V. Cosmologie et évolution des galaxies

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V. Cosmologie et évolution des galaxies
Rapport d'activité 2001-2003
V. Cosmologie et évolution des galaxies
Ces dernières années ont apporté une moisson
remarquable de résultats sur la formation des structures à
la fois d’un point de vue quantitatif et qualitatif :
observation de centaines de milliers de galaxies lointaines
et jusqu’à des décalages spectraux de z=5-6, d’amas de
galaxies en optique et en X, détection des grandes
structures en formation et des fluctuations primordiales à
l’origine des hétérogénéités auxquelles nous devons notre
propre existence. Les expériences ballon (Archeops,
Boomerang, Maxima) et le satellite WMAP combinées au
« key program » pour la mesure de la constante de Hubble
du télescope spatial Hubble (HST) et à la détection de
supernovae de type Ia (SNIa) distantes ont permis
d’estimer la valeur des paramètres cosmologiques avec
une précision inégalée. Cette précision est suffisante pour
ne plus constituer une limitation importante pour la
compréhension de la formation des structures. De plus,
grâce à la puissance croissante des calculateurs et à
l’utilisation de codes numériques à maille adaptative, il
est maintenant possible de simuler la formation et
l’évolution des grandes structures de l’univers. Le point
de départ pour les simulations, à savoir les fluctuations du
fond diffus à 3°K, est maintenant bien déterminé mais
paradoxalement, ce sont les structures visibles ellesmêmes, étoiles, galaxies, amas de galaxies et filaments à
grande échelle dont la formation reste très mal comprise.
Le passage de la physique de la matière noire, non
dissipative, à la matière baryonique qui rayonne la
lumière sur tout le spectre électromagnétique reste le point
d’achoppement des modèles théoriques.
L’étude de la formation d’étoiles et des amas de galaxies
nécessite une approche nouvelle si l’on veut avancer dans
la compréhension physique de ces phénomènes. Cette
approche fait appel à l’étude combinée des observations
réalisées sur une large palette de longueurs d’ondes, du
rayonnement radio aux rayons X et gamma, en passant par
l’optique, l’infrarouge proche et lointain. Les observations
utilisant les nouvelles générations de satellites (ISO,
XMM, Chandra, HST) et les télescopes de la génération
des 8-10 mètres (VLT, Keck) nous ont enseigné qu’il
n’était plus possible d’étudier un phénomène physique à
une échelle déterminée, celle des galaxies autour de la
dizaines de kilo-parsecs par exemple, sans prendre en
considération les échelles supérieures et inférieures avec
lesquelles elle interagit fortement : à l’échelle des étoiles
d’abord avec l’influence des supernovae produisant des
vents galactiques et à plus grande échelle, avec les
rencontres multiples de galaxies lors de la formation des
grandes structures, des amas de galaxies à la croisée des
filaments qui s’étendent sur plusieurs mega-parsecs.
Le SAp a concentré ses efforts en « cosmologie et
évolution des galaxies » sur une approche de ce type,
multi-longueurs d’ondes et multi-échelles, depuis
plusieurs années avec pour objectif fédérateur l’étude de
la formation des structures, des galaxies aux amas et
grandes structures, et du lien qui les fait interagir. Après le
satellite ISO, dont les observations ont permis l’obtention
de résultats importants sur la formation des galaxies au
cours de ces quatre années, même après son arrêt, la
période écoulée a été celle d’une abondante moisson de
résultats dans le domaine du rayonnement X, grâce au
Service d'Astrophysique 2001-2003
satellite XMM-Newton. A ces deux expériences spatiales
se sont associées plusieurs campagnes d’observations
grâce aux télescopes au sol du CFHT, du VLT et du Keck,
mais aussi la participation à de grands programmes
utilisant le HST, qui ont complété le panorama et ouvert
la voie à de nouvelles questions sur les domaines de la
formation des galaxies et des amas. A cela, il faut ajouter
notre implication dans la préparation des générations
futures ou actuelles de nouveaux instruments, dont l’effet
direct a été de devoir développer des outils
d’interprétation ayant conduit à des découvertes et
publications associées. Parmi ces expériences et projets
internationaux citons la caméra à grand champ
MEGACAM, le Télescope Spatial Spitzer (anciennement
SIRTF), le satellite en infrarouge lointain et submillimétrique HERSCHEL
Formation et évolution des galaxies
Galaxies en interaction et naines de
marées
Le milieu intergalactique (MIG) contient des quantités
restées longtemps insoupçonnées de matière d'origine
galactique: nuages de gaz d'hydrogène atomique préenrichis, nébuleuses planétaires, supernovae, régions HII
y ont été récemment détectés, sans compter les éléments
lourds plus abondants dans le milieu intra-amas que dans
les galaxies. Ils constituent des reliquats de l’évolution
galactique et témoignent de l'influence des galaxies sur
leur environnement.
Figure 1 : Cette carte montre les deux régions du Quintette de
Stephan où une importante quantité de gaz d'hydrogène
moléculaire a été mesurée. Ces régions sont situées à l'extérieur
des galaxies. Les cartes de la raie millimétrique CO mesurée avec
l'antenne de l'IRAM sont superposées à une image du groupe de
galaxies obtenue avec le Télescope Spatial Hubble. Crédit
NASA/ESA/CNRS/IRAM
Parmi les processus d’enrichissement du MIG comme les
super-vents associés aux flambées de formation stellaire,
les jets émanant de noyaux actifs ou le balayage par
pression dynamique exercé par le gaz chaud intra-amas
sur le milieu interstellaire, les collisions de marée figurent
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Cosmologie et évolution des galaxies
désormais en bonne place. Le rôle des interactions entre
galaxies pour alimenter les régions centrales a depuis
longtemps été mis en avant. On comprend aujourd’hui
que les forces de marée contribuent à expulser dans le
MIG des quantités significatives de matériaux stellaire et
surtout gazeux.
La détection en 2000 avec l’antenne du Pico Veleta d’une
forte émission de la raie CO au sein de structures de
marée
de
deux systèmes en interaction (Braine,
Lisenfeld, Duc & Leon, Nature 403, 867) a ouvert la voie
à la recherche de gaz moléculaire hors des galaxies. En
juillet 2001, la cartographie de l'émission CO du groupe
compact HCG 92 (``le quintette de Stephan'') a permis la
découverte dans le milieu inter-groupe de réserves de
gaz moléculaire en quantité équivalente au contenu total
de la
Voie Lactée [21]. Des observations avec
l'interféromètre du Plateau de Bure ont ensuite montré
que des nuages compacts contribuent pour moitié à
l’émission (Lisenfeld, Braine, Duc et al., 2004, en prep.).
