Micro-don - Association Française des Fundraisers
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Micro-don - Association Française des Fundraisers
JUIN 2011 NUMÉRO 27 Dossier Micro-don : les petits ruisseaux feront-ils les grandes rivières ? Place aux débutants Internet et la collecte de fonds People Marie-Stéphane Maradeix : huit femmes Editorial Actualités 4 6 Bienvenue à bord ! Campagne du moment Soi Dog Foundation 8 Polémique Rémunération « au résultat » : faut-il craindre que les lignes bougent ? E t une saison de plus qui s’achève. Une saison, il faut bien le dire, sans événement majeur pour le fundraising. En demi-teinte, un peu floue. A l’image du flou fiscal dans lequel Bercy a laissé le secteur pendant plusieurs mois. Si, au final, la réduction fiscale pour les donateurs assujettis à l’ISF est maintenue – les fundraisers ont suivi, avec raison, le mot d’ordre de ne pas changer de cap dans leur stratégie – nul ne saura encore quelle sera l’assiette des contribuables qui en bénéficieront. Et donc, à terme, l’impact sur les comportements de dons. Une chose est sûre en revanche : la fiscalité ISF, censée d’abord profiter à l’enseignement supérieur ou à la culture, a poussé les associations à développer des stratégies « grands donateurs », comme nous l’avons souligné dans notre dernier numéro (voir Fundraizine 26). 10 Grande actu L’accès des associations aux médias audiovisuels Dossier 11 Micro-don : les petits ruisseaux feront-ils les grandes rivières ? Côté pratique 16 Place aux débutants Internet et la collecte de fonds Horizons Cette fois pourtant, nous quittons le pays de Gulliver pour aller à la rencontre des dons lilliputiens. Ces dons minus qui sont en train de conquérir le monde. Mais qui, en France, se heurtent encore aux barrières culturelles, techniques et commerciales, comme le rapporte notre dossier (p. 11 à 15). Où l’on se demande (en ces temps de sécheresse !) si les petits ruisseaux feront, un jour, les grandes rivières… 18 Out of box La bienveillance : une stratégie gagnante pour le fundraising 20 Côté recherches Le temps vaut mieux que l’argent 22 C’est que le fundraiser doit être un gouvernail pour son organisation. Prendre le large n’est donc jamais inutile. Traverser l’Atlantique pour un détour par « la belle province » (voir la Tribune sur le Québec, p. 22), ou s’adonner aux joies des nouvelles technologies (voir notre rubrique « Place aux débutants », p. 16). Impression : Advence Actualités du fundraising Zoom pays Québec, Terre d’avenir ! Opinions 23 Tribune libre Comment s’assurer de ne pas être lu ? 24 Reste que le navire fundraising est bien ancré. En 2011, l’AFF fête ses 20 ans, et le Séminaire, ses 10 ans d’existence. Notre association a également l’immense plaisir d’accueillir une nouvelle présidente, Marie-Stéphane Maradeix, qui est aussi l’une des pionnières du secteur (voir son portrait, p. 26). Pour un nouveau départ… La Donatrice Mystère Du crowdfunding au micro-don People 26 Le Comité de Rédaction Marie-Stéphane Maradeix : huit femmes Répertoire 27 Prestataires Publication trimestrielle éditée par l’Association Française des Fundraisers, association à but non lucratif enregistrée au JO du 15 mai 1996, dont le siège social se trouve 6 rue de Londres, 75009 Paris. Tél. : 01 43 73 34 65 Fax : 01 43 49 68 77 Site internet : www.fundraisers.fr - E-mail : [email protected] Abonnement (4 numéros) : 75 € TTC - ISSN : 1952-7284 Directeur de la publication : Marie-Stéphane Maradeix - Rédactrice en chef : Yaële Aferiat - Rédactrice en chef adjointe : Pauline Graulle - Secrétariat de rédaction : Pauline Graulle, Aurélie Perreten, Alexandra Maillet Conseiller spécial de la rédaction : Jean-Marie Destrée - Comité de Rédaction : Yaële Aferiat, Alexandre Ayad, Perrine Daubas, Philippe Doazan, Eric Dutertre, Pauline Graulle, Aude Hayot, Claire Heuzé, Sophie Le Maire, Marie-Eve L’Huillier, Aurélie Perreten, Christine Quentin, Sophie Rieunier, Noémie Wiroth - Dossier : Pauline Graulle - Illustration de Une : \Excel, Audrey Derbaise - Direction Artistique : Maxyma, Antoine Tavares > Merci à nos partenaires Excel & Maxyma pour leur soutien à Fundraizine Vous n’êtes pas membre de l’AFF ? vous souhaitez recevoir Fundraizine ? Pour vous abonner, rendez-vous sur www.fundraisers.fr Agenda Actualités 10e séminaire de la collecte de fonds 28,29 et 30 juin 2011 FIAP Jean Monnet 30 rue Cabanis – 75014 Paris Revue digitale Le Web fait ses jeux sur la charité Présentation du référentiel des métiers du fundraising de l’APEC / AFF Petit-déjeuner Secteur culturel « Grands donateurs» 22 septembre 2011 - Paris Journée de formation « Les fondamentaux pour bien démarrer votre fundraising ou démarrer sur de bonnes bases » 29 septembre 2011 - Paris Petit-déjeuner Enseignement supérieur et recherche « Partenariat entreprise » 6 octobre 2011 - Paris After-work Les fondation d’entreprise en Midi-Pyrénées 11 octobre 2011 - Toulouse International Fundraising Congress (IFC) 18 au 21 octobre 2011 - Amsterdam Petit-déjeuner Présentation du mécénat à l’Opéra de Lyon 21 octobre 2011 - Rhône-Alpes Journée de formation « Prospect Research » 27 octobre 2011 - Paris Journée de formation « Partenariat entreprises » 8 novembre 2011 – Paris Petit-déjeuner « Embedded generosity » 24 novembre 2011 - Paris Journée de formation Secteur culturel 24 novembre 2011 EAC - Paris Pour plus d’informations et adhérer en ligne : www.fundraisers.fr 4 Fundraizine | 27 | JUIN 2011 L’ appât du gain fait-il bon ménage avec la générosité ? C’est en tout cas le pari qu’ont fait plusieurs sites de jeux en ligne à l’étranger, aux Etats-Unis mais également en Europe, notamment au Royaume-Uni et en Hollande. Et depuis quelques mois, en France, avec les « charity lotteries » qui ont fait leur apparition sur le site « Solidaires le jeu ». Le principe de « Solidaires » est simple : il consiste à participer à un jeu de hasard pour gagner un lot ou une cagnotte financière en envoyant plusieurs SMS surtaxés. La différence est qu’après avoir payé les frais de l’opérateur mobile et de l’exploitant du site, les recettes financières du jeu, soit un peu plus de 10 %, vont à une ou plusieurs associations. Une opération qu’il convient de rapprocher d’un produit solidaire plus que d’une collecte en ligne, car le participant vise avant tout le gain d’une forte somme d’argent ou d’un lot onéreux. Et comme le résume le slogan de betoncharity.com, l’association gagne quand le joueur perd ! Cette approche raisonnée a été relayée par le président de l’Arjel (Autorité de régulation des jeux en ligne), dans une interview au Cerphi. Il souhaite ainsi que « dans une démarche solidaire à travers les jeux en ligne, […] une catégorie de joueurs qui, conscients que l’on a plus de chance de perdre que de gagner, sauront se mobiliser quand même pour une cause qui leur est chère ». Les acteurs de ces « jeux d’argent solidaires » se sont d’autre part regroupés au sein d’une association professionnelle, l’Acleu (Association of charity lotteries in the European Union), qui milite pour en faire un outil de fundraising accepté dans toute l’Union européenne. Ils sont soutenus à ce titre par de grandes ONG comme Plan, le WWF et Amnesty International. En France, seules des associations locales exploitent l’exception issue de la loi du 21 mai 1836, permettant d’organiser des loteries destinées à des actes de bienfaisance, à l’encouragement des arts ou au financement d’activités sportives à but non lucratif, car elles ne peuvent pas proposer de gain d’argent et il faut une autorisation préfectorale. « Solidaires le jeu », introduit donc un type de partenariat nouveau entre associations nationales et opérateurs de jeux en ligne nés de l’ouverture du marché des jeux en ligne en 2010. Une démarche qui soulèvera sans nul doute des questions éthiques au sein des organisations, pour savoir si s’associer au monde des jeux d’argent revient à favoriser le surendettement et la pauvreté, ou au contraire constitue une opportunité de toucher les 2,6 millions de joueurs actifs et de bénéficier du pactole de plus de 2 milliards misé sur le premier trimestre 2011. n A. A. © www.illustrations.fr 15 septembre 2011 Institut Pasteur - Paris Une démarche qui soulèvera sans nul doute des questions éthiques au sein des organisations… Pour en savoir plus : http://www.solidaireslejeu.com/ http://www.acleu.eu/ Actualités « Déclarer plus n’est pas donner plus » Selon Recherches & Solidarités1, la progression des dons a stagné en 2009. Plus étonnant, les Français se sont montrés plus motivés pour déclarer fiscalement leurs dons. Trois questions à Jacques Malet, président de Recherches & Solidarités. La fiscalité est-elle devenue une motivation première des donateurs ? Jacques Malet : La fiscalité n'est pas, et ne sera jamais, le fondement de l'acte de don, libre et généreux. Pour autant, ce ressort devient un élément davantage pris en considération par les donateurs, notamment grâce aux encouragements des fundraisers. Pour le moment, déclarer plus ne conduit pas à donner plus, comme le montre ce dernier bilan. Pour que la fiscalité devienne un véritable facteur de progression de la collecte, il faut deux conditions : que les réflexes de déclaration demeurent une fois la crise passée, et surtout, que cette fiscalité, injuste et complexe, soit simplifiée pour être véritablement incitative. Alors, le bénéfice pour les associations pourrait être substantiel. Que pensez-vous de la communication des associations sur la fiscalité? J. M. : Le travail des fundraisers en direction des donateurs les plus aisés, tant par rapport à l'IRPP que par rapport à l'ISF, porte peu à peu ses fruits : lorsque l'on donne beaucoup, on ne néglige pas « l'effet de levier » que représentent les incitations fiscales. Ces donateurs doivent être peu à peu conduits vers la notion de cofinancement : ce que je donne, plus la diminution de mon impôt, égale ma capacité d'action en faveur de l'action de mon choix. Quel conseil donner aux fundraisers ? J. M. : Eviter à tout prix de présenter les réductions d'impôts comme des opportunités pour que le don coûte moins cher... 1 « La générosité des Français », édition 2011, www.recherches-solidarites.org Fundraizine | 27 | JUIN 2011 5 La campagne du moment © www.morguefile.com Actualités SOI DOG FOUNDATION Ou comment collecter 100 000 $ en prélèvement automatique via Facebook ! La campagne du moment, c’est la SOI DOG FOUNDATION qui, comme son nom ne l’indique pas, n’est pas une recette de chiens à la sauce soja, mais bien une fondation qui s’occupe des chiens et chats errants en Thaïlande. C ette petite fondation, située à Phuket, a réussi l’exploit de recruter des donateurs