Édith Piaf à Bernay : histoire d`une enfance, naissance d`un
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Édith Piaf à Bernay : histoire d`une enfance, naissance d`un
Des faits d’actualité rappellent Claude Masson raconte... Édith Piaf à Bernay : histoire d’une enfance, naissance d’un mythe Claude Masson commence à être connu des lecteurs du « Relais » à qui il a déjà donné des articles intéressants. Il nous revient en évoquant cette fois des souvenirs relatifs à Edith Piaf, la sortie récente du film consacré à la populaire chanteuse réaliste lui ayant remis en mémoire ses souvenirs journalistiques au moment de la mort d’Edith Piaf. C’est fou ce qu’un événement local peut prendre de l’importance quand il est relayé par les médias nationaux. Ainsi du film sur la vie d’Edith Piaf « La Môme ». A cette occasion, beaucoup ont découvert qu’elle avait passé sa prime jeunesse à Bernay, où la grand-mère Gassion tenait une maison close, le « grand 7 ». Une fillette dans un bordel, voilà qui n’est pas banal ! Aussi, l’Office du tourisme de la sous-préfecture de l’Eure est-il, depuis la sortie du film, assailli de demandes de renseignements de toutes sortes sur cet épisode insolite de la vie de la chanteuse. Mme Taillère m’a parlé abondamment de cette période équivoque : « La petite, la brave petite... pas gâtée je vous jure... la mère Gassion qui préférait sa cousine Marcelle l’aimait pas beaucoup... toujours après elle, avec sa voix Enquête Pour avoir été localier à Bernay en 1963, à la mort d’Edith Piaf, j’ai tout naturellement enquêté sur le sujet et retrouvé ses camarades de jeu et d’école, encore nombreux à l’époque. J’ai aussi participé à deux documentaires télévisés sur la vie d’Edith Piaf, un courtmétrage de Claude-Jean Philippe et Monique Lefebvre dans la série « Dossiers souvenirs » et Édith Piaf enfant (à droite). Cliché retrouvé aux archives un court-métrage anglais. Comme l’une de ses camarades s’est souvenue que la petiégrillarde... Edith par ci, Edith par là... te Edith avait chanté sur la scène du toujours sur son dos... Comme Edith Cinéma-Théâtre, sans doute à une disdéjà aimait chanter, la mère Gassion la tribution des prix « Est-ce toi mon faisait chanter pour ces Messieurs des homme ? », j’ai fait baptiser la salle du chansons d’amour naturellement, nom de « Piaf ». Je suis même allé à accompagnée au piano mécanique... » Falaise chercher la tante Zaza (ou Zéphire ?) afin de donner à la cérémoPiano nie plus d’authenticité. Une tante Zaza peu diserte sur le sujet comme si l’hisCe fameux piano, je l’ai retrouvé toire de la maison close lui déplaisait... par hasard dans un restaurant de rouPar contre, la lingère de ladite maison, tiers au carrefour des RN 13 et 138, à 14 Le Relais 99 Malbrouck, non loin de Bernay. Il avait été vendu à la fermeture de la maison, suite à la loi Marthe Richard et il traînait dans la salle de restaurant. « C’est le piano d’Edith Piaf clamait fièrement la propriétaire Béatrice Lebouteiller. J’en fis un papier car Béatrice m’avait dit : « il n’est pas à vendre, mais si on m’en offrait un bon prix... » Ce fut un client qui l’acheta au prix fort... Aujourd’hui, plus personne dans la région ne peut parler de l’enfance d’Edith Gassion. Tous morts, ses camarades. Disparue la lingère. Disparue aussi Simone Chappe sa copine de l’école Paul-Bert. Et aussi son voisin André Lefebvre, devenu commandant de sapeurs-pompiers qui me confie lui avoir demandé son concours pour un gala des hommes du feu et qui reçut une réponse signée Edith, hélas négative, car « retenue par des contrats ». Disparus encore ces quelques Messieurs bien sous tous d’Ouest-France. rapports, qui se confièrent à moi avec toutefois une réserve : ne pas révéler leurs noms... Et mes articles, nombreux sur le sujet ? Personne ne s’en souvint quand les cinéastes enquêtèrent à Bernay sur Édith Piaf-Gassion. Même pas l’Office du tourisme. Pensez, cela fait maintenant plus de quarante ans cette histoire. Tous oubliés mes articles. Dure, dure cette leçon d’humilité... C. M. des souvenirs à deux journalistes Christian Cressard se souvient... La prise de la sous-préfecture de Morlaix par Alexis Gourvennec Elevé tout petit (comme ses frères) au lait d’Ouest-France son Alma Mater, Christian Cressard y fit toute sa carrière, baroudant sur plusieurs théâtres d’opérations rédactionnelles extérieurs. Jeune journaliste, il se trouvait à Morlaix lorsque survinrent les événements qui secouèrent la Bretagne. C’est ainsi qu’en 1961 il pénétra dans la sous-préfecture envahie par les paysans-manifestants. qui n’avait rien de commun avec celle d’un Le décès d’Alexis Gourvennec en sous-préfet, soit bien visible au-dessus du février dernier remit ces épisodes pour le