5| sujet d`annale corrigé (session 2015)
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Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:08 Page83 SUJET D’ANNALE CORRIGÉ (SESSION 2015) 쎲 5| SUJET D’ANNALE CORRIGÉ (SESSION 2015) SUJET Sujet du CIG grande couronne, des CDG du Nord, de l’Isère, de l’Oise, du Pas-de-Calais, de la région Auvergne CONCOURS SUR TITRES AVEC ÉPREUVES D’ÉDUCATEUR TERRITORIAL DE JEUNES ENFANTS SESSION 2015 ÉPREUVE ÉCRITE D’ADMISSIBILITÉ : La rédaction d’un rapport, à partir des éléments d’un dossier, assorti de propositions opérationnelles, portant sur une situation en relation avec les missions exercées par les membres du cadre d’emplois, et notamment sur la déontologie de la profession. (Durée : 3 heures ; Coefficient : 1) Sujet : Vous êtes éducateur territorial de jeunes enfants à Enfanceville, commune de 50 000 habitants. Le maire, soucieux du taux d’échec scolaire d’une partie des enfants de la ville, s’interroge sur la mission éducative des établissements d’accueil de la petite enfance. Dans un premier temps, votre responsable hiérarchique vous demande de rédiger à son attention, exclusivement à l’aide des documents joints, un rapport sur la mission éducative des structures d’accueil collectif de la petite enfance. 10 points Dans un deuxième temps, il vous demande d’établir un ensemble de propositions opérationnelles visant à améliorer le contenu éducatif des établissements d’accueil petite enfance de la commune. 10 points Pour traiter cette seconde partie, vous mobiliserez également vos connaissances. 83 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:08 Page84 쎲 L’ÉPREUVE ÉCRITE D’ADMISSIBILITÉ Liste des documents joints : Document n° 1 : « Les modes d’organisations des crèches collectives et les métiers de la petite enfance » (extraits) – J. Micheau, E. Molière, S. Ohnheiser, J. Chazal – Études et résultats n° 732 – juillet 2010. Document n° 2 : Article R2324-17 modifié – Code de la santé publique. Document n° 3 : « Terra Nova, n’oubliez pas ce que parler veut dire ! » – S. Giampino, B. Golse, E. Lenoble, A. Masson, P. Suesser – www.blogsmediapart.fr – 17 mars 2014. Document n° 4 : « La lutte contre les inégalités commence dans les crèches » (extraits) – Rapport du think tank Terra Nova – www.tnova.fr – 13 janvier 2014. Document n° 5 : « Langagez-vous ! – Acquisition du langage et inégalités sociales » – M.A. Thépot – Politiques sociales et familiales n° 116 – juin 2014. Document n° 6 : « Parler Bambin : un succès sur le terrain au-delà de la réussite théorique envisagée ! » – J.L. Tourenne – www.jean-Iouis-tourenne.eu – 24 mai 2013. Document n° 7 : « La crèche a-t-elle une mission éducative ? » – Journal des professionnels de la petite enfance n° 79 – novembre/décembre 2012. Document n° 8 : « Le développement et l’éducation » – A. Florin – Journal des professionnels de la petite enfance n° 78 – septembre/octobre 2012. Documents reproduits avec l’autorisation du CFC Certains documents peuvent comporter des renvois à des notes ou à des documents non fournis car non indispensables à la compréhension du sujet. 84 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:08 Page85 SUJET D’ANNALE CORRIGÉ (SESSION 2015) 쎲 Document n° 1 : « Les modes d’organisations des crèches collectives et les métiers de la petite enfance » (extraits) – J. Micheau, E. Molière, S. Ohnheiser, J. Chazal – Études et résultats n° 732 – juillet 2010 Cette étude apporte un éclairage sur la gestion de l’offre d’accueil des jeunes enfants, l’organisation, les métiers et le personnel employé dans les établissements d’accueil collectif. Elle s’appuie sur une enquête qualitative menée auprès de quinze structures d’accueil et des services responsables de la petite enfance dans les municipalités où elles sont situées. Les politiques locales de la petite enfance s’efforcent d’apporter des solutions pragmatiques dans un contexte où le niveau réel et les types de besoins des familles sont difficiles à évaluer. Malgré l’affichage de critères visant à considérer au mieux la diversité des besoins, l’accueil à temps complet (quatre ou cinq jours par semaine) semble rester la règle dans la plupart des crèches collectives, du fait de fortes contraintes dans la gestion des places. Généralement le travail en crèche se structure autour de trois fonctions plus ou moins distinctes selon les modes d’organisation : la direction, l’éducation et les autres interventions auprès des enfants. Les intervenantes, pour la plupart auxiliaires de puériculture ou titulaires d’un CAP petite enfance, constituent le cœur des métiers de l’accueil collectif des jeunes enfants. L’éducatrice de jeune enfant occupe un entre-deux professionnel relativement inconfortable, la fonction éducative restant modeste dans les crèches. Enfin, le bon état de santé des enfants accueillis limite la mission sanitaire des crèches. Une mission sanitaire limitée, des enfants sains accueillis dans un univers sécurisant Les constats et les analyses tirés des entretiens et observations dans les crèches conduisent à s’interroger sur la mission effective des crèches. Il semble qu’un écart significatif existe entre le fonctionnement réel des crèches, ce qu’on y fait, et les attentes ou intentions du corps politique et social concernant les dispositifs d’accueil collectif de la petite enfance. Contrairement à l’importance que semble revêtir la relation aux parents pour les personnels de la petite enfance, on constate que les temps d’interactions journaliers avec ces derniers sont extrêmement limités et ramenés à un échange convenu et très restreint dans le contenu. Ces interactions limitées sont aussi le témoignage du peu de relations conflictuelles entre les parents et les professionnelles. Elles indiquent d’une certaine manière que les parents sont satisfaits du service qui leur est rendu, et qu’ils entretiennent une relation de confiance avec la crèche. À cet égard, la 85 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:08 Page86 쎲 L’ÉPREUVE ÉCRITE D’ADMISSIBILITÉ crèche collective est un univers particulièrement sécurisant pour les enfants : les agents ne travaillent jamais seuls et sont soumis à un contrôle et un soutien continu de la part de leurs collègues. De fait, il n’est donc pas nécessaire d’avoir recours à des moyens coercitifs pour prévenir les risques liés à d’éventuels écarts de conduite. La fonction sanitaire est par ailleurs peu mobilisée en crèche. « La différence avec l’hôpital c’est qu’ici les enfants sont en bonne santé » dit une puéricultrice. Quoiqu’évident, ce constat est souvent fait par les personnes interrogées, ce qui renseigne a contrario sur la charge mentale de ces métiers auprès des enfants à l’hôpital. Dans l’immense majorité des cas, on observe donc des professionnelles ayant souvent une formation sanitaire, et s’occupant d’enfants en bonne santé. Les types de soins fréquemment administrés sont les suivants : lavage de nez, érythème fessier, désinfection ou pommade en cas de petits chocs ou bobos. L’administration de médicaments est plus rare, elle se limite à proposer du paracétamol en cas de fièvre et à administrer des médicaments sur ordonnance. Pour tout autre type de soins, la responsabilité est renvoyée à un médecin. Ces observations renvoient au système de qualification nécessaire à l’encadrement et la sécurité des enfants. Quels diplômes, quelles compétences, quelles formations, quelle maîtrise des gestes professionnels sont nécessaires, et à quel niveau de responsabilité fait-on appel pour assurer un accueil sécurisé et de qualité dans les crèches collectives ? […] Une fonction éducative modeste mais en partie intégrée dans les activités quotidiennes Le discours (ainsi que les projets pédagogiques écrits) de la plupart des professionnelles de la petite enfance et singulièrement celui des éducatrices de jeunes enfants mettent en avant la mission éducative des crèches ainsi que la part importante du développement des activités pour l’épanouissement et le développement de l’autonomie des enfants. Les observations réalisées conduisent toutefois à relever un écart entre le discours et les pratiques. Les activités éducatives sont menées quand le nombre de professionnelles présent est suffisant et permet la séparation des sections en groupes d’activités. C’est dans de nombreux cas une variable d’ajustement de la journée type plus qu’une activité encadrée. L’activité dite éducative est alors principalement développée le matin, avant le repas et sur un temps relativement court. Ce n’est que très rarement qu’une seconde séquence d’activité nécessitant la mise en place de matériel est proposée l’après-midi après le goûter : c’est plutôt le jeu libre ou des temps de conte et de lecture qui sont privilégiés pour cette séquence de la journée. L’observation d’une journée dans les 86 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:08 Page87 SUJET D’ANNALE CORRIGÉ (SESSION 2015) 쎲 sections montre que le jeu libre, le temps de l’accueil du matin, le repas du midi, la sieste, le goûter et l’accueil du soir – et donc l’occupation des personnels sur ces séquences – limitent la place qui peut être dévolue aux activités éducatives encadrées. Est-ce à dire que la fonction éducative est modeste dans les crèches ? Pas nécessairement : la plupart des intervenantes auprès des enfants ont d’une certaine manière intégré le fait que leur fonction ne saurait être exclusivement sanitaire. […] Dans leurs actes quotidiens, les auxiliaires participent pleinement à l’éveil et au développement des enfants en intégrant, dans leur fonction même ou bien sur des temps consacrés à l’animation, une partie éducative. Pourtant, de nombreuses professionnelles en contact avec les enfants n’utilisent pas l’expression mode d’accueil mais plutôt mode de garde pour parler de l’offre d’accueil de la petite enfance. Il ne faut pas y voir qu’une habitude de langage : pour beaucoup, utiliser le terme mode d’accueil serait considérer que les métiers de la petite enfance permettent aujourd’hui un accueil individualisé des enfants, avec des temps d’échanges et d’attention « sacralisés », des activités éducatives plus élaborées et plus nombreuses pour chaque enfant ainsi qu’une formation adéquate de tous les personnels à la mesure de la complexité des enjeux des premières années de la vie. Or, la plupart des professionnelles avouent que même si les plus compétentes et passionnées tendent vers ce type d’accueil, la réalité tend à donner raison à ceux qui utilisent encore le terme modes de garde. Il semble que les professionnelles aimeraient accueillir, dans de meilleures conditions encore, les enfants et les parents mais essaient pour l’instant d’assurer une garde la plus intelligente possible, c’est-à-dire la plus orientée possible vers l’accompagnement, l’épanouissement et l’autonomie des enfants et donnant toutes les garanties de sécurité de la prise en charge. Julie MICHEAU, Éric MOLIÈRE et Sophie OHNHEISER (Plein-Sens), avec la collaboration de Joëlle CHAZAL (OREES) Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (OREES) Ministère du Travail, de la Solidarité et de la Fonction publique Ministère de la Santé et des Sports Ministère du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l’État 87 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:08 Page88 쎲 L’ÉPREUVE ÉCRITE D’ADMISSIBILITÉ Document n° 2 : Article R2324-17 modifié – Code de la santé publique Article R2324-17 Modifié par Décret n° 2010-613 du 7 juin 2010 – art. 2 Les établissements et les services d’accueil non permanent d’enfants veillent à la santé, à la sécurité, au bien-être et au développement des enfants qui leur sont confiés. Dans le respect de l’autorité parentale, ils contribuent à leur éducation. Ils concourent à l’intégration des enfants présentant un handicap ou atteints d’une maladie chronique qu’ils accueillent. Ils apportent leur aide aux parents pour favoriser la conciliation de leur vie professionnelle et de leur vie familiale. Ils comprennent : 1° Les établissements d’accueil collectif, notamment les établissements dits « crèches collectives » et « haltes-garderies », et les services assurant l’accueil familial non permanent d’enfants au domicile d’assistants maternels dits « services d’accueil familial » ou « crèches familiales » ; 2° Les établissements d’accueil collectif gérés par une association de parents qui participent à l’accueil, dits « crèches parentales » ; 3° Les établissements d’accueil collectif qui reçoivent exclusivement des enfants âgés de plus de deux ans non scolarisés ou scolarisés à temps partiel, dits « jardins d’enfants » ; 4° Les établissements d’accueil collectif dont la capacité est limitée à dix places, dits « microcrèches ». L’ensemble de ces établissements et services peuvent organiser l’accueil des enfants de façon uniquement occasionnelle ou saisonnière en application de l’article R. 2324-46-1. Un même établissement ou service dit « multi-accueil » peut associer l’accueil collectif et l’accueil familial ou l’accueil régulier et l’accueil occasionnel. 