Benoit De Perfectionnement de L`Enseignement Musical 1881

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Benoit De Perfectionnement de L`Enseignement Musical 1881
Source: Benoit, Peter; 1881. “A Messieurs les Président & Membres du Conseil de Perfectionnement de l’Enseignement
musical”, in: Geschriften van Peter Benoit, ed. A. Corbet (Antwerpen: N.V. De Nederlandsche Boekhandel), 1942: 160-167.
A messieurs les président & membres du
conseil de perfectionnement de
l’enseignement musical (1881)
A Messieurs les Président & Membres du Conseil de
Perfectionnement de l’Enseignement musical
Bruxelles
Messieurs & Chers Collègues,
Nous sommes appelés par le Gouvernement à former un conseil
de perfectionnement, destiné à proposer toutes les améliorations
qu’il conviendrait d’introduire dans l’enseignement musical en
Belgique.
Je viens soumettre à votre appréciation quelques indications au
sujet de notre mission telle que je me la représente. Ce qui m’a
engagé à formuler ces observations, c’est que d’abord, à mon avis,
il importe d’introduire de notables améliorations générales dans
l’enseignement
au point de vue national et qu’en suite, l’arrêté d’institution du
Conseil ne consacre pas :
1º Le principe, que nos travaux seront basés sur la nationalité dans
l'art ;
2º La nécessité de l’introduction de deux Programmes, soit un
programme rationnel flamand pour les institutions musicales du
pays flamand, et un programme français pour celles du pays
wallon ;
3º L’autonomie des institutions supérieures de musique de
chaque chef-lieu de province, la liberté et l’initiative personnelle
des Directeurs, à condition de respecter le principe national
dans l’art.
Ces trois points fondamentaux, à mon avis, de la plus haute
importance, seront-ils admis comme base de nos travaux par le
Gouvernement ?
Si oui, je proposerais que le conseil de perfectionnement au lieu
de régler d’une manière définitive l’emploi des méthodes,
s’occupât de la mise au courant de deux catalogues dont la
composition serait l’objet d’un travail permanent et dans
lesquels se trouveraient indiqués les ouvrages qui pourraient
servir respectivement aux institutions musicales du pays
flamand et du pays wallon. Ces ouvrages classés selon leur
tendance et leur caractère formeraient un véritable trésor pour
les directeurs des instituts supérieurs de chaque chef-lieu de
province : Ils le consulteraient avec fruit pour la rédaction de
leurs programmes ou pour perfectionner les programmes déjà
existants.
Je proposerais encore, et celà pour établir l’unité de la
terminologie musicale dans tous les instituts flamands et tous les
instituts wallons, la rédaction d’un dictionnaire musical flamand
pour les flamands (muziekaal woordenboek) et un dictionnaire
musical français, pour les wallons.
Ensuite, et vu que la langue maternelle doit, dans les études
musicales, marcher de pair avec le développement musical, et
ce dès les premiers degrés de l’enseignement jusqu’au degré le
plus élevé, il va de soi que des membres flamands devraient
être chargés de choisir entre les méthodes existantes ou de
créer des méthodes nouvelles, pour tout ce qui toucherait aux
instituts flamands et des membres wallons pour tout ce qui
regarderait les institutions musicales wallonnes.
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Source: Benoit, Peter; 1881. “A Messieurs les Président & Membres du Conseil de Perfectionnement de l’Enseignement
musical”, in: Geschriften van Peter Benoit, ed. A. Corbet (Antwerpen: N.V. De Nederlandsche Boekhandel), 1942: 160-167.
Une connaissance approfondie de la langue de l’enseignement
étant indispensable, il s’ensuit que cette division du travail
s’impose naturellement, et qu’ainsi, ma proposition mérite d’attirer
l’attention du conseil.
Réalisation plus ou moins complète, selon leurs
éléments, par ces premières, du programme de l’école
supérieure.
d)
***
Au point de vue d’une unité très désirable pour ne pas dire
indispensable, entre les travaux d’une école supérieure de chef-lieu
de province et les écoles de musique de la province et les écoles de
musique respectives provinciales, je proposerais la mise en
pratique des points suivants :
a)
8º Donner à chaque école de musique moyenne
provinciale le caractère de centre secondaire groupant
autour de lui un certain nombre d’écoles de musique
primaires les plus voisines de sa localité.
d)
bis. Si l’on englobait les écoles communales (partie
musicale) dans le centre d’action du mouvement
musical de chaque province, chaque école supérieure serait
également le centre musical général des écoles communales
de sa province respective ; chaque école de musique moyenne ;
un centre secondaire des écoles communales de sa ville et
des localités les plus avoisinantes ; et enfin, chaque école
de musique primaire aurait sa part dans le travail en
groupant aussi autour d’elle, quelques écoles
communales les plus voisines de sa localité. De cette
manière, l’enseignement musical national se réaliserait
sans effort, jusque dans les moindres villages.
