infections osteo-articulaires de l`enfant

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infections osteo-articulaires de l`enfant
INFECTIONS OSTEO-­‐ARTICULAIRES DE L’ENFANT Question ENC n° 92 M Bachy, R Vialle (Hôpital Armand Trousseau – Paris) Objectifs de l’enseignement :
1. Diagnostiquer une infection osseuse et/ou articulaire
2. Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient
Plan
1. Introduction
2. L’ostéomyélite
2.1 Définition
2.2 Présentation clinique
2.3 Prise en charge en urgence
2.3.1 C’est une urgence !
2.3.2 La recherche du germe en cause
2.3.3 Les autres examens complémentaires
2.4 Le traitement
2.5 L’évolution
2.6 Formes cliniques
2.6.1 Ostéomyélite du nouveau-né et du nourrisson
2.6.2 L’ostéomyélite sub-aiguë
2.6.3 L’ostéomyélite chronique
2.6.4 Topographie particulière : L’ostéomyélite de la grosse tubérosité du calcanéum.
2.6.5 Topographie particulière : La spondylodiscite (ou disco-spondylite)
2.7 Diagnostic différentiel des ostéomyélites
2.8 Suivi et surveillance
3. Les arthrites bactériennes
3.1 Introduction
3.2 Présentation clinique
3.3 Examens biologiques
3.4 Examens d’imagerie
3.5 La ponction articulaire et les prélèvements bactériologiques
3.6 Traitement
3.7 Evolution
3.8 Formes cliniques
3.8.1 Arthrite du nouveau-né et du nourrisson
3.8.2 Arthrite de l’articulation sterno-claviculaire
3.8.3 Arthrite de la sacro-iliaque
3.8.4 Germes habituels et germes rares
3.9 Diagnostics différentiels
3.9.1 Arthrites réactionnelles virales
3.9.2 Arthrite réactionnelle à corps étrangers
3.9.3 Arthrites réactionnelles (Lyme, méningocoques, gonocoques)
3.9.4 Arthrites rhumatismales
4. Conclusions
1 L’essentiel en 9 points Les infections ostéo-articulaires de l’enfant sont le plus souvent hématogènes.
Arthrite
+
Ostéomyélite
= fréquentes chez l’enfant
zones de croissance juxta –articulaires = richement vascularisées
Toute douleur osseuse ou articulaire fébrile
= infection ostéo-articulaire jusqu’à preuve du contraire
La palpation des métaphyses
d’un nourrisson fébrile!
+
la mobilisation des articulations
= obligatoire
+
doit être répétée quotidiennement!
Infections ostéo-articulaires de l’enfant en croissance = urgences médicochirurgicales
Prélèvements bactériologiques
urgents à réaliser +++ !
doivent précéder l’antibiothérapie
Double antibiothérapie parentérale nécessaire au début du traitement.
- Pronostic fonctionnel : constamment mis en jeu.
- Pronostic vital : rarement.
Après guérison, suivi = prolongé
recherche :
-  trouble de croissance
-  séquelles articulaires
2 1. Introduction
Les infections ostéo-articulaires regroupent deux grands types de pathologies
différentes.
• Les arthrites qui sont des infections de l’articulation,
• les ostéomyélites qui sont des infections des métaphyses ou des
épiphyses au contact des cartilages de croissance.
Ces deux pathologies infectieuses sont des atteintes de la chondro-épiphyse par une
bactérie, elle-même inoculée par une porte d’entrée. La physiopathologie des
infections ostéo-articulaires n’a jamais été établie avec certitude. Elle est spécifique
de l’os en croissance.
C’est une urgence diagnostique et thérapeutique
2. L’ostéomyélite 2.1 Définition L’ostéomyélite est une infection par voie hématogène (c’est la conséquence
d’une septicémie ou d’une bactériémie), de l’os en croissance (elle n’existe plus à
maturité osseuse), atteignant de préférence la métaphyse des os longs.
