Les Non-libres et la cité en Grèce

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Les Non-libres et la cité en Grèce
Plan de la dissertation
►Introduction
I- L'exclusion des non libres de la vie cité
A)Un statut défini en négation de celui des citoyens
A)La condition juridique des esclaves
A)Les incapacités pesant sur les non libres
II-La relative intégration des non libres à la cité
A)L'esclave et la vie politique
B)Le rôle des esclaves dans l'armée
C)La place des non libres dans la vie religieuse
D)l'affranchissement
►Conclusion
Les Non-libres et la cité en Grèce
Introduction :
L'esclavage fut longtemps considéré comme une tâche sur l'éclat de la civilisation
grecque. En effet, comment des hommes à l'origine de la démocratie, ont-ils pu
s'accommoder d'un tel système qui en semblait la négation, en plaçant l'homme au rang de
marchandise. Pourtant du point de vu des Anciens, il apparaît non seulement comme
indispensable, mais encore comme naturel. L'esclavage apparaît dès les premiers temps de
la Grèce ancienne,il est attesté dès l'époque mycénienne. puis s'est considérablement
développé lors de l'époque classique à partir du VIeme siècle. Les «non-libres» sont
devenus alors une composante essentielle de la société grecque.. L'étude de l'esclavage en
Grèce antique pose des problèmes méthodologiques non négligeables. La documentation est
disparate et très fragmentaire. Aucun traité ne porte spécifiquement sur le sujet . En effet,
plutôt que le terme d'esclave communément employé, il conviendrait mieux d'utiliser
l'expression de «non-libre», en opposition aux libres, qui désigne ceux qui ne disposent pas
de leur totale indépendance, qui vivent dans un état de servitude. Ce terme semble plus
adapté à la réalité de l'époque car il englobe des catégories bien distinctes entre elles, telle
que esclavage dit de marchandise, et telle que esclave de type hilotique. Il n'en reste pas
moins qu'un esclave est avant tout un homme, une femme ou un enfant considéré comme la
propriété d'un maître. Ainsi les non-libres constituent le dernier cercle de la sociabilité au
sein de la cité. Celle-ci peut se définir comme une communauté de citoyens, indépendante et
souveraine qui se trouve établie sur une ville et un territoire. L'utilisation des esclaves du VI
au IVeme siècle était répandue dans la majorité des cités du monde grec, de la Grèce
balkanique aux différentes zones d'expansion coloniale. On peut se demander quelle place
fut accordée aux non-libres au sein de la cité en Grèce? Il apparaît, dans un premier temps
que les esclaves subissaient une exclusion de la vie politique de la cité, mais d'autre part une
intégration relative des non-libres au corps civique semblait possible.
I- L'exclusion des non-libres au sein de la cité
L'exclusion des esclaves de la communauté civique résulte, premièrement de leur
statut établi en négation de celui du citoyen, mais aussi de leur condition juridique, qui au
final, à pour conséquence de faire peser de lourdes incapacités sur les non libres.
A) Un statut défini en négation de celui du citoyen
Par sa réduction à l'état servile, l'esclave subit ce que certains historiens nomment
une «mort sociale». Il semble en effet que l'esclave soit d'office rejeté en dehors de la
société. L'une des raison pourrait être son statut établi de façon négative vis à vis de celui du
citoyen. En effet, le statut de l'esclave se caractérise par des absences, tout d'abord celle de
la liberté, qui l'exclut radicalement de la société, mais aussi l'absence de qualités telles que
l'autonomie de volonté, de dignité, qui sont inhérentes à l'homme libre. Mais les deux
groupes statutaires semblent liés, il ne peut y avoir d'hommes libres sans une opposition à
des esclaves. Pour l'historien J.-P. VERNANT, «D'un même mouvement la Grèce a inventé
le citoyen libre et l'esclave, le statut de chacun se définissant en fonction de l'autre. Sans
citoyen libre, pas d'esclaves...». Il importe désormais de définir le statut de non libre, mais
en distinguant les deux types d'esclaves présents dans les cités grecques, avec d'un côté des
esclaves marchandises, et de l'autres les esclaves de types hilotiques. Dans le premier cas,
l'esclave, bien que reconnu comme un être humain constitue un objet de propriété au service
d'un maître ou de l'Etat dans le cas des esclaves publics. Dans le deuxième cas, celui qualifié
par Y. Garlan de servitude «communautaire», il s'agit plutôt d'esclaves réduits de manière
collective à cette condition. Cette dépendance pouvant s'étendre parfois à celle de tout un
peuple. Mais contrairement aux premiers, ils ne sont pas totalement exclus de la
communauté qui fait appel à eux parfois pour sa défense. Il en existe de nombreux
exemples: les Hilotes de Sparte, les Pénestes en Thessalie, les Clarotes en Crète
B) La condition juridique des esclaves
Le droit a également contribué à exclure les non libres de la communauté civique.