88 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:08 Page89 SUJET D’ANNALE CORRIGÉ (SESSION 2015) 쎲 Document n° 3 : « Terra Nova, n’oubliez pas ce que parler veut dire ! » – S. Giampino, B. Golse, E. Lenoble, A. Masson, P. Suesser – www.blogsmediapart.fr – 17 mars 2014 Le collectif PasdeOdeconduite critique le rapport du think tank Terra Nova sur la lutte contre les inégalités dans les crèches. Si les praticiens relèvent « l’intention louable de favoriser la future réussite scolaire des tout-petits », notamment par le développement du langage, ils s’inquiètent des effets anxiogènes d’une surstimulation selon un modèle-type qui minimiserait les vertus éducatives du jeu et l’individualité de chaque enfant. Qui ne souscrirait à l’objectif de lutter contre les inégalités sociales dès la crèche ? Et à celui d’offrir le cadre le plus propice au développement et à l’éveil des tout-petits ? S’il y a accord entre le collectif PasdeOdeconduite et Terra Nova sur le but, le propos du rapport La lutte contre les inégalités commence dans les crèches (janvier 2014) de Terra Nova interroge les praticiens de la prévention et ceux qui accompagnent les enfants en difficulté dans leur développement : sur quels constats s’appuie-t-il, quels moyens se fixe-t-il pour y parvenir ? Nos crèches auraient surtout, à le lire, des préoccupations sanitaires et de sécurité, à la rigueur de développement affectif et de sociabilité, mais pas d’éducation ? Et de poser comme indication que les tout-petits « ont besoin d’être stimulés de manière méthodique pour leur développement » : illustration, il faudrait « faire de tout moment de la journée ou de toute activité une occasion de stimulation linguistique » et, à propos de la lecture de livres aux tout-petits, « l’adulte ne raconte pas une histoire, il sollicite l’enfant ». L’éducation serait absente des objectifs actuels des crèches ? Les textes officiels sont pourtant là qui prévoient que les établissements « contribuent à l’éducation des enfants accueillis ». Mais surtout, comment Terra Nova peut-il ignorer le profond mouvement initié dès les années 70 qui a métamorphosé les crèches, de lieux de garde en lieux d’accueil, ouverts à toutes les nouvelles approches pédagogiques et psychologiques pour accueillir et accompagner les jeunes enfants, suivant les travaux de Myriam David, Geneviève Appell, Françoise Dolto, Hubert Montagner, et tant d’autres ? S’agirait-il, par un argument d’autorité, d’imposer un modèle-type au détriment d’une diversité d’expériences, en misant sur la « systématisation et capitalisation des bonnes pratiques qui permet leur transposition » à partir des « expériences qui ont fait leurs preuves et qui méritent d’être généralisées » ? Ainsi le développement langagier mobilise, à juste titre, les auteurs du rapport. Ils mettent en avant « Parler bambin », programme de « stimulation linguistique » qui prévoit notamment d’organiser des ateliers-langage destinés à des « parleurs tardifs » repérés dès 24 mois. Selon les promoteurs de « Parler bambin », « l’acquisition de langage dépend principalement des inputs de langage 89 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:08 Page90 쎲 L’ÉPREUVE ÉCRITE D’ADMISSIBILITÉ simplifiés et adaptés fournis par les adultes ». L’entrée dans le langage reposerait donc sur une stimulation externe, plutôt que de prendre source dans le désir mutuel de relation entre l’adulte et l’enfant. « Une évaluation scientifique rigoureuse » a montré, nous apprend le rapport de Terra Nova, que le niveau de langage des enfants concernés a significativement progressé, pour l’étendue du vocabulaire, l’usage grammatical et la longueur moyenne des phrases. Pourtant le rapport omet de préciser ce qu’en toute rigueur les chercheurs qui ont élaboré la méthode ont publié : on ne retrouve ces progrès ni « en langage spontané » ni « dans une situation où ces acquisitions ne sont pas sollicitées, requises ou pas attendues », c’est-à-dire à la maison. Et que dire, alors que l’objectif de « Haute qualité éducative » des crèches est abondamment invoqué, des deux seules demi-journées de formation « théorique et pratique » offertes aux professionnels, en « psychologie développementale et sociologie » ? Comment s’étonner des limites de ce programme, sachant qu’entrer dans le langage et la parole c’est avant tout, à partir des premiers échanges dans la langue maternelle, entrer en relation bien plus que procéder à la simple désignation d’actions ou d’objets ? Le langage ne véhicule pas seulement l’information, il n’est pas uniquement outil technique de communication mais il exprime les premières représentations qui permettront à l’enfant de développer sa subjectivité naissante et ses capacités de symbolisation. L’enfant apprend à parler en partageant avec les autres enfants et les adultes du plaisir – ou du déplaisir –, s’appuyant sur les supports langagiers divers qui véhiculent affection, sens, humour, images, sentiments, comme par exemple la peur, la jalousie… Sont minimisées dans le rapport les vertus éducatives du jeu, du chant, des comptines, de la poésie, du rire, où l’acquisition de mots se fait au travers du désir de relation avec l’autre. Les praticiens de la petite enfance s’interrogent à cet égard sur le risque de trop pédagogiser l’entrée dans le langage, et de cibler uniquement chez certains enfants d’éventuelles difficultés de langage, là où il y a surtout intérêt à soutenir des environnements globalement sécures, matériellement et affectivement, pour ces enfants et leurs familles. 90 Le développement d’un enfant est un ensemble. Une approche prévenante de la prévention met également en garde contre les pratiques de sur-stimulation précoce, visant prématurément l’acquisition de conduites langagières ou comportementales adaptatives : l’intention louable de favoriser la future réussite scolaire des tout-petits, maintes fois exprimée dans le rapport, passe ici par une pression sur des enfants encore petits. Les effets pathogènes de cette précipitation auxquels s’ajoutent les effets anxiogènes de ces évaluations se transmettent en cascade, des professionnels sur les parents et les enfants, des parents sur les professionnels, et viennent parasiter la relation des enfants à leur entourage familial et social. La petite enfance est caractérisée par une porosité et une réactivité très spécifique aux paroles et attentes des adultes, aux comparaisons avec les autres enfants. Se sentir mesuré inquiète les enfants, qui peuvent réagir par de l’agitation ou de l’inhibition ou par une peur de décevoir et une insécurisation face à ceux qui devraient les rassurer. Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:08 Page91 SUJET D’ANNALE CORRIGÉ (SESSION 2015) 쎲 Ne frise-t-on pas un formatage éducatif obsessionnel en termes de pré-apprentissages scolaires, lorsqu’il est proposé aux parents de « répliquer à la maison les exercices », anticipant inconsciemment les séances douloureuses des futurs devoirs après l’école ? Ne prend-on pas le chemin d’une standardisation hasardeuse des pratiques d’accueil du tout-petit, avec cette volonté affichée de « répliquer » urbi et orbi des programmes dont « l’efficacité scientifique » est évoquée avec bien plus de prudence par leurs initiateurs que par les responsables politiques qui s’en font les hérauts ? N’expose-t-on pas les tout-petits au risque d’une réification performative du langage, pourtant fondateur de notre humanité dès la petite enfance, en ignorant ce que parler veut dire ? Nous voici ramenés aux écueils entre lesquels nous naviguons pour l’accueil des tout-petits : nous voulons à la fois leur offrir l’environnement riche et stimulant permettant aux capacités formidables du tout-petit de s’épanouir, et en même temps nous savons que l’anxiété de l’avenir dans la société actuelle pousse à toujours plus de sur-stimulation précoce, au risque de fabriquer des « hyperactifs », à un âge où l’hétérogénéité des parcours de développement est très importante. C’est-à-dire qu’il nous faut savoir à la fois repérer les enfants qui sont sévèrement entravés dans leur développement pour leur apporter toute l’aide nécessaire, mais aussi savoir respecter les rythmes individuels avec leurs à-coups, car la psychologie du développement nous enseigne qu’un certain zèle préventif face à des perturbations passagères peut être contre-productif. Quelles pistes alors pour lutter contre les inégalités sociales dans les crèches ? Certainement promouvoir un haut degré de qualification des professionnels dans les domaines pédagogique, psychologique et somatique du développement des jeunes enfants. Mais aussi améliorer les taux d’encadrement et diminuer la taille des groupes d’enfants. Deux mesures favorables à la prise en compte professionnalisée de chaque enfant dans son individualité, base pour assurer un accompagnement sécure de son développement psychique et cognitif, qui profite à tous mais particulièrement aux enfants vivant dans des milieux socialement défavorisés. Également élargir et faire appliquer les dispositions spécifiques de la législation existante qui permettent de réserver des places en crèche aux enfants dont les parents sont engagés dans un parcours d’insertion sociale et professionnelle ou dont les ressources sont modestes. Le gouvernement élabore actuellement une réforme du décret dit « Morano », il a donc l’occasion de reprendre ces propositions à son compte. Sylviane Giampino, psychologue petite enfance et psychanalyste Bernard Golse, pédopsychiatre, professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, chef de service au CHU Necker, Paris Évelyne Lenoble, pédopsychiatre, responsable de l’Uppea-CRTLA (centre référent pour les troubles du langage et des apprentissages), hôpital Sainte-Anne, Paris Anne Masson, orthophoniste Pierre Suesser, pédiatre en protection maternelle et infantile Tous sont membres du collectif PasdeOdeconduite. 91 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:08 Page92 쎲 L’ÉPREUVE ÉCRITE D’ADMISSIBILITÉ Document n° 4 : « La lutte contre les inégalités commence dans les crèches » (extraits) – Rapport du think tank Terra Nova – www.tnova.fr – 13 janvier 2014 Les crèches en France : on pourrait faire tellement mieux La France a la chance de disposer d’un nombre de crèches important et en croissance. La politique française d’accueil du jeune enfant fait partie des plus généreuses. Au sein des pays OCDE, la France se place en effet juste après l’habituel peloton de tête des pays scandinaves, en termes de dépenses et de taux d’accueil du jeune enfant (rapport OCDE 2012). Cette excellence de l’offre française concerne d’abord la tranche d’âge de 3 à 6 ans et s’explique par la généralisation de l’école maternelle à 3 ans : à partir de 4 ans, la quasi-totalité de la tranche d’âge est inscrite à l’école pré-élémentaire. Il reste que, même pour la tranche d’âge de 0 à 3 ans, la France offre un taux d’accueil élevé et en forte croissance, qui dépasse aujourd’hui 50 %. La France est ainsi deux fois mieux dotée que l’Allemagne en capacités d’accueil de l’enfant n’ayant pas atteint l’âge de la scolarisation obligatoire, et deux fois plus généreuse dans ses dépenses de service à la petite enfance (respectivement 1 % et 0,4 % du PIE en 2010 selon l’UNESCO en 2010). L’importance de l’offre d’accueil du jeune enfant est largement reconnue comme la raison du succès de la politique familiale française : concilier un taux de fécondité beaucoup plus élevé que celui des pays voisins (2,0 enfants par femme en 2012 contre 1,57 en moyenne dans l’UE à 27) et un taux d’emploi féminin relativement élevé, également supérieur à la moyenne européenne (59,4 % en 2012 contre 58,6 % en moyenne dans l’UE à 27). Le développement rapide de l’offre d’accueil en crèche est une priorité politique dotée de financements importants La convention d’objectifs et de gestion (COG) entre l’État et la CNAF pour la période 2013-2017 prévoit une hausse importante de l’offre de garde (275 000 places), et notamment de l’offre de places en accueil collectif (100 000 places), via à la fois le financement de nouvelles structures et la rénovation d’équipements existants. Cette évolution sera financée par une augmentation des ressources du Fonds national d’action sociale (Fnas), qui passera de 4,6 milliards en 2012 à 6,6 milliards d’euros en 2017. Les versements de l’État prévus pour la période de 2013 à 2017 atteindront donc près de 16 milliards d’euros (contre un peu moins de 11 budgétés pour les cinq années précédentes). 