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Interview : Renforcer le Maghreb avant l'Union méditerranéenne (euractiv.fr, 22/11/7)
(Friday, 23 November 2007) - Contributed by Webmaster - Last Updated (Friday, 23 November 2007)
Jacques Mistral (IFRI): « Renforcer l’intégration économique entre les pays d’Afrique du Nord est un préalable Ã
méditerranéenne»EurActiv France - euractiv.fr, 22/11/7L’Union méditerranéenne devrait être une nouvelle fois au
déplacement de Nicolas Sarkozy en Algérie début décembre tandis que la diplomatie française s’active pour préc
contenu de ce projet. Dans un entretien accordé à EurActiv France, Jacques Mistral, directeur des études économiques
de l’IFRI, explique qu’un approfondissement de l’intégration économique du Maghreb est, selon lui, un préalab
nécessaire à toute forme d’Union méditerranéenne.
EurActiv.fr: Pourquoi un nouveau projet de coopération entre l’Europe et la Méditerranée serait-il nécessaire?
Jacques Mistral: Le processus de Barcelone ne répond pas à tous les espoirs placés en lui, il manque de tonus. C’est
sans doute ce qui explique l’initiative du président de la République : nous ne pouvons pas nous satisfaire de cet
immobilisme, d’un empilement de processus très institutionnels et qui délivrent trop peu de résultats.
Cela dit, le projet d’Union méditerranéenne, du moins ce que l’on en connaît, comporte à mon sens deux lacunes
plan technique, l’idée a été lancée avec un peu de fanfare avant que le contenu en ait été soigneusement préci
plan politique, il a été introduit d’une manière qui ne suscite pas l’enthousiasme de beaucoup de nos partenaires. U
partout, aussi bien en Turquie, qu’en Algérie, en Espagne, ou encore en Allemagne, la méthode est considérée comm
un peu cavalière. Le projet part d’une bonne intuition, ne pas se résigner à l’immobilisme actuel, mais jusqu’ici, c
peu un faux départ. Il faut revoir la technique et la méthode de discussion avec nos partenaires.
Quelle articulation l’Union méditerranéenne pourrait-elle avoir avec les projets existants ?
La conférence du 22 novembre à l’IFRI est organisée autour d’un livre du Cercle des économistes qui s’appe
Feuille de route pour l’Union méditerranéenne. Il s’agit d’une contribution à la réflexion sur ces thèmes.
Cette contribution part des constats que je viens de dresser, à la fois le besoin d’explorer des pistes nouvelles et la
nécessité de trouver un projet qui ait un sens à la fois économique et politique. L’idée du Cercle, depuis plusieurs an
est qu’une Union méditerranéenne a un intérêt particulier pour une partie de l’Union européenne, c’est-à -d
des pays de l’UE qui sont les plus tournés vers la Méditerranée, et pour les pays du sud du Bassin méditerranéen q
les relations les plus étroites avec les pays du Nord, pour des raisons économiques, historiques, culturelles, humaines.
C’est une approche différente de celle d’une Union de la Méditerranée dans son ensemble.
Cette approche se justifie en particulier du fait d’un obstacle manifeste au concept d’Union méditerranéenne, c’e
peut y avoir deux Unions. Il est évidemment hors de question que la France appartienne politiquement à l’UE, avec ses
institutions, et à quelque chose d’autre qui serait l’Union méditerranéenne. Ce serait un peu comme si le Texas
appartenait à la fois aux Etats Unis d’Amérique et aux Etats Unis du Mexique. Fondamentalement, l’Union
méditerranéenne est donc un faux concept. Il faut trouver quelque chose d’autre. L’idée du Cercle des économis
que, en tâchant de nourrir sur le plan économique cette relation à 5+5, en tâchant de lui trouver une forme politique
appropriée, nous avons une chance d’entrainer l’adhésion de nos partenaires.
Vous avez intitulé la conférence que vous organisez le 22 novembre «Quel socle économique pour l’Union
méditerranéenne ?». Cette idée d’un socle économique signifie-t-elle que l’Union méditerranéenne relèver
logique et d’un besoin économique, ou plutôt qu’elle serait un projet avant tout politique qui se chercherait des
applications concrètes ?