Même si personne ne remet en cause qu'il s'agissait d'êtres humains et non des animaux, au
vu du droit, les esclaves constituaient avant tout des objets de propriété (ktéma). Dans la
majorité des cas, ils étaient sous la dépendance d'un propriétaire privé : despotès autrement
dit le maître, qui pouvait être un homme libre aussi bien qu'un étranger. L'esclave en tant
qu'objet est transmissible comme peut l'être un bien meuble, indépendamment de sa volonté,
mais en général selon les intérêts du maître. Le propriétaire en peut ainsi en disposes à sa
guise. Il peut l'affecter au travail de son choix, le louer, comme c'est le cas dans les mines du
Laurion où Nicias aurait loué 1000 esclaves à un concessionnaire, il peut le mettre en gage
ou même le vendre. Etant lui même un objet de propriété, l'esclave ne pouvait posséder de
biens. Mais l'usage voulait cependant qu'il puisse constituer un pécule provenant de
récompenses pour certains services ou de rétributions pour divers emplois. Si la somme était
assez imposante elle pouvait lui permettre le rachat de sa liberté. Etant également dépourvu
de personnalité juridique, la famille de l'esclave ne possède pas de fondement légal, mais
elle semble tolérée.
C)Les incapacités pesant sur les non-libres
La place des non libres dans la vie judicaire est relativement bien connue, notamment
grâce aux Lois de Platon. En matière judiciaire, l'esclave est frappé d'une incapacité
maximale. Perpétuel mineur placé sous l'autorité du kyrios, il ne dispose pas de l'appui d'un
quelconque groupe social. En principe, ils ne peuvent ester en justice, ni en tant que
demandeur, ni comme défenseur. Ainsi l'esclave doit se résoudre à être représenté dans les
tribunaux que par l'intermédiaire de son maître. Dans une affaire où un homme libre a été
réduit injustement en esclavage, il ne peut plaider sa cause seule. Il doit alors bénéficier de
l'intervention d'un citoyen. Dans un cas où l'esclave est blessé de manière abusive par un
tiers, c'est au maître d'intervenir et d'intenter une action réparation. Mais si l'esclave venait
à en mourir, le maître doit intenter une action pour meurtre, soit le coupable est un esclave
et il risquera la mort, soit il s'agit d'un homme libre et celui-ci risquera une amende et aura
l'obligation de se purifier. Paradoxalement, c'est le maître qui est responsable des méfaits
commis par son esclave. Si ce dernier blesse des hommes libres, le maître doit accepter que
la partie adverse exerce son droit de correction. Pour le meurtre d'un homme libre, le maître
doit livrer le coupable qui sera condamné à mort. En principe, le témoignage des esclaves
n'est valable que sous la torture corporelle avec le consentement du maître sur proposition
de l'adversaire. Il s'agit d'une procédure publique avec un accord entre les deux parties.
Par leurs droits et leurs obligations, les non libres subissaient une stricte séparation
avec la communauté civique. Mais les circonstances des évènements et certains usages ont
permis aux esclaves d'intégrer de manière relative l'espace civique.
II- La relative intégration des non libres à la cité
Même si légalement les esclaves sont exclus de la cité, certains usages leur
permettent de prendre part à certaines activités, alors réservées seules aux citoyens, dans le
domaine politique, militaire mais aussi religieux. Quant à l'affranchissement, il offre une
réelle chance aux non-libres d'accéder au corps civique de la cité.
A) L'esclave et la vie politique
En principe, étant exclus du corps civique, les esclaves ne pouvaient nullement jouer
un rôle politique. Cela s'explique, en raison de leur double qualité de non libre d'une part, et
d'étranger de l'autre. Mais les circonstances, le bouleversement des évènements peuvent
conduire à faire exception à ce principe. Comme cela peut être le cas en période de tension
ou de guerre civile. Ainsi les mesures prises en faveur des esclaves visait davantage à la
protection du corps des citoyens. C'est pourquoi les esclaves sont autorisés à témoigner en
cas de crimes et de sacrilèges religieux. Par exemple, des esclaves furent utilisés comme
dénonciateur lors du procès d'Alcibiade dans l'affaire de la parodie des Mystères en 415.
