Applications satellitaires pour la navigation maritime et fluviale

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Applications satellitaires pour la navigation maritime et fluviale
Les 7èmes journées scientifiques et techniques du CETMEF – Paris – 8, 9 et 10 décembre 2008
APPLICATIONS SATELLITAIRES POUR LA NAVIGATION MARITIME ET FLUVIALE
Guillaume Pensier
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Centre d'Études Techniques Maritimes et Fluviales
151 Quai du Rancy
94380 Bonneuil sur Marne
Tél : 01 45 13 53 20
[email protected]
Introduction
Cette contribution présente succinctement les différents systèmes satellitaires concourant à la
sécurité et à la sûreté de la navigation maritime et fluviale en distinguant les dispositifs
opérationnels, ceux en cours de réalisation et les thématiques faisant encore l'objet de travaux de
R&D.
L'apport essentiel des moyens satellitaires consiste bien sûr à réduire autant que possible le risque
accidentologique, dans un contexte où le trafic maritime et fluvial connaît une forte croissance. En
matière de sûreté, la protection des plans d'eau des ports est aussi un enjeu crucial.
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Historiquement c’est le transport maritime qui, le premier, a fait appel aux
techniques satellitaires, pour ses échanges de communications et ses signaux
de détresse. Ce mode de transport utilise désormais le système GPS pour ses
besoins en positionnement et fera sans doute appel à EGNOS puis à Galileo
dès que ce système sera opérationnel
Dans le milieu maritime, les besoins en moyens de géolocalisation diffèrent fondamentalement
selon le type de navigation : hauturière, côtière, portuaire.
S’agissant de la navigation hauturière, la distance au plus proche obstacle fixe est de plusieurs
dizaines de miles nautiques (MN)et les moyens de navigation visent avant tout à préparer des routes
sûres et économiques. Les mouvements des navires étant relativement lents, l’absence momentanée
du signal de positionnement est tolérable. Dans ce contexte, les performances exigées des systèmes
de positionnement sont plutôt modestes :
Précision : 100m
Disponibilité : 99,8% sur 30 jours
Intégrité, Délai d’alerte : 10s
(source : exigence OMI A.953)
Seules les applications de type « recherche et secours » pourraient nécessiter un positionnement
plus précis de façon à raccourcir les délais de secours.
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S’agissant de la navigation côtière, à moins de 50 MN des côtes, le trafic maritime y est beaucoup
plus dense et les eaux sont moins profondes (limites du plateau continental) ; dès lors, le risque
d’échouement ou d’abordage est plus important qu’en haute mer. Ce risque s’accroît lorsque les
bâtiments pénètrent dans les chenaux d’approche portuaire, dont la largeur se réduit à mesure que
l’on s’approche du port. Il s’agit donc d’une zone où le risque accidentologique est avéré, avec des
conséquences importantes sur la sécurité des personnes et des biens. C’est pourquoi les
performances attendues des systèmes de positionnement sont ici plus élevées :
Précision : 10m
Disponibilité : 99,5% sur 2 ans (faible niveau de risque), 99,8% sur 30 jours (haut niveau de
risque)
Intégrité, Délai d’alerte : 10s
(source : exigence OMI A.953)
S’agissant enfin de la navigation à l’intérieur des installations portuaires, les systèmes de navigation
visent essentiellement à prévenir les collisions avec les autres utilisateurs ou les installations à quai,
ainsi qu’à faciliter l’accostage. Au-delà de la navigation, les autorités portuaires utilisent les
systèmes de géolocalisation pour assurer la traçabilité de certaines marchandises (matières
dangereuses), optimiser l’utilisation des outillages portuaires ou procéder à des relevés
bathymétriques. Il est donc attendu un haut niveau de performance des moyens de positionnement :
Précision : 1m
Disponibilité : 99,8% sur 30 jours
Intégrité, Délai d’alerte : 10s
(source : exigence OMI A.915)
Les besoins du transport maritime en moyens de géolocalisation sont aujourd’hui satisfaits par le
GPS, dont la précision à l’approche des côtes est améliorée par les stations différentielles situées sur
les côtes françaises. Au nombre de 7, ces stations déterminent les erreurs de mesure sur la
constellation GPS et envoient ces corrections en temps réel aux récepteurs mobiles, de façon à
assurer une précision meilleure que 5m pendant 95% du temps. Selon toute vraisemblance le
transport maritime sera un utilisateur du système Galileo, le futur GNSS européen, qui offrira des
performances sensiblement accrues tant en précision qu’en intégrité.