92 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:08 Page93 SUJET D’ANNALE CORRIGÉ (SESSION 2015) 쎲 La France a donc une longueur d’avance en ce qui concerne l’offre de garde du jeune enfant, renforcée par une cible ambitieuse d’augmentation du nombre de places en crèches. Cependant, pour viser une meilleure égalité des chances, il faut aller plus loin que ces objectifs quantitatifs : assurer effectivement l’accès des familles défavorisées à l’accueil collectif (comme l’État s’y est d’ailleurs engagé), et améliorer la qualité du contenu éducatif des crèches. L’accueil en crèches est aujourd’hui très peu ouvert aux familles défavorisées La part des enfants défavorisés en crèches est très faible En France, parmi les enfants de moins de 3 ans appartenant aux 20 % des ménages les plus défavorisés, seuls 9 % sont gardés par quelqu’un d’autre que leurs parents, alors que c’est le cas de 69 % des enfants issus des 20 % de ménages les plus aisés (Ananian et Robert-Bobée, 2009). Pour ce qui est spécifiquement des crèches, elles restent aujourd’hui peu ouvertes aux enfants des familles pauvres : ceux-ci ne sont que 4 % à être accueillis en crèches, contre 10 % en moyenne pour l’ensemble des enfants. Ces disparités s’amplifient pour les familles monoparentales : 71 % des enfants de parent isolé sont gardés à la maison, contre 62 % des enfants de familles biparentales. Les causes de ces disparités sont multiples Tout d’abord, l’offre de places de crèches est très inégalement répartie sur le territoire : le récent rapport de la Cour des comptes (en 2013) rappelle que la capacité d’accueil (rapport entre le nombre de places en crèches et auprès d’assistantes maternelles d’une part, et du nombre d’enfants de moins de trois ans d’autre part) varie de 1 à 3 selon les départements (chiffres de 2011) : elle passe ainsi de 30,2 % pour la Seine-Saint-Denis à 85,6 % pour la Haute-Loire. La métropole dispose d’un taux de couverture de 53,3 % contre 22,5 % seulement dans les départements d’outre-mer. De plus, à l’intérieur d’une même région, les départements les plus pauvres sont souvent les moins bien dotés : en Île-de-France, par exemple, Paris et les Hauts-de-Seine bénéficient de capacités nettement supérieures à celles de la Seine-Saint-Denis et du Val-d’Oise. Enfin, l’offre varie largement aussi à l’intérieur des départements et des intercommunalités, généralement au désavantage des zones les plus pauvres. L’implantation de structures d’accueil privées ne permet pas de réduire ces inégalités, puisque ces entreprises ciblent en priorité les territoires où la solvabilité des familles est la plus grande. 93 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:08 Page94 쎲 L’ÉPREUVE ÉCRITE D’ADMISSIBILITÉ Ensuite, les horaires d’ouverture des crèches sont encore mal adaptés aux personnes exerçant plusieurs emplois ou travaillant à des horaires atypiques. Par ailleurs, trop de structures favorisent les enfants dont les deux parents travaillent : les deux tiers des établissements qui tiennent compte de la situation d’emploi des parents favorisent les couples bi-actifs (Versini, 2012). Enfin, les préférences des familles jouent un rôle important : de nombreuses familles, surtout les moins aisées, font le choix de garder leur enfant à la maison, souvent parce que l’arbitrage financier entre le salaire de la mère (dans la majorité des cas ouvrière ou employée) et le coût de la garde ne joue pas en faveur d’une poursuite de l’activité. Pourtant ce sont les enfants défavorisés qui tireraient le plus de fruits d’un accueil de qualité en crèches Il n’est bien sûr pas question de dire que les parents issus de milieux défavorisés sont de « mauvais parents ». L’objectif n’est pas de déterminer ce qu’est ou non une bonne éducation, mais d’assurer à chaque enfant les conditions favorables à son succès futur. Or, il existe, on l’a vu, un déterminisme social précoce qui fait que les enfants des milieux défavorisés sont moins stimulés linguistiquement. Ils vivent aussi en moyenne dans des foyers moins stables, alors que cette stabilité est un facteur-clef du bien-être et du développement de l’enfant. Ainsi, les enfants issus de foyers vivant sous le seuil de pauvreté, et notamment de familles monoparentales, devraient être les bénéficiaires prioritaires des politiques de petite enfance. Sans ce ciblage, les programmes sont moins efficaces, comme l’ont montré les difficultés rencontrées par les programmes Head Start et Infant Health and Development Program aux États-Unis. L’État l’a bien compris et tente depuis longtemps d’augmenter le taux d’enfants défavorisés dans les structures d’accueil collectives La loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 relative au retour à l’emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux prévoit que les établissements d’accueil du jeune enfant réservent une place sur vingt aux enfants de bénéficiaires de minima sociaux reprenant un emploi. Il n’existe pas d’évaluation de cette disposition, mais, selon le rapport Versini, les acteurs de terrain font état d’une mise en œuvre très incomplète, due notamment à la difficulté de mettre des places de côté pour ce type d’éventualité. 94 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:08 Page95 SUJET D’ANNALE CORRIGÉ (SESSION 2015) 쎲 Devant ce constat, l’État vient d’assigner un nouvel objectif, plus radical, détaillé par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, en janvier 2013, dans le cadre de son plan quinquennal contre la pauvreté : une présence d’au moins 10 % d’enfants issus de familles en situation de pauvreté dans les structures d’accueil collectif, conformément aux décisions du comité interministériel de lutte contre les exclusions. La poursuite de cet objectif devra se faire notamment par la lutte contre les inégalités territoriales : la nouvelle convention d’objectifs et de gestion de la CNAF prévoit en effet que 75 % des nouvelles solutions d’accueil collectif soient créées dans les territoires prioritaires, notamment grâce à la mise en place d’un fonds de rééquilibrage territorial. Cet important objectif constitue une avancée notable vers l’utilisation des crèches pour favoriser une meilleure égalité des chances. Cependant, ces places de crèches ne seront vraiment utiles pour le développement éducatif des enfants de familles défavorisées que si, au-delà de la garde, elles proposent un contenu enrichi et stimulant. Les crèches sont encore trop partiellement des lieux d’éducation Qu’est-ce qu’un contenu éducatif intensif adapté aux tout-petits ? Il ne s’agit nullement de vouloir mettre les bébés à l’école ou de les faire travailler, mais d’utiliser les résultats de la recherche scientifique qui indiquent qu’une stimulation précoce de l’enfant a des effets positifs démultiplicateurs sur le reste de sa vie. Nous reviendrons plus loin sur le détail des activités proposées par les programmes les plus efficaces, mais nous pouvons déjà indiquer qu’ils se structurent autour de trois principes : 1. Faire de tout moment de la journée ou de toute activité une occasion de stimulation linguistique. Ainsi, par exemple, chaque action ou chaque objet est nommé, décrit par les professionnels : pour qu’un tout-petit puisse mettre des noms sur des objets ou des actes – et s’approcher ainsi du langage –, il faut les nommer, devant lui, de façon à ce qu’il puisse les identifier, et cela même lorsque l’enfant ne sait pas encore parler. Toutes les actions sont ainsi verbalisées en même temps qu’elles sont effectuées : lorsqu’on couche l’enfant, on lui dit : « Je te mets dans ton lit, je remonte la couverture » ; au repas, on nomme chacun des couverts et des plats, etc. Un peu plus tard, il faut poser des questions ouvertes à l’enfant et lui donner des choix, le mettre en situation de demander quelque chose. A minima, cela lui montre qu’on attend de lui qu’il parle (Zorman, 2011). 95 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:08 Page96 쎲 L’ÉPREUVE ÉCRITE D’ADMISSIBILITÉ 2. Stimuler les enfants, sans les forcer mais en les mettant en situation d’acteurs. Il s’agit, entre autres, de les inciter à résoudre des problèmes. Si on suit une séance de lecture selon la méthode du Carolina Abecedarian, par exemple, on se rend compte d’une multitude de détails qui font la différence. L’adulte pose l’enfant sur sa jambe droite, de manière à pouvoir à la fois voir le livre et le regard de l’enfant : ainsi, ses yeux alternent du livre qu’il montre au regard de l’enfant, qu’il suit précisément pour s’assurer que sa concentration est maintenue. Il le sollicite sans cesse : « Qu’estce que c’est que cet animal ? C’est une… ? Quel bruit fait-elle ? Est-ce qu’il y en a une autre sur la page ? Montre-la-moi avec ton doigt. Elle est de quelle couleur ? Elle est rouge, très bien, est-ce que tu vois quelque chose d’autre qui est rouge dans la pièce ? » Phrases anodines mais dont la tournure interrogative contribue à l’activité : l’adulte ne raconte pas une histoire, il sollicite l’enfant. 3. Développer la motivation, la concentration et la confiance en soi, toutes qualités qui, acquises très tôt, ont des effets positifs tout au long de la vie. Cela passe souvent par des encouragements et des félicitations, et cela peut se faire au cours d’activités toutes simples, telles que l’empilement des cubes. Ainsi, c’est dans une série d’exercices structurés et un enrichissement linguistique systématique du quotidien que réside la dimension éducative des programmes les plus efficaces. Les priorités actuelles de l’accueil en crèches ne prennent pas en compte cette dimension éducative Les structures d’accueil collectif concentrent aujourd’hui leurs efforts sur les aspects sanitaires, les garanties de sécurité, le développement psychomoteur, et la sociabilité de l’enfant. L’aspect éducatif est généralement considéré comme d’ordre secondaire. Cela s’explique en partie par des raisons institutionnelles. En comparaison avec les autres pays de l’OCDE, la première faiblesse de la politique familiale française est en effet la division institutionnelle de notre système d’accueil du jeune enfant. Contrairement à l’exemple suédois, qui a unifié toutes les politiques consacrées à l’enfance (0-7 ans) sous la tutelle du ministère de l’Éducation, l’accueil en France est coupé en deux : les systèmes d’éducation informelle consacrés aux 0-3 ans dépendent du ministère des Affaires sociales et sont principalement gérés par les communes, tandis que le système préélémentaire d’éducation formelle, la maternelle, réservée aux enfants de 2-3 ans à 6 ans, est sous la tutelle centralisée du ministère de l’Éducation nationale. Cette répartition des rôles éclaire la faible orientation des modes d’accueil du jeune enfant vers le développement éducatif et cognitif. Sous l’égide du ministère des Affaires sociales, la politique française de la petite enfance est marquée par une approche avant tout sociale : l’accueil du jeune 96 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:08 Page97 SUJET D’ANNALE CORRIGÉ (SESSION 2015) 쎲 enfant reste largement conçu comme un service de garde offert aux parents, et non pas comme la première étape du système éducatif. 