Probablement, une partie importante du gaz a été
directement arrachée à l’une des galaxies du groupe. Un
autre processus entre en jeu pour l'émission CO détectée
dans environ 70% des condensations massives de gaz HI
présentes dans les queues de marée [11] : la formation in
situ de la composante moléculaire suite à l'effondrement
de nuages d'hydrogène atomique expulsés par effet de
marée. La coïncidence en position et vitesse des
émissions HI et CO appuie ce scénario. Ces réserves de
gaz alimentent des épisodes de formation stellaire dans le
milieu intergalactique. De nouvelles galaxies peuvent en
fait naître de ces transferts de matière : les galaxies naines
de marée étudiées de longue date par des chercheurs du
laboratoire.
La dynamique interne des naines de marée a été plus
particulièrement étudiée à partir des champs de vitesse du
gaz d'hydrogène ionisé (à l'aide
de données de
spectroscopie longue fente et de spectroscopie à intégrale
de champ type Fabry-Perot, obtenues respectivement au
VLT et avec les télescopes CFH et ESO 3.6m), du gaz HI
(observations VLA en configuration B) et du CO
(observations Plateau de Bure, Owens Valley). Ces
observations ont révélé la présence de gradients de vitesse
importants, de l'ordre de 50–250 km/s [33]. Reste à savoir
si ces mouvements traduisent un effondrement
gravitationnel ou un début de rotation de ces objets encore
en formation. Pour la plupart des systèmes, nous avons en
tout cas pu exclure de simples effets de projection. Ainsi
pourvus de leur propre dynamique, les objets de marée
vont devenir des galaxies à part entière à même de résister
à des processus d'autodestruction par effondrement ou
dispersion même si elles retomberont probablement sur
leur galaxie parent.
Peu après la découverte des naines de marée ont été
publiées les premières
simulations numériques
reproduisant
la
formation
de
condensations
autogravitantes dans
des queues de marée. Des
instabilités gravitationnelles en étaient à l'origine.
Toutefois, ces modèles n'étaient pas vraiment
satisfaisants: les condensations produites étaient moins
massives (d'un ordre de grandeur) et beaucoup plus
nombreuses que celles identifiées dans des systèmes en
interaction réels. Bournaud, Duc & Masset [9] ont réalisé
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de nouvelles simulations N-corps qui pour la première
fois ont généré des objets similaires aux naines de marée.
Ces modèles se distinguaient par une bonne résolution
spatiale obtenue en se restreignant à des rencontres coplanaires et surtout par l'exploration de conditions initiales
jamais vraiment
considérées jusqu'à présent, en
particulier, un halo de matière noire plus étendu que 10
fois le rayon des disques stellaires. L’existence de tels
halos est prévue par les modèles cosmologistes, mais
faute de traceur de matière noire à grands rayons, leur
taille réelle est difficilement mesurable. Aussi sont-ils le
plus souvent tronqués dans les simulations. Or l’analyse
de ces expériences a montré que la formation des naines
de marée massives étaient dans une première phase, non
pas liée à une instabilité dans les queues, mais à un
processus purement cinématique lié à l'amplitude des
élongations de marée dans des halos étendus.
Tous ces résultats ont été discutés lors d’un symposium
de l'Union Astronomique Internationale qui a réuni en
juillet 2003 à Sydney (Australie) environ 150 chercheurs.
La conférence a traité de manière plus générale et pour la
première fois à cette échelle du « recyclage de la matière
intergalactique et interstellaire" [14].
Galaxies et sursauts gamma
Depuis quelques années est apparu un outil prometteur
pour dépister les galaxies subissant une flambée de
formation d’étoiles lointaines et enfouies dans la
poussière: les sursauts gamma (GRB), visibles jusqu'à des
décalages spectraux de l’ordre de 10, permettent de
détecter leurs galaxies hôtes qui passeraient inaperçues
par des méthodes de sélection classiques. Ils devraient
par ailleurs être en principe relativement insensibles aux
effets d'extinction.
Figure 2 : Une image en vraies couleurs de la galaxie-hôte du
sursaut gamma GRB 990705, obtenue grâce à la caméra STIS du
télescope spatial Hubble dans un champ de 5'' x 5''. Cette source,
d'une magnitude de 22,5 dans le visible, est située à une distance
correspondant à une époque où l'Univers n'avait que la moitié de
son âge actuel. En raison de sa distance et de sa petite
dimension angulaire sur le ciel, la sensibilité du VLT et la
résolution spatiale d'Hubble ont été nécessaires afin d'obtenir
son spectre et d'étudier les finesses de sa structure. C'est la
première fois qu'un sursaut gamma est observé dans un bras
spiral d'une galaxie lointaine. Crédit: HST/Holland/Le Floc'h
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Comologie et évolution des galaxies
Or les travaux de thèse de E. Le Floc'h ont permis de
mettre en évidence plusieurs biais observationnels et
indiquent ainsi que les sursauts gamma ne sont pas
forcément les traceurs de formation stellaire idéaux que
l'on recherchait. L’analyse des données d'imagerie optique
et infrarouge obtenues avec l'instrument ISAAC au VLT
ou glanées dans la littérature a montré que les galaxies
hôtes de GRB étaient bien plus bleues et moins
lumineuses que les sources à fort taux de formation
stellaire détectées par ISO [20]. Est-ce là un biais lié à la
probable faible métallicité de ces objets ? La propension
d'une étoile à avoir ou non un sursaut gamma lors de son
explosion finale pourrait en effet dépendre de sa
métallicité. Les modèles restent toutefois encore flous sur
le sujet. Un autre biais pourrait en fait venir de problèmes
d'extinction. Celle estimée dans les galaxies hôtes et
déterminée à partir de décréments de Balmer semble très
faible. L'échantillon étudié comprend uniquement une
vingtaine de galaxies ayant présenté après le sursaut
gamma un transient optique (indispensable pour la
localisation précise du GRB). Or il existe une classe de
GRB pour laquelle aucun flash n'est détecté dans le
visible et qui pourrait correspondre à des sources très
enfouies dans la poussière.