réguliers, en prélèvement automatique (PA), pour une contribution annuelle de 100 000 $, en 1 an d’activité sur Facebook. Une belle success story pour une petite structure, mais aussi pour nous, fundraisers français, pour qui Facebook est loin d’être devenu le premier canal de collecte on-line. Si nous avons choisi cette campagne, c’est que nous pouvons très concrètement nous en inspirer pour nos propres organisations, en appliquant les principes qui ont permis un tel succès. n Créer une véritable communauté Le nerf de la guerre, pour collecter sur Internet, c’est de bénéficier d’une communauté de supporters, de donateurs, d’adhérents ou de 6 Fundraizine | 27 | JUIN 2011 fans, car c’est de cette communauté, de sa taille et de son implication, dont dépendra votre collecte. L’avantage sur Facebook, c’est que la plateforme met à votre disposition les outils fondamentaux pour élargir facilement votre communauté, en faisant appel à vos propres fans. Leonard Coyne, fundraiser de la SOI DOG FOUNDATION, pense que c’est le premier critère de réussite de sa campagne : partie de zéro, la fondation dispose aujourd’hui de près de 10.000 fans. Son secret ? poster au moins 1 fois par jour sur la page de la fondation, en variant les contenus (info, photo, vidéo, question…), et surtout en invitant systématiquement les fans à relayer l’info à leurs proches. L’astucieux bouton « Partager » qui apparaît sous chaque publication, permet soit d’envoyer la publication à ses contacts sous forme de message privé, soit de la publier sur sa propre page, auquel cas la publication apparaitra dans le fil d’actualité de TOUS ses contacts (imaginez la démultiplication d’audience !). Et quand une personne est « fan » d’une cause, le simple fait de relayer une publication ne lui demande pas un grand effort, c’est même un acte gratifiant puisqu’on lui donne l’opportunité de participer et de partager. n Un certain investissement C’est vrai, pour poster tous les jours de nouveaux contenus, il faut y consacrer du temps. Et surtout du temps pour recueillir ces infos auprès du terrain. Et c’est un vaste sujet que d’arriver à mettre en place un circuit de remontée des infos au sein de nos organisations, mais l’enjeu est de taille. Surtout que des infos, quelle que soit la nature de notre organisation, il n’en manque pas : actualités, manifestations, belles histoires, mais aussi les « crises » et problèmes à résoudre… Car n’oublions pas que les donateurs soutiennent avant tout nos actions plutôt que notre organisation, ils veulent « voir » comment Actualités La campagne du moment est utilisé leur argent, à qui il va, à qui il sert. Donc il faut s’organiser pour poster au moins un contenu, chaque jour. Mais il faut aussi consacrer du temps à l’animation des fils de discussion qui naissent sous forme de commentaires, sous les publications. Animer, c’est remercier les fans pour leur soutien, répondre constructivement et sans animosité aux critiques, relancer une discussion, et bien sûr demander de l’argent de l’aide. l’audace… et tester, tester encore, tâtonner pour trouver THE formule qui marche. Le tout est d’arriver à se convaincre que déléguer à des fans présente une opportunité plutôt qu’une menace... Une autre clé du succès de la campagne a été de réussir à déléguer l’animation mais aussi le développement de la Page à des fans particulièrement investis. Ainsi, des personnes du monde entier ont été « recrutées » pour animer la page « mère » mais aussi pour développer des versions « locales » et développer la collecte sur de nouveaux territoires. La Page existe à présent dans 6 langues, et la Fondation a même été déclarée officiellement en France pour pouvoir y collecter des fonds. Au regard de la taille et de l’impact de la Fondation, située pour rappel à Phuket, Thaïlande, ça laisse rêveur. Bien sûr, on ne peut pas confier à l’aveugle les rênes de notre Page à de parfaits inconnus, mais imaginez comment vous pourriez demander un peu plus à vos meilleurs fans, ne serait-ce qu’en organisant une première rencontre « physique » avec eux. Et comme pour toute démarche de collecte, il faut de © www.illustrations.fr n Oser déléguer à l’occasion de sa grande quête nationale. Une mécanique à tester et à comparer à vos autres investissements web. Pour le passage à l’acte, une solution est aujourd’hui disponible pour héberger directement un module de collecte sur votre Page, sinon le simple lien vers le module de votre site Internet est tout à fait efficace (n’oubliez pas de prévoir le tracking adéquat pour mesurer les résultats). Last but not least, apportez un grand soin à votre « offre ». Pour la SOI DOG, son action même est un véritable pain béni en terme d’offre donateur : quoi de plus fort que de parrainer un chien en détresse ? (plein de choses, le débat n’est pas là !). Ce qui est à retenir, c’est la précision du besoin exprimé dans l’appel à don : une action, un bénéficiaire, un montant. Quel que soit le média, c’est la clé du fundraising. n Demander de l’argent Bien entendu, chaque publication doit souligner à quel point le soutien à votre organisation est vital : sous forme d’appel à don mais aussi de simples, mais néanmoins essentiels, remerciements. En complément, la SOI DOG a testé avec succès les fonctionnalités de publicité de Facebook, qui offrent des possibilités de ciblage de plus en plus précises, et permettent de caper votre investissement. Nous avons d’ailleurs remarqué que la Croix-Rouge française s’est lancée dernièrement, Donc, en y consacrant un peu de temps, en mobilisant les équipes opérationnelles pour qu’elles fournissent du contenu, en s’ouvrant aux fans et avec une bonne offre, Facebook peut être un levier de collecte efficace, quelle que soit la taille de votre organisation ! Et, pour la petite histoire, la campagne Facebook aurait également généré 5 promesses de legs à la SOI DOG FOUNDATION… ! n M. E. L. Liens : http://www.soidog.org/ http://www.facebook.com/SoiDogPageInEnglish http://www.facebook.com/pages/Fondation-Soi-Dog-Francais/171451336218059 C’est une donatrice qui le dit : le don procure fierté et bien-être ! Remercier les donateurs, c’est essentiel ! Fundraizine | 27 | JUIN 2011 7 La polémique du moment © www.morguefile.com Actualités Rémunération « au résultat » : faut-il craindre que les lignes bougent ? La consultation publique, lancée fin mars 2011 par le Comité de la Charte sur le pilotage et de la rémunération des agences de collecte de fonds, relance le débat sur la rémunération « au résultat ». Modernité ou capitulation ? A voir… E n décrétant, en 1989, l’interdiction de la rémunération liée aux montants de la collecte, le Comité de la Charte a apporté une réponse claire et saine aux maux qui minaient une partie du monde caritatif des années 1980. L’enjeu était de taille : redonner confiance dans le don à une France échaudée, suspicieuse, et figée par les « affaires ». La réponse devait être ferme, l’éthique irréprochable, et l’effort exemplaire. Ainsi s’est donc érigée une règle aux multiples vertus, l’interdiction de la rémunération au résultat de la collecte apportant tout à la fois protection aux organismes collecteurs et confort moral aux acteurs du secteur. En proposant, non seulement de remettre en question la règle initiale mais d’y apporter de la nuance pour intégrer les spécificités des nouvelles techniques – dont le web 8 Fundraizine | 27 | JUIN 2011 notamment, le Comité de la Charte a réveillé les peurs des dérives commerciales et bousculé les habitudes du milieu. Dans les deux cas, l’enjeu est majeur puisqu’il s’agit de donner une inflexion nouvelle, aussi minime soit-elle, à un marché ultra sensible et très orchestré. Rien d’étonnant pour autant à ce que l’instance, dont c’est la responsabilité, ait souhaité intégrer les évolutions du monde contemporain dans son référentiel déontologique. Si la terminologie choisie peut éventuellement être débattue, c’est bien là tout l’intérêt d’une consultation publique. Charge à chacun de s’y exprimer et d’y participer avec pour objectif que le bon équilibre soit trouvé. Daniel Bruneau, directeur de la recherche de fonds et de la communication aux Petits frères des Pauvres, explique autant pourquoi il est impératif de lutter contre une rémunération au résultat que les raisons pour lesquelles la Charte se doit d’évoluer. Et c’est au « Fundraiser Mystère » que revient le mauvais rôle d’argumenter contre le dogme initial… n « Un risque de surenchère » Daniel Bruneau, directeur recherche de fonds et communication aux Petits frères des Pauvres « De manière générale, je suis opposé à une rémunération variable selon le résultat des opérations de collecte, et particulièrement lorsqu’il s’agit de dons stricto sensu sur lesquels il y a une sensibilité du public qui est extrêmement importante. L’organisation qui collecte les fonds a une stratégie et des responsabilités qui ne doivent pas être confon- Actualités La polémique du moment dues avec celle du prestataire. Un mode de rémunération fondé sur le résultat fait du prestataire un co-partenaire de la collecte, et je suis farouchement opposé à cela. C’est à l’organisme collecteur d’assurer l’entière responsabilité de ses actes, de sorte qu’il ne se retrouve pas dépossédé de sa communication. Car il y a, dans le cas contraire, un risque important de dramatisation du message, de gadgetisation du propos ou de surenchère de la prime de la part du prestataire pour obtenir des résultats immédiats extraordinaires. Cela vaut d’ailleurs autant pour les prestataires externes qu’au sein même des organisations. D’autre part, il est extrêmement difficile d’évaluer un résultat dans un environnement sans cesse changeant ou quand l'actualité peut avoir un rôle déterminant (catastrophe, guerre). De même que le prestataire n'a pas à supporter un quelconque dysfonctionnement de la part de l'organisme collecteur (scandales, etc.). Enfin, penser qu’une rémunération à la collecte permet aux petites associations de financer leurs premières actions est une illusion d’optique. Lorsque l’on fait porter le risque de la collecte par d’autres, ils nous le font payer. Comme un banquier et à tous les niveaux. Le cas de la Grande-Bretagne où la rémunération au résultat a été autorisée pour le street-fundraising et a apporté des conclusions édifiantes. Après s’être fortement développés, les arguments sont devenus délirants. Le hard selling auprès des donateurs était insupportable et les gens ont craqué. Finalement, c’est tout le système qui a explosé (voir notre rubrique « Polémique » de janvier 2009). Si l’on se situe dans une perspective de développement durable, il faut solliciter les donateurs avec modération et non dans