60 % de l’offre d’accueil est fournie par les assistants maternels, dont l’agrément ne requiert pas de conditions de diplôme et qui reçoivent une formation initiale de très courte durée. Même au sein des structures collectives d’accueil (qui fournissent 15 % des capacités d’accueil), l’accompagnement éducatif de l’enfant et son développement linguistique ou cognitif restent au second plan. Aux États-Unis, par comparaison, la petite enfance est un domaine disciplinaire en soi qui mobilise des budgets de recherche et d’expérimentation considérables : les enjeux de développement cognitif précoce ont une importance de premier plan dans les choix budgétaires et les discours politiques, au service d’un objectif d’égalité des chances faisant désormais l’objet d’un assez large consensus. Certes, de nombreuses crèches ont conçu des activités d’éveil et de stimulation éducatives et culturelles… Si les aspects éducatifs ne sont pas pris en compte dans la convention d’objectifs et de gestion entre l’État et la Cnaf, de nombreuses structures ont toutefois développé par elles-mêmes une offre innovante d’activités d’éveil. Parmi les exemples notables : • Le conseil général de Seine-Saint-Denis propose, dans toutes ses crèches, de la lecture, de la musique, des activités culturelles, en partenariat avec des associations. Il a également généralisé une action de distribution de livres aux familles, afin qu’elles puissent poursuivre l’activité de lecture à la maison. • L’association « LIRE à Paris », en association avec des bibliothèques jeunesse, organise des séances de lecture pour les tout-petits dans différentes structures de la petite enfance, de la santé, du social et de la culture, ainsi que des comités de lecture pour les professionnels de l’accueil du jeune enfant. • L’association A.C.C.E.S. (Actions Culturelles Contre les Exclusions et les Ségrégations) cherche à faciliter l’apprentissage de la lecture et de l’écriture grâce à la découverte des livres dès le plus jeune âge, en ciblant les milieux défavorisés. Elle met des récits et des albums à la disposition des bébés et de leur entourage via des partenariats entre bibliothèques et services de la petite enfance (crèches, haltes-garderies, PMI…). Elle forme aussi les acteurs de la petite enfance à la lecture d’histoires. 97 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:08 Page98 쎲 L’ÉPREUVE ÉCRITE D’ADMISSIBILITÉ • Le groupe SOS a fait du développement éducatif des enfants défavorisés, via la verbalisation notamment, une de ses priorités. Le projet pédagogique du multi-accueil Champerret, dans le 17e arrondissement de Paris, par exemple, prévoit ainsi explicitement de « verbaliser le quotidien (actes, émotions, ressentis) et aider l’enfant à le faire ». Toutefois, ces initiatives présentent plusieurs limites Des activités pas assez individualisées, pas assez interactives et pas assez linguistiques Les activités éducatives sont trop rarement individualisées. La lecture à un large groupe d’enfants, par exemple, pour agréable qu’elle puisse être, ne stimule que peu le développement éducatif : l’attention de l’enfant est en effet moins sollicitée car il n’est pas incité personnellement à y participer. Il est recommandé de ne lire qu’à un ou deux enfants tout au plus, en les rendant acteurs de la séance, et il en va de même pour la plupart des activités. Le nombre d’intervenants en crèche étant limité, cela implique souvent de cibler avant tout les enfants les plus en difficulté : les « petits parleurs » (qui parlent peu), les activités proposées dans les crèches portent trop souvent sur l’éveil culturel en général (musique, découverte du goût, du toucher, etc.), et trop rarement sur l’apprentissage du langage, pourtant fondamental pour préparer l’entrée à l’école. Une trop faible implication des parents Souvent, les parents venant chercher leur enfant le soir à la crèche, ne sont tenus au courant que d’informations de type sanitaire, comme l’alimentation ou la durée de la sieste. Or il est indispensable d’informer précisément les parents sur les activités éducatives proposées, et de les faire adhérer à l’approche choisie, de façon à ce qu’ils puissent répliquer à la maison les exercices et les approches suivis à la crèche (ex. : verbaliser, lire, encourager, etc.). En plus d’augmenter les chances de l’enfant, cela peut aussi bénéficier par ricochet à ses frères et sœurs, voire à un cercle familial et amical plus large. […] 98 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:08 Page99 SUJET D’ANNALE CORRIGÉ (SESSION 2015) 쎲 La mise en œuvre du projet Parler bambin à Lille La mise en œuvre du programme Parler bambin à Lille a été progressive et concertée, afin de permettre une bonne adaptation aux spécificités lilloises. Plusieurs facteurs de succès peuvent être identifiés : 1. La mise en œuvre s’est faite sous la forme d’une expérimentation dans quelques structures, dont le nombre a augmenté progressivement : 2 structures à la rentrée 2011, puis 5 à la rentrée 2012 et 10 à la rentrée 2013. 2. La recherche de l’adhésion des professionnels a été un fil directeur de l’expérimentation : • Principe du volontariat pour la mise en œuvre du projet • Concertation en amont entre le directeur et les équipes et possibilité d’adapter certaines des dispositions du programme (par exemple l’âge où débutent les ateliers individualisés) • Accompagnement des structures nouvellement intégrées : outre la formation initiale de l’ensemble de l’équipe (2 demi-journées), un suivi régulier est proposé par les deux EJE formatrices (sous forme notamment d’une réunion mensuelle avec les personnesressources Parler bambin désignées dans chacune des structures). 3. L’adaptation du programme a été recherchée notamment en raison de la grande diversité des structures impliquées : • La moitié des structures impliquées ont été des crèches associatives, qui représentent une part très importante des établissements d’accueil du jeune enfant lillois. • Le programme a été expérimenté d’emblée dans une halte-garderie : les enfants y sont intégrés au programme à partir de trois demi-journées de présence par semaine. Cette adaptation permet de toucher les familles à bas revenus, qui fréquentent beaucoup plus les haltes-garderies que les crèches, et d’augmenter le nombre d’enfants bénéficiaires pour un volume de places donné. La mise en œuvre du programme en halte-garderie est considérée comme un succès : les professionnels observent que la progression des enfants accueillis en halte-garderie est comparable à celles des enfants accueillis en accueil à plein temps. Les familles dont les enfants sont intégrés dans Parler Bambin apprécient 99 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:08 Page100 쎲 L’ÉPREUVE ÉCRITE D’ADMISSIBILITÉ beaucoup le programme, si bien qu’elles acceptent généralement une hausse de la durée hebdomadaire de prise en charge, quitte à devoir payer un prix accru. 4. Enfin l’intégration de la méthode Parler bambin aux 10 structures concernées s’est faite à un coût très limité. Au-delà des ressources nécessaires pour le déploiement initial du programme (notamment le temps consacré aux formations par les deux EJE-référentes, ou l’achat d’imagiers), le fonctionnement courant des structures selon la méthode Parler bambin n’implique pas de surcoût. La mise en œuvre du programme exige une réorganisation des méthodes de travail des équipes, mais elle s’est faite à moyens humains constants, sans hausse du taux d’encadrement. 100 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:08 Page101 SUJET D’ANNALE CORRIGÉ (SESSION 2015) 쎲 Document n° 5 : « Langagez-vous ! – Acquisition du langage et inégalités sociales » – M.A. Thépot – Politiques sociales et familiales n° 116 – juin 2014 Compte rendu du colloque national organisé par le centre communal d’action sociale de la ville de Grenoble les 19 et 20 juin 2013 Marie-Automne Thépot, Directrice générale adjointe du Centre d’action sociale de Grenoble (*) La ville de Grenoble mène avec ses partenaires une politique de développement du langage dans la continuité du travail réalisé par le spécialiste de l’apprentissage de la lecture Michel Zorman, disparu en 2012. Pour lui rendre hommage et poursuivre son travail, praticiens et universitaires issus de la santé publique, de l’Éducation nationale et de la petite enfance ont souhaité organiser un colloque, sous l’égide de leurs institutions respectives, afin de réunir une communauté d’intérêts et promouvoir une réflexion interdisciplinaire autour des enjeux du développement langagier de l’enfant. C’est dans ce cadre que s’est déroulé le colloque « Langagez-vous » : plus de cinq cents participants ont interrogé durant deux jours les pratiques et les travaux divers, principalement autour des questions éducatives et de santé. Ce colloque partenarial, organisé par le centre communal d’action sociale de la ville de Grenoble, labellisé « grande cause nationale » par l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme, a permis aux institutions, aux professionnels, aux associations, aux chercheurs et au public d’échanger en partageant les expériences locales et nationales qui ont fait l’objet de discussions critiques. Tout en proposant un contenu académique et universitaire, ce colloque se voulait également militant. Le titre « Langagez-vous ! », en forme d’injonction, vise notamment à interpeller les pouvoirs publics sur l’enjeu majeur de réduction des inégalités sociales dès l’apprentissage du langage. Cet esprit a caractérisé les débats, qui se sont tenus sur la refondation de l’école, les politiques familiales, la gouvernance et l’évaluation des politiques publiques. Le présent compte rendu reprend en trois temps les éléments évoqués tout au long des tables rondes et des expériences présentées lors d’une session d’échange de pratique (« speed networking », voir encadré) : • les raisons d’intervenir de façon précoce sur le langage, en termes de développement cognitif et psychoaffectif de l’enfant ; (*) Les fonctions des participants indiquées correspondent à celles qui étaient les leurs au moment du colloque et non à leurs fonctions actuelles. 101 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:08 Page102 쎲 L’ÉPREUVE ÉCRITE D’ADMISSIBILITÉ • les moyens d’action sur le développement langagier : les points communs des expériences réussies et la nécessité d’intervenir de façon pluridisciplinaire et coordonnée autour de l’enfant et avec les parents ; • les enjeux en termes de politique publique : de la connaissance à la formation, de l’expérimentation à la généralisation. Du développement langagier à la réduction des inégalités Le langage, un aspect déterminant du développement de l’enfant Le langage fait partie des besoins psychologiques de l’enfant à côté des besoins vitaux, comme l’a rappelé Agnès Florin, professeure en psychologie de l’enfant et de l’éducation à l’université de Nantes, en reprenant les stades du développement du langage de l’enfant jusqu’à l’âge de 3 ans. Durant cette période, l’intervention de l’adulte est indispensable pour donner du sens à ses mots et stabiliser sa production langagière. Un enfant n’apprend pas à parler seul, il a besoin d’interactions nombreuses et précoces avec le monde et les autres. Le langage constitue donc un aspect du développement de l’enfant, qu’Agnès Martial nomme « l’attachement sécurisé ». Il se noue dans les relations avec les adultes et les autres enfants, à travers le besoin de comprendre et d’apprendre, d’être reconnu dans ses compétences et implique la notion de « bien-être ». Ainsi, le langage ne commence pas avec les premiers mots, il se crée à partir de la communication non verbale. L’enfant devient vite un partenaire actif qui comprend avant de pouvoir s’exprimer oralement. Il peut alors donner sens aux mots, développer son lexique, sa syntaxe, tient compte des fonctions des mots et du langage et, enfin, apprend à raconter et à argumenter. L’essentiel est de parler non pas aux enfants mais avec les enfants et de les considérer comme des interlocuteurs. En effet, les