la maladie de la vache folle au canada : un

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la maladie de la vache folle au canada : un
LA MALADIE DE LA VACHE FOLLE
AU CANADA : UN SURVOL ÉCONOMIQUE
Capsule d’information pour les parlementaires
TIPS-116F
Bibliothèque du Parlement
Le 5 juillet 2005
E
n 2003, un seul cas de vache folle a fragilisé l’industrie bovine canadienne (y compris
l’élevage des veaux), en faisant chuter ses recettes monétaires agricoles à 5,2 milliards de
dollars, soit une baisse de 33 p. 100 par rapport aux huit milliards de dollars encaissés en 2002.
Contexte
Dans une étude des répercussions de l’encéphalopathie
spongiforme bovine (ESB) – ou maladie de la vache
folle – sur le revenu des familles agricoles, Statistique
Canada estime que chaque tranche de 100 millions de
dollars d’exportations du secteur bovin ajoute
80 millions de dollars au produit intérieur brut (PIB),
produit des sorties totales de 228 millions de dollars,
ajoute 41 millions de dollars au revenu du travail et crée
jusqu’à 3 000 emplois.
La découverte d’un cas unique d’ESB au Canada, le
20 mai 2003, a occasionné la fermeture immédiate des
marchés d’exportation pour le bœuf et les bovins
canadiens. Selon Statistique Canada, une perte de
2,5 milliards de dollars en exportations se traduit par
une réduction de 2 milliards de dollars du PIB canadien,
une baisse de 5,7 milliards des sorties totales, une
diminution de un milliard de dollars du revenu du
travail et une perte de 75 000 emplois.
À eux seuls ces indicateurs économiques montrent
l’ampleur de la crise engendrée par un cas d’ESB au
Canada. En outre, les répercussions d’ordre sanitaire,
politique, structurel et commercial ont aussi contribué à
fragiliser l’industrie bovine et continueront à le faire.
L’historique de l’ESB au Canada et
dans le monde et les aspects sanitaires
de l’alimentation du bétail
La présence de l’ESB au Canada remonte à 1993,
année où un premier cas avait été diagnostiqué chez
une vache de boucherie importée du Royaume-Uni.
La maladie de la vache folle est une encéphalopathie
spongiforme transmissible qui attaque le système
nerveux central des bovins. Aucun traitement ni
vaccin n’existe contre cette maladie, dont la cause
serait la présence d’une protéine anormale appelée
prion. L’origine exacte de la maladie est encore
inconnue. Différentes hypothèses circulent, mais le
rapport Phillips, sur la situation de l’ESB au
Royaume-Uni, a rejeté celle selon laquelle l’ESB
aurait été transmise par des moutons atteints de la
tremblante. Le rapport penche davantage pour une
mutation génétique apparue chez une seule vache dont
la carcasse aurait ensuite été récupérée et recyclée en
produits carnés destinés à l’alimentation animale. La
maladie aurait ainsi été propagée par cette pratique
d’alimentation animale.
La crise qui frappe le Canada depuis 2003 a relancé le
débat sur l’utilisation de produits carnés dans
l’alimentation animale. Dans son rapport, le groupe
d’experts international qui a examiné les interventions
du Canada après la confirmation d’un cas indigène
d’ESB a recommandé des mesures garantissant
l’absence de matériels à risque spécifiés (MRS, aussi
appelés « matières à risque spécifiées », c.-à-d. les
abats davantage susceptibles de transmettre la maladie
dans les aliments pour le bétail et les humains). Dès
le mois de juillet 2003, le Canada a réagi en modifiant
certains règlements pour mieux protéger les humains.
En 1997, le Canada a modifié son règlement sur
l’alimentation animale, afin d’interdire l’utilisation de
produits protéiques provenant de ruminants et destinés
à l’alimentation des ruminants. Toutefois, les MRS
sont encore utilisés au Canada, soit dans la fabrication
d’aliments qui ne sont pas destinés aux ruminants.
Dans son rapport de novembre 2003, le Comité
permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire de
la Chambre des communes a fait une recommandation
en ce sens, mais qui allait plus loin, en demandant un
retrait de tous les MRS de la chaîne alimentaire
animale. Le 9 juillet 2004, le gouvernement a dit
avoir « l’intention d’exiger le retrait des MRS
d’origine bovine de la chaîne alimentaire animale ».
