Indices du WWF sur l`Etat des Eaux Douces et des Zones Humides
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Indices du WWF sur l`Etat des Eaux Douces et des Zones Humides
Indices du WWF sur l’Etat des Eaux Douces et des Zones Humides Résultats pour le cas du Maroc Février 2004 Ce document a été élaboré par Lucia De Stefano, Coordinatrice de l’indice Eaux douces et Zones humides, Programme "Eaux vivantes" - Europe du WWF, avec les contributions de Mohamed Dakki (Institut Scientifique, Rabat) et Mohamed Touji (Direction Générale Hydraulique, Rabat) ainsi que du Programme méditerranéen du WWF sur l’eau douce. Si vous désirez recevoir plus d’information sur ce projet ou une copie électronique de ce document, veuillez contacter : M. Holger Schmidt, WWF Mediterranean Programme Office c/o WWF-Italie Via Po, 25/c 00198 Rome, Italie Tél. + 39 06 84497338 e-mail: [email protected] Table des Matières 1 INTRODUCTION .............................................................................................................1 2 MÉTHODOLOGIE...........................................................................................................1 3 PROGRAMMES DE SUIVI DE L’EAU.........................................................................2 3.1 QUALITÉ DU PROGRAMME NATIONAL DE SUIVI .................................................3 3.2 QUALITÉ DES PROGRAMMES DE SUIVI POUR UNE SÉLECTION D’ÉLÉMENTS HYDROLOGIQUES .............................................................................4 4 RÉPONSES AUX PROBLÈMES LIÉS À LA QUANTITÉ D’EAU............................5 5 RÉPONSES AUX PROBLÈMES LIÉS À LA QUALITÉ DE L’EAU ........................6 6 FRAGMENTATION DES RIVIÈRES PAR LES BARRAGES...................................7 7 APPLICATION DES PRINCIPES DE GESTION INTÉGRÉE DES BASSINS VERSANTS........................................................................................................................7 7.1 INTÉGRATION..............................................................................................................8 7.2 PARTICIPATION DU PUBLIC.....................................................................................9 7.3 POLITIQUE RELATIVE AUX ZONES HUMIDES.....................................................11 8 CONCLUSIONS..............................................................................................................12 1 INTRODUCTION L’indice Eaux douces et Zones humides (Water and Wetland Index, WWI) est une initiative du WWF destinée à susciter le débat sur la manière de préserver et d’améliorer l’état des écosystèmes d’eau douce grâce à une gestion durable et intégrée de l’eau. L’étude évalue deux aspects essentiels des politiques sur l’eau dans 22 pays (20 pays européens1 et deux pays d’Afrique du nord, le Maroc et la Tunisie) : a) La qualité des programmes actuels de suivi de l’état écologique et des principales pressions qui pèsent sur les ressources en eau dans chaque pays – condition essentielle pour prendre des décisions eclairées en matière de gestion de l’eau ; b) Les réponses politiques et législatives des gouvernements et des autorités chargées de la gestion de l’eau aux pressions que subissent les écosystèmes d’eau douce. Ce document présente les résultats du projet sur l’indice Eaux douces et Zones humides au Maroc. Les résultats en Tunisie font l’objet d’un autre rapport et les conclusions de l’étude européenne sont disponibles à l’adresse www.panda.org/freshwater/europe. 2 METHODOLOGIE La méthodologie de l’indice Eaux douces et Zones humides a été élaborée par un groupe de travail composé de membres des organisations nationales du WWF et d’organisations partenaires dans un certain nombre de pays européens et non européens. Pendant la phase de définition de l’indice, le groupe de travail a demandé l’avis des responsables de l’Agence européenne de l’environnement, de la Direction générale de l’environnement de la Commission européenne ainsi que d’experts publics et privés dans le secteur de l’eau. L’étude WWI a été réalisée à partir d’un questionnaire élaboré par une équipe de consultants indépendants qui avaient reçu un document de travail contenant des instructions détaillées sur la manière dont il convenait de noter chacun des indicateurs évalués dans le cadre de l’indice et ont été invités à appuyer chaque note de commentaires explicatifs. Le programme européen "Eaux Vivantes" du WWF a été chargé de la coordination globale de l’étude. Lors de la conception du questionnaire, une attention particulière a été portée sur les activités et résultats consignés dans des documents écrits qui constituent autant de preuves irréfutables de processus formels en cours ou déjà achevés. L’analyse et les résultats correspondants s’appuient sur les informations disponibles jusqu’en septembre 2003, ainsi que sur des entrevues orales et des consultations écrites de 17 acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux dans le domaine de l’eau. En outre, le 27 septembre 2003, un atelier regroupant les différents acteurs a été organisé à Rabat pour revoir, modifier et compléter les réponses obtenues par l’équipe de consultants. 