enfants qui n’ont pas été assez accompagnés durant le processus d’acquisition langagière, ou d’une manière non adaptée, sont moins à l’aise avec le langage oral. D’où l’importance de ce qu’Agnès Florin nomme le « langage adapté à l’enfant » (LAE), qui recouvre plusieurs méthodes à mettre en œuvre par les parents pour accompagner l’enfant dans son développement langagier : une adaptation du langage des adultes à celui de l’enfant (simplification, redondance), un vocabulaire plutôt limité, facile à retenir et qui peut être utilisé fréquemment, une syntaxe simple, des énoncés courts, une autorépétition, des expansions. Précarité des familles et retards de langage Comme le rappellent Agnès Florin et Nathalie Bigras, professeure agrégée au Département de didactique à l’université du Québec à Montréal (Uqam), le bien-être de l’enfant passe par sa capacité à s’exprimer, à communiquer, à interagir sur le monde. La pensée vient et se formule par les mots. 102 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:08 Page103 SUJET D’ANNALE CORRIGÉ (SESSION 2015) 쎲 Plusieurs études citées par les intervenants soulignent le lien entre la pauvreté des familles et le nombre limité de mots dont l’enfant dispose pour s’exprimer, dont une étude de MarieThérèse Lenormand, directrice de recherche (Institut national de la santé et de la recherche médicale – Institut de psychologie à l’université Paris Descartes) qui montre que, en moyenne, un enfant âgé de 3 ans, ayant au moins un parent cadre, produit cinq cents mots en vingt minutes tandis qu’un enfant de parents non diplômés en dit trois cents, ou encore une étude réalisée par l’Agecsa [Association de gestion des centres de santé (1)] en 2009 qui corrobore ces résultats et dans laquelle la moitié des enfants âgés de 2 ans à 3 ans de la population précaire étudiée (20 % de la patientèle est concernée par la couverture maladie universelle) était en retard de compréhension et de production langagière. Ces retards de langage, selon Perrine Renoux, responsable du service éducation à la Ville de Fontaine (en Isère), ont des répercussions sur l’habileté orale et la réussite scolaire de l’enfant mais aussi sur le développement de la confiance en lui et sa place dans le groupe. Pour Denis Baudet, pédiatre à l’Agecsa, « de l’enfant parleur-tardif à l’adolescent sans mot, ce manque de mots pour exprimer ses sentiments peut laisser place aux «mots du corps», à la violence qui arrive plus facilement quand on n’a pas les «mots de la bouche» ». La réponse à apporter, s’accordent-ils à dire, est éducative, précoce et préventive ; elle doit se construire avec les parents et les acteurs éducatifs. Impact sur les autres apprentissages et à l’école Le passage de l’oral à l’écrit en grande section de maternelle est identifié comme un moment-clé car il détermine les apprentissages scolaires futurs. Ainsi, le programme « Parler », développé en 2011 avec Michel Zorman dans l’académie de Martinique, concentre son intervention sur cet âge où se fait la relation graphophonémique, comme l’explique Pierre Zabulon, inspecteur de l’académie de Martinique. Pour le recteur de l’académie de Martinique, André Siganos, l’institution scolaire républicaine ne laisse pas de place au bilinguisme ni ne favorise la réconciliation entre la langue familiale et la langue de l’école. Selon Yvanne Chenouf (2), la langue est un bien culturel, une pratique sociale avant d’être scolaire. Faut-il alors distinguer langue et langage ? Pour la chercheuse, l’école a tendance à promouvoir une langue normée, outil de la réussite, « instrument des dominants », une langue qui doit être correcte. C’est ce que signifie le terme « orthophonie », métier que Bénédicte Braconnay exerce au centre médico-psychologique de Bron (Rhône). Mais elle dit plutôt de sa pratique qu’elle propose un (1) L’Agecsa de Grenoble emploie cent vingt médecins dont trente généralistes, quatre pédiatres, des orthophonistes, des secrétaires médicales, et reçoit dix-sept mille patients issus des quartiers en difficulté par an. (2) Membre de l’association française pour la lecture et ancienne chercheuse à l’Institut national de recherche pédagogique (lNRP). 103 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:08 Page104 쎲 L’ÉPREUVE ÉCRITE D’ADMISSIBILITÉ espace de « remédiation », qui n’est ni l’école ni le milieu hospitalier. L’orthophoniste pratique volontiers l’art du « jeu, cet espace entre deux pièces mal ajustées, ce défaut de serrage, espace de liberté qui appelle le langage ». Il s’agit de permettre ce jeu dans le langage qui peut être source de plaisir : plaisir de parler, de jouer avec les règles, de s’amuser de la grammaire, et des normes. L’aspect ludique est pourtant peu mis en avant dans l’éducation en France. Nathalie Bigras rappelle combien il est déterminant pour les apprentissages du petit enfant, mobilisant à la fois son habileté motrice et psychomotrice, sociale, affective, cognitive et langagière. Elle plaide, rejointe par la psychanalyste Marie Bonnafé (3), pour une prise en compte du développement de l’enfant dans sa globalité. Identifier les besoins spécifiques de l’enfant Une réponse adaptée aux besoins des enfants en matière de développement des facultés langagières passe par la mise en place de dépistages et d’évaluations nécessaires à l’établissement de diagnostics. L’un des enjeux est d’éviter qu’ils ne stigmatisent l’enfant et ses parents et n’enferment de façon durable l’enfant dans un « état ». L’identification des enfants « petits parleurs », en retard de langage ou avec des troubles du langage (4), pose la question de l’évaluation du niveau de langage des enfants pour vérifier son développement dès les premiers âges. Sophie Kern, chercheuse au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) (5), explique que loin de catégoriser l’enfant une fois pour toutes, il s’agit de « caractériser une personne, un système, à un moment donné ». Pour Catherine Billard, neuropédiatre au Kremlin-Bicêtre (6), si ces déficits ne sont pas causés par les difficultés sociales, celles-ci les aggravent, et l’inégalité d’accès aux soins les accentue encore. Nathalie Bigras témoigne du travail réalisé au Québec pour mettre l’accent sur les forces, les qualités et les réussites de l’enfant. Pour elle, il est plus efficace, dans la durée, de mettre en lumière le pouvoir d’agir des enfants, des parents, mais aussi des professionnels que de travailler uniquement sur leurs difficultés. (3) Cofondatrice d’Acces (Actions culturelles contre les exclusions et les ségrégations), qui associe des bibliothécaires, des psychologues, des professionnels de la petite enfance pour des projets « Livre Petite enfance », ciblant en priorité les populations les plus démunies. (4) Le retard de langage est un simple décalage dans le temps, qui ne conduit pas nécessairement au « trouble » qui, lui, est plus durable. Le terme « petit parleur » est employé dans le cadre du programme Parler Bambin : il a été jugé moins stigmatisant par le personnel éducatif que celui de « parleur tardif » qui est le terme utilisé par les scientifiques. (5) Membre du laboratoire Dynamique du langage à l’université de Lyon, elle est notamment à l’origine d’un test d’évaluation de la communication, l’IFDC (inventaire français du développement communicatif), chez des enfants âgés de 8 mois à 30 mois (Kern et Gayraud, 2010) utilisé par les praticiens de la petite enfance. (6) Elle y dirige le centre référent sur les troubles des apprentissages, une unité hospitalo-universitaire, lieu d’information, de diagnostic ou de prise en charge des troubles spécifiques du langage. 104 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:08 Page105 SUJET D’ANNALE CORRIGÉ (SESSION 2015) 쎲 Les moyens d’action sur le développement langagier A. Florin a recensé les caractéristiques communes des programmes réussis de développement langagier, qu’elle rassemble sous la forme de trois conditions : • la priorité donnée à la communication et à l’interaction. On y encourage, en premier lieu, la relation interindividuelle entre l’adulte et l’enfant et la communication, y compris non verbale, plus importante que la « production » orale ; • la nécessité d’individualiser la relation dans le collectif, et de faire fonctionner des petits groupes qui ne mélangent pas les « parleurs tardifs » et les autres. Il s’agit de ménager un espace privilégié pour les enfants qui n’ont « pas les mots », sont timides, ont – peut-être – des problèmes à la maison ; • l’organisation en groupes de niveau, comme dans le cas du programme Parler en Martinique qui permet aux enfants de faire tous la même chose, mais avec plus ou moins de temps selon les besoins. Les ateliers langage de Parler Bambin (7) proposent également un cadre d’expression spécifique pour les enfants moins à l’aise dans le langage. Ce cadre doit permettre de se donner des règles conversationnelles explicites, car l’implicite peut être clivant, socialement et culturellement, mais aussi aider au développement du lexique par des activités ludiques et enfin donner à l’enfant l’envie de lire. Une approche pluridisciplinaire et la coopération des acteurs Le colloque a permis de croiser les regards sur la petite enfance, l’école, le soin, l’éducation populaire ou la culture, et de rechercher les complémentarités. Les intervenants pointent l’enjeu de ne pas surmédicaliser les retards de langage et de lecture, le problème devant être posé avant tout en termes éducatifs. L’expérience de Catherine Billard avec la Mairie de Paris et l’Inspection académique est particulièrement significative, dans sa capacité à mobiliser l’interdisciplinarité et à faire jouer deux leviers autour de l’enfant : la réponse pédagogique, première, et la réponse médicale, subsidiaire. (7) Parler Bambin est un programme d’acquisition des compétences langagières développé par le CCAS de Grenoble en collaboration avec Michel Zorman. Il repose sur la sollicitation langagière quotidienne et par tous (professionnels, famille) des enfants âgés de 18 mois à 36 mois. Les « ateliers langages » sont proposés régulièrement aux enfants identifiés comme « petits parleurs » : ils consistent en un temps de conversation entre deux ou trois enfants et une éducatrice autour d’un imagier ou d’un jeu, au calme, avec des techniques particulières pour introduire graduellement des mots. 105 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:09 Page106 쎲 L’ÉPREUVE ÉCRITE D’ADMISSIBILITÉ Le pédiatre seul ne peut pas grand-chose, admet D. Baudet, et doit interagir avec les structures sociales, de parentalité, de petite enfance (services de la protection maternelle et infantile, centres sociaux). L’orthophoniste peut être un passeur entre le monde éducatif et le monde médical. Le rôle des collectivités locales apparaît également déterminant dans la nécessaire orchestration des diverses interventions publiques et associatives dans le temps de l’enfant : la ville de Fontaine (Isère) en est une illustration. Pour P. Renoux, c’est la commune, en tant qu’organisatrice du temps périscolaire, des centres de loisirs, des structures de petite enfance, en lien avec les assistantes maternelles, et en tant que pilote de projet éducatif local, qui possède la légitimité pour agir de façon volontariste en faveur du développement langagier. Sans compter le service de santé scolaire, comme celui de la Ville de Grenoble, qui joue un rôle essentiel dans la prévention et le dépistage. Mieux intégrer les parents et les familles Le premier transmetteur du langage est le parent. N. Bigras défend une approche centrée sur la famille, qui la place au premier plan de l’intervention. Pour la chercheuse, cinq principes la fondent : reconnaître et respecter les connaissances et l’expertise de l’autre, partager l’information à travers une communication bidirectionnelle, partager le pouvoir et la prise de décision, accepter et respecter la diversité et, enfin, créer des réseaux de soutien naturel. Les freins à l’investissement des parents dans le développement langagier évoqués sont les suivants : • le langage n’est pas toujours identifié comme un enjeu avant le passage à l’écrit ; • le bilinguisme (plus valorisé quand c’est l’anglais plutôt que l’arabe, par exemple) et le rapport à la langue française peut représenter une difficulté ; • les institutions comme l’école ou même la crèche peuvent apparaître intimidantes et normatives ; • le temps et l’énergie peuvent manquer pour jouer et interagir avec les enfants le soir (sans compter les métiers à horaires décalés) ; • les outils accompagnant le développement du langage peuvent faire défaut ; • les lieux de parentalité sont nombreux et diversifiés, mais l’accès est problématique pour certains parents. Comment accompagner l’entrée dans l’écrit ? Pour les tout-petits, le livre peut être un bon vecteur entre parents et enfants, basé sur le plaisir d’être ensemble : on le regarde et on le commente ensemble. Mais dès que les enfants apprennent à lire, la relation qu’ont les parents aux livres joue également un rôle important : l’accès à la lecture peut être davantage difficile pour les parents plus vulnérables. 