La plaque de croissance et l’épiphyse fertile peuvent donc être atteintes et
donner des séquelles d’inégalité de longueur de membre ou de déviation d’axe des
membres.
L’ostéomyélite est généralement due au staphylocoque (ce qui permet de
mettre en œuvre en urgence un traitement antibiotique le plus souvent adapté).
2.2 Présentation clinique • Il s’agit le plus souvent d’un jeune enfant sans antécédent particulier qui
présente brutalement :
- un tableau fébrile avec une température élevée souvent supérieure à
39°,
- une douleur d’un segment de membre,
- associée à une impotence fonctionnelle le plus souvent marquée,
voire totale.
Le tableau est souvent impressionnant avec une altération importante et rapide de
l’état général.
• L’interrogatoire retrouve souvent un épisode inflammatoire habituellement
rhinopharyngé, non spécifique. La notion d’un traumatisme bénin, fréquent chez
l’enfant, est souvent invoquée à tort et retarde parfois la première consultation.
•
L’examen clinique est un temps important.
La règle devant un enfant fébrile est
- de rechercher une otite
- et de palper les épiphyses fertiles.
3 Le grand enfant indique très clairement la zone douloureuse et impotente, et la
palpation attentive et douce va montrer qu’il existe une douleur qui est située au
niveau d’un cartilage de croissance.
Il s’agit le plus souvent du cartilage inférieur du fémur ou supérieur du tibia.
Cette douleur est caractéristique, vive et circulaire, en regard du cartilage de
croissance.
er
1 stade de l’ostéomyélite : L’atteinte
métaphysaire par voie hématogène. La palpation
de la région métaphysaire est douloureuse.
Le fait sémiologique important, est que la mobilisation très douce de
l’articulation adjacente à la zone douloureuse, est possible et peu
douloureuse. Il s’agit donc d’une atteinte «osseuse» et non pas « articulaire »
(arthrite). Cette constatation clinique permet de faire la différence entre
l’arthrite septique et l’ostéomyélite.
• L’examen clinique doit être complet ; il faut toujours palper toutes les aires
ganglionnaires, ainsi que l’abdomen, cela sera très utile au moment du diagnostic
différentiel.
•
• L’examen doit rechercher une porte d’entrée qui est le plus souvent cutanée.
L’ongle incarné, une petite plaie ou des lésions de grattage sont des portes d’entrée
classiques.
Au total : un enfant qui présente brutalement :
- une douleur osseuse métaphysaire, circonférentielle,
- dans un contexte fébrile,
- avec une impotence fonctionnelle,
est suspect de présenter une ostéomyélite aiguë. 2.3 Prise en charge en urgence 2.3.1 C’est une urgence ! Il faut hospitaliser rapidement l’enfant et réaliser :
un bilan biologique
un bilan radiographique.
4 • Le bilan biologique confirme la présence d’un syndrome inflammatoire avec
hyperleucocytose et élévation de la C Reactive Protein (CRP). La CRP est le
meilleur marqueur du syndrome inflammatoire et le meilleur outil de surveillance
de l’efficacité du traitement.
• L’imagerie doit être faite mais doit rester simple dans un premier temps. Elle
ne doit pas être responsable d’un retard dans la prise en charge. La radiographie
standard doit être réalisée à la recherche d’une géode métaphysaire.
Aspect radiologique de géode
métaphysaire fémorale droite
- La radiographie est souvent décevante car elle est normale au début de
l’évolution de l’ostéomyélite. Cette radio pourra même rester rigoureusement
normale si le traitement est efficace en urgence, et l’évolution favorable. La
radiographie ne montre des signes importants (ostéolyse, appositions périostées)
que dans les formes traitées ou diagnostiquées avec retard.
- L’échographie est un examen simple, non invasif, reproductible, d’obtention
aisée.
