le recyclage foncier passe bien souvent par l’intervention
d’opérateurs spécialisés, capables de gérer les contraintes tech-
3 Courrier n° BPSPR/2005-337/TJ du 10 novembre 2005 relatif à la problématique de découverte de sols pollués en zone urbaine dans le cadre de
projets d’aménagements.
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niques et financières liées à la dépollution d’assiettes foncières
importantes.
18 - Il repose généralement sur une anticipation permettant à l’aménageur d’endosser le rôle de responsable de la remise en état afin de coordonner les travaux de dépollution et
d’aménagement.
19 - Le fait de canaliser cette responsabilité sur le dernier exploitant de l’installation classée constituait un frein certain
aux opérations foncières de réhabilitation de sites pollués, à tel
point que certaines préfectures n’hésitaient pas, sous le régime
antérieur au décret du 13 septembre 2005, à rendre l’aménageur
destinataire de prescriptions de réhabilitation d’un site ayant
hébergé une installation classée. L’arrêté de prescription était
alors frappé de nullité, puisque visant une personne n’ayant pas
la qualité de dernier exploitant4.
Certes, celui à l’initiative d’une modification ultérieure de
l’usage du site devient le débiteur légal de la remise en état complémentaire (C. env., art. R. 512-78).
Mais l’anticipation des opérations d’aménagement foncier
conduisait à une solution plus immédiate, celle d’une substitution administrative du débiteur de la remise en état5.
20 - Le nouvel article L. 512-21 du Code de l’environnement
répond partiellement à cette attente puisqu’il prévoit qu’un tiers
peut demander au représentant de l’État dans le département,
à l’occasion de la mise à l’arrêt définitif d’une installation classée, de se substituer à l’exploitant, afin de réaliser les travaux de
réhabilitation.
Ces travaux sont déterminés en fonction de l’usage envisagé du
site par le nouveau débiteur de la remise en état, afin d’assurer
une compatibilité entre l’état des sols et cet usage futur.
L’usage futur, dès lors qu’il est plus sensible que celui de la dernière période d’exploitation, est fixé en concertation avec plusieurs intervenants : le dernier exploitant, le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale
compétent en matière d’urbanisme et, le cas échéant, le propriétaire du terrain s’il ne s’agit pas de l’exploitant.
Le tiers demandeur doit adresser un mémoire de réhabilitation
au représentant de l’État dans le département, qui se prononce
sur l’usage proposé et peut alors prescrire des mesures de réhabilitation, en fonction de cet usage.
Par ailleurs, la substitution de débiteur est conditionnée par la
justification de capacités techniques suffisantes et à la fourniture de garanties financières, exigibles à première demande.
4 TA Versailles, 13 févr. 2007, SEM Hauts de Seine : JurisData n° 2007329348.
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De manière générale, ce nouveau régime répond aux
attentes des professionnels, même s’il est inopérant dans
l’hypothèse fréquente de disparition du dernier exploitant.
21 - On relèvera également que la substitution de débiteur n’est
pas définitive puisque la défaillance de l’aménageur ou son
incapacité à fournir les garanties financières demandées remet
l’exploitant sur le devant de la scène.
B. - Encadrer la reconversion des sites
pollués
22 - Lorsque la reconversion concerne un site ayant hébergé
une installation classée ayant cessé définitivement son activité,
la loi Alur identifie clairement le débiteur de la remise en état
à l’initiative d’un changement d’usage d’un site ayant hébergé
une installation classée : c’est le maître d’ouvrage qui doit définir les mesures de gestion de la pollution des sols et les mettre en
œuvre, au regard du nouvel usage projeté (C. env., art. L. 556-1).
L’exécution des mesures de gestion de la pollution est attestée
par un bureau d’études certifié dans le domaine des sites et sols
pollués, l’attestation jointe au dossier de demande de permis de
construire ou d’aménager.
En cas de pollution résiduelle compatible avec le nouvel usage,
et après information du propriétaire et du représentant de l’État,
il peut être créé un secteur d’information sur les sols.
23 - Lorsque la reconversion concerne un site pollué, l’aménageur constructeur ou lotisseur doit justifier dans son dossier
de permis de la réalisation d’une étude de sols déterminant
les mesures de gestion de la pollution à mettre en œuvre afin
de rendre compatible l’état du site avec son usage futur, et leur
prise en compte dans la conception du projet de construction
ou de lotissement (C. env., art. L. 556-2).
3. L’aménagement de l’article L. 51420 du Code de l’environnement : de
l’obligation environnementale à la
garantie des vices cachés
24 - La loi Alur modifie le dernier alinéa de l’article L. 514-20 du
Code de l’environnement, rédigé désormais comme suit : « À
5 Cette solution avait fait l’objet d’un vœu lors du 104e Congrès des notaires de France (JCP N 2008, n° 21, hors série, p. 19).
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L’accès renforcé à l’information passe avec la
loi nouvelle par la création des secteurs d’information sur les sols
pollués
défaut, et si une pollution constatée rend le terrain impropre à
la destination précisée dans le
contrat, dans un délai de deux
ans à compter de la découverte de
la pollution, l’acheteur a le choix
de demander la résolution de la vente ou de se faire restituer une
partie du prix ; il peut aussi demander la réhabilitation du site
aux frais du vendeur, lorsque le coût de cette réhabilitation ne
paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente ».
Cette modification a deux mérites.
25 - Sur le terrain de la sanction : l’article L. 514-20, dans sa
rédaction antérieure, sanctionnait le défaut d’information, sur
l’existence même d’une installation classée soumise à autorisation ou à enregistrement, et le cas échéant, sur les dangers ou
inconvénients graves qui en découlaient ou la manipulation ou
le stockage de substances chimiques ou radioactives.
Autrement dit, le simple défaut d’information, indépendamment de toute pollution, justifiait une éventuelle résolution de
la vente ou une restitution d’une partie du prix de vente.
Mais pouvait-on imaginer une telle sanction en l’absence de
tout danger ou inconvénient liée à une pollution du sol ?
Le nouveau texte clarifie ce point.
Ce qui compte, c’est le préjudice de l’acquéreur lié à la pollution
du sol, le rendant impropre à sa destination.
On relèvera néanmoins l’absence de lien de causalité entre la
pollution ouvrant le régime de la sanction et l’existence antérieure d’une installation classée.
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trement devient le débiteur
définitif d’une garantie des
vices cachés liée à l’existence
d’une pollution des sols.
26 - Sur le terrain de la prescription - On pouvait légitimement hésiter sur le délai pendant
lequel l’acquéreur mécontent pouvait exercer son action sur le
fondement de l’article L. 514-20.
Fallait-il appliquer la prescription quinquennale des vices du
consentement ou la prescription biennale des vices cachés ?
La loi tranche en faveur du délai de deux ans, en alignant la
rédaction de l’article sur celle de l’article 1648 du Code civil.
REMARQUE
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On notera enfin un changement de terminologie : on
ne parle plus de remise en état… mais de réhabilitation !
27 - La problématique des sites et sols pollués est à la confluence
de plusieurs polices administratives concurrentes : police des
installations classées, police des déchets, police des sites et sols
pollués, police de l’urbanisme.
28 - À défaut de hiérarchiser ces polices, on constate que la
norme d’urbanisme tend à devenir un outil privilégié en matière d’information et de gestion des sites et sols pollués.
Espérons que les décrets d’application (sauf pour l’article L.
514-20) interviendront... avant que la loi ne soit modifiée ! „
REMARQUE
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