Certains tyrans n'ont pas hésité également à se servir de non libres afin de recomposer le
corps civique à leurs guises, a la suite de massacre ou de proscriptions. Il semble que rares
sont les esclaves qui se sont joints au corps civique de façon spontanée. Leur soutien est le
fruit d'une pressante sollicitation accompagnée de la promesse d'un accès à la citoyenneté.
Comme ce fut le cas à Cûmes, cité coloniale en Italie du sud, où le tyran Aristodèmos
autorisa les non libres à s'unir aux femmes et aux filles de leur ancien maître qu'il venait de
massacrer. Autre exemple, en Sicile, où denys l'Ancien en 405 maria les esclaves aux
femmes aristocrates bannis de Syracuse. Mais somme toute, il s'agissait de mesures
relativement rares prises dans des circonstances exceptionnelles. Même si des esclaves
obtinrent la liberté, l'esclavage ne fut pas pour autant remis en cause. Cette participation des
esclaves s'étendait également à d'autres activités, notamment, celle de la guerre.
B) Le rôle des esclaves dans l'armée
Pour Héraclite, «la guerre fait des uns des esclaves et des autres des hommes libres».
Cette citation traduit bien le principe que la guerre qui se veut d'abord être une activité de la
cité, est étrangère aux non libres en raison de leur place au sein de la cité. Mais parfois les
circonstances imprévisibles de la guerre peuvent l'amener à bouleverser l'ordre social établi.
Aucune loi ne semble interdire aux esclaves de s'engager dans l'armée. Mais cela n'est pas
nécessaire, dans la mesure, ou la guerre n'est ouverte qu'aux seuls citoyens. De plus,
l'usurpation du statut d'homme libre est une faute gravement puni. Cependant, de même que
dans la vie politique, les non libres jouent dans la vie militaire un rôle purement
instrumental. En effet, même en campagne militaire le citoyen reste avant tout un maître, il
est donc accompagné par ses serviteurs personnels. Tout d'abord, il assure le rôle de valet
d'armes, sous différents titres : kupèrétaï pour les assistants, akolouthoï pour les suivants, et
celui d'hippokomoï pour les palefreniers. Ils sont chargés de porter les provisions, de
ramasser les blessés, s'ils sont armés, ils doivent défendre les bagages. Ils servent de
skeuophoroï: ils dressent les tentes, préparent la nourriture. Dans les navires de guerres, il
sont également présents, l'élite de l'équipage ne pouvant se passer de leurs esclaves. Mais
les esclaves prenaient également part au combat, jusqu' à y perdre la vie. L'exemple le plus
célèbre est celui de la bataille de Marathon, sur le site de laquelle fut érigée près du tombeau
des athéniens, un autre avec les esclaves. les esclaves combattaient en troupes légères,
munis d'arcs et d'armes de jet. Ils intervenaient sur le flanc de soldats. Dans certaines cités
grecques, les esclaves étaient utilisés pour défendre la ville. Comme ce fut le cas à Platées
en 431, les serviteurs y prêtèrent mains fortes aux femmes de citoyens. Mais également à
Thèbes, où en 435, les esclaves qui avaient défendus la ville contre Alexandre se virent
affranchis. L'esclave, en principe ne pouvait être soldat, mais dans certaines circonstances,
on pouvait lui demander de combattre en échange de quoi, celui-ci se voyait octroyer la
liberté. Ainsi, même si au premier abord les esclaves semblent exclus de la vie militaire, on
peut constater qu'ils y prennent part, comme c'est le cas dans le domaine religieux.