1 Autriche, Belgique, Bulgarie, Croatie, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Pologne, Portugal, Slovaquie, Espagne, Suède, Suisse, Turquie et Royaume-Uni. 1 L’étude a procédé à l’évaluation des aspects significatifs de la politique de l’eau existante au niveau national et au niveau du bassin versant de Moulouya. En effet, l’objectif de l’étude WWI était, non seulement, de connaître la situation globale dans le pays mais aussi d’évaluer les politiques sur l’eau à l’échelle de la gestion des eaux à l’état naturel, à savoir les bassins versants, telle qu’elle est préconisée dans la déclaration de la Conférence ministérielle euroméditerranéenne sur la gestion locale de l'eau qui s’est tenue à Turin les 18 et 19 octobre 19992. En ce qui concerne son contenu, l’étude WWI s’est intéressée aux questions suivantes : 1. La qualité des programmes de suivi: les programmes nationaux de suivi de l’eau et les programmes de suivi concernant quinze éléments hydrologiques marocains (aquifères, lacs, oasis, rivières, sebkhas3) ; 2. L’application de mesures visant à faire face aux problèmes les plus urgents en matière d’eau douce dans le pays ; 3. L’application des principes du WWF concernant la gestion intégrée des bassins versants4. Dans les chapitres suivants, l’évaluation des points 1 et 3 ci-dessus est synthétisée sous la forme de tableaux présentant des pourcentages du meilleur « score » possible pour les aspects de la gestion de l’eau considérés. Le degré de satisfaction du critère est exprimé en fonction de cinq catégories : très bon (90-100%), bon (75-89%), passable (50-74%), faible (25-49%) et très faible (0-24%). Les opinions exprimées dans le présent document ne reflètent pas nécessairement le point de vue de toutes les organisations et toutes les personnes ayant été consultées dans le cadre du projet WWI. L’étude a évalué la politique actuelle de l’eau au Maroc par rapport à des normes très strictes imposées par la législation européenne et les traités et conventions internationaux tels que la déclaration de Turin de 1999. Les conclusions de l’étude, bien qu’elles identifient des lacunes qui appellent à des améliorations, ne visent aucunement à discréditer ou à réfuter les progrès accomplis par le Maroc en matière de gestion de l’eau. 3 PROGRAMMES DE SUIVI DE L’EAU Il est indispensable de pouvoir se baser sur des données de bonne qualité concernant l’état des écosystèmes d’eau douce et les pressions exercées sur les ressources en eau pour prendre des décisions politiques et stratégiques éclairées sur la gestion de l’eau. 2 La déclaration de Turin (1999) établit un certain nombre de principes sur la gestion de l’eau et définit un plan d’action pour parvenir à une gestion durable des ressources en eau dans la région méditerranéenne. En ce qui concerne la gestion intégrée des bassins versants, la déclaration stipule que les actions prévues dans le cadre du plan d’action « devraient être mises en œuvre dans le cadre d'une gestion intégrée de l'eau à l'échelle du bassin hydrographique ». Les signataires de la déclarations sont : le Conseil de l’Union européenne, la Commission européenne, la Finlande, l’Algérie, l’Autriche, la Belgique, Chypre, le Danemark, l’Égypte, l’Espagne, la France, l’Allemagne, la Grèce, l’Irlande, Israël, l’Italie, la Jordanie, le Liban, le Luxembourg, Malte, le Maroc, les Pays-Bas, le Portugal, la Suède, la Syrie, la Tunisie, la Turquie, le Royaume-Uni et l’Autorité palestinienne. 3 Vastes dépressions peu profondes, de fond saumâtre et sablonneux et irrégulièrement recouvertes d’eau qui sont généralement présentes dans les régions sahariennes ou arides et dues à l’action du vent. 4 Pour de plus amples informations, voir: WWF (2002) Pour une gestion raisonnée des ressources en eau : vers un développement durable par la gestion intégrée des bassins versants, Programme "Eaux Vivantes" du WWF / WWF-UK, Godalming (http://www.panda.org/livingwaters/pubs/IRBM_English.pdf) 2 L’étude indice des Eaux douce et Zones humides a évalué la qualité des programmes nationaux de suivi de l’eau, qui devraient fournir aux décideurs une vision complète et fiable des questions concernant l’eau douce dans leur pays, mais aussi des programmes locaux de suivi de l’eau – liés à des éléments hydrologiques spécifiques – afin de concevoir des actions spécifiques au niveau local. L’étude a évalué la qualité des données relatives aux éléments biologiques5, hydromorphologiques6 et physico-chimiques7 en termes de : - 3.1 Comparabilité dans le temps des données collectées par le programme de suivi (à savoir, s’il est possible de comparer les données collectées sur différentes années) ; Comparabilité des données dans l’espace (à savoir, s’il est possible de comparer les données collectées à différents points de l’élément hydrologique) ; Disponibilité des données, qui désigne leur accessibilité et l’adéquation du format dans lequel elles sont stockées et fournies; Précision des données, qui désigne la qualité des données, l’adéquation de la distribution des points échantillonnés et la périodicité des mesures. QUALITE DU PROGRAMME NATIONAL DE SUIVI Les programmes nationaux de suivi doivent fournir aux décideurs et à toutes les parties intéressées (gestionnaires de l’eau, usagers, ONG et citoyens) une vue d’ensemble des ressources en eau dans leur pays : Quelle est la distribution de ces ressources dans le temps et dans l’espace ? Quel est leur état de conservation et quelles pressions subissent-elles ? Par ailleurs, les programmes nationaux doivent identifier et surveiller les zones vulnérables, à savoir les régions où les ressources en eau sont particulièrement sous pression à cause de la pollution, de captages non durables ou d’une fragmentation physique excessive. Programme national de suivi de l’eau Vue d’ensemble des éléments hydrologiques Connaissance des pressions exercées sur la quantité d’eau Connaissance des pressions exercées sur la qualité de l’eau Comparabilité dans le temps des données issues du suivi Comparabilité dans l’espace des données issues du suivi Disponibilité des données issues du suivi Précision des données issues du suivi Qualité des données sur les éléments biologiques Qualité des données sur les éléments hydro-morphologiques Qualité des données sur les éléments chimiques et physico-chimiques 82% 79% 87% 80% 85% 83% 83% 77% 76% 81% Tableau 1: Évaluation de la qualité du programme national de suivi. La colonne de droite présente le pourcentage du meilleur score possible pour chaque paramètre. Légende : vert brillant : très bien (90100%); vert olive: bien (75-89%); jaune: passable (50-74%); orange: faible (25-49%); et rouge: très faible (0-24%). 