106 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:09 Page107 SUJET D’ANNALE CORRIGÉ (SESSION 2015) 쎲 Le langage est une affaire familiale avant d’être une affaire d’école, estime Eunice Mangano, déléguée nationale de l’Association de la Fondation des étudiants pour la Ville (Afev), selon qui plus de la moitié des parents ont peur de mal accompagner leurs enfants dans la scolarité (8). À travers cette association, des étudiants bénévoles interviennent en accompagnement à la lecture durant la dernière année de maternelle, l’année charnière. Au domicile des familles, les étudiants cultivent le goût de l’écrit, emmènent les enfants à la bibliothèque et instaurent une relation de confiance avec les parents. Il s’agit de créer les conditions pour que ces derniers se sentent plus compétents et plus sereins sur ce qu’ils peuvent apporter à leur enfant, dans le transfert de compétences. Les intervenants soulignent l’importance pour les institutions de l’enfance de ne pas culpabiliser les parents et de mieux les intégrer, de leur donner les clés pour accompagner le développement du langage. Quels « outils » à transmettre aux parents ? Quelles stratégies adopter ? L’expérience de l’Agecsa montre qu’un document à destination des parents peut être un bon support pour parler de langage à la famille et lui donner des clés de compréhension. Il ne s’agit pas de transmettre des gestes « techniques », et il ne suffit pas de livrer des outils ou une liste de choses à faire, mais bien de susciter l’intérêt, l’adhésion : ce que l’éducateur fait avec l’enfant devant le parent doit donner envie à celui-ci de le reproduire. Quels leviers privilégier en termes de politique publique ? L’enjeu de la formation et des échanges entre chercheurs et praticiens La clé de l’intervention des professionnels et des praticiens dans le domaine du développement langagier est tout d’abord celle de l’accès à la connaissance théorique et universitaire et à l’actualisation de ces savoirs. Pour Martin Hirsch, président de l’Agence du service civique, c’est même la principale valeur ajoutée du programme Parler Bambin que de mettre en relation de travail et en interaction continue des chercheurs et des praticiens de la petite enfance : la force de M. Zorman et de l’esprit de ce colloque réside dans ce dialogue avec les universités. Au-delà d’une formation initiale de tous les acteurs éducatifs et sociaux à cette question, c’est la formation continue et la recherche-action qui entretiennent les dispositifs de développement langagier. Il faut donc soutenir la dynamique multipartenariale autour du langage par une sensibilisation des professeurs, éducateurs, animateurs socioculturels et bénévoles afin qu’ils en comprennent et partagent les grands principes mais aussi les limites de leur intervention. (8) Selon une enquête réalisée par l’Afev auprès de sept cents familles de quartiers prioritaires qui montre une adhésion massive à l’institution scolaire. 107 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:09 Page108 쎲 L’ÉPREUVE ÉCRITE D’ADMISSIBILITÉ L’expérimentation évaluée à l’épreuve de la généralisation De nombreuses expériences sont évoquées, dont certaines sont des expérimentations évaluées et jugées efficaces : comment s’en inspirer pour passer à des politiques publiques pérennes, face à une crise économique ? Grenoble, ville pilote en matière d’expérimentation sociale, montre que l’innovation est devenue un impératif pour les collectivités locales, comme l’explique Daniel Zielinski, délégué général de l’Union nationale des CCAS (Unccas). Les acteurs des territoires doivent sans cesse étudier ce qui a été mis en place ailleurs, s’en inspirer, partager leurs expériences et tenter de les adapter, tout en maintenant un lien fort et pérenne avec des institutions comme la Caisse nationale des Allocations familiales ou l’Éducation nationale. Olivier Noblecourt, adjoint au maire de Grenoble et initiateur du colloque, insiste sur la nécessité de développer une véritable culture d’évaluation. En effet, les évaluations doivent permettre de démontrer l’impact des expérimentations, comme l’indique Pascal Bressoux, professeur en sciences de l’éducation à l’université PierreMendès-France de la ville, qui a réalisé l’évaluation du programme « Parler » en grande section de maternelle. Mais une expérimentation réussie ne garantit pas sa pérennisation : malgré les résultats et une méthodologie robuste, le dispositif a été abandonné, sans réelle explication. D’où la question renvoyée aux décideurs : quels moyens sont mis en œuvre pour généraliser ce qui fonctionne ? M. Hirsch suggère de « renverser la charge de la preuve » : s’obliger désormais à justifier la raison pour laquelle on ne va pas mobiliser un dispositif dont le bénéfice serait avéré. Parler Bambin, une expérimentation au départ, est devenu le cœur du projet pédagogique et social de la politique petite enfance de la ville de Grenoble, et se donne les moyens d’accueillir en priorité dans les crèches les familles en fragilité sociale. Ce programme a essaimé dans de nombreuses villes françaises tout en s’améliorant, en s’adaptant aux équipes locales, en créant un réseau qui continue à le faire évoluer. En effet, la généralisation d’une expérience est problématique car elle comporte le risque d’une standardisation qui peut amener à une perte de sens en même temps qu’à un défaut d’appropriation par les éducateurs. Au final, le thème du colloque, « Langage et inégalités sociales », s’est révélé être rassembleur, porteur d’enjeux complexes. Au-delà d’un échange de pratiques et de points de vue, les débats de ces deux journées ont suscité des propositions et des recommandations pour que le langage soit reconnu, conforté et outillé dans les politiques éducatives, de santé publique et de lutte contre les exclusions. Individualisation des interactions, formation des professionnels, collaboration entre acteurs, travail avec la recherche, renforcement de la place des parents, promotion de la lecture, évaluation, sont autant de pistes ouvertes par le colloque. Les échanges plaident enfin pour faire de la politique petite enfance le premier levier de la lutte contre les inégalités. 108 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:09 Page109 SUJET D’ANNALE CORRIGÉ (SESSION 2015) 쎲 Document n° 6 : « Parler Bambin : un succès sur le terrain au-delà de la réussite théorique envisagée ! » – J.L. Tourenne – www.jean-Iouis-tourenne.eu – 24 mai 2013 [Blog personnel du président du conseil général d’Ille-et-Vilaine] Je me suis rendu hier à un comité territorial de suivi du « Parler Bambin », sur l’un des trois territoires expérimentaux du projet, à Louvigné du Désert. C’est l’occasion pour moi de revenir sur le succès de cette expérimentation qui a su fédérer tous les acteurs (professionnels de la petite enfance, institutions, parents et enfants) bien au-delà des impératifs minimaux que nous nous étions fixés. Indéniablement, c’est un projet qui a pris toute son ampleur dans sa mise en œuvre même, un succès dans le concret, bien au-delà de la réussite imaginée sur le papier. Réduire les inégalités dès la petite enfance L’ambition initiale du projet, inspirée de l’expérimentation conduite par le regretté Professeur Zorman à Grenoble, était simple : offrir à tous les enfants, et notamment à ceux qui méritent une attention particulière dès le plus jeune âge, tout le bagage langagier nécessaire à la meilleure intégration possible à l’école et dans la société. Nous étions partis d’un constat simple : lors de la Journée d’Appel, 15 % des jeunes ont des difficultés de compréhension liées à un vocabulaire pauvre. Par ailleurs, lorsqu’un enfant redouble son CP, il n’a pratiquement plus aucune chance d’espérer pouvoir faire des études supérieures. En somme, le système éducatif reproduit, voire amplifie les inégalités. Il est donc de notre responsabilité collective de vouloir agir en amont de ces inégalités déjà fortement ancrées à l’entrée à l’école. L’évaluation de l’expérimentation faite à Grenoble a montré que l’acquisition du vocabulaire est trois fois plus rapide pour les enfants ayant bénéficié du programme « Parler Bambin » et ces résultats sont d’autant plus probants pour ceux issus de familles défavorisées. Un an d’expérimentation, de premiers résultats encourageants En Ille-et-Vilaine, au bout d’un an d’expérimentation sur trois territoires différents – Rennes Bréquigny (urbain), Pays de Liffré (périurbain) et Louvigné du Désert (rural) – les retours des partenaires mettent en avant des effets très positifs du programme en termes d’acquisitions langagières 109 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:09 Page110 쎲 L’ÉPREUVE ÉCRITE D’ADMISSIBILITÉ et de communication chez le jeune enfant, d’évolution des pratiques professionnelles et d’accompagnement à la parentalité. Très concrètement, sur le territoire de Louvigné du Désert, à l’échelle du multi-accueil, les enfants bénéficient d’un atelier Parler Bambin de 10 minutes, trois fois par semaine. Chaque atelier est animé par un professionnel de la petite enfance formé au Parler Bambin avec deux enfants, identifiés comme « petits parleurs » ou non. Au-delà de ces temps d’ateliers bien définis, où le professionnel échange avec les enfants à partir d’un album sur un thème précis, c’est tout le quotidien dans la structure d’accueil qui a été impacté par le Parler Bambin en : • privilégiant les questions ouvertes auprès des enfants ; • parlant à tous les bambins, y compris à ceux qui ne parlent jamais ; • laissant aux enfants le temps de répondre, sans reprendre automatiquement la parole ; • discutant du langage de l’enfant avec les parents, sans l’aborder nécessairement parce qu’il y aurait suspicion d’un retard ou d’une pathologie du développement. Les progrès constatés par les professionnels sont unanimement reconnus. Les petits parleurs se lancent à raconter des histoires devant les autres, ils enrichissent leurs champs de mots, prennent confiance en eux et sont plus concentrés. Aussi, une véritable logique co-éducative s’est instaurée entre les parents et les professionnels des structures, ce qui permet qu’il n’y ait pas de rupture des bénéfices du programme entre la journée en collectivité et le retour à la maison. La crainte initiale d’une réticence éventuelle des parents a largement été levée. Les professionnels du Conseil général et des structures d’accueil ont pris le temps de les informer collectivement et individuellement, parfois très longuement. Aujourd’hui, ce sont même les parents qui attendent avec impatience la circulation de l’imagier Parler Bambin pour amorcer des conversations avec leurs enfants. En tout sens, l’expérimentation Parler Bambin a eu une forte dimension partenariale et fédératrice : • des acteurs d’un territoire, tous ceux qui œuvrent pour la petite enfance ; • des équipes de professionnels des structures d’accueil collectif ; • et des partenaires institutionnels (Conseil général, Inspection d’Académie, Structure ou collectivités territoriales gestionnaires des lieux d’accueil). C’est aussi un projet qui lie le Département d’Ille-et-Vilaine et le laboratoire de psychologie du Développement et de l’Éducation de l’université de Rennes 2 : Parler Bambin, c’est un véritable