e)
9º organiser des conférences sur les bases suivantes :
1º organiser une école de musique supérieure selon le rang et
les moyens artistiques de la localité dans chaque chef-lieu
de province ;
2º organiser des écoles de musique moyennes provinciales ;
3º organiser des écoles de musique primaires provinciales ;
4º commencer par établir cette division entre les écoles
existantes.
b)
5º Faire réaliser un programme complet d’éducation et
d’enseignement musical, par chaque école de musique
supérieure, programme à rédiger par chaque directeur.
Ce programme comprendrait :
Enseignement supérieur,
c)
»
moyen,
»
primaire.
6º Réglementer les travaux des écoles de musique
moyennes et primaires sur ceux de leurs écoles supérieures
respectives :
7º Eriger chaque école supérieure en centre général des
écoles de musique moyennes et primaires de sa
province respective ;
conférences par chaque Directeur avec son corps
professoral respectif ;
conférences générales par le Directeur de chaque école de
musique supérieure, avec les Directeurs des écoles de
musique provinciales moyennes et primaires de sa
province respective ;
conférences partielles par le directeur de chaque école
moyenne avec les directeurs des écoles primaires
formant son groupe respectif ;
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e)
bis. En supposant la participation des écoles communales
aux travaux des écoles de musique :
Conférences générales par le Directeur de chaque école
supérieure avec les professeurs de musique des écoles
communales de sa province respective, qui ne
professeraient pas dans une école de musique ;
Conférences partielles par le directeur de chaque centre
secondaire avec les professeurs de musique des écoles
communales de son groupe respectif et qui ne
professeraient pas dans une école de musique ;
Conférences partielles par le directeur de chaque école
primaire avec les professeurs de musique des écoles
communales de son groupe respectif et qui ne
professeraient pas dans une école de musique.
f)
10º organiser des exécutions musicales en dehors des
concerts particuliers de chaque école :
avec les éléments de l’école supérieure et ceux de ses
écoles moyennes provinciales respectives (dans la ville
chef-lieu de province).
avec les éléments de chaque école moyenne et ceux de son
groupe respectif d’écoles primaires, dans la localité
respective de chaque centre secondaire.
avec les éléments de l’école supérieure et ceux des écoles
de musique moyennes et primaires (dans la ville chef-lieu
de province).
Parmi les éléments provinciaux, j’entends les plus
convenables.
***
Afin de faciliter le travail d’organisation que je viens d'indiquer,
je me permets d’attirer l’attention du conseil sur le programme
national flamand de l’école de musique d’Anvers – dont ci-joint
quelques exemplaires –. Peut-être ce programme pourrait-il
servir de point de départ aux directeurs des instituts de
musique du pays flamand qui n’auraient point encore formulé
le leur.
***
Ainsi, Messieurs, par l’admission des trois points
fondamentaux qui sont la base de ce travail, nous nous
associons aux tendances nationales de l’Italie, de la France, de
l’Allemagne et de tous les pays de l’Europe sans exception qui
ont prouvé et prouvent chaque jour encore qu’un art national
ne peut se développer et s’asseoir sur des bases solides et
durables que par l’école enseignant d’après le principe national
dans l'art ;
Par les points a) b) c) d) e) f) d)bis et e)bis nous fonderions en
Belgique ce que l’Italie a réalisé dans le temps d’un façon toute
particulière, notamment, (et en dehors de tout particularisme)
de laisser à chaque province son mouvement musical libre afin de
lui conserver sa physionomie typique ou bien de la faire naître et de
la développer avec le temps ;
Par les points a) b) c) d)bis et e)bis l’unité la plus grande
s’établit dans l’enseignement musical de chaque province par le
point c) d)bis et e)bis on stimule et on encourage le zèle des
directeurs et professeurs des écoles de musique moyennes et
primaires provinciales, en n’imposant pas d’avance des liens qui
entraveraient leur développement successif probable et très
possible chez quelques uns au moins et ensuite en leur donnant
une part de responsabilité par les conférences et les exécutions
musicales auquelles ils apporteraient leur concours ;
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Par le point d) chaque directeur dans sa sphère acquiert une
importance qui l’oblige et dont il a droit d’éprouver quelque fierté ;
il en est de même pour le point e) qui tout en ajoutant à la
considération artistique de chaque directeur, permettrait d’établir
dans chaque province, non seulement l’unité la plus naturelle dans
l’enseignement mais de répandre la connaissance de la didactique,
de l’esthétique, de la philosophie musicales considérées dans leurs
rapports avec le principe national dans l’art, l’histoire nationale et
générale de la musique etc., etc.
