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Les effects geopolitiques de la restructuration productive en Amerique Latine: Le cas des maquiladoras d'exportation au Mexique, OutreTerre Revue Francaise de Geopolitique, no. 18, Paris, 2008, pp.143-152 LES EFFETS GÉOPOLITIQUES DE LA RESTRUCTURATION PRODUCTIVE EN AMÉRIQUE LATINE : LE CAS DES « MAQUILADORAS » D’EXPORTATION AU MEXIQUE Jorge Carrillo* L’impact territorial des maquiladoras, s’il peut varier selon les régions à l’échelle nationale, reste largement concentré à la frontière Nord. En 2006, 61 % des usines se trouvaient dans les villes frontalières avec 1 62 % de l’emploi et 87 % de la valeur ajoutée . Jusqu’en 1977, les maquiladoras ne pouvaient pas s’installer ailleurs qu’au Nord. Ensuite, elles le purent partout en territoire mexicain. En 1975, 23 % des entreprises étaient établies ailleurs qu’à la frontière Nord - 14 % dans des villes situées dans des États frontaliers mais pas à la frontière et 9 % dans des localités se trouvant à l’« intérieur » de ces États. En 2005, ce pourcentage avait atteint 38 % - 19 % dans les deux cas. Mais la majorité des entreprises continuent de s’établir dans les villes frontalières, avec 53 % de Jorge CARRILLO, chercheur au Colegio de la Frontera Norte (COLEF), Tijuana, Mexique. 1 J. Christman, « Mexico’s Maquiladora Industry Outlook and Some Comparations with China », Mexico Now Seminar, Mexico City, 1er décembre 2006. 2 l’emploi généré . Alors qu’en 1981 pratiquement 9 emplois de maquila sur 10 se trouvaient dans les villes frontalières, ce rapport était encore de 6 sur 10 en 2005. Un tiers des maquiladoras du Mexique se trouvent dans l’État du Chihuahua. Ciudad Juárez est devenu un point incontournable, abritant 95 % des maquiladoras de cet État. Le développement, ici, dépend dans une grande mesure de l’activité des groupes locaux de la ville. En octobre 2005, 291 y employaient 228 900 personnes. Parmi les plus gros employeurs on peut citer : Delphi avec 20 usines et 14 624 employés ; Yasaki avec 11 usines et 14 500 employés ; Thompson avec 3 usines et 10 907 employés. Suivent United Technologies avec 11 usines, Visteon avec 8 usines et 10 430 employés, Philips avec 6 usines et 9 568 employés et Elamex avec 7 usines et 4 200 employés. Sans compter Johnson & Johnson avec 4 usines et 3 629 employés ; Sumitomo avec 5 usines et 2 925 employés. Les trois entreprises automobiles, soit GM, Ford et Chrysler, et leurs fournisseurs « de premier niveau » emploient 70 % des employés du secteur dans la ville. 3 Est à souligner la formation de clusters dans l’État du Chihuahua : pièces détachées d’automobiles, 4 en particulier pour les ceintures de sécurité . Autre exemple remarquable, celui des télévisions en Basse5 Californie . Dans certains cas, le processus 2 Le fait qu’il y ait des maquilas sur tout le territoire mexicain est perçu positivement par les autres pays de la région où elles se concentrent dans des zones spéciales comme les zones franches. 3 Jorge Carrillo, Michel Mortimore, Jorge Alonso, « El Impacto de las Transnacionales en la Reestructuración en México. Examen de la Industria de Autopartes y del Televisor », Desarrollo Económico, n° 50, Santiago, CEPAL, 1998. 4 Jorge Carrillo, Raul Hinojosa, « Cableando el Norte de México : La evolución de la industria maquiladora de arneses », Región y Sociedad, vol. XIII, n° 21, Hermosillo, janvier-juin 2001, p. 79116. 5 Jorge Carrillo, Alfredo Hualde, « La maquiladora electrónica en Tijuana : hacia un cluster fronterizo », Revista Mexicana de d’agglomération industrielle s’est traduit en spécialisation de la production sur le territoire et l’impact sur le système éducatif a été positif. Ce sont en particulier le Valle del Televisor à Tijuana et le Valle del Arnés à Juárez. Il y a eu des précédents : le Valle Mexicano de Silicio au Jalisco et la Capital del Jean à La Laguna. Ces processus se caractérisent par un personnel hautement qualifié qui peut, avec le temps, contribuer à son tour à la création d’un marché du travail local avec emploi d’ingénieurs et d’administrateurs mexicains ayant réussi eux-mêmes à se transformer en employés de « classe mondiale ». À preuve