Au tout début il est lui aussi négatif mais a le grand avantage de permettre l’étude de
l’articulation adjacente au cartilage de croissance incriminé, à la recherche d’un
épanchement articulaire. L’échographie permet également de découvrir précocement
l’existence d’un abcès sous-périosté.
La constitution de l’abcès
sous-périosté. Le point de
départ est métaphysaire.
5 Aspect
échographique
d’un abcès
sous-périosté 2.3.2 La recherche du germe en cause • L’ostéomyélite aiguë étant la conséquence d’une septicémie, les
hémocultures sont indispensables en cas d’hyperthermie. Il est nécessaire de
préciser sur la demande d’hémoculture la recherche de staphylocoque doré mais
également de streptocoque, d’hémophilus influenzae, et de kinguella kingae. Malgré
ces recherches, le germe n’est identifié que dans moins de 50% des cas. La
multiplication des prélèvements est donc fondamentale.
• La ponction de la métaphyse peut être réalisée, sous anesthésie générale,
afin de rechercher le germe en cause.
• L’évacuation chirurgicale d’un abcès sous-périosté peut être nécessaire.
Une ponction métaphysaire est alors réalisée et les deux prélèvements
bactériologiques adressés au laboratoire.
2.3.3 Les autres examens complémentaires La scintigraphie est un examen non spécifique de l’infection. Il peut être très
utile pour découvrir des localisations quelquefois multiples, ou difficiles à
diagnostiquer (rachis).
La scintigraphie est donc utile lorsque la clinique ou l’imagerie ne permet pas de
conclure avec certitude ou parfois pour la surveillance du traitement.
• L’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) est certainement l’examen le
plus performant pour étudier l’atteinte osseuse et son extension (abcès, atteinte
diaphysaire, …) L’IRM est parfois difficile à obtenir en urgence et nécessite des
conditions de sédation particulière chez le tout petit enfant.
•
6 Examen IRM (T2) montrant l’existence d’un
abcès sous-périosté à la face antérieure du
fémur chez un enfant présentant une
ostéomyélite d’évolution défavorable L’IRM est très utile pour suivre l’évolution de l’ostéomyélite surtout si celle-ci évolue
vers la chronicité ou la constitution d’abcès intra-osseux.
2.4 Le traitement • Le traitement de l’ostéomyélite est une urgence. Il est toutefois nécessaire de
faire tous les prélèvements bactériologiques (ponction métaphysaire et prélèvements
périphériques) avant de mettre en route le traitement antibiotique. Le traitement
consiste en une antibiothérapie à large spectre anti-staphylococcique de
principe, initialement intraveineuse. Cette antibiothérapie doit ensuite, si le
diagnostic est confirmé, être poursuivie pendant plusieurs semaines si nécessaire,
dans de bonnes conditions.
• Le membre doit être mis au repos, voire immobilisé dans un plâtre
essentiellement à visée antalgique.
2.5 L’évolution • Vue au début et traitée en urgence, une ostéomyélite aiguë a généralement
une évolution favorable. L’hyperthermie régresse en quelques heures, la douleur
disparaît en quelques jours et le bilan biologique fait au 3ème jour montre une chute
significative de la CRP ainsi que de la polynucléose. Dans ce cas, l’évolution à terme
est une guérison complète sans aucune séquelle, notamment sur la croissance
ultérieure du membre.
• Si l’évolution est défavorable et que le germe n’est pas identifié, il faut alors
modifier l’antibiothérapie en utilisant une antibiothérapie plus large par voie
intraveineuse. En cas d’évolution défavorable la zone incriminée reste douloureuse,
tandis que la radiographie montre des signes d’ostéolyse et d’appositions périostées.
Ces ostéomyélites traitées avec retard peuvent entrainer des séquelles, notamment
des troubles de croissance par destruction partielle ou complète de la zone de
croissance (épiphysiodèse).