Depuis l’expérience de l’après-guerre avec la création du Marché commun, jusqu’aux accords plus récents
toute l’histoire économique récente est faite de cette interaction entre économie et politique. L’économie est un t
puissant moteur. Le développement des échanges crée des conditions favorables et constitue un puissant facteur de
rapprochement comme le démontre, aujourd’hui, l’exemple des pays d’Europe centrale. D’un autre côté, on
ce sont aussi des Etats qui s’ouvrent, qui acceptent de s’engager dans des relations économiques plus intenses en
sachant qu’ils sortiront transformés de cette expérience.
Dans la relation entre l’Europe et le Maghreb, il est intéressant, de mon point de vue, de prendre du recul et d’étudie
grands types d’intégration régionale autour du monde. J’en vois trois grands exemples : l’Union européenne, lâ
zone de libre échange entre le Mexique, les Etats-Unis et le Canada) et la forme d’intégration qui se développe en Asie
de l’est entre la Chine et les pays asiatiques, le Japon, Taiwan, et la Corée. La solution de l’ALENA, un accord de libre
échange pur et dur, est assez fragile. Elle apporte des bénéfices à court terme, les maquiladoras, etc. mais pas de
transformation en profondeur.
Par ailleurs, l’Asie de l’est est un exemple très intéressant. Il y a peu de fondement politique. Les relations politiques
entre le Japon et la Chine se sont améliorées, mais elles sont encore loin d’être excellentes. Avec Taiwan, c’est pa
C’est donc une forme d‘intégration où l’initiative est plutôt venue des firmes, qui organisent la division du travail, a
sûr le soutien au moins tacite des gouvernements. Quand on se penche sur la situation du Maghreb, les choses ne
fonctionnent évidemment pas ainsi, il y a trop peu d’investissements et trop peu nombreuses sont les firmes qui font le
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pari que l’économie du Maghreb pourrait être une plateforme d’exportation comme la Chine en Asie de l’est ; cela
choses bougent, qui aurait dit il y a 15 ans que la Chine sortant de l’ère maoïste en serait là où elle est aujourd’hui ?
La conclusion de ces trois expériences est claire, il faut trouver le bon dosage entre l’économique et le politique. Il faut
faire une grande confiance à l’économie mais également créer les conditions politiques qui donnent à l’économ
chances d’apporter ses fruits. La meilleure façon de débloquer la relation euro-méditerranéenne est, à mon sens, de
s’interroger sur l’intégration des pays du sud de la Méditerranée. Ce qui manque à l’heure actuelle est une so
d’intégration maghrébine, de marché commun ; avec un minimum d’enjeux politiques et une bonne confiance dans
l’efficacité du système économique, les pays maghrébins pourraient avoir une chance de devenir dans leur ensemble
comme l’ont été les pays d’Europe centrale, des partenaires beaucoup plus actifs de l’UE.
Concrètement, l’Union méditerranéenne s’oriente-t-elle donc plutôt vers des coopérations économiques concrÃ
ponctuelles ou vers un modèle de zone de libre échange du type de l’ALENA ?
Je ne peux pas vous dire ce que sera le projet du gouvernement français et vers quoi il s’oriente. Mais on voit bien, pour
l’instant, qu’une zone de libre échange n’est pas de nature à débloquer la relation méditerranéenne. Il est fr
constater que les pays du sud de la Méditerranée, en tout cas les trois principaux pays du Maghreb, ont pratiqué depuis
quelques années une politique d’ouverture non négligeable. Dans le rapport annuel de la Banque mondiale, les trois
reçoivent des notes qui ne sont pas mauvaises. Mais tout cela ne suffit pas à attirer un flux d’investissements à l’imag
ce qui s’est développé dans les pays d’Europe centrale. Il ne suffit pas de libéraliser, il faut des conditions autres q
simple jeu du marché. Les pays d’Europe centrale se sont engagés dans la modernisation de toutes leurs infrastructures
nécessaires à l’échange, non seulement les infrastructures physiques mais aussi les infrastructures institutionnelles : le
système juridique, les contrats, les douanes, la propriété intellectuelle. Tout cet ensemble d’infrastructures matérielles
immatérielles donne à une zone les chances de récolter les fruits de la globalisation économique, en particulier en termes
d’exportations.
La façon la plus économique pour les pays du Maghreb de faire cet apprentissage est de s’ouvrir les uns aux autres.
Mon projet phare, ou du moins mon indicateur personnel ,serait le suivant. Si dans 10 ans, il n’y a pas d’autoroute Tun
Casablanca, s’il n’y a pas plus de trafic entre les aéroports de Tunis et d’Alger, alors on en restera au même poin
revanche, si cette transformation avance, je pense que les coopérations avec le Nord prendront une tournure différente.
