La notion de titres de participation

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La notion de titres de participation
La notion de titres de participation
Par Olivier Fouquet
Président de Section (h) au Conseil d’Etat
Les décisions du Conseil d’Etat du 20 octobre 2010 n° 314247, Sté Alphaprim et n°314248,
Sté Hyper Primeurs, (publiées à la RJF 1/11 n°16, avec les excellentes conclusions du
rapporteur public Edouard Geffray publiées au BDCF 1/11 n°5) donnent, pour la première
fois en jurisprudence, la définition des titres de participation au sens de l’article 219, I-a ter
du CGI.
Cette définition est importante puisque le droit fiscal applique aux titres de participation des
règles particulières en matière de frais d’acquisition, de provisions pour dépréciation et de
taux, et de plus-values ou de moins-values. Mais au delà de l’intérêt que présente par ellemême une telle définition, cette jurisprudence conduit, nous semble-t-il, à une nouvelle
réflexion sur le « coup d’accordéon » en cas de réduction de la participation.
La notion de titres de participation
1) L’article 219, I-ter a du CGI dispose que « constituent des titres de participation les parts
ou actions de sociétés revêtant ce caractère en droit comptable ». Selon le Plan comptable
général (PCG) de 1982, constituent des titres de participation les titres dont la possession
durable est estimée utile à l’activité, notamment parce qu’elle permet d’exercer une influence
sur la société émettrice de titres ou d’en assurer le contrôle. Cette définition n’a pas été reprise
par le PCG de 1999, mais la doctrine s’accorde à regarder comme toujours valable la
définition du PCG de 1982 dès lors qu’elle n’a pas été remplacée par une définition nouvelle
et qu’elle n’est pas contredite par d’autres définitions nouvelles.
Comment appliquer fidèlement cette définition comptable en droit fiscal ?
Les circonstances des deux espèces jugées par le Conseil d’Etat étaient, à cet égard,
intéressantes.
Deux sociétés contrôlées par les mêmes actionnaires avaient progressivement acquis, au sein
d’un groupe d’investisseurs, une participation dans une troisième société. Elles avaient
revendu leurs participations respectives avec une lourde moins-value quelques années plus
tard (revente en 1997 de titres acquis en 1992 et 1995).
Les titres ainsi acquis avaient-ils le caractère de titres de placement
ou de titres de participation ?
Il existait des éléments dans les deux sens.
D’une part les contribuables invoquaient le protocole d’accord passé entre les
investisseurs qui avaient acquis des titres de la société. Ce protocole prévoyait notamment que
les investissements étaient motivés par la possibilité de dégager des plus-values sur titres dans
des délais relativement courts.
D’autre part, l’administration invoquait un autre aspect de ce protocole par lequel les
investisseurs s’engageaient à détenir au terme de huit années, par des augmentations de
capital réservées et progressives, le tiers du capital, soit une minorité de blocage. Les deux
sociétés avaient effectivement augmenté leur participation en 1995, alors que la valeur des
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actions acquises en 1992 s’était dépréciée. En outre les sociétés avaient inscrit les titres acquis
dans un compte « titres de participation » de leur bilan. Mais les contribuables objectaient que
cet aspect du protocole n’avait jamais été mis effectivement en œuvre, puisque la minorité de
blocage n’avait pas été atteinte et qu’ils n’avaient exercé en fait aucune influence sur la
société en l’absence de toute participation aux organes de direction.
2) Le Conseil d’Etat juge une première chose importante que nous réexaminerons dans la
seconde partie de cet article sous un autre aspect.
Pour la Haute juridiction, la qualification à donner aux titres doit être appréciée à la date
d’acquisition des titres. Autrement dit, le juge apprécie la nature des titres acquis en fonction
du but pour lequel ils ont été acquis, à savoir exercer une influence ou un contrôle sur la
société dont les titres sont acquis. Peu importe que ce but n’ait pas pu être ultérieurement
atteint. Cette circonstance de fait ne saurait influencer rétroactivement la qualification à
donner aux titres à la date de leur acquisition et de leur inscription en comptabilité. Ce
raisonnement est, nous semble-t-il, conforme à la logique du raisonnement fiscal qui qualifie
les faits en fonction des circonstances contemporaines et non pas postérieures.
