Biodoc n 33. éloge de l`étourneau

Transcription

Biodoc n 33. éloge de l`étourneau
Association Nature et Progrès
Association d’agriculture
écologique de l’Orne (AGRECO)
Groupement régional d’agriculture
biologique de Basse-Normandie (GRAB)
Document Biodoc n° 33
novembre 2014
Joseph Pousset
(tous droits de reproduction réservés)
Eloge de l’étourneau
Non ce titre n’est pas une provocation. L’étourneau a certes mauvaise réputation chez beaucoup d’agriculteurs et
de jardiniers pour diverses raisons, bonnes ou mauvaises, bien connues et sur lesquelles nous allons revenir.
Cependant il a également des « mérites » généralement ignorés ou sous-estimés pourtant dignes d’être
objectivement repérés et exposés.
Familier
Maintes fois décrit dans les publications l’étourneau sansonnet (Sturnus vulgaris) est un hôte commun de nos
campagnes. Tous ceux d’entre nous qui ont une connaissance, même modeste, de la nature savent distinguer son
corps plutôt rond au plumage sombre parsemé de taches claires. Les ornithologues nous apprennent qu’il pèse
environ quatre-vingt grammes et mesure une vingtaine de centimètres. Il est donc un peu plus petit en moyenne
que le merle noir ou la grive musicienne.
Son vol direct et assez rapide est un autre critère qui le caractérise bien.
Pas difficile
L’étourneau sait faire preuve d’une grande capacité d’adaptation dans son alimentation : fruits, graines, insectes,
larves, limaces, vers de terre…
Il peut vivre et nicher dans des habitats variés : bocage, bordures forestières, milieux ouverts avec quelques
bosquets, parcs urbains…
Il parvient donc assez bien à subsister dans les milieux fortement transformés par l’homme (mais c’est également
dans ces conditions qu’il peut devenir gênant).
Il vit aussi bien en petits groupes qu’au sein de troupes considérables.
Des comportements caractéristiques et remarquables
Certains individus sont sédentaires dans nos contrées. D’autres passent l’été plus à l’Est et reviennent chez nous
seulement en hiver. Le spectacle des étourneaux marchant en bande dans un champ ou une prairie et enfonçant le
bec dans le sol à intervalles réguliers pour en retirer lombrics, larves et limaces est assez fascinant. Ce ne sont pas
des oiseaux « sautilleurs » comme les merles.
L’étourneau est un imitateur remarquable qui peut reproduire le chant d’autres oiseaux mais également des bruits
insolites comme les sonneries de téléphone ou le coup de sifflet du chef de gare… On peut l’apprivoiser et lui
apprendre à « parler ».
Auxiliaire de l’éleveur
Là encore ce titre paraît provocateur, car aujourd’hui en élevage l’étourneau est vu surtout comme un prédateur
des tas d’ensilage…
On a sans doute oublié (ou ignoré) qu’il a consommé et peut encore consommer les larves parasites vivant sur le
corps des animaux. Notamment celles des fameux varrons dont la maîtrise a donné lieu, il y a quelques années, à
polémique entre l’administration vétérinaire et certains praticiens de la culture biologique refusant les traitements
chimiques que l’on voulait leur imposer.
Adrien Linden dans « Un Nid d’oiseau, les défenseurs de l’agriculture » nous apprend que les étourneaux
« …sont les amis des bestiaux, des cerfs et autres ruminants. Ils vont familièrement se percher sur leur dos et les
débarrassent de la vermine qui les tourmente. Je viens de vous parler des œstres qui pondent sur les gros
animaux… les larves de ces mouches se logent entre cuir et chair… leur présence détermine une tumeur dans
laquelle ces larves vivent… les sansonnets crèvent ces tumeurs avec leur bec, arrachent les larves qui s’y
prélassent et les croquent… »
J’ignore quel était l’impact réel de l’action de l’étourneau dans ce domaine mais le sujet fera certainement sourire
les défenseurs et praticiens d’ l’élevage « moderne » et « industriel ».
Auxiliaire de l’agriculteur en général
En consommant beaucoup de limaces, de larves d’insectes et d’insectes adultes l’étourneau protège les cultures.
C’est ainsi que les larves de taupins, de noctuelles (« vers gris ») et de tipules qui causent parfois des dégâts
sérieux en agriculture naturelle, figurent en bonne place à son menu. La larve du hanneton (« ver blanc »), bien
moins commune qu’autrefois pour des raisons difficiles à établir avec précision, fait aussi partie du casse-croute
de l’étourneau. Le ver de terre également mais sans que la population des lombrics soit mise en danger pour
autant.
Vers 1900 un spécialiste, Brehm, a effectué des observations montrant qu’une seule famille d’étourneaux avait
consommé dans une journée 346 limaces et insectes.
C’est souvent sur les terrains humides, notamment dans les prairies, que l’étourneau exerce cette activité
d’auxiliaire.
Un rôle reconnu… à l’Est et pas à l’Ouest !
Curieusement ce rôle d’auxiliaire de l’agriculture est (ou était ?) traditionnellement reconnu en Russie, en Europe
de l’Est et en Allemagne alors qu’il ne l’était guère en France ni, semble-t-il, dans les autres pays d’Europe de
l’Ouest (sauf peut-être au Royaume Uni).