le hard selling, quels que soient les outils. Cette réflexion s’applique d’ailleurs à 99 % pour les nouveaux médias comme le web. Encore faut-il être clair sur ce que l’on appelle « résultat ». Le « clic» par exemple, n’est pas, à mes yeux, un résultat de collecte – il ne rapporte pas d’argent. Il s’agit plus du paiement du trafic que d’une rémunération à la collecte. Des habitudes ont été prises sur Internet et il faut en prendre acte mais avec beaucoup de modération. Dans ce cadre, et pour le nombre de donateurs uniquement, le Comité de la Charte vient de faire une petite ouverture à laquelle j'adhère mais attention : moderato, moderato ! » © www.illustrations.fr n « Ni oui ni non… mais comment ? » Le Fundraiser Mystère « Le débat sur la rémunération liée au montant de la collecte est aussi ancien que le fundraising lui-même. C’est normal car il y a eu des dérives avec des conséquences à chaque fois dramatiques sur l’ensemble du secteur associatif et caritatif – en dehors peut-être des marques fortes qui ont fortement fidélisé leurs donateurs. Quoi qu’il en soit, cela demeure toujours un traumatisme pour le secteur. Cependant, se retrancher derrière une approche purement manichéenne – « pour » ou « contre » la rémunération au résultat de collecte –, me semble facile et aujourd’hui, daté. Il faut voir qu’être contre « par principe » est aussi une manière de s’offrir un positionnement à moindre frais tout en s’assurant un marché solvable. Sous couvert de la règle, on ne prend pas le risque d’aider les orga- nisations qui ont peu de fonds propres et ce travail est laissé aux fundraisers les plus nécessiteux et, donc, souvent les plus fragiles. Partager le risque d’une collecte de fonds avec l’organisation collectrice peut aussi être vu comme du pragmatisme et cela ne me paraît pas anormal qu’il y ait un coût supplémentaire, dès lors que l’opération permet, in fine, la mise en œuvre de projets essentiels à l’amélioration de notre société. Je pense même qu’il est préférable de partager le coût du risque avec un prestataire impliqué plutôt qu’avec un banquier que l’on sollicite pour financer le prestataire en question ! Une association ou une fondation qui a des fondamentaux solides, clairs et partagés ne se laisse pas emporter dans des communications racoleuses qui ne correspondent pas à ses valeurs. Et encore moins dans des stratégies de court terme. Je pense qu’il faut aussi faire confiance aux responsables des organisations et à leur capacité à gérer de manière éthique et sur le long terme le développement de leur structure. Aujourd’hui, le web bouscule les règles du jeu et la question n’est plus de savoir si l’on est « pour » ou « contre », mais plutôt de savoir « comment ». Car la rémunération au trafic et à la performance sont la base même du modèle économique du web. Le Comité de la Charte envisage actuellement une possibilité de rémunération au nombre de dons et dans certaines conditions, pourquoi pas. Peut-être aussi faut-il envisager une approche par plafonds de montants. C’est à voir. Quoi qu’il en soit, il me semble plus juste de donner quelques règles de bon fonctionnement plutôt que de nier l’existence de ce système. Pour ma part, je nous fais confiance, à nous prestataires, ainsi qu’aux organisations pour mettre le curseur au bon endroit. Personne n’a intérêt à ce que le système dérape, ni à ne pas évoluer avec son temps. » n C. Q. Fundraizine | 27 | JUIN 2011 9 Actualités Grande Actu © www.illustrations.fr L’accès des associations aux médias audiovisuels Malgré l’importance de leurs fonctions sociales et civiques, les associations sont peu ou inégalement présentes dans les médias audiovisuels. Tel fut le constat partagé lors de la deuxième Conférence de la vie associative de décembre 2009, soit quelques semaines seulement après le retentissant coup d’éclat de Pierre Bergé à l’encontre du Téléthon. Le monopole accordé par France Télévisions à la Fondation de France pour Haïti dans les semaines suivantes ne fit qu’attiser la polémique. D ès janvier 2010, le Premier Ministre chargeait ainsi le CSA de créer une commission de réflexion sur l’accès des associations aux médias audiovisuels. Notons que le terme « associations » doit être entendu au sens large, car il comprend également les fondations. Lors de la mise en place de la commission en juin 2010, Michel Boyon, président du CSA, préconisait « l’établissement d’un partenariat équilibré et dynamique entre les associations et les chaînes de télévision et de radio. Ce partenariat devra garantir la transparence et l’équité dans l’accès à l’antenne des associations faisant appel à la générosité du public ». La commission, constituée de 13 personnalités qualifiées, s’est fondée sur 25 auditions, 16 contributions écrites ainsi qu’un état des lieux des temps d’antenne occupés par les associations sur les chaines hertziennes et un recensement des thèmes abordés dans les journaux de 20h en 2009. Trois grands principes ont guidé sa réflexion : • l’équité entre les associations présentes à l’antenne pour mieux valoriser l’extrême diversité de l’engagement associatif, • la clarté sur le choix des associations présentées à l’antenne, sur les relations contractuelles entre médias et associations, sur le respect de règles déontologiques et sur 10 Fundraizine | 27 | JUIN 2011 l’utilisation des fonds éventuellement collectés, • la promotion de l’engagement citoyen, au delà des seules situations d’urgence type séisme en Haïti en 2009 ou Tsunami de 2004. Remis le 2 mars dernier, le rapport du CSA avance 10 propositions. Elles suggèrent notamment aux chaînes et aux radios d'offrir plus d'espace de discussion et de visibilité aux associations et fondations (Proposition 1), en veillant à une diversité des causes présentes dans les émissions d'appel aux dons et à une information sur la variété des associations œuvrant pour une même cause (Proposition 3). Cette dernière proposition fait écho à la recommandation de mise en place de portail d'information sur les associations et les causes (Proposition 6). Comme France Générosités le souligne dans son communiqué à l’occasion de la publication du rapport, ce portail existe d'ores et déjà, il s'agit du site www.infodon.fr mis en place par l'Institut pour le Développement des Générosités, et qui est un site d'information sur les dons, les causes et les urgences. France Générosités s’est déjà engagée à porter ce site à la connaissance large des médias, afin qu'il puisse être utilisé facilement par tous, notamment comme outil de recensement des associations. De son côté, la CPCA (Conférence Permanente des Coordinations Associatives) « regrette que le rapport se centre principalement sur la défense de grandes causes qui favorise la mise en lumière des associations humanitaires et de solidarité au détriment de la variété des secteurs de l’intervention associative, mais une véritable dynamique pour renforcer la place de la vie associative dans les médias audiovisuels est peut-être lancée. Les propositions qui visent à désigner un référent associations dans chaque média ou encore à établir une charte d’engagements entre médias audiovisuels et associations en sont de bons indicateurs. » S’il l’on ne peut que souhaiter que les médias français se décident à jouer tout leur rôle dans la promotion de l’engagement associatif et, par là, la reconnaissance de la société civile, les associations se doivent aussi d’être réactives en saisissant les opportunités qui leurs sont ainsi offertes. Sachant que bon nombre d’entre elles n’ont pas encore de pratique et encore moins de ressources nécessaires à la production de contenus audiovisuels, sans doute ont-elles intérêt à agir conjointement dans leur rapprochement avec les médias. n S. L. Micro-don © www.morguefile.com Dossier Micro-don : Les petits ruisseaux feront-ils les grandes rivières ? Très en vogue dans les pays anglo-saxons le principe du micro-don encourageant un don plus démocratique représente, en théorie, une manne pour le tiers secteur. En France, les associations commencent à s’y intéresser, mais se heurtent à d’importantes difficultés de mise en œuvre, tant techniques que culturelles. Résultat, dans l’immédiat, le micro-don coûte cher en énergie et s’avère peu rentable. Mais n’est-il pas aussi l’avenir ? Enquête. D onnez peu, mais donnez nombreux. Sans doute aussi vieux que le fundraising (voir la « Mamie Mystère », p. 22-23), le principe du micro-don a fait, ces dernières années, une entrée remarquée dans la sphère de la collecte professionnelle. Dès 1990, l’opération « Pièces Jaunes » consistant à se délester de sa petite monnaie dans des petites boites en carton disposées un peu partout, fait un tabac. Comme, neuf ans plus tard, la campagne « 1 franc par jour » de Médecins sans frontières. « Un franc, c’est peu, mais c’est déjà le prix d’un vaccin contre la méningite, une maladie mortelle », martèle alors l’association qui a convaincu, depuis, 350 000 personnes de donner « 1 euro par semaine » via le prélèvement automatique. © .fr es un sja e c pie w. ww Dès 1990, l’opération « Pièces Jaunes » fait un tabac ! n Quand l’union fait la force Dopé par les nouvelles technologies, le micro-don connaît aujourd’hui un regain d’intérêt. Qu’il s’agisse des cartes bancaires solidaires (voir encadré), du don par SMS lors des urgences humanitaires (voir notre dossier sur Haïti dans Fundraizine n°23) ou d’initiatives du genre de « Mailforgood » (à chaque mail envoyé contenant une bannière publicitaire pour le développement durable, un petit montant est reversé à une association), le don mini a la grande cote. Dernière tendance en date, le crowdfunding. Mis en lumière par l’incroyable campagne de Barack Fundraizine | 27 | JUIN 2011 11 Micro-don n Une tendance de fond Si un vrai savoir-faire pour collecter des fonds ne serait sans doute pas de refus chez nos gratte-papier, sur le principe, « le crowdfunding a du potentiel, estime Frédéric Bardeau, co-fondateur de l’Agence Limite et spécialiste du don en ligne. Cette conscience du collectif, de l’agir ensemble, est un moteur très intéressant et moderne ». Auquel il faut toutefois ajouter un ingrédient primordial pour que le mini don génère un maxi effet : la multiplication des opportunités de dons, afin de créer un effet d’échelle et de démultiplier les sommes. Et si, à chaque passage d’un tourniquet du métro, 30 centimes étaient reversés pour la lutte contre le sida ? Et si 0,01 euro était envoyé aux enfants d’Haïti à chaque appel sur un portable ? Et si, à chaque menu Mac Donald’s englouti, un euro était reversé à la lutte contre la faim ? Ce 12 Fundraizine | 27 | JUIN 2011 monde où tout le monde donnerait tout le