Flair canin contre drogue
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Flair canin contre drogue
Flair canin contre drogue, meurtre, explosif et compagnie Anna Aznaour, [email protected] Déjouer les manœuvres des trafiquants de drogue, des terroristes et autres criminels, ou encore retrouver les personnes disparues sont un jeu d’enfant pour ces fins nez. Au service de la police, ces chiens pas comme les autres suivent un entraìnement spécifique auprès de leurs maîtres, qui nous révèlent les particularités de ce parcours semé d’embûches. «Il y a trois ans, avec une trentaine de sauveteurs, nous recherchions un jeune homme qui avait disparu à la montagne lors d’une promenade. Le déploiement de dispositifs très importants et les longues heures de fouilles n’avaient finalement rien donné. Bredouilles, nous nous étions résignés et nous apprêtions à quitter l’endroit, pendant que Lutèce, ma Saint-Hubert de 2 ans, refusait d’obtempérer. Après bien des efforts, elle a fini par retrouver le disparu qui était malheureusement décédé pour cause d’accident», confie le sergent-major Raphaël Morel, instructeur et expert fédéral pour chiens de service. Actuellement, la Suisse compte 17 Saint-Hubert engagés dans la police et spécialisés dans la recherche de personnes disparues. Les premières mentions bibliographiques relatives à cette race de chien de chasse datent du 14e siècle. Dans son ouvrage «Livre de chasse», Gaston Phébus faisait déjà référence à l’extraordinaire flair de ce quadrupède, utilisé plus tard par les moines de l’abbaye de Saint-Hubert (France) pour retrouver les pèlerins égarés. Fox (3 ans), Succès: 6 individus découverts rants d’incendies, etc. Quant aux services douaniers et aéroportuaires, ils peuvent préférer une race canine de petit gabarit pour l’employer dans la recherche de stupéfiants. Domaines d’activités des chiens de police Officiellement présentes dans 47 pays du monde, les brigades canines de la police emploient une dizaine de races de chiens (Allsopp, 2012). L’odorat de ces Sherlock à quatre pattes, dotés de 200 millions de cellules olfactives, contre 5 millions seulement chez l’homme, reste à ce jour inégalé, même par les capteurs électroniques les plus sophistiqués. Les découvertes de l’odorologie, la plus récente des sciences criminalistiques, soulignent la relative insignifiance de nos connaissances par rapport aux réelles ampleur et étendue du flair canin, légendaire depuis la Grèce de l’Antiquité. Dans les services de police, les chiens sont choisis en fonction des besoins et www.iza.ch Le sous-brigadier Christophe Bignens (à gauche) avec Yankee et l’appointé Fredy Mathez avec Fox Yankee (6 ans), Succès: 14 kg de stupéfiants saisis des objectifs à atteindre et se répartissent en deux groupes: chiens de patrouille et chiens de recherche. En Suisse, les chiens de défense – berger allemand et berger belge – sont considérés comme idéals par la gendarmerie en raison de leur polyvalence. Opérationnels aussi bien dans la recherche de personnes et d’objets que dans le travail de piste et celui de l’interception, ils sont de plus formés dans des spécialisations additionnelles comme la recherche d’explosifs, de produits accélé- À part les missions classiques de type recherche de personnes vivantes ou décédées, d’objets et de produits nocifs, d’autres mandats plus spécifiques, en fonction des pays, sont remplis par ces enquêteurs à quatre pattes. Par exemple, sur le continent australien où l’importation des agrumes étrangers est strictement interdite, les brigades canines sont massivement déployées dans tous les points de passage pour déceler et isoler ces produits que les autorités brûlent par la suite. La raison en est la présence dans ces aliments d’une larve de mouche, inexistante là-bas, dont ces territoires se protègent comme de la peste. Tandis que, dans les pays de l’Est, comme la Biélorussie, les chiens sont les binômes inséparables des gardes-frontières depuis bien des décennies. D’autres spécialisations encore, comme la recherche de faux billets de banque et de DVD de contrefa3/13 Zippo (2,5 ans), Succès: 5 incendies criminels élucidés çon sont venues dernièrement s’ajouter au cahier des charges bien garni de ces canidés d’exception. Critères et procédure de sélection du chien et de son maître Pour avoir un espoir de devenir conducteur de chien, il faut, au préalable, faire ses armes dans différents postes de la gendarmerie du canton pendant au moins cinq ans. Seules les candidatures aux