PALMYRE La fiancée du désert Oui, Monsieur… Vous avez devant
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PALMYRE La fiancée du désert Oui, Monsieur… Vous avez devant
PALMYRE La fiancée du désert Oui, Monsieur… Vous avez devant vous le seul palmier restant Plusieurs fois centenaire, et le seul survivant Parmi ses congénères. Aux mystères du lieu Je puis vous initier si vous ouvrez vos yeux Et que bien m’écoutez ! Vous êtes devant des ruines, célèbres il est vrai, Mais des ruines quand même. Je puis le déplorer. Moi seul suis le témoin de leur grandeur passée, De leurs jeunes années, leur sublime beauté. Quelle glorieuse époque Et sa splendeur passée Que devant vous j’évoque ! Tel que vous me voyez, Monsieur, seul, isolé, Tout plein de souvenirs que ne puis partager, J’ai connu de grands rois ! Eh ! Cela vous étonne ? Mais Monsieur, regardez… Ces ruines… La couronne… Qui de lauriers encore surplombe les colonnes ! Voyez la majesté, ressentez cet émoi, Sentez l’air qui frissonne et vous remplit d’effroi A la voix des guerriers ! J’ai connu tout cela. J’ai connu la Cité du temps de ses exploits. La ville bigarrée de somptueuses couleurs, L’ocre de ses palais, la moire de ses fleurs, L’odeur de ses épices… Ses bétyles, hypogées, et ses fiers tétrapyles, Tous monuments en ruine, maintenant inutiles. Oui, Monsieur… J’étais jeune il est vrai et un peu insouciant. Jamais je n’eus pensé Monsieur, un seul instant Que cela finirait Emporté Par le vent… Que tous ces édifices, Cette noble richesse dépourvue d’artifices, Puissent finir un jour… Et pour toujours… Tout est couvert de sable maintenant vous voyez… Mais comment tout cela est-il donc arrivé ! Notre Cité dont vous voyez les ruines, N’a pas toujours été ce que l’on s’imagine Mais un pauvre village tout primitif encor’. Et son nom cher Monsieur, son nom est… Tadmor ! Cette oasis limpide brillait de mille feux Et concentrait sur nous tous les bienfaits des dieux. Vers nous confluaient tous les marchands d’Orient ; Le trafic allait même jusque vers l’Occident ! Comprenez-vous maintenant d’où vient cette richesse ? Ce qui suit cependant fait toute ma détresse ! L’Histoire avait donné et l’Histoire a repris. Farouches, les Sassanides s’emparèrent du port, Embouchure du Tigre. Le Persique fut coupé et le commerce aussi. Les routes dévièrent au nord, éloignées de nos pistes. Conduites à l’abandon… Que tout cela est triste ! Pour ne rien arranger, l’empereur Aurélien, Dont l’empire tremblant allait vers son déclin, Ne trouva rien de mieux que de nous attaquer, Mettre la ville à sac, ruiner notre Cité ! Ah, Monsieur, brisons-là voulez-vous, Je n’en peux plus de tous ces souvenirs Qui rongent mes racines et me font défaillir. J’ai été, cher Monsieur, bien aise de vous connaître. Mais vous allez partir, bientôt me laisser seul ; Voilà déjà le soir qui étend son linceul ! Que dites-vous Monsieur ? Comment avons-nous fait Pour tous deux se comprendre Et quel est cet idiome Qu’il n’est besoin d’apprendre ? Considérez Monsieur Que depuis tout à l’heure, Nous parlons tous les deux... Le langage du cœur ! Lionel A.