les centres de recherche et développement de Delphi et Valeo à Juárez, les complexes industriels télévisuels de Samsung et de Sony à Tijuana, voire ceux de Philips ou de Thomson à Juárez. Dans le cas des complexes de pièces détachées, il y a engrenage sur un même territoire : les centres d’ingénierie fournissent leurs clients, les entreprises maquiladoras comptent sur des fournisseurs directs spécialisés (des usines la plupart du temps relocalisées au Mexique) et des fournisseurs indirects – ateliers de mécanique, d’injection de plastique, d’emballage, blouses. De plus, ils comptent sur d’importants fournisseurs dans différentes régions des États-Unis et dans le monde entier. Sur les réseaux de production viennent enfin se greffer des acteurs sociaux variés qui s’intègrent dans un vivier institutionnel de support qui dynamise le processus et produisent des synergies territoriales axées sur la compétitivité internationale. En outre, les maquiladoras sont source de création de nouvelles entreprises (start up), principalement grâce aux 6 ingénieurs et travailleurs qualifiés . Sociología, vol. 64, n° 3, juillet-septembre 2002, Mexico, DF., p. 125-171. 6 G. Dutrenit, A. Vera-Cruz, « La IED y las capacidades de innovación y desarrollo locales: Lecciones del estudio de los casos de la maquila automotriz y electrónica en Ciudad Juárez », Mexico, CEPAL, LC/MEX/L.604, 17 mars 2004. La répartition territoriale des investissements s’est elle aussi accompagnée d’une spécialisation de la production. Dès le début du programme, ce sont la confection, puis l’électronique et enfin les pièces détachées qui ont compté : respectivement 63 % des maquiladoras, 79 % des emplois et 77 % de la valeur ajoutée en 1980. Les évolutions sont significatives : les pièces détachées représentaient 18 % de la production en 2000, 22 % en 2006, l’électronique se maintenant sur la même période - de 34 % à 32 % - et la confection baissant de 22 à 17 %. En 2006, l’électronique qui compte 294 usines (soit 22 % du total des Industries maquiladoras d’exportation, IME) emploie 393 500 personnes (32 %) et génère une valeur ajoutée de 9 222 millions de dollars (36 %). Suivent les pièces détachées avec 9 % des installations, 22 % de l’emploi et 21 % de la valeur ajoutée. On prévoit que ces deux activités concentreront 7 quelque 57 % de la valeur ajoutée en 2010 . À observer finement le type de produits qui sont assemblés et manufacturés dans les IME, on constate une haute spécialisation de la production - par exemple dans le cas des appareils électriques ménagers et celui des pièces détachées à usage électrique. Le Mexique exportait déjà en 1992, avec la préférence américaine HTS 9802, 99 % des appareils de télévision, 90 % des conducteurs électriques, 91 % des condensateurs, 87 % des moteurs et générateurs, 84 % des pièces pour interrupteurs et 84 % des transformateurs. La production mexicaine s’est tellement spécialisée que de 1990 à 1999 la part du Mexique dans les importations sur le marché nord-américain a substantiellement augmenté pour les pièces détachées, les téléviseurs et ordinateurs, le textile - en particulier les jeans et les vêtements pour femme. 7 J. Christman, « Mexico’s Maquiladora Industry Outlook: 20052010 », Global Insight, Mexicali, 28 janvier 2005. Les activités qui ont connu le plus grand essor avec l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) de 1994 sont : la confection (300 % cumulés), l’assemblage et la réparation machine-outil hors électricité (149 %) et le secteur électricité/électronique (122 %). Apparaissent dans tous les cas de figure deux traits essentiels : la croissance exorbitante de toutes les activités maquiladoras et l’ascension des textiles et accessoires pendant les sept premières années de l’ALENA. Toutefois, la récession aux États-Unis, l’effet 11 septembre et l’arrivée de la Chine sur la scène mondiale ont produit une baisse substantielle de la maquila du vêtement de 2000 à 2006 : de moitié quant aux usines dont le nombre passe de 1 089 à 571 et de quelque 26 % pour l’emploi qui chute de 282 000 à 212 000. Dans certaines localités où s’étaient installés des clusters du vêtement comme Torreón et