temps, où chaque action de la vie quotidienne serait une occasion de donner, un tout petit peu et presque sans s’en rendre compte, c’est ce qu’on appelle désormais « l’embedded » générosité. © microDon Obama en 2008 (400 millions de donateurs dont la moitié a donné moins de 200 dollars), le « financement par la foule » se développe à vitesse grand V. sur le modèle de l’Internet 2.0. Réunissant des dizaines, voire des centaines ou des milliers de petits donateurs autour d’un projet ou d’une personne à financer, il a par exemple donné lieu, dans le secteur non-profit, à l’explosion des courses solidaires organisées par un nombre croissant d’associations... Et a inspiré bien d’autres secteurs comme le monde de la musique (voir l’initiative de Mymajorcompany), ou les médias, avec la création, début avril 2011, de la plateforme « J’aime l’info ». Lancée par Rue89, elle rassemble une centaine de journaux en ligne désireux de faire financer des projets éditoriaux biens précis. Pour l’instant, « ça reste modeste, et en dessous de nos espérances », reconnaît Xavier Frison, responsable éditorial du site Politis.fr qui a lancé un appel à dons pour un reportage aux USA sur les gaz de schiste : au bout de deux mois, 375 euros ont été collectés sur un objectif de 2 500 euros – et c’est l’un des sites les mieux lotis… rien à voir avec un produit-partage qui implique que la personne achète et que la marque reverse : dans la “générosité embarquée”, c’est le donateur qui décide s’il veut, ou non, donner de sa poche en plus de la transaction ». « Et si, à chaque passage d’un tourniquet du métro, 30 centimes étaient reversés pour la lutte contre le sida ? » L’arrondi sur salaire : un microdon en devenir ? © jaimelinfo.fr Dossier Début avril, la plateforme « J’aime l’info » est lancée par Rue 89. Une générosité d’avenir si l’on en croit les acteurs d’influence dans le monde du non-profit. En 2009 déjà, le site trendwatching.com en faisait l’une des « 10 tendances de consommation pour 2010 ». Et pour le magazine américain The Chronicle of Philanthropy, l’« embedded generosity » arrive au 3e rang des « buzzwords » qui feront bouger la philanthropie en 2011 – juste après les « entrepreneurs sociaux » et la « microfinance ». Mais au juste, qu’est-ce que la « générosité embarquée » ? « C’est un très petit don réalisé au moment d’une transaction financière », explique Pierre-Emmanuel Grange, l’un des importateurs de cette nouvelle philosophie de la collecte en France. « Mais attention, précise-t-il, n Le don au quotidien : eldorado… En théorie, il existe donc une infinité de supports à cette « omni-générosité ». Les bulletins de salaires, les factures d’électricité ou de téléphone, les additions de restaurant, les tickets de caisse, les achats en ligne, les billets d’avion, etc. Aux Etats-Unis, 52 % des Américains réalisent chaque année une « Chekout donation ». En Angleterre, 100 millions de Livres sont collectées chaque année via le « Payroll giving », le don sur salaire. « Le “Payroll” est presque un programme parapublic, affirme Pierre-Emmanuel Grange. C’est très ancré dans les mœurs ». « 9 000 entreprises font du Payroll Giving en Grande-Bretagne, tempère Lyoko Myioshi, directrice associée à l’agence Excel, et chez Royal Mail, l’entreprise la plus engagée, moins de 30 % des employés participent au programme ». Un bon score tout de même en ces temps de crise économique... Plus étonnant, le Mexique est, lui aussi, l’un des pays pionniers sur la « générosité embarquée » grâce à son programme du « Redondeo » Dossier Micro-don qui consiste à reverser quelques centimes de pesos aux caisses des supermarchés. Alors, si ça marche ailleurs, pourquoi pas ici ? C’est précisément de ce modèle d’« arrondi » mexicain que s’est inspiré Pierre-Emmanuel Grange, pour créer, en 2009, la « carte microDON », un « flyer » sur lequel est imprimé un code barres pour faire un don à la caisse d’un supermarché pour une association locale. L’initiative a reçu en 2009, le Prix de l’Innovation en Fundraising décerné par les professionnels du secteur. Et prend aujourd’hui de l’ampleur puisque la région Ile-de-France a lancé une étude pour développer la carte au sein de plusieurs de ses départements. « L’arrondi en caisse intéresse les enseignes qui ont tout intérêt à entrer dans des démarches de Responsabilité sociale d’entreprise », souligne Pierre-Emmanuel Grange. Celui qui se définit comme un « entrepreneur social » ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Grâce au soutien de l’économiste et président de Planet Finance Jacques Attali, il a lancé l’année dernière, avec ADP, leader dans la gestion de paie, trois entreprises et deux associations de microfinance, le « Payroll giving » à la française. « En moyenne, 20 % de salariés participent au projet de l’arrondi solidaire dans les entreprises, pour un don moyen de 50 centimes, affirme Pierre-Emmanuel Grange. Ce n’est pas énorme pour l’instant, mais on continue de prospecter pour trouver d’autres entreprises. On est en train de créer le marché, les grosses sommes viendront mais pas tout de suite ». n …ou parcours du combattant ? Las !, c’est précisément par manque de résultats immédiats que le micro- don pêche. « En dehors des catastrophes humanitaires, le micro-don ne marche pas en France », constate Frédéric Bardeau. Il n’échappe pas à la fameuse règle des 80 / 20. « 80 % des fonds des associations viennent de 20 % des donateurs, c’est pourquoi les associations se tournent davantage vers les stratégies grands donateurs, poursuit Frédéric Bardeau. A l’inverse, le micro-don nécessite de déployer une énergie folle pour récolter bien peu d’argent ». Pierre-Emmanuel Grange, qui a passé un an et demi à convaincre les partenaires de s’engager sur l’arrondi sur salaire, reconnaît lui aussi que la mise en place d’opérations de micro-dons s’apparente à un parcours d’obstacles : « Les temps de décision des partenaires sont très lents car les niveaux de décisions sont très élevés, explique-t-il. Les mentalités ne sont pas encore préparées à cette nouveauté ». Fundraizine | 27 | JUIN 2011 13 Micro-don Cartes bancaires solidaires : le don au guichet De plus en plus en vogue, les cartes bancaires dites « solidaires » représentent aujourd’hui 3 % des cartes de crédit en circulation. Le principe est simple : à chaque transaction, une petite somme est donnée à une association. Depuis 2008, la Société générale verse ainsi 0,05 euros à l’une de ses 14 associations partenaires chaque fois que l’un des 38 000 détenteurs de sa « carte citoyenne » effectue un retrait ou un paiement. En deux ans, 500 000 euros ont été donnés par ce biais. Exemple avec l’ONG CARE – un partenariat global de plusieurs millions d’euros lie par ailleurs l’association à la banque depuis quatre ans – qui, depuis presque un an, compte près de 5 000 clients porteurs de cette carte solidaire marquée du logo de l’association. « En douze mois, nous avons collecté plus de 10 000 euros grâce à des personnes qui ne seraient sans doute pas sinon donatrices à l’association, rapporte Fabienne Pouyadou, directrice des partenariats à CARE France. Ce n’est pas énorme, mais cela nous permet de gagner en notoriété et de recruter de nouveaux donateurs ». Cette opération avec le tiers secteur offre d’autre part à la « Sogé » de soigner son image, malmenée depuis la crise financière. Un gain en communication qui ne lui coûte au final pas grand-chose si l’on considère le fait que les clients doivent payer 12 euros pour avoir accès à cette carte de crédit un peu particulière… Autre philosophie au Crédit Coopératif : ici, la carte Agir (dix ans d’existence) est au même prix qu’une carte « normale », et le Crédit Coop’ reverse, dès la souscription, 3 euros à l’une des 12 associations qu’il parraine. Puis 6 centimes à chaque retrait. Le client peut aussi faire un don supplémentaire de sa poche – ce qui fait entrer cette carte dans une réelle démarche de « générosité embarquée ». En 2011, 150 000 euros ont été reversés à une douzaine d’associations triées sur le volet, grâce à 30 000 porteurs de la carte Agir (soit 70 % des clients du Crédit Coop’). 14 Fundraizine | 27 | JUIN 2011 Ajoutez à cela une pincée de frilosité des entreprises partenaires... Comme GDF-Suez qui rechigne à proposer un arrondi sur facture au moment même où elle annonce une flambée des prix du gaz... Ou encore ces supermarchés redoutant qu’avec le don en caisse, cet endroit ultra-stratégique de l’achat ne se transforme en dernier salon où l’on cause... Sans parler des difficultés techniques de mise en œuvre : par exemple, distinguer dans une même action les flux « dons » et « achats » afin de respecter les règles de la fiscalité... n « Time for action » : premier essai pour ACF « C’est un boulot de titan », résume Valérie Daher, directrice de la communication et du développement chez Action contre la faim (ACF), seule association française1 à ce jour à s’être lancée à pieds joints dans une opération de micro-don d’envergure. Le projet « Time for action », né il y a plus d’un an dans les esprits des fundraisers de l’ONG, est guidé par un raisonnement simple : mettre le combat contre la faim à portée du plus grand nombre. « C’est à la fois une opération de plaidoyer et de mobilisation massive, précise Valérie Daher. L’idée est que chacun, riche ou pauvre, jeune ou vieux, puisse agir contre la faim dans le monde ». Une bien belle idée, qui colle parfaitement à la cause... mais qui s’avère un véritable casse-tête dans la mise en pratique. Il faut dire que le projet, qui devrait a priori voir le jour en 2012, est ambitieux. Il s’articule autour de six « moments » de dons : la validation du panier d’achat sur Internet, le passage en caisse au supermarché, le paiement des factures (de gaz et d’électricité, mais aussi de téléphonie et de loyer), le retrait / virement dans les distributeurs, l’arrondi sur la feuille de salaire et l’addition au restaurant. « Pour le moment, nous sommes encore dans la prospection de partenaires, explique Valérie Daher, même si nous réalisons d’ores et déjà quelques tests dans des endroits stratégiques : au duty-free de l’aéroport de Nice, dans un restaurant dont le directeur est à la tête d’un syn- dicat de la restauration, et bientôt, sur un site de e-commerce. C’est une énorme opération qui combine énormément de savoir-faire, notamment la constitution partenariats-entreprise ». Et aussi, la capacité à motiver son conseil d’administration et ses troupes en interne qui passent par des hauts et des bas… Au fond, le jeu en vaut-il la chandelle ? « Le monde est remplit d’exemples qui fonctionnent, se rassure Valérie Daher. Et puis j’estime que mon travail