programme de recherche-action, au même titre que celui qui concernera les alternatives aux placements dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance. 110 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:09 Page111 SUJET D’ANNALE CORRIGÉ (SESSION 2015) 쎲 Un projet qui a fédéré, au-delà du périmètre initial de l’expérimentation ! Tout au long de cette année de mise en œuvre, Parler Bambin s’est inscrit comme un projet tellement fédérateur que l’expérimentation est déjà allée au-delà de son périmètre initial ! Je pense en ce sens à la formation des Techniciennes de l’Information Sociale et Familiale (TISF), qui interviennent à domicile, soit à titre préventif, soit dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance sur Louvigné du Désert. Le médecin de Protection Maternelle et Infantile du CDAS des Marches de Bretagne donnait l’exemple d’un enfant qu’elle avait reçu en consultation et qui, bien que ne venant pas de Louvigné du Désert, avait pu bénéficier du Parler Bambin par l’intermédiaire de la TISF intervenant au domicile de ses parents. Ces derniers, enchantés, étaient fiers d’arriver à la consultation avec la grille de mots Parler Bambin et le constat que leur enfant avait du vocabulaire, bien au-delà de ce qu’ils imaginaient. Je pense aussi au groupe de travail qui s’est mis en place avec l’Inspection d’Académie pour réfléchir à une poursuite du Parler Bambin dans les écoles maternelles, avec une formation éventuelle des Agents Territoriaux Spécialisés des Écoles Maternelles (sous réserve de l’adhésion des communes à cette démarche). Parce que beaucoup de mots ne se lisent pas comme ils s’écrivent et parce que les mots permettent de dire les émotions, l’appréhension du langage est primordiale aussi bien pour l’apprentissage de la lecture que pour la maîtrise de ses pulsions. Freud a dit : « le premier homme à lancer une insulte plutôt qu’une pierre est le fondateur de la civilisation ». Le langage est le meilleur antidote à la violence et de fait, s’il est la porte d’entrée du dispositif, le Parler Bambin touche bien plus largement tout le développement de l’enfant dans ses savoirêtre et son épanouissement. Une nouvelle approche des politiques publiques et de l’action sociale Plus globalement, je veux rappeler que la crise que nous traversons nous invite à une nouvelle approche de toutes les politiques publiques. D’abord, parce que la collectivité publique se doit d’intervenir pour les plus vulnérables d’entre nous. Ensuite, parce que la solidarité est aussi un facteur de croissance et de richesses pour notre société. Notre projet stratégique départemental, fondé sur le programme duquel nous tenons notre légitimité, a entériné plusieurs principes qui participent de cette orientation : contractualisation avec les personnes et les territoires, implication et responsabilisation des usagers-citoyens, concentration des énergies et des moyens sur des actions de prévention… 111 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:09 Page112 쎲 L’ÉPREUVE ÉCRITE D’ADMISSIBILITÉ D’une façon générale, nous voulons inscrire nos politiques publiques dans le sens d’une meilleure inclusion des plus vulnérables, et ce, dès le plus jeune âge. C’est là que le Parler Bambin prend tout son sens. Si l’école est encore le creuset des réussites, encore faudrait-il que tous les enfants y arrivent avec les mêmes atouts, un bagage langagier suffisant pour profiter pleinement des enseignements qui leur sont proposés. Aujourd’hui, tous les acteurs du Département sont unanimes pour soutenir une poursuite du Parler Bambin au-delà de la phase expérimentale, tant ont été reconnus et applaudis les premiers retours, les effets boule de neige, fédérateurs, démultiplicateurs et d’engouement sur nos territoires, que nous voulons être ceux de la réussite pour tous. 112 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:09 Page113 SUJET D’ANNALE CORRIGÉ (SESSION 2015) 쎲 Document n° 7 : « La crèche a-t-elle une mission éducative ? » – Journal des professionnels de la petite enfance n° 79 – novembre/décembre 2012 Un éclairage historique sur les crèches permet de constater que ses missions ont évolué à travers le temps pour répondre à des problématiques bien différentes. Pourtant, dès le 19e siècle la dimension éducative de ces institutions est affirmée avec les premières crèches ouvertes par Firmin Marbeau pour les femmes ouvrières. Elles visent essentiellement à éduquer les parents et s’inscrivent dans une dimension moralisante de la famille pauvre. L’immédiate après-guerre est une longue traversée du désert où seules les préoccupations hygiénistes et sanitaires dominent. Il faut attendre 2010 et les établissements d’accueil de jeunes enfants pour que l’on retrouve des préoccupations éducatives. Seule la formation du personnel fait défaut pour consacrer cette finalité. La première crèche a ouvert ses portes à Paris à Chaillot en 1844. Elle est la résultante du projet d’un homme, Firmin Marbeau, et d’un mouvement : le catholicisme social. C’est la situation sociale des ouvriers qui fait réagir certains catholiques qui prônent alors un programme social dans lequel figure la protection de l’enfance. Ils fondent de nombreuses sociétés de charité et tentent de défendre la condition ouvrière face aux demandes toujours croissantes de productivité des industriels en intégrant la notion de charité à celle de l’économie politique dans une Société d’économie charitable. Firmin Marbeau fait partie de ce mouvement du catholicisme social qui souhaite se différencier de la charité traditionnelle en organisant de manière plus concrète l’aide aux plus pauvres tout en leur impulsant religion et moralité. Le projet de crèche de Firmin Marbeau fait partie intégrante d’un vaste projet de moralisation et de normalisation des classes indigentes. Il crée donc la crèche comme une institution qui accueille les enfants avant qu’ils aient l’âge d’entrer à la salle d’asile, la société des crèches qui récolté des dons privés et des subventions publiques pour les financer et le bulletin des crèches qui diffuse les idées novatrices. Les premières crèches pour les ouvrières D’abord, la crèche doit répondre à un besoin lié au travail des mères dans les communes industrielles avec pour finalité : « améliorer le sort des travailleurs sans nuire aux propiétaires1 » et pour moyen « l’éducation populaire » dont la crèche n’est que le premier maillon avant la salle d’asile et l’école. À la différence des garderies ou des nourrices, « la crèche ne se borne pas à garder les enfants : elle donne tous les soins qu’exige l’éducation et, par exemple, fait voir aux mères ce qu’il 1. Marbeau, F., Manuel de la crèche, (deuxième édition 1866) Société des crèches, préface. 113 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:09 Page114 쎲 L’ÉPREUVE ÉCRITE D’ADMISSIBILITÉ faut faire ou éviter pour le bien de leurs enfants2 ». Dans la première partie de son ouvrage Manuel de la crèche, qui s’intitule : « Nécessité de la crèche dans les communes où l’industrie occupe des femmes et possibilité d’y pourvoir », il donne une définition de la crèche comme étant « un établissement destiné à soigner, pendant les jours et heures de travail, certains enfants trop jeunes ou trop faibles pour suivre les exercices de la salle d’asile. On lui a donné le nom du lieu où naquit Jésus, pour exprimer qu’elle ne doit pas se limiter aux soins corporels. C’est un établissement de prévoyance, qui fait, dans le présent et dans l’avenir, du bien aux enfants qu’il soigne, à leurs mères et à leurs familles, qui se contente d’une rétribution inférieure à ses dépenses et donne aux enfants tous les soins hygiéniques, intellectuels et moraux nécessaires au premier âge ; à leurs mères, de bons exemples et de bons consells3 », La mission de la crèche se retrouve entièrement dans cette définition, à savoir non seulement soigner l’enfant – et par le terme soigner Firmin Marbeau comprend « tout ce qui est indispensable au bien-être physique et moral » –, mais aussi le faire dans un cadre religieux et moral, et par l’enfant atteindre ses parents dans un objectif de normalisation et de moralisation de la famille pauvre. La crèche a donc bien plus une finalité éducative tant envers l’enfant qu’en direction de sa mère qu’un unique dessein de garde de l’enfant pendant le travail de sa mère. Asseoir la dimension éducative Abandonnée par la suite sous la pression de pratiques sanitaires fortes et exclusives, c’est seulement en juin 2010 que l’on commence à voir à nouveau une orientation éducative envers le jeune enfant dans les missions des établissements d’accueil de jeunes enfants. Le décret du 7 juin 2010 ajoute un nouveau volet éducatif aux missions classiques de santé, de sécurité, de bien-être et de développement des jeunes enfants. La phrase « Dans le respect de l’autorité parentale, ils contribuent a leur éducation » ouvre à ces établissements la voie d’une nouvelle mission jusque-là passée sous silence, par laquelle ils pourraient devenir des services d’accueil éducatifs. Cette éducation n’est pas celle des parents, mais bien des enfants. Elle correspond à l’esprit développé par le rapport Attali4 de novembre 2010 qui voit dans l’amélioration de la qualité de l’accueil dans les crèches un des moyens de contribuer à relancer la croissance française. En effet, il s’agit de préparer la croissance française de demain en assurant aux enfants une éducation et un environnement de qualité. Pour cela il faut garantir la qualité de l’éducation à tous les enfants et lutter contre l’échec scolaire. C’est ce qui permettra la révolution de l’économie de la connaissance. Et cette révolution se prépare dès la crèche qui peut aider à renforcer l’égalité des chances. Il faut 2. Marbeau, F., Manuel de la crèche, (deuxième édition 1866) Société des crèches, préface. 3. Marbeau, F., Manuel de la crèche, (deuxième édition 1866) Société des crèches, 5. 4. Attali, J., (2010) Commission pour la libération de la croissance française, Une Ambition pour 10 ans, La documentation Française, Paris, XO éditions. 114 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:09 Page115 SUJET D’ANNALE CORRIGÉ (SESSION 2015) 쎲 pour cela passer progressivement d’un encadrement majoritairement sanitaire dont les enfants restent faibles à un encadrement plus éducatif5. Le petit enfant porte à nouveau le projet de la France de demain. Il ne s’agit plus de le conserver pour assurer une population suffisante à une France en guerre à la fin du 19e siècle, mais de former à pouvoir affronter d’autres types de guerres, des guerres commerciales, économiques, des guerres de développement et des guerres de connaissances, qui pourront, si elles ne sont pas perdues, aider la France à maintenir sa croissance face à d’autres pays. Sans doute ne faut-il pas nier que – comme les catholiques sociaux qui voyaient dans la crèche un instrument de normalisation des pauvres (« La crèche fait beaucoup de bien à peu de frais ; hâtons-nous d’en propager l’idée. Elle dit à la mère pauvre : confie ton enfant et travaille sans inquiétude ; il sera soigné comme l’enfant du riche. Elle dit à l’État : fondez beaucoup de crèches, il vous faudra moins d’hôpitaux et de prisons. Elle dit à la civilisation : réjouis-toi ! La crèche divine fut ton berceau ; la crèche des pauvres t’apporte un nouveau gage de paix, d’union, d’amour et de progrès6 ») – les dirigeants actuels peuvent aussi percevoir dans les établissements d’accueil des jeunes enfants les moyens de se prémunir de certaines difficultés à venir. La crèche d’aujourd’hui Depuis la fin du 20e siècle, la crèche n’est plus celle des petits enfants des ouvrières. Elle s’est « démocratisée » et accueille généralement enfants issus de tous les milieux sociaux avec même une plus faible représentation des familles ouvrières. Il semble que ce soit dans les années 1960 que la tendance s’est inversée, suivant en cela les modifications de la composition socioprofessionnelle de la société française. Les ouvriers sont plus faiblement représentés que les employés et les cadres dans la société, il semble donc logique de moins les retrouver également dans les crèches. Par ailleurs, le fait d’y rencontrer bien plus de cadres et de professions intermédiaires représente un réel changement d’orientation des crèches7. La crèche n’est plus le lieu d’accueil des pauvres, mais de parents considérés comme « privilégiés » du fait de la faiblesse de l’offre en accueil collectif. Ils ont de la chance, ou ont été suffisamment tenaces auprès de la directrice ou du service municipal. lls peuvent également avoir bénéficié des largesses d’une bonne fée puéricultrice ou assistante sociale qui a jugé leur cas plus défendable que celui d’une autre famille, 5. Attali, J., (2010) Commission pour la libération de la croissance française, Une Ambition pour 10 ans, La documentation Française, Paris, XO éditions, Proposition 21 : Renforcer l’égalité des chances dès la crèche et la maternelle, p. 136 à 138. 