La mission SWIFT (lancement au printemps 2004)
fournira dans un avenir proche un échantillon bien plus
fourni d'objets dont la position sera déterminée de manière
précise dans le domaine des rayons X. Elle permettra de
vérifier dans quelle mesure ce biais handicape notre
connaissance de l'histoire de la formation stellaire à partir
des sursauts gamma.
unité de volume (co-mobile) de l’univers. A l’aide d’un
modèle prenant en compte les propriétés spectrales des
galaxies et les comptages de galaxies dans différentes
longueurs d’ondes ainsi que l’intensité et la forme du
CIRB, nous avons remonté l’histoire de la formation
d’étoiles cosmique et ainsi déterminé la contribution
relative des phases de formation d’étoiles intenses et plus
paisibles dans la vie des galaxies. Le résultat majeur de
cette étude a été de constater que plus des deux tiers des
étoiles présentes dans l’univers local devaient être nées au
cours de flambées de formation d’étoiles (figure 4).
Mais encore fallait-il comprendre l’origine de ces
flambées de formation d’étoiles.
Fond diffus cosmologique et
galaxies distantes
Figure 3 : fond diffus cosmologique [16]. Ce fond diffus
correspond à l’émission due aux galaxies au cours de l’histoire de
l’univers depuis sa formation. La partie de gauche, aux longueurs
d’ondes plus courtes que 5 µm est issue de l’émission directe des
étoiles, tandis que la partie de droite correspond au rayonnement
de la poussière interstellaire qui a été chauffée principalement par
les étoiles massives mais aussi par les trous noirs supermassifs en
plus petite proportion. La flèche indique la prédiction de la
contribution des galaxies LIRGs détectées avec ISOCAM au pic du
fond diffus dans l’IR lointain à 140 µm.
On pensait que les galaxies jeunes, étant moins enrichies
en métaux, ne devaient pas souffrir d’une forte extinction
par la poussière. Mais la découverte d’un fond diffus
infrarouge (CIRB pour cosmic infrared background) entre
140 et 1000 µm, second en intensité après le fond diffus
centimétrique dû au Big Bang et détecté lui aussi par le
satellite COBE, a montré qu’au cours de l’histoire de
l’univers la lumière rayonnée par les étoiles formées au
sein des galaxies l’a été principalement dans l’infrarouge
(IR), c’est-à-dire après avoir été absorbée par la poussière
puis réémise thermiquement. Les sondages profonds
réalisés à l’aide du satellite ISO ont révélé l’existence
d’une population de galaxies lumineuses dans l’IR
(LIRGs) près de soixante-dix fois plus nombreuse à z~1,
i.e. lorsque l’univers avait la moitié de son âge actuel,
qu’aujourd’hui [16]. L’étude des propriétés spectrales des
galaxies locales nous a permis de mettre en évidence des
corrélations entre l’émission en IR moyen et lointain de
ces galaxies et donc de déduire leur contribution au fond
diffus IR. Après avoir estimé leur distance (en moyenne
elles sont localisées autour de z~0.7), nous avons calculé
qu’elles étaient responsables de près de 70 % du CIRB
(figure 3), ce qui a permis de résoudre l’énigme de
l’origine de ce fond intense en dévoilant les coupables
[16].
Tout d’abord comment se fait-il que l’extinction par la
poussière soit aussi efficace dans les galaxies lointaines ?
Une explication logique de ce phénomène est donnée par
l’étude des régions de formation d’étoiles locales : les
étoiles massives naissent dans des nuages moléculaires et
ne vivent pas suffisamment longtemps pour en sortir ou
pour attendre que le nuage soit détruit. L’activité de
formation d’étoiles est caractérisée par la masse d’étoiles
massives formées par unité de temps. Celle-ci ne peut être
mesurée qu’en infrarouge, après que le rayonnement
ultraviolet des étoiles massives ait chauffé la poussière
environnante. Mais pour que l’extinction soit aussi
efficace, il est probablement aussi nécessaire de faire
intervenir la dynamique des galaxies en relation avec leur
environnement : il est connu que les interactions de
galaxies tendent à leur faire perdre leur moment angulaire
provoquant du même coup une forte concentration de gaz
moléculaire et une ou plusieurs flambées de formation
d’étoiles.
La conséquence directe de cette étude a été de réviser
notre compréhension de l’histoire de la formation
d’étoiles cosmique, c’est-à-dire la formation d’étoiles par
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Cosmologie et évolution des galaxies
étoiles. En pratique, l’infrarouge est aussi sensible à la
croissance en masse des trous noirs supermassifs au cœur
des bulbes des galaxies. En combinant les observations
infrarouges ISO avec les X durs mesurés avec XMMNewton et Chandra, nous avons déterminé que l’énergie
de près de 20 % des objets ISO est principalement due à
un trou noir supermassif. Ces objets sont à l’heure actuelle
les meilleurs candidats pour expliquer l’origine du fond
diffus X dur qui pique à 30 keV et qui nécessite une forte
extinction des noyaux actifs de galaxies.
Figure 4 : histoire de la formation d’étoiles de l’univers[13] . Ce
diagramme décrit l’histoire de l’activité de formation d’étoiles
dans les galaxies intégrée sur l’ensemble de l’univers. On parle de
taux de formation d’étoiles par unité de volume comobile de
l’univers, en faisant abstraction de la distribution des étoiles dans
les galaxies. L’axe des x en bas indique le décalage spectral,
tandis qu’en haut il indique l’age de l’univers correspondant à ce
décalage spectral. On voit apparaître que l’histoire au-dela de
z=4 ne jouera pas un rôle dominant dans la production d’étoiles
puisqu’elle correspond à une durée maximale de un milliard
d’années seulement. Les croix correspondent aux observations
dans l’UV ou à l’aide de la raie Hα du taux de formation d’étoiles
des galaxies, sans correction d’extinction par la poussière. La
zone hachurée est le domaine des histoires de formation d’étoiles
permises par l’ensemble des observations qui prennent en compte
l’extinction par la poussière. La majorité de l’activité est localisée
dans les LIRGs.
Nous avons comparé les mesures de l’activité de
formation d’étoiles réalisées grâce à un indicateur
classique, la raie Hα, à celles issues de la mesure de
l’émission IR de ces galaxies. Même après correction
d’extinction de l’émission Hα celle-ci conduit à une sousestimation du taux auquel les étoiles sont formées dans les
LIRGs [12]. Les études précédentes de l’histoire de la
formation d’étoiles utilisaient les raies de OII ou Hα ou
encore l’UV sans correction d’extinction, et manquaient
donc plus des deux-tiers de l’activité des galaxies.
Pourquoi les galaxies subissent-elles autant de flambées
de formation d’étoiles ?