7 2.6 Formes cliniques 2.6.1 Ostéomyélite du nouveau-­‐né et du nourrisson • Elle est très particulière car très grave, avec un pronostic redoutable pour
l’épiphyse concernée. 50% de ces ostéomyélites sont localisées au niveau de la
hanche ; dans les 2/3 des cas l’infection survient dans les deux premiers mois de la
vie, et il existe un pic de fréquence au 30ème jour.
• Chez le nouveau-né ou le nourrisson, l’ostéomyélite de l’extrémité supérieure
du fémur, est toujours une ostéo-arthrite compte tenu de l’anatomie de la hanche à
cet âge.
IRM de la hanche (séquence T2 Spin echo)
chez un enfant âgé de 4 mois. Notez la
grande proximité de la région métaphysaire
avec l’articulation elle-même. Cette anatomie
explique la fréquence de la diffusion
articulaire en cas d’atteinte infectieuse
métaphysaire initiale.
La clinique est parfois extrêmement trompeuse. La fièvre n’est pas toujours
présente.
Le tableau clinique classique est celui d’une limitation douloureuse d’une articulation,
avec un aspect pseudo-paralytique d’un membre qui ne bouge plus ou qui bouge
beaucoup moins bien que le membre controlatéral. On peut confondre facilement
une ostéo-arthrite de l’épaule d’un nouveau-né avec une pseudo-paralysie
obstétricale. Il existe également une forme septicémique très bruyante qui doit faire
rechercher des localisations métaphysaires et articulaires chez le nouveau-né.
• La biologie confirme l’état infectieux et l’échographie est l’examen clé qui
permet de visualiser l’épanchement articulaire, associé parfois à un abcès souspériosté.
• La radiographie est toujours utile, pouvant donner des pseudo-aspects de
luxation de hanche, secondaire à un épanchement articulaire souvent très important.
•
8 Ostéomyélite métaphysaire proximale du
fémur droit. L’excentration de la tête
fémorale (aspect de « pseudo-luxation)
secondaire à l’épanchement articulaire
est bien visible. Cette arthrite est
secondaire à la diffusion des bactéries
dans l’articulation à partir du foyer
métaphysaire.
• Les autres articulations incriminées en dehors de la hanche, sont souvent le
genou et l’épaule.
• Chez le tout petit nourrisson, il faut toujours penser aux formes pluri-focales
et se méfier des atteintes rachidiennes qui passent très souvent inaperçues. La
scintigraphie permet dans ce cas de diagnostiquer la totalité des lésions.
• Le traitement est une urgence absolue. Il est toujours réalisé en milieu
chirurgical avec réalisation d’une ponction, évacuation d’un éventuel abcès et
lavage articulaire, suivi d’une antibiothérapie et d’une immobilisation à but antalgique.
2.6.2 L’ostéomyélite sub-­‐aiguë • Son tableau est moins bruyant et par conséquent plus difficile à diagnostiquer
que celui de l’ostéomyélite aiguë. Il s’agit souvent d’une boiterie, d’un refus de la
marche ou d’une raideur rachidienne.
• L’évolution de l’infection osseuse est très peu bruyante, il n’y a pas de signes
généraux mais des douleurs, avec parfois des signes locaux inflammatoires peu
importants (Ostéomyélité sub-aiguë pseudo-tumorale).
• L’aspect radiologique classique est une géode finement cerclée,
métaphysaire ou épiphysaire ; au niveau diaphysaire, c’est un épaississement
cortical.
• Le bilan biologique est peu perturbé et les hémocultures sont négatives.
• Le curetage biopsique de cette géode permet le diagnostic positif en sachant
que l’anatomopathologie est peu spécifique et que la bactériologie n’est positive que
dans 50% des cas.
Le traitement antibiotique est instauré et poursuivi selon les mêmes principes que
pour le traitement de l’ostéomyélite aiguë.