de fundraiser est aussi d’inventer de nouvelles manières de collecter de l’argent pour permettre à un maximum de personnes de faire oeuvre de générosité ». © action contre la faim Dossier ACF : seule association française à s’être lancé dans une opération de micro-don d’envergure. n Du « prosélytisme » pour la générosité S’ouvrir à de nouveaux publics : tel est, en effet, l’un des principaux points forts du micro-don. Conscientes que plus d’un Français sur deux ne donne pas, et que les donateurs les plus vieux vieillissent, « les associations sont, en France, dans une nécessité de renouvellement générationnel, souligne Lyoko Myioshi. Or, ce type d’approche permet faire goûter les jeunes générations au don ». Exemple aux Etats-Unis, où 57 % des 31-46 ans et 48 % des moins de 30 ans pratiquent la « Chek out donation ». « La génération “Web 2.0” est particulièrement réactive à ce genre de sollicitations, analyse Pierre-Emmanuel Grange. Le micro-don répond parfaitement aux nouveaux usages ». Accompagner les plus jeunes et les moins fortunés dans l’acte de générosité par ces petits dons « indolores »... Soit. Reste ensuite au fundraiser la (difficile) tâche de cultiver ces Dossier Micro-don © www.morguefile.com jeunes pousses de donateurs. « En touchant des personnes qui ne sont pas a priori donatrices, le micro-don permet de faire du “prosélytisme” pour la générosité. C’est un premier pas », estime Frédéric Bardeau. « Il faut absolument transformer les donateurs, avertit Lyoko Myiosho, sinon, le micro- Attention à l’effet « zapping » des micro-donateurs. don peut s’avérer un piège en habituant les gens à donner des petites sommes ». Gare, de même, à l’effet « overdose » et au risque de dispersion qui, du fait du comportement « zapping » des « micro-donateurs », ferait s’envoler dans la nature de toutes petites sommes. « La mise en place d’opérations de micro-dons est efficace pour les grandes associations avec une vraie force de frappe, souligne Frédéric Bardeau. Dans le micro-don comme partout, il y a la “prime au premier”, la “prime à la notoriété”, la “prime à la puissance de la marque”… Il ne faut pas croire que les cartes seront rebattues ». Pas révolutionnaire, le micro-don ? Plutôt un investissement sur l’avenir comme un autre, qui nécessite du temps et de l’argent. Et qui sera peut-être payant des années et des années plus tard… Mais si l’on veut récolter, ne faut-il pas d’abord savoir planter ? n P. G. 1 Voir aussi le partenariat entre les Pièces Jaunes et Priceminister : des « e-pièces jaunes » peuvent être versées aux hôpitaux à chaque règlement du panier d’achat sur le site de e-commerce. Fundraizine | 27 | JUIN 2011 15 Place aux débutants © www.morguefile.com Côté pratique Collecter sur internet Mettre en place un site web optimisé Si la collecte de fonds en ligne ne génère pas la majeure partie des dons en France1, on ne peut ignorer ce canal. Certains donateurs ont une appétence forte pour le web, et il est à parier que leur proportion ne fera qu’augmenter. Q uelques tendances : si 71% des donateurs reconnaissent qu'internet est un bon outil de collecte2, ils ne sont qu'un tiers à l'utiliser pour faire un don, en cas d'urgence ou en réponse à une sollicitation… Les fundraisers ont une belle marge de progression ! Voici le premier épisode d’une série d’articles qui vous donnera des pistes pour démarrer sur internet. Un site facile. Votre site web est votre vitrine. Il est donc important de le rendre clair, accessible et… de s’assurer qu’il fonctionne. Autant d’indices sur la capacité de l’organisation à bien remplir sa mission. Présenter le projet, parler de son impact. En une page, l’internaute doit comprendre votre projet (vos vision, missions, valeurs) et la provenance et la destination de vos 16 Fundraizine | 27 | JUIN 2011 ressources. Les internautes ont pris l’habitude de chercher, comparer, croiser les informations. Devancer leurs questions en mettant l’accent sur l’impact de vos programmes ne peut que les inciter à donner davantage. Page d’accueil : l’amour au premier regard En arrivant sur votre site, peut-on, en moins de 3 secondes… • Identifier ce que vous faites ? • Localiser le bouton de don ? • Percevoir l’urgence à donner ? • Voir un visuel ou un élément graphique fort, qui interpelle ? • S’abonner à la newsletter ? En moins d’une minute… • Repérer d’éventuelles cautions extérieures (Comité de la Charte, Prix, témoignage de célébrité, de bénéficiaires…) ? • En savoir plus sur vous (mission, vision, comptes..)? • Connaitre les différentes façons de s’engager à vos côtés ? • Trouver vos coordonnées téléphoniques et postales ? Côté pratique Place aux débutants Testez votre site ! © www.illustrations.fr Une manière simple de voir si un site est bien configuré, est de réaliser le test de « l’assignation de tâche ». Demandez à quelques cobayes de faire un don sur votre site, en votre présence et en partant de la page d’accueil de leur navigateur. Ils doivent décrire à haute voix ce qu’il font et les questions qu’ils se posent (cela vous permettra notamment de voir si vous avez choisi les bons mots clefs, si la navigation est fluide, etc.). Pourquoi cliquent-ils sur ce bouton ? Lequel cherchent-ils ? Bien entendu, préférez les néophytes… Hic aliud majus miseris multoque tremendum objicitur magis atque improvida pectora turbat. The Ask. Sur internet comme ailleurs, il faut demander pour recevoir. Il vous faut donc au moins un bouton de don, visible immédiatement, et ce sur chaque page de votre site. Soyez direct : préférez « je donne » ou « faire un don » à « nous soutenir ». « Plus votre site sera vivant, plus les visiteurs auront l’impression que votre association est active. » Votre module de don, une page à choyer. Nous voilà arrivés au nerf de la guerre, votre formulaire de don. Quelques règles à respecter. Tout d’abord, sur la page elle-même : l’objectif est de ne pas distraire votre internaute. Quel dommage de le voir quitter cette page, en cliquant sur un lien qui aura attiré son attention ailleurs. Pour éviter cela, les modules de don sont souvent des pages dites « cul-de-sac », qui n’offrent pas de porte de sortie (menu du site, image cliquables, bannière..), à moins de revenir à la page précédente. Toujours dans cette optique, gardez le nombre de champs remplissables à un minimum. Inutile de le rappeler, la transmission de données personnelles sur internet suscite la méfiance. Demandez ce qui vous est strictement nécessaire. Pas plus. Et si vous conservez jalousement les adresses de vos donateurs, faites-le savoir ! La grille de don doit être adaptée à votre public. Plusieurs méthodes sont retenues pour définir les montants de dons proposés. L’une des plus simples est la méthode des quartiles, qui consiste à scinder sa base en quatre groupes, en fonction du montant du dernier don. Prenez les montants les plus élevés de chaque quartile, et utilisez-les pour créer votre grille, et inciter vos donateurs à hisser leurs dons vers le haut. N’oubliez pas de proposer plusieurs façons de vous soutenir : don ponctuel ou régulier. Faites vivre votre site. Plus votre site sera vivant, plus les visiteurs auront l’impression que votre association est active. Il faut donc mesurer la somme de travail que représentent vos ambitions avant de vous lancer dans l’aventure. L’image que renvoie un site dont les informations sont périmées et les liens cassés ne viendra pas vous servir… n Pe. D. 1 Selon le Baromètre de France générosités 2010, environ 2% des dons des français sont effectués en ligne. Cependant, lors de grandes urgences humanitaires, on a vu certaines associations recevoir près de 60% de leurs dons sur internet. 2 Etude France générosités/Mediaprism, 2010, « Internet, quelles opportunités pour les associations et fondations ? » ➜ Dans le prochain numéro de Fundraizine, retrouvez les base de la génération de trafic. Quelques adresses pour aller plus loin… Blogs : http://www.lesnouveauxmediasnonmarchands.com/ http://agence-limite.fr/blog/ http://www.ong-online.org/ Ressources, guides pratiques : http://www.networkforgood.org/ Juridique : http://www.francegenerosites.org/e_upload/pdf/273.pdf Fundraizine | 27 | JUIN 2011 17 Out of the box ! © Fotolia Horizons La bienveillance : une stratégie gagnante pour le fundraising Au-delà du cliché « bisounours » qui flatte nos égos associatifs, la bienveillance est un concept stratégique puissant au cœur d’enjeux politiques, économiques, financiers et humains. Il demande à être connu et appliqué. D ans les années 1950, les mathématiciens américains Melvin Dresher et Merill Flood ont développé un modèle de jeux, le « dilemme du prisonnier », qui permettait d’analyser les comportements humains en matière de coopération pour atteindre un intérêt commun. Le principe de ce jeu est simple : deux suspects sont arrêtés par la police, mais les agents n'ont pas assez de preuves pour les inculper, donc ils les interrogent séparément en leur faisant la même offre : « Si tu dénonces ton complice et qu'il ne te dénonce pas, tu seras 18 Fundraizine | 27 | JUIN 2011 remis en liberté et l'autre écopera de dix ans de prison. Si tu le dénonces et lui aussi, vous écoperez tous les deux de cinq ans de prison. Si personne ne se dénonce, faute d'éléments au dossier, vous n’écoperez que d’une peine minimale de six mois ». Le dilemme du prisonnier fournit ainsi un cadre général pour penser les situations où deux ou plusieurs acteurs ont un intérêt à coopérer, mais un intérêt encore plus fort à ne pas le faire même si l'autre le fait, et aucun moyen de contraindre l'autre. Ce principe de jeux sert de modèle stratégique dans de nombreux do- maines tels que l’économie, l’écologie, la politique nationale et internationale, la défense, la biologie, la psychologie… En 1980, un professeur de sciences politiques, Robert Axelrod1, eut l’idée d’organiser, sur le principe du dilemme du prisonnier, un grand tournoi international entre des sommités mondiales de différentes disciplines (mathématiques, sciences, économie, culture…). Reliés par Internet, les participants se rencontraient à plusieurs reprises avec, à chaque fois, une décision à prendre sans connaître l’intention de l’autre : Horizons Out of the box ! je coopère ou je refuse de coopérer. A chaque rencontre, un certain nombre de points était attribué à chaque joueur selon les réponses : Coopère Joueur 2 Coopère Refuse Partage équitable des points Joueur 2 gagne tous les points Refuse Joueur 1 gagne tous les points 0 partout Le grand vainqueur du jeu fut Anatol Rapoport, professeur émérite en mathématiques et en psychologie de l’université de Toronto et, par ailleurs, pianiste virtuose, biologiste, spécialiste