L’étude de la distribution spatiale des LIRGs distantes a
révélé un autre phénomène remarquable en ce qui
concerne ces galaxies : elles sont principalement
localisées dans les grandes structures de l’univers, des
groupes aux amas et aux filaments [17]. Leur
morphologie indique d’ailleurs qu’elles subissent l’effet
de leur environnement à travers des interactions avec
d’autres galaxies (figure 5). Ces interactions doivent se
produire plus d’une fois pour expliquer la prépondérance
des LIRGs dans l’histoire de la formation d’étoiles de
l’univers.
Ainsi l’étude de l’univers en infrarouge permet d’obtenir
une cartographie « instantanée » des régions où les effets
d’environnement allument la formation d’étoiles et donc
de suivre en « temps réel » en fonction du décalage
spectral la croissance des structures, par l’effet qu’elles
produisent sur la conversion du gaz des galaxies en
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Figure 5 : morphologie optique des galaxies lumineuses dans
l’infrarouge distantes, à l’aide de la caméra ACS (Advanced
Camera for Surveys) du télescope spatial HST (Elbaz & Moy
2004). En dehors des deux galaxies en haut à droite de la figure,
les 4 autres ont une morphologie typique de galaxies en
interaction. Ces deux galaxies spirales massives indiquent que
contrairement aux études précédentes, même les galaxies à disque
massives ont vécu des flambées de formation d’étoiles.
A l’interface entre galaxies et
amas
Les effets d'environnement (collisions, pression
dynamique exercée par le gaz chaud intergalactique) sont
exacerbés dans les amas de galaxies à cause des densités
élevées (densité en galaxies et densité du milieu intraamas) qui y règnent. Or les amas sont des structures
dynamiques qui se sont fortement transformées depuis
leur formation. Leurs membres ont connu une évolution
parallèle.
L'effet Butcher-Oemler correspond à une augmentation
de la proportion de galaxies bleues dans les amas lorsque
leur décalage spectral augmente. Deux autres effets
d'évolution
ont été aussi
mis en évidence: une
augmentation de la proportion de galaxies spirales (effet
BO morphologique) et de galaxies dont le spectre est de
type post-starburst
(effet BO spectroscopique).
L’exploitation des données d'imagerie obtenues par la
caméra ISOCAM à bord du satellite ISO a mis en
évidence un quatrième effet avec le décalage spectral:
l'accroissement sensible du nombre de sources émettant
dans l'infrarouge moyen[18] et donc vraisemblablement
d'objets présentant de la formation stellaire enfouie dans
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Comologie et évolution des galaxies
la poussière [15]. Les effets BO témoignent de la
formation et de l'évolution des amas - les galaxies spirales
du champ tombant sur l'amas étant plus nombreuses à
grand décalage spectral - mais aussi d'effets
d'environnement propres aux amas. Le milieu intra-amas
contribuerait à ralentir voire stopper brutalement la
formation stellaire dans les galaxies nouvellement
arrivées. La détection de leur émission infrarouge
relativement forte atteste pourtant quelles forment encore
des étoiles à un rythme soutenu, par ailleurs bien plus
élevé que celui déduit des observations optiques.
L’analyse récente de J1888.16CL situé à un décalage
spectral de 0.56 a révélé la présence au sein de cet amas
de plusieurs galaxies lumineuses dans l'infrarouge (LIRGs
pour Luminous Infrared Galaxies, figure 6), avec des
luminosités supérieures à 1011 L~, et qui formeraient des
étoiles à un rythme de plusieurs dizaines de masses
solaires par an. La présence d'une telle activité avait été
soupçonnée lorsque un excès de sources émettant dans le
domaine sous-millimétrique avait été détecté par la
caméra SCUBA en direction d'amas lointains. La
résolution spatiale médiocre de l'instrument ne permettait
toutefois pas d'exclure des effets de projection. Avec la
caméra ISOCAM, l’association de ces objets poussiéreux
à des galaxies d'amas est avérée. Compte tenu de l'échelle
de temps de la phase d'activité infrarouge, les sursauts
observés se sont vraisemblablement produits dans l'amas
(Duc et al., 2004 en prep.). Autrement dit, ces sources ne
sont pas des LIRGs récemment accrétés depuis le champ.
Il faut donc admettre que, dans un premier temps,
l'environnement de l'amas n'a non seulement pas contribué
à réduire l'activité de formation stellaire, mais l'a au
contraire exacerbé. Les mécanismes en jeu restent
incertains, peut-être des interactions de marée au sein de
sous-structures où les dispersions de vitesse plus faibles
les rendent efficaces.
Amas de galaxies
Les amas de galaxies sont essentiellement constitués de
matière noire (75% de la masse). Le milieu intra-amas
(MIA), gaz chaud qui émet en rayons X, constitue environ
20% de la masse et les galaxies quelques pourcents.
Figure 6 : galaxies lumineuses dans l’infrarouge détectées dans
l’amas J1888.16Cl
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Les amas sont les objets effondrés les plus massifs de
l'Univers. Dans le scénario classique de formation
hiérarchique des structures, les premiers groupes de
galaxies se forment autour de z=2. Les amas se forment et
grossissent depuis cette époque par accrétion continue de
matière environnante et par fusion occasionnelle d'amas
entre eux. Les propriétés observées en rayons X de cette
population en évolution donnent des informations uniques
sur la physique de la formation des structures ainsi que
des contraintes sur les paramètres cosmologiques.
Depuis de nombreuses années, des chercheurs du Service
d'Astrophysique travaillent dans ce domaine de recherche
et, depuis son lancement, ils ont largement utilisé les
observations du satellite XMM. Les premiers résultats,
publiés dans le numéro spécial XMM de A&A en 2001,
ont été présentés dans le rapport 1997-2000 et ne sont
donc pas rappelés ici.
Propriétés structurelles et lois d’échelles
de la population des amas
Le scénario classique de formation des structures, ne
tenant compte que de la gravitation, prédit que les amas
constituent une population auto-similaire. La structure
interne des amas est universelle et des lois d'échelles
relient chaque propriété physique à la masse totale de
l'amas (ou à la température T du MIA) et au décalage vers
le rouge. Les observations en rayons X avec les satellites
précédents, montrent bien une certaine régularité dans les
propriétés des amas proches. Cependant, les amas dévient
des prédictions du modèle simple (c.-a-d. la relation LX-T
est plus abrupte que prévue). Ceci indique que des
processus non gravitationnels entrent aussi en jeu dans
l'évolution du gaz. Plusieurs mécanismes ont été
proposés : chauffage avant ou après la formation (par des
supernovae ou des noyaux actifs de galaxies),
refroidissement radiatif, mais leur importance et leur rôle
sont toujours mal compris.