5 Le cas échéant: la composition, l’abondance et la biomasse du phytoplancton, la composition et l’abondance d’autres espèces de faune aquatique, la composition et l’abondance des espèces de faune benthique invertébrée et la composition, l’abondance et la structure par âge de la faune piscicole. 6 Le cas échéant: le régime hydrologique, les conditions morphologiques, la continuité fluviale, le niveau et la dynamique des eaux souterraines. 7 Le cas échéant: les conditions thermiques, les conditions d’oxygénation, la salinité, les éléments nutritifs (phosphore total et azote total) et le pH. 3 Bonne qualité des données sur l’eau. Le Maroc dispose d’un vaste réseau de stations météorologiques et hydrologiques, dont certaines ont plus de 70 ans. Ce réseau permet un suivi assez précis de toutes les eaux de surface et souterraines et fournit des modèles hydrologiques et climatiques qui jouent un rôle important dans les prises de décision. Traditionnellement, ces programmes de suivi présentaient essentiellement des estimations au sujet de la quantité d’eau, mais un programme national a récemment été établi pour contrôler la qualité de l’eau. Néanmoins, parallèlement à cette avancée, plusieurs dispositifs hydrologiques et climatiques se retrouvent progressivement hors d’usage et ne sont pas entièrement renouvelés, ce qui réduit la couverture géographique du pays et par conséquent la qualité des données collectées. Les données hydrologiques et météorologiques sont organisées dans une base de données disponible auprès du Secrétariat d’État à l’eau (BADR 21), qui publie chaque année des rapports sur le contrôle de la qualité de l’eau. D’autres programmes de suivi sont menés dans certains Offices régionaux de mise en valeur agricole. Depuis l’approbation de la loi 10-95 (1995), les résultats des études de suivi de l’eau, qui n’étaient normalement pas divulguées au public avant 1995, sont beaucoup plus accessibles ; une partie de ces résultats étant publiés périodiquement et largement diffusés. Toutefois, les données sur le stress hydrique sont parfois difficiles à obtenir, notamment lorsqu’elles ne figurent que dans des rapports internes. Suivi des éléments biologiques satisfaisant mais fragmenté. Les éléments biologiques des systèmes aquatiques sont principalement étudiés dans le cadre de projets de recherche spécifiques au sein des universités, des instituts/écoles agricoles et forestières et de l’Office National de l’Eau Potable. De ce fait, le niveau de connaissances sur les éléments biologiques varie considérablement d’un lieu à l’autre. Une exception dans ce domaine est le programme de suivi des populations hivernantes d’oiseaux d’eau, qui a débuté en 1983 et couvre la plupart des zones humides du pays. Une vaste étude de synthèse sur les principales zones importantes pour la conservation de la biodiversité a été entreprise par le Ministère Chargé des Eaux et Forêts et ses résultats ont été présentés dans le cadre d’un plan directeur des aires protégées, où plus de 80 écosystèmes humides ont été identifiés en tant que sites d’intérêt biologique et écologique devant être protégés. 3.2 QUALITE DES PROGRAMMES DE SUIVI POUR UNE SELECTION D’ELEMENTS HYDROLOGIQUES L’étude indice des Eaux douce et Zones humides a aussi évalué la qualité des programmes de suivi "sur le terrain" qui sont essentiels pour appuyer les prises de décision au niveau local et pour alimenter les bases de données nationales. Dans ce cadre, les programmes de suivi de quinze éléments hydrologiques marocains (rivières permanentes et saisonnières, lacs d’eau douce et lacs saumâtres, oasis, aquifères, voir tableau 2) ont été évalués par rapport aux aspects spécifiés au début de ce chapitre (page 3). Éléments hydrologiques sélectionnés Nappe de R’mel-Loukkos Nappe de Triffa (Berkane) Aguelmam Afennourir Daya de Sidi Amira (Ma’mora) Dayet ‘Awwa Dayet Erroumi Marais du bas loukkos (Ain Chouk-Boucharene) 4 Aquifère Aquifère Lac Lac Lac Lac Lac Sidi Boughaba Oasis de Figuig Oasis de la Moyenne Dr’a Bou Regred Oued Rmel (versant nord du Rif) Oum Er-Rbia Sebou Sebkha Zima Lac Oasis Oasis Rivière Rivière Rivière Rivière Sebkha Tableau 2. Éléments hydrologiques marocains évalués dans le cadre de l’étude WWI. L’étude a conclu qu’en moyenne, la qualité des données de suivi dans les éléments hydrologiques sélectionnés était moyenne voire mauvaise (tableau 3). En particulier, les connaissances existantes sur les pressions exercées sur les éléments hydrologiques tant en termes quantitatifs que qualitatifs et la qualité des données de suivi sur les éléments biologiques et hydro-morphologiques se sont révélées insuffisantes. Programmes de suivi dans les éléments hydrologiquessélectionnés Connaissance globale de l’élément hydrologique 74% Connaissance des pressions exercées sur la quantité d’eau 47% Connaissance des pressions exercées sur la qualité de l’eau 47% Connaissance des pressions exercées sur l’intégrité physique 50% Comparabilité dans le temps des données issues du suivi 51% Comparabilité dans l’espace des données issues du suivi 54% Disponibilité des données issues du suivi 57% Précision des données issues du suivi 59% Qualité des données sur les éléments biologiques 46% Qualité des données sur les éléments hydro-morphologiques 49% Qualité des données sur les éléments chimiques et physico-chimiques 62% Tableau 3: Évaluation de la qualité des programmes de suivi de l’eau dans quinze éléments hydrologiques. La colonne de droite présente le pourcentage du meilleur score possible pour chaque paramètre. Légende : vert brillant : très bien (90-100%); vert olive: bien (75-89%); jaune: passable (5074%); orange: faible (25-49%); et rouge: très faible (0-24%). 