Plusieurs initiatives gouvernementales ont suivi en
matière de gestion des MRS.
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L’Office international des épizooties
Fondé en 1926, l’Office international des épizooties
(OIE) promeut activement le développement d’une
politique globale pour sauvegarder la santé des
animaux. L’OIE a dépisté les cas d’ESB signalés au
Royaume-Uni (depuis son premier cas en 1986) et
dans le monde (depuis 1989). Elle a aussi rédigé le
Code sanitaire pour les animaux terrestres, qui
fournit des directives pour catégoriser le risque
d’ESB.
L’OIE a porté un jugement sévère sur la fermeture des
marchés d’exportation qui a durement frappé
l’industrie canadienne du bétail :
Il s’avère que quelques Pays Membres
appliquent des interdictions de commercialisation quand un pays exportateur déclare la
présence de l’ESB, sans se référer aux
recommandations contenues dans le Code ou
sans effectuer une analyse des risques
conformément à ses obligations à l’égard de
l’OIE et de l’OMC. Le Code formule des
recommandations de plus en plus restrictives
qui sont proportionnées au niveau de risque
d’ESB dans chacune des catégories de statut
mais ne recommande pas d’interdictions
autres que celles indiquées plus haut
concernant le commerce des animaux ou de
produits spécifiques d’origine animale.
En ce qui concerne la situation de l’ESB dans
l’Union Européenne et, plus récemment, au
Japon, au Canada et aux États-Unis
d’Amérique,
l’existence
de
normes
régulièrement mises à jour n’a pas empêché
d’importantes perturbations dans les échanges
dues
au
non-respect
des
normes
internationales par de nombreux pays lors de
la mise en place ou de la révision de leurs
politiques en matière d’importation.
La crise de la vache folle et le Parlement
Les membres du Parlement ont réagi rapidement à la
découverte d’un cas d’ESB le 20 mai 2003. Ainsi, le
Comité permanent de l’agriculture et de
l’agroalimentaire de la Chambre des communes a tenu
sa première session d’information spéciale dès le
27 mai, puis a poursuivi son examen en tenant des
réunions extraordinaires pendant toute la période
estivale de 2003. Son rapport, L’enquête et la réponse
du gouvernement suite à la découverte d’un cas
unique d’encéphalopathie spongiforme bovine, a été
déposé au mois de novembre 2003 et comprenait
sept recommandations, dont : un programme
d’attrition pour les bovins, y compris les vaches de
réforme; l’absence totale de MRS dans l’alimentation
des animaux; un programme de traçabilité amélioré;
un groupe de travail dédié exclusivement à l’ouverture
des débouchés commerciaux pour les bovins et la
viande de bœuf. Une dernière recommandation, qui
demandait au Bureau de la concurrence d’enquêter sur
la formation des prix de la viande de bœuf, devait être
le prélude à une étude ultérieure du Comité, axée
spécifiquement sur un des effets majeurs de la crise de
la vache folle, soit la création d’un écart important
entre les prix des bovins à la ferme, qui ont chuté
rapidement et radicalement, et les prix de détail des
produits du bœuf, qui au contraire n’ont pas suivi la
même tendance.
Dès le retour du Parlement pour la 3e session de la
37e législature, le Comité permanent a entrepris une
étude qui a mené à un rapport fouillé portant sur le
fossé entre les prix du bétail et, à l’autre bout de la
chaîne alimentaire, les prix du bœuf et la possibilité de
conduite anticoncurrentielle. Dans son rapport, le
Comité a décrit :
ƒ
le fonctionnement des marchés canadien et
américain du bœuf;
ƒ
la structure et la concurrence au sein de
l’industrie;
ƒ
les effets du programme fédéral-provincial de
redressement de l’ESB;
ƒ
les mesures à prendre pour l’avenir.