La bonne résolution spatiale de XMM, permet de
s'affranchir des erreurs systématiques sur les profils de
température du gaz, présents avec les satellites précédents.
De plus, la sensibilité de XMM permet de tester les lois
d'échelles et la structure interne des amas à plus grand
rayon et/ou jusqu'à de plus faibles masses. Nous pouvons
mieux mesurer des quantités importantes, comme la
masse totale et les profils d'entropie, qui reflètent
respectivement
la
physique
de
l'effondrement
gravitationnel et l'histoire thermodynamique spécifique du
gaz. Ceci a d'abord été fait sur des cas tests et l'étude de
plus grands échantillons est en cours. La forme des profils
de température, mesurés par ASCA et Beppo-Sax, était
controversée. Dans la figure 7, nous montrons les profils
normalisés de température pour un échantillon d'amas
proches observés par le groupe du SAp. Ils couvrent une
large gamme de températures (T=2-14 keV) et d'états
dynamiques. Au delà du coeur, les profils sont
remarquablement similaires, et presque constants
(variation ±10%) jusqu'à la moitié du rayon viriel.
(Arnaud et al, 2001a,b; Pratt et al. 2001; Pratt & Arnaud
2002, 2003; Majerowicz et al 2002, Pointecouteau et al,
2003).
Pour les amas relaxés, la masse totale et sa distribution
peuvent être déduites des profils de densité de gaz et de
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Cosmologie et évolution des galaxies
température en utilisant l'équation de l'équilibre
hydrostatique. Pour la première fois nous avons pu
mesurer précisément le profil de masse d'un amas massif,
A1413, jusqu'au rayon viriel ([29] figure 8). Ce profil est
très bien ajusté par un modèle de distribution de matière
noire piqué au centre comme le prédisent les simulations
numériques. Cependant, l'amas est trop chaud compte
tenu de sa masse totale, par rapport aux prédictions. Ceci
confirme le décalage en normalisation de la relation M-T
observée avec Chandra, en utilisant la masse contenue
dans 0,3 rayon viriel. Pointecouteau et al. (2003) [28] ont
déterminé le profil de masse d'un autre amas massif sur
une très large gamme de rayon, de 0,01 à 0,5 rayon viriel.
Ceci a permis de discriminer entre différents modèles de
matière noire pour la région centrale : Le modèle de
Navarro, Frenk et White (NFW) est en parfait accord avec
les données, alors que le profil de Moore (1999), qui est
encore plus piqué au centre, est rejeté.Physique non
gravitationnelle au centre des amas
de la fraction de gaz avec la masse totale est la déviation
fondamentale par rapport au modèle auto-similaire
standard, qui explique les pentes non-standard des lois
d'échelle. L'étude, par Pratt & Arnaud [30], de trois autres
amas froids, observés récemment, confirment les
tendances observées avec A1983 (Travaux en cours).
Figure 8 : L'image en rayons X de l'amas de galaxies massif
A1413 (à gauche). Le champ de vue total de la caméra XMMNewton/EMOS est présenté. A1413 a la morphologie régulière
d'un amas relaxé. Le profil de masse totale est montré sur le
graphique de droite. Les points de données ont été obtenus en
utilisant les profils de densité et de température mesurés et
l'équation de l'équilibre hydrostatique. La flèche correspond a
peu près au rayon viriel. Le profil est bien ajusté par un profil de
matière noire (lignes continues) similaires à celui prévu par les
simulations numériques [29].
Figure 7 : Compilation de profils de température d'amas
mesurés par XMM-Newton. Pour chaque amas, la température
est normalisée à la température moyenne en dehors de la
région du coeur froid. Le rayon est normalisé par rapport au
rayon viriel. Les données de Coma, A1795, A2163, RXJ1120,
A1835, A1413 et A1983 ont été publiées dans Arnaud et al,
2001a,b; Pratt et al. 2001; Arnaud et al, 2002b ; Majerowicz et
al 2002, Pratt & Arnaud 2002, 2003. La région grise
correspond à une variation de ± 10% autour de un.
Le profil de masse totale de l'amas peu massif A1983
(T~2 keV) est aussi bien ajusté par un profil NFW,
comme pour les profils des amas chauds et massifs [30].
Plus surprenant, le profil d'entropie de cet amas froid a la
même forme que celui de A1413 (figure 9). Le facteur de
normalisation est cohérent avec la relation S-T, établie à
0,1 rayon viriel par Ponman et al. (2003) à partir de
données ROSAT et ASCA. Cette relation suit une loi
moins raide que prévue dans le modèle auto-similaire
classique. Pratt & Arnaud (2003) [30] se sont aussi
intéressés au profil de mesure d'émission (qui est
directement lié au profil de densité de gaz) de A1983.
Neumann et Arnaud (2001) [25] avaient établi que les
profils des amas chauds (T> 4 keV) sont auto-similaires
au delà de la région centrale de refroidissement, avec une
relation EM-T cohérente avec les relations Mgas -T et LX T. Ces relations sont plus raides que prévue dans le
modèle standard. A1983 a les mêmes propriétés autosimilaires que les amas chauds. Enfin, la fraction de gaz
de A1983 est plus petite que dans les amas chauds. Pratt
& Arnaud (2003) [30] suggèrent qu'un tel accroissement
26
DSM - DAPNIA
La nouvelle vision, émergeant de ces observations XMM,
est que les amas locaux forment réellement une
population auto-similaire, simplement avec des lois
d'échelle non-standards. Les observations présentées plus
haut valident le modèle d'effondrement de la matière
noire. Elles confirment aussi que les processus non
gravitationnels doivent être pris en compte pour la
composante gazeuse. Cependant, l'auto-similarité
observée jusqu'aux faibles masses est une nouvelle et forte
contrainte, et les modèles de pré-chauffage peuvent d'ors
et déjà être rejetés (voir [30]).
Le travail, par Arnaud et al. (2002a) [2] sur un échantillon
de 25 amas distants observés avec ROSAT/ASCA avait
donné une première indication que l'auto-similarité
s'étendait à grand z. Le profil de densité de gaz suit la
forme du profil universel observé pour les amas proches
jusqu'à z=0,8, avec une évolution de la normalisation en
accord avec les prévisions dans une cosmologie ΛCDM.