4 REPONSES AUX PROBLEMES LIES A LA QUANTITE D’EAU L’agriculture est le secteur le plus consommateur d’eau (93% des ressources utilisées). Les problèmes les plus graves dans le secteur agricole concernent l’utilisation relativement peu efficace de l’eau dans les zones irriguées et la forte résistance au changement. Les activités industrielles et des ménages consomment des quantités d’eau relativement faibles (respectivement 4% et 3% de l’alimentation en eau du pays). Toutefois, ces quantités proviennent généralement de réserves d’eau régionales et créent un déficit hydrique important au niveau local, principalement en aval des réservoirs et dans les nappes phréatiques. Approche du problème. Le Maroc a élaboré des plans directeurs d'aménagement intégré des ressources en eau pour la plupart de ses bassins versants et finalise actuellement un plan directeur national, qui accorde une place prépondérante à l’agriculture. La stratégie actuelle pour remédier aux problèmes liés à la quantité d’eau est principalement basée sur l’augmentation de l’approvisionnement en eau grâce à des réservoirs et l’exploitation des aquifères. Les principales limites de cette politique sont : la diminution progressive (en raison de l’envasement) de la capacité des barrages, l’absence de processus permettant d’impliquer 5 sérieusement les acteurs de la gestion de l’eau et les pertes écologiques considérables dues au captage excessif d’eau douce. Instruments législatives et économiques. En vue de réglementer l’utilisation de l’eau dans l’agriculture, la loi n° 10/95 sur l’eau exige que chaque usager paie pour les volumes d’eau consommés, et que toute autorisation d’utiliser l’eau soit associée à la présence d’un compteur d’eau et du paiement d’une redevance. Toutefois, dans la plupart des zones irriguées petites et moyennes, les droits traditionnels sur l’eau sont encore très puissants et rendent très difficile l’application des réglementations relatives aux redevances. Dans les zones rurales, la mesure directe de la consommation d’eau grâce à des compteurs d’eau est encore rare et s’avère difficile à mettre en place, tant pour des raisons culturelles que financières. Les taux actuels de consommation d’eau pour les activités agricoles et domestiques dans les zones rurales devraient être revus à la hausse car ils sont sous-estimés. Il n’existe pas de réglementation obligeant à économiser l’eau mais des aides financières incitent à employer des techniques permettant d’économiser l’eau. Toutefois, ces programmes de subvention devraient être révisés car ils ne produisent pas les résultats escomptés. L’administration devrait sensibiliser davantage le public sur l’existence de techniques économes en eau et sur les subventions accordées pour les utiliser mais aussi garantir que les agriculteurs à faibles revenus – qui ne peuvent se permettre d’investir dans ces technologies – sont les principaux bénéficiaires des aides de l’État. Par contre, les réglementations appliquées aux particuliers (prix de l’eau) à l’échelle nationale sont relativement efficaces, au vu des résultats positifs obtenus en termes d’économie d’eau. 5 REPONSES AUX PROBLEMES LIES A LA QUALITE DE L’EAU Au cours de ces 20 dernières années, la pollution de l’eau a fortement augmenté, tant en termes d’extension territoriale du problème que de quantité et de diversité des polluants. Actuellement, plusieurs tronçons de rivière sont utilisés pour déverser les eaux usées et certaines (par exemple, Oued Fès) en sont réduites à servir de canalisation des eaux usées. En fait, la plupart des zones urbaines ne sont pas encore équipées de stations de traitement des eaux usées et les modalités de gestion des eaux usées d’origine industrielle sont encore en phase de définition. Les autorités ont commencé à établir des réglementations nationales pour appréhender le problème de la pollution de l’eau en imposant des processus de traitement aux entreprises industrielles ou en tenant compte des études d’impact dans les projets industriels. Inversement, dans le secteur agricole, on constate une utilisation croissante d’engrais et de pesticides alors que les contrôles déployés sur la nature et les quantités de produits chimiques se révèlent inefficaces. Par conséquent, les eaux superficielles et les aquifères sont considérablement enrichis en éléments nutritifs, notamment azotés et phosphoreux. Instruments législatifs et économiques. La loi n° 10/95 sur l’eau établissant le principe « pollueur payeur », des efforts se sont concentrés sur la définition de normes de qualité de l’eau, comme préalable à l’instauration d’un système d’indemnités à titre de dédommagement. Néanmoins, ce principe n’est pas correctement appliqué, hormis dans les zones urbaines où les redevances relatives au traitement de l’eau sont incluses dans la facture d’eau. Plusieurs nouvelles usines sont obligées de décontaminer leurs eaux usées, mais en règle générale, les processus sont rarement contrôlés et parfois inefficaces. Le manque de ressources financières a jusqu’à présent été présenté comme le principal obstacle à l’instauration de toute mesure de paiement. 