de la résolution des conflits, et fondateur de l’ONG Science for Peace. Sa stratégie était simple : à la première rencontre, il proposait toujours de coopérer et, par la suite, il reproduisait, à chaque fois, le comportement qu’avait eu son adversaire avec lui au coup précédent : il répondait toujours favorablement à celui qui lui avait proposé une coopération, et négativement à celui qui avait refusé de coopérer. Cette stratégie connue sous le concept de « tit for tat » (gagnant-gagnant) fut unanimement saluée, analysée et reconnue par tous. Robert Axelrod organisa peu de temps après une deuxième compétition sur le même modèle. Et ce fut encore Rapoport qui, en appliquant la même stratégie annoncée à l’avance, gagna avec encore plus d’écart que la première fois. De nombreuses analyses et études ont été tirées de cette expérience qui montre que le doute et/ou le caractère égoïste de l’homme peuvent l’amener à perdre sur tous les plans (écologiques, politiques, économiques, sociétaux…), mais que plus les échanges sont nombreux, plus le principe de bienveillance prévaut par logique d’évolution naturelle de l’espèce humaine ou par l’instauration de lois qui garantissent l’intérêt commun. Pour ce qui concerne le fundraising, la leçon principale de cette expérience est que la coopération, l’ouverture et la bienveillance sont de véritables stratégies gagnantes. Les organisations gagnantes de demain seront celles qui sauront s’ouvrir avec bienveillance à la coconstruction et à la maximisation des points de contacts, de rencontres et d’échanges avec leurs donateurs mais aussi avec tous les autres acteurs de leur environnement : prospects, concurrents, prestataires, collègues. L’autre grande leçon est que la réussite des concepts de bienveillance et de coopération sur des stratégies plus égoïstes, individuelles ou uniquement centrées sur le profit à court terme, renforce la vision des associations et des organisations non profit qui prônent l’avènement d’une nouvelle forme de société fondée sur le mieux vivre ensemble, la préservation de l’intérêt commun ou le soin de l’autre2. Ce modèle alternatif de société porté par le principe de bienveillance trouve un formidable accélérateur dans le développement actuel du web 2.0. Les stratégies fondées sur le positif et le « gagnantgagnant » n’ont, en effet, pas besoin de coordination centralisée. Ce sont des cercles vertueux qui s’entretiennent et s’élargissent d’eux-mêmes. Ainsi, le développement actuel du web 2.0 et des réseaux sociaux, qui met de plus en plus de gens en relation, est un facteur qui favorise la coopération durable. Plus nous nous dirigeons vers un monde massivement interactif, plus la collaboration se développera. Le web 2.0 nous fait pressentir un nouveau potentiel Joueur 1 collaboratif et il appartient aux fundraisers d’être des acteurs majeurs de son développement. La troisième leçon est que la stratégie de la bienveillance répond à des règles précises qui sont notamment présentées dans le livre Stratégie de la bienveillance3 : 1- S’ouvrir systématiquement à la coopération à priori. Chercher à rencontrer la facette de l'autre qui ose la bienveillance. 2- Se voir un avenir commun. Partager une vision ou un intérêt commun qui nous lie. 3- Jouer la bienveillance stratégique dans toutes nos rencontres. Coopérer tout le temps avec celui qui coopère avec moi jusqu’à ce qu’il arrête en premier. 4- Rompre immédiatement la relation avec quelqu’un qui n’est pas bienveillant ou qui arrête d’être bienveillant avec moi. 5- Reprendre cette relation sans arrière pensée si la même personne redevient par la suite coopérative et bienveillante à mon égard. En osant explorer ce territoire neuf et illimité de la coopération dans un état d’esprit positif et bienveillant, le fundraiser va asseoir les bases de la réussite de son organisation car, comme le résume Juliette Tournant3 : « Coopérer, être dans la stratégie de la bienveillance, c'est trouver dans la rencontre avec l'autre de quoi progresser sur sa route tout en faisant progresser l'autre sur la sienne ». n Ph. D. 1 Robert Axelrod, « Donnant donnant » - Une théorie du comportement coopératif (traduit aux éditions Odile Jacob, 1992). cf. http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/05/12/pour-une-ecologie-du-care-et-de-la-bienveillance-par-serge-guerin_1350290_3232.html. 3 La stratégie de la bienveillance, ou l'intelligence de la coopération, Juliette Tournand, InterEditions. 2 Fundraizine | 27 | JUIN 2011 19 Horizons Côté recherches © www.illustrations.fr Le temps vaut mieux que l’argent Mieux vaut demander d’abord du temps avant des dons, révèle une étude américaine sur le « time ask effect ». Analyse. W endy Liu et Jennifer Aaker ont publié en 2008 un article de recherche passionnant sur le don et le « time ask effect » dans la prestigieuse revue Journal of Consumer Research. Le concept du time ask effect recouvre la problématique suivante : est-il utile de demander d’abord du temps aux individus, puis de l’argent, en jouant sur le fait que cette demande va activer chez eux des pensées favorisant le don monétaire ? Selon les théories du traitement de l’information, le fait de demander d’abord à la personne si elle est prête à donner de son temps, provoque en elle des émotions positives, qui rejaillissent ensuite de manière positive sur son don d’argent. Les auteurs ont testé leur théorie du time ask effect au travers de trois expérimentations successives. Dans une première expérimentation, 199 personnes ont été interrogées par le biais du site Internet de l’université de Stanford. Ils devaient lire le texte suivant : « Lung cancer is the leading cancer killer in both men and women in the United States. The American Lung Cancer Foundation’s mission is to promote public awareness, policy making and medical research towards preventing lung cancer ». Après cette lecture, les chercheurs ont demandé à la moitié de l’échantillon de faire un don monétaire, et à l’autre moitié, un don de temps, puis un don monétaire. Sur cette autre moitié, on affirme que la Fondation souhaite organiser un événement et 20 Fundraizine | 27 | JUIN 2011 qu’elle a besoin de volontaires. Les deux questions posées par la suite sont : « Combien de temps voudriezvous donner à l’American Lung Cancer Fundation ? », et « combien d’argent voudriez-vous donner à l’American Lung Cancer Foundation ? » Les résultats de cette première étude montrent que sans demander du temps, le don moyen est de 24,46 dollars alors qu’avec une demande préalable de temps, on a un don moyen de 36,44 dollars. n Une deuxième expérimentation Les auteurs cherchent ensuite les facteurs explicatifs de ces résultats et notamment, explorent la possibilité que les répondants n’ayant pas de temps aient éprouvé de la culpabilité qui les ait poussés à donner de l’argent. Pour tester cette hypothèse, ils ont fait une comparaison de moyenne entre ceux qui ont dit qu’ils ne donneraient pas de temps et ceux qui ont dit qu’ils en donneraient. Les résultats montrent que ceux qui n’ont pas de temps donnent également moins d’argent que les autres. Donc, cette hypothèse n’est pas la bonne. Pour assurer la robustesse de leurs résultats, les auteurs ont procédé à une deuxième expérimentation. Dans celle-ci, à la fin d’un cours, on propose à 193 étudiants de participer à une étude contre 10 dollars. Après avoir eu une présentation d’une page de l’association Hopelab (aide aux enfants souffrant de maladies chroniques graves), on leur pose deux questions : • « How interested are you in volunteering for hopelab ? » • « How interested are you in making a donation to hopelab? » (1 : « pas du tout » à 7 : « beaucoup ») Si les individus disent qu’ils sont prêts à donner de leur temps, on les recontacte après, par mail pour faire du bénévolat sur le campus pour l’association. L’association donne au bout d’un mois le nombre d’heures qu’ils ont réellement faites comme bénévoles. En sortant de la salle, les répondants pouvaient également faire un don monétaire réel pour l’association et recevaient alors un reçu fiscal. Les résultats montrent que le fait de demander du temps conduit à un don plus fort que la condition de contrôle où on ne demande pas de don de temps. Afin de mieux comprendre ce phénomène, les auteurs ont réalisé une troisième étude. Cette dernière était similaire à l’étude 2, mais le questionnaire mesurait également les concepts suivants, potentiellement explicatifs du time ask effect : • l’empathie ressentie lors de la description de l’association Hopelab, • le fait de s’imaginer être bénévole de l’association, • les croyances entre le fait d’être bénévole et le bonheur : « To what degree do you believe happiness is tied to volunteering ? », « to what degree do you believe happiness is tied to donationg money ? ». Horizons Côté recherches n Hédonisme versus calcul Les chercheurs disent aux étudiants qu’ils peuvent gagner 20 dollars à une tombola à la fin de l’étude. Ils doivent alors dire s’ils donneront un pourcentage, et lequel, à l’association. L’échantillon était de 50 personnes. Ils étaient tous payés 10 dollars pour participer. Après avoir lu une feuille décrivant l’association, les chercheurs demandaient aux étudiants leur intention de don de temps et don d’argent (ou dans le sens inverse). Les résultats montrent une nouvelle fois que le montant donné dans la condition où on demande d’abord du temps est supérieure à celle où on demande de l’argent d’abord. De plus, lorsqu’on demande en premier du bénévolat, il apparait que les gens répondent plus positivement au fait que le bonheur est lié au volontariat. L’hypothèse selon laquelle le fait d’évoquer le bénévolat provoque des émotions positives est donc acceptée. Pour les auteurs, le bénévolat fait appel à des évocations hédoniques fortes (de partage, de joie, d’appartenance à une communauté, de bien être) alors que l’appel au don monétaire fait appel à des calculs rationnels reposant sur l’économie. Les deux autres variables potentiellement explicatives du time ask effect : l’empathie ressentie et le fait de s’imaginer être bénévole de l’association ne sont pas significatives et ne permettent donc pas d’expliquer la différence de moyenne observée entre les deux ordres de présentation. Seule l’hypothèse du plaisir à être bénévole suscité par la question sur le don de temps peut donc être retenue. En conclusion, il serait très intéressant pour les associations de tester cet effet dans leurs mailings en mettant en avant le plaisir et les autres émotions positives liées au bénévolat pour ensuite, demander de l’argent. D’ailleurs, n’est-ce pas quelque part la stratégie du Téléthon de mettre en avant