Par le point f) on stimule l’ardeur des élèves qui auraient en
perspective, d’abord les concerts locaux, et ensuite les exécutions
générales dans le chef-lieu de leur province et celles qui se
donneraient dans la localité de leur centre secondaire respectif.
En finissant ce travail, Messieurs, j’appuie sur ce point, que
l’enseignement musical doit avoir une base nationale.
Un exemple pour me permettre de me faire bien comprendre.
L’enseignement musical doit se faire en flamand dans la partie
flamande du pays. Les élèves compositeurs doivent s’exercer et
travailler particulièrement sur les textes flamands de leurs poètes et
leurs écrivains dramatiques flamands, toute leur éducation
artistique doit tendre à développer en eux les qualités et les
instincts dont la nature les a doués. L’étude de leurs airs populaires
et patriotiques, les exemples empruntés aux compositeurs
nationaux doivent avec l’étude de leur histoire artistique nationale,
créer autour d’eux cette atmosphère indispensable à l’éclosion
sincère et vraie de leur génie naturel.
C’est ainsi qu’ils parviendront à exprimer d’une manière complète
ce qu’ils éprouvent et pensent comme flamands, c’est ainsi qu’il
s’établira entre eux, leurs œuvres et leur peuple cette
communication artistique intime, qui les réunit dans un même
faisceau.
Mais cette communication intime entre le grand public et le
compositeur ne peut s’établir que par des exécutants formés par
les mêmes moyens que les compositeurs et qui seront capables
de comprendre et d’interprêter dans toute leur intégrité
nationale et avec l’esprit et la saveur qui leur sont propres, les
productions flamandes : Et un jour, l’étranger fera au pays
flamand les pélérinages artistiques qui se font en France, en
Italie, en Allemagne etc., etc., pour y entendre dans la plénitude
de leur nature et de leur esprit les œuvres flamandes, tel que
l’on entend les œuvres nationales en Italie, en France, en
Allemagne, etc. exécutées par des interprêtes nationaux
respectifs de ces pays. Il en sera pour nous comme pour ces
peuples qui par leurs compositeurs et leurs interprêtes
nationaux se sont créés : een muziekaal Vaderland ; une patrie
musicale à laquelle nous avons tous les droits de prétendre.
Si avec lès moyens d’enseignement flamand et de
développement relativement restreints nous avons pu obtenir
déjà : l’emploi des deux langues dans les concours de
composition musicale biennals, l’institution d’une école
néerlandaise de musique à Anvers, les festivals nationaux, des
ligues (Bonds) pour le progrès de l’art national ; une pleiade de
compositeurs et d’exécutants flamands déjà remarquables ; si
nous possédons déjà quelques sociétés à la hauteur de
l’interprétation grandiose des œuvres nationales et des œuvres
étrangères, dans quelles perspectives heureuses ne pouvons
nous pas nous réjouir à l’idée de la régularisation de
l‘enseignement musical national dans tout le pays!
Les écoles nationales seront d’abord la récompense de nos
efforts et des preuves irrécusables d’une existence virile, et en
même temps qu’elles seront les conservatoires de notre passé,
elles seront les écoles du travail pour le présent et de l’initiation
pour l’avenir.
C’est donc au nom de tout ce que nos luttes musicales de vingt
ans ont créé et édifié autour de nous, au nom de notre
nationalité que je demande, avant de nous occuper en détail de
nos travaux, que le Conseil prie le Gouvernement de vouloir
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bien décider dans sa bienveillance et dans son esprit paternel de
justice distributive, que les principaux points touchant notre
nationalité dans l’enseignement musical, l’autonomie des instituts
musicaux, la liberté et l’initiative accordées aux directeurs sous la
condition qu’ils respectent le principe national dans l’art, seront
des points acquis servant de base aux travaux du conseil de
perfectionnement.
A mon avis, notre mission ne peut s’accomplir avec toute
l’élévation, toute la délicatesse qu’elle comporte, vis-à-vis de la
situation musicale de notre pays, qu’à cette condition. – Nos
travaux doivent donc répondre à nos aspirations musicales
nationales et doivent autant au point de vue de leur conception
qu’à celui des langues, suivre deux routes distinctes et parallèles.
Agréez, Messieurs, l’assurance de ma considération distinguée.
Le Directeur de l’Ecole de musique d’Anvers,
(sé.) PETER BENOIT 9bre 81, Anvers.
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