2.6.3 L’ostéomyélite chronique • En France, où les ostéomyélites aiguës sont traitées en urgence, on rencontre
peu d’ostéomyélites chroniques vraies, alors qu’il s’agit d’une situation fréquente
9 chez les enfants de pays moins favorisés. Le terme d’ostéomyélite chronique
désigne une ostéite évoluant de façon chronique et souvent torpide. C’est dans ces
formes d’ostéite chronique qu’il faut savoir rechercher les germes rares (le
pneumocoque, l’haemophilus, la salmonelle, les levures et les micro-bactéries, ainsi
que le BK).
Image IRM évocatrice d’une ostéomyélite
chronique touchant la diaphyse fémorale.
Les remaniements au niveau du canal
médullaire sont bien visibles.
• Le traitement comporte l’ablation éventuelle de tout matériel et corps étranger,
l’ablation de tous les fragments d’os nécrotiques et dévascularisés (séquestres), le
lavage et le débridement de tous les trajets fistuleux et une antibiothérapie prolongée.
2.6.4 Topographie particulière : L’ostéomyélite de la grosse tubérosité du calcanéum. Il s’agit d’un enfant qui boite dans un contexte fébrile avec une douleur
élective à la pression de la grosse tubérosité du calcanéum. Il existe deux pics de
fréquence entre 2 et 3 ans et 10 et 12 ans. Il faut savoir y penser et ne pas attribuer
la clinique lorsque l’enfant a 12 ans, à une possible maladie de Sever (ostéonécrose
aseptique juvénile idiopathique de la grosse tubérosité du calcanéum).
La radiographie standard et en particulier l’incidence rétro-tibiale permet souvent
de voir une image lytique de la grosse tubérosité du calcanéum. La scintigraphie et
le scanner peuvent aider au diagnostic. Le traitement repose sur l’antibiothérapie,
après ponction de la lacune osseuse.
10 2.6.5 Topographie particulière : La spondylodiscite (ou disco-­‐spondylite) La spondylodiscite est une ostéomyélite discale et vertébrale qui réalise des
tableaux trompeurs.
• Le maître signe clinique est la raideur rachidienne. Cette raideur rachidienne
peut être confondue avec une boiterie ce qui peut entrainer un retard diagnostic.
Chez le petit enfant qui ne marche pas encore bien, le signe clinique évocateur est le
refus de la position assise ou une gêne douloureuse au maintien de la position
assise.
• Les signes biologiques inflammatoires et infectieux sont habituellement
présents mais peuvent être modérés.
• L’examen clinique et le bilan biologique sont complétés par un bilan
radiographique (radiographie du rachis de face et de profil) qui peut montrer un
pincement discal associé ou non à une ostéolyse ou à une condensation des
plateaux vertébraux.
• La scintigraphie osseuse est utile et montre une hyperfixation centrée sur un
espace disco-vertébral.
• L’IRM est un examen également très utile qui montre l’atteinte du disque
associée à un oedème osseux des corps vertébraux adjacents. En cas de doute
diagnostique, une ponction du disque et des corps vertébraux suspects peut être
réalisée sous anesthésie générale.
• Le traitement est médical. Il associe une antibiothérapie à l’immobilisation du
rachis dans un corset pendant quelques semaines si les douleurs et la raideur sont
importantes.
Aspect IRM en T2 d’une spondylodiscite
thoracique avec atteinte de deux disques
et d’un corps vertébral. Image d’un abcès
antérieur
et
d’une
destruction
progressive
du
corps
vertébral
responsable d’une cyphose locale.
2.7 Diagnostic différentiel des ostéomyélites Il faut toujours avoir présent à l’esprit, la possibilité de tumeur osseuse et
articulaire, les localisations osseuses des hémopathies, et se souvenir que la
tuberculose est actuellement en recrudescence.