Aguascalientes, la maquila a pratiquement disparu. Le modèle maquila est-il épuisé ? La question est d’autant plus cruciale que, selon l’opinion généralisée, la maquila d’exportation implantée depuis 40 années au Mexique ne serait plus compétitive face à des pays comme la Chine et devant les limites d’un modèle d’industrialisation vers l’extérieur qui ne permet pas l’évolution du système. Surtout, les promoteurs de la connaissance et de l’innovation tiennent la maquila pour une étape à dépasser. Les facteurs structurels et conjoncturels jouent également : chute abrupte de l’activité depuis la fin de l’année 2000 en conséquence de la récession aux Etats-Unis ; faible lien avec la production nationale (3 %) ; des salaires relativement bas pour une majorité (79,6 %) du personnel - 2,92 dollars côté employés et 1,96 côté ouvriers ; le tout dans un environnement 8 détérioré . Sans sous-estimer les limitations propres à la maquila, il convient de reconnaître une réalité bien particulière : les entreprises en exercice, soit 2 783 en décembre 2006, poursuivent leur croissance – de 4,2 % entre octobre 2005 et octobre 2006 – et elles restent classés comme secteur prioritaire par les gouvernements (Programa Nacional de Desarrollo, Programme national de développement, 2005-2006) tant au Mexique qu’en Amérique centrale ou dans la Caraïbe. C’est là un processus qu’il importe d’apprécier. Les entreprises suivent des processus (production et technologie) toujours plus complexes ; le nombre de produits et de modèles réalisés augmente ; les produits se succèdent ; on intègre en permanence des procédés innovants et des certifications internationales ; le produit incorpore chaque fois plus d’activité de conception et d’ingénierie ; le travail sur la qualité, le milieu ambiant et la sécurité rapporte des prix ; la gestion des entreprises étrangères se mexicanise. L’autonomisation des maquiladoras dans la prise de décision par rapport aux maisons mères a ici une grande importance. C’est d’une trajectoire vers le haut qu’il s’agit, avec un vrai climat d’apprentissage pour les firmes, les gestionaires, les ingénieurs, les travailleurs et les représentants de ceux-ci à l’intérieur des entreprises. Le nouveau contexte de concurrence dans lequel s’intègre la maquiladora du Mexique - compétence 8 GAO, International Trade. Mexico’s Maquiladora Decline Affect U.S.-Mexico Border Communities and Trade, General Accounting Office, Washington, 2003, <www.gao.gov/new.items/d03891.pdf> ; Jorge Carrillo, Redi Gomis, « Los retos de las maquiladoras ante la pérdida de competitividad », Comercio Exterior, vol. 53, n° 4, avril 2003, p. 318-327 ; John Sargent, L. Matthews, « What Happens When Relative Costs Increase in Export Processing Zones ? Technology, Regional Production Networks, and Mexico’s Maquiladoras », World Development 32(12), 2004, p. 2015-2030. élevée en direction du marché des États-Unis en direction duquel s’orientent 95 % de ses exportations – invite cependant à se demander si les caractéristiques de son évolution et le rythme de son parcours lui permettront de faire face. Les acteurs stratégiques gouvernementaux et entrepreneuriaux dans le contexte local Dans un pays de développement intermédiaire comme le Mexique, l’action des nouvelles institutions publiques et privées qui appuient et accompagnent l’industrialisation de régions déterminées est d’une importance croissante. Depuis plus de quinze ans, la 9 politique de territorialisation industrielle est centrale, tant dans les milieux universitaires que du point de vue 10 des politiques publiques . Des villes comme Tijuana et Juárez conservent une position stratégique dans le développement du Mexique en raison de leur situation frontalière avec les États-Unis et de la capacité industrielle qu’elles ont démontrée au cours des quatre dernières décennies. Durant les années 1990, diverses institutions ont émergé dans les pays qui, à l’instar du Mexique, cherchent à articuler les programmes de gouvernement et du secteur éducatif sur les besoins de l’entreprise. Les modèles dits de « triple hélice » montrent de façon particulièrement claire à quel point ces institutions sont répandues et illustrent leur tentative de réussir des 11 synergies avec différents acteurs . La diffusion au 9 Michel Porter, The Competitive Advantage of Nations, New York, Basic Books, 1990. 