6 6 FRAGMENTATION DES RIVIERES PAR LES BARRAGES Actuellement, le Maroc compte plus de 100 grands barrages et 10 autres devraient être construits à court terme (source: Direction Générale de l’Hydraulique, Rabat). La plupart des réservoirs existants connaissent des problèmes liés à l’accumulation de vase, qui limite rapidement leur capacité de stockage et leur durée de vie. Il s’agit d’un phénomène naturel causé par les pluies violentes et une forte érosion dans les bassins hydrographiques, mais qui est exacerbé par la destruction du couvert végétal et le manque de mesures de prévention combinées à la construction des barrages, notamment le reboisement des talus du bassin d’alimentation et la protection des rives du fleuve. Stratégie nationale sur les barrages. Il n’existe pas de stratégie nationale concernant les barrages de façon globale, mais un Comité National des Grands Barrages représente localement la Commission mondiale des barrages (CMB). Construction de nouveaux barrages. La loi marocaine exige la réalisation d’une étude d’impact environnemental avant de lancer la construction de nouveaux barrages et une grande base de données des études existantes est disponible auprès du Secrétariat d’État à l’eau. Malgré la représentation de la CMB au niveau local, ses recommandations ne sont pas toutes incluses dans les instructions relatives aux études d’impact et il n’existe pas de stratégie globale pour préserver les fonctions écosystémiques importantes de certaines rivières dans leur état d’écoulement naturel. Gestion des barrages existants. Les barrages sont régulièrement évalués et améliorés (le cas échéant) pour garantir leurs bonnes performances économiques. Les barrages ont des conséquences très néfastes sur l’environnement, principalement sur la biodiversité, mais l’instauration et l’application de mesures pour réduire ces impacts – par exemple, en maintenant un débit écologiquement acceptable dans les cours d’eau en aval du barrage et la construction de passes à poissons artificielles pour la migration des poissons – est fortement entravée par des obstacles administratifs ou des pressions économiques et sociales liées à l’approvisionnement en eau destinée à la consommation humaine. Par exemple, les études d’impact environnemental recommandent des mesures de prévention mais elles sont peu appliquées. Par ailleurs, la maintenance du débit écologique n’est pas respectée au cours des périodes de sécheresse. 7 APPLICATION DES PRINCIPES DE GESTION INTEGREE DES BASSINS VERSANTS L’étude indice des Eaux douce et Zones humides s’est aussi attachée à évaluer le degré de mise en œuvre de deux des principes de gestion intégrée des bassins versants8: la participation et l’intégration. Ce choix se justifie parce qu'il est une priorité pour le WWF et parce qu'il s'agit de principes essentiels énoncés dans la déclaration de Turin et dans la directive cadre sur l’eau de l’Union européenne. - L’intégration implique la coordination entre les entités impliquées dans la gestion de l’eau ; la coopération entre les gestionnaires de l'eau et les autres secteurs ; la combinaison de la gestion des eaux de surface et celle des eaux souterraines et la combinaison de la gestion des eaux intérieures et côtières. Ce principe est l’un des piliers du plan d’action de Turin (1999) qui souligne à plusieurs reprises dans son texte 8 En 2000-2001, le WWF et la Commission européenne ont organisé les « Water Seminar Series » (cycle de séminaires sur l’eau) dans le cadre desquelles plus de 300 acteurs dans le domaine de l’eau ont identifié cinq principes transversaux généraux pouvant être appliqués pour une mise en œuvre effective de la gestion intégrée des bassins versants : calendrier, participation, capacité, intégration et échelle. 7 l’importance « d'assurer une bonne coordination, la complémentarité et la synergie des organisations et activités existant dans ce domaine » et que « l'importance que revêtent les ressources en eau des points de vue social, économique et environnemental doit être reconnue à tous les niveaux et intégrée dans des politiques de développement durable ». L’étude WWI a évalué l’intégration de l’approche de la politique de l’eau et le degré d’intégration des différentes autorités chargées de l'eau. - La participation du public est le processus qui permet d'assurer que ceux qui ont un intérêt ou un enjeu dans une décision soient impliqués dans la prise de cette décision9. À cet égard, la déclaration de Turin stipule « il convient d'encourager une approche participative faisant intervenir la société civile, notamment les usagers de l'eau et les institutions aux niveaux local, régional, infra-national et national ». Les paramètres évalués par L’étude indice des Eaux douce et Zones Humides en matière de participation publique sont : la mise à la disposition d’information, la consultation du public et la participation active. L'enquête WWI a également évalué le rôle des zones humides10 dans la gestion de l'eau étant donné que le WWF considère les écosystèmes des zones humides comme une composante essentielle de la gestion de l'eau, en dépit du fait qu'elles seraient souvent considérées comme n'étant qu'une question de conservation. Dans ce domaine, l’étude indice des Eaux douce et Zones humides a évalué les questions suivantes : le rôle des zones humides dans la gestion de l'eau, la politique de protection des zones humides et la politique de restauration de ces milieux. 7.1 INTEGRATION Un usage durable de l'eau ne peut être réalisé qu'à travers une gestion intégrée des ressources aquatiques, ce qui signifie une coordination entre tous les organismes concernés par la gestion de l'eau, une coopération entre les gestionnaires de l'eau et les autres secteurs, un lien entre la gestion des eaux de surface et souterraines ainsi qu'entre la gestion des eaux continentales et côtières. L’étude indice des Eaux douce et Zones humides a étudié les mesures qui rendaient possible cette intégration au Maroc, et a pris en compte des points tels que l'existence et la compétence d'une commission ou d'un comité unique pour la gestion des différentes masses d'eau (eaux de surface, souterraines, côtières, etc.) ainsi que l'existence et le contenu d'une stratégie ou d'un plan national pour la gestion des eaux douces, qui analyse et équilibre les besoins des différents secteurs dépendant de l'eau (par exemple l'industrie, l'environnement, l'agriculture, etc.). 9 Preliminary comments on Public Participation in the context of the Water Framework Directive and Integrated River Basin Management (Commentaires préliminaires du WWF sur la participation du public dans le contexte de la directive cadre sur l'eau et de la gestion intégrée des bassins hydrographiques) du WWF, avril 2001. 