Le rapport du Comité a montré que la fermeture des
marchés aux produits du bœuf canadiens a rapidement
déclenché une série de réactions en chaîne. Les prix
des bovins sont tombés en chute libre en l’absence de
demande nord-américaine et internationale, les
exploitations d’élevage-naissage ont glissé sous le
seuil de la rentabilité et les abattoirs ont dû se
soumettre à de nouveaux règlements sanitaires qui ont
augmenté leurs coûts de production. En présence
d’une telle offre excédentaire, le marché a réagi en
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réduisant le prix des bovins pour stimuler la demande
intérieure et faire diminuer le cheptel. Cette baisse
des prix a procuré aux abattoirs canadiens un avantage
économique sur leurs concurrents américains. Les
propriétaires d’abattoirs canadiens, aidés en partie par
une demande intérieure soutenue de bœuf, ont donc
rapidement repris le chemin de la rentabilité,
contrairement aux éleveurs de bovins canadiens.
En accordant une aide financière d’environ
1,6 milliard de dollars, les gouvernements fédéral et
provinciaux ont aidé les producteurs, mais le Comité
permanent a remarqué que certaines particularités du
programme d’aide, comme le lien entre l’abattage de
l’animal et l’aide financière, ont exacerbé encore
davantage l’offre excédentaire. De plus, le fait que les
prix à la ferme aient réagi à la baisse lorsque l’aide
publique a commencé à circuler a amené de nombreux
politiciens et les intervenants de l’industrie à soulever
plus d’une question à ce sujet.
Au moment où le Comité permanent de l’agriculture
et de l’agroalimentaire de la Chambre des communes
s’intéressait à la volatilité des prix des bovins et du
bœuf, le Comité sénatorial permanent de l’agriculture
et des forêts conduisait une étude qui a mené au
rapport intérimaire intitulé La crise de l’ESB –
les leçons pour l’avenir. Les recommandations du
Comité sénatorial ont porté principalement sur la
capacité d’abattage et la valeur ajoutée, que le Comité
considère comme des éléments d’une bonne approche
à suivre afin de réduire l’impact de nouveaux cas
d’ESB sur l’économie canadienne, les consommateurs
et particulièrement l’industrie bovine et les autres
secteurs de l’agriculture dont dépendent le bien-être et
l’avenir des collectivités rurales canadiennes. Le
Comité sénatorial a poursuivi son travail sur les
solutions à la disposition de l’industrie bovine en
publiant au mois de mai 2005 un autre rapport, La
capacité d’abattage des bovins au Canada. Les
sept recommandations formulées dans le rapport ont
notamment pour objectif d’inciter les producteurs à
investir – et à participer – activement dans le secteur
de l’abattage des bovins.
La concentration de l’industrie de l’abattage de bovins
et le dysfonctionnement des prix des bovins, dont la
faiblesse perdurait un an après la cas d’ESB et qui se
situaient, au mois de mai 2004, à 25 p.100 de moins
qu’à la même période l’année précédente (pour un
bouvillon de l’Alberta), ont conduit le Comité
permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire de
la Chambre des communes à enquêter sur le
comportement économique des abattoirs. Il s’est
ensuivi deux rapports sur l’examen des états financiers
de certains abattoirs, dont trois ont été déclarés
coupables d’outrage au Parlement par suite d’une
recommandation faite par le Comité. Devant le refus
de deux de ces trois compagnies de fournir des
renseignements financiers qui auraient permis
d’établir s’il y avait ou non comportement
anticoncurrentiel, le Comité a demandé à la Chambre
des communes, dans un quatrième rapport, d’imposer
des amendes de 250 000 $ par jour à chacune des
compagnies visées. La Chambre des communes n’a
toutefois pas avalisé cette recommandation.
Après avoir reçu un rapport d’étape produit par des
consultants spécialement engagés pour mener
l’enquête, le Comité permanent a prolongé leur
mandat, qui doit comprendre un rapport à l’automne
2005. Le Comité a été le premier forum à examiner le
marché et le prix du bœuf et des bovins au Canada.
Le vérificateur général de l’Alberta et le Bureau de la
concurrence ont eux aussi produit des rapports, mais
le Comité pousse l’analyse plus loin en cherchant à
analyser les liens entre les fluctuations des prix payés
aux producteurs, les subventions gouvernementales et
l’effet de levier que les grands abattoirs peuvent
exercer sur les prix en traitant des animaux de leur
propre cheptel plutôt que d’acheter ceux des
producteurs lorsque cela leur est favorable.
préparé par
Jean-Denis Fréchette, analyste principal
Service d’information et de recherche parlementaires
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