6. Marbeau, F., (1863) Des crèches pour les petits enfants des ouvrières, éditions Amyot, Guillaumin et Le Clère. 7. Une étude de l’INSEE de 1995 montre que 19,5 % des enfants des crèches ont une mère cadre, 15,1 % une mère exerçant une profession intermédiaire, 11,4 % une mère employée, 5,2 % une mère ouvrière. Les femmes, portrait social, l’INSEE, coll. Contours et caractères, Insee, février 1995. 115 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:09 Page116 쎲 L’ÉPREUVE ÉCRITE D’ADMISSIBILITÉ ou encore correspondent aux critères d’un service social d’une grande entreprise ou d’une administration. Car si la crèche se vantait à ses débuts de représenter une chance éducative pour l’enfant et sa famille pauvre, essayant de les y attirer pour remplir ce rôle d’éducation, en 2011 les parents se considèrent chanceux lorsqu’ils obtiennent une place. Car ils voient dans l’accueil collectif une occasion supplémentaire pour leur enfant de développer ses différentes capacités dans un environnement adapté et s’efforcent d’y obtenir une place même si elle ne reste financièrement intéressante que pour les familles les moins aisées8, au regard des autres modes d’accueil. Mais si les familles les plus en difficulté, les plus défavorisées, n’ont pas accès à la crèche, non pas parce qu’elle leur coûte trop cher, mais parce qu’elles ne savent pas franchir certaines barrières explicites (comme le chômage) ou plus implicites (comme savoir à qui et comment s’adresser de manière efficace), comment peut-elle alors remplir ce rôle de participation à l’éducation des tout-petits dans un objectif de croissance sociale et économique large ? C’est sans doute cette inégalité qu’a voulu rétablir en partie le plan Crèche espoir banlieue de 2011-2012, un dispositif de soutien à la création de places d’accueil à vocation sociale adapté aux familles les plus fragilisées. Ce dispositif prévoit un accueil prioritaire pour ces familles et l’accompagnement des parents dans leurs démarches sociales et éducatives ainsi que leur retour à l’emploi. Il est aussi prévu de soutenir la formation et l’accès de ces personnes aux métiers de service et notamment à ceux de l’accueil de la petite enfance. Avec ces 73 millions d’euros débloqués en ce sens, majoritairement pour des places d’accueil collectif de type crèche, le projet Crèche espoir banlieue visait la création de presque 3 000 places supplémentaires sur les 200 000 attendues entre 2006 et 2012. Une goutte d’eau donc ! Et pour le moment, les professionnels des crèches ne sont majoritairement pas formés aux questions éducatives et c’est sans doute le véritable enjeu de la qualité à venir. Car faute de formation, faute de cohérence et faute d’information, la crèche demeure une douce utopie. Oui, mais, tellement bénéfique et épanouissante pour l’enfant… et tellement rassurante pour les parents ! 8. Selon l’observatoire national de la petite enfance, en 2009, l’accueil dans un établissement d’accueil de jeunes enfants représente une charge mensuelle pour les familles plus élevée dès que celle-ci a plus de 3 SMIC de revenus. Soit à peu près 3 000 euros. L’accueil du jeune enfant en 2009, données statistiques, CNAF, DREES, INSEE, MSA, DEPP du ministère de l’Éducation nationale, 35. 116 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:09 Page117 SUJET D’ANNALE CORRIGÉ (SESSION 2015) 쎲 Document n° 8 : « Le développement et l’éducation » – A. Florin – Journal des professionnels de la petite enfance n° 78 – septembre/octobre 2012 Depuis le siècle dernier, les chercheurs tels que Wallon, Vygotsky, Piaget, Bowlby ou Bruner ont mis en évidence des repères dans le développement de l’enfant, l’importance de l’action de l’enfant sur son environnement et celle des interactions avec ses partenaires. Les travaux plus récents ont montré que le développement est fait d’avancées rapides, mais aussi de stagnations, voire de régressions. Il ne faut jamais l’oublier, lorsqu’on travaille avec des enfants, y compris en cherchant à évaluer leurs compétences individuelles. Le développement, c’est l’évolution psychologique individuelle, les processus du changement et les continuités psychologiques, de la vie fœtale à la mort. Passer des caps à son rythme Pendant des siècles, l’âge adulte était considéré comme un état stable et l’aboutissement du développement, et l’enfant comme un adulte non terminé, en quelque sorte, avec des manques, des incompétences. Dans la psychologie contemporaine, le terme de développement peut s’appliquer à tous les âges, y compris aux personnes de plus de 60 ans, dont le nombre augmente rapidement, en lien avec l’espérance de vie. Le changement est la notion centrale en psychologie du développement : il nous faut comprendre à la fois les changements et les continuités qui se manifestent, de la naissance à la mort. Qu’est-ce qui change au cours du développement ? Les conduites ou les comportements répondent les béhavioristes ; plutôt les processus de traitement de l’information, selon les cognitivistes ; on doit aussi considérer les relations avec le monde physique et le monde humain, les représentations, les savoir-faire, les connaissances, les rôles sociaux. Les origines du changement psychologique ne peuvent être réduites à un seul facteur : nous changeons en fonction des interactions complexes entre des modifications biologiques (notamment celles du cerveau, dont la plasticité lui permet de se modifier sous l’impact des expériences de vie), les effets de la culture et de l’éducation, et l’expérience personnelle. Le développement ne va pas systématiquement du concret vers l’abstrait, et il existe des décalages selon les types de problèmes que les enfants ont à résoudre : la variabilité, interindividuelle et intra-individuelle, en est une caractéristique fondamentale. Processus d’apprentissage : une dynamique variée Il n’est pas seulement additif : les enfants doivent construire de nouvelles stratégies d’apprentissage et de nouvelles représentations du monde, mais aussi inhiber des stratégies antérieures, 117 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:09 Page118 쎲 L’ÉPREUVE ÉCRITE D’ADMISSIBILITÉ basées sur des structures archaïques et des connaissances irrationnelles, qui coexistent avec des structures nouvelles. Des capacités nombreuses et complexes, bien plus précoces qu’on le pensait, ont été mises en évidence chez les bébés au cours des dernières décennies, dans la manière dont ils appréhendent le monde physique et le monde psychologique : discrimination et catégorisation, permanence de l’objet, début de la conscience de soi et d’autrui, etc. Les dimensions cognitives ne suffisent pas à expliquer comment les enfants apprennent : on doit aussi considérer leurs interactions avec les dimensions conatives des apprentissages, telles que la motivation, l’estime de soi, l’espérance de réussite, etc. On sait que l’espérance de réussite peut se dégrader très tôt, que les enfants peuvent chercher à préserver leur estime de soi en n’apprenant plus (ce que Bandura appelle « auto-handicap ») ou développer un sentiment d’incompétence ou de « découragement appris » (selon le terme de Deci & Ryan), lorsqu’ils pensent que leurs actions ou leurs efforts n’ont aucun impact sur leurs résultats. Le sentiment de compétence agit sur les émotions, la motivation, la pensée et les comportements par des anticipations de réussite ou d’échec. Considérer les enfants comme acteurs de leur développement et les aider à développer leurs compétences cognitives, expressives et sociales, tout en favorisant leur bien-être, est donc un enjeu essentiel pour l’éducation et la formation des adultes de demain. Nous devons considérer les enfants tels qu’ils sont, avec leurs savoirs et leurs savoir-faire, leurs difficultés et leur immaturité, plutôt que tels qu’ils « devraient être ». Dès les premières années, dès l’école maternelle, la pédagogie doit être adaptée à l’âge des enfants, à leurs besoins et leurs intérêts, en faisant une large place au jeu, qui favorise les activités symboliques. Éviter la monotonie et alterner les modes d’activité, ludiques ou à mobilisation cognitive, observation, expérimentation, ouverture culturelle. On crée ainsi les conditions de réussite ultérieure, sans anticiper sur les apprentissages de l’école élémentaire. C’est dans l’interaction entre développement et éducation, avec le guidage de l’adulte, que l’enfant va évoluer : construire des concepts, développer son langage, ses capacités motrices, émotionnelles et sociales, son estime de soi. L’environnement : en tenir compte Les enfants ont changé parce que la société a évolué, comme leurs conditions de vie, ainsi que le regard que nous portons sur eux. Quels sont les besoins de formation des jeunes enfants pour demain ? Préparer aux apprentissages fondamentaux semble une option acceptable, mais lesquels ? Lire, écrire, compter ? Certes, mais pas tout à fait comme hier, et pas seulement. Les outils technologiques modifient notre rapport à l’écrit et aux nombres : lire et comprendre ou savoir chercher et choisir de l’information est différent dans un livre et sur internet ; ordinateurs et calculettes modifient notre rapport à l’arithmétique ; téléphone, informatique, vidéo habituent les enfants à passer rapidement d’une activité à l’autre. Esprit d’initiative, créativité, innovation sont aussi des compétences nécessaires pour le XXIe siècle, et si une intervention directe de l’adulte permet d’ob118 Educateur territorial de jeunes enfants_2015.qxp_Concours 170x240 mardi13/10/15 16:09 Page119 SUJET D’ANNALE CORRIGÉ (SESSION 2015) 쎲 tenir plus rapidement une réponse précise des jeunes enfants, elle leur permet moins de découvrir de nouvelles informations ou de créer une solution nouvelle à un problème. Les modes de vie et les activités partagées avec les adultes ont changé, même si la famille, recomposée ou non, reste le premier lieu de socialisation. Le temps quotidien des activités partagées peut se réduire au repas du soir, chacun se consacrant à ses occupations, avant et après, dans un espace personnel s’il en dispose. La réalité du monde adulte peut aussi s’imposer brutalement et précocement à certains enfants. L’impact de ces changements sur les relations enfants-adultes est à prendre en compte. La formation des professionnels de l’enfance est donc un aspect majeur de l’éducation pour demain. Ce n’est pas seulement une question de technique. Il y faut de solides connaissances actualisées sur le développement, une attention individualisée à chaque enfant : repérer qu’il sait faire aujourd’hui une chose qu’il ne savait pas faire la veille, penser qu’un élément anecdotique pour nous peut constituer un événement important pour lui et savoir lui montrer qu’on est un adulte capable de cela. Agnès Florin, Professeur de psychologie de l’enfant et de l’éducation. Références : Florin, A., (2003) Introduction à la psychologie du développement. Enfance et adolescence, Paris, Dunod, Les Topos. Florin, A. & Vrignaud, P., (2007) Réussir à l’école : les effets des dimensions conatives en éducation, Rennes, P.U.R. Harris, P. (2007), L’imagination chez l’enfant. Son rôle crucial dans le développement cognitif et affectif. Paris, Retz. Houdé, O. (2004), La psychologie de l’enfant, Paris, PUF, Que sais-je ? Zaouche-Gaudron, C. (2010), Le développement social de l’enfant (du bébé à l’enfant d’âge scolaire). Paris, Dunod, Les Topos (2e édition). 119