10 Les zones humides sont définies comme des « écosystèmes hétérogènes mais distincts dans lesquels des fonctions écologiques, biogéochimiques et hydrologiques spéciales découlent de la prédominance et des sources particulières, de la chimie et de la périodicité des inondations ou de la saturation par l’eau. Les zones humides peuvent exister dans toutes sortes de paysages et peuvent supporter des eaux peu profondes (<2m) permanentes ou des eaux provisoirement stagnantes. Elles présentent des sols, des substrats et des biotopes propices aux inondations et/ou à l’engorgement par l’eau et à des conditions d’aération réduite». Définition fournie par le projet de recherche Evaluwet cofinancé par la CE. 8 Intégration Intégration des compétences 67% Intégration des secteurs 52% Tableau 4: Pourcentage du meilleur score possible pour l’intégration. Légende : vert brillant : très bien (90-100%); vert olive: bien (75-89%); jaune: passable (50-74%); orange: faible (25-49%); et rouge: très faible (0-24%). Planification coordonnée de l’utilisation de l’eau par secteur. Les responsabilités en matière de gestion de l’eau sont réparties entre différents organismes. Le principal responsable de l’utilisation des eaux intérieures est le Secrétariat d'État à l'eau, qui coordonne ses activités de planification avec plusieurs ministères qui expriment les besoins nationaux des différents secteurs (agriculture, industrie, urbanisme, énergie, etc.). Le Conseil Supérieur de l’Eau et du Climat est chargé de l’approbation finale des décisions, au sein duquel sont représentés les principaux acteurs dans le domaine de l’eau (institutions scientifiques et associations professionnelles dans le secteur du génie de l’eau et de la protection des ressources en eau, ainsi que des représentants élus d’associations d’usagers, principalement des agriculteurs). Décentralisation en cours des compétences. Depuis longtemps, les décisions sur la gestion de l’eau étaient concentrées au sein de l’administration centrale, mais depuis peu (1995) plusieurs agences de bassin sont chargées de la planification régionale des ressources en eau. Dans ce contexte, chaque agence prépare son propre plan directeur régional en matière de gestion de l’eau, en évaluant et en chiffrant au niveau régional les besoins en eau et les possibilités de les satisfaire. L’approbation de ce plan devrait se fonder sur un vaste débat avec tous les acteurs dans le domaine de l’eau, mais cela n’est pas encore le cas : par exemple, aucun institut de recherche travaillant sur la conservation de la biodiversité aquatique ne participe au processus. Le plan directeur national sur la gestion de l’eau est basé sur les plans régionaux adoptés. La biodiversité est le domaine le plus négligé. Comme mentionné précédemment, le principal absent de ce processus de gestion est le domaine de la biodiversité. Les organismes administratifs chargés de la protection de la faune et de la flore (à savoir les Eaux et Forêts) sont conscients de ces lacunes mais en raison des crises de sécheresse répétées, la protection de la biodiversité a une place très secondaire dans les stratégies nationales visant à lutter contre les retombées sociales de ces sécheresses. Par ailleurs, les études d’impact effectuées dans le cadre des plans de gestion de l’eau tiennent peu compte des problèmes de conservation de la biodiversité. De ce fait, la perte progressive de la biodiversité de flore et de faune aquatiques dans les écosystèmes intérieurs constitue l’un des principaux points faibles des programmes marocains de gestion de l’eau. L’élaboration du plan directeur national sur la gestion de l’eau – basé sur les plans régionaux – est désormais dans sa phase d’étude finale et sera soumis au Conseil supérieur de l’eau et du climat pour discussion et approbation en 2004. Ce plan présente encore de nombreuses lacunes en matière d’actions de conservation de la biodiversité. En attendant, le Ministère des eaux et forêts a entrepris une étude afin d’identifier un réseau de sites à protéger (plan directeur des aires protégées) et a lancé des études sur les plans de gestion pour plusieurs de ces sites. 7.2 PARTICIPATION DU PUBLIC L’étude indice des Eaux douce et Zones humides a analysé trois aspects de la participation du public en matière de processus de prise de décision sur la gestion de l’eau : les dispositions d’information proactive, la consultation du public et la participation active des acteurs non gouvernementaux de l’eau11 (encadré 1). Ceci impliquait d’analyser des questions telles que 11 Dans l’étude, « les acteurs non gouvernementaux » sont définis comme étant des organisations non gouvernementales qui représentent les parties intéressées suivantes : l'industrie (y compris le secteur de 9 l’organisation par les autorités de manifestations d’information à l’adresse des acteurs de manière à encourager leur participation, l’existence de procédures formelles d’accès aux documents disponibles et les caractéristiques des dispositions mises en place pour faire circuler les documents préliminaires à commenter, etc. Encadré 1 – Trois ingrédients clés de la participation publique « L’information proactive » concerne l’information sur la législation, le processus de planification et les projets spécifiques affectant les écosystèmes d’eau douce, y compris les résultats d’analyses écologiques, économiques et autres, les propositions d’actions, mesures, stratégies et plans, les débats sur les questions clés, etc. La fourniture proactive d’informations peut prendre différentes formes, dont par exemple, la publication de dépliants ou de brochures, de lettres informant certaines parties prenantes sur des questions clés, la diffusion d’informations sur le web, etc. « La consultation du public » désigne le fait de demander des