ENCYCLOPÉDISME Si le terme « encyclopédie
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ENCYCLOPÉDISME Si le terme « encyclopédie
ENCYCLOPÉDISME Si le terme « encyclopédie » n’existe pas encore au Moyen Age — la première occurrence, dérivée de l’expression grecque egkuklios paideia ( « enseignement en cercle »), date du début du XVIe siècle —, la notion n’en est pas moins présente. Nombre d’ouvrages tâchent d’exposer, en un ensemble ordonné, la totalité des connaissances humaines. Il s’agit toujours d’œuvres de compilation et de vulgarisation qui s’efforcent de mettre à la disposition des milieux cultivés — ecclésiastiques d’abord, laïques ensuite — tout le savoir du monde. Le recours aux auteurs antérieurs, antiques et médiévaux, reconnus comme auctoritates est une constante, tout comme l’est la démarche étymologique qui trouve dans les mots le secret des choses. Le monde naturel n’y est pas considéré pour lui-même : on cherche dans les créatures la trace du Créateur. On peut distinguer deux grandes périodes dans l’histoire de l’encyclopédisme au Moyen Age occidental. La première, qui va du VIe au XIIe siècle, est placée sous le signe de la transmission, en un temps de pénurie philologique, de ce qui reste de l’héritage gréco-romain. L’Occident médiéval reprend, en le christianisant, le projet de compilation et d’ordonnancement de l’ensemble des connaissances. C’est à saint Augustin qu’il faut remonter pour trouver la première formulation du programme de l’encyclopédisme chrétien. Plaçant la foi au centre de tout savoir, il en appelle, dans le De doctrina christiana, à une plus grande connaissance de la nature en vue d’une meilleure compréhension de l’Ecriture. Les Institutiones (vers 560) de Cassiodore et les Etymologiae rerum sive origines libri XX (avant 636) de l’évêque Isidore de Séville seront les premières encyclopédies à répondre à ce besoin. Cassiodore souhaite offrir aux moines de son monastère de Vivarium une sorte de manuel scolaire, dans la tradition du De nuptiis Mercurii et Philologiae (vers 420) de Martianus Capella, où les arts libéraux servent de propédeutique à l’étude de la théologie. Isidore de Séville tente, dans les vingt livres de ses Etymologies, de réunir l’ensemble des connaissances profanes et religieuses, selon une clé de lecture générale fondée sur l’idée que l’on connaît mieux la nature d’une chose une fois connue la nature de son nom. Ajoutant une signification chrétienne à la matière encyclopédique héritée de Pline, notamment par la présence de la théologie, les Etymologies représentent sans conteste l’encyclopédie médiévale par excellence en ce haut Moyen Age, modèle pour toutes celles qui suivront. Entre Isidore de Séville et le XIIIe siècle, il n’y a plus d’ouvrages encyclopédiques de la dimension et de l’importance des Etymologies. Bède le Vénérable est l’auteur d’un De natura rerum (avant 731), basé sur Pline et sur un texte d’Isidore portant le même titre. Raban Maur donne, avec le De rerum naturis autrement nommé De universo (vers 842), une encyclopédie très allégorique qui est en fait une version réarrangée du travail d’Isidore, selon une présentation basée sur le schéma ambrosien des six jours de la création. L’œuvre de Raban Maur relève déjà pleinement de l’univers symbolique médiéval dans lequel les créatures apparaissent comme des signes renvoyant au Créateur. Entre le IXe siècle — époque de Raban Maur — et le XIIe siècle, aucune nouvelle encyclopédie n’est composée. Avec le renouveau philologique du XIIe siècle, un humanisme chrétien se fait jour. Honorius Augustodunensis est l’auteur de deux textes encyclopédiques : l’Elucidarium (vers 1100) et l’Imago mundi (vers 1110), traité en trois livres inspiré du travail de Bède. Dans la tradition des arts libéraux, Hugues de Saint-Victor propose dans le Didascalicon (vers 1130) un manuel d’enseignement ou « art de lire » destiné aux clercs, fondé sur une classification des sciences d’inspiration aristotélicienne dans laquelle apparaissent pour la première fois avec cette ampleur — à côté des sciences 2 théoriques, pratiques et logiques — les arts mécaniques. C’est aussi le cas de Richard de Saint-Victor dans le Liber exceptionum (vers 1150). Toujours au XIIe siècle, le Liber floridus (vers 1120) de Lambert de Saint-Omer et l’Hortus deliciarum (vers 1175) d’Herrade de Landsberg sont des exemples d’encyclopédies à forte saveur religieuse et symbolique. Plus naturaliste est l’encyclopédie médicale, en neuf livres, d’Hildegarde de Bingen, intitulée Liber subtilitatum diversarum naturarum creaturarum ou Physica (vers 1150). Quant au Speculum universale (après 1193) de Raoul Ardent, il s’agit d’une encyclopédie de morale et de dogmatique chrétiennes. La seconde période de l’encyclopédisme médiéval, de la fin du XIIe au XVe siècle, est confrontée à la nécessité de faire un tri dans la masse des connaissances nouvelles. Le XIIIe siècle, siècle par excellence de l’Université et de la scolastique médiévales, est aussi l’âge d’or de l’encyclopédisme médiéval. Les compilateurs commencent à intégrer les idées nouvelles apportées par la « Renaissance du XIIe siècle » au cours de laquelle l’Occident latinophone connut une mutation culturelle liée à