tous les bénévoles qui ont participés aux 22 000 évènements sur le terrain pour ensuite, demander de l’argent aux téléspectateurs ? n S. R. Pour en savoir plus : Liu W. et Aaker J. (2008), The Hapiness of Giving: the Time-Ask Effect, Journal of Consumer Research, 35, 3, 543 – 557. Fundraizine | 27 | JUIN 2011 21 Horizons Zoom pays Québec, Terre d’avenir ! Petit récit du voyage d'études au Québec1 pour jeunes fundraisers organisé par l’AFF et l’Office Franco Québécois pour la Jeunesse (OFQJ) en mai dernier. V ous souvenez vous des campagnes de publicité « Canada Dry » ? « Ça ressemble à l’alcool, c’est doré comme l’alcool… mais ce n’est pas de l’alcool ». En référence à cette publicité, le nom « Canada Dry » est utilisé en France (avec condescendance ! ndlr) pour qualifier une chose qui a les apparences sans avoir la fonctionnalité de ce qu’elle prétend ou semble être 2. C’est sans doute ce que redoutaient certains d’entre nous. Un voyage en Amérique du Nord, mais pas à la Mecque du fundraising. Juste un peu au nord, dans une province francophone, au Québec, sic ! Mais ce n’est pas du Canada dry, loin de là, qu’on nous a servi au congrès annuel de l’Association des Professionnels en Gestion Philanthropique (APGP), intitulé cette année : "Suivez la vague du leadership !". Notre premier contact avec les professionnels de la philanthropie, dans le cadre du voyage d’études à Montréal des jeunes fundraisers de l’AFF a été déroutant ! Deux jours de conférences époustouflantes. Nous étions venus pour écouter des professionnels de la philanthropie et du fundraising et on nous a parlé de tout, sauf de fundraising. Mais nous avons assisté à de vrais « men et women shows » instructifs, intelligents, rafraîchissants. Un recul et une prise de hauteur indispensable pour aller chercher l’information, la traiter, la restituer et surtout l’utiliser pour optimiser les stratégies de levée de fonds. Ces professionnels nous ont transmis 22 Fundraizine | 27 | JUIN 2011 en premier lieu la passion, l’émotion, le volontarisme, le discernement et surtout de l’humour dans une « parlure » québécoise fleurie. Les jours qui ont suivi, nous ont permis de rencontrer des professionnels efficients, ne se prenant pas au sérieux et qui nous ont accueillis avec attention et patience. Ils nous ont transmis, sans parcimonie, les approches, les techniques et les méthodes de levée de fonds appliquées à leur secteur : universités, environnement, solidarité, culture… Eux aussi nous ont présenté leur expertise et l’efficacité de leur collecte de fonds, avec une grande modestie. Selon leurs propres termes, ce qu’ils font n’a rien de comparable avec le professionnalisme et l’ambition des Anglo-saxons, sous entendu, les Américains bien sûr ! Notons simplement que l’université de Montréal vise une campagne de collecte de fonds de 350 millions de dollars sur 5 ans. Mac Gill vient de clore une campagne de 750 millions de dollars. Le Musée des Beaux Arts de Montréal organise tous les 10 ans une campagne de 100 millions de dollars…canadiens, bien sûr !3 Sans parler de la Fondation Telus4, qui a reversé en 10 ans, plus de 250 millions de dollars à de nombreuses associations. Si ça, c‘est du « fundraising canada dry », on en redemande ! S’il fallait conclure cette chronique, à la suite de ce voyage, je dirais que, même si l’expertise des Français n’a rien à envier à celle de leurs confrères québécois, cette mission d’une semaine nous a permis de revisiter un certain nombre de fondamentaux et cela fait beaucoup de bien ! n Antoine Vaccaro 1 Le Québec, 1 667 441 km2, 3 fois la superficie de la France, 355 315 km2 d’eau douce, un réchauffement climatique tout relatif, l’un des Etats les moins endettés au monde… 2 Wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/ Canada_Dry 3 1 dollars Canadiens = 1,03 dollars US 4 Telus est un opérateur de téléphonie, comparable au poids relatif de Bouygues télécom en France. 5 Donne, sollicite ou dégage. Voici quelques verbatim qui vous rappelleront, sans doute, quelque chose : « Tout est une question de mental » « On ne reçoit pas, si on ne demande pas » « Tout est dans le test. Tester, tester, tester !! » « Appliquer aux membres des CA, les 3 « G » : Give, get or get out !5 « Utiliser toutes les occasions pour faire donner » « Tenter d’upgrader les dons » « Toutes les campagnes sont objectivées pour fixer un horizon » « Affiner les programmes de contreparties ou de reconnaissance » etc… Tribune libre © Fotolia Opinions Comment s’assurer de ne pas être lu ? La qualité de l’information est un des facteurs importants du don. Pourtant, les rédacteurs des articles diffusés dans les médias associatifs oublient parfois leur lecteur. C ommençons par jouer. Mettezvous un instant dans la peau de votre donateur et lisez ces lignes : « Pour conclure, nos résultats sont tous étroitement liés au professionnalisme et à la rigueur de chacun des membres de l’Association, salariés et bénévoles, qui œuvrent au quotidien, chacun dans son domaine de compétence, à la réalisation de nos ambitions partagées au service de celles et ceux qui de par le monde sont trop souvent confrontés à l’exclusion et au déni de leur dignité et capacités à contribuer à un monde plus solidaire. » Etes-vous allé jusqu’au bout ? Et surtout, votre association est-elle l’auteur de ce texte ? Sites Web et journaux de donateurs fleurissent de jolies phrases écrites à plusieurs mains, soigneusement tournées, porteuses de toute la philosophie de l’organisation. Que s’est-il passé pour que pareille tirade soit mise au monde ? De la bonne volonté, le souci de n’oublier personne, le goût des mots exigeants, quelques tics rédactionnels, le sens du collectif et la volonté politique de rassembler tous les salariés autour d’un projet... Il est probable aussi que les circuits de validation aient permis à chaque relecteur d’apporter une précision essentielle pour lui. Résultat : 430 signes d’idées et de concepts pour une seule phrase. Une phrase totalement inadaptée à sa cible, pourtant soucieuse de comprendre à qui elle fait un don. La qualité de l’information est un des éléments clés du don. 60 % des donateurs1, interrogés par Recherches & Solidarités, attendent une présentation claire de la vision, des valeurs et missions de l’association. La clarté passe par des phrases simples, courtes, sans ambigüité ni jargon. La première règle? Faire des choix. Le choix du public visé, du thème, du ton, du média, du format, de l’exemple concret. L’enquête les interroge aussi sur ce qui pourrait les empêcher de donner. Parmi les réponses : une action décevante, trop de dépenses en communication, la déception relative aux informations financières. Là encore, la qualité de l’information joue un rôle important. Commençons par bannir quelques mauvaises habitudes rédactionnelles : le rewriting des notes de synthèse des programmes (elles manquent de cas concrets qui rendent l’action palpable pour le lecteur) ; la « mise en couleur » des informations financières (CER, etc.) sans ajouts d’information (« ben oui, quoi, les chiffres ça se passe de mots »... or tous les donateurs ne sont pas com- missaires aux comptes) ; la recherche de l’exhaustivité qui se traduit par des colonnes de texte, à peine aérées par quelques intertitres abscons, des pages sans aide à la lecture, denses et souvent indigestes. Pour être lu, il est important de varier les formats : brèves, rapide interview, reportage, gros chiffres, infographie, reportages photos légendés, témoignages de bénéficiaires (rédigés différemment de ceux employés pour les mailings) et interviews... C’est dans la presse lue par vos publics qu’il faut puiser les méthodes. Le journal des donateurs doit être lu par sa cible, sans chercher à faire plaisir aux techniciens de l’association. Reste une question, née à la lecture du numéro 26 de Fundraizine. Utiliser les outils du secteur marchand, comme recommandé ici, risque-t-il de dénaturer l’action elle-même ? Je ne crois pas. Loin de maquiller votre action, de l’adapter de façon artificielle à une demande marketing, mais de mieux vous faire entendre. n P. R. Sources : 1 « La générosité des français », 15ème édition. Recherches & Solidarités, Cécile Bazin et Jacques Malet, novembre 2010. 2 « L’orientation Marché » tue-t-elle à petit feu le projet associatif ? Pages 18 et 19 de « Fundraizine », n°26, avril 2011. Fundraizine | 27 | JUIN 2011 23 Opinions La donatrice mystère La Donatrice Mystère... Du crowdfunding au micro-don La quête de nouvelles voies de ressources, l’arrivée de nouveaux acteurs dans la philanthropie, et l’évolution des technologies portent l’innovation en collecte de fonds. Deux approches nouvelles tentent aujourd’hui de faire leur place au soleil du fundraising : le « micro-don » et le « crowdfunding ». Deux disciplines qui ont en commun une même philosophie : les petites gouttes d’eau peuvent faire de grandes rivières. La Donatrice Mystère, qui n’est pas née de la dernière pluie numérique, ouvre le débat avec son bon sens habituel : phénomène de mode ou véritable révolution à moyen et long terme ? Une discussion à suivre avec Grégoire, son éco-geek de petit-fils. La Donatrice Mystère : « Grégoire, que fais-tu depuis deux heures, rivé encore à ton écran ? Entre ton ordinateur et ta musique dans les oreilles, tu finiras aveugle et sourd, quand tu auras mon âge ! » Grégoire : « Ça y est Mamie, je termine. Tu m’as demandé de faire don des 50 euros que j’ai gagnés dans un pari que tu as injustement qualifié de stupide... Alors en qualité de meilleurpetit-fils-de-la-planète, j’obtempère ! Je répartis la somme sur différents projets humanitaires et artistiques sur un site de “crowdfunding”... » La Donatrice Mystère : « Ca y est, tu reparles chinois...