commentaires et un retour d’information de la part des parties intéressées au sujet d’un document ou d’une proposition publiés (par exemple, un calendrier, un projet de politique, un programme de travail). « La participation active » implique que ceux qui participent ont véritablement la possibilité d’influencer depuis le début le processus de prise de décision. Il s’agit d’un processus dynamique et interactif basé sur la confiance et la certitude que les opinions du public/des parties prenantes seront prises en compte et ont une réelle influence sur l’élaboration de législations, de politiques, de programmes et de projets. Participation du public Accessibilité de l’informations Consultation du public Participation active du public 63% 15% 19% Tableau 5: Pourcentage du meilleur score possible pour la participation publique. Légende : vert brillant : très bien (90-100%); vert olive: bien (75-89%); jaune: passable (50-74%); orange: faible (25-49%); et rouge: très faible (0-24%). Nécessité de transparence accrue. L’aspect le plus développé de la participation du public est l’information, étant donné qu’il existe plusieurs moyens d’informer le public et les parties intéressées sur l’état des ressources en eau et les décisions liées à la gestion de l’eau. Toutefois, la transparence des informations au cours du processus de prise de décisions doit être améliorée, car l’administration chargée de l’eau ne fournit que certaines informations aux acteurs. Moyens de participation insuffisants. Les informations disponibles ne s’accompagnent pas de dispositions pour permettre la participation des acteurs non gouvernementaux, que ce soit sous la forme de consultation des documents par le public ou d’une collaboration directe de ces acteurs à des tables rondes ou des groupes de travail sur l’élaboration de documents de planification ou législatifs. Plusieurs acteurs participent à certains aspects du processus de gestion de l’eau, mais leur nombre est relativement limité et leur choix est dicté par des raisons politiques (par exemple, les experts en matière de biodiversité ne sont normalement pas consultés). Certains sont impliqués dans ce processus uniquement par le biais du Conseil Supérieur de l’Eau et du Climat et ne participent pas à la définition du contenu des décisions. Toutefois et bien qu’il soit trop tôt pour évaluer son application et son effet sur la gestion de l’eau, l’entrée en vigueur de la loi sur l’eau de 1995, qui stipule que les propositions de décisions de base doivent émaner des agences de bassin, devrait permettre d’améliorer la participation des usagers au niveau local. l'énergie), les sociétés de distribution d'eau, l'agriculture (y compris l'élevage), les ONG de protection de l'environnement et le secteur de la recherche. 10 7.3 POLITIQUE RELATIVE AUX ZONES HUMIDES Les écosystèmes de zones humides sont des éléments importants de l’environnement aquatique tant d’un point de vue écologique que fonctionnel. Leur potentiel est grand pour parvenir à une gestion durable des bassins versants, en contribuant par exemple, à réduire l’impact de la pollution, à prévenir les effets des sécheresses et des inondations et à promouvoir la réalimentation des nappes souterraines L’étude indice des Eaux douce et Zones humides a étudié les politiques existantes en matière de protection et de restauration des zones humides. À cette fin, l’étude a examiné la présence et le contenu de politiques globales et stratégiques de protection et de restauration des zones humides dans les pays étudiés. Politique relative aux zones humides Protection des zones humides 22% Restauration des zones humides 0% Tableau 6: Pourcentage du meilleur score possible pour la politique en matière de zones humides. Légende : vert brillant : très bien (90-100%); vert olive: bien (75-89%); jaune: passable (50-74%); orange: faible (25-49%); et rouge: très faible (0-24%). Au cours de ces 40 dernières années, la construction de barrages, le captage excessif d’eau des nappes souterraines et le drainage des zones humides pour les transformer en zones agricoles ou urbaines a causé des dégâts importants sur les écosystèmes naturels, notamment en termes de perte de la biodiversité des zones humides. Responsabilités fragmentées. Un obstacle majeur à la conservation des zones humides est la division des responsabilités de gestion entre plusieurs secteurs. Par exemple, le Haut Commissariat aux Eaux et Forêts est responsable des aires protégées qui assurent la conservation de la biodiversité des zones humides, alors que le Secrétariat d’État à l’eau est propriétaire des zones humides, et prend certaines décisions relatives à leur gestion sans consulter les organismes de conservation de la biodiversité. Récemment, un projet de loi sur les aires protégées a été préparé par le Haut Commissariat aux Eaux et Forêts. Outre les lois appliquées par cette entité pour contrôler la pêche et la chasse, la loi sur les aires protégées constituera une bonne occasion de mettre réellement en œuvre la conservation in situ de la biodiversité. Les lacunes flagrantes concernant la politique sur les zones humides devraient subsister pendant plusieurs années encore car l’adoption des textes législatifs par le gouvernement prend du temps et que leur mise en œuvre sur le terrain en prend encore davantage, principalement parce que les ressources humaines et financières nécessaires n’ont été employées que récemment. Ressources insuffisantes pour inverser les tendances. Certaines ONG et instituts de recherche s’efforcent de sensibiliser sur les dommages causés aux écosystèmes d’eau douce, mais leurs actions sont encore limitées, car ils n’ont pas suffisamment de poids auprès de l’administration. Les institutions gouvernementales de conservation (Eaux et Forêts, et Environnement) sont conscientes de l’urgence des problèmes de biodiversité ; toutefois