2.8 Suivi et surveillance La prise en charge d’une ostéomyélite nécessite un suivi de l’enfant jusqu’à
11 la fin de sa croissance pour juger des éventuelles séquelles de cette infection
métaphysaire sur la zone de croissance. Certaines ostéomyélites qui ont eu une
évolution difficile, longue ou atypique, peuvent conduire quelquefois à des récidives.
Le suivi jusqu’en fin de croissance est donc impératif.
3. Les arthrites bactériennes 3.1 Introduction L’arthrite est l’infection d’une articulation généralement due à la diffusion
hématogène d’un germe et plus rarement due à une inoculation directe. L’arthrite se
traduit par un épanchement purulent dans la cavité articulaire. C’est une urgence.
Les grosses articulations sont plus fréquemment touchées. Le membre
inférieur est touché dans 75% des cas (genou 33%, hanche 24%, cheville 16%, pied
3%). Le coude est touché dans 9% des cas et l’épaule dans 3% des arthrites
septiques.
L’arthrite est une affection fréquente dont le pronostic est lié au risque de
destruction articulaire avec les séquelles majeures que cela entraîne. Ce risque de
destruction articulaire est majeur chez le nouveau-né.
3.2 Présentation clinique Le tableau typique est celui :
• d’une douleur articulaire d’apparition brutale entraînant une impotence
fonctionnelle totale. Toute tentative de mobilisation même très douce est
impossible et surtout très douloureuse pour l’enfant. La palpation de l’interligne
articulaire est extrêmement douloureuse, la palpation métaphysaire est indolore, et la
palpation douce de l’articulation immobile permet de retrouver l’épanchement intraarticulaire au niveau des articulations superficielles comme le genou (choc rotulien),
la cheville, le coude ou le poignet.
• La fièvre est habituellement élevée à 39/40°, souvent oscillante, avec des
frissons et une tachycardie. Il faut souligner d’emblée la forme trompeuse du
nourrisson où la fièvre est parfois absente, où il existe même une hypothermie, mais
où l’altération de l’état général est importante avec un refus alimentaire.
L’impotence peut faire penser à tort chez le tout petit, que le membre est paralysé.
Le tableau peut se dégrader très rapidement et évoluer vers un choc septique si le
diagnostic n’est pas évoqué et si le traitement antibiotique n’est pas débuté.
• L’examen clinique doit être complet, en particulier les aires ganglionnaires et
l’abdomen. On palpera toutes les épiphyses fertiles et toutes les articulations
accessibles.
NB : Certaines articulations sont plus profondes et plus difficiles à examiner, telles la
hanche, l’épaule et l’articulation sacro-iliaque (sacro-iliite).
• Il faut chercher une porte d’entrée. Celle-ci est habituellement cutanée mais
peut ne pas être retrouvée. Il faut penser à vérifier l’ombilic du nouveau-né. Il faut
penser à examiner les tympans à la recherche d’une otite.
12 En conclusion :
devant la constatation d’un enfant fébrile présentant une impotence
fonctionnelle et une altération de l’état général, associées à un épanchement
articulaire,
il faut prévoir une hospitalisation et un bilan biologique et un bilan d’imagerie.
Le diagnostic d’arthrite aiguë bactérienne est très fortement suspecté.
3.3 Examens biologiques Le bilan comporte une numération formule sanguine (hyperleucocytose) et
une CRP (élevée). La vitesse de sédimentation peut être utile si on suspecte une
arthrite inflammatoire et une pathologie rhumatismale plus qu’une arthrite
bactérienne. L’infection articulaire étant souvent secondaire à la diffusion
hématogène du germe responsable, le bilan initial doit comporter impérativement
plusieurs hémocultures. Il est ainsi possible d’identifier dans près d’un cas sur
deux le germe responsable.
3.4 Examens d’imagerie • La radiographie standard est peu contributive car il n’existe pas d’atteinte
osseuse à la phase précoce de l’infection. Des signes radiologiques de bombement
des parties molles et d’augmentation de l’interligne articulaire peuvent évoquer
l’existence d’un épanchement intra articulaire.