Mais, la qualification ne saurait résulter à elle-seule d’une intention subjective,
indépendamment des critères énoncés par le PCG de 1982. Aussi le Conseil d’Etat complète
le critère de l’intention initiale par ceux tirés du PCG. Il ne suffit pas de vouloir, encore faut-il
que l’acquisition des titres, par son importance relative ou les accords dans lesquels elle
s’inscrit, donne les moyens à l’acquéreur d’exercer son influence ou son contrôle. Là encore,
peu importe qu’ultérieurement l’acquéreur qui à la date d’acquisition envisageait de se donner
de tels moyens, ne les ait pas exercés.
Le juge de cassation laisse la cour administrative d’appel apprécier souverainement, sous
réserve de la dénaturation des faits, si le contribuable avait, à la date d’acquisition des titres,
l’intention et les moyens d’exercer une influence ou un contrôle. On peut penser néanmoins
que le contrôle de dénaturation sera peut-être plus poussé dans ce domaine que dans d’autres.
En l’espèce, compte tenu des circonstances que nous avons rappelées, la cour n’avait, à
l’évidence pas dénaturé les faits en qualifiant les titres de titres de participation. L’intention
de l’acquéreur était présumée par l’inscription au bilan en 1992 et 1995 des titres acquis dans
un compte de titres participation. La disposition des moyens nécessaire pour exercer une
influence résultait du protocole prévoyant une montée progressive sur huit années au capital
de la société des investisseurs groupés, par voie d’augmentations de capital successives et
réservées, jusqu’à la détention d’une minorité de blocage. Peu importe qu’ultérieurement les
choses aient mal tourné et que les investisseurs aient préféré se retirer prématurément de la
société au bout de cinq ans. Lorsqu’ils ont cédé, ils détenaient des titres de participation et
non des titres de placement.
« Coup d’accordéon » et réduction de la participation
3) Cette jurisprudence nous conduit à un réexamen les réflexions que nous avions
précédemment faites sur les conséquences du « coup d’accordéon » : RTDC 1/09 p. 224
(« coup d’accordéon procédant d’une réduction du capital à zéro suivie d’une augmentation
de capital » : CE 17 octobre 2008 n°293467, Sté Cogefal) et Revue administrative 2010
n°375 p.273 (« coup d’accordéon : comment distinguer la moins-value à court terme de la
moins-value à long terme ? » : CE 22 janvier 2010 n°911339, Sté Predica).
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Nous avions relevé que la jurisprudence ne s’est prononcée jusqu’à présent que sur des
hypothèses de « coup d’accordéon » dans lequel l’actionnaire maintient ou augmente sa
participation. Nous avions observé qu’en cas de diminution de la participation de l’actionnaire
celui-ci subissait une perte comptable, mais que cette perte n’était peut-être pas déductible
fiscalement dans la mesure où la jurisprudence sur le « coup d’accordéon » s’est jusqu’à
présent opposée à la déduction des pertes intercalaires par l’actionnaire au nom de la
poursuite de son activité par la société dont le capital a fait l’objet d’un « coup d’accordéon ».
Autrement dit, tant que la participation détenue dans la société n’a pas perdu toute valeur,
aucune perte fiscale ne peut être constatée. Seule une dépréciation peut l’être.
La jurisprudence récente sur la notion de titres de participation introduit, à notre avis, un
élément nouveau dans la réflexion à faire sur la question. En cas de réduction du pourcentage
de la participation après « coup d’accordéon », ne faudrait-il pas distinguer, dans le cas des
titres de participation, l’hypothèse du contribuable qui conserve néanmoins les moyens
d’exercer une influence ou un contrôle de celle où l’intéressé a perdu ces moyens.
Pour prendre un exemple chiffré, la situation du contribuable qui, à l’occasion d’un coup
d’accordéon, ne suit pas intégralement la recapitalisation et dont la participation passe de 45%
à 30% du capital, est-elle la même que celle d’un contribuable qui, ne participant pas à la
recapitalisation, voit sa participation de 35% passer à 1% du capital. Dans ce dernier cas, les
titres détenus qui avaient la qualité de titres de participation avant le « coup d’accordéon », ne
l’ont plus après l’opération. Comment analyser le passage, du fait du « coup d’accordéon »,
de la détention de titres de participation représentant 35% du capital à la détention de titres de
placement représentant 1% du capital ? La question est ouverte, étant entendu qu’elle se pose
naturellement de façon différente dans l’hypothèse où la réduction de la participation porte sur
des titres qui avaient initialement la qualification de titres de placement.
OLIVIER FOUQUET décembre 2010
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