journal, grand ouvert devant le visage. moins animés à la mémoire de Christian Aussitôt, il le reposa en disant : « Ils Cressard qui, louable initiative, les raconte vont reconnaître mes mains. » pour « Le Relais ». En exclusivité bien sûr... Ce 7 juin 1961, personne ne pouvait s’attendre à voir les paysans envahir Morlaix. Depuis longtemps, les producteurs de légumes du NordFinistère avaient mis au point un système d’alerte pour une chaîne d’appels téléphoniques qui, de l’équipe dirigeante, passait par le délégué cantonal, le responsable de chaque commune, puis le correspondant de chaque village, pour une exécution immédiate, ceci pour agir sans que les Renseignements généraux et la gendarmerie soient prévenus. Après le procès... Une photo qui a fait le tour de France. Rentré chez moi, tard dans la nuit à l’issue d’une séance du conseil C’est pourquoi mon unique photo a municipal de Morlaix, je dormais encore fait la « Une » du journal le lendemain. lorsque mon épouse apprit la nouvelle. . Aussitôt habillé, je pris la route du centrePassez-moi ville et trouvai sur la place, derrière le viaAlexis Gourvennec duc, un barrage de tracteurs. Je dis au paysan qui s’approchait : A peine rentré à la rédaction, j’ai reçu « Si vous voulez que le journal prenne en un coup de téléphone furieux d’un compte votre action, laissez-moi pasresponsable de la F.N.S.E.A. à Paris qui ser », ce qu’il fit sans plus de difficulté. voulait parler avec Alexis Gourvennec. Un paysan au bureau « Il est sur la place en train de faire un du sous-préfet discours. Je le préviendrai et il vous rappellera quand il aura fini » lui dis-je. Place des Otages, en face de la C’est ainsi que j’ai appris que rédaction, une foule de cultivateurs était Gourvennec avait donné à Paris le numérassemblée mais, avant de m’intéresser ro de téléphone de la rédaction, en raison à eux, je me précipitai à la sous-préfectude sa proximité de la sous-préfecture et re, dans une petite rue à quelques pas de de la place, sans dire que c’était un jourlà. Tout était ouvert et le contenu de plunal. Et toute la matinée j’ai eu les réacsieurs tiroirs couvrait le sol, mais je ne tions peu amènes d’un certain nombre de rencontrai personne dans les couloirs. dirigeants agricoles et je peux assurer Seul dans toute la maison, un paysan qu’ils n’étaient pas d’accord avec l’envaétait assis au bureau du sous-préfet. hissement des bureaux du représentant Après avoir échangé quelques mots, je de l’État, lequel, nommé quelques jours lui ai demandé s’il voulait bien que je le plus tôt à Morlaix, était parti chercher photographie : « On va me reconnaître » refuge avec sa famille à la gendarmerie. me dit-il. Je lui ai passé le journal Démocratie Une histoire de pavés 61 qui se trouvait sur le bureau en lui disant de faire mine de lire et j’ai pris une Tout au long de cette journée, nomphoto en veillant à ce que sa casquette, bre de quotidiens parisiens nous deman- daient de leur dire ce qui se passait, en attendant que leurs envoyés spéciaux soient là. A cette époque, en train ou en voiture, il fallait plusieurs heures pour venir jusqu’à nous. Arrivés en fin d’aprèsmidi, ces confrères ont d’abord vu les tas de pavés qui se trouvaient sur la place depuis plusieurs jours, car la municipalité avait ouvert le chantier de remplacement de ces pavés par un revêtement moins bruyant. Et le lendemain, on pouvait lire dans nombre de journaux de Paris et d’ailleurs que les paysans avaient dépavé les rues pour faire des barricades. C’est ainsi que s’écrit l’Histoire... A vrai dire, si les discours de Gourvennec étaient, comme toujours, très musclés, l’atmosphère de cette « mini-révolution » était plutôt joyeuse. Les jours qui ont suivi ont été assez chargés, avec l’arrestation de Gourvennec et de Léon, président d’une SICA-Viande de Lamballe, venu par solidarité. Le procès Le procès devant le tribunal de Morlaix que j’ai couvert avait ceci d’intéressant qu’il était évident que les deux hommes seraient acquittés compte tenu de la foule de leurs partisans dans toute la ville. Ce qui fut jugé... parce que rien ne prouvait que Gourvennec fut entré à la sous-préfecture, ceci dit en termes juridiques, très diplomatiques. Mais c’est en triomphe, porté par de robustes paysans, que les deux hommes ont traversé la ville au milieu de manifestants hilares et de Morlaisiens qui n’y comprenaient plus rien, sauf que la France entière parlait de leur ville qui avait l’air de revivre la prise de la Bastille. La visite d’Edgar Pisani, ministre de l’Agriculture quelques semaines plus tard, devait réconcilier Gourvennec et ses troupes avec l’État. Le désenclavement de la Bretagne, que réclamait le leader des légumiers, allait être programmé. C. C. 99 Le Relais 15