et malgré les améliorations de la loi, le principal obstacle pour remédier aux pertes de biodiversité reste l’insuffisance des ressources financières pour: • Réparer les dommages (à savoir, la création de passes à poissons dans les barrages, le contrôle de la pollution, la restauration des habitats, etc.) ; 11 • Garantir une source alternative de revenus aux usagers qui seront affectés par la conservation de la biodiversité ; • Déployer les ressources humaines nécessaires pour appliquer la loi, plus particulièrement, par le biais de contrôles sur le terrain ; • Résoudre le statut problématique du régime de propriété de certaines zones humides. Des possibilités d’améliorer la conservation des zones humides. Récemment, deux stratégies nationales (une stratégie pour la conservation de la biodiversité – y compris la faune et la flore aquatiques – et une stratégie quinquennale de conservation des zones humides) ont été élaborées par le Ministère des Eaux et Forêts et le Ministère de l’environnement , respectivement. Par ailleurs, le Ministère des eaux et forêts, en tant que point focal national de la convention de Ramsar, a créé un comité national des zones humides, alors que le Ministère de l’environnement intervient dans le comité national sur la biodiversité. Ces deux structures impliquent des instituts scientifiques et des ONG concernées et représentent deux possibilités complémentaires de lutter contre les problèmes de perte de biodiversité et d’habitats naturels. Outre ces activités stratégiques, plusieurs mesures ont été prises en faveur de la protection des zones humides. Elles ont été publiées en 1996 dans un document synthétique, le plan national des aires protégées, qui porte sur 84 zones humides. Les programmes de gestion de la conservation sont en cours de préparation pour plusieurs de ces zones humides ; toutefois, le point le plus important est l’inscription de 24 sites de zones humides sur la liste de la Convention de Ramsar, qui marque une étape décisive dans le processus de conservation et devrait ouvrir la voie à de multiples initiatives de terrain en matière de protection de la biodiversité. 8 CONCLUSIONS L’indice Eaux douces et Zones humides a identifié des points forts dans la gestion de l’eau au Maroc et a formulé des recommandations concernant certains aspects, qui selon le WWF, devraient être améliorés. Le Maroc dispose d’un bon programme national de suivi de l’eau, qui présente une vision assez complète de l’état des ressources en eau. Toutefois, plusieurs stations de contrôle sont désormais hors d’usage et ne sont pas entièrement remplacées, ce qui réduit progressivement la qualité de la couverture des données. Une nouvelle loi sur l’eau a été adoptée en 1995. Elle introduit des éléments positifs en matière de gestion de l’eau, notamment le rôle essentiel accordé aux bassins versants, qui devraient être à l’origine des décisions, dans le cadre de l’analyse des besoins du bassin versant et d’un vaste débat avec les acteurs locaux de l’eau. Toutefois, pour l’heure, la mise en œuvre rèelle est très lente et la participation du public encore loin d’être satisfaisante. Dans le domaine de la conservation de la nature, il reste un chemin considérable à parcourir en raison de l’approche actuelle qui se base sur le développement économique et la satisfaction de l’approvisionnement en eau, qui provoque souvent une perte de la biodiversité aquatique. Malgré la situation critique dans ce domaine, il est important de mentionner le récent projet de loi sur la protection des zones humides, l’existence de deux comités et de stratégies pour la conservation des zones humides et l’engagement progressif de l’administration marocaine vis-àvis de la convention de Ramsar. À partir de l’analyse de l’indice Eaux douces et Zones humides, les recommandations du WWF sont les suivantes: 12 - - Garantir l’entretien et l’actualisation du réseau de suivi hydrologique et climatique existant afin d’éviter une baisse de la qualité de la couverture actuelle des données. Améliorer la couverture spatiale des données de suivi sur les paramètres biologiques, qui ne sont actuellement de bonne qualité que pour les zones présentant un intérêt particulier. Revoir et améliorer l’efficacité des moyens et ressources existants utilisés pour garantir l’application des lois sur l’eau, notamment concernant le droit à l’eau dans les zones rurales et la lutte contre la pollution de l’eau liée aux activités industrielles. Fixer des limites à l’utilisation des substances polluantes dans l’agriculture, pour remédier aux problèmes de pollution de l’eau dans les zones rurales. Appliquer sur le terrain les mesures de prévention préconisées dans les études d’impact environnemental sur les barrages pour réduire l’impact négatif des barrages sur la biodiversité. Remédier de toute urgence aux pertes de biodiversité dues à la gestion non durable de l’eau, en impliquant les experts et acteurs en matière de conservation de la nature dans les prises de décisions et en considérant leurs demandes à leur juste valeur. L’endommagement ou la destruction de zones humides pour satisfaire rapidement et « à moindre coût » les besoins d’approvisionnement en eau ou d’exploitation du sol à des fins économiques n’est pas une solution durable à long terme. Garantir la transparence des informations dans les processus de prise de décision, ce qui implique de fournir aux acteurs toutes les informations de fond nécessaires pour motiver les décisions. Créer des mécanismes de participation où tous les secteurs de l’eau sont consultés (y compris la conservation de la nature) et où les acteurs sont réellement impliqués dans le processus de prise de décision. Accélérer l’adoption de la nouvelle loi sur la protection des zones humides et débloquer suffisamment de ressources humaines et financières pour la faire appliquer sur le terrain. 13