Mécanique digitale

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Mécanique digitale
MONTRESPASSION
Contre-temps par Fabrice Eschmann
Mécanique digitale
Les horlogers helvétiques ne sont pas rancuniers.
C’est en tout cas ce que l’on se dit en observant le nombre
de montres mécaniques à affichage digital présentées
ces dernières années. Bien que les tocantes électroniques
à cristaux liquides ou à diodes luminescentes soient en
bonne partie responsables de leurs cauchemars dans
les années 70, les horlogers suisses semblent
vouer une fascination pour les si caractéristiques petits bâtonnets noirs.
En 2008, le concepteur Frédéric
Garinaud fut le premier à tenter un
mouvement totalement novateur pour
Opus, la collection hors norme de
Harry Winston. Le cadran de son
Opus 8 intègre ainsi 138 segments,
dont la forme s’inspire fortement des
fameux bâtonnets. En actionnant un
verrou d’armage, tout le «plancher»
s’abaisse pour laisser apparaître l’heure
en relief. Le tout, bien évidemment, de
manière entièrement mécanique. L’année suivante, c’est la marque genevoise
de Grisogono qui s’essayait à la même
démarche. Le modèle Meccanico dG
propose ainsi un double affichage, analogique et digital.
Mais là où Harry Winston choisit la 3D, de Grisogono
préfère des microsegments pivotant de 90° sur euxmêmes, laissant tour à tour visible leur
face noire ou colorée.
Avec le temps, les designers
se sont peu à peu détachés de
ces lignes rigides pour réinventer l’affichage mécanique digital. L’un des derniers exemples
en date est l’Academia Mathematical, la quatrième «concept
watch» de DeWitt: aucune
aiguille évidemment, mais quatre
roues dentées couronnées de
chiffres qui s’enchevêtrent sur le
cadran. Mais l’anarchie n’est qu’apparente: chaque minute, les rouages
font sauter les roues d’un cran, ordonnançant comme par magie l’affichage
du temps. ■
DEWITT ACADEMIA MATHEMATICAL Cette «concept watch» réinvente
l’affichage digital en se passant totalement d’aiguille. Mouvement mécanique
à remontage automatique, boîtier en or rose de 42,5 mm de diamètre.
Exposition
Horlogerie ethnographique
Le Musée d’ethnographie
de Neuchâtel (MEN) vient
d’inaugurer sa dernière exposition temporaire. Intitulée C’est
pas la mort, elle traite de cette
fatalité indéfinissable mais qui
nous touche universellement,
par un parcours tour à tour
contemplatif, choquant, surprenant ou encore émouvant.
Elaborée par des étudiants de
l’université et l’équipe du MEN,
la manifestation emmène le
visiteur à la découverte d’une
multitude de questionnements
et de points de vue, à travers
une promenade poétique et
symbolique.
Quel rapport avec l’horlogerie? Le temps qui passe, bien
sûr. Et, s’il est un horloger qui
évoque le mieux ce thème, c’est
bien Yvan Arpa. Considéré
comme un électron libre dans
le champ de la création horlogère, le fondateur de la maison
ArtyA a fait des symboles
funèbres sa marque de fabrique.
Il est le seul, à ce jour, à avoir
intégré de véritables balles de
fusil à certains de ses modèles;
il est également celui qui a popularisé la tête de mort dans l’horlogerie.
Rien d’étonnant, dans ces
conditions, que sa dernière création, la Skulls & Bones, ait
trouvé le chemin du MEN.
Sculptés à la main, les crânes y
sont partout: sur le cadran, le
bracelet, la lunette… De quoi
faire réfléchir à la notion de
trépas en regardant les secondes
s’égrener. Six de ces pièces
uniques sont visibles jusqu’au
3 janvier 2016, date de fin de
l’exposition temporaire au
MEN. ■
Plus de renseignements sur www.men.ch
ARTYA SKULLS & BONES Créée
par l’enfant terrible de l’horlogerie
Yvan Arpa, cette pièce arborant des
dizaines de têtes de mort gravées
à la main est exposée au Musée
d’ethnographie de Neuchâtel
pour son exposition «C’est pas
la mort». Mouvement mécanique
automatique, boîtier en acier.
2 JUILLET 2015 L’HEBDO 65