Outre les systèmes GNSS, le transport maritime utilise également un système de positionnement par
ondes terrestres : le LORAN C. Utilisé au départ pour les besoins de l’US Navy, ce système a été
étendu à l’Europe et au transport marchand ; il repose sur un réseau de stations côtières d’une portée
d’environ 1000 km, le récepteur mobile LORAN C déterminant sa position en mesurant les
différences de temps d’arrivée du signal entre une station maîtresse et deux stations secondaires.
Même s’il offre des performances en précision inférieures au GPS (et a fortiori Galileo) il offre une
grande résistance au brouillage et peut être utilisé dans des environnements difficiles ; de fait, même
si l’avenir de ce système n’est pas encore complètement assuré, son utilisation comme système de
« secours » de Galileo fait partie des hypothèses à envisager.
Les systèmes de géolocalisation trouvent bien sûr toute leur place avec le système AIS (système
d’identification automatisé) qui renforce les moyens de contrôle/surveillance du trafic maritime. Les
données de positionnement sont en effet inclues dans les messages d’identification que les
bâtiments échangent entre eux et avec les autorités de surveillance du trafic. La généralisation de
l’AIS imposée par l'OMI aux navires à passagers ainsi qu'aux navires de charges de plus de 300 tb
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apporte des avantages appréciables aux pilotes et aux services en charge de la surveillance de la
navigation :
Application navire/navire :
amélioration de la connaissance de la situation des navires
amélioration de l'évitement des abordages
Outil pour les services de surveillance :
amélioration de la gestion du trafic par les STM
diffusion aux navires des correction DGNSS
automatisation partielle des comptes-rendus dans les zones concernées
diffusion de messages relatifs à la sécurité
amélioration des opérations SAR
Autres
Aide à la navigation
Réduction des messages vocaux sur le réseau VHF
Connaissance par l’Etat de la situation des navires et de leur cargaison
Amélioration de la lutte anti-pollution
Aide aux pilotes
Adopté en 2006 par l'OMI le système LRIT (identification et suivi à longue distance) vise à
améliorer la sûreté et la sécurité de la navigation, l'efficacité des missions de recherche et de
secours, la protection de l'environnement maritime. Contrairement à l'AIS qui fonctionne en mode
broadcast bateau/bateau et bateau/STM, le LRIT repose sur un fonctionnement centralisé avec un
serveur mis en oeuvre par l'EMSA (agence européenne de sécurité maritime) pour les pays
membres de l'UE, les données étant diffusées vers l'Etat du pavillon, l'Etat du port de destination,
l'Etat côtier (jusqu'à 1000 NM) et le cas échéant vers l'organisme en charge des missions de
recherche et de secours.
Les données contenues dans un message LRIT sont :
Identité (identifiant machine)
Position GNSS
Date et heure de la position indiquée
Ces données sont transmises toutes les 6 heures mais peuvent être stoppées par le capitaine ou l'Etat
du pavillon pour des raisons de sécurité. Une complémentarité du système LRIT avec les dispositifs
AIS sera bien sûr recherchée.
Les moyens d'observation satellitaires trouvent également un champ d'applications tout à fait
prometteur dans le domaine maritime :
Gestion et prévention des risques (polluants)
Connaissance de l'état de mer
Gestion des crises
Aide à la mise en sûreté des plans d'eau portuaires
Surveillance du trafic
Sûreté des plans d'eau portuaires
Substitution à des techniques terrestres (exemple des levers bathymétriques)
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Encore peu utilisés en milieu fluvial, les systèmes de géopositionnement
satellitaire sont appelés dans un proche avenir à être une composante
essentielle de la « voie d’eau intelligente »
Du point de vue des exploitants de la voie fluviale, les avantages qui peuvent être retirés de la
présence de moyens de géopositionnement à bord des embarcations sont multiples :
- Surveillance de la navigation, « tracking »
- Contrôle du trafic dans des zones spécifiques à fort risque accidentologique
- Gestion du trafic
- Recette de péage
- Statistiques sur les voyages
S’agissant des usagers, l’utilisation du GNSS présenterait le plus grand intérêt dès lors que
l’information relative au positionnement serait couplée avec un système de cartographie performant,
permettant au pilote de visualiser l’état du fleuve et de la circulation environnante. La norme
applicable pour les cartes électroniques de navigation est celle de la Commission Centrale de
Navigation sur le Rhin : l’inland ECDIS, qui reprend l’ECDIS maritime et intègre également les
conditions spécifiques à la navigation intérieure. En recoupant les informations de positionnement
des embarcations, la carte électronique ECDIS présente l’image tactique du trafic et peut donc
fournir une aide précieuse au pilote pour réduire le risque d’accident et optimiser son parcours.