l’arrivée massive des sources gréco-arabes. Entre la fin du XIIe siècle et la fin du XIIIe, quatre œuvres majeures du genre encyclopédique sont composées par des auteurs appartenant tous aux ordres mendiants nouvellement fondés, encyclopédies qui ont notamment pour but de servir d’instruments pour la prédication qui connaît alors un renouveau sans précédent. Alexandre Neckam est l’auteur du De naturis rerum (fin XIIe siècle). Le franciscain Barthélemy l’Anglais dans son De proprietatibus rerum (vers 1240), la plus populaire des encyclopédies de la fin du Moyen Age, entend faire œuvre de vulgarisation et fournir un arsenal de connaissances et d’images à l’intention des prédicateurs. C’est un but semblable à celui de Barthélemy l’Anglais que se fixe Thomas de Cantimpré dans son Liber de natura rerum (vers 1240). Mais la plus célèbre, la plus ambitieuse, la plus volumineuse des encyclopédies médiévales est sans conteste le Speculum maius (vers 1250) du dominicain Vincent de Beauvais. Le Speculum maius o u Grand Miroir, qui répertorie et organise l’ensemble des connaissances humaines pour les mettre au service des clercs et des gouvernants, se subdivise en trois Specula : le Speculum naturale (la nature), le Speculum doctrinale (les sciences), et le Speculum historiale (l’histoire). Le Speculum morale qui complètera cet ensemble est un apocryphe de la fin du XIIIe siècle. De moindre importance sont les encyclopédies d’Arnoldus Saxo (De floribus rerum naturalium, vers 1225) et d’Henri Bate de Malines (Speculum divinorum et quorundam naturalium, fin XIIIe). Avec son Image du monde (1246), poème didactique rédigé en français, Gossuin de Metz donne la première encyclopédie vernaculaire. Il sera suivi en cela par Brunetto Latini, le maître de Dante, qui compile, dans Li livres dou Tresor (vers 1266) écrit en français, l’ensemble des connaissances scientifiques de son temps, à l’intention des milieux laïques cultivés. A la fin du XIIIe siècle paraissent deux autres œuvres de vulgarisation en français, le Placides et Timéo et le Livre de Sidrac, lequel s’appuie sur un traité pseudo-aristotélicien largement diffusé, le Secretum secretorum. Enfin, le Compendium philosophiae (après 1277) est une compilation de la philosophie naturelle d’Aristote. Les XIVe et XVe siècles ne sont pas marqués par l’apparition de nouvelles encyclopédies importantes ; ils mettent plutôt en circulation les encyclopédies écrites au XIIIe siècle, notamment par le biais de traductions en langues vulgaires. C’est « l’automne de l’encyclopédisme médiéval ». Signalons encore cependant le Reductiorum morale (vers 1340) de Pierre Bersuire, présentation moralisée de l’œuvre de Barthélemy l’Anglais, la Catena aurea entium vel problematum series (vers 1350-1360) de Henri de Herford, et surtout l’Imago mundi (vers 1410) de Pierre d’Ailly, traité cosmographique dont on sait qu’il fut abondamment annoté par Christophe Colomb. Toutefois, à en juger par les nombreuses éditions imprimées qui en sont faites 3 jusqu’au XVIIe siècle, les encyclopédies médiévales ont été, pendant longtemps encore, des vecteurs de transmission du savoir. z Michel de Boüard, « Encyclopédies médiévales. Sur la ‘‘connaisssance de la nature et du monde’’ au Moyen Âge », Revue des questions historiques, 1930, n° 112, p. 258-304. — Maurice de Gandillac (ss la dir.), La pensée encyclopédique au Moyen Age, Neuchâtel, Editions de la Baconnière, 1966. — Maria Teresa Beonio-Brocchieri Fumagalli, Le enciclopedie dell’Occidente medievale, Turin, Loescher, 1981. — Christel Meier, « Grundzüge der mittelalterlichten Enzyclopädik-Zu Inhalten, Formen und Funktionen einer problematischen Gattung », dans : Literatur und Laienbildung im Spätmittelalter und die Reformationszeit, Germanischen Symposien Berichtsbände V, Symposion Wolfenbüttel 1981, Stuttgart, 1984, p. 467-500. — Michael W. Twomey, « Appendix : Medieval Encyclopedias », dans : Medieval Christian Literary Imagery : a guide to interpretation, Toronto/Buffalo/Londres, University of Toronto Press, 1988, p. 182215.— Serge Lusignan, Alain Nadeau, Monique Paulmier-Foucart (ss la dir.), Vincent de Beauvais, intentions et réceptions d’une œuvre encyclopédique au Moyen Age, SaintLaurent/Paris, Bellarmin/Vrin, 1990. — Annie Becq (ss la dir.), L’encyclopédisme, actes du colloque de Caen, 12-16 janvier 1987, Paris, Klinsieck, 1991. — Michelangelo Picone (ss la dir.), L’enciclopedismo medievale, Ravenne, Longo, 1994. — Bernard Ribémont, De Natura Rerum, études sur les encyclopédies médiévales, Orléans, Paradigme, 1995. — Serge Lusignan, Monique Paulmier-Foucart (ss la dir.), Lector et compilator, Vincent de Beauvais, frère prêcheur, un intellectuel et son milieu au XIIIe siècle, Grâne, éditions Créaphis, 1997. — Le livre des propriétés des choses, une encyclopédie du XIVe siècle, introd., mise en français moderne et notes par Bernard Ribémont, Paris, Stock, 1999. — Bernard Ribémont, Les origines des encyclopédies médiévales, D’Isidore de Séville aux Carolingiens, Paris, Honoré Champion, 2001. — Benoît Beyer de Ryke, « Les encyclopédies médiévales, un état de la question », Pecia, Ressources en médiévistique, 2002, n° 1, p. 9-42. 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