Pourquoi ? Peut-être est-ce culturel ? Les agriculteurs des pays de l’Est seraient-ils plus observateurs, plus
proches des mécanismes naturels œuvrant en agriculture ? C’est surprenant.
En tout cas, ils installent (ou installaient) traditionnellement des nichoirs à étourneaux à sept ou huit mètres audessus du sol, soit dans les arbres (mais pas dans les résineux) soit à l’extrémité de longues perches plantées dans
le sol. Ils cherchaient ainsi à attirer le plus possible d’étourneaux dans les champs, les prairies, les vergers et
même dans les forêts (Blagosklonov, 1968).
Et pourtant…
Et pourtant, l’étourneau est considéré chez nous actuellement comme un quasi fléau par beaucoup de gens.
Par des éleveurs qui lui reprochent notamment, nous l’avons vu, de s’attaquer aux tas d’ensilage.
Mais aussi par des citadins qui redoutent ses grands rassemblements nocturnes sources de bruits et de fientes.
Ou encore par des producteurs de fruits craignant les dégâts aux récoltes…
Alors ?
Alors un examen attentif des faits et une réflexion objective et honnête nous conduisent à comprendre que si la
présence de l’étourneau est devenue quelquefois problématique depuis quelques dizaines d’années, c’est d’abord
parce que l’espèce humaine a provoqué d’importants changements.
La dégradation des milieux naturels (régression du boisement champêtre notamment) a raréfié ses prédateurs
naturels (faucons pèlerin et crécerelle, écureuils, fouines, belettes…).
Elle a par ailleurs réduit le nombre de sites de nidification et de repos, encourageant la concentration de ces
oiseaux en vols importants et gênants.
La généralisation de l’ensilage (surtout de maïs) en élevage leur fournit une nourriture abondante qui encourage
leur stationnement et favorise leur multiplication.
La raréfaction des sites où les animaux peuvent passer la nuit les a poussés à s’installer parfois dans le boisement
urbain où l’agitation et les lumières nocturnes les maintiennent plus ou moins éveillés et bruyants alors que dans
un dortoir plus « naturel » ils restent parfaitement silencieux dans l’obscurité.
D’abord des solutions de bon sens
L’énoncé des maux suggère les remèdes à appliquer pour que notre étourneau redevienne l’ami qu’il aurait dû
rester. Restauration du boisement champêtre pour qu’il ait des sites de nidification et de repos suffisamment
nombreux ne l’obligeant pas à former de grandes bandes.
Remise en état et respect des milieux où ses prédateurs naturels vivent.
Un élevage faisant moins appel à l’ensilage est également bienvenu, comme on le préconise en culture
biologique.
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Eventuellement quelques nichoirs
On peut attirer et fixer sur place les étourneaux grâce à des nichoirs fermés de formes variées dont le fond mesure
une quinzaine de centimètres de diamètre (dans le cas des nichoirs cylindriques) ou une douzaine de centimètres
de côté (pour les nichoirs parallélépipédiques). La hauteur peut varier de vingt-cinq à trente centimètres. Le trou
d’envol est percé dans la moitié supérieure et mesure cinq centimètres de diamètre.
Les nichoirs sont placés à huit ou dix mètres de hauteur dans les grands arbres ou sur tout autre support (pignon
de maison…). Il est possible et même recommandable d’en mettre plusieurs dans la même zone (l’étourneau est
sociable) mais on doit les espacer de quatre ou cinq mètres.
Des perchoirs situés à proximité sont bienvenus ainsi qu’une mare ou un cours d’eau.
Une opposition efficace si nécessaire
Nous avons compris que dans les régions agricoles où les milieux naturels sont suffisamment sauvegardés
l’étourneau est souvent un auxiliaire de l’agriculteur.
Cela n’empêche pas qu’il est parfois un ami envahissant qu’il faut tenir à distance pour l’empêcher de
consommer avec excès nos récoltes, de fruits ou autres.
Bannissons évidemment les méthodes violentes qui ont été (et sont peut-être encore ?) utilisées contre les grands
rassemblements d’étourneaux comme l’empoisonnement ou l’utilisation d’explosifs ( !).
Le fusil ou la carabine rendent parfois service pour tuer quelques individus. Cela permet d’effrayer et d’éloigner
les autres momentanément mais le plus souvent pas longtemps. Diverses recettes culinaires permettent de
consommer les étourneaux, mets réputés dans certaines régions et peu appréciés dans d’autres.
Les épouvantails artisanaux de toutes formes et tailles ne sont généralement pas efficients bien longtemps.
D’autres manières d’opérer sont plus performantes. L’installation au milieu du verger d’un perchoir sur lequel on
place un épervier domestiqué serait particulièrement efficace (Blogosklonov) mais je crains que ceci ne soit pas
très légal en France.
Les procédés acoustiques permettant de diffuser des cris de détresse on fait leurs preuves dans certaines
situations et pas dans d’autres…
Les silhouettes de rapace suspendues à un ballon captif agissent plus ou moins longtemps mais pas toujours
suffisamment…
En fait la seule protection véritablement efficace consiste à poser des filets bien hermétiques sur les arbres ou les
récoltes à protéger. Malheureusement cette façon de faire est couteuse et pas toujours envisageable pour diverses
raisons. Elle présente aussi l’inconvénient d’empêcher le rôle insectivore des oiseaux.
Comme quoi dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres rien n’est parfait ; à chacun de faire pour le mieux.
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