10 WIR, « Transnacional Corporation and the Internalization of R&D », Nations unies, New York, Genève, 2005, <www.unctad.org/Templates/WebFlyer.asp?intItemID=3489&lan g=3>. 11 H. Etzkowitz, L. Leydesdorff, « The dynamics of innovation: from National Systems and ‘Mode 2’ to a Triple Helix of Mexique d’ « institutions ponts » dans des régions comme le Jalisco, le Chihuahua et la Basse-Californie atteste de la constitution d’un tissu institutionnel 12 pertinent . L’expérience de ces nouvelles institutions 13 est récente : elles ont été initiées pendant la décennie 1990 de façon à répondre au processus de modernisation industrielle qui requiert des conditions favorables à la constitution et au développement de clusters. Elles ont évolué dans le contexte de croissance économique de l’époque et ont été marquées par le climat d’incertitude du début du millénaire. Il y a aujourd’hui au Mexique une politique nationale et régionale d’incitation aux clusters. Cette politique s’est consolidée durant la présidence de Vicente Fox et elle a produit une création renforcée d’institutions susceptibles d’établir le lien entre les entreprises et le 14 marché . L’Administration actuelle du Président Calderón a poursuivi cette politique. Émergent des institutions qui récupèrent tant les fonctions de « pont » entre le gouvernement et le secteur privé que d’autres activités novatrices. Ces institutions émergentes ontelles la capacité de transformer la structure industrielle et de mener à bien un processus d’upgrading, university-industry-government relations », Research Policy, 29, 2000, p. 109-123. 12 Mónica Casalet, « La conformación de un sistema institucional territorial en dos regiones : Jalisco y Chihuahua vinculados con la maquila de exportación », in Nuevas tecnologías de información y comunicación. Los limites en la economía del conocimiento, Buenos Aires, Universidad Nacional de General Sarmiento, Mino y Davila, avril 2003 ; Jorge Carrillo (éd.), Aprendizaje Industrial y Actores Locales. Las Maquiladoras frente a la Competencia, rapport de recherche, projet CONACYT 42608, Tijuana, 2006 ; Daniel Villavicencio (éd.), La emergencia de dinámicas institucionales de apoyo a la industria maquiladora de Mexico, Mexico, UAM/Ed. Miguel Angel Porrua, 2006. 13 Mónica. Casalet, « Las redes institucionales en la creación del capital social », in J. Carrillo (éd.), Aglomeraciones locales o clusters globales?: Evolución empresarial e institucional en el norte de México, Mexico, Colef/Fund. F. Ebert, p. 17-43, 2000. 14 Mónica Casalet, Leonel González, « El entorno institucional y la formalizaron de las redes en el sectot electronico de Chihuahua », in Daniel Villavicencio (éd.), La emergencia de dinámicas, op. cit. d’amélioration ? Le Centro de Productividad de la Industria Electrónica de Baja California (centre de productivité de l’industrie électronique de BasseCalifornie, ProduCen) constitue un bon exemple. Il a été créé en 2001 pour développer un tissu de fournisseurs pour le secteur électronique de BasseCalifornie, en particulier pour attirer des fournisseurs mondiaux « en première ligne », mieux connus en tant que contract manufactures. L’objectif, très précis à l’origine, a rapidement évolué avec le temps. L’institution offre plusieurs stratégies de développement, remplit des fonctions hétérogènes et se caractérise par une organisation flexible, peu bureaucratique. Ses membres sont extrêmement mobiles : ils conjuguent leurs efforts et ont une connaissance approfondie du secteur local, ce qui leur permet d’agir aux points stratégiques. Cette institution publique à orientation privée, qui met en relation le gouvernement de l’État tant avec le gouvernement fédéral qu’avec diverses associations entrepreneuriales et des institutions locales/régionales, tend à développer des secteurs clefs de la Basse-Californie, en particulier ceux de la moyenne et de la haute technologie. ProduCen s’est affirmé en tant que principal consultant de l’État de Basse-Californie, comme nœud du