• L’échographie est utile pour confirmer l’épanchement articulaire, notamment
lorsque l’articulation est profonde et difficilement palpable (comme la hanche par
exemple). L’échographie est un examen simple, fiable, reproductible et non-invasif.
• En urgence le scanner et l’IRM n’ont pas leur place.
3.5 La ponction articulaire et les prélèvements bactériologiques L’arthrite aiguë bactérienne de l’enfant est une
vraie urgence diagnostique et thérapeutique
La ponction articulaire est le geste à la fois diagnostique et thérapeutique
qui précède la mise en route du traitement antibiotique. Elle doit être réalisée au plus
vite, dès que le diagnostic d’arthrite aiguë bactérienne est suspecté. La ponction doit
se faire dans des conditions d’asepsie chirurgicale, au bloc opératoire, sous
anesthésie générale. L’aspect du liquide articulaire (trouble ou purulent) permet de
suspecter fortement une arthrite septique. Les germes sont alors recherchés sur ce
liquide. Le germe n’est retrouvé que dans environ 50% des cas.
Toutefois, certaines arthrites inflammatoires, non bactériennes, peuvent
entrainer un épanchement trouble, voire puriforme. Il faut toujours faire une étude
cytologique et chimique du liquide articulaire ponctionné.
13 3.6 Traitement • Lorsque la ponction ramène un liquide suspect, trouble ou purulent, la
ponction doit être suivie d’une ouverture de l’articulation (arthrotomie) et d’un
lavage abondant de celle-ci de façon à évacuer toutes les fausses membranes et à
retirer le maximum de liquide septique.
Le traitement antibiotique est instauré dès que la ponction articulaire a été réalisée.
Le traitement antibiotique est toujours, à la phase initiale, une bi-antibiothérapie par
voie intraveineuse.
Cette antibiothérapie est généralement dirigée contre le staphylocoque doré qui est
le germe le plus fréquemment retrouvé (Par exemple Céphalosporine de 2ème
génération à forte dose). Si le germe en cause est identifié, l’antibiothérapie est
adaptée secondairement à l’antibiogramme.
NB : L’antibiothérapie doit être prolongée 8 jours par voie IV en cas de forme
septicémique (fièvre supérieure ou égale à 38,5°C avec hémoculture positive)
L’articulation ponctionnée est immobilisée ou mise en traction pendant quelques
jours, essentiellement dans un but antalgique.
3.7 Evolution • Diagnostiquée et traitée en urgence, une arthrite septique chez l’enfant a
habiuellement une évolution favorable. En quelques jours, la fièvre, la douleur et
l’épanchement vont disparaître. Le jeune enfant va pouvoir rapidement amorcer
quelques mouvements spontanés, volontaires et indolores de mobilisation de
l’articulation.
• Le traitement par voie intraveineuse est relayé par voie orale après quelques
jours (3 à 10 jours) si l’évolution clinique et biologique est favorable. La durée totale
de l’antibiothérapie est de plusieurs semaines (au minimum 4 semaines).
L’articulation est laissée au repos durant toute la période douloureuse.
•
L’évolution d’une arthrite mal traitée ou traitée avec retard peut être
catastrophique. Les séquelles sont articulaires (destruction de l’articulation) mais
peuvent aussi concerner le potentiel de croissance de l’articulation avec à terme un
raccourcissement important du membre atteint.
3.8 Formes cliniques 3.8.1 L’arthrite du nouveau-­‐né et du nourrisson Elle survient surtout aux alentours du 30ème jour et touche les grosses articulations :
la hanche, le genou et l’épaule. Il s’agit souvent d’enfants hospitalisés en
néonatologie ou en réanimation pour des problèmes déjà infectieux pulmonaires,
digestifs ou urinaires. Chez ces enfants les portes d’entrée sont multiples en
particulier les ponctions ombilicales ou calcanéennes. Le tableau est souvent frustre
et peut entrainer un retard diagnostique. Il faut systématiquement évoquer le
diagnostic en présence d’une fièvre inexpliquée chez un nourrisson, surtout s’il
14 existe un tableau de pseudo-paralysie d’un membre. Le pronostic est souvent
sévère car les atteintes sont parfois multi-focales.