“Croadfoun...”quoi ? » Grégoire : « “Crowdfunding”, Mamie, ça veut dire “financement participatif”. Viens que je te montre. Tu vois le site ici s’appelle “ulule.com”, mais il y en a des dizaines d’autres. Là c’est la page des projets ; il y en a des centaines organisés par catégories : musique, arts graphiques, voyages, techno, social, humanitaire... Pour faire simple : les gens qui ont un projet le publient sur le site en précisant le montant financier dont ils ont besoin pour le réaliser. Ensuite, ils activent leurs amis qui en parlent à leurs amis, dans un schéma communautaire, pour recueillir des petits dons. On joue l’effet de masse par les réseaux sociaux pour organiser la collecte. » La Donatrice Mystère : « Et ça marche ? » 24 Fundraizine | 27 | JUIN 2011 Grégoire : « Oui, c’est génial. En France, on en est au début. Mais il y a déjà quelques belles opérations. Tu te rappelles, Grégoire le chanteur qui porte mon prénom. Il a lancé son premier album grâce au crowdfunding et au site MyMajorCompany. Des milliers d’internautes ont versé des petites sommes et sont devenus co-producteurs de sa musique. » La Donatrice Mystère : « Mais ce n’est pas du don alors ? » Grégoire : « Non, ce n’est pas toujours désintéressé… On peut devenir donateur, certes, mais aussi, producteur, acheteur, investisseur... Les projets sont multiples. Depuis peu, c’est le cinéma qui se lance dans le “crowd” ! » La Donatrice Mystère : « Tu sais, ça ne me paraît pas bien nouveau. Finalement, ton “croad-machin-chose” c’est une sorte de souscription. Tu parles de cinéma… Je me souviens quand j’étais jeune, en 1958, le cinéaste John Cassavetes avait tourné son premier film, Shadows, en mettant les New-Yorkais à contribution. Autre exemple emblématique, la statue de la Liberté ne se serait jamais élevée sans la souscription lancée dans le New York World, et la participation de dizaines de milliers d’américains. Et plus loin encore, l’Encyclopédie, au siècle des Lumières, a vu le jour grâce à 4 300 souscripteurs. C’est aussi depuis toujours le mode de fonctionnement des coopératives ». Grégoire : « D’accord Mamie, j’imagine que des exemples comme ça, il y en a pléthore. Mais avec le web, le sujet trouve une nouvelle jeunesse et surtout de nouveaux leviers : ça peut être le projet de “Mr-Tout-lemonde”, ça peut être un projet au fond d’un petit village en Afrique, tu peux effectuer une présentation multimédias de ton projet, donner des nouvelles du niveau de collecte, puis de sa réalisation ; grâce aux réseaux sociaux, chaque contributeur est aussi un nouvel ambassadeur qui va promouvoir le projet… Tu sais, c’est une forme de nouvelle philanthropie qui est entrain de se créer ! » La Donatrice Mystère : « Oui, enfin, j’imagine qu’il n’y a pas de reçu fiscal… ça va en freiner quelquesuns. Et puis, comment être sûr que c’est sérieux ? Que ce n’est pas une escroquerie à l’autre bout de la planète ? Les grandes associations que je soutiens par des dons, on les connaît, elles passent à la télé, elles sont contrôlées. La confiance, quand on donne, c’est important ! » Grégoire : « Mammmiiee… ne regarde pas que le verre à moitié vide... Il y a plein d’avantages aussi : le “crowd” permet des économies de coûts : plus d’intermédiaires, plus de mailings polluants, tu aides directement l’opérateur ou le bénéficiaire du projet. Tu n’as pas (toujours) de reçu… mais tu reçois des photos, des vidéos, des nouvelles régulières du projet, tu le vois se construire. C’est Opinions La donatrice mystère quand même plus gratifiant et plus concret qu’un don que tu envoies par courrier et dont tu n’entends plus jamais parler. Ça change la manière de donner ! » La Donatrice Mystère : « Mais ça risque de n’être que des “micro-dons” pour des“micro-projets”.Les grandes associations gèrent des grands projets... » Grégoire : « Tu connais l’adage : “les petits ruisseaux forment les grandes rivières”... C’est aussi une façon d’intéresser à la philanthropie des publics plus jeunes qui cherchent à donner autrement, à être plus en lien avec les porteurs de projets ou les bénéficiaires finaux, et qui se fichent du reçu fiscal. je trouve, au contraire, que les grandes associations dont tu parles devraient s’y intéresser... » La Donatrice Mystère : « J’ai plutôt l’impression qu’elles préfèrent recevoir les dons des grandes fortunes que de partir à la cueillette des centimes... » Grégoire : « L’un n’empêche pas l’autre. On voit fleurir plein d’expériences de “micro” ou de “mini” dons : par exemple l’achat de cartes de microdon – souvent 1 euros – au passage des caisses des supermarchés, l’abandon des centimes d’euro sur les caisses enregistreuses des débits de tabac, les dons de centimes encore, prélevés sur les fiches de paye ou sur les cartes de crédit, le reversement des points des cartes de fidélité... » La Donatrice Mystère : « Oui, c’est l’idée de la pièce qu’on donnait à un pauvre, ou qu’on versait dans le tronc d’un quêteur de l’Armée du Salut, ou de la campagne du timbre contre la tuberculose, dans les cours de récréation, à mon enfance. Aujourd’hui les Pièces Jaunes collectent aussi des petits dons, sans besoin d’électronique ou d’Internet... » Grégoire : « Oui Mamie, mais il ne s’agit pas de substituer un moyen à un autre. Ils se complètent... et les ressorts du don sont toujours les mêmes. Les nouveaux médias permettent simplement de créer des nouveaux canaux pour collecter et de bénéficier de l’effet de levier des réseaux sociaux. Le don devient un geste social qui s’affiche, se partage dans une communauté. De nouveaux médias vont encore voir le jour. Je pense au téléphone portable, par exemple, qui n’a jamais bien fonctionné en terme de dons par SMS à cause des taxes. Mais je suis sûr que dès lors qu’il servira de terminal de paiement, il deviendra un excellent vecteur de micro-don. » La Donatrice Mystère : «Houlala ! Ce n’est pas de mon âge tout ça. Maintenant, si ça permet d’éveiller les jeunes à la générosité, je ne peux qu’approuver ! » Les tests et propos de la Donatrice Mystère ne représentent aucune vérité scientifique, mais les simples constat et réflexions d’un donateur « lambda » en contact avec nos organisations. Fundraizine | 27 | JUIN 2011 25 People Portrait Huit Femmes © DR Femme d'intérêt général et de lettres, femme « fatale » et féministe, femme de fond et femme de fonds... De multiples visages pour un seul sens. Rencontre de Marie-Stéphane Maradeix, nouvelle Présidente de l'AFF. Q ui est Marie-Stéphane Maradeix ? La directrice de campagne de l'Ecole Polytechnique ? La présidente de l'Association Française des Fundraisers ? Parties émergées d'une femme qui ne se résume pas en une métaphore. Femme multifacettes mais d'un solide seul tenant. Inspiration : femme de lettres. Elle aurait voulu être journaliste mais se range aux conseils paternels pour s'orienter vers une école de commerce. A Sup de Co Lyon, s'épanouit la femme d'intérêt général : elle participe à un programme pilote qui l'envoie trois mois à temps plein dans une association de soutien aux femmes en difficulté en Guadeloupe. Retour en France et premier boulot. La femme de fond se met alors à engendrer peu à peu la future femme de fonds. Elle a l'opportunité d'intégrer le tout nouveau programme sur la philanthropie de la Johns Hopkins University de Baltimore. Avant son départ, elle doit préparer une intervention sur la philanthropie en France et rencontre donc tous les professionnels du sujet de l'Hexagone, dont Antoine Vaccaro alors en train de monter l'agence EXCEL. Marie-Stéphane Maradeix assume ses influences, dont celle-ci. « Je suis un bébé Vaccaro », sourit-elle. Aux USA, elle découvre les techniques de collecte de fonds, les campagnes de financement... De retour à Paris, son mémoire sur le rôle des ONG américaines en Afrique sub- 26 Fundraizine | 27 | JUIN 2011 saharienne sous le bras, elle convoite un poste de chef de projet au Gret (Groupe de recherche et d’échanges technologiques). En entretien, son interlocuteur lui apprend que le poste ne sera finalement pas créé… avant de poursuivre : « en revanche, j'ai reçu ce matin un mémoire que nous aimerions publier, avec la mention “Retrouver l'auteur !” sur la page de garde...». L'auteur c'était elle. La femme de lettres reprend du service pour la traduction et la publication de ce mémoire puis elle rejoint Médecins du Monde (MDM) pour y structurer l'activité de parrainage. Premiers pas de la femme « fatale »... aux postes qu'elle occupe. La Guerre du Golfe éclate et MDM se recentre sur ses activités médicales, mettant un terme à l'aventure « parrainage ». Antoine Vaccaro la recrute pour développer La Voix Privée (l’ancêtre de Fundraizine) et le Club des Fundraisers (l’ancêtre de l’AFF). Mais, faute de moyens, le journal et son poste sont supprimés. Pas découragée, elle ouvre alors une « parenthèse européenne de sept ans » qui commence par un retour vers l'accompagnement des femmes : trois ans au sein du programme NOW portée par le Secrétariat d’Etat aux Droits des Femmes, « un ministère de combat, au final pas si loin du militantisme associatif ». Marie-Stéphane Maradeix, femme féministe ? « Je suis un peu “chienne de garde” », reconnaît-elle. Après trois ans, sa fonction est (à nouveau) supprimée. Elle cherche du travail pendant un an et s'occupe en écrivant un roman de science-fiction (elle a déjà publié des nouvelles). Tenace, ce fond de femme de lettres... Après cette pause, « Madame Europe » reprend du service. Elle rejoint l’Unrep (fédération d’établissements d’enseignement agricole) en tant que responsable des partenariats européens. Parmi les adhérents : les lycées agricoles et horticoles de la Fondation d'Auteuil qui la débauche en 1998. La parenthèse Europe se clôt quand la Fondation d'Auteuil rencontre Stéphane Chennec, un consultant québécois, qui l'incite à se lancer dans une campagne de financement « à l'américaine ». MarieStéphane Maradeix l'a rencontré quelques années plus tôt. Il pose le verdict : « Vous avez la personne qu'il vous faut en interne ». Portée par ce nouveau « pygmalion », Galatée endosse les habits de collectrice de fonds. Travaillant désormais pour l'Essec, Stéphane Chennec l'entraine ensuite dans les filets de l'enseignement supérieur. Elle embrasse ce nouveau sujet, planche sur la création de la première conférence Enseignement Supérieur – Culture – Recherche de l'AFF, accompagne la création du Certificat Français du Fundraising à l'ESSEC, co-écrit un ouvrage sur le sujet... Femme plurielle mais toujours entière. Elle qui est « une litteraire plutôt qu’une scientifique » a des appréhensions quant aux écoles scientifiques et encore plus quant aux écoles « militaires »... Elle sait trouver l'âme et le cœur sous le bicorne quand elle croise la route de Polytechnique : « L'élitisme au sens noble du terme : c'est l'équation qui décide de qui est le meilleur porté par de vraies valeurs humaines ». Où aller à partir de là ? Quelle femme reste encore à éclore ? « Au final, si je me retourne, je dirais qu'il y a trois fils conducteurs à mon parcours. L'intérêt général, la formation, et enfin les questions de financement : les chercher, les distribuer, réfléchir à leur sujet... Je ne sais pas si je garderai ces fils conducteurs, mais je pense que je resterai dans le domaine de l'intérêt général. C'est un peu le sens de ma vie ». n N. W. Répertoire Prestataires n Agences conseils en fundraising n Internet n Télémarketing Collectes de fonds Choisissez l’efficacité maxyma n Bases de Données www.maxyma.com Tél : 01 44 51 57 85 Vous voulez publier votre annonce ? 01 43 73 34 65 Fundraizine | 27 | JUIN 2011 27