tissu institutionnel, combinant les secteurs privé, éducatif et gouvernemental. Il a participé au réajustement des fonctions de diverses institutions locales d’appui aux entreprises. Mais y a-t-il une assurance, fût-elle limitée, de ce que ces institutions performantes qui émergent dans le cadre d’une politique industrielle de clusters, ellemême inscrite au sein de la mondialisation, ont la capacité de transformer la structure industrielle et d’entamer un processus d’upgrading ? Le syndicat, un agent de réaction ? Ce sont les syndicats, pour finir, dont la capacité baisse, contrairement à celle des entreprises multinationales, des politiques publiques et des institutions ponts. Plus généralement, il ne fait aucun doute que les maquilas à main-d’œuvre intensive n’ont cessé d’éviter la coexistence avec les syndicats, alors que les maquilas modernes (de deuxième et de troisième génération), moins dépendantes du coût du travail, supportaient mieux cette contrainte. Cependant, le facteur le plus déterminant, en l’occurrence, de la syndicalisation, demeure l’histoire régionale spécifique. La présence syndicale dans une région donnée est due principalement à deux éléments : l’histoire qui précède et la capacité des syndicats à s’adapter aux changements. Autres facteurs qui jouent, mais dans une moindre mesure : la solvabilité économique d’une société et sa position dans la structure productive mondiale. A pesé également sur le processus de syndicalisation l’origine du capital : les usines japonaises par exemple, spécialement à Tijuana, ont 15 opté pour l’absence des syndicats . En moyenne, la syndicalisation dans les maquiladoras concerne approximativement 52 % des travailleurs en 1990. En 1995, tous les travailleurs de Piedras Negras, de Nuevo Laredo, de Reynosa et de Matamoros étaient toujours syndiqués, alors qu’à Tijuana ils n’étaient que 30 % à appartenir à une quelconque organisation syndicale – 19 % à Nogales, 16 % à Ciudad Acuña et 13 % à Ciudad Juárez. Ces syndicats sont tous affiliés aux centrales syndicales elles-mêmes liées à l’État. Mais on peut en distinguer 15 Cirila Quintero, Restructuración sindical en la frontera norte: El caso de la industria maquladora, Tijuana, El Colegio de la Frontera Norte, 1997 ; id., « Sindicalismo en las maquiladoras fronterizas. Balance y perspectivas », Etudios Sociológos, XVI, 46, 1998, p. 89-116. deux types : le syndicat « traditionnel », qui participe plus activement à la détermination du salaire et des 16 conditions de travail , et le syndicat « transparent », qui n’est présent ni dans l’usine ni auprès des travailleurs. Les syndicats officiels traditionnels sont enracinés dans la région. Ils utilisent les contrats collectifs comme forme de négociation sur le lieu de travail, participent à la vie de l’entreprise et apportent soutien à leurs membres. Il ne fait aucun doute que ces syndicalistes sont restés fortement liés au pouvoir local et « alignés » sur leur centrale au niveau national. Ils sont prédominants à la frontière Nord-Est du Mexique. Ils pèsent fortement à Piedras Negras, Nuevo Laredo, Reynosa et Matamoros. Leur présence est plus faible à Ciudad Acuña. Les syndicats de Juárez leur sont aussi affiliés, mais pas dans la même mesure qu’au NordOuest. Les syndicats « transparents » peuvent être perçus comme un instrument de contrôle sur les travailleurs, des organes qui effectuent leur tâche grâce à la collaboration avec les entreprises. Ils jouissent de la protection du gouvernement par le biais des institutions locales du travail (Juntas de Conciliación y Arbitraje) et se caractérisent par le refus de la négociation collective ainsi que par une représentation faible, voire nulle, de leurs membres dans les instances. Ils sont si éloignés des travailleurs que ces derniers ne savent souvent même pas qu’ils en sont membres et que l’entreprise paie les cotisations. Nombre de administrateurs des entreprises partagent l’opinion selon laquelle les syndicats « transparents » se trouvent à l’Ouest, les syndicats officiels traditionnels à l’Est et un mélange des deux 16 Cirila Quitero, Restructuración sindical, ibid. ; Jorge Carrillo, Dos décadas de sindicalismo en la