En milieu fluvial, la précision attendue du géopositionnement est très variable selon le type
d’applications : de l’ordre du mètre pour le pilotage des embarcations, jusqu’à 1 km pour la
diffusion d’informations touristiques aux usagers.
Tout comme en milieu maritime et portuaire, le système d’identification automatisé AIS intérieur
peut être utilisé sur la voie fluviale, mais son usage sera sans doute limité aux zones à fort trafic
et/ou à forte accidentologie compte tenu des coûts qu’il sous-tend. D’ores et déjà, le CETMEF a
conduit avec succès une expérimentation de l’AIS sur le bief parisien, même si les passages sous les
ponts occasionnent fréquemment une perte temporaire de l’information de positionnement. Dans les
zones non AIS, il est vraisemblable que les réseaux de radiocommunications publics de type GPRS
seront utilisés pour rapatrier vers l’exploitant les données relatives au positionnement des
embarcations.
A ce jour l’utilisation de moyens de géopositionnement est encore peu répandue parmi les usagers
de la voie fluviale, mais va certainement s’accroître sous l’impulsion des organismes exploitants et
suite à l’adoption par l’Union Européenne de la directive « River Information Services ».
En effet, la Commission a publié le 7 septembre 2005 une directive dite RIS, visant à la mise en
oeuvre de services d'information fluviale (SIF) harmonisés sur les voies navigables
communautaires. Cette directive établit le cadre du déploiement et de l'organisation des SIF afin de
soutenir le développement de la navigation intérieure, dans un souci de renforcement de la sécurité
et de l'efficacité de ce mode, de préservation de l'environnement et d'amélioration de l'interface avec
les autres modes. Elle s'applique aux voies navigables à grand gabarit (de classe IV ou supérieure
reliées à une autre voie du même gabarit dans un autre Etat membre).
Les SIF couvrent des services tels que l'information sur les chenaux, l'information sur le trafic, la
gestion du trafic, l'atténuation des catastrophes, l'information sur la gestion des transports, les
statistiques et les services douaniers, les redevances de voies navigables et taxes portuaires. Les
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orientations techniques contenues dans cette directive préconisent une utilisation accrue de la
cartographie électronique (ECDIS intérieur- Electronic Chart Display and Information System), la
mise en oeuvre de systèmes de repérage et de suivi des navires (AIS intérieur- Automatic
Identification System) et recommandent que soit recherchée une interopérabilité maximale entre les
systèmes des différents Etats.
Au-delà de la directive RIS, la Commission a mis au point un programme cadre visant à
promouvoir le transport par voies navigables (NAIADES : NAvigation Intérieure, Actions et
Développements en Europe). L'exposé des motifs de ce programme rappelle le rôle crucial des SIF
pour améliorer l'efficacité et la sécurité de la navigation et demande explicitement que leur mise en
place et leur développement soient assurés de manière coordonnée dans le cadre des réseaux
transeuropéens.
Au plan national, VNF et le CETMEF ont mis au point un programme de recherche intitulé « voie
d'eau intelligente ».déclinant les objectifs d’amélioration de l’efficacité et la sécurité de la
navigation intérieure, ainsi que, de réduction des risques d’atteinte à l’environnement.
Parmi les projets de recherche et systèmes “pilote opérationnel” auxquels le CETMEF participe,
peuvent être mentionnés :
Le projet GUIDNAF (GUIDage pour la NAvigation Fluviale)
Une nouvelle aide à la navigation sera expérimentée sur les bateaux chargés de convoyer les pièces
de l’Airbus A380 sur la Garonne (depuis Pauillac jusqu’à Langon). Ce système utilisera la
cartographie ECDIS en mode « navigation » sur laquelle seront fusionnées les données issues du
radar embarqué et les données de positionnement GPS du bâtiment. L'objectif est de sécuriser le
positionnement de la barge vis-à-vis d'éventuelles défaillances du GPS, permettant ainsi la
navigation lorsque les conditions de visibilité sont mauvaises..
En outre, il est prévu une fonction de prédiction des trajectoires en fonction des informations
fournies par les capteurs internes et externes à la barge. Pour ce faire, le logiciel NAVMER,
initialement développé par le CETMEF pour le simulateur/entraîneur de l'école des apprentis
navigants, sera réutilisé.