états de service irréprochables sont examinées en vue d’intégrer le premier palier de sélection. À Genève, ceux qui ont reçu le feu vert entament la phase de l’immersion, qui dure deux mois et qui consiste à accompagner, après son travail et à ses heures libres, la brigade canine dans ses activités. Le nombre d’heures et les efforts investis bénévolement sont les indices qui permettent de mesurer la motivation des candidats. Par ailleurs, être en bonne condition physique, aimer les animaux, avoir une patience à toute épreuve et accepter d’organiser sa vie de manière à ne jamais se séparer de son animal sont les autres conditions sine qua non à remplir. Effectivement, la Suisse est l’un des rares pays au monde où le chien policier est la propriété de son conducteur qui le choisit, l’adopte et l’entraîne personnellement. Il est donc essentiel que l’animal soit également accepté par la famille de son maître, dont il va devenir le membre à part entière jusqu’à la fin de ses jours. 3/13 Le chef de la brigade canine de la gendarmerie vaudoise Cédric Morin avec Bud Le sergent-major Raphaël Morel avec Lutèce «Les chiots sont choisis auprès d’éleveurs spécialisés et doivent avoir un certain pedigree. Ils sont, généralement, issus d’une lignée de chiens de travail. Lors de la sélection, qui par ailleurs se fait après plusieurs visites, ces spécialistes guident le futur conducteur dans son choix, parce qu’il est très important que les caractères du maître et de son chiot soient compatibles. Aux conducteurs débutants, c’est plutôt une race et un animal au tempérament plus calme, comme un berger allemand, qui seront conseillés. Tandis qu’un berger belge (malinois) sera plus adapté pour ceux qui ont déjà de l’expérience», explique le brigadier Roger Waeger. À part le tempérament de base et le facteur d’atomes crochus, un examen minutieux de la morphologie, de la santé et de l’agilité du chiot est pratiqué avant son adoption, à l’âge de 8 à 10 semaines maximum. Techniques de dressage «Chaque chien est différent et il faut appliquer une méthode qui soit adaptée à son caractère. Il y a 23 ans de cela, quand je suis entré dans la brigade canine, les procédés éducatifs étaient bien différents de ceux d’aujourd’hui. L’animal était traité très durement et il fallait absolu- ment faire ressortir son agressivité. Depuis, les techniques éducatives ont radicalement changé et maintenant, elles s’organisent exclusivement autour des notions du jeu et de la récompense. La chute du mur de Berlin a joué un rôle non négligeable dans cette évolution des mentalités, grâce notamment aux échanges avec nos homologues hongrois, tchèques, etc. qui étaient très en avance sur le sujet», relate Raphaël Morel. L’entraînement commence par la phase de socialisation, qui consiste à stimuler l’apprentissage sensoriel du chiot en le confrontant à une multitude d’environnements différents afin qu’il puisse apprivoiser et emmagasiner une foule d’informations visuelles et olfactives (Andrews & McMunn, 2012). À cet égard, l’âge entre 2 et 4 mois est le plus prolifique en matière de mémorisation. «Rien ne doit ni surprendre ni faire peur au chien, qui doit se sentir à l’aise partout. Mais pour arriver à un tel résultat, il faut qu’il puisse explorer sans entraves le monde qui l’entoure. Au fond, l’éducation d’un chiot est très similaire à celle d’un enfant, en ce sens qu’il faut créer avec lui un lien affectif privilégié, lui offrir un environnement et un encadrement structurants et lui apprendre tout par le jeu», analyse le sous-brigadier Christophe Bignens. www.iza.ch Lors du dressage, certaines règles de base doivent être observées afin d’éviter toute erreur de parcours (Couplet, 1931), à savoir: l les ordres donnés doivent toujours être les mêmes, être brefs et prononcés à voix calme et de manière ferme; l ne pas aller trop vite en donnant plusieurs ordres différents en peu de temps, cela peut entraver l’apprentissage du chiot qui ne sera alors pas capable d’enregistrer toutes ses informations et en sera perturbé; l le récompenser souvent avec des caresses et/ou de la nourriture au tout début, puis par la suite, seulement quand il exécute correctement les ordres afin d’asseoir le conditionnement; l ne pas passer à une nouvelle leçon si la dernière n’a pas été assimilée correctement; l en cas de désobéissance, gronder le chien sans toutefois jamais le brutaliser. «Quand il y a des lacunes dans le dressage, un chien de chasse qui a appris à suivre une piste aura tendance à sonder les limites de son maître et à essayer de prendre le dessus sur lui. Pour ce faire, il peut, par exemple, s’éloigner au galop pour voir si son conducteur va le suivre. Afin d’éviter ce type de comportement, les maîtres ne laissent pas les chiots s’éloigner trop d’eux et font souvent des rappels», explique Raphaël Morel. Le rappel, les commandements «coucher, debout, assis», l’habitude de ne pas accepter de la nourriture des étrangers, la défense et l’attaque sont le b.a.