industria maquiladora de exportación : examen de las ciudades de Tijuana, Juárez y Matamoros, Mexico, Ed. Miguel Angel Porrúa et UAM, 1994. catégories au Centre. La rhétorique de Rafael Trujillo (1997), ex-administrateur de Sony et ex-président de l’Asociación de la Industria Maquiladora de Tijuana, illustre bien cette vision entrepreneuriale et antisyndicale : la frontière en termes de flexibilité du travail ; une région où il y a un ciel, un purgatoire et un enfer, Tamaulipas étant l’enfer avec syndicalisation de toutes les entreprises, Juárez le purgatoire avec des syndicats offensifs et Tijuana le ciel avec des syndicats transparents ou des entreprises sans syndicats du tout. Quant aux syndicats indépendants, ils ont été combattus avec énergie et succès par les entreprises, par le gouvernement et principalement par les syndicats officiels. Le Mexique est donc un cas de réaction entrepreneuriale non seulement au sein de la maquila, mais dans la manufacture et les services en général. On estime que les trois quarts des syndicats sont des syndicats patronaux. Les nouveaux enjeux géopolitiques de la maquila au Mexique Les résultats de cette enquête ont plusieurs significations. Premièrement, même les maquiladoras mexicaines des secteurs les plus dynamiques, les plus spécialisés en termes de productivité et d’agrégation territoriale se caractérisent par une hétérogénéité. Deuxièmement, la diversité et la pluralité des établissements appréhendés ne veulent pas dire chaos ou absence d’objectifs, mais coexistence de dispositifs et de « types d’usine » déterminés. Troisièmement, tout va dans le sens de politiques sectorielles requérant une combinaison avec des politiques à caractère plus horizontal. Mais ces politiques ne doivent pas être indifférenciées, elles doivent être fonction de la spécificité, de la complexité et de la multiplicité du cas par cas. Quatrièmement, l’impact géopolitique des entreprises multinationales est lié à leur environnement. Il n’en reste pas moins que les acteurs régionaux stratégiques fonctionnent dans un milieu non seulement changeant mais incertain. La compétition entre entreprises et régions n’opère déjà plus entre le nord – les Etats-Unis – et le Sud mexicain, ou entre localités mexicaines. Elle a changé d’échelle et se situe désormais à celle de la planète. Il apparaît que la perte d’avantages compétitifs et l’intervention croissante de pays comme la Chine dans la production manufacturière mondiale a amené certaines tâches à se délocaliser et que ces dernières continueront inévitablement à se déplacer hors du Mexique, de la région centraméricaine et de la Caraïbe. Les entreprises qui fondent leur compétitivité sur le travail intensif, non qualifié et faiblement rémunéré perdent dès lors rapidement leur marché. Des produits de consommation comme le vêtement, le jouet, la chaussure et l’électronique, destinés au marché nordaméricain, sont de plus en plus fabriqués dans des pays comme la Chine. Qui plus est, en ce qui concerne des produits comme les ceintures de sécurité et les téléviseurs à écran plat, la taille et le cycle de vie font que les coûts de production perdent relativement en importance et le Mexique, de ce point de vue, se trouve privé de l’un de ses principaux avantages : la proximité géographique. En même temps, cependant, les réactions rapides à un marché changeant et les mesures protectionnistes tendant à renforcer la régionalisation ouvrent des perspectives à l’arrivée d’investissements chinois au Mexique, ce qui a lieu dans certaines maquiladoras. Une entreprise chinoise de téléviseurs (TLC) a acquis la division de télévisions de Thompson et c’est actuellement l’entreprise la plus grande du monde au Mexique, avec une forte présence à Juárez. La première fabrique d’automobiles chinoises en Amérique du Nord est en construction à Tijuana. C’est en ce sens que la proximité géographique va recommencer à compter en termes d’avantages 17 compétitifs . traduit de l’espagnol par Gaëlle Loir et Virginie Lefevre 17 Susan Berger, How we compete. What companies around the world are doing to make it in today’s global economy, New York, London, Sydney, Auckland, Ed. Doubleday, 2006.