L’ensemble de ces éléments sera fusionné sur un écran unique à disposition du pilote
Ce projet a été retenu par le PREDIT 3 ; les partenaires sont la SODENA comme chef de file
industriel (cette société a réalisé l'outil de visualisation de la carte ECDIS qui équipe déjà la barge),
la SOCATRA (transporteur), le Port Autonome de Bordeaux, le service de navigation du sud-ouest
et le CETMEF.
Les travaux ont débuté au 1er semestre 2007.
Le projet SINAFE (Services Innovants pour la NAvigation Fluviale basés sur Egnos)
Le projet SINAFE a pour objectif de développer et démontrer des services innovants pour le
transport fluvial utilisant EGNOS et Galileo. L’innovation sera focalisée sur les apports d’EGNOS
en ce qui concerne l’intégrité et la précision pour des opérations critiques (mauvaise visibilité, anticollision). Le projet SINAFE aboutira à un prototype en grandeur réelle dans le cadre du système
d’information fluviale déployé sur le segment Paris-Rouen et sera donc en totale cohérence avec la
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future connexion à grand gabarit Seine-Nord Europe.
Le consortium SINAFE a été constitué de façon à recouvrir la trilogie besoins utilisateurs,
innovation et exploitation industrielle. Le chef de file est la société M3 Systems, participent
également la société SODENA, Voies Navigables de France, le laboratoire TESA, le Comité des
Armateurs Fluviaux et le CETMEF pour ce qui concerne la spécification du système, la définition et
le déploiement des tests ainsi que la synthèse du projet.
Le projet SINAFE a été retenu le 28 juin 2007 par le comité de pilotage ULISS (Utilisation comme
Levier d'Innovation des Signaux Satellites) dans le cadre d'un appel à projets de la Direction
Générale des Entreprises du Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie. Le projet
SINAFE a également été labellisé par le pôle de compétitivité AESE (Aerospace Valley).
Les travaux ont débuté au 4ème trimestre 2007.
Le projet de SIF pilote Seine-Escaut
Ce projet de SIF pilote opérationnel associe Voies Navigables de France et l'autorité Wallonne des
voies navigables ; sont également partie prenante au projet l'exploitant Autrichien Via Donau, qui
apporte son expertise en matière de SIF, ainsi que le CETMEF pour l'étude et le déploiement du
système AIS. Il bénéficie d'un cofinancement par la Commission Européenne (programme Réseaux
de Transport Européens) et les travaux ont débuté en 2008.
Il s'agit, de part et d'autre du canal Seine Nord Europe, sur l'axe Seine-Escaut, de mettre en oeuvre
un SIF opérationnel doté de quelques fonctions essentielles :
Infrastructure de gestion du trafic (AIS),
Dématérialisation des déclarations de chargement (ERI),
Echange de données entre autorités responsables (avis à la batellerie, chargement/voyage,
localisation),
Echange de données avec les opérateurs commerciaux.
Ce premier SIF pilote sur le réseau franco-belge de voies navigables facilitera le transfert sur la voie
fluviale du fret routier ; il favorisera la massification du transport de marchandises à l’entrée et à la
sortie des ports maritimes ; il permettra de relier et desservir les grands pôles économiques NordOuest et Centre- Européens jusqu’au coeur des agglomérations.
Outre ces 3 projets déjà bien entamés, d'autres projets opérationnels majeurs mettant en oeuvre les
techniques satellitaires devraient prochainement émerger et sont à rattacher au concept de voie d'eau
intelligente :
La rénovation du CARING (Centre d'Alerte Rhénan et d'Information Nautique de Gambsheim),
système de suivi des transports de matières dangereuses sur le Rhin, incluant le suivi et le repérage
par AIS des navires concernés.
Le lancement du projet « Moselle Intelligente », visant à superviser les barrages et écluses, gérer
les paramètres hydrauliques, connaître l'état du trafic et informer les usagers sur les conditions
d'exploitation de la voie d'eau.
En conclusion, il convient bien sûr de souligner l'apport potentiel que permettra le système Galileo,
plus précis et plus sûr que le GPS actuel, pour la navigation intérieure et en zone portuaire :
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Levers bathymétriques dans les ports et sur les voies navigables
Exploitation de l'outillage portuaire
Aides à la navigation en milieu fluvial ou portuaire
« Geofencing » : éviter le croisement ou la proximité de convois spéciaux (matières
dangereuses) dans les zones sensibles