Ainsi donc, à côté de l’énergie, de la finance et de l’agriculture, les infrastructures, notamment de transport, seraien
autre domaine de coopération possible au sein de l’Union méditerranéenne?
Tout à fait. Selon moi, chacun des pays du sud de la Méditerranée doit s’engager dans les infrastructures matérielles.
Toutes ces économies existent, elles produisent, mais ce sont des économies dans lesquelles l’idée d’échange n
pris forme. Que ces échanges se développent entre eux, et le besoin d’adapter la structure de leur économie, d’ad
les infrastructures immatérielles, s’imposera de manière naturelle.
Dans le cadre de notre enquête sur les attentes de la société civile pour la Présidence française de l’Union europé
l’IFRI a appelé à œuvrer pour la création d’un marché transatlantique. Où se situe l’intérêt stratégique p
européenne, dans l’approfondissement de la relation transatlantique ou dans l’Union méditerranéenne ?
Je viens de passer cinq ans aux Etats-Unis et je pense qu’il n’y a pas le moins du monde de contradictions entre ces
deux directions. La nature de la relation que l’Europe a avec les Etats-Unis et celle qu’elle a avec l’Afrique du Nord s
tellement différentes que je ne vois aucune interférence négative.
Pour revenir sur les propositions de l’IFRI dans le cadre de votre enquête, sur la relation transatlantique, il faut à la fois
être enthousiaste mais pas naïf. Enthousiaste parce que, fondamentalement, l’Europe et l’Amérique sont très proc
que l’on parle de niveau de développement, de situation sociale, de fonctionnement de la démocratie, du marché ou du
système juridique, et cela même s’il y a de grandes différences sur certains sujets comme les inégalités, la santéâ€
avons donc beaucoup à gagner à stimuler les échanges entre les deux continents. L’année qui s’est écoulée a
positive de ce point de vue. La relation transatlantique est le thème qu’avait choisi Angela Merkel pour ouvrir la
présidence allemande de l’Union européenne. Elle a notamment proposé l’idée d’un marché commun tran
quelques jours, la première réunion concrète à ce sujet s’est déroulée dans un bon climat, c’est évidemment p
Cependant, il faut aborder cette relation sans naïveté parce que les Etats-Unis sont une nation extrêmement vigilante
sur la défense de leurs intérêts. Il est ainsi très facile et naturel d’être ami de l’Amérique et des Américains ma
choses se compliquent dès qu’il s’agit de définir une position commune sur le taux de change euro/dollar, pour ne
prendre qu’un exemple. Donc, l’idée du marché commun, du libre échange, est formidable, mais des difficultés v
chaque fois qu’on parlera concrètement de sujets sensibles. Il est ainsi frappant que les Etats-Unis soient un pays où il
est il est toujours impossible pour une entreprise étrangère d’acheter une compagnie aérienne, alors même que le
secteur ne se porte pas bien et pourrait avoir intérêt à trouver des repreneurs.
Pour lier Etats-Unis et Méditerranée, que pensez-vous de la contribution de Patrick Artus, dans le livre du Cercle des
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économistes, qui souligne le risque que les pays de la Méditerranée trouvent des partenariats avec la Chine et les EtatsUnis à défaut d’une présence de l’Europe?
Patrick a parfaitement raison de souligner ces thèmes ; je ne les mets pas, néanmoins, sur le même plan. Il est clair
que, sur le plan économique, les Chinois sont très présents et, potentiellement le seront de plus en plus. J’étais avec
Cercle des économistes à Alger il y a 15 jours et il est très frappant de voir que ce sont des entreprises de BTP
chinoises qui prennent en charge beaucoup de projets d’infrastructures. Des tours se construisent et on peut y voir
partout des panneaux du type China Constructing Consortium. La présence économique croissante de la Chine est une
réalité incontournable.
Avec les Etats-Unis, c’est plus une question politique. Je n’ai pas vu encore d’appétit extraordinaire de la part des
américaines pour investir massivement dans les pays du Maghreb, elles n’y ont pas d’intérêts majeurs. En revanch
Etats-Unis y ont un intérêt politique très direct, mais dans une optique très différente, celle du Greater Middle East ;
peut être faut il donc y voir le souci d’amener le maximum d’Etats arabes modérés dans l’axe de la politique é
américaine. Dans les deux cas, c’est un risque de perte d’influence pour l’Europe.
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