Les auteurs ont aussi trouvés une évolution significative
de la normalisation de la relation Lx-T, qui est en accord
avec le modèle standard. Le suivi récent par XMM des
amas détectés par le relevé ROSAT SHARC, qui couvre
une plus large gamme de masses avec une bien meilleure
statistique, confirme l'auto-similarité des profils de densité
de gaz (figure 10) et l'évolution de la relation Lx-T
([1][23]).
Le profil de température de RXJ 1120 (z=0,6); une
première à si grand redshift, est aussi similaire aux profils
d'amas proches [1]. Enfin, il est aussi très important
Service d'Astrophysique 2001-2003
Comologie et évolution des galaxies
d'étudier les propriétés des groupes, les objets les moins
massifs de la population d'amas.
de potentiel et indique qu'HCG16 est bien un groupe réel.
Il est intéressant de constater que la température mesurée
est particulièrement basse (T~0.6 keV) cependant
HCG16 semble suivre encore la relation Lx-T observée
pour les groupes riches.
Physique non gravitationnelle au centre
des amas
Figure 9 : Les contours de l'observation XMM de l'amas de
faible masse A1983 sont superposés à l'image optique du DSS
(à gauche). Sur la droite, l'entropie normalisée de A1983
(T=2.3 keV) et A1413 (T=6.5 keV) sont comparés. Les rayons
sont normalisés au rayon viriel. L'entropie est normalisée par
T0.65, selon la loi empirique S~T0.65 déterminée par Ponman et al
(2003). Remarquez l'excellent accord entre les deux profils
normalisés, ceci est une indication d'auto-similarité [30].
Les systèmes riches en galaxies spirales constituent la
majorité des groupes, mais leur nature même (objets liés
ou alignement fortuit de galaxies sur le ciel) est encore
controversée. HCG16, qui ne contient que des galaxies
spirales, est un cas extrême d'un tel système.
L'amas de la Vierge est le plus proche des amas riches.
Cette proximité permet une étude spectroscopique et
spatiale très détaillée du gaz en cours de refroidissement
autour de la galaxie centrale M87. E. Belsole a collaboré
aux travaux sur les données EPIC [24] et RGS [31]. Le
gaz est localement mono-phase, excepté dans la partie très
centrale; il n'y a pas de gaz plus froid que 0.6-0.8 keV.
Ces résultats confirment l'échec du modèle standard de
courant de refroidissement, comme couramment observé
pour les autres coeurs froids d'amas avec une moins bonne
résolution spatiale. Les abondances de tous les éléments
abondants de l'Oxygène au Nickel, ont été mesurées à la
fois dans le milieu interstellaire de M87 et dans le milieu
intergalactique par Finoguenov et al. (2002) [19]. M.
Arnaud a collaboré à ces travaux, qui ont apportés de
nouvelles contraintes à la fois sur la production des
éléments lourds par les SNs et sur le type de SN
responsable du processus d'enrichissement.
Amas en formation dans l'Univers local
et lointain
Des avancées substantielles sur la formation des amas ont
été apportées par les observations XMM d'amas non
relaxés, présentant des sous-structures indicatrices de
phénomène de fusion récente. De tels événements sont
centraux dans la théorie de la formation des amas.
Cependant, la physique de ces fusions (en particulier le
temps de relaxation du MIA) ainsi que les effets des
fusions sur les propriétés des amas ne sont pas très bien
comprises. Avec XMM, nous sommes maintenant
capables de cartographier précisément les structures en
température du MIA, permettant d'étudier le processus
dynamique de la formation des amas.
Figure 10 : Observations XMM-Newton d'amas distants.
L'image en couleur à gauche est celle de RXJ1120.1+ 4318 à
un redshift de z=0.6 [1]. L'amas est bien résolu par XMMNewton. Le graphique de gauche montre que les profils de
mesure d'émission sont auto-similaires jusqu'à grand redshift.
La mesure d'émission (EM) est l'intégrale le long de la ligne de
visée du carré de la densité de gaz. Les profils normalisés de 10
amas lointains (0.3 < z < 0.78) sont représentés par différentes
couleurs. Sept amas sont tirés du relevé SHARC (dont
RXJ1120) et deux du relevé EMSS. On a supposé une
cosmologie ΛCDM (Ωm=0.3, Λ=0.7). Le rayon est normalisé
au rayon viriel et EM est normalisée selon la loi empirique
locale EM-T tirée de Neumann&Arnaud (2001)[25] en suivant
l'évolution attendue. La ligne du milieu est la moyenne de
profils normalisés des amas proches étudiés par ces auteurs.
Les deux autres montrent la dispersion. Les profiles normalisés
des amas distants coïncident, dans les barres d'erreurs et la
dispersion locale, avec les profils des amas proches [23].
La détection XMM par Belsole et al (2003) [4] d'un gaz
intergalactique diffus et chaud signe la présence d'un puits
Service d'Astrophysique 2001-2003
Belsole et al [6] ont étudiés l'amas double A1750 qui est
situé dans un super-amas (figure 11). L'augmentation de
la température dans la région entre les deux unités
A1750C et A1750N montre que leur fusion a réellement
débutée. Cependant, l'interaction a juste commencé et ceci
ne peut pas expliquer les structures de température
observées dans A1750C qui sont interprétées comme
résultant d'une fusion plus ancienne. La mosaïque
complète des observations XMM de l'amas de Coma
analysé par Neumann et al. (2003) [27] révèle aussi
plusieurs fusions en cours. L'amas principal est en train
d'absorber deux groupes le long de la structure
filamentaire qui relie Coma à A1367 dans le sud-ouest.
Un troisième groupe, à l'est, est en train de tomber sur
Coma avec un paramètre d'impact non nul. En utilisant
des comparaisons avec des simulations numériques et des
observations optiques complémentaire (obtenues par
OCA), Belsole [5] explique les structures complexes de
densité et de température de A3921 par un scénario de
DSM - DAPNIA
27
Cosmologie et évolution des galaxies
fusion hors-axe, où l'objet le moins massif a déjà dépassé
le coeur de l'amas principal.