C) La place des esclaves dans la vie religieuse
La religion dans la cité constitue une sorte de passerelle entre la vie politique et la
sphère privée dont l'esclave relève essentiellement en tant que propriété du maître. Les non
libres ne pouvaient ainsi participer ni aux sacrifices, ni aux libations, ni aux processions,
tant de pratiques religieuses qui permettaient à la communauté civique d'exprimer son
attachement aux dieux. Cependant les esclaves pouvaient conserver une relative liberté de
culte. Comme ce fut les cas dans les mines du Laurion, où les esclaves à titre privé
procédaient à des sacrifices rituels en l’honneur des divinités phrygiennes. Mais leur rapport
au culte reste étroitement lié à la volonté de la cité et du maître. Les esclaves pouvaient être
présents lors d'une manifestation religieuse comme personnel de service vaquant aux
apprêts et au maniement des ustensiles nécessaires. Dans certains cas, ils devaient
impérativement quitter la cérémonie, comme c'est le cas lors de la fête athénienne des
Thesmophories, destinée exclusivement aux femmes de citoyens. Il peut également arriver
que les esclaves soient associés aux hommes libres dans certaines manifestations, comme
c'est le cas pour les Mystères d'Eleusis, ouverts à tous ceux parlant grec, libre ou non. Au
sein même de l'oïkos, l'esclave pouvait être associé au culte domestique , par exemple lors
rite destiné à accueillir un nouvel esclave ou celui visant à célébrer la moisson. De plus,
l'entrée de certains sanctuaires ne leur était pas interdite, en cas de menace, l'esclave pouvait
y trouver un asile temporaire. Mais l'affranchissement reste la voie ultime vers la liberté et
l'intégration à la cité
D )L'affranchissement des esclaves
La pratique de l'affranchissement est attestée dès la fin du VI eme siècle à Chios, cité
qui a connu un développement précoce et massif de l'esclavage. Mais il semble que l'on y ait
recouru surtout à partir du IVeme siècle. L'affranchissement de dépendait pas de l'esclave,
ou du moins pas avant tout de lui, mais surtout de la volonté du maître. A ses débuts, il se
présentait surtout sous une forme essentiellement orale, sans rédaction d'actes officiels. Pour
éviter toutes contestations, le maître s'assurait lors de la déclaration un maximum de
témoins: pendant une représentation théâtrale, lors d'une fête religieuse, d'une séance au
tribunal. Mais cette coutume fut interdite à Athènes en raison du tumulte qu'elle engendrait.
L'affranchissement, quand il n'est pas gratuit, impose le rachat au moins supérieure à la
valeur de l'esclave. Il existait deux modes d'affranchissement. D'une part, un mode
religieux, apparut au VIeme siècle, qui visait à faire intervenir la divinité dans la libération
de l'esclave. D'autre part, un mode civil, dans lequel, s'ajoutant à la volonté du maître, l'Etat
peut prendre partie prenante. Ainsi ses représentants soit jouaient le rôle de témoins et
garants de la protection de l'affranchi, soient ils étaient chargés de l'enregistrement et de la
publication de l'acte. Les droits et devoirs de l’affranchi étaient mentionnés dans l'acte
quand il ne faisait pas une référence aux «lois sur les affranchis». Mais l'esclave libéré
n'obtenait pas directement de statut de plein droit d'affranchi. Au début, l'affranchi conserve
certains devoirs envers son maître, du nom de paramonè, précisés par certaines conventions.
Ils conservent certaines incapacités, par exemple, il ne posséder de propriété foncière. Ils
doivent également s'acquitter d'une taxe. Certains esclaves étaient affranchis par l'Etat pour
des faits exceptionnels, mais cela restait rare. Le statut des affranchis est difficile à
distinguer car il se rapproche de celui des étrangers, en particulier des métèques. Ils restent
tout de même exclus de la vie politique et le droit de cité était rarement conféré à des
affranchis.
En conclusion, la notion d'esclave même si elle se révèle essentiellement négative a
conduit la cité grecque à élaborer un statut servile, sans pour autant intégrer l'esclave à la
communauté. Mais malgré les obstacles qu'il rencontre, l'esclave peut d'une manière, certes
relative et rarement totale, intégrer la structure sociale de la cité. On peut lier ce progrès
notamment au développement de l'économie dans lequel l'esclave jouait en rôle majeur.
Bibliographie
Outils de travail:
- MOSSE Claude, Dictionnaire de la civilisation grecque,,Complexe, Bruxelles, 1992
Ouvrages généraux:
-AMOURETTI M.-C. et RUSE F. , Le monde grec antique, hachette superieur, 2003
Ouvrages spécialisés:
-ANDREAU Jean, DESCAT Raymond, Esclave en Grèce et à Rome, Hachette Littératures, Paris,
2006
-GARLAN Yvon, Les esclaves en Grèce ancienne, Edition la Découverte, 1995 2eme édition
-FOUCHAUD Alain, les systemes politiques grecs, Ellipses, L'Antiquité: une Histoire, 2003
-MOSSE Claude, Politique et société en Grèce ancienne, Le modèle athénien, Aubier, collection
historique

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