3.8.2 L’arthrite de l’articulation sterno-­‐claviculaire Elle est peu fréquente, survient chez l’enfant et l’adolescent et est souvent
spectaculaire.
3.8.3 L’arthrite de la sacro-­‐iliaque Elle est souvent trompeuse. Le tableau clinique est celui de troubles digestifs, de
sciatalgies, voire de diminution de mobilité du membre inférieur. C’est la douleur à la
pression et à la mobilisation des sacro-iliaques qui doit attirer l’attention. Lorsque le
diagnostic est suspecté, la scintigraphie, le scanner puis la ponction permettent
de confirmer le diagnostic.
3.8.4 Germes habituels et germes rares… • Chez le nouveau-né, les germes les plus fréquemment retrouvés sont le
streptocoque B, le staphylocoque doré (parfois résistant à la Méticilline), les
entérobactéries (en particulier l’Escherichia Coli), le pseudomonas aeruginosa.
• Entre un mois et 2 ans, les germes les plus fréquemment retrouvés sont le
pneumocoque, le staphylocoque doré, les streptocoques des groupes A et B, le
Kingella Kingae. La généralisation de la vaccination contre l’Haemophilus a fait
quasiment disparaître les infections ostéo-articulaires dues à ce germe.
• Après deux ans, le staphylocoque doré est le germe le plus souvent à
l’origine d’une arthrite ou d’une ostéomyélite mais tous les autres germes peuvent
être retrouvés et il faut y penser si le traitement n’est pas efficace ou si l’évolution
n’est pas classique (salmonelle, klebsielle, bacilles Gram négatifs, streptocoque
hémolytique, seratias….).
Dans un cas sur deux, le germe n’est pas identifié et le traitement antibiotique est par
conséquent probabiliste. C’est souligner la difficulté actuelle de n’avoir des
prélèvements positifs et donc des identifications certaines des germes en cause, que
dans 50% des cas.
3.9 Diagnostics différentiels 3.9.1 Les arthrites réactionnelles virales. Elles sont souvent mono-articulaires et le liquide articulaire ponctionné est
habituellement clair et présente très peu d’éléments figurés avec une formule
lymphocytaire.
15 3.9.2 Les arthrites réactionnelles à corps étrangers 3.9.3 Les arthrites réactionnelles de la maladie de Lyme (Borrelia Burgdorferi) ou des infections à méningocoque ou gonocoque. 3.9.4 Les arthrites rhumatismales. Elles peuvent survenir chez la fille à partir de 3 ou 4 ans ou chez le garçon un
peu plus tardivement. L’épanchement est toujours stérile mais peut être puriforme.
Le diagnostic est posé devant l’association de critères biologiques (anticorps antinucléaires, groupage tissulaire HLA B27) et cliniques (arthrites récidivantes).
L’examen ophtalmologique permet parfois de découvrir une uvéite antérieure latente.
4 Conclusions Une infection ostéo-articulaire de l’enfant est une affection toujours
potentiellement grave notamment concernant la croissance osseuse ultérieure et
l’avenir articulaire de l’enfant. Les arthrites septiques mal traitées peuvent détruire
ou endommager gravement pour toujours les articulations.
Il faut retenir que :
toute arthrite aiguë doit être considérée comme septique jusqu’à preuve du
contraire ».
Cette preuve est apportée par la ponction articulaire.
La prise en charge efficace d’une arthrite septique chez l’enfant est une urgence et
représente la seule façon d’essayer d’éviter les séquelles irréversibles articulaires.
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