Les observations de Coma et de A1750 montrent que
l'intervalle entre deux fusions d'amas peut être plus court
que le temps de relaxation, spécialement dans les
environnements denses. Les fusions hors-axe observées à
la fois dans A3921 et dans Coma, sont probablement le
résultat de couple de marée à grande échelle. Ces résultats
montrent que la morphologie et l'état dynamique des amas
aujourd'hui peut dépendre non seulement de la fusion la
plus récente mais aussi de l'histoire de la formation de
l'amas. Ils montrent aussi l'importance de l'environnement
à grande échelle des amas.
la température, ce qui est probablement due à l'état
dynamique non relaxé de l'amas. Ceci souligne la
difficulté fondamentale de contraindre la cosmologie par
l'évolution de la fonction de luminosité en rayons X,
puisque on doit utiliser la corrélation entre la luminosité,
la température et la masse
Pour optimiser les études de fusion d'amas proches, un
nouvel algorithme basé sur une approche multi-échelle, a
été développé pour construire des cartes de température à
partir des données XMM brutes en collaboration entre
OCA et le Sap [8]. Ce logiciel a été testé sur des
simulations numériques à haute résolution. Cet algorithme
prend en compte tous les effets instrumentaux et permet
de restaurer les structures significatives de température
sans a priori sur leur emplacement ni de leur géométrie, ce
qui est un très grand avantage. Il a d'abord été utilisé pour
l'analyse de données réelles sur A1750 [6].
Amas de galaxies et cosmologie
Figure 11 : A1750 observé par XMM-Newton. Cet amas de
galaxies est constitué de deux sous-amas: A1750N au nord, et
A1750C au sud. Sur la gauche, on montre les contours de
l'émission X superposés à une image optique DSS de l'amas.
Les deux maxima d'émission X sont clairement centrés sur les
galaxies cD au centre de chaque sous-amas qui sont séparés, en
distance projetée par à peu près 2,9 millions d'années lumières.
La distance réelle entre les deux est plus grande que cela. Sur
l'image de droite, les mêmes contours en rayons X sont
superposés à la carte de température de l'amas. Le bleu
représente les régions froides et le rouge les régions chaudes.
On peut voir que A1750N est plus froid que A1750C. Une
région chaude en forme d'arc est détectée entre les deux sousamas, ce qui indique que le gaz est en train d'être choqué et
compressé pendant la rencontre des deux sous-amas dont la
vitesse est estimée à 1400 km/s. Les régions chaudes associées
avec A1750C sont des régions de gaz choqué du à des fusions
précédentes qui sont survenues il y a quelques 1 ou 2 milliard
d'années [6].
La formation des amas peut maintenant être observé dans
l'Univers très lointain avec XMM. La gamme de redshift
au delà de 1, qui n'avait pas encore été observé jusqu'à
récemment, est particulièrement intéressante. Plusieurs
candidats à grand z ont été détectés dans le relevé optique
EIS à l'ESO. Les premières observations VLT de trois
candidats (z=0.8 - 1.3) confirme qu'ils sont de réelles
concentrations de galaxies [7]. L'observation XMM du
plus distant (z=1.3) révèle une nette émission X, mais qui
est probablement due à des AGNs. La faible limite en
luminosité déduite pour le MIA suggère que ce système
de galaxies est en fait un proto-amas de galaxies massif
[26].
M. Arnaud a collaboré au travail sur les données XMM
[32] de l'un des amas découvert en rayons X les plus
distants (z=1,26). La double morphologie est confirmée,
suggérant une fusion d'amas. La luminosité est faible pour
28
DSM - DAPNIA
Suivant l'hypothèse que les amas massifs ont la même
composition que l'Univers dans son entier, la fraction de
gaz importante dans les amas (fgaz~0.2) implique une
faible valeur de la densité de matière de l'Univers (Ωm).
Cependant les valeurs de fgaz, dérivées de l'extrapolation
de données à petit rayon (c-a-d. inférieur à 0,3 rayon viriel
avec Chandra), peuvent être affecté d'erreurs
systématiques. Les mesures, quasiment au rayon viriel,
de la fraction de gaz de A1835 [22] et A1413 [29]
confirment la petite valeur de Ωm.
La fraction de gaz a aussi été utilisée comme indicateur de
distance en supposant qu'elle n'évolue pas avec le redshift
(suivant le modèle auto-similaire standard). Grâce à la
régularité observée des amas, Arnaud et al. (2002) [2] ont
proposé d'utiliser les profils de mesure d'émission
normalisés (i .e. corrigés de l'évolution auto-similaire). La
méthode est encore dépendante d'un modèle. Cependant,
ce nouvel indicateur de distance est mesuré plus
précisément que la fraction de gaz qui dépend aussi de la
détermination de la masse totale. Avec les données
ROSAT/ASCA, Arnaud et al (2002) [2] ont mis une
contrainte sévère sur Ωm pour un univers plat: Ωm =0.40 [0.12,+0.15] à 90% de confiance (erreurs statistiques). La
valeur critique Ωm =1) est exclue à 98% d'intervalle de
confiance. Cette contrainte est en accord remarquable
avec les contraintes apportées par les SNIs ou les
fluctuations du fond cosmologique et sont de précision
comparable.
Grands Relevés : le programme
XMM-LSS
Le Sondage Grandes Structures d’XMM (XMM Large
1
Scale Structure, XMM-LSS ) a pour but de tracer la
distribution de matière dans l’univers lointain en utilisant
les amas de galaxies et les noyaux actifs de galaxies
(AGN). Les amas de galaxies sont les entités les plus
1
http://vela.astro.ulg.ac.be/themes/spatial/xmm/LSS/i
ndex_e.html
Service d'Astrophysique 2001-2003
Comologie et évolution des galaxies
massives de l’univers et se trouvent aux nœuds des
structures cosmiques. Ils croissent par accrétion de
groupes de galaxies le long des filaments. L’état du milieu
intra-amas est donc assujetti à une succession de phases
d’accrétion et de relaxation, modulées par les interactions
possibles avec les galaxies d’amas. L’évolution de la
distribution spatiale des amas et de leur nombre en
fonction du temps dépend fortement des paramètres
cosmologiques, de la nature et de la quantité de matière
noire ainsi que de l’équation d’état de l’énergie sombre.
Grâce à la sensibilité inégalée d’XMM, le sondage XMMLSS a été conçu pour mesurer cette évolution pour la
première fois. Ce programme doit permettre de
contraindre les modèles cosmologiques d’une manière
indépendante et complémentaire des études de supernovae
et du fond diffus cosmologique car ne reposant par sur les
mêmes phénomènes physiques.