–ba de l’apprentissage, suivi de l’entraînement de piste, de recherche de personnes et d’objets. «Dans ce travail, il faut toujours se remettre en question. Le chien est un être vivant qui, comme nous, évolue, et rien n’est jamais acquis définitivement avec lui. Il faut être souple et observateur pour saisir le moindre changement et donc savoir interpréter correctement son comportement et ses réactions», souligne l’appointé de gendarmerie Fredy Mathez. Au bout de deux ans de formation, les www.iza.ch chiens et leurs maîtres doivent passer un examen qui comporte six disciplines: le pistage, la quête d’objets, la quête de personnes en milieux ouvert et fermé, l’obéissance et le mordant. En cas de réussite de ce «Bachelor» canin, l’entraînement d’une septième disciple, le «Master» de spécialisation, commence. La spécialisation ou l’art de jouer au cache-cache La recherche de stupéfiant, d’explosifs, d’accélérants en incendie, de cadavres et de sang fait partie des spécialisations pour lesquelles l’entraînement dure entre six mois et une année. «La polyvalence de nos brigades canines et la qualité de nos entraînements inspirent le respect à nos homologues étrangers. Ils sont très étonnés que, dans un petit pays comme la sée pour la recherche d’autres produits. À chaque succès, l’animal est récompensé, et donc trouver n’importe quelle molécule incriminée est un jeu de cache-cache très amusant pour lui. Parmi toutes les spécialisations, la recherche de personnes plusieurs jours après leur disparition est le travail le plus difficile. C’est la raison pour laquelle les policiers déconseillent fortement de toucher les affaires d’une personne à rechercher, car cela contamine son odeur originelle et corse davantage le travail du chien. Effectivement, l’émoussement des indices olfactifs, dû, entre autres, aux conditions climatiques environnantes, rend la tâche très ardue et demande beaucoup de concentration à l’animal et un excellent déchiffrage de ses réactions de la part du policier. En conclusion D’après les statistiques de la criminalité pour l’année 2012 (OFS), le taux d’élucidation des affaires liées aux stupéfiants est de 96,5%. Un chiffre d’autant plus encourageant que le nombre des infractions enregistrées a augmenté de plus de 8% en une année. Entre la recherche de personnes disparues, la traque de stupéfiants, le travail de piste et celui de défense, le petit Kodiak va avoir, pour le plus grand bien de la population, de quoi s’occuper dans les années à venir… Kodiak (10 semaines), En formation auprès de son maître, le sergent Joël Hofmann Photos: Anna Aznaour Suisse, qui de plus a proportionnellement beaucoup moins de chiens de police que ses voisins, de tels exploits soient possibles. Dans la plupart des pays, chaque chien a une spécialisation, et c’est tout», constate Cédric Morin, chef de la brigade canine de la gendarmerie vaudoise. Cette formation complémentaire se fait sous forme de jeu. Pour la recherche de stupéfiants, par exemple, des préparations de molécules sont cachées, de manière inaccessible pour le chien, dans un jouet. Il peut alors les détecter uniquement par son odorat. La même technique est utili- Bibliographie Allsopp MR. N. (2012). K9 Cops: Police Dogs of the World. CreateSpace Independent Publishing Platform Andrews N. & McMunn R. (2012). How to become a Police Dog Handler: the insider’s guide. Publisher: How2become Couplet J. (1931). Le chien de garde, de défense et de police. Librairie Larousse: Paris. Remerciements La rédaction présente ses sincères remerciements à la Direction de la police cantonale vaudoise et tout particulièrement à son service de presse pour nous avoir permis de participer à l’entraînement annuel des brigades canines des polices helvétiques et étrangères réunies en Suisse. Également, nous souhaitons exprimer notre gratitude à la Direction de la police cantonale genevoise, et plus spécifiquement à son service de presse pour nous avoir autorisée à entrer dans le fief de sa brigade canine. 3/13