Avec une sensibilité XMM (sources ponctuelles) de ~ 5
10-15 erg/s/cm2 dans la bande [0.5-2] keV, il est possible
de détecter la majeure partie de la population des amas de
galaxies jusqu’à des décalages spectraux de 0.6 (figure
14) et celle des AGN, jusqu’à z~4. La collaboration
XMM-LSS regroupe 14 instituts européens et chiliens qui
ont pris en charge les diverses étapes du projet : de la
détection des sources X à leur confirmation
spectroscopique, en passant par leur identification optique
ainsi que des sondages associés en radio (VLA) infrarouge (Legacy Programme SWIRE du Spitzer Space
Telescope) et en ultraviolet (UV, satellite Galex). Les IR
et UV seront particulièrement précieux pour étudier
l’activité de formation d’étoiles dans les galaxies d’amas
et localiser les AGN au sein des grandes structures.
Figure 12: Cette image est une mosaïque de ~ 1x2 deg2
constituée de 15 pointés XMM et représentant environ 1/3 des
données obtenues jusqu'à présent. C’est l’image X grand champ
la plus profonde jamais obtenue ; les 2 cercles indiquent les seuls
sources détectées précédemment par le ROSAT All Sky Survey.
On observe une profusion de sources, de couleurs et de formes
très variées ; soit environ 300 par degré carré. Les couleurs
donnent une idée des propriétés spectrales des sources X : rouge
[0.3-1] keV, vert [1-2.5] keV, bleu [2.5-10] keV. Les AGN
(sources ponctuelles) représentent environ 80% de la population
et les amas de galaxies (sources étendues) 15%.
Le SAp est PI de ce projet et, en particulier, responsable
de la chaîne de traitement X ainsi que de la gestion et de
l’interprétation scientifique des données sur les amas de
galaxies. A cet effet, nous avons développé – en
collaboration avec des ingénieurs du SEDI - un
algorithme performant de détection des sources X basé sur
un formalisme multi-résolution en ondelettes pour régime
de photons Poissonien ainsi qu’une base de données
Service d'Astrophysique 2001-2003
relationnelle permettant de gérer les informations multi-λ
relatives aux amas de galaxies du sondage. Egalement, un
des maillons essentiels du travail consiste en
l’identification optique des sources X ; cette étape est
réalisée au télescope Canada-France-Hawaii. Jusqu’en
2002, les images étaient obtenues au moyen de la caméra
CFH12K. En 2003, la camera grand champ MegaCam,
entièrement construite au DAPNIA, a été mise en service
avec succès ; depuis mi-2003, elle est utilisée pour la
réalisation d’une cartographie du ciel multi-couleurs à
2
diverses profondeurs - le CFHT Legacy Survey - un
champ étant commun avec celui du XMM-LSS.
Figure 13 : Cette figure représente le dernier stage de la chaîne
traitement des données XMM. L’image de fond est un cliché en
bande I obtenu par la camera CFH12k. En superposition, les
contours bleus tracent l’émission X détectée par XMM dans ce
champ ; ils résultent d’un filtrage en ondelettes multi-échelle en
mode de Poisson. Les carrés verts indiquent les sources détectées
comme étendues par l’algorithme. L’image est centrée sur une forte
source étendue, qui correspond à un amas de galaxies proche dont le
décalage spectral a été mesuré par la suite au télescope Magellan
(z~0.3). En haut à gauche, se trouve une autre source étendue, pour
laquelle une faible sur-densité de galaxies est visible dans l’image
optique : c’est un amas de galaxies distant ; son décalage spectral
obtenu au VLT est de 0.84. Les autres sources du champ,
ponctuelles, sont des AGN.
Fin 2003, 6 deg2 étaient acquis par XMM (~ 50 pointés).
En identifiant les contreparties optique des sources X
entendues, nous avons vérifié que nous obtenons, en
accord avec nos calculs prédictifs, une densité d’au moins
15 amas par deg2 et atteignant des décalages spectraux de
l’ordre 1. Quelques 70 amas ont été observés en
spectroscopie aux télescopes VLT, NTT et Magellan en
2002 et 2003. Les principaux résultats sont illustrés sur les
figures 12 et 13.
Prédictions théoriques concernant
le sondage XMM-LSS
La formation des structures cosmiques (filaments, amas)
se produit à partir de fluctuations initiales de densité
engendrées dans l’univers primordial. Après le
découplage matière-rayonnement, ces fluctuations se
contractent sous l’effet de leur propre gravité et évoluent
2
http://cdsweb.u-strasbg.fr:2001/Science/CFHLS
DSM - DAPNIA
29
Cosmologie et évolution des galaxies
librement dans l’univers en expansion. Arrivés à un
certain stade de contraction, les perturbations les plus
massives (futurs groupes et amas) subissent un
effondrement gravitationnel définitif, puis une phase de
relaxation. A ce stade, ils se découplent de l’expansion
générale. Un certain nombre d’effet supplémentaires
comme le chauffage du gaz primordial intra-amas par les
supernovae ou les phénomènes de refroidissement
modifient l’image simple d’un amas à l’équilibre
hydrostatique et donc influent sur la luminosité X des
amas par rapport à ce que l’on attendrait des lois d’échelle
intuitives.
Dans ce cadre, nous avons calculé à l’aide de la
prescription analytique de Press-Schechter, les contraintes
cosmologiques que le XMM-LSS doit apporter. Pour ce
faire, nous avons développé un outil de simulation de la
fonction de sélection du sondage combinant les effets
instrumentaux d’XMM et les propriétés de la population
des amas en X. Les résultats sont résumés sur les figures
15a et 15b.
Figure 14 : Prévision du nombre d’amas détectés par le XMMLSS en fonction du décalage spectral. Les calculs ont été faits
pour 2 équations d’état possibles de l’énergie sombre
(paramètre w). Par comparaison, nous montrons la sensibilité
d’un sondage weak-lensing type obtenu à partir d’observations
au sol.
30
DSM - DAPNIA
Références
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Service d'Astrophysique 2001-2003
Comologie et évolution des galaxies
Figure 15a
Figure 15b
Les figures 15 : Contraintes cosmologiques prévues pour le XMM-LSS complet (64 deg2). Les traits pleins donnent les contraintes imposées
par l’évolution du nombre d’amas en fonction du temps cosmique (décalage spectral) et les pointillées, les contraintes obtenues par la
fonction de corrélation à 2 points des amas. Le graphe de la figure 15a donne les contraintes dans le plan densité de matière (Ωm) –
normalisation des fluctuations initiale de densité (σ8) : ici l’évolution du nombre d’amas est déterminante. Le graphe de la figure 15b
suggère que la combinaison des deux quantités sera particulièrement efficace pour contraindre le paramètre Γ, qui est directement relié à
la forme du spectre initial des fluctuations. Les 3σ contours représentent des niveaux de confiance de 68%, 90%, 95%.
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DSM - DAPNIA
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