ULB DHC 175e - retouralaccueil Érudit
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ULB DHC 175e 2010 – 1898 ULB DHC 175e 2010 – 1898 Édité par Didier Devriese Carole Masson Anne Thomas-Lemoine Remerciements Les éditeurs adressent leurs vifs remerciements à tous ceux qui ont contribué à la réalisation de cet ouvrage et en particulier Valérie Bombaerts (Département des Relations extérieures), Alain Dauchot (Département des Relations extérieures), Véronique Delannay (Archives et Bibliothèques de l’ULB), Françoise Delloye (Archives et Bibliothèques de l’ULB), Pascale Delbarre (Archives et Bibliothèques de l’ULB), François Frédéric (Archives et Bibliothèques de l’ULB), Cécile Gass (Archives et Bibliothèques de l’ULB), Christel Lejeune (Département des Relations extérieures) et Isabelle Pollet (Département des Relations extérieures). Les notices biographiques des DHC ont fait l’objet d’un travail intermédiaire durant un séminaire d’Histoire contemporaine de BA2 à l’ULB dirigé par Kenneth Bertrams. Nous tenons à remercier les étudiants Karim Attanjaoui, Maxime Badard, Johan Baise, Julie Bottu, John Claeys, Olivier Conti, Victoria Debry, Christophe De Coen, Fabien De Moor, Romain Degen, Laure Delacroix, Hélène Delacroix, Stéphanie Demeuldre-Coché, Fabian De Moor, Anne-Catherine Dumont, Martin Eggermont, Ziad El Baroudi, Sarah Erman, Jean-Louis François, Bruno Gérard, Joëlle Grevig, Philippe Halasz-Baradlay, Guillaume Henn, Thomas Hinnion, Elora Hotermans, Vicky Ioannidis, Audry Lambert, Anne Lannoye, Félicie Lécrivain, Laura Lhoest, Alexandre Macha, Sven Mausen, Gilles Mertens, Rainier Minez, Adrien Moons, Pablo Nyns, Samuel Pauwels, Noémie Picavet, Sandrine Pierrard, Axel Pletinckx, Sophie Richelle, Jonas Roland, Amélie Roucloux, Isabelle Schwartz, Julien Sohier, Nicolas Solonakis, Sandra Stevens, Max Stockmans, Mathieu Triffaux, Charlotte Vahsen, Marjorie Vandervaeren, Amandine Verheylewegen, Quentin Wicquart, David Zanetti pour leur contribution. Nous tenons également à remercier Michaël Amara, Catherine Gauthier, Pierre Goldschmidt, Pierre-David Kusman, Ivan Roisin et Laurence Schram pour l’aide qu’ils nous ont apportée dans la rédaction des notices, ainsi que Roger Boin et Francisca Medel pour la recherche iconographique. Cet ouvrage n’aurait pas vu le jour sans le professionnalisme et le dévouement d’Aurélie Deblon et de Serge Vandenput. Édition du texte : Carole Masson et Anne Thomas-Lemoine Traduction : Taal-ad-Visie Iconographie : Flore Alix, Anne-Sophie Devriese-Marchant et Anne Thomas-Lemoine Conception graphique : Tertio-design.be - Serge Vandenput Mise en page : Tertio-design.be - Aurélie Deblon et Serge Vandenput Scans : François Delvin et Amélie Marchal Impression : Hayez.be Sources photographiques : Agência Brasil, Archives et Bibliothèques de l’ULB, Centre d’études et de documentation Guerres et sociétés contemporaines (Ceges-Soma), Centre des technologies au service de l’enseignement – Cellule Image (ULB), Collection Boin V., Collection Jadot J. / Rousseau J. J., Département des Relations extérieures (ULB), Deutsches Bundesarchiv, Forum économique mondial, Fundación Salvador Allende, Getty Images, Kunsthistorisches Museum (Vienne), Le Soir, ONU, Oranje Nassau Museum (Delft), Pressens Bild, Rijksmuseum (Amsterdam), The Heart Truth et UNESCO. Le présent ouvrage est édité par les Archives et Bibliothèques de l’ULB à l’occasion de la célébration du 175e anniversaire de l’Université libre de Bruxelles. Droits réservés : Malgré toutes les démarches entreprises, les éditeurs de cet ouvrage n’ont pas pu retrouver l’origine de certaines photographies. S’ils se reconnaissent, les ayant-droit de ces photographies peuvent prendre contact avec les éditeurs. Dépôt légal : D/2010/2032/1 ©2010 - Archives et Bibliothèques de l’Université libre de Bruxelles. Sommaire Les Docteurs Honoris Causa de l’Université libre de Bruxelles 2010 – 1898 Chapitre I Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 9 Chapitre II Pour une histoire des DHC 137 Du balayeur de rue au président des États-Unis… Caractère ambigu et genèse controversée du doctorat honoris causa 139 Pieter Dhondt Anne-Sophie Devriese-Marchant, Aude Rapatout et Chantal Zoller Relire l’histoire des DHC de l’Université libre de Bruxelles Kenneth Bertrams, Didier Devriese et Kim Oosterlinck Annexes Liste des DHC des Facultés 168 Index des notices 172 Crédits photographiques 173 Liste des souscripteurs 174 ULB DHC 175e 150 Sommaire Préface Au moment où l’Université libre de Bruxelles fête l’accomplissement de sa 175e année, il paraît naturel de se pencher sur l’histoire de notre communauté. Si notre histoire, notre ancrage philosophique – données essentielles de notre identité – donnent à notre Université une dimension particulière, cette identité ne se limite pas non plus à ceux-ci : l’Université libre de Bruxelles est avant tout une université tournée vers l’avenir, moderne au sens où elle entend vivre avec son temps. Relire l’histoire de l’ULB au travers de l’histoire de ses docteurs honoris causa, c’est y lire les rapports qu’elle entretient avec la société qui l’entoure, une histoire des valeurs qu’elle défend et de la vision du monde qu’elle promeut… même si parfois, libre examen oblige, cela met en lumière et a posteriori quelques errements dus à l’air du temps. Libre examen, tolérance, droits humains, science et société sont autant de constantes dont nos docteurs honoris causa sont les étendards : elles nous portent vers le futur. Jean-Louis Vanherweghem, Président du Conseil d’administration. Philippe Vincke, Recteur. ULB DHC 175e Préface ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa de l’Université libre de Bruxelles 2010 – 1898 Françoise Barré-Sinoussi Mario Capecchi Chercheuse en virologie à l’Institut Pasteur à Paris, Françoise BarréSinoussi est corécipiendaire – avec Luc Montagnier – du prix Nobel de physiologie ou médecine en 2008 pour la découverte dès 1983 du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) à l’origine du sida. Françoise Barré-Sinoussi dirige l’Unité de régulation des infections rétrovirales du Département de virologie de l’Institut Pasteur. Né à Vérone (Italie) en 1937, Mario Capecchi émigre aux États-Unis en 1946 avec sa mère rescapée de Dachau. Prix Wolf de médecine en 2003, il reçoit avec Evans et Smithies le prix Nobel de physiologie ou médecine en 2007, pour avoir identifié les modifications génétiques de lignées de souris par intégration de cellules souches embryonnaires. Les travaux de Capecchi sur les souris transgéniques ont contribué à la connaissance des fonctions et mécanismes de régulation des gènes, mais aussi à la création de nombreux modèles d’étude de maladies. Depuis 2007, elle est coprésidente du comité d’éthique de l’Institut Pasteur et est très impliquée dans la promotion de l’intégration entre la recherche sur le sida et les actions dans les pays pauvres, via le réseau international de l’Institut. Elle dirige également le site « Asie du Sud-est » de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 11 Alain Connes Christian de Duve Né à Draguignan en 1947, Alain Connes fait ses études à l’École normale supérieure (ENS). Dans les années 1980, il est directeur de recherche au CNRS et professeur au Collège de France, chaire Analyse et géométrie, depuis 1984. Ses travaux de recherche révolutionnent la théorie des algèbres de Von Neumann et résolvent la plupart des problèmes, notamment la classification des facteurs de type III. Ils lui valent la médaille Fields en 1982, le prix Crafoord en 2001 et la médaille d’or du CNRS en 2004. Né à Thames Ditton, près de Londres, en 1917, Christian de Duve est diplômé de l’Université catholique de Louvain en médecine et en chimie. Perfectionnant les techniques de séparation des constituants cellulaires par centrifugation mises au point par Albert Claude, il décrit pour la première fois deux organites cellulaires inconnus jusque là : le lysosome (1955) et le peroxysome dix ans plus tard. Il réussit à montrer que les différentes structures visibles dans les cellules sont des entités fonctionnelles limitées par une membrane et qui concentrent en leur sein des enzymes spécifiques, véritables marqueurs de ces structures. Alain Connes a largement contribué à la création d’une nouvelle branche des mathématiques : la géométrie différentielle non-commutative. Son travail a permis de donner un cadre mathématique à des problèmes de mécanique quantique et à la théorie de la relativité. ULB DHC 175e En 1974, il reçoit – avec Albert Claude et George Emil Palade – le prix Nobel de physiologie ou médecine pour avoir découvert comment la cellule peut absorber ou détruire les substances, bonnes ou mauvaises, sans altérer son fonctionnement. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 12 Pierre Deligne Ronald Dworkin Né à Bruxelles en 1944, Pierre Deligne est diplômé en mathématiques de l’ULB. Récompensé par la médaille Fields en 1978 pour sa preuve des conjectures de Weil en géométrie algébrique, il utilise une nouvelle théorie de cohomologie appelée « cohomologie étale » – fondée sur les hypothèses d’Alexandre Grothendieck – qu’il applique avec succès aux conjectures de Weil. Il reçoit également le prix Crafoord en 1988, le prix Balzan en 2004 et le prix Wolf en 2008. Philosophe du droit engagé, né à Worcester (États-Unis) en 1931, Ronald Dworkin fait ses études à Harvard et à Oxford en philosophie et en droit. Il travaille pour le célèbre Learned Hand (juge américain défenseur de la liberté d’expression) à la Cour d’appel des États-Unis et chez Sullivan & Cromwell. Il enseigne ensuite à Yale, où il occupe la chaire de jurisprudence, puis à Oxford, Londres et New York, depuis la fin de la décennie 1970. Riche de sa double formation, il développe sa réflexion en philosophie politique et théorie du droit autour de deux axes majeurs : la place de l’interprétation en droit et la définition d’une forme de libéralisme éthique et politique, en rupture avec l’utilitarisme et le positivisme juridique. Ses travaux concernent aussi la théorie de Hodge, les fonctions modulaires, les conjectures de Langlands et la théorie des représentations. Ils apportent un éclairage nouveau sur la relation entre géométrie algébrique et théorie du nombre algébrique. ULB DHC 175e Sa théorie l’amène à prendre position sur des questions politiques importantes telles que la désobéissance civique ou la discrimination positive au profit des minorités défavorisées. Il a reçu en 2007 le prix Holberg. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 13 Gao Xingjian ULB DHC 175e David J. Gross Écrivain, traducteur, dramaturge, metteur en scène, critique et artiste, né en 1940 à Ganzhou (province de Jiangxi en Chine), Gao Xingjian est aujourd’hui citoyen français. Envoyé en camp de rééducation durant la Révolution culturelle (1966-76), Gao Xingjian ne peut rien publier avant 1979. Ses premiers écrits paraissent dans des magazines littéraires en Chine entre 1980 et 1987. Un grand nombre de ses pièces expérimentales et pionnières, inspirées par Brecht, Artaud et Beckett, sont jouées au Théâtre d’art populaire de Pékin. Né à Washington en 1941, David J. Gross est diplômé en physique et mathématiques de l’Université hébraïque de Jérusalem. En 1969, il rejoint l’Université de Princeton où il reste 27 ans et travaille sur la théorie des cordes hétérotiques dont il est le codécouvreur avec Harvey, Martinec et Rohm. Avec Politzer et Wilczek, deux de ses anciens étudiants, David Gross découvre le fonctionnement du noyau des atomes. Ils reçoivent ensemble le prix Nobel de physique en 2004 pour leurs travaux sur les particules fondamentales quarks. Suite à sa condamnation durant la campagne contre la « pollution intellectuelle » et à la censure qui frappe ses œuvres, il se réfugie à Paris en 1987. Déclaré persona non grata par le régime, ses œuvres sont interdites. Aujourd’hui traduit dans de nombreuses langues et joué partout dans le monde, Gao Xingjian a reçu le prix Nobel de littérature en 2000 pour « une œuvre de portée universelle, marquée d’une amère prise de conscience et d’une ingéniosité langagière, qui a ouvert des voies nouvelles à l’art du roman et du théâtre chinois ». Leur découverte rapproche la physique du rêve de pouvoir formuler une théorie qui engloberait la gravité – une théorie du tout ! Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 14 Ronald Inglehart Eric Maskin Né dans le Wisconsin en 1934, Ronald Inglehart se forme aux sciences politiques à l’Université du Michigan. Il dirige le « World Values Survey » : un réseau de 180 sociologues effectuant des sondages dans une centaine de pays afin de savoir comment les gens appréhendent le monde. Ronald Inglehart a également analysé les changements culturels et leurs impacts politiques et économiques lorsque de jeunes populations remplacent les aînés dans la population adulte. Né en 1950 à New York, Eric Maskin fait ses études à Harvard où il décroche un doctorat en mathématiques appliquées. Il rejoint Cambridge en qualité de research fellow en 1976 et enseigne au MIT de 1977 à 1984 et à Harvard de 1985 à 2000, où il occupe la chaire d’économie Louis Berkman. En 2000, il entre à l’Institute for Advanced Study de Princeton. En 2007, il reçoit, avec Hurwicz et Myerson, le prix Nobel d’économie pour ses travaux basés sur la théorie des jeux, dont les mécanismes peuvent éclairer le fonctionnement des marchés. Connu pour ses positions tranchées contre les brevets logiciels à travers le concept d’innovation incrémentale, ses recherches actuelles concernent la comparaison de règles électorales, l’examen des causes d’inégalité et la formation des coalitions. The Silent Revolution traite des changements affectant les sociétés industrielles avancées. Modernization and Postmodernization défend l’idée selon laquelle le développement économique, les changements politiques et culturels vont de pair et sont, dans une certaine mesure, prédictibles. En 2004, il réexamine la thèse de la sécularisation et souligne que la religiosité persiste davantage parmi les populations vulnérables mais constate, paradoxalement, qu’une part de plus en plus grande de la population mondiale passe du temps à réfléchir au sens de la vie et à des questions spirituelles. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 15 Mario J. Molina ULB DHC 175e Edmund Strother Phelps Né à Mexico en 1943, Mario J. Molina se forme au Mexique, en Allemagne et à Paris pour finalement reprendre des études de chimie à Berkeley en 1968. En 1995, il reçoit avec Sherwood Rowland, entre autres, le prix Nobel de chimie, pour leurs apports dans la compréhension des dommages causés à la couche d’ozone terrestre par les chlorofluorocarbones. Ils montrent que les équilibres chimiques de l’atmosphère peuvent être perturbés par des éléments en quantité infime dans l’air. Économiste américain reconnu pour ses travaux sur la croissance économique menés à la Cowles Foundation de Yale dans les années 1960, Edmund S. Phelps est notamment célèbre pour avoir introduit à cette époque une dimension microéconomique fondée sur les anticipations dans la théorie de la détermination de l’emploi et de la dynamique prix-salaires. Son travail le plus connu est probablement sa théorie du taux de chômage naturel développée avec Milton Friedman. En prouvant la responsabilité des polluants d’origine humaine, ils ont contribué, souligne le jury Nobel, à éviter un problème écologique planétaire. Leurs travaux ont donné ses lettres de noblesse à la climatologie. L’Académie royale des sciences de Suède a jugé que ses travaux sur les arbitrages de politique économique avaient permis « d’approfondir notre compréhension des relations entre effets à court terme et à long terme » et « de changer notre façon de percevoir l’interaction entre inflation et chômage ». Edmund S. Phelps a obtenu le prix Nobel d’économie en 2006 pour ses recherches sur les arbitrages entre le long et le court terme des politiques macroéconomiques. Ses contributions ont été décisives, tant pour la recherche en économie que pour les politiques économiques. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 16 Rolf Zinkernagel Né à Riehen (Suisse) en 1944, Rolf Zinkernagel étudie la médecine à l’Université de Bâle et poursuit des études à Zurich. En 1996, il décroche le prix Nobel de physiologie ou médecine avec Peter Doherty. Leurs travaux, centrés sur des globules blancs, les lymphocytes T cytotoxiques, qui agissent en détruisant les virus et les cellules infectées, aboutissent à la découverte du système de reconnaissance par le système immunitaire des cellules infectées par des virus, parmi les cellules normales. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 17 Nawal El Saadawi Docteur honoris causa 2007 Kafr Tahla, Égypte, 1931 Nawal El Saadawi naît dans un petit village près du Caire. Son père, fonctionnaire au ministère de l’Éducation, inscrit ses neuf enfants très tôt à l’école. Consciente de cette chance, elle s’investit sérieusement dans ses études secondaires qu’elle termine brillamment avant d’entrer à la Faculté de médecine de l’Université d’Aïn Chams du Caire en 1949. Six ans plus tard, fraîchement diplômée et avec l’aide financière de ses parents, elle se rend à l’Université de Columbia où elle obtient une maîtrise en santé publique. Elle rentre alors en Égypte et travaille comme médecin psychiatre à l’hôpital universitaire du Caire de 1955 à 1965. Parallèlement à son emploi à l’université, elle travaille au centre de santé rurale de Tahla, son village d’origine où vit encore une grande partie de sa famille. Grâce à son travail, elle entre au ministère de la Santé et occupe de 1966 à 1972 le poste de directrice générale de l’éducation à la santé publique. Elle crée en même temps un magazine médical, Health, et devient la même année secrétaire générale auxiliaire de l’Association égyptienne de médecine. Conjointement à ces activités, Nawal El Saadawi se consacre également à l’écriture, à travers laquelle elle dénonce la condition féminine et la société patriarcale en Égypte, les mariages forcés, l’excision et l’exploitation néocolonialiste. Lorsqu’elle publie en 1969 son livre Les femmes et le sexe, qui étudie la place des femmes, de la sexualité et de la religion dans la société , celui-ci est condamné par les autorités politiques et religieuses. Le président Anouar El Sadate la prive de son emploi au ministère de la Santé en 1972 et ses écrits sont censurés officiellement en 1973. Elle entre alors à l’Institut ULB DHC 175e supérieur de littérature et de sciences et y reste jusqu’en 1978. En 1979, elle devient conseillère aux Nations unies pour le programme d’aide aux femmes en Afrique et au Moyen-Orient. Mais le 6 septembre 1981, elle est arrêtée à son domicile et envoyée à la prison des femmes de Kanater pour deux mois et demi. Elle y rédige Mémoires de la prison des femmes sur du papier toilette avec un crayon de maquillage donné par une prostituée détenue. Elle doit sa libération à la mort du président Sadate en octobre de la même année. Un an plus tard, elle fonde l’Association arabe pour la solidarité des femmes qui sera interdite par le gouvernement en 1991. À partir de 1988, son nom figure sur une liste de condamnés à mort des organisations religieuses extrémistes. Elle décide alors de s’exiler aux ÉtatsUnis avec son mari, Sherif Hetata, médecin et romancier qui lui permet d’être publiée en anglais. Elle enseigne dans plusieurs universités, puis rentre en Égypte en 1996. Mais en 2001, trois de ses livres sont interdits à la foire du livre du Caire. L’année suivante, l’Université al-Azhar l’accuse d’apostasie. Elle se présente en 2004 comme candidate à l’élection présidentielle d’Égypte face à Hosni Moubarak, le président sortant. Elle souhaite ainsi montrer publiquement les limites de la tolérance et de l’ouverture affichées par le gouvernement sortant. Le 28 janvier 2007, elle est accusée officiellement par la Cour de justice égyptienne d’acte d’apostasie et de manquement au respect des religions, puis elle est interrogée par le procureur général du Caire. Ce sont ses écrits, notamment sa pièce de théâtre Dieu a démissionné au sommet, qui sont à l’origine de ces accusations. À l’issue du procès qu’elle gagne l’année suivante, elle quitte l’Égypte et retourne aux États-Unis où elle enseigne actuellement. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 18 Radhia Nasraoui Docteur honoris causa 2005 Tunisie, 1953 Radhia Nasraoui est une avocate tunisienne du barreau de Tunis spécialisée dans la défense des droits humains. Déterminée à étendre la liberté d’expression en Tunisie, elle défend divers opposants tunisiens, du temps de Bourguiba comme aujourd’hui, sous Ben Ali, en plaidant pour des syndicalistes, des islamistes, des militants d’extrême gauche ou des défenseurs des droits de l’homme. Elle est membre de la Ligue tunisienne des droits de l’homme, de l’Association des femmes démocrates, d’Amnesty international Tunisie, de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT). Issue d’une riche famille agricole, Radhia Nasraoui fait des études de droit de 1971 à 1976 à l’Université de Tunis. En 1972, elle commence à militer au sein des structures provisoires de l’UGET (Union générale des étudiants de Tunisie) et dans une cellule d’El Amel Tounsi dans le sillage du mouvement de février 1972. Au début des années 1970, elle rencontre son futur mari, Hamma Hammani, étudiant en philologie arabe à l’Université de Tunis. Ils se marient en 1981, après que son mari ait passé six ans en prison pour avoir milité au sein d’une association non reconnue. Le couple a trois filles : Nadia (1985), Oussaïma (1990) et Sarah (1999). Dès le début de sa carrière d’avocate en 1978, elle s’implique dans des procès politiques, à commencer par ceux des syndicalistes de l’UGTT (Union générale tunisienne du travail). Elle est dès lors confrontée à diverses formes de harcèlement, dont de multiples mises à sac de son bureau, l’intimidation de ses clients, et la surveillance constante de sa famille et d’elle-même. En 2002, elle entame une grève de la faim afin d’obtenir la libération de son mari à nouveau condamné, et pour que cessent les tortures physiques ULB DHC 175e et morales que subissent ses enfants. En 2003 et 2004, elle entreprend à nouveau des grèves de la faim pour la défense de sa dignité en tant qu’avocate et citoyenne. Avec Chokri Latif, Ali Ben Salem et Rida Barakati, elle crée en 2003 l’Association de lutte contre la torture en Tunisie (ALTT), qui regroupe une vingtaine de militants des droits de l’homme, des avocats et des universitaires. L’ALTT, dont elle est présidente, défend toutes les victimes de tortures et d’emprisonnements politiques ou idéologiques. Pour son dévouement, sa détermination en faveur de l’émancipation des citoyens tunisiens et la promotion des droits humains en Tunisie, ainsi que pour son courage face à l’oppression qu’elle et sa famille subissent, elle reçoit le titre de docteur honoris causa de l’Université libre de Bruxelles en 2005, quelques mois après avoir été violemment attaquée et défigurée par la police du président Ben Ali. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 19 Robert Maistriau Docteur honoris causa 2005 Ixelles, Belgique, 1921 – Woluwe-Saint-Lambert, Belgique, 2008 Robert Maistriau passe toute son enfance à Bruxelles. Il fait ses humanités à l’athénée d’Uccle. C’est là qu’il rencontre Georges « Youra » Livschitz, Jean Franklemon et Robert Leclercq. Au printemps 1943, il retrouvera ses trois condisciples dans des conditions particulières. Alors qu’enfle la rumeur concernant le génocide, Ghert Jospa, Maurits Bolle et Roger Van Praag, membres du Comité de défense des Juifs (CDJ), imaginent une action contre un transport de déportation de Juifs. Mais le CDJ n’a pas les moyens de mener ce type d’action tandis que le Front de l’indépendance (FI) refuse de s’engager dans une voie aussi téméraire. Youra Livschitz décide de tenter le coup. Par le biais de Robert Leclercq, il recrute Jean Franklemon et Robert Maistriau. L’attaque du XXe transport marque l’entrée dans la résistance de Robert Maistriau. Il est alors étudiant à l’ULB. Il a 22 ans. Après cette action, Robert Maistriau intègre les rangs de la résistance. Actif au sein du Groupe G, né au sein de l’ULB, il est responsable de la direction nationale du recrutement et de l’organisation. Arrêté à Bruxelles le 21 mars 1944, Robert Maistriau est interné successivement à Breendonk, à Buchenwald, à Ellrich et Harzungen, camps de concentration annexes de Dora et enfin à Bergen-Belsen. Le 15 avril 1945, très affaibli, il est libéré par les troupes britanniques et rapatrié en Belgique. Jean Franklemon est interné à Breendonk puis à la prison de Saint-Gilles. Youra Livschitz est fusillé le 17 février 1944. En 1947, Robert Maistriau émigre au Congo. Après avoir travaillé comme gérant d’une chaîne de magasins, il entame un élevage de bovins et se consacre à un projet de reboisement. Contraint de rentrer en Belgique pour des raisons de santé, Robert Maistriau décède le 27 septembre 2008. Le 19 avril 1943, les trois amis quittent la place Meiser à vélo jusqu’au tronçon Boortmeerbeek-Wespelaar, à une dizaine de kilomètres de la caserne Dossin, camp de rassemblement de Juifs. Munis d’une lampetempête, d’une pince, d’un revolver et de quelques balles, ils attendent l’arrivée des wagons à bestiaux. Leur signal lumineux oblige le train à s’arrêter. Tandis que Youra Livschitz et Jean Franklemon sont aux prises avec les Schupos et que la fusillade éclate, Maistriau parvient à ouvrir la porte d’un wagon d’où s’enfuient 17 déportés. Des 1 636 déportés, 232 parviennent à s’évader, 26 sont abattus. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 20 Alpha Oumar Konaré Docteur honoris causa 2005 démocratique qui s’affirme au Mali et qui conduit au renversement du général Moussa Traoré. Kayes, Mali, 1946 Fils de Dougoukolo Konaré, enseignant, Alpha Oumar Konaré naît à Kayes et fait ses études secondaires au collège moderne de Kayes puis au lycée Terrasson de Fougères à Bamako. Il poursuit des études supérieures en histoire et géographie à l’École normale supérieure de Bamako (19651969) puis soutient une thèse de doctorat en archéologie à l’Université de Varsovie (1971-1975). Après le coup d’État de Moussa Traoré en 1968, il devient militant du « Parti malien du travail », alors clandestin. C’est au cours de ses études à l’École normale supérieure de Bamako qu’il rencontre son épouse, Adama Ba Konaré, historienne également. Alpha Oumar Konaré a tout d’abord enseigné, comme son père, avant de devenir journaliste puis libraire. En 1978, pratiquant une politique d’ouverture, le général Moussa Traoré l’invite à rejoindre son gouvernement en tant que ministre de la Jeunesse, des Sports, de l’Art et de la Culture. Il démissionne deux ans plus tard en raison de désaccords politiques profonds avec le régime. Il retourne à sa carrière d’enseignant et de chercheur notamment dans le domaine de la muséologie. Il est élu à la présidence du Conseil international des musées en 1986. Sa vision d’un musée conçu par et pour les Africains fait de lui une des références internationales en matière de muséologie. Passionné de culture, il fonde en 1983 la coopérative culturelle Jamana, dont le but est la collecte et la diffusion écrite des œuvres orales du patrimoine malien. Il maintient des actions politiques et syndicales en lançant en 1989 un journal clandestin, Les Échos, qui devient le symbole du mouvement ULB DHC 175e En 1990, il participe à la fondation de l’Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA), association pour la défense de la démocratie, qui devient un parti en 1991 : l’ADEMA-PASJ (Parti africain pour la solidarité et la justice). C’est à la tête de ce parti qu’il participe aux élections dont il remporte les présidentielles en 1992. Il devient le premier président élu de la troisième République du Mali. Hostile à la peine de mort, Alpha Oumar Konaré commue en peines de détention à perpétuité les peines de mort prononcées contre Moussa Traoré et son épouse, puis les gracie en 2002. En 1997, Alpha Oumar Konaré se représente pour un second mandat, mais certains partis d’opposition dénoncent la mauvaise organisation des élections et demandent la suspension des élections. Pour protester contre cette mauvaise organisation, reconnue par les autorités, les 14 partis d’opposition boycottent les élections et retirent leurs candidats, ne laissant qu’Alpha Oumar Konaré en lice. Ces partis demandent sans succès un report des élections. À la veille des élections, deux candidats reviennent sur leur décision et se présentent face à Alpha Oumar Konaré, qui remporte les élections au premier tour avec 84,4% des voix. La Constitution limitant l’exercice présidentiel à deux mandats, il ne peut se représenter en 2002. Sa politique a pour objectifs le développement culturel et économique du Mali et de l’Afrique, la lutte contre la corruption, la délinquance financière et le trafic d’armes, dans le maintien de la démocratie et de la paix. Il mène à bien une politique de décentralisation et arrive à redresser une économie en grande difficulté. Durant son premier mandat, il recherche une solution Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 21 Alpha Oumar Konaré aux conflits avec les Touareg, solution qui se concrétise par la cérémonie de la Flamme de la paix en 1996, au cours de laquelle les armes de la rébellion touareg sont brûlées symboliquement. Il contribue au projet d’Union africaine, et est nommé président de la commission de l’Union africaine en juillet 2003. Panafricaniste convaincu, il développe au sein de l’Union africaine, la vision d’une Afrique où cohabitent cultures, religions, philosophies, civilisations, dans le respect des rapports homme-femme. Sa vision d’une Afrique ouverte, la politique qu’il a menée et sa volonté de préserver la paix et la démocratie, conduisent l’Université libre de Bruxelles à lui remettre, en 2005, le titre de docteur honoris causa, après les universités du Michigan (USA) en 1998 et de Rennes II (France) en 1999. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 22 Pierre Goldschmidt Docteur honoris causa 2005 Des études universitaires durant les Golden Sixties bouillonnantes de contestation et de créativité, un dîner en 1961 avec Werner Heisenberg pour évoquer sa brève détention, en 1945, avec d’autres physiciens allemands dans la maison familiale, le souhait exprimé par sa mère d’avoir un fils « savant atomiste », et la conviction des bienfaits potentiels des sciences nucléaires : tous les ingrédients sont là pour que Pierre Goldschmidt décide de s’orienter vers les applications pacifiques de l’énergie nucléaire. Ingénieur civil électromécanicien de l’Université libre de Bruxelles en 1963, titulaire d’un Master of Science en ingénierie nucléaire de l’Université de Berkeley en 1966, docteur en sciences appliquées de l’ULB en 1971, Pierre Goldschmidt abandonne cette orientation scientifique pour se tourner vers une carrière technico-commerciale à la Belgonucléaire d’abord, au bureau d’études Electrabel ensuite. En 1977, il participe à la création de Synatom, une filiale du producteur belge d’électricité qui deviendra l’une des entreprises européennes les plus performantes du cycle du combustible. Il y sera confronté à des défis stratégiques et politiques tant nationaux qu’internationaux. Très tôt il prône, calculs économiques à l’appui, l’utilisation du plutonium d’origine militaire pour la production d’électricité. En 1987, il devient directeur général de Synatom, et, en 1989, membre du directoire d’Eurodif, leader mondial de l’enrichissement de l’uranium. Mais son parcours ne s’arrête pas là : membre du comité consultatif de l’Agence d’approvisionnement d’EURATOM, de l’Organisation des producteurs d’énergie nucléaire à Paris et de l’Uranium Institute de Londres, il est reconnu par ses pairs pour ses connaissances, sa rigueur, ses ULB DHC 175e capacités de gestionnaire et le courage de ses opinions, et est élu à la présidence de ces différentes institutions internationales. En octobre 1998, c’est devant un tableau de Matisse au musée de Nice que la carrière de Pierre Goldschmidt prend un nouveau tournant : il y rencontre Mohamed El Baradei qui assiste à la même conférence internationale et qui lui signale la vacance du poste de directeur général adjoint de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) en charge du contrôle des garanties. Deux jours plus tard, Pierre Goldschmidt soumet sa candidature et est engagé dans un délai dont la brièveté témoigne du soutien qu’il rencontre. Arrivé à un âge où il aurait pu songer à une retraite bien méritée, il prend ses fonctions à Vienne le 1er mai 1999 à la tête du département des garanties qui compte 650 personnes de 86 nationalités différentes. Il y est immédiatement confronté à plusieurs crises qui secouent alors le monde : l’ex-Yougoslavie, l’Irak et la Corée du Nord d’abord, puis l’Iran et la Lybie, pour ne citer que les plus médiatiques. C’est loin des médias pourtant que Pierre Goldschmidt, préférant la diplomatie secrète aux feux de la rampe, œuvre avec détermination et efficacité au renforcement du régime de nonprolifération. C’est ce que mettra en exergue l’American Physical Society en lui décernant en 2008 le prestigieux Burton Award, « for transforming the safeguards culture and procedures of the IAEA, greatly strengthening its ability to detect nuclear proliferation activities, and for his courage and integrity, especially in the period 2002 – 2003 ». Son travail a contribué significativement à l’attribution du prix Nobel de la Paix à l’AIEA en octobre 2005. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 23 Pierre Goldschmidt À son départ de l’AIEA quelques mois plus tôt, Pierre Goldschmidt décide de rejoindre le think tank américain Carnegie Endowment for International Peace, dont il est senior associate. C’est dans ce cadre qu’il continue à proposer des solutions originales en vue de renforcer le régime de non-prolifération des armes nucléaires et à influencer les décideurs politiques de ce monde… dans l’ombre, bien entendu. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 24 Baltasar Garzón Real Docteur honoris causa 2005 Torres, Espagne, 1955 Issu d’une famille modeste originaire de la province de Jaén dans le sud de l’Espagne, Baltasar Garzón Real est le second de cinq enfants. Il passe son baccalauréat dans une école catholique. Séminariste pendant six ans, il est sur le point d’être ordonné prêtre lorsqu’il entre à l’Université de Séville en 1975 et en sort diplômé en droit en 1979. Il gravit les échelons de la magistrature provinciale de 1981 à 1986 avant de devenir inspecteur délégué de l’Andalousie au Conseil général du pouvoir judiciaire en 1987 puis juge d’instruction à la Cour nationale (Audiencia Nacional de España) en 1988. Il met sa carrière de magistrat entre parenthèses pour tenter de décrocher un mandat sur la liste du PSOE à la chambre basse du Parlement espagnol en 1993. Son but avoué est de lutter contre la corruption qui s’est installée dans le pays depuis l’arrivée des socialistes au pouvoir. Suite à la victoire de Felipe González, il est nommé chef national du plan de lutte contre la drogue. Cependant, il démissionne rapidement de ses fonctions en pointant le manque de soutien qu’accorde le gouvernement à la lutte contre la corruption et reprend sa charge de magistrat instructeur. Ses investigations en matière de terrorisme contribuent à la condamnation en 1998 de José Barrionuevo Peña, ministre de l’Intérieur du PSOE, dans l’affaire des GAL (Groupes antiterroristes de libération), mais aussi à la suspension pendant trois ans du parti Batasuna (2002) et à la fermeture d’Egunkaria, le seul journal édité entièrement en langue basque (2003), pour leurs liens avec l’ETA. Les poursuites qu’il engage contre des fonctionnaires argentins dans la disparition de citoyens espagnols durant la dictature argentine (1976-1983) ont mené à l’arrestation (1997) et à la condamnation des militaires Miguel Angel ULB DHC 175e Cavallo et Adolfo Scilingo (2007). Baltasar Garzón Real s’est fait connaître internationalement le 10 octobre 1998 en lançant un mandat d’arrêt contre l’ancien dictateur chilien Augusto Pinochet. Désirant l’entendre sur la torture et la mort de citoyens espagnols suite au coup d’État au Chili de 1973, il met pour la première fois en application la juridiction de compétence universelle en Espagne en s’appuyant sur le rapport de la commission chilienne pour la vérité. Selon cette même procédure, il tente d’entendre l’ancien secrétaire d’État américain, Henry Kissinger, sur ses relations avec les régimes autoritaires installés dans les années 1970 en Amérique latine et concernant ce que l’on a appelé l’opération Condor. Le Royaume-Uni refuse d’extrader Pinochet en alléguant une prétendue mauvaise santé. N’hésitant pas à enquêter sur les chefs d’État, Baltasar Garzón Real demande en avril 2001, sans l’obtenir, la levée de l’immunité parlementaire du premier ministre italien Silvio Berlusconi auprès du Conseil de l’Europe dans le cadre de son instruction sur la Telecinco. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 25 Fadela Amara Docteur honoris causa 2005 Clermont-Ferrand, France, 1964 Fadela Amara, de son vrai nom Fatiha Amara, grandit avec ses dix frères et sœurs dans une famille traditionnelle. Ses parents sont originaires de Kabylie, en Algérie. Son père travaille comme ouvrier dans le bâtiment et sa mère est femme au foyer, tous deux sont analphabètes. À 16 ans, elle s’engage dans la lutte contre la destruction de son quartier en faisant du porte à porte. Elle poursuit parallèlement ses études et obtient un CAP de comptabilité. Quelques années plus tard, en 1986, elle milite pour l’association SOS Racisme. Elle y fait la rencontre de Mohammed Abdi ; ensemble, ils créent la première Maison des potes, association dont elle deviendra présidente en 2000. En 2001, elle est élue conseillère municipale de Clermont-Ferrand sur la liste du parti socialiste. Un an plus tard, elle organise des états généraux à la Sorbonne sur la thématique des conditions de la femme et de la jeunesse dans les quartiers de France. Cette réunion rassemble plus de 250 femmes qui rédigent une pétition recueillant près de 20 000 signatures, et dont la synthèse devient le Manifeste de revendication des femmes des quartiers adressé à tous les candidats républicains à l’élection présidentielle de 2002. En novembre 2002, la mort tragique de Sohanne, une jeune fille brûlée vive par un garçon dont elle a repoussé les avances, provoque un grand retentissement, d’autant que le garçon n’a pas agi seul. Se pose la question de la violence dans les cités urbaines et des inégalités entre filles et garçons. Une « Marche des femmes des quartiers pour l’égalité et contre les ghettos » est lancée. Partie de Vitry-sur- ULB DHC 175e Seine, où la jeune fille a été assassinée, elle s’achève à Paris le 8 mars 2003 par une manifestation de 20 000 personnes, exigeant la fin de la loi du silence et la liberté de parole pour toutes les femmes et filles de la République. En mai 2003, une nouvelle association émanant de l’association Touche pas à mon pote voit le jour sous le nom de « Ni putes, ni soumises » dans le but de lutter pour l’émancipation des filles et des garçons, pour l’égalité des sexes, pour la laïcité et pour la mixité dans les quartiers. On cherche une femme qui accepte de devenir porte-parole de ce mouvement et qui s’affranchisse des règles traditionnelles imposées aux femmes ; Fadela Amara est candidate puis élue présidente de la nouvelle association. En 2005, elle reçoit le titre honorifique de docteur honoris causa de l’ULB et, un an plus tard, celui de la Manchester Metropolitan University. Cette même année, Fadela Amara, membre du Parti socialiste, réagit vigoureusement aux propos du ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, qui avait alors parlé de nettoyer les cités « au kärcher ». Néanmoins, en juin 2007, elle accepte un poste de secrétaire d’État dans le gouvernement présidé par François Fillon sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Elle est chargée de la politique de la ville. Son retournement politique, celui d’une femme d’origine étrangère engagée politiquement à gauche et appartenant à des organisations populaires, passant dans un gouvernement de centre-droite provoque une vive polémique sur tous les fronts politiques, aussi bien à gauche qu’à droite. Ellemême justifie sa participation au gouvernement par l’état d’urgence qui règne dans les banlieues. Malheureusement, les plans Banlieue et Espoir Banlieue, qu’elle confectionne et annonce à grands renforts médiatiques, s’avèrent bientôt insuffisants, aussi bien pour leurs solutions jugées simplistes, que pour la faiblesse des moyens mis en œuvre. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 26 Philippe Busquin Docteur honoris causa 2004 Feluy, Belgique, 1941 Philippe Busquin naît dans une famille bourgeoise du Hainaut. Pendant son adolescence, la récession économique de sa région et les drames sociaux qui l’accompagnent le marquent fortement surtout lorsque son père, cadre, est lui-même licencié. Après avoir obtenu sa licence en sciences physiques à l’Université libre de Bruxelles, il devient professeur à l’École normale de Nivelles. Les années 1960 marquent le début de son engagement politique : Philippe Busquin s’affilie au Parti socialiste, entre au Mouvement populaire wallon, et suit des stages de la CGSP. Il se fait remarquer dans le conflit qui oppose la population de Feluy à une usine désireuse de créer un site pétrochimique dans la région. En 1971, il devient président de la section socialiste de Feluy ; sa progression s’accélère. Successivement élu conseiller provincial, échevin et député permanent du Hainaut à partir de 1977, il se voit également confier par le président du PS André Cools la présidence de la commission Énergie du parti. Après les élections législatives de 1980, il devient ministre de l’Éducation nationale et de la Communauté française, puis ministre de l’Intérieur quelques mois plus tard. Des postes qu’il ne conserve pas longtemps : le remaniement du PS bouleverse le gouvernement et l’envoie aux ministères de la Région wallonne pour le Budget et l’Énergie, où il œuvre vigoureusement pour les énergies renouvelables, démontrant ainsi son engagement en faveur de la recherche et de la science. mandat en tant que ministre des Affaires sociales à partir de 1988, il s’implique personnellement et farouchement dans les problèmes de société, et devient un des personnages politiques les plus importants du pays. C’est donc presque naturellement que tous se tournent vers lui lorsque la présidence du PS est laissée vacante en 1992 après le départ de Guy Spitaels. Philippe Busquin accepte cette charge. Son mandat est parsemé d’embûches : de l’assassinat d’André Cools aux « affaires » de détournements de fonds Agusta et Dassault, le PS et ses membres les plus influents sont régulièrement impliqués. Lui-même n’est jamais inquiété par la justice, mais devient la cible de l’opposition et de certains médias. Lassé alors par la politique belge, il quitte sa fonction de président du PS en 1999, ainsi que celle de bourgmestre de Seneffe qu’il avait obtenue quatre ans plus tôt, pour rejoindre la Commission européenne et il obtient le poste de commissaire chargé de la Recherche. Il s’implique activement en faveur d’une coopération européenne de financements pour la recherche, notamment par le biais d’un projet d’Espace européen de la recherche. Il réussit ainsi à faire évoluer certaines mentalités et à lancer un réel développement de la science en Europe, obtenant ainsi la reconnaissance de nombreux observateurs et l’accès au titre de docteur honoris causa décerné par l’ULB, l’Université de Mons-Hainaut et la Faculté polytechnique de Mons en mars 2004. Il rejoint le Parlement européen en 2004 pour un mandat de cinq années, et redevient bourgmestre de Seneffe après les élections communales d’octobre 2006. Tout au long des années 1980, sa popularité dans le parti ne cesse de croître, grâce à ce qu’il appelle un « socialisme de cœur et de raison ». Lors de son ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 27 Hywel Ceri Jones Docteur honoris causa 2002 Neath, Pays de Galles, 1937 Fils de pasteur, poète à ses heures, Hywel Ceri Jones est issu d’un milieu lettré. Originaire du Pays de Galles, il y fait son parcours scolaire. Il suit des études classiques et de français à l’Université d’Aberystwyth, où il est président des étudiants. Suite à l’obtention, en 1962, d’un diplôme en éducation, il commence une thèse sur la vie et l’œuvre de l’écrivain français Henri Barbusse. Mais plus attiré par la politique que par l’enseignement, il ne l’achève pas. Au début des années 1960, Hywel Jones accepte d’entrer en fonction à l’Université du Sussex. Durant douze ans, il occupe différents postes éducatifs, notamment celui de conseiller principal du recteur pour le développement et la recherche. À la suite de l’adhésion du Royaume-Uni à l’Union européenne en 1973, Hywel Jones entre à la Commission européenne en tant que chef du département pour l’éducation, l’enseignement (primaire, secondaire et supérieur) et la politique de la jeunesse. En 1976, il s’occupe également de la formation des adultes et, en 1980, ajoute à la liste de ses fonctions la promotion des correspondances entre systèmes éducatifs, ainsi que l’éducation des migrants et des handicapés. En 1981, il devient directeur pour l’éducation, la formation professionnelle et la politique de la jeunesse à la direction générale. En 1989, il est directeur du groupe de travail pour les ressources humaines, l’éducation, la formation et la jeunesse. C’est à ce poste qu’il crée, avec d’autres, différents programmes parmi lesquels Erasmus, Tempus, Petra, Jeunesse pour l’Europe, Eurydice. Ceux-ci ont pour but de faciliter certaines activités des différents systèmes et réseaux éducatifs, notamment la mobilité et ULB DHC 175e la coopération dans l’enseignement, ainsi que la formation professionnelle des jeunes. En 1993, Hywel Jones est en charge du poste de directeur général adjoint pour l’emploi, les relations industrielles et les affaires sociales. Au cours de cette période, il lance plusieurs initiatives communautaires dont EQUAL, New Opportunities for Women (NOW) et ADAPT. Ces programmes ont pour objectif la lutte contre toutes les formes de discriminations au travail, mais aussi la formation et l’adaptation des travailleurs aux changements et mutations industrielles. En 1998, il quitte la Commission européenne après vingt-cinq ans d’activité, pour occuper le poste, durant un an, de conseiller principal du secrétaire d’État du Pays de Galles. Il revient à Bruxelles, au European Policy Centre entre 2000 et 2006. Parallèlement, il préside l’Institut européen pour l’éducation et la politique sociale à Paris de 2001 à 2004. Depuis 2003, Hywel Jones travaille au Network of European Foundations où il occupe le poste de conseiller à la politique européenne, et ce jusqu’en juin 2009. Il est également membre du conseil francobritannique pour la collaboration entre ces deux pays. Soucieux de changements et d’améliorations, Hywel Ceri Jones travaille à une meilleure formation professionnelle pour tous, ainsi qu’ à faciliter les réseaux et les échanges entre les différents systèmes éducatifs européens. Il s’investit dans la lutte contre la discrimination et en faveur de l’égalité pour tous et toutes, que ce soit au niveau des formations ou de l’emploi. Il s’implique également dans les questions industrielles, au niveau des relations entre patrons et ouvriers. Hywel Jones a reçu plusieurs distinctions honorifiques dont le titre de docteur honoris causa des universités du Sussex, d’Irlande, de Louvain, du Royaume-Uni Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 28 et de l’ULB, en 2002, conjointement aux autres promoteurs du programme Erasmus, Angélique Verli, Domenico Lenarduzzi et Alan Smith. Il est également titulaire d’une honoris fellowship des universités de Westminster, Aberystwyth, Swansea, Glamorgan et Glyndwr. Au vu de sa contribution à l’édification d’une Europe démocratique et humaniste, il a été récompensé par la reine d’Angleterre et a reçu une médaille d’or de la République d’Italie. Hywel Ceri Jones s’est impliqué dans la construction européenne afin que la formation professionnelle y soit accessible à tous, que la mobilité y soit favorisée et facilitée et que les discriminations disparaissent. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 29 Domenico Lenarduzzi Docteur honoris causa 2002 à mettre en œuvre pour générer ce sentiment. Il propose un projet d’échanges des jeunes entre universités avec une reconnaissance des diplômes acquis. Le 30 juin 1985, le rapport est accepté. Turin, Italie, 1936 Domenico Lenarduzzi est né le 19 mars 1936 à Turin d’une famille frioulane. En 1943, suite aux bombardements, la famille retourne dans le Frioul et y attend le père militaire qui, dès son retour, repart pour la Belgique et les mines de Charleroi. Il revient chercher sa famille trois ans plus tard. À douze ans, un prêtre permet à Lenarduzzi d’étudier au collège de Gerpinnes, lui évitant ainsi le dur métier de mineur. À la veille de son entrée à l’université, la poliomyélite conduit à la paralysie de ses deux jambes. Malgré cela, il s’engage dans des études d’ingénieur commercial à l’UCL durant lesquelles il réussit à obtenir une des premières bourses pour étudiants en difficulté financière. En 1959, ses études terminées, il travaille en tant qu’assistant d’un de ses professeurs, le doyen Urbain Vaes, par ailleurs commissaire à la Cour des comptes. Lenarduzzi entre alors à la Cour des comptes, s’installe à Bruxelles, et entame des études de sciences politiques et sociales à l’ULB. Il aide alors à l’élaboration d’un statut pour les employés de la Commission européenne et est élu représentant du personnel lors de la création de l’union syndicale. En 1965, il passe le concours d’entrée à la Commission européenne où il est nommé à la direction générale des affaires sociales et de l’emploi. Il se fixe alors un objectif : changer de domaine tous les cinq ans, ce qu’il fait, passant par le social, la politique régionale (bras droit du directeur, il fut chargé de la régionalisation de l’ensemble des politiques), l’élargissement de l’Europe, puis la direction générale de l’éducation. En 1984, les institutions européennes réalisent que la population ne ressent aucun sentiment d’appartenance à l’Europe. On demande alors à Lenarduzzi de participer à la rédaction d’un rapport sur les moyens ULB DHC 175e Plusieurs programmes sont mis en place pour ce projet éducatif : Erasmus (1987-1988), qui permet un échange d’étudiants entre les universités européennes participantes ; Lingua pour l’apprentissage de deux langues étrangères ; et le programme Jeunesse pour l’Europe qui permet les échanges de jeunes hors cadre scolaire (scouts, volontariat européen, formations professionnelles et formations pour adultes). Par la suite, une rationalisation de ces programmes se met en place, Socrates (réunion des programmes éducatifs) et Leonardo Da Vinci (réunion des programmes professionnels) naissent en 1995. Parallèlement, Lenarduzzi s’est aussi beaucoup battu pour scolariser les populations nomades, marginalisées et rarement scolarisées. Retraité depuis 2001, il est président de nombreux comités et associations dont l’association frioulane, le Fogolar de Bruxelles. Passionné par ses origines frioulannes, Domenico Lenarduzzi déclare que c’est grâce à elles qu’il a acquis ses convictions européennes. En effet, à force de subir sa nationalité tel un fardeau dans cette période d’après-guerre, il a rêvé d’une Europe sans frontière où chacun aurait sa place, sans différence d’origine. Il est titulaire de nombreuses décorations et titres académiques, dont celui de docteur honoris causa décerné par l’ULB en 2002, avec les autres promoteurs d’Erasmus, Angélique Verli, Hywel Ceri Jones et Alan Smith. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 30 Angélique Verli Docteur honoris causa 2002 Athènes, Grèce, 1947 Angélique Verli grandit dans une famille multiethnique : son père est un Grec d’Albanie et sa mère une Serbe d’origine autrichienne. Ils se sont rencontrés en Allemagne où ils travaillaient pendant la guerre. Elle fait ses études primaires et secondaires à Cos, une île du Dodécanèse. Désireuse de faire ses études à l’étranger, Angélique est candidate puis sélectionnée pour une bourse à l’Université de Columbia, offerte par la communauté grecque des États-Unis, à la condition de disposer de 30 $ par mois. Or, cette somme représente à l’époque le salaire mensuel d’un Grec et la famille ne peut se le permettre. Angélique Verli part alors pour Athènes où elle travaille pour financer ses études de droit à l’Université d’Athènes. C’est ainsi qu’elle intègre le Bureau d’information européen d’Athènes : elle a 19 ans. En 1981, la Grèce intègre l’Union européenne, Angélique Verli quitte alors Athènes pour rejoindre la section juridique de la direction générale des affaires sociales à Bruxelles. Elle y obtient en 1985 le diplôme de licenciée spéciale en droit européen de l’Université libre de Bruxelles. La même année, sa section s’occupe de l’affaire Gravier, qui statue sur l’égalité des droits universitaires entre nationaux et non-nationaux, et qui fait jurisprudence en matière de libre circulation des étudiants dans l’UE, ouvrant ainsi la voie au programme Erasmus. Angélique Verli se tourne alors vers son aspiration première, l’enseignement international. Le programme cherche à toucher le plus grand nombre, quitte à accorder un budget plus restreint à chaque étudiant. Le financement communautaire, pourtant modeste, a été le catalyseur permettant le succès exponentiel d’Erasmus : de 3 000 étudiants et une centaine d’universités à 15 000 étudiants et 300 universités en deux ans. En 1995, elle participe à la création du European Center of Public Law (EPLC), directement issu du programme Erasmus qui promeut le droit et la démocratie dans les pays de l’UE et les pays tiers. Quatre ans plus tard, lassée d’Erasmus, elle est nommée responsable du programme Socrates (englobant lui-même Erasmus) et du lancement du concept d’éducation tout au long de la vie. Elle s’implique notamment dans le système de transfert de crédits (European Credits Transfer System), dans l’encadrement des compétences de base dans l’enseignement et dans l’Institut européen d’innovation et de technologie. En 2002, avec Hywel Ceri Jones, Domenico Lenarduzzi et Alan Smith, autres promoteurs de la coopération universitaire et des échanges estudiantins, elle est distinguée docteur honoris causa de l’Université libre de Bruxelles. De 2002 à 2006, Angélique Verli s’occupe des objectifs d’éducation de la stratégie de Lisbonne. Pendant trois ans, elle enseigne au Collège d’Europe les modalités pratiques du processus de codécision à des étudiants post-universitaires. Angélique Verli est actuellement en charge de la coopération internationale avec les pays industrialisés et des programmes Erasmus Mundus et Tempus (le premier visant l’excellence globale des universités européennes ; le second œuvrant aux réformes universitaires dans les pays voisins de l’UE). Elle a pris sa retraite fin 2008 et vit désormais en Grèce. En 1987, Hywel Ceri Jones, directeur de l’Éducation à la Commission européenne, lui confie la responsabilité du programme Erasmus. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 31 Alan Smith Docteur honoris causa 2002 Halifax, Angleterre, 1947 Alan Smith est né à Halifax, en Angleterre, d’un père architecte et d’une mère bibliothécaire. Après ses études secondaires, il fait une partie de ses études supérieures à l’Université de Londres pour étudier la littérature et la langue allemande, avant de rejoindre la Philipps-Universität de Marbourg en Allemagne. Diplômé, il travaille à la Conférence des recteurs de la Communauté européenne (basée en Allemagne de l’Ouest) en tant que secrétaire du comité de liaison. Par la suite, il intègre l’Institut européen de l’éducation et de la politique sociale à Paris, en tant que chercheur. En 1980, il s’installe à Bruxelles et travaille en collaboration avec la Commission européenne. Dans un premier temps, il s’intéresse au développement et à la gestion « des programmes communs d’études » (programme pré-Erasmus), puis dans un second temps, il travaille à la coopération de la Commission européenne dans l’enseignement supérieur et au développement du nouveau programme Erasmus, dont il est directeur de 1987 à 1992. De 1993 à 1994, il est directeur de l’Association de la coopération académique (ACA). Il est également secrétaire général de plusieurs associations européennes, dont l’ATEE (pour la formation des enseignants) et la SEFI (pour la formation des ingénieurs). En 1995, il devient fonctionnaire permanent des institutions européennes, ce qu’il est toujours aujourd’hui. Au cours des treize années de service auprès de la Commission, Alan Smith a occupé plusieurs postes, tels que coordinateur du programme Socrates, chef adjoint de la politique sur l’apprentissage à vie, chef de l’unité responsable de Comenius (pour l’enseignement scolaire). Entre 2000 et 2005, il est ULB DHC 175e responsable de la gestion de l’action Grundtvig de la Commission (action pour l’enseignement général pour les adultes) et de la conception du futur programme Grundtvig 2007-2013. Depuis cette date, il est chef-adjoint de l’unité s’occupant de l’éducation des adultes, où il est notamment chargé de la coordination de ce programme Grundtvig au sein du programme d’éducation et de formation L’essentiel de son action consiste à élaborer une stratégie pour la promotion de l’enseignement supérieur européen dans le monde, et en particulier pour le programme Erasmus Mundus, au sein de l’unité Tempus et Erasmus Mundus qui fait partie de la direction générale de l’éducation et de la culture de la Commission européenne. Il est très investi dans les programmes de coopération européenne en matière d’éducation et de formation professionnelle et veut contribuer à renforcer la dimension européenne de l’éducation, par la promotion de l’innovation pédagogique, l’encouragement au dialogue entre les nations européennes, le combat contre les préjugés et la lutte contre l’exclusion sociale. Alan Smith est l’auteur de nombreuses publications sur les questions concernant la coopération européenne et internationale en matière d’éducation. C’est en tant que pionnier du programme Erasmus et grâce à sa contribution dans ce domaine qu’il a reçu les insignes de docteur honoris causa de l’Université libre de Bruxelles. Il a reçu les mêmes honneurs de l’University of Center England de Birmingham pour sa contribution à la coopération européenne en matière d’éducation. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 32 Toots Thielemans Docteur honoris causa 2001 Bruxelles, Belgique, 1922 Issu des Marolles où ses parents tiennent un café, Jean-Baptiste Thielemans s’intéresse très tôt aux accordéonistes qui jouent dans l’établissement. Son père remarque son intérêt pour l’instrument et lui fait apprendre l’accordéon diatonique dès l’âge de trois ans. À seize ans, il découvre l’harmonica dans les films de Ray Ventura et en joue durant ses loisirs. Si le déclenchement de la seconde guerre mondiale interrompt ses études universitaires, c’est pendant l’occupation que naît sa passion pour le jazz. Dans les clubs où il débute, on lui conseille de s’orienter vers un instrument plus approprié. Il se tourne alors vers la guitare. C’est en écoutant les disques de Django Reinhardt, sa première idole, qu’il apprendra à en jouer. Engagé à la libération dans de petites formations, on le surnomme Toots, d’après les musiciens célèbres de l’époque, Toots Mondello et Toots Camarata. Ce nouveau prénom, beaucoup plus swing que Jean-Baptise, lui colle à la peau pour le reste de sa carrière. C’est lors de la tournée européenne de Benny Goodman (1950) qu’il fait ses premiers pas sur la scène internationale. Lorsqu’il part aux États-Unis en 1952, ses premiers concerts se déroulent avec le Charlie Parker’s All Stars et le George Shearing Quintet. Toots Thielemans compose un standard du jazz en 1962, Bluesette. Dans ce morceau, devenu un succès international, il siffle et joue de la guitare à l’unisson, créant ainsi un nouveau son. Le sifflement est d’ailleurs, après l’harmonica et la guitare, son troisième instrument de prédilection. Dans les années 1980, il collabore à de nombreux albums de jazz avec Jaco Pastoruis et Billy Eckstine, de rock avec Billy Joel ou encore de pop avec Julian Lennon. Mais Toots Thielemans est surtout l’interprète principal de plus de trente albums ULB DHC 175e de jazz des années 1950 à nos jours. Référence incontestable de l’harmonica, il a été soliste pour de nombreuses musiques de films (Macadam Cowboy, Guet-apens, Jean de Florette, Yakuza, etc.) et pour 1 rue Sésame à la télévision. Son talent sans équivalent pour cet instrument l’a conduit à partager la scène avec les plus grands musiciens de son époque, de Charlie Parker à Quincy Jones en passant par Frank Sinatra et Ella Fitzgerald. Il est d’ailleurs le vainqueur récurrent de la catégorie « Instruments divers » pour le magazine de jazz Down Beat. Toots Thielemans, le ket de Bruxelles dont la modestie et la gentillesse sont reconnues par tous a reçu le titre de baron et un doctorat honoris causa de l’ULB en 2001. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 33 Joaquim Chissano Docteur honoris causa 2000 Malehice, Mozambique, 1939 Joaquim Alberto Chissano, président du Mozambique du 6 novembre 1986 au 2 février 2005, a accompagné son pays dans toutes les péripéties qu’une histoire agitée lui a imposées depuis 1974. Décrit comme un homme de compromis, il a mené son pays vers la paix, gravissant au long de sa carrière les marches du pouvoir avec une agilité certaine. Il a occupé les postes de secrétaire de la sécurité, d’officier général, de ministre et, enfin, de président du Mozambique. Né d’un pasteur méthodiste et instituteur le 22 octobre 1939 dans le petit village de Malehice, il passe son enfance dans la province de Gaza. Il est l’un des premiers étudiants noirs admis au lycée Salazar de Lourenço Marques. C’est là qu’il rejoint le NESMA (noyau d’élèves africains du secondaire), puis qu’il s’inscrit à l’association des Mozambicains. Ces premières implications ont marqué le début de son engagement politique pour l’indépendance du Mozambique. En 1960, il entame des études supérieures à l’Université de Lisbonne au Portugal, qu’il doit pourtant quitter clandestinement en 1961 en raison de ses activités nationalistes. Il est alors arrêté et détenu à San Sebastian. À sa libération, il s’inscrit à la Faculté de médecine de Poitiers. Il est à l’origine de la fondation de l’Union nationale des étudiants mozambicains dont il devient le premier président. Cette responsabilité lui permet d’entrer au Front de libération du Mozambique (FRELIMO) en 1962, parti d’idéologie marxiste-léniniste qui se lance dans la lutte armée contre le colonialisme portugais à partir de 1964. Au FRELIMO, Chissano gravit un à un les échelons. Il est d’abord nommé secrétaire du docteur Eduardo Mondlane, premier président du parti, assassiné en 1969. Ce poste l’amène à voyager ULB DHC 175e à plusieurs reprises dans les pays de l’Est et en URSS. En 1974, il est nommé premier ministre d’un gouvernement provisoire à la suite des accords de Lusaka. Le Mozambique est officiellement déclaré indépendant le 25 juin 1975 et Samora Machel devient le premier président de la République populaire du Mozambique. Chissano devient ministre des Affaires étrangères, membre du comité central, du bureau politique et du secrétariat du FRELIMO, député et membre de la commission permanente de l’Assemblée et major des forces armées. Le 19 octobre 1986, Samora Machel est victime d’un accident d’avion, et le 3 novembre de la même année, Chissano est nommé à la tête du FRELIMO. En raison du monopartisme du pays, il devient de fait le président de la République du Mozambique. Il organise les premières élections présidentielles et législatives pluralistes en 1994, qui le donnent vainqueur avec 53,3 %. Il est de nouveau élu en 1999 après une forte opposition du parti Résistance nationale du Mozambique (Renamo) emmené par Afonso Dhlakama. Chissano ne brigue pas de troisième mandat lors des élections de 2004. En octobre 2005, il est nommé conseiller à la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement. Il s’occupe ensuite des négociations avec les acteurs de la crise malgache en tant que médiateur nommé par la Communauté de développement d’Afrique australe. Si son règne sur le Mozambique est long, il n’en est pas moins marqué par de fortes agitations constatées tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Toujours est-il que, si quelque chose différencie Chissano de ses adversaires, c’est sa reconnaissance sur la scène internationale où sa modération, son pragmatisme et ses qualités de gestionnaire en ont fait un représentant important de l’Afrique dans le monde. Il est également apprécié en Occident pour la bonne publicité que lui ont procurées ses réformes libérales, l’abandon du marxismeléninisme, l’instauration du pluralisme politique Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 34 et l’ouverture vers une économie de marché. Il a d’ailleurs été soutenu par les Nations unies et des pays occidentaux lors des élections contestées de 1999. Sur le plan sanitaire, il encourage les Mozambicains à prendre toutes les mesures préventives nécessaires face au sida et favorise la création d’usines de fabrication de médicaments dans son pays . En février 2000, il sollicite l’aide internationale suite aux inondations catastrophiques qui touchent son pays. Il se voit décerner, en 1997, le prix du leadership en Afrique pour l’éradication durable de la faim et, en 2007, le premier prix Ibrahim du leadership d’excellence en Afrique. Malgré les polémiques, il est perçu comme un modèle par les dirigeants africains. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 35 Louise Arbour Docteur honoris causa 2000 Montréal, Canada, 1947 Louise Arbour reçoit une éducation primaire et secondaire dans une congrégation catholique. Elle est titulaire d’un baccalauréat ès arts de l’Université de Montréal en 1967. Après une licence en droit obtenue avec distinction (1970), elle poursuit l’étude du Common Law à l’Université d’Ottawa en parallèle avec une fonction de commis aux affaires légales à la Cour suprême du Canada (1971-1972). D’abord officier de recherche pour la Commission sur la réforme du droit au Canada (1972-1973), elle enseigne ensuite à la Osgoode Hall Law School (1974-1987) avant d’être la première femme et la première francophone à être nommée à la Cour suprême de l’Ontario (1987). En 1990, elle est nommée juge à la Cour d’appel de l’Ontario, puis présidente de la commission d’enquête ontarienne sur les événements survenus à la prison de femmes de Kingston en Ontario. aux droits de l’homme le 1er juillet 2004. Affirmant que la responsabilité criminelle des responsables du conflit israélo-libanais (juillet-août 2006) peut être engagée, elle subit de fortes pressions visant à sa démission. Elle ne demande pas le renouvellement de son mandat qui arrive à terme le 30 juin 2008. Au cours de sa carrière Louise Arbour a publié de nombreux ouvrages dans le domaine du droit pénal et de la procédure pénale. Louise Arbour a reçu le titre de docteur honoris causa de 27 universités et a été décorée de l’Ordre du Canada, la plus haute distinction civile du pays. Nommée procureur en chef du Tribunal pénal international pour le Rwanda et du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie en 1996, elle est responsable de l’instruction des dossiers et de l’exercice des poursuites contre les auteurs de violations graves du droit international humanitaire dans ces deux pays. C’est en cette capacité qu’elle inculpe Slobodan Milosevic de crimes de guerre en mai 1999. Il sera le premier chef d’État appelé à rendre des comptes devant un tribunal pénal international. Elle est remplacée à ces fonctions par Carla Del Ponte en août 1999. Le 15 septembre 1999, Louise Arbour est nommée juge à la Cour suprême du Canada par le premier ministre Jean Chrétien, une fonction qu’elle quitte volontairement le 30 juin 2004. Elle remplace Sergio Vieira de Mello, tué dans un attentat à Bagdad, au poste de haut commissaire de l’ONU ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 36 Simone Susskind Docteur honoris causa 2000 Bruxelles, Belgique, 1947 Simone Susskind (née Weinberger) naît à Bruxelles en 1947. Son père est originaire de Pologne, sa mère de Transylvanie (Roumanie). Tous deux émigrent en Belgique au début des années 1930, fuyant la misère et l’antisémitisme. Une grande partie des membres de leurs familles sont exterminés pendant le génocide. Elle mène des études de sciences sociales puis de sciences économiques à l’ULB à la fin des années 1960. C’est là qu’elle entame son parcours de militante. Jeune étudiante sioniste, elle y rencontre Mony Elkaïm et Roger Lallemand, qui seront déterminants dans l’affirmation de ses orientations politiques. De son propre aveu, c’est au lendemain de la guerre des Six Jours qu’elle et une partie des militants sionistes qui la côtoient se rendent compte de la réalité de l’« autre » peuple, chassé de ses terres. C’est aussi l’époque de l’émergence d’un mouvement national palestinien via l’Organisation pour la libération de la Palestine, l’OLP, dont la principale revendication est celle d’un État unique. Adoptant une position différente sur la question, elle participe à la création du Comité Israël-Palestine en 1967, dont le but est de faire coexister pacifiquement les deux populations, sous le slogan « Deux peuples, deux États ». Cette façon de voir va à contre-courant à l’époque ; elle essuie les critiques des deux camps. Lorsqu’elle prend la parole au Congrès juif mondial de Jérusalem des années plus tard, elle provoque une polémique en défendant cette position, en marge des discours sionistes de l’époque. Elle s’engage en parallèle de son combat pour le Proche-Orient dans la défense de la liberté des Juifs de l’URSS. Ainsi, à la fin des années 1970, elle accueille Anatoli Kouznetsov, écrivain et dissident soviétique, à la suite de son échange contre un espion russe. Elle ULB DHC 175e rencontre David Susskind, fondateur du Centre communautaire laïc juif, une organisation judaïque et laïque très influente dans la communauté juive de Belgique. En se mariant, elle prend son nom, et ils évoluent dès lors ensemble, intellectuellement, politiquement et bientôt professionnellement. Ils reçoivent tout au long de leur vie de nombreuses personnalités, israéliennes autant que palestiniennes, montrant, malgré leur engagement sioniste, une volonté de conciliation et de territorialité partagée. Simone Susskind devient directrice du CCLJ de 1986 à 1996, à la suite de David. Elle continue sur sa lancée d’ouverture politique et milite au sein, du mouvement israélien Shalom Ah’shav (La Paix maintenant). Elle rencontre par exemple Issam Sartaoui en Israël. Celuici est numéro 2 de l’OLP et partisan palestinien du dialogue. Il le payera de sa vie en 1983. Elle codirige en 1988 l’ouvrage Judaïsme et laïcité, qui témoigne de son point de vue laïc sur la judéité. Simone Susskind se retrouve au début de la première Intifada à une réunion internationale de féministes juives à Jérusalem. À cause du contexte politique explosif, elles se demandent ce qu’elles peuvent faire en tant que femmes pour agir. À partir de cette expérience, elle organise dès 1988 toute une série de forums ayant pour thème le conflit israélo-palestinien, et plus spécifiquement le rôle des femmes dans celui-ci. L’objectif est de créer des liens et des échanges entre communautés opposées, par l’intermédiaire de la solidarité féminine. Elle est ainsi à l’origine de Women Speak Out, en 1989, auquel participe Leïla Shahid par exemple. Il y aura d’autres éditions de ce Women Speak Out, notamment en 1992 sous le patronage de Simone Veil. Elle fait le pari que la paix passera par les femmes. On assiste aussi à la création de Jerusalem Link – A Women’s Joint Venture for Peace, des centres pour l’élaboration de ces échanges solidaires féminins, dans les deux parties de Jérusalem. Elle est élue Femme de l’année 1991 en Belgique, consécration Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 37 Simone Susskind de son engagement communautaire d’ouverture. Elle participe en 1994 au sommet de Marrakech, première conférence euro-méditerranéenne de femmes (plus de 200 journalistes, militantes du monde associatif, responsables politiques…) sur le thème Les femmes et la paix. Simone Susskind crée en 1995 Actions in the Mediterranean, une association entre femmes des deux rives qui pensent que leur liberté et leur espoir d’un monde meilleur ne pourront être effectifs que par une collaboration directe. Sur le modèle des forums israélo-palestiniens, elle élargit le champ de ses actions avec les femmes. Ainsi organise-t-elle en 1996 à Bruxelles une réunion de femmes bosniaques, serbes et croates. Un an plus tard, elle convie des Burundaises, des Hutus et des Tutsis, puis des femmes chypriotes grecques et turques, en présence de personnalités israéliennes et palestiniennes. Sur le modèle de Jérusalem, c’est un Cyprus Link qui voit le jour, ainsi qu’un Women Speak Out in Cyprus. Parallèlement, elle s’engage en politique sur les listes du Parti socialiste, notamment lors des élections européennes de juin 2009. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 38 Nora Irma Morales de Cortiñas Docteur honoris causa 2000 Nora Irma Morales de Cortiñas est la mère de Carlos Gustave Cortiñas. Ce jeune militant péroniste, opposant au régime, a disparu le 15 avril 1977, pendant la dictature militaire au pouvoir en Argentine suite au coup d’État de 1976. On estime le nombre de disparus (probablement assassinés et torturés) à 30 000 pendant cette période. Le 30 avril de cette année-là, a lieu la première manifestation des mères des disparus. Elles se réunissent sur la place de Mai, en face du palais présidentiel à Buenos Aires. Elles passent presque inaperçues mais continuent à se réunir, chaque fois plus nombreuses. Ces mères, d’origines ethniques, sociales ou économiques fort différentes unissent leurs forces dans leur combat pour retrouver leurs enfants. Nora Irma Morales de Cortiñas est cofondatrice du Mouvement des mères de la place de Mai. Le mouvement connaît néanmoins une scission, trois ans après la chute de la dictature. D’un côté, le Mouvement des mères de la place de Mai-Línea Fundadora, lancé le 16 janvier 1986. Ces mères acceptent la reconnaissance et l’aide du gouvernement pour la perte de leurs fils, et leur principal combat s’effectue pour récupérer les corps et amener devant la justice les responsables. Elles participeront à beaucoup de commissions des Nations unies sur les droits de l’homme avec une approche pluraliste et non-partisane. De l’autre, l’Asociacion Madrés de la Plaza de Mayo : cette dernière association rejette le soutien du gouvernement de 1983, estimant que celui-ci n’a pas reconnu sa faute, ni les liens avec la guerre sale ni les disparitions forcées. Les mères qui en font partie continuent le combat socialiste des plus radicaux de leurs fils, et à ce titre sont en marge politiquement. Leur périodique est affilié au Réseau Voltaire. Nora Cortiñas rejoint à sa création la Línea Fundadora. En parallèle, elle étudie la psychologie ULB DHC 175e sociale. Elle est titulaire de la chaire libre « Pouvoir économique et droits de l’homme » à la Faculté des sciences économiques de l’Université de Buenos Aires. En 2000, elle reçoit le titre de docteur honoris causa de l’Université libre de Bruxelles. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 39 Wassyla Tamzali Docteur honoris causa 2000 Algérie, 1941 Wassyla Tamzali est née en Algérie en 1941, dans une famille de notables francophones. Sa famille est l’une des plus riches d’Algérie. Quand elle a 15 ans, son père est assassiné par un jeune membre du FLN, pour des raisons que la justice algérienne n’a jamais élucidées, mais probablement à cause des prétendues compromissions de ses parents avec l’autorité coloniale. Loin d’être la seule famille à posséder une fortune impressionnante pendant la période coloniale, sa particularité est son mode de vie moderne, à la française. Après l’indépendance algérienne, en 1962, les biens des Tamzali sont nationalisés. Ce drame, qui marque évidemment la jeune Wassyla, ne l’empêche pas de s’enthousiasmer pour les promesses suscitées par l’indépendance nationale. Elle exerce de 1966 à 1977 le métier d’avocate à la cour d’Alger, tout en menant en parallèle des activités journalistiques et culturelles. Elle est rédactrice en chef du premier hebdomadaire maghrébin libre, Contact, de 1970 à 1973. Au niveau culturel, elle écrit en 1975 un livre sur le cinéma maghrébin, perçu comme un plaidoyer pour la liberté d’expression, ainsi qu’un ouvrage d’art sur la parure des femmes berbères. On voit déjà les combats de Wassyla Tamzali se dessiner : droits de la femme et défense de la culture algérienne. En 1979, elle intègre l’UNESCO, chargée du Programme sur les violations des droits des femmes, au sein de la division des droits de l’homme et de la paix. De par ses origines, elle s’engage plus spécifiquement dans la lutte des femmes originaires des pays musulmans, mais aussi à un autre niveau contre la prostitution ou le trafic des femmes. Elle commence en 1989 une relative carrière politique au sein du Front des forces socialistes, en occupant divers postes dans les instances du parti. Wassyla Tamzali est nommée en 1991 coordinatrice des activités pour les femmes dans le cadre de la 4e Conférence mondiale ULB DHC 175e des femmes à Pékin. Elle organise la participation de l’UNESCO au Forum des ONG de cette conférence, conduit des activités sur l’exploitation sexuelle des femmes et s’investit également dans le Parlement des femmes des pays islamiques. Loin de ne s’intéresser qu’aux problèmes du Maghreb, son universalité la pousse à participer dès 1992 au mouvement des femmes balkaniques pour la paix et le respect dans la région, par l’intermédiaire de l’Association interbalkanique des femmes pour la paix. En 1995, elle rédige le rapport de l’UNESCO sur Le viol comme arme de guerre, eu égard à la situation en Bosnie-Herzégovine. Nommée directrice du Programme pour la promotion de la condition des femmes de Méditerranée en 1996, Wassyla Tamzali met en place des projets autour de la coopération transméditerranéenne avec le sud, comme le Forum des femmes de Méditerranée, dont elle sera d’ailleurs élue vice-présidente en 2001. Elle reçoit de nombreuses distinctions honorifiques pour son engagement. Ainsi se voit-elle décerner le Lifetime Achievement Award, lors de la commémoration du Xe anniversaire de la conférence globale organisée contre les violences sexuelles à Dhaka, en 1999. Mais elle est également élevée au grade de chevalier de l’Ordre national du mérite par Lionel Jospin, avant de recevoir un an plus tard le titre de docteur honoris causa de l’Université libre de Bruxelles, en février 2000. Elle occupe à partir de 2001 un poste d’enseignante à l’Institut de la femme à Valence, où elle donne des cours sur le dialogue interculturel et les droits de l’homme. En tant que membre de la Commission des amis du manifeste des libertés, elle prend part au Manifeste des libertés parisien qui critique une certain propension liberticide de l’islam ; Wassyla Tamzali continue à être l’actrice de diverses initiatives pour les droits des femmes et l’ouverture culturelle. La parution en 2007 de son livre Une éducation algérienne, dans lequel elle mêle des étapes de l’histoire algérienne à des éléments autobiographiques, la fait connaître davantage, en dehors des cercles habituels. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 40 Mary Robinson Docteur honoris causa 2000 Ballina, Irlande, 1944 Mary Robinson (de son nom irlandais Máire Mhic Róibín) naît le 21 mai 1944 à Ballina, dans le comté de Mayo, en Irlande. Elle reçoit son éducation à Trinity College ainsi qu’à King’s Inns à Dublin, avant de poursuivre ses études à Harvard, où elle étudie principalement le droit. Lors de son retour en Irlande, elle intègre le barreau en 1973 et entame une fructueuse carrière d’avocate, tout en enseignant le droit constitutionnel et pénal à Trinity College. Mary Robinson s’oriente petit à petit vers les droits de l’homme et leurs enjeux, et participe à plusieurs institutions de la scène internationale, telle la Commission internationale de juristes de Genève (qu’elle intègre en 1987). En tant que représentante de Trinity College, elle siège au Seanad Éireann (sénat irlandais ou chambre haute) à partir de 1969 et ce pendant 20 ans. Elle se présente sur les listes du Parti travailliste lors des élections de 1977 et de 1981, mais ne réussit pas à intégrer le Dáil Éireann (chambre basse). Pendant cette période, elle occupe une série de postes politiques (par exemple, membre du conseil communal de Dublin de 1979 à 1983). Finalement désignée comme candidate du Parti travailliste, soutenue par le Parti vert et le Parti des travailleurs, Mary Robinson gagne les élections de 1990 et devient la première présidente de la République d’Irlande. Le rôle du président acquiert sous son mandat une place plus proéminente que jusqu’alors. Elle investit le champ international et se sert de son expérience du droit pour s’impliquer dans le combat des droits de l’homme. Elle assure en 1993 les fonctions de rapporteur spécial auprès de la réunion interrégionale du Conseil de l’Europe sur le thème « Droits de l’homme à l’aube du XXIe siècle », qui sera contributive de la Conférence mondiale des droits de l’homme, ULB DHC 175e tenue à Vienne la même année. Mary Robinson est le premier chef d’État à se rendre en Somalie à la suite de la crise de 1992, et reçoit dans ce cadre le prix humanitaire spécial de l’ONG Care. Elle est également la première à visiter le Rwanda après le génocide de 1994 et retourne par la suite sur les lieux à de nombreuses occasions. En 1997, Kofi Annan annonce sa nomination au poste de haut commissaire des Nations unies pour les droits de l’homme, aboutissement logique de sa carrière politique mais aussi de sa formation juridique. Elle y pratique une politique de promotion intensive de la démocratie et des droits humains, en allant même là où aucun haut commissaire aux droits de l’homme n’était allé avant, comme en Chine. Mary Robinson quitte son poste en 2002. Elle devient présidente honoraire d’Oxfam International, et retourne à ce titre dans des pays visités sous ses deux mandats précédents, comme le Rwanda. Elle continue à s’engager en faveur des droits de l’homme et des droits des femmes, à travers des plateformes, des clubs et autres organisations, comme le Club de Madrid ou le Council of Women World Leaders. Mary Robinson s’intéresse tout autant à l’éthique et à l’histoire particulière du tiers-monde. Elle établit des liens entre l’histoire irlandaise – la famine et ses conditions – et les crises alimentaires qui traversent l’Afrique. Elle participe ainsi à l’Ethical Globalization Initiative, qui vise à incorporer les droits de l’homme dans le processus de mondialisation et à promouvoir une bonne gouvernance. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 41 Jean-Didier Vincent Docteur honoris causa 1999 Libourne, France, 1935 À la fin de ses études à l’Université de Bordeaux, en 1965, Jean-Didier Vincent est reçu professeur agrégé de physiologie. Il devient clinicien en psychiatrie puis professeur titulaire en 1977 avant de s’orienter vers la recherche. Il se concentre sur l’électrophysiologie (l’étude de l’activité électrique du cerveau), puis sur la neuroendocrinologie (étude des hormones produites par le système nerveux). Il dirige un laboratoire associé au CNRS de 1973 à 1978, puis une unité de recherche à l’INSERM qu’il a créée en 1978, l’Unité de neurobiologie des comportements. De 1974 à 1979, Jean-Didier Vincent est doyen de la Faculté de médecine de l’Université de Bordeaux II et, de 1979 à 1991, directeur de l’Unité de neurobiologie des comportements de l’INSERM. À partir de 1991 et jusqu’en 2004, il est directeur de l’Institut de neurobiologie Alfred Fessard du CNRS. Jean-Didier Vincent a beaucoup contribué au développement de la neuroendocrinologie qui comprend l’étude des interactions entre hormones et système nerveux, le cerveau étant considéré comme une glande endocrine. De 1994 à 2002, il est vice-président du Conseil national des programmes au ministère de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche et président du conseil du département des sciences de la vie du CNRS. En 2002, il devient président du Conseil national des programmes au ministère de l’Éducation nationale, membre du comité d’éthique des sciences du CNRS et du comité d’éthique et de précaution pour les applications de la recherche agronomique de l’Institut scientifique de recherche agricole (INRA). Membre du directoire de la Fondation pour l’innovation politique, il préside depuis octobre 2005 l’Association pour l’université numérique francophone mondiale. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 42 Claude Allègre Docteur honoris causa 1998 Paris, France, 1937 La famille de Claude Allègre est originaire du village de Ceilhes dans l’Hérault, région du LanguedocRoussillon en France. Il est le fils d’une institutrice et d’un professeur agrégé de physique-chimie. Durant sa jeunesse, il se lie d’amitié avec Lionel Jospin, avec qui il réside à la cité universitaire Jean Zay d’Antony, à l’époque la plus grande résidence universitaire en Europe. Claude Allègre restera un ami fidèle et un soutien politique du futur premier ministre. À l’issue de ses études à l’Université de Paris, il soutient en 1967 une thèse de doctorat en sciences physiques intitulée Introduction à la géochronologie des systèmes ouverts. Son parcours scientifique va ensuite s’axer sur la recherche en géochimie. Par ailleurs, il fonde l’école de géochimie qui est aujourd’hui de renommée internationale. Claude Allègre est considéré comme un pionnier dans le domaine de la géologie isotopique. Ses travaux de recherches ont en effet permis de mieux comprendre le fonctionnement global chimique de la terre. À la fin des années 1960, il dirige une équipe de géochimie à Paris, qui rallie rapidement l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP), dont il assume la direction de 1976 à 1986. Spécialisé en géophysique et en géochimie, l’IPGP a pour mission d’observer les phénomènes naturels (volcanologie, sismologie, géomagnétisme...) et d’assurer la recherche dans ce domaine sensible. Sous la direction de Claude Allègre, l’Institut fait des recommandations d’utilité publique, notamment en préconisant en 1976 l’évacuation d’urgence de la population installée aux alentours du volcan la Soufrière en Guadeloupe. ULB DHC 175e À la même époque, précisément de 1981 à 1983, il devient membre du conseil scientifique du CNRS (Centre national de recherche scientifique) et fonde en 1981 l’Union européenne des géosciences. Enfin, de 1992 à 1997, il préside le Bureau de recherche géologiques et minières (BRGM). Son parcours scientifique sera récompensé par l’attribution en 1994 d’une médaille d’or du CNRS, certainement la distinction la plus prestigieuse pour un chercheur à l’échelle française. Sept ans auparavant, en 1987, il s’était vu décerné la médaille Wollaston de la Geological Society of London. Ancien militant du Parti socialiste unifié (PSU), Claude Allègre entame une carrière politique active à partir de 1973 en rejoignant le Parti socialiste (PS). Membre engagé, il en intègre le comité directeur en 1987 et est élu député européen de 1989 à 1994. Conseiller spécial de Lionel Jospin à l’Éducation nationale de 1998 à 1992, il est, entre autres, l’initiateur du plan Université 2000. N’hésitant pas à aborder de front les sujets sensibles, il propose une réforme profonde du système des classes préparatoires, qui se heurte à une levée de bouclier. Il fait, par ailleurs, partie des conseillers de Lionel Jospin qui refusent le renvoi des jeunes filles musulmanes voilées des écoles publiques et, par là même, il s’oppose au projet de loi sur le port du voile islamique en France dans les établissements scolaires. Dans la même période, en 1990, il devient membre du bureau exécutif, mais en démissionnera deux ans plus tard. Ceci n’empêchera pas Lionel Jospin, alors premier ministre d’un gouvernement de cohabitation, de confier à Claude Allègre le ministère de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie en juin 1997. À ce poste, il est convaincu que les réformes d’ampleur au sein de l’éducation nationale sont prioritaires. Sa petite phrase – « il faut dégraisser le mammouth » – suscite une vive polémique. Dès 1998, il est à l’initiative Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 43 Claude Allègre des réunions et des conférences internationales qui entraîneront la création d’un Espace européen de l’enseignement supérieur, clé de voûte du « système de Bologne ». Il reçoit cette même année le titre de docteur honoris causa de l’ULB. En 2000, à la suite de nombreuses manifestations, il est poussé à la démission et est remplacé par l’incontournable Jack Lang. Après l’échec de Lionel Jospin au premier tour des élections présidentielles d’avril 2002 et de son retrait de la vie politique, Claude Allègre se fait plus discret au sein du PS, non sans avoir vivement critiqué Ségolène Royal, candidate socialiste aux élections présidentielles de 2007. Il décide finalement de ne pas reprendre sa carte de militant du PS en 2008. L’actualité le rattrape pourtant sur un autre terrain, celui du réchauffement climatique. Dans une série d’articles de presse, Claude Allègre fait état de son scepticisme à l’égard des analyses et interprétations de la majorité des climatologues sur la question du réchauffement. Le débat vire à la polémique lorsqu’il prend position contre le principe de précaution et la mise en vigueur de la taxe carbone, qu’il considère comme deux obstacles au progrès économique. La controverse monte d’un cran avec la parution en 2010 d’un livre d’entretiens dont le titre ne cultive pas l’ambiguïté : L’imposture climatique. L’ancien ministre y dénonce avec véhémence le pouvoir et l’interprétation des experts internationaux en climatologie. D’un autre côté, le livre, fortement relayé sur la scène médiatique, fait l’objet d’une série de critiques pour ses erreurs et approximations factuelles. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 44 Marc Van Montagu Docteur honoris causa 1997 biotechnologique. En 1984, il est le premier à produire du tabac transgénique et à obtenir l’expression d’un gène étranger dans une plante. Gand, Belgique, 1933 Après avoir obtenu un diplôme de docteur en chimie à l’Université de Gand en 1965, Marc Van Montagu devient professeur ordinaire ainsi que directeur du Laboratoire de génétique de l’Université de Gand. Ses principaux domaines de recherche sont la biologie cellulaire, la chimie, la virologie, la biotechnologie, l’ingénierie et la microbiologie. Il s’est rendu célèbre, dans les années 1970, par la découverte en collaboration avec Jozef Schell, scientifique anversois, de l’ingénierie basée sur Agrobacterium tumefaciens, utilisée dans le monde entier pour la production de plantes génétiquement modifiées aux usages variés. Actuellement, Marc Van Montagu est président de la European Federation of Biotechnology, une ONG qui promeut les biotechnologies et il est, par ailleurs, directeur scientifique du Département de génétique de l’Institut de biotechnologies et professeur extraordinaire à la Vrije Universiteit Brussel (VUB). À ce titre, il intervient dans le débat public pour souligner les apports du génie génétique : la pollution serait endiguée et les plantes génétiquement modifiées apporteraient une solution à la famine et à la surpopulation dans le monde. En 1982, son laboratoire crée les premières plantes transgéniques. Marc Van Montagu et son équipe offrent la possibilité de créer des plantes pouvant produire des vaccins, des facteurs sanguins humains, des anticorps, mais également de contrôler et d’améliorer la qualité nutritive des plantes ou encore de créer des dérivés industriels comme pour le colza. La même année, il crée avec Jozef Schell l’entreprise Plant Genetic Systems, une société biotechnologique localisée à Gand. Elle fait partie de Bayer CropScience depuis 2002. Ses activités se focalisent sur la génétique des plantes. L’entreprise est surtout connue pour ses travaux dans le développement de plantes transgéniques résistantes aux insectes. PGS est la première entreprise à développer des plantes obtenues par génie génétique avec une tolérance aux insectes. Van Montagu est directeur scientifique jusqu’en 1996, date du rachat de la société par Hoechst. Il crée également un laboratoire européen pour la valorisation de la forêt amazonienne et l’étude de la biodiversité à Kourou (Guyane) et a aussi participé à la fondation de CropDesign, une société ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 45 André Capron Docteur honoris causa 1997 Lens, France, 1930 André Capron effectue ses études secondaires aux lycées de Cambrai et de Laon et ses études universitaires aux facultés de médecine et des sciences de Lille. Étudiant passionné de recherche, il fréquente le Laboratoire de parasitologie de la Faculté de médecine comme préparateur, puis comme assistant où il aide à l’identification de nouvelles espèces de trématodes. En 1958, il obtient simultanément les titres de docteur en médecine et de licencié en sciences de l’Université de Lille. Il effectue ensuite un voyage de deux ans, jusqu’en 1960, à Madagascar où il accomplit son service militaire tout en poursuivant ses travaux de recherche à l’Institut Pasteur sur la schistosomiase. ULB DHC 175e immunitaires dans les affections parasitaires humaines. Le fait qu’aujourd’hui il n’existe pas encore de moyens immunologiques de prévention justifie les recherches visant au développement d’une stratégie vaccinale car ces maladies touchent plusieurs millions de personnes. L’ensemble des travaux menés s’inscrit à la fois dans le cadre des recherches de base en immunologie et parasitologie mais aussi dans le cadre de programmes concernant la recherche scientifique pour les pays en développement. Le centre est actuellement composé de plus de 80 personnes dont 37 chercheurs. Il utilise grâce à un équipement très varié les épistémologies les plus actuelles de l’immunologie et de la biologie cellulaire et moléculaire pour l’approche des différentes endémies parasitaires. À son retour en France, il oriente ses travaux vers l’immunologie parasitaire, branche dont il est le fondateur, et devient maître de conférence. En 1970, André Capron est titulaire de la chaire d’immunologie de la Faculté de médecine au Centre hospitalier régional de Lille et devient professeur à l’Université de Lille, où il restera jusqu’en 2000. Il entame alors des recherches capitales qui conduisent à l’identification d’une protéine vaccinante dans la schistosomiase. À la même époque, il rencontre sa femme, Monique Capron, également chercheuse et aujourd’hui professeur d’immunologie à l’Université de Lille II. Activement engagé dans les actions de recherche en faveur des pays en développement, André Capron prend part aux principales actions nationales et internationales dans ce domaine, comme celle de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et assure avec son équipe un rôle d’animation au sein de ces organismes. En 1978, André Capron et son équipe découvrent les premiers anticorps monoclonaux antiparasitaires ainsi que plusieurs nouveaux mécanismes de cytoxicité et de régulation des réponses antiparasitaires au cours des années 1980 et 1990. De 1977 à 2000, il dirige l’unité de recherche Inserm 167, intitulée depuis 1994 « Relation hôte-parasite et stratégies vaccinales ». En 1975, son laboratoire devient le Centre d’immunologie et de biologie parasitaire de l’Institut Pasteur de Lille et obtient le statut d’unité de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) puis d’unité mixte INSERM-CNRS. Il en est le directeur jusqu’en 2001. Le Centre d’immunologie et de biologie parasitaire consacre l’essentiel de son activité scientifique à l’étude des mécanismes En 1980, avec la venue de la biologie moléculaire, André Capron développe avec son équipe des travaux sur la génétique moléculaire des schistosomes qui conduisent, en 1987, à la préparation des différentes protéines vaccinantes, demeurées au stade expérimental clinique depuis 1998. Il pourrait s’agir d’un vaccin potentiel contre la bilharziose, seconde endémie parasitaire mondiale après le paludisme. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 46 La même année, il devient président du Conseil scientifique de l’INSERM, et ce jusqu’en 1991. Parallèlement à ses recherches, il s’investit résolument dans le développement de la recherche biologique et médicale dans les pays en développement. Il crée dans les années 1980 avec Pierre Aigrain (physicien français, secrétaire d’État chargé de la recherche sous Valéry Giscard d’Estaing) la première commission nationale « Santé et développement », puis préside, de 1983 à 1987, le premier programme européen des sciences et techniques en faveur du développement. À la même époque, il est président du programme sur la schistosomiase de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et, à l’issue de ce mandat, il devient membre du groupe d’experts conseillers scientifiques de l’OMS de 1987 à 1999 et membre du comité de conseil scientifique et technique de l’OMS de 1988 à 1992. Parallèlement, il a mis en œuvre le European Special Program of Operational and Integrated Research (ESPOIR) sous l’égide de l’Union européenne. Très préoccupé par les maladies qui sévissent dans les pays en développement, il se rend régulièrement dans ces pays. En 1994, André Capron devient directeur de l’Institut Pasteur de Lille jusqu’en 2000. Il est également professeur émérite à l’Université de Lille et directeur honoraire de l’Institut Pasteur de Lille. Depuis 2001, il est membre du conseil scientifique de l’École normale supérieure. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 47 Marek Edelman Docteur honoris causa 1996 Homel, Biélorussie, 1919 – Varsovie, Pologne, 2009 Marek Edelman est né à Homel (Biélorussie actuelle) mais, rapidement, sa famille déménage à Varsovie. Ses parents sont membres du Bund, l’association juive animée par des principes socialistes, ainsi que du mouvement ouvrier juif. Ils meurent alors que Marek n’est qu’un enfant, et celui-ci est recueilli et élevé par des amis bundistes également. Ces derniers fuient la Pologne lors des bombardements allemands en 1939. Marek a 20 ans et il reste à Varsovie. Le 12 octobre 1940, il est sommé ainsi que 380 000 autres Juifs d’aller s’installer dans le ghetto. Il milite très jeune au SKIF et à Zukunft, deux organisations de jeunesse affiliées au Bund. Il participe aux actions de la résistance et travaille à l’édition et à la distribution de journaux clandestins dans le ghetto. Il entre très rapidement à la direction du Bund et, en octobre 1942, il est un des fondateurs de l’Organisation juive de combat, dont le but est de résister à l’occupation nazie durant la seconde guerre mondiale. Il y seconde Mordechaj Anielewicz. Le 19 avril 1943, les nazis ordonnent la liquidation du ghetto. Deux cents combattants résistent aux 2 000 soldats de la Wehrmacht pendant trois semaines. Le 8 mai, Mordechaj Anielewicz est tué et Marek Edelman devient le commandant du soulèvement du ghetto de Varsovie. Seule une quarantaine de personnes réussirent à survivre aux combats acharnés. Parmi eux, Marek Edelman qui prend la fuite par les égouts. En août 1944, il participe à l’insurrection de Varsovie. Après la guerre, il devient un cardiologue réputé à l’hôpital Sterling de Lódz. Il est à l’origine de la première transplantation cardiaque en Pologne. Beaucoup de survivants émigrent notamment au ULB DHC 175e Canada et en Israël mais lui décide de rester en Pologne malgré de nouveaux pogroms en 1946. En 1968, le parti communiste polonais organise une campagne antisémite. Marek Edelman est renvoyé de l’hôpital, son épouse, la pédiatre Alina Margolis, rencontre des problèmes dans son travail et leurs enfants subissent des brimades à l’école. En 1971, Alina Margolis décide de s’installer avec leurs enfants en France (où elle sera l’une des fondatrices de Médecins du monde). Marek reste fidèle à son credo et refuse de quitter la Pologne. Dans les années 1970, il est actif dans l’opposition au régime communiste et travaille à la défense des ouvriers. En 1980, il prend part à la création du syndicat Solidarnosc, il participe à ses fondements idéologiques et philosophiques. Un an plus tard, il en est élu délégué et participe au premier congrès de Solidarnosc en y représentant la ville de Lódz. Il quitte le syndicat dès son arrivée au pouvoir mais continue son action en étant député de l’Union démocratique de 1989 à 1993, lors de la phase de démocratisation de la Pologne. Il réintègre alors l’hôpital et y travaille jusqu’en 2007. Après la chute du communisme, il dénonce régulièrement le racisme et les conflits ethniques. En 2002, en réaction au conflit israélo-palestinien, il écrit une lettre aux groupes armés palestiniens pour leur demander d’arrêter les attentats-suicides. Or ses relations avec Israël ne sont pas évidentes, car il est resté fidèle aux idées du Bund, mouvement peu favorable au sionisme. Pour Élie Barnavi, « [en Israël] Edelman n’a pas bonne presse. Il est un héros incontestable mais dans la mémoire collective israélienne, il reste un juif diasporique. Dans le conflit idéologique qui structure le pays, le vrai héros soutient le projet sioniste. Le vrai héros du ghetto, pour Israël, c’est Anielewicz. » À la différence des autres rescapés de la guerre, Marek Edelman n’a jamais participé aux commémorations officielles de Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 48 l’insurrection du ghetto de Varsovie. Il a son propre rituel de commémoration, chaque année, en arpentant les rues de Varsovie en direction de l’ancien ghetto juif et en se recueillant devant les monuments à la mémoire des combattants du ghetto. Au départ seul, il est rejoint au fur et à mesure des années, par des proches puis par des personnalités (comme le pape Jean-Paul II ou le vice-président américain Al Gore), au rythme de chants yiddish et de l’hymne du Bund. Marek Edelman porte le titre de Doctor of Humane Letters de l’Université de Yale depuis 1989. Le 18 avril 2006, le titre de docteur honoris causa de l’Université libre de Bruxelles lui est décerné et le 15 avril 2008, Marek Edelman accepte de recevoir l’insigne de commandeur de la Légion d’honneur lors du passage du ministre des Affaires étrangères français à Varsovie. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 49 Arthur Haulot Docteur honoris causa 1996 Angleur, Belgique, 1913 – Bruxelles, Belgique, 2005 Arthur Haulot grandit dans un milieu d’sartisans (son père est ébéniste) socialistes. Il mène sa scolarité à l’école moyenne de la rue Jonfosse à Liège, grâce au Fonds des mieux doués. Après avoir quitté l’école à 16 ans, Arthur travaille à la Fabrique nationale de Herstal puis dans une banque coopérative en tant que comptable. Travail peu épanouissant auquel il échappe grâce à Isi Delvigne, orateur socialiste, qui a remarqué ses articles dans Les Faucons rouges, le journal socialiste. Il est engagé en 1931 à La Wallonie, le quotidien syndical liégeois, où il entame véritablement sa carrière de journaliste. Quatre ans plus tard, il devient journaliste à l’INR (Institut national de radiodiffusion) et ce jusqu’en 1937, date à laquelle il devient attaché de cabinet du ministère des Communications. En 1938, deux ans après l’instauration des congés payés en Belgique, il est nommé inspecteur à l’Office national des vacances ouvrières par le Parti ouvrier belge, pour collaborer avec le ministre Marcel Henri Jaspar auprès du fonctionnement de la Commission nationale des vacances ouvrières. Il fonde le commissariat général au tourisme avec son ami Henri Janne, sociologue francophone. Durant cette même période, il entre en poésie par le biais de textes militants composés pour la société ouvrière. Son militantisme se poursuit durant la seconde guerre mondiale au sein du Parti socialistebelge clandestin. Arthur Haulot est arrêté lors d’une opération clandestine en 1941 par la Gestapo et, en raison d’un attentat commis dans un restaurant réservé aux officiers allemands, il est incarcéré durant plus de trois ans dans des camps de concentration, notamment Mauthausen et Dachau. En 1945, à peine rentré en Belgique, il ULB DHC 175e repart en Allemagne durant huit mois en tant que correspondant de guerre et témoigne de l’horreur des camps de concentration dans un livre intitulé Dachau publié dès son retour. Afin de commenter personnellement le procès de Nuremberg, il renoue avec le métier de journaliste pour Le Peuple, quotidien syndicaliste socialiste bruxellois. Son action pendant la guerre lui vaut de hautes distinctions belges et étrangères comme, la Légion d’honneur et la Croix de guerre française avec palmes ainsi que la médaille tchécoslovaque de la résistance. En 1946, il devient commissaire général au Tourisme, et ce jusqu’au 1er décembre 1978. Il préside aux destinées de la Commission européenne du tourisme, puis de l’Organisation mondiale du tourisme. À partir de 1951, devenu codirecteur du Journal des poètes, il fonde avec Pierre-Louis Flouquet les Biennales internationales de poésie qui prennent place en premier lieu à Knokke puis à Liège. En 1973, Arthur Haulot crée le Bureau international du tourisme social dont il est secrétaire général jusqu’en 1988, année où il devient président de la Maison internationale de la poésie à Bruxelles. Entre 1992 et 2005, il se consacre essentiellement à la sociologie et à la poésie en publiant de nombreux recueils. Il devient, en 1992, président de l’ASBL Causes communes, une opération lancée pour secourir des victimes de l’ex-Yougoslavie et, en 1994, il y est chargé en tant qu’ancien prisonnier politique de présider le Comité de coordination du cinquantième anniversaire de la libération des camps de concentration. Il est président de l’Amicale des anciens de Dachau et vice-président du Comité international de Dachau. Parallèlement il préside et anime le groupe Mémoire. Arthur Haulot a, sa vie durant, beaucoup insisté sur le devoir de mémoire, et sur la nécessité de maintenir et de faire évoluer les valeurs fondamentales, la liberté, la tolérance, la démocratie, pour lesquelles ceux Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 50 de sa génération se sont battus et pour lesquelles beaucoup ont perdu la vie. En 1993, il est fait baron par le roi Baudouin et en 1996, il reçoit les insignes de docteur honoris causa de l’Université libre de Bruxelles en hommage à ses actions de résistance au cours de la seconde guerre mondiale. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 51 Immanuel Wallerstein Docteur honoris causa 1996 New York, États-Unis, 1930 Immanuel Wallerstein naît dans une famille privilégiée d’intellectuels de gauche. Il entre à l’Université de Columbia à 17 ans et y obtient sa licence de sociologie en 1951. Il s’engage alors pour deux ans dans l’armée des États-Unis, en pleine guerre de Corée. Il participe au Youth International Congress en 1952 à Dakar où il découvre les prémices des mouvements indépendantistes. À son retour en 1953, il consacre son mémoire au maccarthysme, phénomène omniprésent de la culture politique américaine. Il est alors considéré par ses pairs comme un sociologue politique mais décide de ne pas étudier la politique américaine. Depuis l’université, il s’intéresse en effet beaucoup au monde non-occidental. En 1955, il décroche la bourse africaine de la Fondation Ford pour aller étudier en Afrique, puis intègre l’Université d’Oxford pour un an. En 1959, il soutient sa thèse sur la Côte d’Ivoire et la Côte-de-l’Or/Ghana, deux pays aux fortes revendications indépendantistes, thèse fortement influencée par le théoricien social Frantz Fanon. Il remet en cause le concept d’État-nation dans ces régions où les structures sont la suite logique du colonialisme et de l’impérialisme. Bien que l’Afrique n’occupe plus une place primordiale dans la suite de son parcours intellectuel, ses études lui ont ouvert les yeux sur les conséquences politiques du monde contemporain et ont ouvert la voie à son analyse du système-monde. À la fin des années 1960, il s’engage aux côtés des étudiants dans les protestations anti-Vietnam, face aux administrateurs d’université. Il témoigne de cette expérience dans un livre (University in turmoil, 1969) et quitte Columbia pour rejoindre l’Université McGill de Montréal en 1971. Il y est influencé par la vision historique de Fernand Braudel, concevant l’histoire ULB DHC 175e comme un ensemble de processus historiques systémiques à plusieurs temporalités. Il publie en 1974 The modern world-system, ouvrage majeur traduit dans 13 langues et augmenté de deux volumes supplémentaires en 1980 et 1989. La thèse principale de Wallerstein est que le capitalisme est un système socio-économique spécifique, caractérisé par une division axiale du travail résultant d’une forte inégalité des rapports marchands entre différentes zones. Il intègre en 1976 l’Université de Binghamton (New York), où il crée le Braudel Center for the Study of Economies, Historical Systems and Civilizations, ainsi que la revue associée à ce centre. Il est de 1994 à 1998 président de l’Association internationale de sociologie. Au cours de ce mandat, il est invité à recevoir le titre de docteur honoris causa de l’ULB. Sa conférence, faite conjointement avec Ilya Prigogine, illustre bien la nouvelle direction que prend sa réflexion : il se concentre sur les paradigmes inconscients du XIXe siècle et vers une vision critique des structures de la production du savoir dans le paysage académique du système-monde. Il participe dans ce cadre à la Gulbenkian Commission on the Restructuring of the Social Sciences (1993-1995) et publie des ouvrages comme The Uncertainties of Knowledge (2004). Wallerstein intègre l’Université de Yale en 2000, une reconnaissance de sa contribution intellectuelle qui coïncide avec son engagement politique accru (comme en témoigne sa participation à divers forums sociaux mondiaux ces dernières années, faisant de lui une des grandes figures intellectuelles de l’altermondialisme). En mars 2010, il est invité par l’ULB à prononcer une conférence intitulée « Crise mondiale politico-économique : quels sont nos choix ? » Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 52 Andrzej Wajda Docteur honoris causa 1995 Suwałki, Pologne, 1926 Né d’un père officier de carrière (assassiné lors du massacre de Katyn en 1940) et d’une mère institutrice, Wajda grandit dans un environnement militaire. Il s’engage à l’âge de 16 ans dans l’Armia Krajowa, mouvement de résistance dirigé par le gouvernement polonais en exil. Wajda passe son adolescence à Radum, au sud de Varsovie, il continue à aller à l’école tout en travaillant comme manœuvre chez un tonnelier puis chez un serrurier. Il consacre son temps libre à la restauration de fresques d’églises. Après la guerre, il entre à l’Académie des beaux-arts, où il étudie la peinture jusqu’en 1949. À cette période, il adhère à l’Association de la jeunesse socialiste indépendante. Il étudie ensuite pendant trois ans à l’école de cinéma de Lódz, parallèlement à la restauration de l’église de Saint-Bernardin. C’est à cette époque qu’il rencontre Roman Polanski, Jerzy Lipman (opérateur) et Bohdan Czesko, scénariste de son premier film, Génération (1954). Son style se démarque par la beauté et la violence des images, et par une rupture avec les canons du réalisme socialiste. En 1957 sort son long-métrage Ils aimaient la vie, qui obtient le Prix spécial du jury du festival de Cannes. Ce film raconte l’histoire des insurgés de Varsovie en 1944, dont Wajda ignorait tout au moment des faits. Cette démarche est une constante, Wajda cherchant à « réparer » son absence lors des atrocités subies par son pays pendant la guerre. Néanmoins, l’espoir et l’optimisme subsistent dans toute son œuvre. Avec Cendres et diamants, en 1958, Wajda atteint la consécration. Il mène parallèlement d’autres activités artistiques. Fervent militant de la sauvegarde de l’identité du cinéma européen, Wajda préside en 1972, l’Union des cinéastes polonais et fonde le label de production X avec Boleslaw Michalek, avec lequel il réalise notamment Les ULB DHC 175e noces en 1973. Les années 1980 correspondent surtout à son activité cinématographique à l’étranger, tel le Danton (1982) dans lequel il évoque les derniers jours de l’homme politique. Wajda est l’homme des fresques, des épopées, d’un cinéma baroque qui s’empare des grands thèmes de l’Histoire, européenne en général ou polonaise en particulier. Il s’inspire régulièrement de la société polonaise d’après 1945, mettant au jour le dilemme entre aspirations individuelles et engagement politique, entre le culte nationaliste de l’héroïsme et la dénonciation de la bêtise, de la haine, du mépris et de la compromission politique. Il s’interroge sur le don de soi, l’abnégation personnelle au service des idées. En 1983, il tourne Un amour en Allemagne, drame sur les amours malheureuses d’une Allemande et d’un Polonais durant la seconde guerre mondiale. À l’échelle nationale, il incarne l’élite artistique du mouvement libéral de Solidarnosc et il soutient Lech Wal˛esa pendant sa campagne. Lorsque les réformateurs arrivent au pouvoir, Wajda préfère se consacrer aux arts qu’à la politique, pour devenir un artiste-militant. En 1981, il reçoit la Palme d’or à Cannes pour L’homme de fer, la suite de L’homme de marbre de 1977. Ce diptyque, tourné au moment des premières actions de Solidarnosc, évoque une Pologne en crise qui aspire à la démocratie et à la liberté. En 1988, il adapte dans une production européenne Les Possédés de Fedor Dostoïevski. Wajda décide de participer à nouveau à la vie politique de son pays en 1991, date à laquelle il devient sénateur. En 1995, avec Théodore Angelopoulos, André Delvaux, et Henri Storck, il est fait docteur honoris causa de l’Université libre de Bruxelles. En 2000, le cinéaste polonais reçoit un Oscar d’honneur pour l’ensemble de sa carrière et, en 2006, un Ours d’honneur au festival de Berlin. En 2007, il réalise un film sur le massacre qui l’a rendu orphelin de père, celui des officiers et des élites polonaises par les soviétiques, Katyn. Wajda vit aujourd’hui entre Cracovie et Varsovie. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 53 Henri Storck Docteur honoris causa 1995 Ostende, Belgique, 1907 – Uccle, Belgique, 1999 Henri Storck est considéré comme un pionnier du cinéma. Il s’investit non seulement dans le documentaire, mais aussi dans les domaines du film sur l’art, de la fiction et du film anthropologique. Il produit plus de septante films et a suivi toutes les évolutions technologiques du cinéma. Issu d’une famille aisée d’artisans originaire d’Allemagne, Henri Storck poursuit ses études secondaires dans la section française de l’athénée d’Ostende. Son père décède en 1923 et Henri Storck renonce à ses études à Bruxelles pour aider sa mère au magasin familial de chaussures. Celle-ci se charge de poursuivre son éducation à domicile. À 17 ans, il devient président de l’Association des marchands de chaussures de la Flandre occidentale et entre, comme son père, au Rotary de la section d’Ostende. Sa mère, attentive aux aspirations artistiques de son fils, invite des artistes à la maison. Il rencontre ainsi son futur mentor, le docteur De Knop, qui l’introduit dans les cercles artistiques de sa ville. Il y côtoie Ensor, Permeke, Spilliaert et Labisse. Ce contact à l’art et surtout à la peinture influence sa conception du cinéma, qu’il caractérise par le mouvement. Dès son enfance, les projections au Cinéma Palace de sa ville natale exercent sur lui une impression profonde et font de lui un cinéphile qui évolue en cinéaste professionnel. La fondation et l’animation par Henri Storck en 1928 du Club de cinéma d’Ostende marquent son entrée dans le monde du septième art. La rédaction, l’année suivante, d’un manifeste intitulé Eureka ! révèle son intérêt pour la carrière de ULB DHC 175e cinéaste. Henri Storck espère percer à Paris où il fréquente les milieux artistiques communistes. Ses films amateurs d’actualité sur Ostende lui valent le titre de « cinégraphiste officiel » de la ville en 1930. Autodidacte, Henri Storck s’intéresse au surréalisme, à la psychanalyse, à Marx et à la Russie soviétique. Son esprit idéaliste s’adapte bien à l’idéologie communiste de Paris, ce qui l’amène en 1934 à fonder l’Association révolutionnaire culturelle (ARC), section belge de l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR), selon les directives de Louis Aragon, rencontré en 1933. Henri Storck continue à produire des films durant l’occupation nazie, ce qui a suscité des controverses. Ses premières œuvres se classent dans le courant surréaliste d’avant-garde. La plupart de ses films sont des commandes, seul moyen de subsistance à cette époque où rien n’était prévu pour un cinéma national. Il essaye donc de percer là où le cinéma est le plus encouragé. Il tente plusieurs fois sa chance à Paris ou à Hollywood, mais une collaboration avec Fritz Lang et un projet pour le film Bula Matari ne se concrétisent pas. En 1930, Henri Storck participe au deuxième Congrès international du cinéma indépendant qui se tient à Bruxelles. Il y fait des rencontres décisives : Joris Ivens, cinéaste néerlandais aux convictions communistes marquées, avec qui il coproduit en 1933 Misère au borinage, Jean Vigo qui devient par la suite un ami très proche, et Germaine Dulac, directrice de production du consortium parisien de Gaumont qui l’engage dans la société Gaumont Franco-Film Aubert. Il y travaille auprès de Pierre Billon et de Jean Grémillon. Il démissionne l’année suivante et rentre à Ostende où il fonde la maison de production Ankerfilm. En 1932, Storck est l’un des animateurs du ciné-club révolutionnaire, le Club Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 54 de l’écran, qui est à l’origine de la fondation de la Cinémathèque de Belgique en 1938, et dont il est l’un des piliers. Il crée ensuite avec René-Ghislain Le Vaux la société Cinéma-Édition-Production. Après 1945, grâce à son film Misère au Borinage, Henri Storck fait son entrée dans l’histoire du cinéma mondial et est reconnu comme cinéaste professionnel. Dès lors, il poursuit des activités multiples. Il porte son attention sur les jeunes réalisateurs et leur enseigne son savoir. Tout au long de sa vie, Henri Storck s’interroge sur l’essence du cinéaste contemporain et s’investit pour faciliter les réalisations cinématographiques en Belgique. Dans ce but, il fonde différentes institutions comme le Centre de l’audiovisuel à Bruxelles en 1978 et le Centre du film sur l’art en 1980. En plus d’être reconnu dans son propre pays, Henri Storck est aussi une figure internationale. Il s’implique activement dans l’Association internationale des documentaristes qu’il a fondée en 1964 ainsi que dans la Fédération internationale des films sur l’art. La Fondation internationale scientifique et l’UNESCO lui commandent des films. Henri Storck reçoit les titres de docteur honoris causa de la VUB en 1978 et de l’ULB en 1995 dans le cadre du centenaire du cinéma et conjointement à Théodore Angelopoulos, André Delvaux et Andrzej Wajda, pour souligner l’importance de sa place dans le paysage cinématographique belge. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 55 André Delvaux Docteur honoris causa 1995 de langage et de réalisation cinématographique, cours qu’il donnera jusqu’en 1986. Heverlee, Belgique, 1926 – Valence, Espagne, 2002 Né en 1926 près de Louvain, André Delvaux est issu d’une famille néerlandophone ; il effectue néanmoins ses études primaires et secondaires en français à Bruxelles. Après l’occupation allemande, il commence des études de philologie germanique à l’ULB et obtient une licence en 1948. Parallèlement, il étudie le piano et la composition au Conservatoire royal. Il donne des cours de langues à l’athénée dont il est issu, celui de Schaerbeek, tout en poursuivant ses activités musiciennes. Il est invité par Jacques Ledoux à accompagner au piano les séances de films muets de ce qui deviendra le Musée du cinéma. Cette activité lui permet de rencontrer ceux qui feront le cinéma belge des années à venir, ainsi que Denise Debbaut, qui deviendra sa femme mais aussi une « collaboratrice de tous les instants ». À la même époque, il commence à réaliser des documentaires, notamment sur le cinéma. Il réalise un court-métrage avec les élèves d’une de ses classes (Nous étions treize, 1956), ce qui fait de lui un pionnier de l’enseignement du cinéma en Belgique. Le ministère de l’Éducation nationale lui demande alors d’organiser les premiers stages de formation cinématographique destinés aux professeurs de l’enseignement secondaire. Il dirige aussi, à l’initiative de Raymond Ravar, un séminaire d’étude du langage cinématographique à l’Institut de sociologie de l’ULB. De l’activité de ce groupe naît en 1962 l’INSAS (Institut national supérieur des arts du spectacle) dont André Delvaux est l’un des cofondateurs et Raymond Ravar le directeur. Cet institut vise à combler les lacunes de la formation professionnelle aux métiers du cinéma en Belgique. Delvaux y est chargé du cours ULB DHC 175e Peu de temps après, il réalise son premier longmétrage, L’homme au crâne rasé (1965) dont l’accueil fut mitigé en Belgique mais qui eut un grand retentissement en France. Le cinéaste détonne, car il n’est pas issu d’une formation classique, il a fait son apprentissage par la pratique, notamment grâce au chef opérateur Ghislain Cloquet, avec qui il a collaboré. Les premiers films de Delvaux s’inscrivent dans la lignée du réalisme magique (un mélange entre le réel et l’imaginaire), auquel son nom est le plus souvent associé. Il s’écarte cependant de cette tendance vers 1975 et réalise Femme entre chien et loup, un film qui marque un tournant dans ses préoccupations car il aborde un sujet grave et lourd de conséquences en Belgique : la collaboration pendant la seconde guerre mondiale et les excès de la résistance à la libération. Delvaux cultive son caractère belge, en adaptant des œuvres d’écrivains belges, et bicommunautaire en étant soutenu financièrement par les deux communautés. Parmi ses nombreux collaborateurs figurent Ivo Michiels, avec qui il a écrit plusieurs scénarios, et Frédéric Devreese, qui a composé la musique de la plupart de ses long-métrages. André Delvaux a composé lui-même la musique de plusieurs films de Jean Brismée et a aussi été acteur. S’il est certainement le « père du cinéma belge », il est également l’un des premiers réalisateurs belges à obtenir une reconnaissance internationale. En 1995, alors qu’il approche des 70 ans, il connaît la consécration : il est fait baron par le roi des Belges ; il est choisi pour donner sa leçon de cinéma au festival de Cannes, et il reçoit les insignes de docteur honoris causa à la fois de l’Université de Nancy et Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 56 de celle de Bruxelles. Artiste consacré, il devient alors artiste militant, en faveur de la culture et du cinéma : il est président du Kunstenfestivaldesarts et de la Cinémathèque royale de Belgique. Il se bat non seulement pour sauver cette dernière mais il participe également à de nombreuses manifestations culturelles et réfléchit sur le rôle que la culture peut et doit jouer dans nos sociétés. En 2002, à la création de l’Association des réalisateurs et réalisatrices de films (ARRF), il accepte d’en être le président d’honneur, marquant ainsi sa solidarité avec les autres cinéastes. André Delvaux meurt peu de temps après, à 76 ans, alors qu’il venait de donner une conférence sur « La responsabilité civique des arts ». ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 57 Theo Angelopoulos Docteur honoris causa 1995 Athènes, Grèce, 1935 Theo Angelopoulos est né à Athènes de parents commerçants d’origine rurale, ce qui a un fort impact sur lui, enfant de la ville. Son enfance est marquée par la dictature du général Metaxas, pendant laquelle son père est arrêté puis relâché plusieurs mois plus tard, sans explications. À la dictature succède la seconde guerre mondiale et Angelopoulos, enfant, connaît la famine. Après la guerre et la guerre civile, Theo Angelopoulos suit des cours de droit à l’Université d’Athènes de 1953 à 1957. En 1961, il se rend en France et s’inscrit à la Sorbonne où il étudie la littérature, l’anthropologie et la filmologie. En 1962, il entre à l’IDHEC (Institut des hautes études cinématographiques). Mais son originalité ne plaît pas à ses professeurs. Lorsqu’Angelopoulos tente d’expliquer son projet à un de ses professeurs, ce dernier juge son travail de la manière suivante : « Allez vendre votre génie en Grèce ». Angelopoulos est renvoyé la même année. Le cinéaste Jean Rouch, réalisateur de films ethnographiques en « prise directe », le prend sous son aile. Angelopoulos commence alors un premier moyen-métrage, Noir et Blanc, dont la réalisation n’aboutit pas, faute d’argent. De retour en Grèce, il travaille comme critique de cinéma au quotidien de gauche Dimokratiki Allagi. Il réalise un autre film Forminx Story, racontant l’histoire du groupe pop du même nom, mais ce film sera terminé par un autre metteur en scène à la suite d’un désaccord avec le producteur. Il reprend alors son activité de critique, mais le quotidien pour lequel il travaille est fermé lors du coup d’État de la junte militaire en 1967. Un an plus tard, Angelopoulos parvient enfin à réaliser son premier film, un court métrage intitulé Ekpombi (L’Émission). Son premier long métrage, Anaparastasi ULB DHC 175e (La Reconstitution) est réalisé en 1970. L’année suivante, le film est récompensé par le prix de la Critique internationale au festival de Berlin. Suivront un Lion d’or au festival de Venise pour Alexandre le Grand en 1980 et une Palme d’or pour l’Éternité et un jour à Cannes en 1998. Parallèlement, il reçoit en 1995, le titre de docteur honoris causa de l’Université libre de Bruxelles en compagnie d’André Delvaux, Henri Storck et Andrzej Wajda. Sa filmographie, riche d’une quinzaine de longs métrages, se caractérise par la recherche d’identité, l’importance de l’histoire, et la dénonciation des abus du pouvoir. Influencé par le poète Georges Séféris, ou les cinéastes Michelangelo Antonioni et Kenji Mizoguchi, la poésie est omniprésente et s’exprime par de longs plans séquences et de très longs moments de silence. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 58 Pierre Alechinsky Docteur honoris causa 1994 Bruxelles, Belgique, 1927 Pierre Alechinsky est le fils unique d’un immigré russe, juif et athée venu de Crimée. Alexandre fuit les armées blanches dans les années 1920 et devient médecin à Bruxelles. Sa mère, Germaine, née en Wallonie, est médecin également. Celleci est, selon lui, « de souche libéralo-bourgeoise wallonne, flamande et lorraine ». Élève à l’école Decroly d’Uccle, Alechinsky n’est pas considéré comme un élève brillant, c’est un gaucher contrarié, que l’on force à écrire de la main droite, ce qui lui donne « une sinistre écriture de sa main scolarisée (la dextre) ». Dès lors, il est établi qu’Alechinsky est un cancre et qu’il le restera, celui-ci ne faisant rien pour réfuter cette affirmation. Pendant la guerre, la famille Alechinsky s’exile en France ; quand elle revient en 1944, Alechinsky reçoit une lettre où on lui annonce qu’il est « non réadmis » à l’école Decroly. Il décide de rentrer à l’École nationale supérieure d’architecture et des arts décoratifs de La Cambre à Bruxelles. Il s’inscrit d’abord en publicité, puis dans les ateliers d’illustration du livre et typographie. Il y réalise ses premières gravures, notamment en illustrant Les Fables d’Ésope. Sa main gauche, libérée du carcan scolaire, peut enfin s’exprimer. Bien que très influencé par l’art de son temps (cubisme, surréalisme, etc.), Alechinsky trouve et impose très vite un style qui lui est propre et qui trouve un écho dans le mouvement Cobra (Copenhague, Bruxelles, Amsterdam) qu’Alechinsky découvre en 1949 lors de leur exposition à Bruxelles, La Fin et les moyens. Cobra est fondé à Paris le 8 novembre 1948 par les peintres et poètes belges Joseph Noiret et Christian Dotremont, le danois Asger Jorn et les peintres hollandais Karel Appel, Constant (Nieuwenhuys) et Cornelis Van Beverloo (Guillaume ULB DHC 175e Corneille). Il s’agit d’un mouvement très novateur qui veut casser les traditions picturales de l’époque. En effet, il est « contre le verbiage et le formalisme et pour la spontanéité et l’expérimentation ». C’est un mouvement « qui peint le poème et écrit le tableau ». D’ailleurs, Alechinsky utilise les signes de l’écriture pour ses tableaux, qu’il nomme « remarques marginales », que l’on peut retrouver sur Central Park (1965) par exemple. Central Park marque également le début du travail à l’acrylique pour Alechinsky. La rencontre avec Dotremont est marquante et décisive pour lui ; c’est le début d’une grande amitié et d’une longue collaboration entre les deux hommes. Enthousiasmé par le mouvement, Alechinsky crée en 1949 un Centre de recherche pour Cobra aux ateliers du marais de Bruxelles. C’est véritablement en 1947 que commence la carrière artistique du peintre avec sa première exposition personnelle à la galerie Lou Cosyn de Bruxelles. À partir de ce moment, Alechinsky ne s’arrête plus, exposant partout dans le monde dès le début des années 1950, seul ou avec Cobra. À partir de 1969, les rétrospectives se succèdent, la première ayant lieu au Palais des beaux-arts de Bruxelles, reprise par la suite au Danemark et en Allemagne. Alechinsky cherche toujours à innover dans son art, il peint sur des supports variés : des cartes de navigation aérienne (Œil de glace en 1982, Murs et dunes d’Aden en 1983, etc.), des factures (Hôtel Chelsea et New York en 1977, etc.), un registre de pharmacie datant de la fin du XIXe siècle (Main courante en 2004), des estampages sur du mobilier urbain (Arène en 1985, etc.), de la porcelaine. Il peint également sur des monuments comme la station Delta à Bruxelles en 1976, décore plusieurs ministères, réalise un mural dans le parc de l’ULg, etc. Parallèlement, Alechinsky s’essaye au cinéma, il réalise Calligraphie japonaise en 1955, lors de son séjour au Japon, film récompensé à plusieurs reprises. En 1962, il travaille avec la Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 59 Pierre Alechinsky Fédération internationale du film sur l’art, chargée par l’Unesco d’établir un catalogue des films sur la peinture et la sculpture de 1952 à 1962. Alechinsky écrit également, Abstraction faite en 1951, Lettre suit en 1989, Baluchon et ricochets en 1994, Remarques marginales en 1997, etc. Il y pose la réflexion sur les « interrogations et défis de l’art contemporain ». Son titre de docteur honoris causa de l’Université libre de Bruxelles, qu’il reçoit en 1994, lui est décerné pour l’ensemble de son œuvre et pour son apport novateur à l’art contemporain qui a permis « de rendre manifeste la nouvelle « vision » [de notre] monde ». ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 60 Albert II de Belgique Docteur honoris causa 1994 Laeken, Belgique, 1934 Albert de Belgique est le troisième enfant et second fils du roi Léopold III et de la reine Astrid de Suède. Cadet de Joséphine-Charlotte et de Baudouin, son enfance est marquée par le décès accidentel de sa mère à l’âge de cinq ans. De sa jeunesse, il vit les années de guerre principalement en Belgique, alors que l’immédiat après-guerre, marqué par la question royale, voit la famille royale s’installer en Suisse jusqu’en juillet 1950. Les résultats et les événements qui suivent la consultation populaire de mars 1950 contraignent Léopold III à se retirer. Baudouin devient le cinquième roi des Belges le 17 juillet 1951 suite à l’abdication de son père. précédente constitution, son action politique ne peut s’exercer en dehors du concours de ses ministres, c’est par l’avis et la suggestion que s’exerce son pouvoir. À cette occasion, soucieux de soutenir l’entente entre les différentes communautés, il prône une meilleure connaissance des langues nationales et dénonce le « séparatisme explicite ou feutré ». Catholique, le roi Albert II n’oppose toutefois pas ses convictions religieuses aux décisions du parlement, il sanctionne aussi bien la loi de dépénalisation de l’euthanasie (2001) que celle autorisant les mariages homosexuels (2003). Albert II est titulaire de nombreuses décorations et distinctions, il a accepté le titre de docteur honoris causa de l’Université libre de Bruxelles en 1994. Après une formation militaire dans la force navale belge, Albert obtient son premier rôle officiel en 1954, la présidence du conseil général de la Caisse générale d’épargne et de retraite. Le prince de Liège épouse le 2 juillet 1959 la princesse Paola Ruffo di Calabria. Les trois enfants qui naissent de cette union, Philippe (1960), Astrid (1962) et Laurent (1963), assurent l’avenir de la dynastie belge en l’absence de descendance chez Baudouin Ier. président de la Croix-Rouge de Belgique, sénateur de droit et président du Comité olympique et interfédéral belge depuis 1958, c’est surtout en tant que président d’honneur de l’Office belge du commerce extérieur qu’il se fera connaître à l’étranger (1962-1993). Le 9 août 1993, Albert prend la succession de son frère Baudouin décédé et abandonne ses autres charges. Depuis l’adoption de la nouvelle constitution belge le 17 février 1994, il règne sur un État fédéral composé de trois régions et trois communautés. Comme c’était déjà le cas dans la ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 61 Simon Wiesenthal Docteur honoris causa 1994 Boutchatch, Ukraine, 1908 – Vienne, Autriche, 2005 Simon Wiesenthal est né dans une petite bourgade majoritairement juive située près de Lviv, en Galicie austro-hongroise. Son père, Asher Wiesenthal, commerçant, décède sur le front russe en 1915. Après un court passage à Vienne avec sa mère, ils reviennent et Simon termine sa scolarité au gymnasium de Boutchatch. Il est refusé à l’Institut polytechnique de Lviv à cause des quotas d’étudiants juifs imposés et entreprend des études d’architecture à Prague, où il obtient son diplôme en 1932. Il épouse en 1936 Cyla Mueller. Deux ans plus tard, l’armée russe occupe Lviv et entame une purge des commerçants juifs. Wiesenthal devient alors mécanicien dans une usine de ressorts de sommiers et échappe à la déportation en soudoyant un commissaire du NKVD, la police secrète soviétique. En 1941, après l’invasion nazie, un de ses anciens employés l’aide à échapper à l’exécution mais pas à l’incarcération ; il est assigné avec son épouse aux travaux forcés sur les chemins de fer au camp d’Ostbahn. La mère de Wiesenthal est déportée à Belzec où elle meurt, avec quatre-vingts autres membres de sa famille entre juillet et septembre 1942. Wiesenthal conclut un accord avec la résistance polonaise et se procure une nouvelle identité pour sa femme. Cylla Mueller s’enfuit et passe deux ans à Varsovie. Wiesenthal s’échappe du camp d’Ostbahn en 1943, juste avant le début des exterminations. Quelques mois plus tard, il est à nouveau arrêté et retourne à Janowska. Sa survie y est miraculeuse. En juillet 1944, les gardes SS décident de ne pas tuer tous les prisonniers pour éviter d’être envoyés sur le front russe. Wiesenthal fait partie des 34 juifs graciés sur un total initial de 14 900 ULB DHC 175e prisonniers. Commence alors la retraite générale vers l’ouest ; à pied et en wagons à bestiaux, les détenus traversent les camps de Plaszów, GrossRosen, Buchenwald, et finalement Mauthausen en Autriche. Le 5 mai 1945, le camp est libéré par l’armée américaine. Wiesenthal retrouve son épouse et leur fille, Paulinka, naît l’année suivante. Quelques semaines après avoir retrouvé la liberté, Wiesenthal entame la tâche qui l’occupera pour le restant de sa vie et commence à rassembler pour l’armée américaine des preuves et des documents accablants concernant les responsables de la Shoah. En 1947, il ouvre son propre centre de documentation, le Centre de documentation historique juif, à Linz en Autriche. Avec la guerre froide, l’intérêt que l’URSS et les USA portent à la recherche des criminels nazis diminue fortement. En 1954, le bureau de documentation de Linz ferme et tous les dossiers constitués sont légués à Yad Vashem, sauf celui d’Eichmann. En 1947, déjà, Wiesenthal avait empêché Veronika Eichmann d’obtenir pour son époux un certificat de décès et de le rayer de facto de la liste des personnes recherchées. Six ans après, il localise Eichmann en Argentine et transmet l’information à Nahum Goldman. Ce n’est qu’après que l’Allemagne ait confirmé en 1959 qu’Eichmann vit effectivement à Buenos Aires qu’il est arrêté, jugé et mis à mort en Israël en 1961. En 1961, le centre de documentation est ré-ouvert, mais à Vienne cette fois, dans l’ objectif de localiser Karl Silberbauer, l’officier qui avait arrêté Anne Frank et qui sera interpellé et jugé en 1963. En 1967, se déroule à Stuttgart le procès de seize officiers SS accusés de participation à l’extermination des Juifs de Lviv ainsi que celui de Franz Stangl, commandant de Treblinka et de Sobibor. Neuf des accusés ont été arrêtés grâce aux enquêtes menées par Wiesenthal. La même année, il publie son premier Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 62 livre, qui est aussi le plus célèbre, Les assassins sont parmi nous. Wiesenthal a, par ailleurs, détaillé les aléas de ses nombreuses enquêtes dans son autobiographie Justice n’est pas vengeance (1989). Les années 1980 et 1990 sont ponctuées d’épisodes plus difficiles pour Wiesenthal. Une bombe est posée sur le pas de sa porte en 1982 et il cristallise la haine des néonazis. Il est accusé à deux reprises de collaboration avec les nazis, d’abord par Bruno Kreisky dans les années septante puis par Wim Van Leer en 1986. Ces derniers sont tous deux contraints de présenter des excuses publiques. Les accusations ne s’arrêtent pas là. En 1993, Eli Rosenbaum déclare que Wiesenthal a couvert Kurt Waldheim, l’ancien secrétaire général de l’ONU, en dissimulant des documents accablants concernant son passé sous le IIIe Reich. Suite à des divergences d’opinion au sein même de la communauté juive, d’autres critiques ont été formulées par le World Jewish Congress, par Isser Harel qui minimise, en 1991 et en 1996, l’importance de la contribution de Wiesenthal dans l’affaire Eichmann, et enfin par Beate et Serge Klarsfeld, eux aussi chasseurs de nazis. Il fit également l’objet d’une violente campagne menée contre lui dans les pays de l’ex-URSS. Wiesenthal met fin à sa carrière en 2003, considérant que son travail est achevé, puisqu’il « leur avait tous survécu ». Sa succession est assurée par Efraim Zuroff, qui lance en 2002 l’opération Dernière Chance, une grande campagne de recherche des derniers nazis vivants avant qu’ils ne diparaissent tous. Simon Wiesenthal est décédé à Vienne en 2005, deux ans après son épouse. Après un hommage au cimetière de Vienne, il fut enterré en Israël, où vit sa fille. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 63 Edgar Morin Docteur honoris causa 1993 l’Allemagne dans lequel il décrit la situation des Allemands après la guerre. Cet ouvrage lui ouvre les portes des cercles intellectuels français. Paris, France, 1921 Edgar Morin, né Edgar Nahoum, est issu d’une famille juive séfarade athée de Salonique installée dans le Sentier à Paris. Ses parents ne lui transmettent pas la culture juive ni la pratique religieuse ; il explique que ce « vide culturel originaire » a créé chez lui un appel d’air pour la curiosité. Le décès de sa mère, quand il a neuf ans, le plonge dans une boulimie de lecture. À la fin de son adolescence, sa passion littéraire l’amène à s’interroger sur le social, et de là sur le politique. Il rentre à l’Université de Toulouse en septembre 1939 et s’inscrit simultanément en histoire, à la Faculté de droit et en sciences politiques. Cependant, il se pose essentiellement comme un autodidacte et se considère toujours comme un étudiant choisissant ses éducateurs et butinant à la fois dans la culture universitaire et parmi les auteurs exclus ou ignorés. Il a 19 ans lorsque la seconde guerre mondiale éclate. Il intègre alors un petit noyau de solidarité : le Centre d’accueil des étudiants réfugiés, il en devient le secrétaire. Il entre officiellement au Parti communiste en 1942 en intégrant les Jeunesses communistes de Lyon. Il devient membre du mouvement de résistance des prisonniers et déportés et crée un réseau de renseignements, distribue des journaux clandestins et des faux papiers. Il adopte le patronyme de résistant Morin, en référence à Malraux, et le gardera après la guerre. En 1944, il se rend à Paris pour la libération et, à la fin de la guerre, son travail au sein du parti ne l’intéressant plus, il part en Allemagne avec son épouse. Il est rattaché à l’État-major de la première armée française en Allemagne. Sur place, un de ses amis lui commande un livre : L’an zéro de ULB DHC 175e De retour à Paris, il s’essaie au journalisme et rédige des articles commandés par le Parti communiste. Mais progressivement, il remet en question ses convictions et, en 1951, il est rejeté du parti pour pratique antistalinienne. Un an plus tôt, il rentre au CNRS en tant que chercheur et, en 1957, il est cofondateur de la revue Argument, à la tête de laquelle il demeure jusqu’en 1962. En 1961, il est nommé maître de recherche et directeur de recherche au CNRS neuf ans plus tard. Son projet fondamental au CNRS est de « comprendre l’homme dans l’unité complexe de son être biologique et de son être social en transgressant résolument les frontières entre disciplines afin d’élargir la vision, intégrer les perspectives, frayer la voie vers une anthropologie fondamentale ». Parallèlement, il crée une nouvelle revue Communication qui paraît toujours aujourd’hui. En 1973 il codirige le Centre d’études transdisciplinaires, sociologie, anthropologie, sémiologie qui est rattaché au CNRS et qui prend son nom en 2008, le Centre Edgar Morin. En 1974, il entame le premier volume de son œuvre majeure La Méthode, il y en aura six au total. Edgar Morin est l’auteur de plus d’une trentaine d’ouvrages ainsi que de plusieurs films. Il a reçu de multiples titres honorifiques : commandeur de l’Ordre des arts et des lettres, officier de la Légion d’honneur. Il a également gagné le prix européen de l’essai Charles Veillon 1987 et le prix Viareggio international 1989. Edgar Morin est docteur honoris causa de plus de quatorze universités dont celles de Genève, Bruxelles (1993) et Palerme. Actuellement il est directeur de recherche émérite Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 64 au CNRS et il s’occupe de recherche axée sur « l’Épistémologie de la complexité » et les mécanismes sous-jacents d’une connaissance complexe. Edgar Morin est qualifié souvent de « penseur inclassable » qui touche à toutes les disciplines. Il est président de l’Agence européenne de la culture (UNESCO). ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 65 Hubert Reeves Docteur honoris causa 1992 Montréal, Canada, 1932 Issu d’une famille très catholique de classe moyenne, Hubert Reeves grandit dans la province francophone de Québec (Canada) où il fait ses études secondaires dans un collège jésuite. Initié aux sciences par un prêtre botaniste ami de la famille, Hubert Reeves intègre en 1950 la Faculté des sciences de l’Université de Montréal. Trois ans plus tard, il obtient un baccalauréat en sciences physiques et poursuit son cursus à l’Université McGill de Montréal où il décroche, après deux ans d’études, un master en physique atomique. Son parcours académique n’est cependant couronné qu’en 1960 à l’Université Cornell de New York où Hubert Reeves soutient une thèse de doctorat sur les réactions thermonucléaires dans l’espace, thèse qui le fait accéder au grade de docteur en astrophysique nucléaire. Pendant les quatre années qui suivent, Hubert Reeves enchaîne les postes de professeur assistant, de chercheur (notamment à la NASA) et de consultant. En 1964, il est nommé professeur invité au département de physique nucléaire de l’Université libre de Bruxelles. C’est ainsi qu’il commence à tisser des liens avec la Belgique et plus spécialement avec l’ULB. Hubert Reeves est également très actif en France, pays qui devient sa patrie d’adoption puisqu’il occupe depuis 1965 les postes de conseiller scientifique au Commissariat à l’énergie atomique (CEA) de Saclay et de directeur de recherches au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Parallèlement, il est nommé professeur titulaire dans de grandes universités comme Berkeley, Montréal (UdM) ou Paris VII, établissements dans lesquels il enseigne la cosmologie, l’astrophysique, et l’astronomie. Parmi ses nombreux travaux scientifiques, on peut citer ses recherches sur la densité de l’univers, le ULB DHC 175e développement de l’énergie libre dans le cosmos en expansion ou encore la nucléo-synthèse stellaire. Conjointement à ces investigations de pointe dans la recherche scientifique, Hubert Reeves s’implique très fortement dans la vulgarisation scientifique, désireux de diffuser et de transmettre ses connaissances et de mettre à disposition de tout un chacun des principes généraux et simplifiés concernant la genèse de notre univers et l’histoire de la vie par le biais de conférences, d’émissions radiophoniques, télévisées ou encore par la voie littéraire dans laquelle il a su présenter un contenu scientifique de haute qualité par une approche pédagogique teintée de poésie. Captivant son public, il parvient à stimuler l’intérêt du public pour des matières ardues de prime abord, révélant ainsi son talent d’orateur et de conteur. Son travail de vulgarisation est principalement motivé par sa conception que la démarche et la connaissance scientifiques n’ont de sens que lorsqu’elles sont profitables au plus grand nombre. Selon lui, elles ne doivent pas demeurer l’apanage d’une minorité de savants reclus sur eux-mêmes qui la thésauriseraient. Parmi son abondante bibliographie, on peut mentionner Patience dans l’azur (1981), Poussières d’étoiles (1984) et La Première Seconde (1995). La polyvalence et les multiples domaines d’activités d’Hubert Reeves ainsi que les fruits de ses recherches lui valent d’être récompensé par de nombreux prix et titres honorifiques. Il est notamment fait chevalier de l’Ordre du mérite en France (1976), membre de la Société royale du Canada (1991) et reçoit le prix Albert Einstein de la Société Albert Einstein de Berne (juin 2001). Pour toutes ces raisons, le conseil d’administration de l’ULB décide de lui conférer le titre de docteur honoris causa. Cette distinction vient souligner le fait que son œuvre est éminemment empreinte de l’esprit qui caractérise l’Université libre de Bruxelles. La remise en question permanente Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 66 de son savoir, les liens intenses qu’il entretient avec ses confrères de la discipline et globalement avec l’internationale scientifique, ainsi que des composantes fondamentales de la philosophie du libre examen, à savoir « l’honnêteté intellectuelle, la générosité, le partage des connaissances, des enthousiasmes et des doutes, la fraternité », sont les éléments déterminants qui motivèrent cette décision. Durant la dernière décennie, il s’est investi fortement dans les problèmes environnementaux. Il fut président de la ligue ROC, qui se consacre à la protection de la faune sauvage et prend parti dans le débat sur le réchauffement climatique. Peu enclin au fatalisme et au catastrophisme, il préconise de développer le plus possible les énergies renouvelables, thématique majeure de la recherche scientifique actuelle. Enfin, en plus de s’aligner en tant que scientifique sur les mouvements de protection de la nature, Hubert Reeves, membre du « comité de parrainage de la coordination française pour la décennie de la culture de la paix et de la non-violence », ne dissimule nullement ses opinions politiques antimilitaristes et pacifistes. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 67 Federico Mayor Zaragoza Docteur honoris causa 1992 Barcelone, Espagne, 1934 Né à Barcelone le 27 janvier 1934, Federico Mayor hérite de la double culture catalane et castillane de ses parents et son enfance est marquée par la guerre civile espagnole. Il effectue un parcours universitaire et professionnel particulièrement brillant et dense. Scientifique dans l’âme, il est aussi particulièrement touché par l’homme et sa condition, ainsi que par l’art sous toutes ses formes. Il est l’auteur de publications sur la science et la société ainsi que de nombreux ouvrages de poésie. À 22 ans, il obtient une licence en pharmacie à l’Universidad Complutense de Madrid, suivie, deux ans plus tard, par un doctorat accordé avec les félicitations du jury. De 1963 à 1973, il est titulaire de la chaire de biochimie de la Faculté de pharmacie de l’Université de Grenade. On le nomme en 1967 directeur du Département interfacultaire de pharmacie de l’Université de Grenade, puis il devient recteur de cette même université un an plus tard avant d’en être nommé recteur honoraire en 1972. Au cours des vingt années qui suivent, il partage son temps entre son activité dans le gouvernement espagnol, son engagement au sein de l’UNESCO et son attrait pour les sciences. Son parcours politique sur la scène nationale débute en 1974 lorsqu’il est nommé sous-secrétaire du ministère de l’Éducation et des Sciences et est élu, pour quatre ans, président de la Commission consultative de la recherche scientifique et technique de la présidence du gouvernement espagnol. Parallèlement il fait ses premiers pas dans l’organisation de l’UNESCO et devient membre de son comité consultatif sur la recherche scientifique et les besoins humains. En 1977, année durant laquelle le gouvernement Suárez remporte les premières élections libres et démocratiques après quarante ans de dictature ULB DHC 175e et d’apathie politique, il est député au Parlement, président de la Commission de l’éducation et des sciences de la Chambre des députés et conseiller du premier ministre espagnol. C’est à cette même période qu’il devient directeur adjoint de l’UNESCO. Il est nommé ministre de l’Éducation et des Sciences en 1981, moment de la transition entre le gouvernement Suárez et le gouvernement Calvo-Sotelo. En 1982, il est directeur de l’Institut des sciences de l’homme à Madrid et président scientifique du centre de biologie moléculaire Severo Ochoa. En 1987, il est nommé député espagnol au Parlement européen à Strasbourg et directeur général de l’UNESCO où il est réélu pour un deuxième mandat le 6 novembre 1993. Sa nomination à la tête de l’UNESCO est soutenue par une centaine de personnalités du monde entier, dont des scientifiques, des prix Nobel, des professeurs et universitaires, des écrivains. Il s’investit dans de nombreuses associations et académies, scientifiques et artistiques. Il participe à la création et au développement d’associations humanitaires ou luttant contre les violences dans le monde. Il intègre le Club de Rome en 1981, et devient membre du comité directeur de l’Interaction Council en 1983. Il est également un des signataires, en 1986, du Manifeste de Séville sur la violence et il fait partie de l’Académie Europaea depuis 1993. Federico Mayor croit en la réforme du système d’éducation et en la force que celui-ci pourrait avoir si on lui en donnait les moyens. Une partie de son travail est tourné vers la diffusion de la science, et lors de sa présidence à l’UNESCO, l’organisation fut mue par une volonté d’intégration de la science dans la culture populaire. En effet, pour lui, l’alphabétisation et l’éducation scientifique sont les solutions pour résoudre les problèmes des pays pauvres. Il insiste aussi sur leur rôle dans les pays développés ; selon Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 68 lui l’éducation est un moyen très puissant pour lutter contre les différentes discriminations. L’année 1995 est proclamée Année des Nations unies pour la tolérance, et, sous sa présidence, l’UNESCO est désignée comme l’organisation principale pour faire de la tolérance un idéal partagé et une pratique quotidienne. Federico Mayor voit ses efforts et son investissement récompensés par de nombreuses distinctions, notamment plusieurs doctorats honoris causa dont celui décerné par l’ULB en 1992. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 69 Václav Havel Docteur honoris causa 1991 Prague, République tchèque, 1936 Václav Havel est né à Prague le 5 octobre 1936. Sa famille appartient à une classe bourgeoise très active économiquement. Il passe une partie de son enfance à la campagne et, dès son plus jeune âge, ressent la barrière sociale qui le sépare de ses camarades de classe. Ce sentiment d’exclusion participera plus tard à l’élaboration de ses idées. L’entourage intellectuel familial et l’accès aux livres de grands auteurs tchèques sont très importants et influencent sa personnalité. En 1948, suite à la prise de pouvoir du Parti communiste, la famille de Václav Havel, considérée comme bourgeoise et capitaliste, voit ses deux fils, Václav et Ivan, interdits d’entreprendre des études. Václav Havel réussit néanmoins à obtenir un diplôme de baccalauréat grâce à des cours du soir. De 1951 à 1953, Havel entreprend avec des amis la création du Groupe 36, qui mêle ambitions littéraires et rôle politique. Entre 1957 et 1959, après avoir suivi une formation de charpentier et s’être vu refuser l’accès à l’université, il est enrôlé pour deux ans dans l’armée tchécoslovaque. Là, il va avoir ses premiers contacts avec l’univers du théâtre. En effet, pour se divertir, il écrit et réalise avec un ami La vie devant soi, qui aborde entre autres les absurdités du service militaire. Très vite, il fréquente de plus petits théâtres et rentre en 1960 au Théâtre sur la Balustrade en tant que machiniste. Il y reste huit ans et devient conseiller puis dramaturge. Václav Havel considère le théâtre et particulièrement le théâtre de l’absurde comme un outil de libération de l’homme moderne. En 1964, il se marie avec Olga Splíchalová qui travaillait au Théâtre sur la Balustrade comme caissière. L’influence de sa femme sur son travail, ses principes et ses décisions en tant que dissident et ensuite comme président a été considérable. L’année suivante, Václav Havel ULB DHC 175e devient membre de la rédaction de la revue littéraire Tvár (Visage). Elle est interdite de publication en 1966 par le Parti communiste. Cette expérience marque le début de l’activité véritablement dissidente de Václav Havel. En janvier 1968, lors de l’élection d’Alexander Dubcek comme premier secrétaire du Parti communiste, une vague de libéralisation très importante, à laquelle Havel participe, se fait sentir en Tchécoslovaquie. Mais en avril 1969, Dubcek est destitué par l’intervention armée des chars du pacte de Varsovie. De 1969 à 1977, Václav Havel applique sa technique des « pas concrets » en faisant tout ce qui lui est permis dans les limites de la loi pour lutter contre le régime. La période est difficile pour les opposants qui ne sont pas organisés et dont la plupart s’est exilée après le printemps de Prague. Havel est lui-même interdit de publication. En 1975, il écrit une Lettre ouverte à Gustáv Husák dans laquelle il expose les dangers et les dérives de la « normalisation » ainsi que la destruction du domaine culturel où « la vraie culture est remplacée par l’esthétique de la banalité ». En 1977, un mouvement d’une plus grande ampleur voit le jour grâce à la Charte 77, véritable manifeste pour la défense des droits de l’homme en Tchécoslovaquie. Deux ans après, Václav Havel est arrêté et jugé pour subversion contre l’État. Il reste presque quatre ans en prison où il écrit ses belles Lettres à Olga. De 1983 à 1989, Václav Havel continue autant qu’il le peut la lutte, au fur et à mesure que sa notoriété s’affirme et que le régime s’assouplit, Havel devient un personnage incontournable et intouchable. La mobilisation à l’Ouest en faveur des dissidents et de leurs actions est de plus en plus importante et, bientôt, la Révolution de velours balaie le régime. Le 29 décembre 1989, Václav Havel est élu président de la République tchécoslovaque jusqu’en 1990 où il est réélu. En 1992, après la scission de la Tchécoslovaquie, il devient le premier président Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 70 de la nouvelle République tchèque et le restera pendant dix années. Sa manière de traiter certaines problématiques nationales, comme la gestion du passé communiste, le développement d’une nouvelle politique économique ou encore la question des rapports avec la Slovaquie, ne sera pas toujours approuvée par l’ensemble de la population et de la classe dirigeante. Au niveau international, il jouera un rôle important dans le processus d’adhésion de la République tchèque à l’Union européenne et à l’OTAN. En 1996, sa femme Olga décède d’un cancer. Il se remarie l’année suivante avec l’actrice Dagmar Veskrnová. En 2005, il voyage aux ÉtatsUnis pendant quelques mois et, à son retour, publie À vrai dire… Livre de l’après-pouvoir. Depuis, il vit à Prague et recommence à écrire du théâtre. Sa dernière pièce, sortie en 2007, s’intitule Sur le départ. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 71 Árpád Göncz Docteur honoris causa 1991 Budapest, Hongrie, 1922 Árpád Göncz naît à Budapest le 10 février 1922 dans une famille cultivée. De 1939 à 1944, il suit des études à l’Université Pázmány de Budapest d’où il sort docteur en droit, il suit également des études en agronomie à l’Université de Gödöllo entre 1952 et 1956, études qu’il n’a jamais pu achever. Durant la seconde guerre mondiale, la Hongrie est alliée à l’Allemagne nazie, et Göncz, engagé très tôt dans la résistance anti-fasciste, déserte l’armée où il a été enrôlé de force afin de rejoindre la résistance locale, le bataillon Táncsics. À la fin du conflit en 1945, il se lance en politique en étant affilié au Parti paysan indépendant dans lequel il œuvre pour la réforme agraire, ceci en parallèle avec ses études en agronomie. En 1948, après la dissolution du parti par le régime stalinien mis en place en Hongrie, il travaille comme soudeur en usine de 1949 à 1951, puis comme ingénieur agronome de 1951 à 1956. Le 17 octobre 1956, il expose sa vision de la réforme agraire devant le Cercle Petöfi, centre important de diffusion critique et de débats. Une semaine plus tard, le peuple hongrois se soulève contre la présence soviétique. Le 4 novembre, les chars soviétiques entrent dans Budapest, la répression fait 200 000 morts et oblige 160 000 personnes à fuir la Hongrie. Le président du Conseil Imre Nagy, représentant de l’aile « réformatrice » du Parti communiste hongrois, qui avait pris la tête de la résistance anti-soviétique, est enlevé et déporté en Russie où il est condamné à mort pour trahison (il sera pendu en 1958 en Roumanie). Árpád Göncz participe à la révolution ULB DHC 175e hongroise, notamment en envoyant à l’étranger le manuscrit d’Imre Nagy, In Defence of the Hungarian People on Communism, en 1957. Il est arrêté en mai par les forces soviétiques et accusé d’avoir participé à l’envoi du message radio d’István Bibó (juriste et philosophe, ministre de Nagy) demandant l’aide des Nations unies pour contrer l’offensive des chars soviétiques. Il est condamné à la prison à vie le 2 août 1958. Il s’évade intellectuellement de cet emprisonnement en apprenant l’anglais et en se consacrant à la traduction d’œuvres de la littérature américaine et anglo-saxonne. Árpád Göncz est libéré en 1963 grâce à une amnistie générale et au relâchement des contraintes politiques sous le gouvernement de János Kádár. Après sa sortie, il est rapidement engagé en tant qu’interprète à l’Institut de recherche de l’industrie chimique lourde de Veszprém. Il tente également de reprendre ses études en agronomie en 1964 mais est exclu de l’université. À partir de 1965, il se lance dans une carrière d’auteur indépendant et de traducteur littéraire (il traduit de nombreux auteurs, parmis lesquels Hemingway, Faulkner, etc.). Il devient membre de l’Union des écrivains hongrois – dont il sera le président entre 1989 et 1990. Dans le courant des années 1970, Göncz reprend ses activités politiques au sein du mouvement dissident hongrois. En 1988, il est l’un des membres fondateur et le vice-président de la Ligue pour la justice historique (il avait pris part, en 1981 et pendant de nombreux mois, à des tables rondes illégales sur l’histoire de la révolution). En mai 1988, il participe à la fondation du SZDSZ, l’Alliance des démocrates libres, un parti libéral créé en opposition au Parti communiste. Il est le porte-parole de ce groupe entre 1988 et 1989 et membre du conseil national de ce parti entre 1989 et 1990. En 1989, il Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 72 devient président de la section hongroise de la Ligue des droits de l’homme. En 1991, il est fait docteur honoris causa de l’Université libre de Bruxelles. En mai 1990, il entre au Parlement hongrois, qui l’élit président de la République en août. Il se présente pour un second mandat en 1995. Il quitte la présidence en août 2000. Pendant dix ans, il fut l’homme politique le plus populaire de son pays et son parcours est devenu un véritable idéal de tolérance pour les démocrates du monde entier. Sa fille, Kinga Göncz, membre du Parti socialiste, est ministre de l’Égalité des chances, des Affaires sociales et familiales, puis ministre des Affaires étrangères de juin 2006 à avril 2009. Elle a été élue députée européenne le 7 juin 2009. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 73 Bronisław Geremek Docteur honoris causa 1991 Varsovie, Pologne, 1932 – Lubień, Pologne, 2008 Issu d’une famille juive de la capitale polonaise, fils de rabbin, Bronislaw Geremek parvient à quitter le ghetto de Varsovie en 1943 avec sa mère, alors que son père est gazé à son arrivée au camp de concentration d’Auschwitz. Bronislaw Geremek étudie l’histoire à l’Université de Varsovie dont il est diplômé en 1954, il travaille à l’Institut historique de l’Académie polonaise des sciences avant d’intégrer l’École pratique des hautes études et la Sorbonne à Paris. Contemporanéiste en Pologne, il devient médiéviste en France, très proche de l’École des annales, élève de Fernand Braudel et ami de Georges Duby et Jacques Le Goff. Geremek est l’historien des pauvres et des marginaux. Il s’intéresse d’abord aux luttes sociales dans les villes flamandes au XIVe siècle, puis dans les bas-fonds de la société française au Moyen Âge. Sa thèse porte sur les marginaux parisiens aux XIVe et XVe siècles. Dans son dernier livre, paru en 1991, Le Fils de Caïn, il étudie l’image des pauvres et des vagabonds dans la littérature européenne du XVe au XVIIe siècle. L’histoire lui permet ainsi d’exprimer son engagement en faveur des sans-voix. Entre 1960 et 1965, il est chargé de cours à la Sorbonne et directeur du Centre culturel polonais à Paris, ce qui lui vaut en Pologne le surnom et la stature du « Professeur ». Il est promu directeur du Département de l’histoire médiévale culturelle de l’Institut historique de l’Académie polonaise des sciences au milieu des années 1960. C’est à Paris qu’il rencontre Hanna, son épouse, éminente papyrologue, spécialiste de l’Égypte romaine et compagne de toute une vie de combat intellectuel, jusqu’à sa disparition en 2004. ULB DHC 175e Membre du Parti ouvrier unifié de 1950 à août 1968, il en démissionne à la suite de l’invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes du pacte de Varsovie. Il passe à la dissidence et coopère avec le Comité de défense des ouvriers (KOR), embryon de l’opposition démocratique, fondé en 1976. En 1975, il est le coauteur d’une lettre au leader du parti, Edward Gierek, demandant des transformations socio-politiques radicales en Pologne. Il organise des collectes de fonds pour venir en aide aux ouvriers en grève. Geremek devient ensuite membre de TKN, une organisation d’opposition ayant un programme d’éducation. Il est emprisonné de nombreuses fois entre 1976 et 1980. Il soutient, à l’été 1980, les ouvriers des chantiers navals de Gdansk en grève pour l’obtention d’un syndicat libre. Il rencontre leur porte-parole, Lech Wal˛esa, qui lui propose de rester à leurs côtés. C’est ainsi qu’il participe à la fondation de Solidarność, le premier syndicat libre du bloc soviétique. Pour la première fois, les ouvriers et les intellectuels luttent côte à côte. Avec Tadeusz Mazowiecki, Adam Michnik et Jacek Kuroń, Bronislaw Geremek est le symbole de cette alliance qui fait si peur au pouvoir communiste. Délégué au 1er Congrès national de Solidarność à Gdansk en septembre 1981, il est interné sous le coup de la loi martiale le 13 décembre de la même année et libéré un an plus tard. Il est à nouveau emprisonné de mai à juillet 1983 pour avoir organisé un meeting illégal et avoir diffusé de « mauvaises » informations sur la Pologne. Geremek est démis de l’Académie polonaise des sciences le 26 avril 1985 et interdit de quitter le pays en 1986. Mais sa lutte ne s’arrête pas pour autant. Conseiller écouté de Solidarność, c’est son talent de médiateur qui fera de lui l’un des principaux initiateurs de la « table ronde » qui prépare, début 1989, un renversement complet de la situation. En effet, les élections de juin marquent un triomphe total pour Solidarność. Il est élu député et devient le chef Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 74 du groupe parlementaire de Solidarność et de ce fait un élément clé du nouveau gouvernement. L’ULB lui confère le titre de docteur honoris causa le 19 mars 1991, avec árpád Göncz et Václav Havel. En 1993, il est titulaire de la chaire internationale du Collège de France « Histoire sociale : exclusions et solidarités ». Geremek dirige la diplomatie polonaise de 1997 à 2000. Après l’adhésion de la Pologne à l’Union européenne en mai 2004, il est élu député au Parlement européen sur les listes d’un parti réformateur issu de Solidarność. Le Parlement lui préfère comme président le socialiste espagnol Josep Borrell. « Un petit bureaucrate contre une figure historique ! » tonne alors Daniel CohnBendit. Mais Geremek et la Pologne ont soutenu l’attaque américaine contre l’Irak, ce que la France et l’Allemagne ne leur pardonnent pas. Il reste toutefois un dissident dans l’âme. En 2007, seul contre toute la classe politique polonaise, il rejette la loi de « décommunisation » des frères Kaczyński qu’il traite de « politique d’inquisition ». Il refuse que 700 000 personnes aient à faire l’historique de leur vie pendant la période communiste et à signer une déclaration certifiant qu’elles n’ont jamais collaboré avec les services secrets de l’époque. Il est alors menacé d’être déchu de son mandat, mais la Cour constitutionnelle soutient son opposition à cette loi et la rejette en très grande partie au moment de son examen. « [Mon passé d’historien] me rend philosophe et me donne une sorte de distance par rapport à l’événement », disait Geremek, isolé sur cette question dans son pays mais soutenu par ses confrères européens. Il conserve donc son siège d’eurodéputé, jusqu’au moment de sa mort tragique, survenue dans un accident de voiture le 13 juillet 2008 près de Lubień, en Pologne, en route vers Bruxelles. Bronislaw Geremek est salué internationalement comme un grand historien et un champion de la démocratie en Pologne sous le régime communiste, puis comme celui de l’unité européenne. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 75 Alexander Dubček Docteur honoris causa 1990 Uhrovec, Slovaquie, 1921 – Prague, République tchèque, 1992 Alexander Dubc̆ek naît en 1921 dans une famille communiste slovaque qui émigre vers l’Union soviétique trois ans plus tard. Élevé et éduqué au sein du régime, il retourne en Slovaquie en 1938 et devient ajusteur à l’usine S̆koda de Dubnica. Quand la guerre éclate en 1939, il rejoint le Parti communiste slovaque, alors illégal, et entre dans la résistance. Lors de l’insurrection slovaque en 1944, il prend les armes contre les Allemands. Après la guerre, il étudie le droit à l’Université Comenius de Bratislava, travaille au Parti communiste slovaque et devient député à l’Assemblée fédérale. En 1955, Alexander Dubc̆ek est envoyé pour trois ans à Moscou à l’École supérieure de politique du Comité central du Parti communiste soviétique. À son retour, il continue son parcours politique et devient en 1963 premier secrétaire du Parti communiste slovaque et membre du présidium tchécoslovaque. Alexander Dubc̆ek, se rendant compte de la situation des Slovaques dans son pays, décide d’agir dans l’intérêt du peuple slovaque jusqu’alors ignoré par le premier secrétaire du Parti communiste tchécoslovaque, Antonín Novotny. Le 5 janvier 1968, il est élu premier secrétaire du Parti communiste tchécoslovaque et succède ainsi à Novotny. À 46 ans, il devient un symbole de changement pour son pays. Son objectif est d’instaurer un « socialisme à visage humain ». Tout en restant fidèle à ses idéaux socialistes et à Moscou, il souhaite rendre son pays plus indépendant et y établir une plus grande liberté d’expression caractérisée par la libéralisation de la presse et l’abolition de la censure. Les réformes ULB DHC 175e tchécoslovaques inquiètent les dirigeants des pays du pacte de Varsovie et notamment le nouveau dirigeant soviétique Leonid Brejnev qui y voit une remise en cause de sa politique néostalinienne et de l’autorité russe. Les chars soviétiques envahissent la Tchécoslovaquie le 21 août 1968 et mettent violement un terme à ce mouvement de libéralisation connu sous le nom de « Printemps de Prague ». Alexander Dubc̆ek est arrêté, emmené de force à Moscou où on l’oblige à signer les accords de normalisation. De retour en Tchécoslovaquie, il conserve son poste de premier secrétaire du Parti communiste mais, refusant de faire son autocritique, il est contraint de démissionner le 17 avril 1969 et est démis quelques mois plus tard de ses fonctions de membre du présidium du Parti et de président du Parlement fédéral. Il exerce alors le poste d’ambassadeur à Ankara en Turquie et revient quelques temps après en Tchécoslovaquie où il travaille comme simple employé des Eaux et forêts à Bratislava sous la surveillance permanente de l’État. Interdit de toute activité politique, Alexander Dubc̆ek prend sa retraite en 1982. En 1988, l’Université de Bologne lui décerne le titre de docteur honoris causa. L’année suivante, il fait un retour politique triomphant lors de la Révolution de velours aux côtés de Václav Havel et accède au poste de président de l’Assemblée fédérale tchécoslovaque, fonction qu’il exerce jusqu’en 1992. En janvier 1990, il reçoit également le prix Sakharov du Parlement européen pour son action en faveur de la défense des droits de l’homme et des libertés. La même année, l’Université libre de Bruxelles lui attribue elle aussi le titre de docteur honoris causa. En 1992, il est élu président du Parti social démocrate mais, peu de temps après, il est victime d’un accident de voiture et décède des suites de ses blessures. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 76 Fang Li-Zhi Docteur honoris causa 1989 Pékin, Chine, 1936 Fang Li-Zhi est né à Pékin le 12 février 1936. De 1946 à 1952, il est élève de l’école secondaire n°4 de Pékin. Il entre ensuite à l’université, dans le Département de physique. En 1955, il est recruté par le Parti communiste et participe au congrès de la Ligue de la jeunesse présidée par Hu Qili qu’il rencontra à l’Université de Pékin. Cependant, deux ans plus tard, il publie un article critiquant la position marxiste sur la physique, ce qui lui vaut d’être exclu publiquement du Parti communiste chinois. Il a alors 21 ans. Son calvaire commence : il est astreint à résidence pendant un an en 1966, au début de la Révolution culturelle, et est envoyé en rééducation par le travail dans une ferme en 1970, puis dans les mines de charbon de l’Anhui. C’est lors de cette période d’isolement par rapport à la communauté internationale que ses réflexions se tournent vers l’astronomie, la cosmologie et l’astrophysique. Il devient d’abord assistant de recherche à l’Institut de physique de l’Academia Sinica ; puis à l’Université des sciences et de technologie de Hefei (province d’Anhui), où se déroule une grande partie de sa carrière. Il y est nommé professeur en 1978 puis directeur du Centre d’astrophysique (1980), avant de devenir vice-président de cette université au milieu des années 1980. Il obtient un prix de l’Academia Sinica en 1982, est fait membre de l’International Center for Theoretical Physics à Trieste en Italie en 1984, il reçoit le 1er prix de l’International Gravity Research Foundation en 1985, nommé membre de l’Institute for Advanced Physics de Princeton aux États-Unis en 1986. À partir de 1987, il est promu à la tête du groupe d’astrophysique théorique à l’observatoire de Pékin, géré par l’Academia Sinica. Malgré les honneurs que lui vaut son expertise, sa ULB DHC 175e liberté de ton et de penser agace le pouvoir chinois : le 12 janvier 1987, il est exclu de son poste universitaire, puis du parti par la commission disciplinaire du Parti communiste de la province d’Anhui le 17 janvier 1987 (c’est donc sa seconde exclusion du PCC). En effet, dans son pays, le professeur Fang a contribué à la confrontation entre la pratique de la discussion critique telle que l’implique la recherche scientifique et l’affirmation des principes de la discussion libre en matière sociale et politique. Il n’a pas hésité à défendre des idéaux d’émancipation humaine et d’égalité sociale. Il a accepté de se faire publiquement l’écho des sentiments de déception et d’espérance de ses étudiants (manifestations étudiantes de décembre 1986 – janvier 1987). Il obtient le prix de la New York Academy of Science en 1988. Pendant les manifestations de la place Tiananmen, il est considéré par les autorités comme l’un des principaux instigateurs de l’agitation étudiante. Fang Li-Zhi et son épouse Li Shuxian, coauteur de la plupart de leurs travaux de recherche, reçoivent l’asile de l’ambassade américaine à Pékin, le 5 juin 1989. Pendant cet asile, il reçoit le titre de docteur honoris causa de l’ULB (octroyé conjointement à la dissidente roumaine Doina Cornea) ainsi que le Robert F. Kennedy Award des droits de l’homme pour son combat pour la liberté et ses visions politiques. Après avoir obtenu l’autorisation officielle de quitter la Chine, le couple s’exile au Royaume-Uni le 25 juin 1990. Depuis 1991, Fang Li-Zhi enseigne et poursuit ses recherches à l’Université d’Arizona. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 77 Doina Cornea Docteur honoris causa 1989 Braşov, Roumanie, 1929 Doina Cornea naît le 30 mai 1929 à Braşov en Roumanie, dans une famille de notables. Dans sa jeunesse, elle a été fortement marquée par les humiliations publiques subies par les Juifs dans les années 1940. Pendant ses études à l’université de Cluj, elle fait siennes les idées de ses professeurs prônant l’ouverture d’esprit et la liberté de penser. En 1952, elle obtient sa licence en lettres françaises et italiennes. Elle enseigne durant six ans dans le lycée d’une petite ville, où elle s’applique à éveiller la conscience de ses élèves, travaillant sur des textes interdits par les programmes du régime. Entre-temps, elle se marie et donne naissance à deux enfants. En 1958 elle devient assistante de lecture dans son ancienne université. Au milieu des années 1960, elle refuse à nouveau de suivre le programme imposé, et se heurte à ses collègues et à ses supérieurs. Son refus d’adhérer au parti et à son idéologie lui barre l’accès au statut de professeur. L’année 1968 arrive, porteuse de changements éphémères : Nicolae Ceauşescu est élu à la tête du gouvernement et met en place des réformes libérales, qu’il abolit quelques années plus tard. En 1975, il cumule plusieurs fonctions publiques et exige des institutions qu’elles lui jurent fidélité : la dictature s’installe, avec la répression amenant la peur. L’année suivante, quelques mois après l’exil volontaire de sa fille en France, Doina Cornea découvre l’action de contestation de penseurs dont les textes sont diffusés par Radio Free Europe. Inspirée par leur initiative, elle décide elle aussi de protester, à sa façon, par le biais de ses cours et en prenant la parole lors des séminaires idéologiques ULB DHC 175e qui lui sont imposés. En août 1982, elle rédige et envoie à RFE une première lettre ouverte intitulée Ceux qui n’ont pas arrêté de penser. La rédaction pensant avoir affaire à un pseudonyme, divulgue son nom et ses coordonnées lors de la diffusion de son texte. Doina Cornea entre en dissidence ouverte. Elle écope d’une petite amende et d’une visite à la police secrète, la Securitate, quelques mois plus tard, alors qu’elle continue à donner ses cours comme elle l’entend. De fil en aiguille, elle est destituée de son poste d’assistante en septembre 1983. Un an plus tard, elle touche sa pension. De 1983 à 1987, elle se consacre à la rédaction d’autres lettres ouvertes plus thématiques qu’elle envoie à RFE, ainsi qu’à la traduction en roumain d’ouvrages et textes français interdits. Sa critique du régime se fait plus précise et a pour conséquence sa mise sous surveillance étroite, de lourdes amendes à payer et des visites régulières à la Securitate où elle est à chaque fois interrogée. En octobre 1987, elle donne une interview à un journaliste français pour des médias de l’Ouest, puis refuse de voter aux élections locales de novembre. Le lendemain, lorsque des manifestations ont lieu à Braşov, elle confectionne et distribue avec son fils 160 tracts de solidarité avec les travailleurs révoltés. Elle est alors incarcérée avec son fils et soumise à des interrogatoires quotidiens pendant cinq semaines. Elle est relâchée grâce à la diffusion à la mi-décembre de l’interview qu’elle avait donnée deux mois auparavant : elle acquiert une certaine notoriété dans les démocraties de l’Ouest, ce qui lui confère une plus grande protection. La situation s’envenime vers mai 1988 : des représentants de syndicats « libres » entrent en contact avec elle, désireux de la soutenir. Cette nouvelle étape franchie dans la dissidence entraîne des mesures plus radicales : contrôle de l’accès à son domicile, harcèlement moral, surveillance permanente. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 78 Son entourage subit des pressions énormes et elle se retrouve de plus en plus isolée. En août 1988, Ceauşescu expose son « plan de systématisation » aux Roumains, consistant en la destruction de plus de la moitié des villages ruraux de Roumanie. Doina Cornea rédige une lettre de dénonciation le 23 août, qu’elle réussit à faire sortir du pays grâce au reporter Josy Dubié. Le 21 décembre, à la veille de la révolution, une foule de manifestants libère Doina Cornea et la porte en triomphe. Quelques jours plus tard, un gouvernement de transition, en réalité aux mains de membres de l’ex-régime, se met en place et Doina Cornea est appelée à y siéger. Lorsque ses doutes sur la manipulation de la révolution s’avèrent fondés, elle se retire de la politique fin janvier 1990. Elle reprend alors ses activités de militante pour les droits de l’homme et leur émancipation. nommée « Domina Ordinis Sancti Sylvestri Papae » par le Vatican en 2003. En effet, son combat politique s’est doublé d’un combat religieux. Doina Cornea de confession gréco-catholique, s’est battue pour que son Église – qui avait été interdite et dont les lieux de culte avaient été confisqués au profit de l’Église orthodoxe – retrouve sa liberté de culte, sans être pour autant assimilée à l’Église catholique. Aujourd’hui, Doina Cornea constitue une figure isolée de la dissidence roumaine. Elle se distingue en effet par ses prises de position en soutien aux ouvriers, dans un pays qui, contrairement à la Pologne ou à la Hongrie par exemple, est marqué par un manque de solidarité entre intellectuels et travailleurs (à ce propos, elle soutient que « l’intellectuel roumain est un peu snob. Il ne parlerait pas à un ouvrier qui n’a pas lu Kant »). Elle est aussi parmi les premiers intellectuels roumains à connaître la prison, ayant pris position avant que l’évolution politique de Moscou ne rende cela moins risqué. Elle a reçu de nombreuses distinctions et honneurs pour son engagement en faveur des droits de l’homme et de la démocratie : elle est docteur honoris causa de l’ULB en 1989 (avec le dissident chinois Fang Li-Zhi), chevalier de la Légion d’honneur en 1999, elle reçoit la Mare Cruce en 2000, elle est ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 79 Shimon Peres Docteur honoris causa 1987 Vishneva, Biélorussie, 1923 Shimon Peres est issu d’une famille juive sioniste. Après la faillite de son commerce de bois en 1932, son père émigre en Palestine, à Tel-Aviv. Sa famille le rejoint en 1934 et Shimon Peres est envoyé à l’école hébraïque de Geula. En 1937, il rejoint les mouvements de jeunesse socialiste, Hanoar Haoved et Haganah. En 1940, il participe à la fondation du kibboutz Alumot à Ben Shemen qui accueille des orphelins pour en faire des pionniers. Peres y étudie l’agronomie. Il devient secrétaire de la Jeunesse travailliste à vingt ans. Le premier mai 1945, il épouse Sonya Gelman, le couple a trois enfants. Deux ans plus tard, il rejoint le quartier général de la Haganah où il supervise la militarisation de l’État d’Israël. Du 14 mai 1948 à juillet 1949, pendant la guerre d’indépendance, il est en charge de la réorganisation des services de ravitaillement et de recrutement de l’armée. Après la guerre, il est envoyé en mission aux États-Unis par le ministre de la Défense. Il revient en Israël en 1952 et devient directeur général adjoint, puis directeur général, auprès du ministre de la Défense, David Ben Gourion. Il s’occupe alors principalement du développement militaire d’Israël en matière aéronautique, électronique et nucléaire, en lien avec la France, et notamment contre l’Égypte. En 1959, il est élu à la Knesset et nommé vice-premier ministre de la Défense jusqu’en 1965. C’est alors qu’avec Ben Gourion, il quitte le Mapai pour former le Rafi dont il deviendra le secrétaire général. En 1968, les deux partis travaillistes fusionnent. De 1969 à 1977, Shimon Peres est successivement ministre de l’Immigration et responsable du développement économique des territoires administrés, ministre de la Communication et du Transport (il se rend à Bruxelles pour y étudier les équipements postaux et de ULB DHC 175e télécommunication en 1971), ministre de l’Information, et enfin ministre de la Défense. Il participe à l’opération Jonathan (sur Entebbe) et au concept de « Good Fence Policy » avec la population du sud du Liban. En mai 1977, son parti passe dans l’opposition et Peres devient le leader du parti travailliste. La même année, Yitzhak Rabin démissionne et Peres assure le poste de premier ministre par intérim. En 1978, lors du Congrès international socialiste, il est élu vice-président de l’Internationale socialiste. En juillet 1984, le Likoud s’associe au Parti travailliste pour former un gouvernement d’union nationale. Peres en sera le premier ministre jusqu’à sa dissolution en octobre 1986. Jusque fin 1988, il sera en alternance premier ministre et ministre des Affaires étrangères. En novembre 1987, l’ULB lui décerne un doctorat honoris causa. De 1988 à 1995, il est ministre des Finances puis à nouveau ministre des Affaires étrangères et c’est alors qu’il entame les négociations avec l’OLP sur l’avenir des territoires occupés. Le 20 août 1993, la déclaration de principes est signée à Oslo avec Yasser Arafat, puis avec l’OLP le 13 septembre. Ces accords lui vaudront, avec Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, le prix Nobel de la paix le 14 octobre 1994. En novembre 1995, Yitzhak Rabin est assassiné et Peres assume à nouveau le poste de premier ministre par intérim. En avril 1996, il donne le feu vert à l’opération « Raisins de la colère » contre le sud du Liban. Jusqu’en 2005, il intègre le cabinet du premier ministre Ehud Barak, puis devient ministre des Affaires étrangères et vice-premier ministre du nouveau gouvernement d’union nationale. Il tente de reprendre les rênes du Parti travailliste mais, défait dans une élection interne, s’éloigne puis quitte définitivement le Parti travailliste pour rejoindre Kadima, le parti centriste créé par Ariel Sharon en vue des élections. Début 2005, il établit avec Ariel Sharon le plan de retrait unilatéral des colonies de la Bande de Gaza. Le 5 janvier 2006, Ariel Sharon Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 80 est hospitalisé, Peres refuse le poste de premier ministre. Le parti Kadima remportant les élections la même année, Shimon Peres devient vice-premier ministre et reçoit le portefeuille du développement régional de Galilée et du Néguev. Il est élu neuvième président de l’État d’Israël le 13 juin 2007. Shimon Peres a rarement remporté les élections et a été le second de nombreux chefs d’État israéliens. Il a été chargé des relations diplomatiques avec l’étranger et a dit vouloir aboutir à un « Moyen-Orient, havre de paix ». Il a créé le Cercle Peres pour la paix. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 81 Sandro Pertini Docteur honoris causa 1987 Stella San Giovanni, Italie, 1896 – Rome, Italie, 1990 Alessandro Pertini naît à Stella, province de Savone, dans une famille aisée de propriétaires terriens. Au cours de ses études, son professeur de philosophie Adelchi Baratano lui offre ses premiers contacts avec le socialisme. En 1917, il part pour le front et, après la guerre, il obtient son diplôme de droit à l’Université de Gênes. Il rejoint le Parti socialiste italien en 1918. Pertini s’installe à Florence et s’inscrit en sciences politiques à l’Institut Cesare Alfieri. Il y défend une thèse sur La Coopération et est diplômé en 1924. À Florence, Pertini va également entrer en contact avec des milieux interventionnistes démocratiques et socialistes et rencontrer des activistes comme l’historien Gaetano Salvemini, les militants antifascistes Carlo et son frère Nello Rosselli et le futur fondateur du Parti radical, Ernesto Rossi. C’est pendant cette période qu’il adhère au mouvement antifasciste Italia Libera et connaît ses premiers ennuis avec les squadristi fascistes. Après l’assassinat du député socialiste Giacomo Matteotti, il rejoint le PSU (Parti socialiste unifié) pour exprimer ses opinions politiques axées sur le socialisme et la liberté et pour s’opposer activement au fascisme. Il connaît alors sa première condamnation à huit mois de prison pour avoir publié une brochure clandestine sous le titre : Sotto il barbaro dominio fascista, une brochure accusant notamment la monarchie et le Sénat d’être en partie responsable de la montée du fascisme. Libéré, il reprend ses actions mais, en novembre 1926, après la tentative échouée d’assassinat sur Mussolini, il doit quitter Savone pour échapper à la violente répression ULB DHC 175e des fascistes et se réfugie à Milan chez Carlo Rosselli. En décembre, des lois antifascistes le condamnent à cinq ans d’expulsion. Il rencontre l’un des fondateurs du PSU, Filippo Turati, avec qui il s’exile en France grâce à l’aide d’autres militants. Cette expatriation les condamne à dix mois de réclusion supplémentaire. Durant son exil, Pertini vit à Paris et à Nice de « petits boulots ». Contestant toujours le fascisme, le tribunal de Nice le condamne pour avoir propagé ses opinions politiques sur les ondes d’une station de radio. Après trois ans d’exil, et sous un faux nom, il retourne en Italie et reprend ses activités antifascistes au sein d’une organisation clandestine du Parti socialiste, mais il est très vite arrêté et condamné. Pertini est alors enfermé et confiné pour quatorze années, ce qui n’affecte pas ses convictions et sa détermination mais a des conséquences certaines sur sa santé physique. Après la chute du régime fasciste, en août 1943, Pertini est enfin libéré et rejoint le Parti socialiste qui lutte contre les nazis qui occupent le pays. En octobre, il est arrêté et condamné à mort par les forces allemandes mais il réussit à s’évader et rejoint Milan pour participer activement à la libération du pays. Il se joint aux activités du CLNAI (Comité national de libération de l’Italie du nord) et prend part à la bataille pour la libération de Florence. Il réorganise également le Parti socialiste dont il deviendra le secrétaire. La guerre finie, Pertini consacre son temps à la politique et au journalisme. Il devient secrétaire du PSI en 1945 et député de l’Assemblée constituante en 1946. Deux ans plus tard, il est sénateur de la République et président du groupe socialiste au Sénat. Il est également à la direction du quotidien Avanti ! (journal du PSI) de 1945 à 1946 et de 1950 à 1952 et du journal gênois Il Lavoro en 1947. Après les élections de 1953, il siège à la Chambre des députés Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 82 en tant que vice-président de la commission des Affaires intérieures et de la commission des Affaires constitutionnelles. La même année, il est désigné vice-président du groupe parlementaire et membre de la direction du Parti socialiste et reçoit la médaille d’or militaire pour sa participation à la guerre partisane. En 1963, il est élu vice-président de la Chambre puis président de la Chambre en 1968 et en 1972, jusque sa dissolution en 1976. Enfin, en 1978, il est élu président de la République : il doit faire face à une crise économique, à une crise politico-parlementaire et aux « années de plomb » marquées par le terrorisme et la corruption. Après son mandat présidentiel, il devient sénateur à vie. Il est également à la présidence de la Fondation d’études historiques Filippo Turati de Florence, constituée en 1985 dans le but de conserver le patrimoine de la documentation sur le socialisme italien. Pertini est aujourd’hui encore considéré par tous comme un fervent acteur de la lutte antifasciste et un défenseur des droits de l’homme. C’est pour ces raisons que Pertini a reçu des diplômes honoris causa de différentes universités et notamment de l’Université libre de Bruxelles en novembre 1987 ; il fut également élu à l’Académie française. Malgré une santé fragile tout au long de sa vie à cause de ses conditions de détention, Sandro Pertini meurt presque centenaire à Rome le 24 février 1990. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 83 Mário Soares Docteur honoris causa 1987 Lisbonne, Portugal, 1924 Mário Soares est un homme politique portugais. Né dans une famille bourgeoise, il fait partie des Jeunesses communistes de 1942 à 1945. En octobre 1945, l’opposition démocrate fonde un mouvement politique : le Movimento de Unidade Democrática (MUD), mouvement dont la section jeunesse, fondée par Mário Soares, est très proche du Parti communiste. Deux ans plus tard, ses nombreux conflits avec le PC le poussent à quitter le parti. Mário Soares participe alors à la lutte interne où il devient secrétaire de la commission centrale pour la candidature du général Norton de Matos à la présidence de la République. Licencié en histoire et en philosophie par la Faculté de philosophie et lettres de Lisbonne en 1951, ainsi qu’en droit par la Faculté de droit de Lisbonne en 1957, il lui est interdit d’enseigner en raison de ses idées politiques. De plus, les différentes activités politiques qu’il a menées au cours de ses années d’université lui valent d’être emprisonné trois fois. Il dirige ensuite le Colegio Moderno, qui avait été fondé vingt ans plus tôt par son père, mais le quitte en 1959 pour finalement s’inscrire au barreau de Lisbonne où il se spécialise dans la défense des prisonniers politiques. En 1964, il crée l’Action socialiste portugaise qui pose les bases d’un véritable parti socialiste même si celui-ci ne fut officiellement créé qu’en 1973 lors d’un congrès qu’il réunit avec l’aide des socio-démocrates allemands à Bonn. L’année suivante, il est l’avocat de la famille du général Humberto Delgado, assassiné par la PIDE (police politique du gouvernement). Durant son enquête, il est emprisonné deux fois et est considéré comme l’ennemi numéro un du régime de Salazar. De septembre à mars 1967, il se retrouve ULB DHC 175e à nouveau emprisonné de manière arbitraire et dans des conditions si mauvaises qu’il demande l’habeas corpus. Il est finalement déporté l’année suivante sur l’île de São Tomé pour un an afin d’être oublié. En 1969, peu après son retour d’exil, il dénonce la guerre coloniale lors d’une conférence de presse en Amérique du Nord. Une formidable entreprise de propagande sera alors élaborée par le gouvernement dans le but de le faire passer pour un traître. Il sera finalement obligé de s’exiler en France. Lorsque son père meurt en 1970, Mário Soares rentre au Portugal pour ses obsèques, sans avertir le gouvernement ni la police de son retour. Il est arrêté quelques jours plus tard et de nouveau expulsé en France. Durant son exil, il est chargé de cours aux universités de Vincennes et de la Sorbonne (Paris) et professeur associé à la Faculté de philosophie et lettres de l’Université de Haute-Bretagne à Rennes. De plus, il devient le secrétaire général en exil du PS lorsque celui-ci est reconnu officiellement en 1973 ainsi que le viceprésident de l’Internationale socialiste jusqu’en 1986. Il rentre au Portugal après le 25 avril 1974 et la Révolution des œillets, où il est accueilli en héros. Il consacre le reste de l’année 1974 à faire le tour des différentes capitales européennes pour obtenir la reconnaissance du nouveau régime portugais. De 1974 jusqu’au début 1975, il participe aux Ier, IIe et IIIe gouvernements provisoires en tant que ministre des Affaires étrangères. Puis, il est ministre sans portefeuille du IVe gouvernement provisoire. C’est lors de ce mandat qu’il commence officiellement le processus de décolonisation des colonies africaines. En 1976, la victoire du PS aux premières élections législatives le place comme premier ministre du Ier gouvernement constitutionnel, fonction qu’il exerce par deux fois jusqu’en 1978. Il entame alors le processus permettant l’intégration du Portugal Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 84 dans la Communauté économique européenne, même si, économiquement, il doit faire face à une situation de quasi rupture financière et de paralysie des activités économiques. Il dirige l’opposition de 1978 jusqu’en 1983, puis est de nouveau premier ministre du IXe gouvernement constitutionnel et il signe le traité d’adhésion du Portugal à la CEE le 12 Juin 1985. En 1986, Mário Soares est le premier président civil élu directement par le peuple. Il exerce deux mandats jusqu’en 1996. C’est durant cette période que lui est décerné le titre de docteur honoris causa de l’Université libre de Bruxelles, en hommage à ses nombreuses années de lutte contre la dictature et à son désir d’intégrer le Portugal dans l’Union européenne. En 1991, il crée la Fondation Mário Soares et en devient le président à la fin de l’année 1996. L’année suivante, il est nommé à la présidence de la Fondation « Portugal África », à la présidence du Mouvement européen international ainsi qu’à la présidence du Comité des sages du Conseil de l’Europe. Il dirige la liste socialiste aux élections européennes en 1999 et est élu au Parlement européen jusqu’en 2004. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 85 Abdou Diouf Docteur honoris causa 1987 soupçons de fraudes électorales. En 2000, alors qu’il se présente pour un quatrième mandat après dix-neuf années au pouvoir, il est battu à la présidentielle par Abdoulaye Wade, élu à une forte majorité. Louga, Sénégal, 1935 Abdou Diouf est un homme politique sénégalais né à Louga (Sénégal) le 7 septembre 1935. Il est élevé par sa grand-mère à Saint-Louis et par les femmes de la famille, dont une est militante politique et représentante du parti de Léopold Sédar Senghor. Sa jeunesse baigne dans un milieu d’action politique et d’apprentissage de la tolérance. Il suit ses études primaires et secondaires dans les meilleures écoles sénégalaises, parallèlement à sa formation dans une école coranique. Il entame des études de droit à l’Université de Dakar et les poursuit à Paris, à l’École nationale de la France d’outre-mer. En 1960, il est diplômé et sort major de sa promotion. Certains le surnomment « Abdou sans faute » pour le parcours impeccable de ses études. Diplômé, il retourne à Dakar, devient adjoint au secrétaire général du gouvernement et gouverneur de la région du Siné Saloum jusqu’en 1962. En 1963, Léopold Sédar Senghor le prend sous son aile et le nomme directeur de son cabinet. Il a 28 ans, et dès lors, ne quitte plus les fonctions politiques. En 1964, il devient secrétaire général du gouvernement puis en 1968, ministre du Plan et de l’Industrie. Il accède au poste de premier ministre en 1970, poste qu’il occupe pendant une décennie. En 1981, après la démission de Senghor, il devient président de la République du Sénégal. Il est élu puis réélu à la présidence en 1983, 1988 et 1993. Démocrate convaincu, Abdou Diouf place ses différents mandats sous le signe d’une politique d’ouverture au multipartisme et fait alors entrer plusieurs de ses opposants au gouvernement. Il travaille aussi à la libéralisation progressive de l’économie et à la décentralisation. En 1993, il est à nouveau réélu malgré des troubles sérieux en Casamance et des ULB DHC 175e Commence alors pour lui une seconde carrière politique, internationale. Abdou Diouf s’efforce de faire dialoguer entre elles les différentes cultures dans le but d’améliorer l’entente et la cohésion entre les nations. Il travaille aussi à une plus grande unité africaine en assumant les fonctions de président de l’OUA (Organisation de l’unité africaine) et plus tard, de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest). En 2002, il est élu secrétaire général de l’organisation internationale de la francophonie. « Je suis fier du fonctionnement de la démocratie, du respect des droits de l’homme, et si demain le peuple sénégalais ne me choisit pas, je me rangerai derrière le nouveau président. » Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 86 Altiero Spinelli Docteur honoris causa 1984 Rome, Italie, 1907 – Rome, Italie, 1986 Issu d’une famille laïque et élevé par un père aux idées socialistes ancrées, Altiero Spinelli s’intéresse très tôt à la politique et aux problèmes de la société italienne. Adolescent, il commence par discuter avec son père qui lui explique les idéaux et les valeurs socialistes ainsi que la question de la lutte des classes. Spinelli lit Engels, Lassalle, Marx, il découvre Trotsky et Lénine. Profondément influencé par ces idées, il s’implique dans la vie politique, non pas dans un but de politique nationale, mais dans l’espoir de participer à une révolution mondiale. À 17 ans seulement, en 1924, il rentre à l’Université de Rome, en Faculté de droit, participe à ses premières manifestations antifascistes et adhère au Parti communiste. En 1926, l’Italie prend un tournant totalitaire, et Spinelli est obligé de fuir à Milan. Il y continue la lutte et prend la tête des organisations de Lombardie, du Piémont et de Ligurie. Il est arrêté le 3 juin 1927 par la police fasciste et condamné par le tribunal spécial à 16 ans de réclusion. En prison, Spinelli continue sa formation intellectuelle ; il découvre, par ses lectures, la pensée de Luigi Einaudi, père fondateur de la pensée fédéraliste d’inspiration libérale au XXe siècle, les philosophes tels que Hegel ou Kant. L’évolution politique de la Russie le déçoit fortement et l’amène à critiquer violemment la ligne de conduite de Staline, ce qui lui vaut d’être exclu du PC italien. Il reste néanmoins fidèle à l’idéal communiste mais prône une liberté totale, ce qui l’oppose aux dirigeants aussi bien fascistes que communistes. ULB DHC 175e En juillet 1939, Spinelli est transféré sur l’île de Ventotene, au large de la Campanie. Durant cette période, il finit par adhérer complètement, après plusieurs années de remise en question, aux idées fédéralistes d’Einaudi. Il écrit, en 1941, avec l’aide de son ami Ernesto Rossi, son ouvrage le plus célèbre, le Manifeste pour une Europe libre et unie, plus connu sous l’appellation de Manifeste de Ventotene. Il y exprime l’idée d’une Europe fédérale, à bâtir lors de la reconstruction d’après-guerre, comme seul rempart contre les États souverains et, par conséquent, contre les nationalismes, à ses yeux cause de tous les maux européens. Le manifeste parvient à être diffusé grâce aux réseaux clandestins. En 1943, Spinelli et quelques amis codétenus rédigent les Tesi Federaliste et, lors de sa libération, il rentre dans la résistance. Le 27 août 1943, juste après l’effondrement du régime de Mussolini, ils fondent le Mouvement fédéraliste européen (MFE), dont la base idéologique est établie sur ces Tesi Federaliste. Il souhaite, par la création de ce mouvement, générer un appui à la passation des pouvoirs nationaux vers des institutions supranationales afin de permettre à la fédération européenne d’administrer la paix et la liberté sur le territoire européen. Spinelli crée un mouvement et non un parti car sa volonté est de rassembler au-delà des limites frontalières dans une vision d’unification. Durant la guerre, les réunions du MFE se font clandestinement, la première se déroulant le 20 mai 1944 et étant présidée par Spinelli, Einaudi et Ernesto Rossi. Après la guerre, les idées fédéralistes spinelliennes se heurtent aux idées fonctionnalistes. Plusieurs projets sont débattus, notamment la création d’une force armée commune, mais lors de la conférence de Londres en 1954, des alliances, traités et pactes sont signés entre différentes puissances Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 87 Altiero Spinelli européennes marquant l’échec du fédéralisme par le retour au premier plan des États souverains. Spinelli change alors de tactique dans son action politique et se concentre sur la mobilisation des peuples des démocraties européennes. Il devient ainsi contestataire et non plus conseiller. En 1970, Spinelli intègre la Commission européenne en tant que commissaire aux Affaires industrielles et technologiques et à la Recherche. Poursuivant son idéal de former des États-Unis d’Europe, il cherche ainsi à agir de l’intérieur. Malheureusement, ces six années ne lui permettent pas de faire progresser ses idées, c’est pourquoi il démissionne avant la fin de son mandat. Il est élu au premier Parlement européen désigné au suffrage universel en 1976, en tant qu’indépendant de gauche, c’est-à-dire non-affilié à un parti politique, mais proche des idées de ceux qu’il considère comme la force politique (le socialisme et le communisme) la plus proche de son combat d’unification. Il devient ainsi parlementaire européen et son expérience et sa force ont beaucoup plus d’impact. Son œuvre majeure est le projet d’Union européenne qui est approuvée par le Parlement en 1984. Cependant, le résultat final de ce projet est bien maigre aux yeux de Spinelli, puisque cela débouche sur l’Acte unique, signé en 1986, qu’il qualifie luimême d’« une souris dont la montagne a accouché ». En 1984, l’ULB a voulu saluer, en lui remettant sa plus haute distinction, un homme qui ne s’est jamais découragé dans son combat, malgré ses nombreuses défaites, un homme qui a toujours considéré la liberté comme l’aspect le plus précieux d’un être humain. Il est décédé peu de temps après, le 23 mai 1986, et, bien que son combat soit poursuivi par d’autres, il n’en aura pas vu l’accomplissement. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 88 Andreï Sakharov Docteur honoris causa 1984 Moscou, Russie, 1921 – Moscou, Russie, 1989 Andreï Dimitrievitch Sakharov, brillant cerveau, entre à l’Université de Moscou à 17 ans. Suivant les traces de son père, il entame une carrière de physicien. En 1942, il obtient sa licence ès sciences et est envoyé comme ingénieur dans une usine d’armement. En 1947, il participe à l’équipe de recherches sur la bombe H soviétique dans laquelle il joue un rôle majeur. En 1953, à 32 ans, il devient le plus jeune membre de l’Académie des sciences de l’URSS et reçoit les plus hautes distinctions soviétiques (il est trois fois médaillé Héros du travail socialiste, en 1954, 1956 et 1962). En 1958, il émet des inquiétudes face à la course aux armements et rédige une lettre adressée à Khrouchtchev. À ce moment, il demande une déstalinisation plus poussée et, en 1966, il signe une lettre collective opposée à la réhabilitation de Staline dans le cadre du XXIIIe congrès du Parti communiste d’Union soviétique. 1968 voit sa rupture vis-à-vis des autorités soviétiques : il rédige un mémorandum intitulé Réflexions sur le progrès, la coexistence pacifique et la liberté intellectuelle qui demande, entre autres, plus de liberté d’expression et la fin de la course à l’armement nucléaire. Parallèlement, il condamne sans appel l’intervention soviétique et l’écrasement du Printemps de Prague, ce qui lui vaut d’être empêché de poursuivre ses travaux scientifiques. En 1970, il fonde un comité des droits de l’homme qui dénonce les arrestations et les internements des dissidents au régime. Contrairement à d’autres dissidents, il est athée, fait une différence entre Staline et Lénine et surtout défend les minorités soviétiques (Tatars, Arméniens, Juifs, etc.) avec une approche mondiale et universelle de la lutte pour les ULB DHC 175e libertés politiques. Il critiquera d’ailleurs Soljenitsyne pour son manque de confiance envers la science, la démocratie ou le multipartisme. En 1971, il épouse la médecin et militante Elena Bonner, qui devient sa compagne de lutte pour le reste de sa vie. En 1974, il entame sa première grève de la faim pour obtenir la libération de prisonniers politiques et pour le droit à l’émigration. Il devient alors le premier soviétique à obtenir le prix Nobel de la paix en 1975, mais c’est à Elena que le comité remet le prix, car lui n’a pas été autorisé à quitter le territoire russe. Il continue à mener une lutte très éprouvante contre le pouvoir en place, par le biais de plusieurs grèves de la faim et malgré les humiliations, les brimades du KGB et l’exil à Gorki (aujourd’hui Nijni-Novgorod), ville située à 400km à l’est de Moscou et totalement interdite aux étrangers. C’est pendant cet exil qu’il est fait docteur honoris causa de l’Université libre de Bruxelles, en 1984. Il subit cet exil jusqu’en 1986. À sa libération, il est réintégré à l’Académie des sciences puis élu député à l’assemblée soviétique où il lance un mouvement d’opposition de gauche au travers du Groupe interrégional des députés progressistes. Il continue au sein du Congrès des députés à stigmatiser le manque de liberté, la répression politique du régime et prône un retour au pouvoir des Soviets plutôt qu’à celui du Parti communiste. Il fait de l’Assemblée un vrai champ de bataille des idées. Il devient le symbole de la défense des droits de l’homme. En 1988, son nom est donné au prix du Parlement européen distinguant les personnes ou les organisations qui ont consacré leur action aux libertés et aux droits de l’homme. Il meurt brusquement d’une crise cardiaque, le 14 décembre 1989, dans son bureau. Ses derniers mots avant de se retirer dans son bureau furent « Il y aura un dur combat demain », annonçant une nouvelle offensive au Congrès des députés du peuple. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 89 Nelson Mandela Docteur honoris causa 1984 Mvezo, Afrique du Sud, 1918 Natif d’une famille de chefs liée à la famille royale, Rolihlahla Mandela, de son prénom anglais Nelson, est né en 1918 dans un petit village d’Afrique du Sud. Après le décès de son père en 1927, il bénéficie de l’aisance financière de son tuteur, ce qui lui permet à la fois de recevoir une éducation européenne mais aussi de faire un parcours scolaire remarquable en Afrique du Sud qui le mène de l’école de Clarkebury en passant par le lycée de Healdtown jusqu’à l’Université de Fort Hare où il étudie le droit et rencontre Oliver Tambo qui le suivra tout au long de sa carrière politique. Suite à son renvoi de Fort Hare pour avoir osé défendre les droits des Noirs et à son refus d’un mariage arrangé, il s’enfuit à Johannesburg où il rencontre Walter Sisulu qui allait non seulement devenir son mentor mais aussi influencer tous ses choix politiques notamment en ce qui concerne son adhésion à l’African National Congress (ANC) dont lui-même est membre. Il continue par la suite ses études de droit par correspondance mais également à l’université de Wittwatersrand. Sa carrière politique commence dès les années 1940 à la suite de son adhésion à l’ANC, parti majeur prônant l’idée de non-violence et luttant contre l’apartheid, concept politique imaginé et soutenu par le gouvernement, reposant sur la suprématie de la race blanche et la ségrégation des races dans tous les domaines. Il fonde, la même année, avec Walter Sisulu et Oliver Tambo la Ligue de la jeunesse et participe à de nombreuses révoltes pacifiques, notamment celle de 1952 durant laquelle il monte une campagne de défiance contre le gouvernement, ce qui lui vaut d’être jugé la même année. Après le massacre de Sharpeville qui voit, en 1960, la mort de nombreux manifestants pacifiques ainsi que l’interdiction d’un ULB DHC 175e certain nombre de partis, y compris l’ANC, Mandela, désormais clandestin, décide avec ses compagnons de passer à la lutte armée au sein de l’Umkhonto we Sizwe. Ils sont arrêtés et condamnés à cinq ans de prison en 1961. Mais en 1964, suite à la découverte de nouvelles preuves comme la charte de liberté signée de sa main, il est condamné à la prison à perpétuité échappant de peu à la peine de mort. Il n’arrête pas pour autant la lutte. Dans la seconde moitié des années 1980, les nombreux problèmes économiques et politiques liés aux révoltes orchestrées contre l’apartheid, poussent le gouvernement du président d’Afrique du Sud, Frederik de Klerk, à la négociation. C’est dans ces années, en 1984, que l’ULB lui décerne le titre de docteur honoris causa, alors qu’il est toujours emprisonné. Il est finalement libéré en 1990 après avoir obtenu la certitude que les Noirs obtiendraient de plus en plus de droits, qu’ils pourraient dès lors être élus au pouvoir et que les interdictions liées aux partis politiques seraient levées. En 1994, les premières élections multiraciales le portent au pouvoir. Il est le premier président noir élu d’Afrique du Sud. Dès son élection, il met en place une constitution provisoire. Il se retire en 1999 après un seul mandat. Il crée la Fondation Mandela consacrée à la commémoration de cette lutte pour l’égalité. Actuellement, il consacre son existence à la lutte contre le sida, virus auquel son fils a succombé. À l’échelle internationale, Mandela reste toujours le symbole de cette lutte pour le respect des droits et du combat pour une Afrique du Sud démocratique, matérialisés par le prix Nobel de la paix avec Frederik de Klerk en 1993. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 90 Willy Brandt Docteur honoris causa 1984 Lübeck, Allemagne, 1913 – Unkel, Allemagne, 1992 Issu du milieu ouvrier des faubourgs de Lübeck, l’enfance de Karl Herbert Frahm est pauvre et solitaire. De 1919 à 1926, il fréquente l’école secondaire et poursuit ses études au lycée grâce à une bourse, obtenant son baccalauréat en 1932. Le jeune Frahm fait très tôt preuve de ses qualités de militant au sein du mouvement de jeunesse socialiste et comme chroniqueur du Volksbote, de sorte qu’il adhère à l’âge de dix-sept ans et sous la protection de son mentor Julius Leber au SPD (Sozialdemokratische Partei Deutschland). Sa grande idole reste néanmoins August Bebel, président du SPD avant la première guerre mondiale. En 1933, Frahm, antinazi recherché par la Gestapo, prend le nom de Willy Brandt et part en exil en Norvège où il commence des études d’histoire à Oslo. Deux ans plus tôt, suite à la capitulation du SPD devant la montée de Hitler, Frahm avait quitté les sociaux-démocrates et rejoint le SAP (Sozialistische Arbeiterpartei). En 1939, une année avant de s’exiler en Suède, le journaliste Brandt adopte la nationalité norvégienne. Brandt revient en Allemagne après la guerre pour assister au procès de Nuremberg en tant que correspondant de la presse norvégienne. Trois ans plus tard, il reprend la nationalité allemande et s’installe définitivement à Berlin. C’est le début d’une brillante mais difficile carrière politique. Victime de campagnes de diffamation, on lui reproche un hypothétique combat contre sa patrie lors de l’entrée des troupes hitlériennes en Norvège en 1940. Le parcours de Brandt débute lentement en 1948 quand il devient représentant du bureau du parti socialdémocrate à Berlin. Il siège parallèlement de 1949 à 1957 au Bundestag et de 1951 à 1971 à la chambre des députés de Berlin. Sa période faste commence en 1957 avec le poste de bourgmestre de Berlin-Ouest, la ULB DHC 175e capitale étant alors divisée en quatre parties. Il fait déjà preuve d’ouverture vers l’Est mais aussi vers l’Ouest avec en tête les États-Unis, position qui se renforce en 1966 quand Brandt devient ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de grande coalition de Kiesinger. Évidemment, Brandt, menant une politique très humaine et à l’instar de John F. Kennedy, est aussi conscient de l’importance de la question intra-allemande à laquelle il se consacre spécialement en tant que chancelier de la RFA entre 1969 et 1974. À partir de 1969, Brandt est à la tête d’un gouvernement de coalition libéral-socialiste et mène avec l’aide d’Egon Bahr son Ostpolitik, politique d’ouverture vers la RDA et vers l’Est en général. L’Ostpolitik a sans aucun doute contribué en grande partie à la chute du Mur en 1989. Cet engagement exemplaire en vue d’une paix européenne voire mondiale lui vaut entre autre l’attribution du prix Nobel de la paix en 1971. Les mêmes raisons amènent l’ULB à lui attribuer le titre de docteur honoris causa en 1984. Le geste marquant par lequel il s’excuse au nom de l’Allemagne pour son passé nazi est son agenouillement devant le monument aux morts du ghetto de Varsovie en décembre 1970. En mai 1974, la carrière de Brandt, alors au sommet de sa popularité, prend brutalement fin avec sa démission suite à l’affaire d’espionnage Guillaume. À la fois chef de cabinet de Brandt et membre des services secrets de la RDA, Günter Guillaume profitait en effet de la confiance du chancelier, qui perd alors toute crédibilité dans cette affaire. De 1976 à 1992, Brandt, auteur de nombreux ouvrages politiques et autobiographiques, occupe le poste de président de l’Internationale socialiste. En 1987, il quitte définitivement le SPD suite à des querelles internes mais en reste le président honoraire jusqu’à sa mort en 1992. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 91 Simone Veil Docteur honoris causa 1984 Nice, France, 1927 Simone Veil, née Simone Jacob, est la fille cadette d’une famille juive de quatre enfants. Son père André Jacob est architecte. Elle passe son enfance dans le sud de la France, à Nice. Pendant la seconde guerre mondiale, le 30 mars 1944, une patrouille de la Gestapo l’arrête et l’envoie avec sa famille à Auschwitz-Birkenau. Elle n’a que seize ans quand elle entre dans le camp avec sa mère et une de ses deux sœurs. Elle ne reverra plus jamais son père ni son frère. Elle est ensuite envoyée dans le camp de Bergen-Belsen lors des « marches de la mort ». Sa mère y meurt le 25 mars 1945, ce qui marque Simone Veil pour le reste de sa vie. À son retour en France, on annonce à Simone Veil qu’elle a été reçue aux épreuves de baccalauréat qu’elle avait passées avant sa déportation. Elle s’inscrit en sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Paris ainsi qu’en droit à la Sorbonne. Elle rencontre Antoine Veil en février 1946 et l’épouse en octobre, le couple a rapidement deux enfants, Jean et Nicolas, puis Pierre-François en 1954. Simone Veil est nommée attachée titulaire à la direction de l’administration pénitentiaire au ministère de la Justice en 1957 dans le gouvernement de Guy Mollet. Elle visite un grand nombre de prisons pour vérifier les conditions de détention des prisonniers. Elle est dépêchée en Algérie lors du conflit francoalgérien pour inspecter les prisons algériennes et faire un rapport. Elle est affectée en 1964 à la direction des affaires civiles où elle s’occupe de la réforme sur le texte de loi de l’adoption. En 1969, elle intègre le cabinet du garde des sceaux René Pleven membre du parti CDP (Centre démocratie et progrès), alors ministre de la Justice, en tant que conseillère ULB DHC 175e technique, mais elle démissionne rapidement. Le 14 mars 1970, elle est nommée secrétaire générale du Conseil supérieur de la magistrature. Quatre ans plus tard, le président Valéry Giscard d’Estaing la nomme ministre de la Santé. Simone travaille sur plusieurs réformes, notamment les lois incluant les contraceptifs dans les médicaments remboursés par la sécurité sociale en 1974, les lois sur la pharmacie vétérinaire, sur les personnes handicapées et sur les cosmétiques en 1975, sur la politique familiale et le tabagisme en 1976, sur le prélèvement d’organes en 1977 et sur la protection de la maternité en 1978, mais celle qui lui importe le plus est la législation sur l’avortement. Après une longue lutte pour faire adopter le projet sur l’avortement, le texte est adopté le 15 janvier 1975 et porte le nom de « loi Veil » même si elle s’y est opposée à plusieurs reprises. Deux ans plus tard, elle réforme la sécurité sociale. En 1979, Simone Veil quitte le gouvernement pour conduire la liste centriste aux élections européennes. Elle est élue députée et devient la première présidente du Parlement européen pour trois ans. Puis de 1982 à 1984, elle est présidente de la commission juridique du Parlement. En 1984, elle parvient à imposer et à mener une liste unique de l’opposition aux élections européennes, qui recueille 43% des voix. Elle-même est réélue députée. En 1993, Édouard Balladur propose à Simone Veil le poste de ministre de la Santé, des Affaires sociales et de la Ville, poste qu’elle occupe jusqu’aux présidentielles suivantes. Elle devient ensuite membre du Conseil constitutionnel de 1998 à 2007. Simone Veil est également présidente d’honneur de la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Dans la foulée de la publication de ses mémoires, sobrement intitulés Une Vie, elle est élue à l’Académie française en novembre 2008. La même année, elle accepte la présidence du conseil de direction du fonds au profit des victimes de la Cour pénale internationale. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 92 Paul Delvaux Docteur honoris causa 1979 Antheit, Belgique, 1897 – Furnes, Belgique, 1994 Issu d’une famille modeste, Paul Delvaux est né dans un petit village près de Huy. Son père, Jean Delvaux est avocat et poursuit sa carrière à Bruxelles, où Paul passe toute sa jeunesse, éduqué par sa mère Laure Jamotte. À l’école primaire, au cours de musique, il a pour camarade Robert Giron, futur peintre également et ami de toute une vie. Ses humanités achevées, ses parents, conscients qu’il ne deviendra jamais avocat, l’inscrivent à l’Académie des beaux-arts de Bruxelles en section architecture. Mais Paul Delvaux qui a développé une véritable passion pour le dessin, désapprouve ce choix et, à la suite de son échec dans cette section, décide d’arrêter et part faire son service militaire. À la fin de la guerre, après avoir travaillé dans une firme de navigation fluviale, il part avec ses parents à Zeebrugge où il rencontre un peintre de grande notoriété, Constant Montald, dont il reprendra les compositions de nus et l’importance du paysage. Celui-ci voyant son talent, convainc ses parents de l’inscrire à l’Académie des beaux-arts de Bruxelles en section peinture. C’est là qu’il poursuit ses études de 1920 à 1924 et reçoit une formation de peinture classique. Au cours de ces dernières années d’enseignement, il suit les cours du soir de Jean Delville et peint de nombreuses œuvres au Rouge-Cloître, abbaye près de la forêt de Soignes, où il rencontre Alfred Zastien qui allait devenir son maître. Après ces quelques années de formation, Paul Delvaux, au contact d’un certain nombre d’artistes, développe divers styles picturaux tout en gardant des thèmes constants. Dans ses débuts, il décide de prendre part au style néo-impressionniste dont il ne gardera aucune œuvre. Par la suite, subissant l’influence de peintres flamands de grande notoriété tels que Permeke et De Smet, il s’impose dans la peinture expressionniste flamande. Cependant, la ULB DHC 175e grande influence qui s’exerce sur lui dans les années 1930 est celle du musée du docteur Spitzner à la foire du Midi, dont il s’inspire pour un certain nombre de ses œuvres, notamment ses travaux consacrés aux squelettes. Ce n’est qu’à la découverte des peintures de De Chirico et de Magritte à l’exposition Minotaure qu’il développe le genre surréaliste. Ses œuvres seront constamment influencées par la littérature de Jules Verne, mais aussi par le souci de représenter des choses qui lui étaient familières et qui lui rappelaient son enfance. C’est ainsi que, parmi celles-ci, on retrouvera toujours des gares semi-désertes, des architectures à colonnes dues à une influence de l’Antiquité, des femmes répétées à l’identique et à l’infini, nues errant et ne se regardant jamais, passant à côté d’hommes habillés qui ne semblent jamais les voir. On retrouvera aussi des squelettes. Ces thèmes lui permettent ainsi de développer un univers onirique fait d’images de rêveries où règne un érotisme distancié, teinté d’une poésie, qui permet au spectateur de rentrer dans un univers parallèle à celui du temps présent, où prime la vérité et la recherche d’un réel et dans lequel tout le monde pourrait lire le message qu’il veut et s’y retrouver sans pour autant oublier la réalité de notre monde. Professeur à l’École nationale supérieure d’arts et d’architecture de Bruxelles de 1950 à 1962, il participe à de nombreuses expositions qui lui permettent de faire connaître ses œuvres à travers le monde. En 1983, ne voyant plus les couleurs, il réalise sa dernière œuvre. Il est nommé chef de gare honoraire de Louvain-la-Neuve en 1984. C’est pour la création d’un tout autre univers qui permettait de rêver que Paul Delvaux a reçu de nombreux honneurs et prix comme celui de la Légion d’honneur en 1976 et celui de docteur honoris causa de l’Université libre de Bruxelles en 1979. Une fondation Paul Delvaux, regroupant toutes ses œuvres, fut également créée à SaintIdesbald, près de Coxyde, en 1979-1980. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 93 Maurice Béjart Docteur honoris causa 1979 Marseille, France, 1927 – Lausanne, Suisse, 2007 Issu d’une famille modeste d’ascendance sénégalaise, Maurice Berger (de son nom de scène Maurice Béjart, en hommage à la femme de Molière, Armande Béjart) est né dans un petit quartier de Marseille où il passera toute sa jeunesse. À la suite du décès de sa mère en 1934, il est élevé par son père, le philosophe, Gaston Berger. Rêvant d’être metteur en scène, il réalise déjà enfant de petites mises en scène qui seront non seulement le point de départ de ses grandes œuvres mais aussi des espaces de rencontre qui lui permettent de se lier d’amitié avec des gens qui le suivront toute sa vie, comme sa cousine Joëlle Berger qui devient par la suite responsable des costumes et des décors de tous ses ballets. Au cours de son parcours scolaire, Maurice Béjart fréquente différents établissements qui lui donnent l’occasion de développer de nombreuses passions mais également de suivre un certain nombre de cours. C’est ainsi que, dans un premier temps, il étudie le théâtre mais aussi le chant. Il effectue, par la suite, ses études à l’école et au lycée du SacréCœur de Marseille où il obtient son baccalauréat. Néanmoins, voulant faire honneur à son père, il s’inscrit à la Faculté d’Aix-en-Provence où il décroche, en 1945, deux certificats de licence de philosophie. C’est durant ces années d’études, sur les conseils de son médecin et en raison de sa maigreur, qu’il suit en parallèle des cours de danse privés, dans le quartier du Vieux-Port, à la suite desquels il intègre le corps de ballet de l’Opéra de Marseille. Quelques temps plus tard, déterminé à quitter Marseille, il part à Monte-Carlo. À défaut de faire partie de la troupe, il suit un certain nombre de ULB DHC 175e cours. Apprenant qu’on cherche des danseurs à Vichy, il s’y rend et obtient un tout petit rôle dans un ballet. Il y fait la rencontre de Jean Laurent, organisateur de spectacles de danse mais également de galas dans toute la France. Sur ses conseils, il se dirige à Paris où il rencontre d’innombrables professeurs avec lesquels il acquiert les principes fondamentaux de la danse académique. En 1948, il fait la connaissance de Roland Petit, créateur des Ballets de Paris, qui lui donne sa chance. Il poursuit son chemin à Londres, où il intègre la troupe de l’International Ballet de Mona Inglesby. Il participe dès lors à d’innombrables représentations à travers le monde notamment en Suède où il prend part à la réalisation d’un film. Après avoir rempli ses obligations militaires, il décide de fonder à Paris les Ballets Romantiques qui deviendront en 1954, les Ballets de l’Étoile, troupe avec laquelle il fera de grandes tournées. En 1957, les Ballets de l’Étoile deviennent le Ballet-Théâtre de Maurice Béjart. C’est à cette date que Béjart décide d’arrêter sa collaboration avec Jean Laurent et de prendre comme agent le comte Pimentel qui va provoquer la banqueroute de la compagnie. Endetté, Béjart quitte Paris pour Bruxelles. La rencontre avec Maurice Huisman, directeur du Théâtre royal de la Monnaie, s’avère décisive ; ce dernier lui propose d’y créer des chorégraphies. Béjart crée alors la compagnie du Ballet du XXe siècle, qui va donner lieu à un rayonnement important pour la danse en Belgique, pendant les vingt-sept années qu’il y demeure. Metteur en scène et danseur à la fois, il réussit à créer par sa danse un nouveau monde où se mélangent danse et paroles tirées de musiques contemporaines. C’est également sur base de sa connaissance des mythes occidentaux et orientaux, acquise le long de son parcours à Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 94 travers le monde, qu’il puise ses idées pour créer un univers onirique, au sein duquel se retrouvent ses thèmes de prédilection : l’amour sous sa forme la plus absolue, la liberté de l’esprit et du mouvement. En 1987, après le départ de Maurice Huisman, Béjart quitte Bruxelles avec sa troupe et s’installe à Lausanne où il crée le Béjart Ballet Lausanne. Il y fonde également l’École Rudra pour jeunes danseurs qui avait été précédée par celle de Bruxelles, l’École Mudra, mise sur pied en 1970 et par celle de Dakar appelée Mudra-Afrique. Pour sa contribution artistique universelle, Maurice Béjart reçoit en 1979 le titre de docteur honoris causa de l’Université libre de Bruxelles. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 95 Salvador Allende Docteur honoris causa 1975 Valparaiso, Chili, 1908 – Santiago, Chili, 1973 Issu d’une famille modeste et d’un milieu imprégné de politique, Salvador Allende est né dans un petit village du Chili où il passe toute sa jeunesse et une bonne partie de sa carrière d’homme politique. Initié dès son plus jeune âge aux idées libérales et progressistes propres à son grand-père et à son père, il est très vite attiré par les principes du socialisme marxiste qu’il développe et défend tout au long de sa vie. Il réalise un parcours scolaire remarquable, le menant de l’école primaire de Valparaiso au lycée de l’Institut national de Santiago où, après y avoir réussi ses études secondaires, il accomplit son service militaire dans la cavalerie. Par la suite, décidé à mener à bien des études de médecine, il s’inscrit à l’Université du Chili où il participe à des cours du soir donnés par la Fédération des étudiants à laquelle il adhère et dont il deviendra le vice-président. Pendant ces années, il se distingue comme un membre actif, très engagé dans la vie estudiantine. Il est élu président des étudiants en médecine, et se passionne pour les idées nouvelles du marxisme à travers la révolution d’Octobre et la fréquentation d’un vieux cordonnier d’origine italiennne, Juan Demarck. Ces idées l’amènent à diriger un groupe d’étudiants d’orientation marxiste appelé Avance. Mais à la suite de nombreuses manifestations – dont l’une entraîne la chute du général président Carlos Ibáñez en 1931 –, il est arrêté et expulsé de l’université. Malgré cela, ses bons résultats et ses nombreux stages internes lui permettent d’obtenir son diplôme. Ne trouvant pas de place dans les hôpitaux, il débute sa carrière comme assistant d’anatomie pathologique et organise la Revue de médecine sociale à Valparaiso où, par la suite, il devient ULB DHC 175e rédacteur du Bulletin médical du Chili. En 1933, il participe à la fondation du Parti socialiste, dont il est élu député de sa circonscription natale en 1937. Un an plus tard, il est désigné ministre de la Santé et il œuvre à la production et à la distribution de médicaments contre les maladies vénériennes, la réduction du nombre de morts liés au typhus, l’allocation de deux millions de pesos aux centres d’hygiène publique, l’extension du service dentaire dans les écoles et la mise en place de restaurants universitaires pour les étudiants, ainsi qu’à la création d’un comité d’aide aux républicains espagnols. Élu du Parti socialiste, il se consacre pendant deux décennies au travail de sénateur de plusieurs régions, entre sa première élection en 1945 et 1966, lorsqu’il est nommé président du Sénat. En 1970, il est élu président du Chili sous l’étiquette de l’Unité populaire, la coalition de gauche. Il lance un programme de réformes sociales basé sur une réforme agraire et une nationalisation des entreprises ainsi que sur une amélioration du mode de vie du peuple chilien. Son ambition est de permettre une redistribution équitable de la terre, d’augmenter la production agricole, de récupérer les richesses nationales aux mains du capital étranger et de relever le niveau de vie des travailleurs pour défendre leurs intérêts de manière à ce que ceux-ci puissent avoir un revenu plus élevé qui leur permettrait de vivre selon la dignité humaine. Mais, ayant réalisé ces réformes et rétabli les relations diplomatiques avec Cuba et Pékin, il se heurte de plein fouet aux ÉtatsUnis – qui ont investi beaucoup d’argent dans les entreprises chiliennes et qui craignent que l’arrivée d’un président communiste au pouvoir influence d’autres pays d’Amérique latine –, ainsi qu’aux classes moyennes et bourgeoises qui perdent non seulement leur pouvoir mais aussi leurs avantages. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 96 Afin de sauvegarder de leurs intérêts, les ÉtatsUnis décident le blocus économique du pays, ce qui provoque une inflation galopante, difficile à endiguer car la productivité chute et le gouvernement est incapable de maîtriser le déficit budgétaire qu’il avait laissé filer pour financer les réformes. Des révoltes et des grèves éclatent, notamment celle des camionneurs, ce qui n’empêche pas Allende d’obtenir la majorité au suffrage de 1972. L’année suivante, la démission du général de l’armée Prats pousse Allende à nommer Augusto Pinochet à la tête de l’armée. Le 11 septembre 1973 à 9h du matin, Pinochet, piloté, soutenu et financé par les États-Unis, tente un coup d’État militaire contre le président ; l’armée assiège le palais présidentiel, que l’aviation bombarde. Allende s’adresse une dernière fois au peuple chilien, clamant son refus de démissionner face à la force. Conscient que toute tentative d’échapper du palais se solderait par un assassinat déguisé en accident, il se suicide dans le bureau présidentiel du palais de la Moneda. C’est pour son idéal de démocratie politique et pour sa volonté de transformer par des voies pacifiques la société chilienne qu’il reçoit à titre posthume, le titre de docteur honoris causa de l’Université libre de Bruxelles en 1975. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 97 U Thant Docteur honoris causa 1967 Pantanaw, Birmanie, 1909 – New York, États-Unis, 1974 Maha Thray Sithu U Thant étudie à l’école secondaire nationale de Pantanaw et poursuit ses études d’art et de sciences à l’Université de Rangoon. Lorsque son père meurt en 1928, il décide de devenir professeur à l’école où il avait été élève. Il devient directeur de cette même école en 1931 après avoir passé un concours du professorat du second degré. Avant la seconde guerre mondiale, il est membre du Comité birman des manuels scolaires, du Conseil national de l’éducation et du comité exécutif de l’Association des directeurs d’école. Il est nommé secrétaire du Comité birman pour la réorganisation de l’enseignement en 1942 mais reprend son travail de directeur de l’École secondaire nationale un an après pour une période de quatre ans. Faisant valoir ses notions de journalisme, il devient en 1947 directeur des services de presse du gouvernement. Il exerce ensuite la fonction de directeur de la radiodiffusion en 1948. Sa carrière professionnelle est très riche. Après un passage au ministère de l’Information, il devient en 1957 le représentant birman permanent à l’ONU en tant qu’ambassadeur. Il mène aussi la délégation birmane à l’assemblée générale et, en 1959, il est le vice-président de la quatorzième assemblée générale. Deux ans plus tard, il est nommé président de la commission de conciliation des Nations unies pour le Congo et président du Comité pour un fonds d’équipement des Nations unies. Il est nommé secrétaire général par un vote de l’assemblée générale le 30 novembre 1962 et reprend le mandat inachevé de Dag Hammarskjöld dans un contexte international marqué par la guerre froide. Il s’efforce de trouver des solutions à la crise des missiles de Cuba en 1962 où il s’impose ULB DHC 175e d’emblée comme médiateur entre les États-Unis et l’Union soviétique. À la même époque, il participe à la résolution de la crise congolaise, puis établit le cessez-le-feu de Chypre l’année suivante. Lors du conflit indo-pakistanais en 1965, il instaure un cessez-le-feu et envoie une mission d’observation. Pendant la guerre du Vietnam, il essaye de stabiliser les rapports entre les deux gouvernements mais son intervention échoue. Il est réélu pour un second mandat en tant que secrétaire des Nations unies sous la recommandation du Conseil de sécurité en 1966. En 1967, l’Égypte demande au Nations unies de retirer les casques bleus de son territoire. U Thant s’exécute craignant pour la sécurité des soldats de l’ONU. En 1971, au terme de son second mandat, il décide de ne plus poursuivre. U Thant décède à l’âge de soixantecinq ans des suites d’un cancer. Quand son corps est rapatrié en Birmanie, des étudiants s’en emparent et l’enterrent dans un mausolée de l’Université de Rangoon avant que la police ne déplace le corps dans une tombe privée et scellée. Bien qu’U Thant ait usé de son influence de secrétaire général, il est souvent apparu neutre, voire effacé dans certains moments, hésitant souvent à rentrer en conflit avec une des grandes puissances membres de l’organisation. Bouddhiste de religion, il est reconnu comme étant un homme calme et méditant quotidiennement. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 98 Baudouin de Belgique Docteur honoris causa 1959 Laeken, Belgique, 1930 – Motril, Espagne, 1993 Baudouin de Belgique est le deuxième enfant et premier fils du roi Léopold III et de la reine Astrid de Suède. Cadet de Joséphine-Charlotte et aîné d’Albert, son enfance est marquée par le décès accidentel de sa mère à l’âge de cinq ans. Dans sa jeunesse, il vit les années de guerre principalement en Belgique, alors que l’immédiat après-guerre, marqué par la question royale, voit la famille royale s’installer en Suisse jusqu’en juillet 1950. Les résultats et les événements qui suivent la consultation populaire de mars 1950 contraignent Léopold III à se retirer. Nommé prince royal le 11 août 1950, Baudouin devient le cinquième roi des Belges le 17 juillet 1951, au moment de l’abdication de son père. Politiquement, les dix premières années de règne du jeune roi sont marquées tour à tour par la question scolaire (19541958), la création de la CECA (1951) et de la CEE (1957), l’exposition universelle de Bruxelles (1958) et l’indépendance du Congo belge (1960). Sur le plan familial, Baudouin épouse le 15 décembre 1960 doña Fabiola de Mora y Aragon, union dont ne naîtra aucun enfant. En 1976, à l’occasion des célébrations de ses vingt-cinq ans de règne, le souverain crée la Fondation Roi-Baudouin. Gérant encore de nos jours de nombreux fonds d’entreprises et fonds nominatifs, son objet est l’amélioration des conditions de vie de la population sur les plans économique, social, culturel et scientifique, tant à court qu’à long terme. Ses fortes convictions catholiques conduisent le roi Baudouin à refuser de sanctionner la loi proposant la dépénalisation de l’avortement en 1990. Une astuce constitutionnelle permet toutefois au conseil des ministres, constatant son impossibilité de régner du 3 au 5 avril, d’avaliser la loi. Bien que défenseur ULB DHC 175e de l’unité du pays, la structure de l’État belge sera profondément modifiée au fil de son règne. Les querelles linguistiques ont conduit l’État unitaire à se doter d’une frontière linguistique, de trois régions et de trois communautés. La constitution de la Belgique, monarchie parlementaire, exige que les actes officiels du roi soient soumis au contrôle du gouvernement. Cependant, loin de considérer sa fonction comme protocolaire, le roi Baudouin a exercé une forte influence sur le monde politique au cours de ses quarante-deux ans de règne. Il a, par exemple, régulièrement dénoncé le racisme et la xénophobie dans ses discours, s’est toujours refusé à recevoir quelque représentant de l’extrême-droite (Front national et Vlaams Blok). Le roi meurt d’un arrêt cardiaque à l’âge de 63 ans. Sans héritier direct, son frère Albert lui succède sur le trône de Belgique le 9 août 1993. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 99 William Fulbright Docteur honoris causa 1958 Sumner, États-Unis, 1905 – Washington, États-Unis, 1995 Le père de William, Jay Fulbright, est un banquier, un homme d’affaires, un fermier prospère et le propriétaire d’un journal pour lequel sa mère, Roberta Waugh, est chroniqueuse. William grandit à Fayetteville en Arkansas. Il entre à l’université à l’âge de 15 ans et en sort muni d’un Bachelor of Arts en sciences politiques en 1925. Ayant obtenu une bourse afin de poursuivre ses études à l’étranger, il choisit l’Université d’Oxford, où il obtient un Master of Arts trois ans plus tard. Ce séjour à l’étranger allait considérablement inspirer la suite de sa carrière. À son retour, William Fulbright étudie le droit à l’Université George Washington de Washington DC. Il y rencontre Elizabeth Williams, une militante socialiste originaire de Philadelphie, qu’il épouse en 1932. Deux ans plus tard, William Fulbright décroche son diplôme de droit et est engagé à la division antitrust du département de la Justice. Il occupe également un poste de professeur de droit à l’Université de Washington. À partir de 1936, il enseigne le droit à l’Université d’Arkansas. De 1939 à 1941, il est président de cette université. Âgé d’à peine 34 ans, il est le plus jeune recteur d’université de tous les ÉtatsUnis. En 1941, le nouveau gouverneur de l’Arkansas, Homer Adkins, assouvissant une vengeance personnelle, persuade le conseil d’administration de demander la démission de Fulbright dont la mère avait discrédité Adkins dans le journal familial. William Fulbright refuse et est démis de ses fonctions le 9 juin de la même année. Il entame sa carrière politique l’année suivante en décrochant un mandat à la Chambre des représentants. En janvier 1943, il entre au Congrès. Il fait parler de lui en septembre de la même année lorsque la Chambre adopte la ULB DHC 175e Fulbright resolution, une proposition de mise en place d’un organisme international de maintien de la paix, précurseur des Nations unies. En 1944, il est élu sénateur de l’Arkansas, supplantant Homer Adkins, le gouverneur à l’origine de son éviction de l’Université d’Arkansas. Sa carrière au Sénat se poursuit jusqu’en 1974. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, il propose une loi organisant un programme d’échanges scolaires et scientifiques internationaux qui est acceptée à l’unanimité et signée par le président Truman en août 1946. Le programme démarre la même année et rencontre instantanément un franc succès. Dès ce moment et jusqu’en 1995, plus de 250 000 personnes ont bénéficié des aides du programme Fulbright. En 1949, William Fulbright intègre la commission des affaires étrangères du Sénat et en devient le président de 1959 à 1974, établissant ainsi un record de longévité. Sa carrière sénatoriale est marquée par quelques actes en rupture avec la ligne de conduite politique américaine de l’époque. Tout en soutenant la politique du président Truman, il fait en effet clairement part de ses idées. En 1950, craignant un nouveau conflit mondial, il s’oppose vainement à l’intervention des États-Unis en Corée et au début de l’année suivante demande le retrait des forces armées. En 1954, il vote contre le financement de la commission McCarthy, un programme de localisation d’éventuels espions communistes au sein de l’administration américaine. C’est d’ailleurs lui qui rédigea la motion de censure qui mit un terme définitif à la carrière du sénateur Joseph McCarthy. Enfin, il s’oppose activement à l’invasion de la Baie des Cochons proposée par le président J.F. Kennedy en 1961. Opposé à toute idée de guerre, Fulbright admire la prudence du président Dwight D. Eisenhower et recommande à ses successeurs J.F. Kennedy et Lyndon B. Johnson d’adopter la même attitude. Lorsque la guerre du Vietnam éclate, il introduit, à la demande du président, une motion approuvant le Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 100 bombardement du Vietnam, un geste qu’il sera amené à regretter devant l’imbroglio qui devait suivre. Il joue aussi un rôle crucial comme président des auditions du Sénat sur la politique américaine et la conduite du conflit. Après cinq mandats de sénateur de l’Arkansas, William Fulbright perd les élections primaires de 1974 au profit de Dale Bumpers. Il devient alors conseiller pour le cabinet d’avocats Hogan & Hartson et se consacre activement au programme d’échanges qu’il a mis en place. Il reçoit entre autres le titre de docteur honoris causa de l’Université libre de Bruxelles en 1958 et, en 1993, la Presidential Medal of Freedom des mains du président Bill Clinton qui n’a jamais caché son admiration pour celui qui a été, comme lui, gouverneur de l’Arkansas. Il quitte le cabinet d’avocats Hogan & Hartson en octobre 1994. Un an auparavant avait été créé le prix Fulbright pour la compréhension internationale (Nelson Mandela en est le premier lauréat). William Fulbright s’éteint à son domicile de Washington le 9 février 1995. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 101 Trygve Lie Docteur honoris causa 1951 Oslo, Norvège, 1896 – Geilo, Norvège, 1968 Trygve Lie est le fils de Martin Lie et de Hulda Arnesen. Il grandit dans une famille modeste, son père est charpentier et décède très jeune. Lie adhère à l’Organisation de la jeunesse du Parti travailliste en 1911. À l’âge de seize ans, il est élu, au lycée, président de la section d’Aker (un faubourg d’Oslo) du Parti et ce, de 1914 à 1919. Il fait des études de droit à l’Université d’Oslo avec l’aide d’une bourse et d’un travail de coursier pour financer ses études qu’il termine en 1919. Cette année-là, il est secrétaire adjoint du Parti travailliste norvégien jusqu’en 1922. De 1922 à 1935, il est conseiller juridique de la fédération des syndicats. Il est nommé secrétaire exécutif du parti en 1926. Il résout de nombreux conflits sociaux, entre patronat et ouvriers. Il permet à Léon Trotski de se réfugier en Norvège après que celui-ci ait été expulsé d’URSS et de France. De 1935 à 1939, il est ministre de la Justice dans le gouvernement de Johan Nygaardsvold, du Parti travailliste. De 1939 à 1940, il obtient le portefeuille de l’Industrie, de la Marine marchande et des Pêcheries. Lors de l’invasion allemande de la Norvège, le gouvernement norvégien se réfugie à Londres et Trygve Lie est nommé ministre des Affaires étrangères en exil, par intérim en 1940 puis en titre un an plus tard. Il se distingue comme diplomate pendant la guerre grâce à ses bons rapports avec les Anglais, les Américains et les Soviétiques. En tant que ministre des Affaires étrangères, il préside la délégation norvégienne à la Conférence des Nations unies de San Francisco (avril – juin 1945), où est signée la Charte des Nations unies. Il y préside la commission chargée de rédiger le chapitre de la Charte traitant du Conseil de sécurité. Après la libération de son pays, il est confirmé à son poste ULB DHC 175e de ministre des Affaires étrangères en octobre 1945. C’est en cette qualité qu’il préside la délégation norvégienne à la première session de l’Assemblée générale des Nations unies qui se tient à Londres, en 1946. Le 1er février 1946, il est élu premier secrétaire général de l’ONU, pour une période de 5 ans. Le 1er novembre 1950, l’assemblée générale décide de prolonger son mandat de 3 ans. Mais, le 10 novembre 1952, il remet sa démission de secrétaire général sous la pression soviétique à cause de ses positions pendant la guerre de Corée. Le suicide de son conseiller juridique, à la suite d’investigations auprès du personnel de siège de l’ONU à New York, influence également sa décision. Le 10 avril 1953, Dag Hammarskjöld, un diplomate suédois, prend sa succession. Rentré en Norvège, Trygve Lie y assume successivement les fonctions de ministre de l’Industrie (1963) puis du Commerce (1964-1965). Il décède à l’âge de 72 ans, le 30 décembre 1968. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 102 William Lyon Mackenzie King Docteur honoris causa 1947 Berlin, Canada, 1874 – Kingsmere, Canada, 1950 Issu d’une famille libérale et aisée, William Lyon Mackenzie King est certainement l’un des hommes politiques canadiens les plus importants du XXe siècle. Son grand-père maternel, William Lyon Mackenzie, fut le premier maire de Toronto et le fer de lance de la Rébellion des patriotes qui souleva le Haut-Canada contre les colons britanniques en 1837-1838. Comme son père, le jeune King s’oriente vers les études de droit et décroche en 1896 un diplôme de Osgoode Hall, une école de droit liée à l’Université de Toronto. Il poursuit sa formation à l’Université de Harvard où il obtient un Master of Arts en économie politique en 1898. Il rédige l’année suivante une thèse de doctorat sur les relations de travail dans l’industrie textile aux États-Unis, au Canada et en Angleterre, qui ne sera soutenue qu’en 1909 à l’Université de Harvard. Entre-temps, il devient journaliste mais préfère rapidement embrasser une carrière politique au sein du Parti libéral. Élu député en 1908, il obtient dans la foulée le portefeuille du Travail au sein d’un gouvernement dirigé par son mentor, le francophone Sir Wilfried Laurier. Défait aux élections générales de 1911, King abandonne provisoirement la politique et devient expert en relations industrielles auprès de la Fondation Rockefeller, prodiguant des conseils de conciliation pour la gestion des grèves. C’est à cette époque qu’il rédige un ouvrage tiré de son expérience de consultant et perçu plus tard comme un livre-programme : Industry and Humanity: A Study in the Principles Underlying Industrial Reconstruction. de 22 ans, record jusqu’ici inégalé au Canada. Ses différents mandats se confondent avec l’histoire de son pays. Aux prises avec les répercussions de la crise économique de 1929, il élabore un programme de lutte contre le chômage fortement inspiré du New Deal de Roosevelt. En politique intérieure, il penche pour une autonomie accrue du Canada, mais sans aller cependant jusqu’à soutenir explicitement l’indépendance du pays au sein du Commonwealth, ce que d’aucuns lui reprochent amèrement. Sa ligne de conduite hésitante en la matière est illustrée par l’entrée en guerre du Canada en 1939 : d’un côté, il procède hâtivement à une mobilisation des troupes, de l’autre, il s’en remet à la souveraineté du Parlement pour voter la déclaration de guerre officielle, qui intervient une semaine après celle de la GrandeBretagne. Partisan d’une politique de neutralité et d’apaisement avec l’Allemagne, il tente à plusieurs reprises d’éviter la conscription généralisée, laquelle cristallisait les oppositions entre francophones et anglophones et avait déjà précipité sa défaite électorale en 1917. Il finit toutefois par l’adopter en avril 1942 en limitant sa portée à l’échelle nationale. Fin 1944, il fait voter un décret de conscription généralisée qui écorne sa popularité mais a peu d’effets concrets du fait de la fin de la guerre. Instigateur d’un programme de reconstruction du pays marqué par les principes interventionnistes de l’État-providence, King se détache progressivement de la vie politique après la guerre non sans s’être assuré de la stabilité économique et de l’unité politique du pays. Il décède d’une pneumonie dans sa résidence d’été de Kingsmere en 1950. King entame son retour en politique en 1919 en prenant la succession de Wilfried Laurier à la tête du Parti libéral. C’est le début d’une carrière au sommet qui ne s’achèvera que par sa retraite en 1948. Il est nommé premier ministre à six reprises pour une durée totale ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 103 Franklin D. Roosevelt Docteur honoris causa 1945 New York, États-Unis, 1882 – Warm Springs, États-Unis, 1945 Issu d’un milieu aisé, Franklin Delano Roosevelt est le fils unique de James Roosevelt, fervent démocrate, vice-président des chemins de fer de l’Hudson et de Sarah Delano, riche new-yorkaise. Ceux-ci éduquent leur fils unique dans la tradition aristocratique anglaise, en lui adjoignant un précepteur et en l’emmenant avec eux dans leurs voyages à travers l’Europe. Le jeune Franklin évolue dans un univers dominé par des adultes jusqu’à ses 14 ans, quand il entre dans la très stricte école privée de Groton, dans le Massachusetts. Il fait son entrée à l’Université de Harvard en 1900, et devient rapidement l’éditeur du journal universitaire. À cette période, il rencontre Eleanor Roosevelt, une cousine éloignée avec qui il se fiance en 1904 et qu’il l’épouse l’année suivante, raison pour laquelle il ne finit pas le cursus qu’il a entamé à la Columbia Law School. Une fois passé son examen au barreau, il est reçu avocat en 1907 et entre dans un cabinet new-yorkais. Il fait ses débuts en politique en 1910, quand les démocrates du Dutchess County le poussent à présenter sa candidature au Sénat. Il remporte les élections et le siège de l’État de New York, où il s’impose comme le leader de l’opposition démocrate. Lors des élections de 1912, il tombe malade, ce qui l’exclut de la campagne. L’année suivante, le nouveau président Woodrow Wilson, que Roosevelt avait énergiquement soutenu, lui offre le poste d’assistant secrétaire à la Marine. Cette nouvelle affectation l’amène à s’installer à Washington, où il acquiert la réputation d’un démocrate progressiste prometteur. Bien qu’il soit battu par le Tammany Hall lors des élections sénatoriales de 1914, il se consacre à sa fonction qui consiste à préparer la Marine à la guerre. Àla ULB DHC 175e fin de la guerre, il se rend en Europe pour assurer la démobilisation de la Marine et il participe aux conférences de paix avec le président Wilson. En 1920, le Parti démocrate propose sa nomination à la vice-présidence et il tente dès lors de faire rentrer les États-Unis dans la Société des nations. Cette proposition est rejetée par le Sénat et, après la nomination du président républicain Harding, Roosevelt s’éloigne de la vie publique. Terrassé par une grave crise de poliomyélite, il entame un long processus en vue de recouvrer l’usage de ses jambes. Malgré son handicap, et sur les conseils de sa femme, il décide en 1924 de faire son retour sur la scène politique en soutenant la candidature d’ Al Smith au poste de gouverneur de l’État de New York. En 1928 le poste est à nouveau vaquant et les démocrates poussent Roosevelt à se présenter. Il l’emporte à une courte majorité et figure désormais en bonne place sur la liste des nominés démocrates pour la présidence. Quand, en 1929, la Grande Dépression s’abat sur les États-Unis, Roosevelt sait se montrer plus habile que le président Herbert Hoover en mobilisant les ressources de son État pour assurer une sécurité minimum aux nécessiteux. Candidat du Parti démocrate, il est élu avec une majorité écrasante lors des élections du mois de novembre et entame son premier mandat le 4 mars 1933. Épaulé par ce qu’il appelle son Brain Trust, sa première action consiste à décréter un congé national pour toutes les banques et à les placer sous contrôle fédéral. Dans les mois et les années qui suivent, il met en place un train de réformes (le New Deal) qui visent à redynamiser l’économie américaine. Elles sont une réussite sur le plan social, ce qui lui vaut d’être réélu le 3 novembre 1936. En 1939, alors que l’Europe est au bord du chaos, Roosevelt est partagé entre l’isolationnisme et l’implication directe dans la guerre. Après l’invasion de la France, il choisit le compromis en fournissant une aide logistique à la Grande-Bretagne. Cette Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 104 politique de « neutralité active » se développe lors de son troisième mandat entamé en 1941 avec l’envoi de destroyers en Atlantique et l’afflux de matériels militaires aux pays alliés. Il impose un embargo sur le Japon, espérant que la diminution de leurs réserves de carburant arrêterait l’avancée des armées nippones en Chine. Cette décision conduit à l’attaque surprise de Pearl Harbor le 7 décembre 1941, au cours de laquelle la flotte américaine du Pacifique est pratiquement réduite à néant. Roosevelt, comme l’opinion américaine, est furieux et choqué. Rompant totalement avec la tradition isolationniste, il ordonne dès le lendemain au Congrès de décréter l’état de guerre. Après une année 1943 difficile, les succès remportés par les Alliés en Italie provoquent la chute du régime de Mussolini, laissant la possibilité de planifier la libération de l’Europe. L’opération Overlord a lieu le 6 juin 1944, réalisant le vœu de Staline de voir s’ouvrir un second front à l’Ouest. Après la conférence de Yalta en février 1945, Roosevelt, qui avait remporté un quatrième et exceptionnel mandat présidentiel au début de l’année, retourne faire une cure à Warm Springs en Georgie au mois de mars. Il est terrassé, victime d’une hémorragie cérébrale. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 105 Winston Churchill Docteur honoris causa 1945 Blenheim, Angleterre, 1874 – Londres, Angleterre, 1965 Winston Churchill est le fils d’un descendant du duc de Marlborough et de la fille du propriétaire du New York Times. Américain par sa mère, il cultive ce goût des liens transatlantiques tout en appartenant à l’aristocratie britannique la plus titrée. C’est un élève très moyen, admis de justesse à l’école de Sandhurst, le Saint-Cyr britannique, en 1893. Il rêve d’aventures, part sur le théâtre des opérations extérieures (Cuba, Inde, Soudan), et en tire des livres de reportages. Après une défaite électorale dans le district d’Oldham, il repart en Afrique du Sud, comme correspondant de guerre. Fait prisonnier par les Boers, il s’échappe et parvient à câbler à son journal le récit de ses exploits. Toute l’Angleterre apprend d’un coup à connaître l’aventureux descendant du grand Marlborough. Auréolé de cette soudaine notoriété, il n’hésite pas à l’exploiter et se lance à nouveau en politique. Il est élu député conservateur en 1900. Toutefois, il ne reste pas longtemps conservateur et se rapproche des libéraux à partir de 1904. Élu député libéral de Manchester en 1906, il obtient un sous-secrétariat d’État. En 1908, le premier ministre Lloyd George lui confie le portefeuille du Commerce et de l’Industrie. Churchill, qui a rallié le camp du radicalisme et de la démocratie sociale, s’emploie à limiter la journée de travail dans les mines, à lutter contre le sweating system et le chômage. Ministre de l’Intérieur en 1910-1911, il se pose en protecteur intrépide de l’ordre public. Désigné premier lord de l’Amirauté en 1911, il prépare la flotte britannique à la guerre en prenant des mesures radicales. Il est en partie responsable du terrible échec de la campagne des Dardanelles en 1915. ULB DHC 175e La guerre terminée, son itinéraire politique devient plus sinueux. Ses changements d’allégeance (il repasse en 1924 des libéraux aux conservateurs) et sa versatilité ne contribuent pas à convaincre les électeurs. En 1938, sa popularité et sa crédibilité sont au plus bas. La situation s’inversera deux ans plus tard. En mai 1940, au terme de la Drôle de Guerre, le roi fait appel à Winston Churchill pour former un gouvernement d’union nationale. Du printemps à l’automne 1940, Churchill galvanise les troupes, définit les objectifs de la nation dans des discours magnifiques et intrépides (« (…) we shall never surrender »). Il organise partout la lutte contre l’Allemagne hitlérienne : en Grande-Bretagne, contre l’offensive aérienne de la Luftwaffe (la « bataille d’Angleterre ») et les menaces d’invasion ; en Afrique, contre les Italiens ; du côté de l’Amérique, en resserrant les liens économiques et diplomatiques avec Franklin D. Roosevelt (avec la charte de l’Atlantique le 14 août 1941). En 1941, l’Angleterre sort de son isolement grâce à l’entrée en guerre de l’URSS en juin et des États-Unis en décembre. Mais elle doit affronter un nouvel et redoutable adversaire, le Japon, qui s’empare de toutes les positions britanniques en Extrême-Orient. Une étroite collaboration se met en place entre les trois nations en guerre, entre Churchill, Roosevelt et Staline. L’ouverture d’un deuxième front à l’ouest a lieu le 6 juin 1944 sur les côtes normandes : les armées britanniques participent à la reconquête de l’Europe. Le 11 novembre 1944, Churchill, aux côtés de Charles de Gaulle, est acclamé à Paris. Le « V » de la victoire, symbole de la silhouette churchillienne tout autant que son éternel cigare, est devenu une réalité. À partir de la conférence de Yalta (février 1945), l’alliance avec la Russie stalinienne craque. Churchill stigmatise « le rideau de fer » qui est en train de Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 106 diviser l’Europe. Il fait tirer les troupes britanniques sur les communistes de la résistance grecque. Sur le plan national, Churchill, au firmament de sa popularité, s’attend à remporter facilement les élections législatives de juillet 1945. Mais les conservateurs subissent une défaite cuisante : 215 sièges seulement contre 399 aux travaillistes. Ulcéré d’être ainsi « congédié par le corps électoral britannique », le vieux lion quitte la scène politique en plein milieu de la conférence de Potsdam et laisse la place à son adversaire et éternel rival Clement Attlee. Devenu leader de l’opposition, Winston Churchill ronge son frein. Entre plusieurs hobbies, il se consacre à la rédaction de ses Mémoires (qui lui vaudront le prix Nobel de littérature en 1953). Aux élections de 1951, le camp travailliste subit un désaveu et Churchill redevient premier ministre. Son gouvernement pratique une politique d’assouplissement prudente du dirigisme travailliste et prône, à l’extérieur, une alliance étroite avec les États-Unis et une politique d’apaisement international. Son âge avancé ne lui permet cependant pas de réaliser tous ses espoirs. Après une célébration émouvante de son 80 e anniversaire qui lui vaut une multitude d’hommages (novembre 1954), Churchill se résigne à abandonner le pouvoir en confiant sa succession à Anthony Eden (avril 1955). Churchill aura eu la plus longue carrière politique de l’histoire du Royaume-Uni, mais, paradoxalement, sans les cinq années de guerre, elle aurait été marginale, sinon anecdotique. En 1953, fait chevalier de la Jarretière, il devient « Sir » Winston Churchill. Il passe les dix dernières années de son existence dans la retraite de sa maison de campagne du Kent, à Chartwell, ou dans le midi de la France. Ses obsèques, en présence de la reine, seront triomphales. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 107 Tchang Kaï-chek Docteur honoris causa 1945 Xikou, Chine, 1887 – Taipei, Taiwan, 1975 Fils d’un marchand de sel, Jiang Jieshi, dit Tchang Kaï-chek, voit le jour dans la province de Fenghua, où il est élevé par sa mère, veuve. En 1905, il part à Ningbo où il étudie la philosophie et s’intéresse aux anciens textes guerriers. Il décide alors de suivre une formation militaire au Japon après un bref passage au collège de Lungshin. Il est accepté en 1908 à l’Académie Shimbu Gakkô de Tokyo et entame sa carrière politique l’année suivante en adhérant à l’Alliance révolutionnaire de Sun Yat-sen qu’il découvre grâce à un ami. Il participe ainsi à la révolution de 1911 en combattant à Shanghai et aide à asseoir Sun Yat-Sen à la tête du gouvernement provisoire de Nankin. Il rejoint ensuite le Parti nationaliste chinois Guomindang et retourne à Shanghai pour mener une campagne contre Yuan. Il fréquente les sociétés secrètes de la ville composées de l’élite capitaliste et est placé sous les ordres de Chen Jionming, principal allié militaire du gouvernement que Sun Yat-sen avait récemment installé à Canton. Le Guomindang est cependant expulsé de la ville en 1922, forçant Sun Yat-sen à se tourner vers le Kominterm pour réorganiser le parti. C’est ainsi que le 16 août 1923, Tchang Kaï-chek quitte la Chine pour diriger une délégation envoyée à Moscou avec pour mission d’étudier l’organisation de l’Armée rouge. À son retour, le 16 janvier 1924, le Guomindang est complètement réorganisé. Il devient peu de temps après membre du conseil militaire du Guomindang et est nommé à la tête de l’académie militaire de Whampoa. Il se lance alors dans une série de campagnes militaires visant à mater les révoltes des riches commerçants cantonnais et gagne en renommée. La mort de Sun Yat-sen au mois de mars 1925, entraîne une série de troubles ULB DHC 175e au sein du gouvernement. Élu au comité central lors du second Congrès national du Guomindang, il se retrouve à la tête du parti tout en bénéficiant de l’aide logistique de Moscou. Cependant Tchang Kaï-chek se retourne contre les communistes en décrétant la loi martiale à Zongshan le 20 mars 1926. Il fait aussi arrêter un grand nombre de conseillers soviétiques, ainsi que des cadres du Parti communiste chinois. Aidé financièrement par les sociétés capitalistes de Shanghai, il se lance également dans l’Expédition du Nord, croisade politique visant à mater les seigneurs de guerre et les communistes et qui s’achève avec la prise de Pékin en juin 1928. Un autre front s’ouvre avec la lutte contre les envahisseurs japonais ; la stratégie des nationalistes consiste à opérer des replis stratégiques, tandis que la guérilla communiste harcelait les troupes japonaises. Quand en décembre 1941, les États-Unis entrent en guerre, Roosevelt et Churchill le nomment commandant suprême des forces chinoises et il reçoit dès lors le soutien logistique du gouvernement américain. Dans les années qui suivent, la popularité de Kaï-chek auprès des leaders occidentaux est grandissante. En décembre 1943, il se rend au Caire pour rencontrer Roosevelt et Churchill. Ces derniers s’accordent sur l’abolition des juridictions consulaires, des concessions et des droits de navigations fluviales et définissent en même temps les conditions de victoire sur l’empire japonais. L’Université libre de Bruxelles décerne le titre de docteur honoris causa au généralissime Kaï-chek le 30 décembre 1944. Ne pouvant se rendre à Bruxelles, son diplôme et ses insignes lui seront remis en personne par l’ambassadeur de la République de Chine au mois de janvier 1946. La reddition des Japonais ne marque cependant pas l’arrêt des dissensions entre nationalistes et communistes. Avec l’appui de l’Union soviétique, les communistes lancent une série d’offensives à partir du nord de la Chine. Ils Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 108 s’emparent de Pékin le 22 janvier 1949 et chassent les nationalistes de Nankin dans le courant du mois d’avril. Suite à la proclamation de la République populaire de Chine, le 1er octobre 1949, Tchang Kaï-chek est contraint de fuir à Taiwan avec son gouvernement et une partie de son armée. Il installe son gouvernement à parti unique à Taipei et entame son mandat de président de la République de Chine le 1er mars 1950. La République populaire de Chine revendique cependant la souveraineté sur l’île, forçant Tchang Kaï-chek à chercher un appui auprès des Américains. Ces derniers, bien qu’hésitants dans un premier temps, changent de stratégie quand éclate la guerre de Corée. Dès lors, Taiwan, qui occupe une position stratégique dans la conduite du conflit, bénéficie d’une aide militaire massive de la part de Washington qui reconnaît le régime de Tchang Kaï-chek comme étant le régime officiel de la Chine jusqu’en 1972. Tchang Kaïchek est président jusqu’en 1975, date à laquelle il est terrassé par un arrêt cardiaque à Taipei. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 109 Charles de Gaulle Docteur honoris causa 1945 Lille, France, 1890 – Colombey-les-Deux-Églises, France, 1970 Charles de Gaulle naît le 22 novembre 1890 à Lille. Issu d’une famille monarchiste, catholique et libérale, il est le troisième enfant d’Henri de Gaulle, professeur de littérature, d’histoire et de mathématiques et de Jeanne Maillot, fille d’un industriel textile lillois. Ayant débuté ses études à Lille, il achève son cursus à Paris avant de poser sa candidature à l’École militaire de Saint-Cyr en 1909. Il y suit une formation d’officier de 1910 à 1912, est nommé lieutenant en 1913, incorporé au 33e régiment d’infanterie à Arras, sous les ordres du colonel Pétain. Au cours de la première guerre mondiale, de Gaulle est blessé à trois reprises avant d’être capturé par les Allemands en février 1916. Interné à Freyberg, il tente de s’évader à cinq reprises avant d’être transféré au fort d’Inglestadt où il reste jusqu’à l’armistice. Dès sa libération, de Gaulle reprend la carrière militaire. Il est envoyé en Pologne pour combattre l’Armée rouge puis est rappelé à Paris, pour un poste de professeur adjoint d’histoire militaire à Saint-Cyr. Il entre en 1922 à l’École supérieure de guerre pour deux ans avant d’être affecté à l’État-major des armées du Rhin. Il est appelé au cabinet du maréchal Pétain en 1923. Après un bref passage à la tête du 19e bataillon de chasseurs, il est envoyé à Beyrouth où il est affecté à l’État-major des armées du Levant de 1929 à 1931. Au terme de son séjour, il est rappelé à Paris pour être affecté au secrétariat général du conseil supérieur de la défense nationale. Quand, en 1939, la France se prépare à la mobilisation générale, on lui confie le commandement des chars de la Ve armée jusqu’à sa nomination au grade de général de brigade à titre temporaire le 15 mai 1940. Il reçoit alors le commandement de la 4e division cuirassée, ULB DHC 175e une division qui réussit momentanément à arrêter l’avancée allemande près de Laon. Le 5 juin, le président du Conseil, Paul Reynaud, lui confie le poste de sous-secrétaire d’État à la Défense nationale. Mais quand il apprend la démission de Reynaud et son remplacement par le maréchal Pétain, il s’envole pour l’Angleterre et prononce, le lendemain de l’annonce de l’armistice par Pétain, un vibrant appel à la résistance – le célèbre appel du 18 juin. Une semaine plus tard, de Gaulle forme et préside le Comité national français et est reconnu publiquement chef des Français par le gouvernement britannique. Il se rend en Afrique au mois de septembre et rallie à la France plusieurs territoires d’outre-mer. Il installe à Brazzaville le Conseil de défense de l’Empire et crée l’Ordre de la libération le 16 novembre 1940. Dès lors, les Forces françaises libres se battent aux côtés des Britanniques et mettent fin à l’avancée des Allemands vers le canal de Suez. La détérioration des relations entre de Gaulle et Winston Churchill a lieu en 1942. Le premier ministre, influencé par le président américain Roosevelt, lui interdit désormais de quitter l’Angleterre. Exclu de l’organisation du débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, il apprend que les Alliés ont entamé des négociations avec l’amiral Darlan, membre du gouvernement de Vichy. Après l’assassinat de Darlan, le Comité français de libération nationale est créé le 3 juin 1943 à Alger sous la coprésidence de Giraud et de Gaulle. Suite au débarquement de Normandie, Paris est libéré le 25 août 1944 et le général peut descendre triomphalement les Champs Élysées. Il transfère son gouvernement provisoire à Paris. De Gaulle, qui n’est pas invité aux conférences de Yalta et de Postdam, assiste au partage du monde entre Churchill, Staline et Roosevelt. L’Université libre de Bruxelles le considère toutefois comme un de ses libérateurs, raison pour laquelle elle lui décerne ainsi qu’aux autres le titre de docteur honoris Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 110 causa le 30 décembre 1944. Le général reçoit le diplôme et les insignes que lui remet le recteur lors d’une cérémonie solennelle le 11 octobre 1945. Le 13 novembre 1945, le général est élu président du gouvernement de la République par l’Assemblée. Mais il est en désaccord avec le projet de constitution de la IVe République et démissionne dès janvier. Pensant que sa popularité pousserait les Français à le rappeler très vite, il se retire dans sa résidence de Colombey-les-Deux-Églises. Sa retraite prend en réalité fin le 30 mai 1958, quand la détérioration de la situation en Algérie, pousse le président Coty à faire appel à lui pour former le gouvernement. Après s’être fait accorder les pleins pouvoirs, il préside le Conseil des ministres et est élu président de la République le 21 décembre 1958. Il s’installe à l’Élysée le 8 janvier et entame les premiers dossiers de son mandat. Sur le plan extérieur, il comprend très vite que la pacification de l’Algérie n’est envisageable que si elle reçoit son indépendance. Cette politique, qui mène à la signature des accords d’Évian, n’a pas que des partisans et donne lieu à une série d’attentats aussi bien en Algérie qu’en métropole. Sur le plan intérieur, il dissout l’Assemblée nationale en octobre 1962 et procède à un référendum pour que l’élection présidentielle soit au suffrage universel. Cette pratique du référendum est rapidement considérée comme anticonstitutionnelle. Aux élections de 1965, le général de Gaulle est élu au second tour avec seulement 54,5% des voix contre 45,5% pour François Mitterrand, qui a forcé le général à un second tour de scrutin. Ayant entamé son second mandat, le président de Gaulle se lance dans une série de voyages diplomatiques en Allemagne, en Pologne et à Montréal où il prononce un discours en faveur du Québec libre. Il est en voyage quand les événements de mai 1968 le poussent à rentrer. Incapable dans un premier temps de comprendre et de trouver une ULB DHC 175e solution aux troubles, il quitte le territoire français le 29 mai. Il réapparaît dans un message radiodiffusé le lendemain, pour annoncer qu’il dissout l’Assemblée nationale. Après une victoire écrasante aux élections législatives de 1969, il propose deux référendums, l’un traitant de la transformation du Sénat en assemblée consultative et l’autre de la régionalisation. Essuyant un refus, il démissionne le 27 avril, laissant l’intérim à Alain Poher jusqu’à l’élection de Georges Pompidou. Il passe les derniers mois de sa vie à écrire ses mémoires et s’éteint subitement suite à une rupture d’anévrisme. Ses obsèques se sont déroulées dans une stricte intimité voulue. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 111 Joseph Staline Docteur honoris causa 1945 Gori, Géorgie, 1879 – Moscou, Russie, 1953 Joseph Staline, de son vrai nom lossif Djougachvili est le quatrième enfant de Vissarion Djougachvili, un modeste cordonnier ossète au tempérament violent, et d’Ekaterina Gueladzé. Son enfance est marquée par la faim et la violence. Poussé par sa mère qui désire le voir épouser une carrière religieuse, le jeune Joseph entre au collège théologique de Gori en 1888 et poursuit ses études au séminaire orthodoxe de Tiflis (aujourd’hui Tbilissi) où son adhésion au groupe clandestin social-démocrate Messame Dassy lui vaut d’être expulsé en 1899 pour activité révolutionnaire. En décembre 1899, il entre à l’observatoire géophysique de Tiflis sous le pseudonyme de Koba. Alors que le début du XXe siècle en Russie est marqué par une importante crise économique qui entraîne des mouvements de grèves à travers tous le pays, il quitte l’observatoire géophysique et se lance dans l’organisation d’une série de manifestations comme celle du 22 avril 1901, qui réunit 3 000 ouvriers à Batoumi. Son implication dans les événements lui vaut d’être arrêté par la police tsariste et interné mais il réapparaît dès 1902 et reprend ses activités clandestines. Il est arrêté une seconde fois au mois de novembre et est envoyé en exil en Sibérie, d’où il parvient à s’enfuir avant de revenir à Tiflis en 1904. Dans les années qui suivent, il sera encore incarcéré et déporté à deux reprises. Coopté au comité central du Parti bolchevique en février 1912, il prend le pseudonyme de Staline, l’homme d’acier. Il s’investit alors dans la presse bolchevique de SaintPétersbourg et écrit son premier ouvrage théorique. Il est cependant arrêté une fois encore en mars 1913 et envoyé en Sibérie où il demeure quatre ans. Libéré par la révolution de février 1917, il regagne alors Saint-Pétersbourg, entre-temps devenue Petrograd, ULB DHC 175e et prend la direction du journal Pravda. Il devient rapidement l’un des proches collaborateurs de Lénine, si bien que ce dernier le nomme commissaire du peuple aux Nationalités au mois d’octobre, poste qu’il conservera jusqu’en 1922. Il est également fait membre du bureau politique du Parti bolchevique, puis commissaire du peuple à l’inspection ouvrière et paysanne en février 1919. Il y développe son réseau d’informateurs et devient le personnage le mieux renseigné du Parti. En avril 1922, Lénine propose sa nomination au poste de secrétaire général du comité central. Craignant que Staline ne canalise entre ses mains des pouvoirs trop importants, Lénine l’avait relégué à un poste purement administratif. Suivant dans un premier temps la politique de son dirigeant, Staline, qui a su tirer avantage de la bureaucratisation du Parti, bâtit très vite un pouvoir personnel et profite de ses attributions pour se débarrasser de ses opposants. La situation entre les deux hommes dégénère tant et si bien qu’en janvier 1923, Lénine l’exclut de sa succession dans son testament, lui préférant les méthodes de Trotski. À la mort de Lénine, Staline tisse une série d’alliances en vue de s’octroyer la place. Ainsi, lors du XIVe congrès du Parti, en décembre 1925, il écrase l’opposition de gauche qui rassemblait Trotski, Zinoviev et Kamenev et les fait exclure du parti au mois de novembre 1927. Il fera de même avec l’opposition de droite en décembre 1929, achevant ainsi d’installer des hommes de confiance aux postes clés de l’État. Dès lors, l’Union soviétique glisse vers un État totalitaire. Les purges (notamment la Grande Purge de 1937), les jugements expéditifs d’« opposants », les mises à mort ou les envois dans les camps de travail du goulag constituent la charpente de son règne de terreur. En décembre 1938, il nomme à la tête de la police secrète, le NKVD, Lavrenti Beria, qui l’aide à achever les purges. En politique intérieure, Staline lance une campagne d’industrialisation massive qui Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 112 s’appuie sur des plans quinquennaux. À l’extérieur, il se rapproche de l’Allemagne nazie, pensant qu’une alliance lui permettrait de ne pas avoir à s’engager dans une guerre européenne. Le pacte de non agression germano-soviétique est signé en août 1939. Quand en juin 1941, la Wehrmacht envahit l’Union soviétique, Staline est pris de court. Profitant de la désorganisation ambiante, l’avancée fulgurante des Allemands entraîne la capture de milliers de soldats de l’Armée rouge. Staline, commandant en chef du quartier général depuis le mois d’août, entreprend alors des revirements dans sa politique : les slogans marxistes sont remplacés par un fervent patriotisme. Il lance également une campagne contre ce qu’il appelle les « traîtres ». Les minorités tatares et tchétchènes sont déportées par le NKVD et des groupes de partisans sont créés afin de combattre les Allemands et les anticommunistes. Sa victoire sur l’armée allemande à Stalingrad, véritable tournant de la guerre, le confirme comme un allié de poids pour Roosevelt et Churchill, qu’il rencontre pour la première fois à Téhéran en novembre 1943. Suivront les conférences de Yalta (janvier 1945) et de Postdam (mai 1945) au cours desquelles seront posées les bases du découpage du monde d’après-guerre. Bien que l’Université libre de Bruxelles, lui ait conféré le titre de docteur honoris causa en décembre 1944, il faudra attendre le 220e anniversaire de la fondation de l’Académie des sciences de Moscou pour que le président de la Faculté des sciences lui remette en personne le diplôme et ses insignes. À la fin du conflit, Staline, au sommet de sa puissance, place sous contrôle soviétique la plupart des États d’Europe orientale et centrale, les soumettant au modèle soviétique. L’émergence du « rideau de fer » préfigure la guerre froide et la course à l’armement qui n’aura de cesse de miner l’économie du pays. Persistant dans une volonté de contrôle et d’obéissance totale, Staline se retourne contre ses alliés communistes. Ainsi, ULB DHC 175e dès 1947, il s’oppose à la Yougoslavie du maréchal Tito, qu’il juge trop indépendante et tente en 1950 d’humilier Mao Zedong lors de sa visite au Kremlin. Alors qu’il préparait de nouvelles purges et une féroce campagne antisémite, Staline s’éteint dans sa datcha à Moscou le 5 mars 1953, victime d’une attaque. Sa dépouille est alors exposée dans le mausolée de Lénine jusqu’à ce qu’elle soit déplacée et enterrée sous les murs du Kremlin après la déstalinisation. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 113 Joseph E. Davies Docteur honoris causa 1939 Watertown, États-Unis, 1876 – Washington, États-Unis, 1958 Son père, Edward Davies, émigré du pays de Galles, est un prospère fabricant de chariots et sa mère, Rahel Paynter, une poétesse connue sous le pseudonyme de Rahel o Fôn. Après des études secondaires au collège de Watertown, Davies entre à l’Université du Wisconsin pour y étudier le droit. Il est diplômé avec mention en 1901 et est admis au barreau du Wisconsin la même année. De retour à Watertown, Davies est nommé procureur d’État du comté de Jefferson. En 1906, Davies part pour Madison où il devient un brillant avocat et un membre actif du Parti démocrate. En 1912, à la veille des élections présidentielles, il est promu chef du quartier général du Parti démocrate à Chicago. De là, il dirige la campagne de Woodrow Wilson dans l’État du Wisconsin. Au niveau économique, même s’il est opposé à l’idée de monopole, Davies n’en est pas moins partisan du capitalisme modéré et réprouve les interventions du gouvernement lorsqu’elles ne sont pas nécessaires. En 1913, il est nommé commissioner of corporations avant de devenir président de la Commission fédérale du commerce de 1915 à 1916. Ensuite il travaille au War Industries Board dont il démissionne à la fin de la première guerre mondiale. Il brigue alors le poste de sénateur du Wisconsin mais perd l’élection. Après avoir accompagné le président Wilson à la conférence de paix de Paris en 1919 comme conseiller économique, Davies démissionne de ses fonctions au service du gouvernement l’année suivante pour établir un cabinet privé d’avocat à Washington. Pendant les années vingt et le début des années trente, il est conseiller aux affaires étrangères, notamment pour le Mexique, le Pérou et le Chili. ULB DHC 175e Davies remplace William C. Bullitt au poste d’ambassadeur auprès de l’Union soviétique fin 1936, poste qu’il avait refusé lorsque le président Wilson le lui avait proposé au temps de la Russie tsariste. La manière dont il assure sa fonction d’ambassadeur est souvent critiquée par ceux qui ne partagent pas sa vision du système soviétique. Pendant qu’il négocie le renouvellement d’un accord commercial, Davies rédige un rapport détaillé sur l’économie soviétique. Il estime que le système soviétique est une force industrielle pleine de vitalité alors que bon nombre de ses contemporains le trouvent inefficace et répressif. Bien qu’un microphone ait été retrouvé dans son bureau à l’ambassade, il continue de présenter les Russes comme des amis potentiels et cela même pendant les grandes purges staliniennes qu’il interprète selon le point de vue soviétique, ne voyant que ce que Joseph Staline veut bien lui montrer. Il soutient donc la mise en place d’une alliance de sécurité collective entre Washington, Paris, Londres et Moscou pour contrer l’axe Berlin-Rome-Tokyo. Avant de quitter Moscou pour prendre les fonctions d’ambassadeur en Belgique et au Luxembourg, sa dévotion à la cause d’une amitié américano-soviétique lui vaut une audience privée sans précédent avec Joseph Staline. Davies est nommé ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire en Belgique le 2 juin 1938. Il reçoit le titre de docteur honoris causa de l’Université libre de Bruxelles le 9 décembre de l’année suivante. Officiellement, Davies est honoré pour son mécénat et son amour de l’art. Officieusement, il s’agit surtout de poser un geste de rapprochement entre la Belgique et les États-Unis à la veille de la seconde guerre mondiale. Après la défaite de la Belgique au printemps 1940, Davies regagne les États-Unis et continue de servir Roosevelt. Quand l’Allemagne envahit l’Union soviétique en juin 1941, il est un des rares conseillers du président à exprimer sa confiance en l’Armée rouge. Davies publie, fin de la même année, ses mémoires d’ambassadeur en Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 114 URSS sous le titre de Mission to Moscow. Ce compterendu bienveillant de l’Union soviétique est un réel best-seller adapté au cinéma dès 1943. Il rend son auteur sympathique aux yeux des Moscovites mais le discrédite auprès de ses concitoyens. En mai 1945, il est nommé émissaire spécial du président Truman auprès de Winston Churchill et, deux mois plus tard, il fait partie des conseillers personnels du président à la conférence de Potsdam. L’année suivante, le président Truman lui attribue la Medal of Honor, la plus haute distinction civile américaine. Davies passe les dernières années de sa vie à travailler comme avocat privé. Ses cendres sont placées à côté de celles de Woodrow Wilson dans la cathédrale nationale. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 115 Dave Hennen Morris Docteur honoris causa 1934 de New York et assure la vice-présidence de l’École postgraduate de médecine de l’Université de Columbia ainsi que la présidence de la Josiah Macy Jr. Foundation. À la fin de sa vie, il gère le bureau américain pour l’aide médicale à la Chine. Nouvelle-Orléans, États-Unis, 1872 – New York, États-Unis, 1944 David Hennen Morris naît à la Nouvelle-Orléans, d’un père originaire du comté de New York. Poursuivant sa scolarité en France et en Allemagne, il passe les examens d’admission à l’Université de Harvard avec succès dès 1890, mais n’y entre pas avant 1892. Durant ces deux années, il s’inscrit à l’Université de médecine homéopathique de New York et devient assistant-chirurgien. En 1896, il est diplômé magna cum laude de l’Université de Harvard, où il fait la rencontre de celle qui deviendra sa femme, Alice Vanderbilt Shepard. Il obtient deux diplômes supplémentaires ; le premier en 1901, à l’École de droit de l’Université de New York, le second, en droit constitutionnel à l’Université de Columbia, huit ans plus tard. Il entreprend alors une brillante carrière d’avocat de 1901 à 1933, ce qui ne l’empêche pas de siéger à la vice-présidence de la St. Louis Southwestern Railway Company (plus connue sous le nom de Cotton Belt), mais aussi, sur le plan des loisirs et de la sociabilité, de s’investir dans des domaines aussi variés que le dressage de chevaux avec son frère Alfred Hennen Morris et de prendre part à la fondation du club automobile des États-Unis d’Amérique. Ami de longue date de Franklin D. Roosevelt, il organise la pré-convention qui permet la nomination de celui-ci à la convention démocrate de Chicago de 1932 et devient consultant au département du Trésor ainsi que président de la Diplomacy Affairs Foundation. Il s’implique activement dans le secteur médical en tant que président de l’Université de médecine de New York et de l’Hôpital pour femmes, dirige le comité exécutif du Dispensaire orthopédique ULB DHC 175e Personnage aux multiples facettes, il mène un combat pour l’éducation en tant qu’administrateur de la National Foundation for Education in America Citizenship et président de l’Edwin Gould Foundation. Son épouse, linguiste, élabore l’International Auxiliary Language Association, association qui aspire à la compréhension entre les peuples par la création d’une langue internationale. Philanthrope, soucieux des inégalités sociales et de la condition féminine, Dave Hennen Morris préside le conseil d’administration de la Young Women’s Christian Association Retirement Fund et de la Legal Aid Society, toutes deux militant pour plus d’égalité dans leurs domaines respectifs. En 1933, Franklin D. Roosevelt le désigne pour occuper le poste d’ambassadeur en Belgique et de ministre plénipotentiaire des États-Unis d’Amérique au grand-duché de Luxembourg. Le gouvernement belge l’accueille avec enthousiasme, un enthousiasme partagé par la reine Élisabeth qui découvre en ce diplomate un violoniste talentueux. En 1934, au cours d’une cérémonie célébrant le centenaire de l’Université libre de Bruxelles, l’ambassadeur se voit accorder le titre de docteur honoris causa. Trois ans plus tard, c’est au tour de la Faculté de médecine de l’Université de Gand de lui conférer ce titre ; il obtient aussi de diverses universités américaines le grade honorifique de docteur en droit. Dave Hennen Morris quitte son poste d’ambassadeur au cours de l’année 1937, mais Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 116 maintient des liens avec la Belgique. Au moment de sa mort, il dirige la Belgian-American Educational Foundation et la Belgium War Relief Society et se trouve à la tête de la Belgium American Associates. La Belgium War Relief Society est un organisme philanthropique fondé par Herbert Hoover, alors ingénieur lors de la première guerre mondiale, et destiné à lutter contre la famine qui guette la population belge. Cette aide venue des ÉtatsUnis d’Amérique va contribuer à tisser des liens étroits entre les deux nations et débouche sur la création en 1920 de la Belgian-American Educational Foundation, née de la collaboration d’Herbert Hoover avec des sommités belges telles qu’Émile Francqui. Cette fondation permet de procéder à des échanges universitaires et de financer la construction de bâtiments pour des lieux d’études prestigieux comme l’ULB. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 117 Léopold III de Belgique Docteur honoris causa 1934 Bruxelles, Belgique, 1901 – Woluwe-Saint-Lambert, Belgique, 1983 Léopold est le premier fils d’Albert Ier et de la reine Élisabeth de Belgique. Son frère Charles naît en 1903 et sa sœur Marie-José en 1906. Son enfance est calme et sa scolarité est assurée par des précepteurs choisis par Albert Ier. En 1909, le roi Léopold II meurt et laisse le royaume à son neveu Albert Ier. Lorsque la première guerre mondiale éclate, Léopold est très attiré par l’armée. À force d’arguments, il est autorisé à intégrer celle-ci et devient, à 13 ans, le plus jeune fantassin belge. Mais, six mois plus tard, ses parents décident de l’envoyer au collège d’Eton en Angleterre pour poursuivre son instruction. Lorsqu’il achève sa scolarité, la guerre n’est pas finie et il rejoint l’armée, puis, en 1920, continue son éducation à l’école militaire de Bruxelles. Par après, il suit des cours à l’Université de Gand et à celle de Liège. Parallèlement à cette activité militaire, Léopold effectue des voyages au long cours, aux États-Unis d’Amérique en 1919 et au Congo en 1928. En 1926, il épouse Astrid de Suède, fille du prince Charles de Suède. Ils ont trois enfants : JoséphineCharlotte (1927), Baudouin (1930) et Albert (1934). Le 23 février 1934, le roi Albert Ier meurt accidentellement. Léopold monte sur le trône et devient le quatrième roi de Belgique. Son épouse, la reine Astrid, meurt le 29 août 1935 dans un accident de voiture lors d’un voyage en Suisse. La sympathie populaire, choquée par la mort de cette reine jeune, belle et active, se reporte sur ce jeune roi père de trois enfants et veuf inconsolable. ULB DHC 175e En 1936, l’Allemagne se réarme, et Léopold, fortement convaincu et en accord avec son gouvernement, annonce que la Belgique suivra une politique de neutralité. Mais le 10 mai 1940, l’Allemagne envahit le royaume. Le 28 mai, le roi des Belges, chef suprême de l’armée, capitule et regagne le château de Laeken, tandis que des membres de son gouvernement, présidés par le catholique Hubert Pierlot (19391945), partent pour Londres d’où ils dirigeront la résistance belge. La Belgique est désormais sans gouvernement. Le roi décide de rester dans son royaume, il se constitue prisonnier de guerre et se tient à l’écart de la vie publique. Le règne de Léopold est marqué par la forte mésentente entre lui et son gouvernement. Accusé de trahison par le Conseil français, il est radié de l’Ordre de la légion d’honneur. Sa rencontre avec Adolf Hitler, le 19 novembre 1940, entre dans l’histoire comme un geste de trahison, un symbole de collaboration. Beaucoup de Belges ont présent à l’esprit l’image et l’action d’Albert Ier, le « roi chevalier », et ils espèrent voir Léopold III prendre la tête de la Belgique face à l’Allemagne. Mais Hitler prend les devants. Au début de l’occupation, Léopold III est encore populaire et profite du soutien de l’Église. Néanmoins, le roi reste sans réaction face aux actes de l’armée allemande. Il ne collabore pas non plus avec le gouvernement Pierlot en exil, de sorte que sa « non-action » est de plus en plus mal perçue. En septembre 1941, il épouse Mary Lilian Baels, qu’il titre princesse de Réthy. Ils ont trois enfants : Alexandre (1942), Marie-Christine (1951) et MarieEsméralda (1956). Ce mariage lui porte préjudice. En effet, au déclenchement des hostilités, il avait solennellement lié sa vie à son armée en jurant que « mon sort sera le vôtre ». En se constituant prisonnier, il soutenait ses soldats. Or, ce mariage, alors que ses soldats sont défaits et prisonniers, est très mal vécu par les Belges. Comment le Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 118 roi peut-il dire partager le sort de ses soldats alors qu’il convole en justes et libres noces ? En juin 1944, le roi est emmené en Allemagne par les hommes du Reich. Au même moment, éclate une polémique à propos du testament politique du roi. Léopold III donne à son gouvernement des indications pour diriger le pays en son absence. Mais il demande aussi des excuses publiques aux ministres ayant contesté ses choix en 1940 (« Le prestige de la Couronne et l’honneur du pays s’opposent à ce que les auteurs de ces discours exercent quelque autorité que ce soit en Belgique libérée aussi longtemps qu’ils n’auront pas répudié leur erreur et fait réparation solennelle et entière »). Par ailleurs, dans ce testament politique, on ne trouve aucune trace d’un hommage aux soldats du pays, ce qui choque l’opinion publique. Cette affaire, conjointement à sa mésentente avec le gouvernement, nuit encore plus à son image. Le roi étant prisonnier et « dans l’impossibilité de régner », son frère, le prince Charles, dirige le pays en devenant prince régent le 21 septembre 1944. Le roi Léopold et sa famille sont libérés en mai 1945 et partent s’installer en Suisse. Un an après sa libération, le roi demande un référendum, mais ce n’est pas permis par la Constitution belge. En 1948, il demande une consultation populaire. La tension est palpable, une entrevue a enfin lieu le 25 avril 1949 entre les deux frères, le régent et le roi. Le 12 mars 1950, les Belges sont appelés à aller voter. Les résultats de la consultation populaire sont ambivalents : 57,68% des Belges se prononcent pour le retour du roi mais si la Flandre a voté « oui » à 72%, la Wallonie est contre à 58% et Bruxelles à 52%. Face à ces résultats partagés, aux émeutes qui secouent violemment le pays, et la pression des politiques, Léopold III accepte d’abdiquer en faveur de son fils, Baudouin. Le 17 juillet 1951, la Belgique a un nouveau roi. ULB DHC 175e Léopold III se consacre désormais aux voyages. Il visite à nouveau le Congo et les États-Unis en 1957, puis la Colombie, l’Inde, l’Extrême-Orient, le Chili, l’Indonésie, etc. Ses voyages sont souvent à but scientifique. Passionné par la recherche, Léopold III accepte en 1957 la présidence de la commission nationale qui étudie des problèmes que posent les progrès des sciences et leurs répercussions économiques et sociales à la Belgique et aux territoires d’outre-mer. Il n’hésite pas non plus à pourvoir au financement de certains projets qui lui tiennent particulièrement à cœur, comme ce fut le cas pour le Centre de biologie marine de l’île de Laing (Papouasie Nouvelle-Guinée). Le 8 juin 1972, le Fonds Léopold III pour l’exploration et la conservation de la nature est créé ; il a pour ambition de se consacrer à la nature, tant par sa conservation que par son étude. Depuis le début des années 1960, l’ancien roi vit à Argenteuil. Il se refuse à toute réconciliation avec son frère Charles, refusant tout d’abord de le voir alors que celui-ci est hospitalisé et malade, puis de se rendre à ses obsèques royales en 1983. Léopold III meurt la même année, le 25 septembre, à Woluwe-Saint-Lambert. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 119 Élisabeth de Belgique Docteur honoris causa 1930 Possenhofen, Allemagne, 1876 – Bruxelles, Belgique, 1965 Née à Possenhofen en Allemagne le 25 juillet 1876, Élisabeth von Wittelsbach est la fille du duc CharlesThéodore en Bavière, ophtalmologue de renom, et de l’infante Marie-José de Portugal. Sa marraine est sa tante, l’impératrice Élisabeth d’Autriche, dite Sissi. Elle effectue ses études au pensionnat SaintJoseph à Zandberg, parle l’allemand, le français et l’anglais, et apprend le piano et le violon. Elle rencontre le prince Albert de Belgique en 1897 et l’épouse trois ans plus tard à Munich. Le couple a trois enfants : Léopold (futur Léopold III), Charles (futur prince régent) et Marie-José. Fin 1909, le roi Léopold II meurt et son neveu Albert lui succède, son épouse à ses côtés. La troisième reine des Belges se donne un rôle public, quand celles qui l’ont précédée se cantonnaient à un rôle privé. Élisabeth s’occupe d’œuvres de bienfaisance et de lutte contre les maladies, tout en s’intéressant à la vie musicale, artistique et intellectuelle du pays (le peintre Eugène Laermans, le poète Émile Verhaeren, le célèbre violoniste Eugène Ysaÿe sont des familiers de la cour). En 1914, le roi Albert Ier et la reine Élisabeth, d’origine allemande, refusent de quitter la Belgique, pays neutre envahi illégalement par les Allemands. Ils restent quatre ans avec l’armée belge derrière les tranchées de l’Yser, lui à la tête de ses troupes (le roi chevalier), elle en créant et en visitant régulièrement l’hôpital de l’Océan à La Panne (la reine infirmière). Quand la guerre s’achève, le couple royal est au faîte de sa popularité, en Belgique comme à l’étranger. ULB DHC 175e Les années d’après-guerre sont des années de voyages, qu’elle accomplit seule ou avec son époux en mission officielle. À l’automne 1919, Élisabeth et Albert font un voyage triomphal aux ÉtatsUnis. Le 16 février 1922, Élisabeth, passionnée d’égyptologie, est aux côtés du roi Fouad pour assister à l’ouverture de la tombe de Toutankhamon (suivie de la création de la Fondation égyptologique Reine Élisabeth). Trois ans plus tard, elle voyage en Inde. En 1928, elle visite le Congo pour la première fois et crée le Fonds Reine Élisabeth pour l’assistance médicale aux indigènes du Congo belge. Le 4 novembre 1926, le prince Léopold épouse la princesse Astrid de Suède, et trois ans plus tard, Marie-José épouse le prince Umberto d’Italie, le 8 janvier. Élisabeth est une passionnée de la connaissance en général, et plus précisément des sciences et des arts. Elle fréquente une pléiade de savants et d’artistes de renom : Albert Schweitzer, Albert Einstein, Romain Rolland, ou encore Émile Verhaeren, Maurice Maeterlinck, Colette, Eugène Ysaÿe, Yehudi Menuhin, André Gide, Jean Cocteau et Pablo Casals. Elle convainc les responsables politiques de construire le Palais des beaux-arts de Bruxelles, construction confiée à l’architecte Victor Horta (1928). L’année suivante est créée la Fondation musicale Reine Élisabeth. Lors du centenaire de la Belgique, l’Université libre de Bruxelles la nomme docteur honoris causa en raison de ses efforts pour la promotion des savoirs. Le 17 février 1934, Albert Ier fait une mauvaise chute et en meurt à Marche-les-Dames. Leur fils Léopold lui succède et Astrid devient la nouvelle reine. Élisabeth se retire mais un an plus tard, le 29 août, la reine Astrid décède dans un accident de voiture et Élisabeth Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 120 doit reprendre ses fonctions officielles tout en veillant à l’éducation de ses trois petits-enfants orphelins. À l’image de son attitude pendant la première guerre mondiale, Élisabeth reste en Belgique, au château de Laeken, pendant l’intégralité de la seconde guerre. Elle est sous la surveillance permanente de l’occupant mais bénéficie d’une certaine liberté de mouvement, en Belgique comme à l’étranger. La fin de la guerre voit l’émergence de la question royale. Élisabeth soutient en privé Léopold III mais reste neutre publiquement car son second fils, Charles, est alors prince régent. En 1951, Léopold abdique en faveur de son fils et Baudouin prête serment le 16 juillet 1951. La même année, le concours musical international Eugène Ysaÿe est créé (qui prendra par la suite le nom de Reine Élisabeth). Désormais sans responsabilités officielles, Élisabeth peut voyager à son gré dans des pays communistes et socialistes (Pologne, pour le concours Chopin de Varsovie, Union soviétique, Yougoslavie et Chine, mais aussi Israël), ce qui lui vaut le surnom de « Reine rouge » et la colère du gouvernement belge. Elle soutient différentes initiatives en faveur de la paix durant la guerre froide entre l’Ouest et l’Est. Elle succombe à l’âge de 89 ans, le 23 novembre 1965, au château du Stuyvenberg à Bruxelles. Ses funérailles nationales sont marquées par l’importante présence d’anciens combattants des deux conflits mondiaux. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 121 Albert Ier de Belgique Docteur honoris causa 1930 démission du ministère et l’appel du roi à Charles de Broqueville pour diriger le gouvernement. Bruxelles, Belgique, 1875 – Marche-les-Dames, Belgique, 1934 Albert est le fils du comte Philippe de Flandre et de Marie, princesse de Hohenzollern, il est le petit-fils de Léopold Ier et le neveu de Léopold II. Son éducation est conduite par des précepteurs. C’est un enfant timide qui montre une nette préférence pour la mécanique et les sciences exactes face à l’apprentissage de l’éloquence. Il entre à l’École royale militaire à l’âge de seize ans. Lorsque le prince Baudouin meurt le 23 janvier 1892, Albert est appelé à diriger le royaume. Il prête serment en 1892, il est alors sous-lieutenant. En 1895 et 1898, il visite les États-Unis d’Amérique. Le 2 octobre 1900 à Munich, Albert Ier épouse Élisabeth de Bavière. Ils ont trois enfants, Léopold en 1901, Charles deux ans plus tard, puis Marie-José en 1906. La popularité du roi repose en partie sur l’image de vie simple et de bonheur familial que donne le couple princier. En 1909, Albert effectue un voyage au Congo, son dernier voyage en tant que prince car le 17 décembre son oncle Léopold II meurt sans héritier direct. Albert est intronisé cinq jours plus tard. Il est le premier roi à prêter serment en français et en néerlandais. Le roi remet les discours du trône à l’honneur le 8 novembre 1910. L’année suivante est moins calme, on retiendra surtout l’affaire Schollaert, affaire d’un projet de loi sur l’enseignement, qui divise le gouvernement. L’intervention du roi aura pour conséquences la ULB DHC 175e En 1913, Albert instaure le service militaire généralisé obligatoire. Il voyage entre la France et l’Allemagne pour réaffirmer la neutralité belge. À partir du déclenchement de la guerre en 1914 et pendant quatre longues années, le roi est à la tête de son armée. Le gouvernement va suivre le souverain et résister à l’Allemagne qui a violé la neutralité belge. Cette résistance surprend l’Europe entière. En effet, les princes belges étaient vus comme des princes allemands de cœur. En même temps, cette résistance donne naissance au mythe du roi chevalier. Le fait que le roi soit resté avec son armée dans les tranchées sur l’Yser est aussi un symbole fort du roi, proche du peuple et courageux. Ce symbole restera ancré dans la mémoire collective. Onze jours après l’armistice, le suffrage universel est instauré, à la grande joie des socialistes. C’est à ce moment là qu’a lieu l’entrevue de Loppem. Cette entrevue a lieu entre le roi, Gérard Cooreman, Paul-Émile Janson et Édouard Anseele. Elle a pour but de constituer un gouvernement qui doit reconstruire le pays, réformer la constitution et établir un enseignement supérieur en néerlandais. Ce qui fut appelé par la presse conservatrice « le coup de Loppem », c’est le vote d’une loi qui organise l’élection immédiate d’une constituante au suffrage universel. Les élections se déroulent en 1919, mais les votants ne respectent pas strictement la loi. En effet, il aurait fallu que les élections se fassent au suffrage plural, mais cela aurait pris trop de temps. Ainsi, ce qui fut critiqué est le caractère inconstitutionnel de l’octroi du suffrage universel ainsi que la création de l’université flamande de Gand. Les patriotiques voient là un signe de séparatisme. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 122 En 1919, lors du traité de Versailles, Albert négocie et obtient le retour des cantons de l’Est. Il s’oppose à la politique d’humiliation de l’Allemagne, mais sans succès. Il pense aux relations économiques futures qu’il faudra reprendre un jour. Il n’est pas partisan de réparations lourdes. La vie d’Albert, après la première guerre mondiale, est marquée par ses interventions sur la scène politique, il s’investit souvent pour défendre son peuple. Son prestige d’après-guerre lui permet de ne pas être accusé d’ambition personnelle. Un an après le traité de Versailles, la Belgique conclut un accord militaire avec la France. L’Angleterre est approchée, mais aucun accord n’est signé. On remarque qu’après la guerre, le roi s’implique beaucoup en politique. Il reste neutre mais donne son avis et lors des différentes crises gouvernementales, il intervient rapidement pour qu’un gouvernement se reforme. En 1920, il visite le Brésil et cinq années plus tard, le couple fête ses noces d’argent en Inde. fort appréciée. L’opinion publique soutient le roi, son prestige ne diminue pas, ce qui lui permet d’intervenir souvent, notamment en 1933, pour régler le sort des collaborateurs avec l’Allemagne lors de la Grande Guerre. Le roi Albert meurt le 17 février 1934 à Marcheles-Dames des suites d’une mauvaise chute. Son fils aîné, Léopold, lui succède. En 1928, Albert visite le Congo pour la deuxième fois. C’est aussi l’année de la fondation du FNRS (Fonds national pour la recherche scientifique) dont Albert avait lancé la création l’année précédente lors d’une allocution faite à Seraing à l’occasion du 110e anniversaire des établissements Cockerill. L’année 1928 marque aussi l’inauguration par le roi du Palais des beaux-arts. En 1930, année du centenaire de l’indépendance de la Belgique, Albert reçoit les insignes de docteur honoris causa de l’Université libre de Bruxelles. C’est l’année de l’inauguration des travaux du canal Albert, élément de la politique de grands travaux mise en place pour répondre à la crise de 1929, ainsi que dans les chantiers des ports d’Anvers et de Zeebrugge. En 1932, il rédige et rend publique une lettre appelant à la solidarité internationale, qui est ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 123 Fouad d’Égypte Docteur honoris causa 1925 Gizeh, Égypte, 1868 – Le Caire, Égypte, 1936 Fouad, né sous le nom d’Ahmed Fouad le 26 mars 1868, quitte son pays à l’âge de 11 ans ; son père, le khédive Ismaïl, est détrôné par le sultan ottoman Abdülhamid. Après la présence ottomane, la domination anglaise s’étend de 1882 à 1922 et se traduit par la présence massive de troupes armées britanniques. En 1914, l’Angleterre impose à l’Égypte un protectorat, en mettant sur le trône Hussein. Cinq ans plus tard, l’Angleterre se voit confirmer par la conférence de la paix son protectorat sur l’Égypte. Après plusieurs émeutes et révolutions, l’indépendance de l’Égypte est proclamée le 28 février 1922, la « mission » britannique est désormais terminée. Fouad passe la plus grande part de son enfance à l’étranger. Il fait sa scolarité à Genève puis à Turin. À 17 ans, il entre à l’académie militaire. Il rentre en Égypte en 1892, où il reçoit la fonction de premier aide de camp, qu’il occupe trois ans. En 1895, il décide de travailler exclusivement au développement intellectuel, scientifique et social de l’Égypte, il s’y consacre pendant une vingtaine d’années. En septembre 1908, l’Université du Caire est reconnue d’utilité publique et est inaugurée trois mois plus tard, elle deviendra une université d’État en 1925. En 1911, Fouad entreprend une série de voyages afin d’observer le fonctionnement des universités en Europe. Le 9 octobre 1917, le prince Fouad accède au trône du sultanat. Il succède à son frère Hussein Kamal et devient Fouad Pacha. Deux ans plus tard, le 26 mai 1919, il se marie avec Nazli Sabri, fille d’Abdu’r-Rahim Pacha Sabri (alors ministre de l’Agriculture). L’année suivante, son épouse donne naissance à Farouk. ULB DHC 175e En 1922, l’indépendance de l’Égypte conforte le système monarchique. Le Journal officiel du 15 mars publie le premier discours de Fouad en tant que chef d’État : « Nous proclamons hautement que dès aujourd’hui l’Égypte constitue un état souverain et indépendant. Nous prenons désormais les titres de « Majesté » et de « Roi d’Égypte ». » La révolution des années 1920 a apporté des changements en Égypte, à commencer par une ouverture dans l’accès à la vie publique pour les femmes. Le 2 mai 1925, lors d’une visite en Belgique, le roi Fouad devient docteur honoris causa de l’Université libre de Bruxelles. Il revient en Belgique en 1927, année où il visite la Fondation égyptologique reine Élisabeth en compagnie de sa fondatrice. Le roi Fouad est connu pour son rôle de mécène. Il a, en effet, grandement contribué à la diffusion de la connaissance dans son pays. En 1930, commence la parution d’une Histoire de la nation égyptienne. Deux ans plus tard, il crée un Institut royal de la musique arabe. Il vient aussi en aide aux jeunes filles sans ressources. Pour elles, il crée à Alexandrie l’œuvre des Industries féminines. Il encourage aussi les sports et aide à l’ouverture d’esprit par le développement d’institutions diverses et variées. Le roi s’éteint le 28 avril 1936 au Caire, son fils Farouk lui succède. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 124 Charles Evans Hughes Docteur honoris causa 1924 de docteur honoris causa de l’Université libre de Bruxelles et de l’Université catholique de Louvain. Glens Falls, États-Unis, 1862 – Osterville, États-Unis, 1948 Charles Evans Hughes est né le 11 avril 1862 à Glens Falls dans l’État de New York. Il est le fils d’un prêcheur gallois David Charles Evans Hughes et de Mary Catherine Connelly Hughes. Avant d’entrer à l’Université de Madison en 1876, il reçoit une éducation chrétienne à domicile. De l’Université de Madison, il va à l’Université de Brown dont il sort diplômé à 19 ans. Quelques années plus tard, il entre à l’Université de Columbia. Il en sort en 1884, muni de son diplôme de droit, avec les honneurs. Il pratique le droit durant une vingtaine d’années, tout en enseignant régulièrement à l’Université de Cornell. Il épouse en 1888 Antoinette Carter, fille de l’avocat de renom pour lequel il travaille. Sa vie publique commence en 1905 alors qu’il est choisi par une commission parlementaire pour contrôler des sociétés de gaz et d’électricité de New York. Il est remarqué à l’époque pour sa détermination en tant qu’avocat et devient gouverneur de l’État de New York l’année suivante, poste qu’il occupe jusqu’en 1910, après sa réélection en 1908. En octobre 1910, il est nommé juge à la Cour suprême par le président des États-Unis, William Howard Taft. Un an plus tard, il quitte son poste de secrétaire d’État mais revient à la vie politique en 1930, lorsqu’il est nommé Chief Justice (juge en chef) des ÉtatsUnis d’Amérique par le président Herbert Hoover, une fonction prestigieuse réservée au doyen des juges de la Cour suprême. C’est devant Charles Evans Hughes que Franklin D. Roosevelt prêta serment lorsqu’il accéda à la présidence. Pourtant, les relations avec Roosevelt furent extrêmement tendues, particulièrement lorsque le président décida de faire de la limitation des compétences du pouvoir judiciaire une pièce maîtresse (et peu connue) de son programme de réorganisation des structures institutionnelles des États-Unis. Dans ce cadre, Roosevelt se heurta à une résistance sans bornes de Hughes, en tant que représentant principal du système judiciaire fédéral. Onzième Chief Justice de l’histoire de son pays, Charles Evans Hughes occupera ce poste jusqu’à sa démission pour raisons de santé en 1941. Il meurt d’une crise cardiaque sept ans plus tard, à l’âge de 86 ans. En 1916, à l’âge de 54 ans, il démissionne de ce poste pour être le candidat républicain à la présidence des États-Unis d’Amérique, poste auquel est élu le candidat démocrate Woodrow Wilson. En 1921 il contourne le travail diplomatique de Wilson et négocie une paix séparée avec l’Allemagne. Il devient secrétaire d’État sous la présidence de Warren G. Harding jusqu’en 1923, puis sous celle de Calvin Coolidge jusqu’en 1925. En 1924, il reçoit les insignes ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 125 Jean Jadot Docteur honoris causa 1921 On-lez-Jemelle, Belgique, 1862 – Bruxelles, Belgique, 1932 Jean Jadot naît dans une famille d’ingénieurs de la province du Luxembourg. À 20 ans à peine, il obtient avec grande distinction le grade d’ingénieur des Arts et manufactures, du Génie civil et des Mines à l’Université de Louvain. Il débute sa carrière à la Société des chemins de fer vicinaux de la province de Liège. Trois ans plus tard, il est ingénieur en chef des Chemins de fer vicinaux de la province du Luxembourg. Orphelin de père en 1887, Jean Jadot doit assurer l’avenir de ses frères et sœurs. Aussi accepte-t-il en 1894 le poste de directeur des Tramways du Caire qu’on lui propose. Il arrive en Égypte et fait face avec efficacité aux difficultés du chantier : il termine en 13 mois ces « impossibles » travaux de l’empire industriel du baron Empain. Il se voit alors confier la construction du chemin de fer de Basse-Égypte, où il brille à nouveau par ses compétences. C’est là que la Société d’étude de chemins de fer en Chine, patronnée par la Société générale de Belgique, le recrute pour diriger la construction de la ligne Pékin-Hankow. Après un court passage en Belgique, au cours duquel il épouse sa cousine Maria, Jean Jadot appareille pour la Chine. Il y fait la connaissance d’Émile Francqui, avec qui il se lie rapidement d’amitié. Pendant huit ans, Jean Jadot se consacre à l’établissement de plus de 1 200 km de voie ferrée, dont un pont de 4 km sur le fleuve Jaune, le plus long du monde à cette époque. Il surmonte efficacement les nombreux défis qui jalonnent son parcours : révolte des Boxers, relations avec les travailleurs chinois, négociations avec les autorités locales, lutte d’influence avec les administrateurs français de la Société d’étude. Fort apprécié du directeur de la Compagnie impériale des chemins de fer chinois, il s’introduit dans les milieux officiels chinois ULB DHC 175e pour le plus grand profit de sa société et des intérêts belges en Chine. La ligne inaugurée en 1905, Jean Jadot peut bientôt quitter la Chine en triomphateur. À son retour, il est convié chez le roi qui l’associe à ses projets de mise en valeur du Congo. Il participe ainsi de manière déterminante à l’élaboration des « Sociétés de 1906 » – l’Union minière du Haut-Katanga, la Compagnie du chemin de fer du Bas-Congo au Katanga, la Société internationale forestière et minière du Congo – en obtenant notamment une grande partie de leur financement par la Société générale. Entré au conseil de direction de cette dernière, il oriente de manière décisive son activité vers les affaires coloniales. Nommé vice-gouverneur en 1912, il succède l’année suivante au gouverneur Baeyens. Sa fonction centrale l’amène à détenir des mandats d’administration de multiples sociétés. Resté en Belgique pendant la guerre, il représente les banquiers face à l’occupant tandis que les banques bruxelloises s’organisent en un consortium que préside la Société générale. Par son rôle décisif au sein du Comité national de secours et d’alimentation dirigé par Émile Francqui, il devient le directeur de conscience des milieux d’affaires, où on le consulte pour toute décision importante. Peu après la guerre, il se consacre personnellement à la collecte de fonds pour rééquiper les laboratoires des écoles d’ingénieurs des universités de Bruxelles et de Louvain, ce qui lui vaut le titre de docteur honoris causa de ces deux universités. Son action se poursuivra en 1928 avec la constitution du Fonds national de la recherche scientifique. En 1931, le principal centre industriel du Katanga reçoit le nom de Jadotville. Jean Jadot s’éteint à Bruxelles l’année de ses 70 ans. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 126 Raymond Poincaré Docteur honoris causa 1919 Bar-le-Duc, France, 1860 – Paris, France, 1934 Raymond Poincaré est le fils unique d’un couple bourgeois de Bar-le-Duc. Menant une existence assez insouciante dans la France du Second Empire, le conflit franco-prussien et la défaite de 1870 l’obligent à trouver refuge en Belgique avec sa mère. Au terme de son cursus secondaire, il commence des études de droit à la Sorbonne et à Nancy. Il reçoit son diplôme de droit et entre au barreau de Paris en 1882. Il exerce jusqu’en 1886, date à laquelle un ami de la famille alors ministre de l’Agriculture le fait entrer en politique. Il est élu député de la Meuse l’année suivante en se présentant sous l’étiquette progressiste. Il entre à la commission du budget de la Chambre en 1890, devient rapporteur général du budget en 1892, puis ministre de l’Instruction publique et des Beauxarts l’année suivante. En 1894, durant neuf mois, il occupe le poste de ministre des Finances avant de redevenir ministre de l’Instruction publique, et d’être ensuite élu vice-président de la Chambre des députés. Il décide toutefois d’abandonner toute fonction gouvernementale pendant dix ans suite à l’affaire Dreyfus, sur laquelle il ne prend pas position. Au terme de cette retraite, il accepte de reprendre le portefeuille des Finances en 1906, pour finalement encore se retirer suite à un désaccord. Après la dissolution du cabinet Caillaux en 1912, le président Fallières fait appel à Poincaré pour reformer le gouvernement. Nommé président du Conseil, il se réserve les Affaires étrangères et resserre les liens diplomatiques de la France avec la Russie et la Grande-Bretagne. Enhardi par les succès de sa politique, il présente sa candidature à la présidence de la République l’année suivante et remporte les élections grâce à l’électorat de droite. Il prend alors des mesures pour préparer la France à une guerre qu’il juge inévitable. Il fait voter ULB DHC 175e la « loi de trois ans » peu de temps avant la guerre et impose l’Union sacrée au peuple français le 3 août 1914. Toutefois, les prérogatives dont jouissent les militaires restreignent considérablement l’autonomie du président. Ce dernier intervient désormais pour empêcher les gouvernements de songer à des paix séparées et pour maintenir l’unité du pays, raison pour laquelle il interdira aux socialistes de participer au congrès pacifiste de Stockholm en 1917. N’arrivant plus à maintenir l’unité, il appelle son grand ennemi politique, Georges Clémenceau, au gouvernement le 13 novembre de la même année. L’arrivée du « Tigre » signifie la fin de l’Union sacrée et la prise de mesures sévères pour mettre fin aux grèves et aux mutineries. À la fin du conflit, les deux hommes s’opposent sur les conditions de paix, Poincaré voulant faire occuper la rive gauche du Rhin, Clémenceau souhaitant un compromis pour ne pas perdre l’appui des Alliés. En 1920, considérant son septennat comme un échec, il ne se représente pas. Il est par contre élu sénateur de la Meuse cette même année. Du 15 janvier 1922 au 8 juin 1924, il est à nouveau président du Conseil et ministre des Affaires étrangères. Décidé à faire appliquer entièrement le traité de Versailles, il procède à l’occupation militaire de la Ruhr avec l’appui de l’armée belge, ce qui pousse les Anglais à spéculer en bourse contre le franc. Poincaré, en augmentant les impôts de 20 %, redresse la situation financière mais cette décision impopulaire amène au pouvoir le Cartel des gauches en 1924. Toutefois, deux ans plus tard, la fuite des capitaux et la spéculation financière mettent à nouveau le franc en péril. Poincaré, en sa qualité de président du Conseil et de ministre des Finances redresse la situation en proposant une alternative au franc germinal. En 1929, malade, il se retire du pouvoir. Il reprend toutefois son siège de sénateur en 1930, mais refuse, trop affaibli, de former un nouveau gouvernement au mois de novembre. Il décède chez lui, à Paris, après une nouvelle attaque à l’âge de 74 ans. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 127 Thomas Woodrow Wilson Docteur honoris causa 1919 Staunton, États-Unis, 1856 – Washington, États-Unis, 1924 Thomas Woodrow Wilson, homme politique américain devient à l’âge de 56 ans, en 1912, le vingt-huitième président des États-Unis. Il est le fils d’un pasteur presbytérien et d’une émigrée presbytérienne originaire du nord de l’Angleterre. La religion tient une place importante dans sa vie, tant d’un point de vue privé que du point de vue politique. Il étudie à l’Université de Virginie bien que diverses maladies l’empêchent de commencer l’école avant l’âge de 13 ans. À l’université même, il fait une dépression. En 1882, il fonde un cabinet d’avocats à Atlanta mais il ne plaidera jamais, faute de clients ; il abandonne cette voie dès le printemps 1883. Il étudie ensuite l’économie et l’histoire à l’Université Johns Hopkins. En 1885, alors qu’il a 28 ans, il épouse Ellen Louise Axson, qui décède le 6 août 1914. Il enseigne à Bryn Mawr, en Pennsylvanie, et devient ensuite professeur à la Wesleyan University du Connecticut de 1888 à 1890. Sa carrière académique se poursuit à l’Université de Princeton de 1890 à 1902, après quoi il en devient le président pendant huit années. Au cours de cette présidence, il entreprend des réformes qui finissent par susciter de farouches résistances. Il fait son entrée dans la vie politique en 1910. Il opte pour le Parti démocrate dont il était proche depuis de nombreuses années. Il brigue et obtient le poste de gouverneur du New Jersey. Il mène des réformes dans le cadre de son mandat de gouverneur qui lui assurent une grande popularité et lui permettent d’être élu comme candidat démocrate à la présidence. ULB DHC 175e Il est élu président des États-Unis en 1912 contre Théodore Roosevelt, soutenu par les républicains libéraux, et William Howard Taft, président sortant, à l’issue d’une élection triangulaire disputée. Il est réélu à la présidence des États-Unis en 1916 en défendant un programme de paix, cette fois contre Charles Evans Hughes, qui se verra lui aussi octroyer un DHC par l’Université libre de Bruxelles. Au cours de ses deux mandats, Wilson entreprend de nombreuses réformes ; il renforce le pouvoir du gouvernement fédéral et fait voter trois amendements majeurs à la Constitution (élection au suffrage universel direct des sénateurs, prohibition et droit de votes des femmes). Dans la mémoire collective, ses deux mandats sont marqués par la première guerre mondiale. Dans un premier temps, Wilson demeure fidèle à la tradition américaine de non-intervention au-delà de la zone géographique naturelle des États-Unis. Il signe d’ailleurs la proclamation de neutralité le 4 août 1914. Le 18 août, il invite ses concitoyens à rester neutres « en actes comme en pensées ». Mais lorsque les Allemands inaugurent la guerre sousmarine, s’attaquant aux bateaux battant pavillon des pays neutres, il décide de la participation des États-Unis à la guerre. Le 6 avril 1917, sa résolution est adoptée par le Congrès. Bien qu’ayant rompu les relations diplomatiques avec Berlin, il ne désespère pas d’arracher une solution pacifique au conflit. Le 22 janvier 1917, il propose aux belligérants de conclure une « paix sans victoire ». Le 8 janvier 1918, Wilson élabore ses « 14 points pour la paix » sur la base du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes en se réclamant des aspirations nationales et de la reconnaissance des minorités. Les principes wilsoniens d’inspiration idéaliste constituent un tournant de la politique étrangère des États-Unis, de même qu’au niveau des relations internationales en général. Le dernier des « 14 points pour la paix » Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 128 appelle à la création d’une Société des nations, lointain ancêtre de l’ONU, qui défend le principe de la sécurité collective. Le Congrès ne suivra pas les vues de Wilson et la Société des nations se bâtira sans le concours des États-Unis. C’est durant cette année 1918 que la popularité de Wilson atteint son apogée, surtout du côté de la gauche européenne. Il prend une part prépondérante à l’élaboration du traité de Versailles – que le Congrès des États-Unis refusera de ratifier. Il promet également un traité de défense anglo-américanofrançais, mais celui-ci est, une fois encore, rejeté par les parlementaires. Pour tous ses efforts de paix, il reçoit en 1919 le prix Nobel de la paix. Frappé d’une hémiplégie en octobre 1919, Thomas Woodrow Wilson meurt en 1924, après s’être retiré de la vie politique. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 129 Émile Francqui Docteur honoris causa 1919 Bruxelles, Belgique, 1863 – Overijse, Belgique, 1935 On peut dire d’Émile Francqui qu’il a eu plusieurs vies. Issu de la petite bourgeoisie bruxelloise, il s’engage à 15 ans dans l’armée et poursuit sa carrière militaire dans l’État indépendant du Congo, alors propriété personnelle du roi Léopold II. Sa capacité d’organisation est remarquée au cours des diverses expéditions qu’il commande. En 1896, il abandonne l’armée et embrasse une carrière consulaire qui le mène en Chine (Hankou et Shanghai). Il y fait la rencontre de Herbert Hoover, alors jeune ingénieur des mines, ainsi que du poète et dramaturge Paul Claudel, consul de France à Tianjin. Avec plusieurs succès diplomatiques à son actif, Francqui est pressenti pour devenir agent général de la Compagnie internationale d’Orient, filiale de la Banque d’outre-mer belge dont il finit par assumer la direction en 1910. Son ascension dans les milieux d’affaires et financiers est fulgurante. Elle est facilitée par son entrée, en 1912, au conseil de direction de la Société générale de Belgique, qui détient des participations croisées dans de nombreux secteurs industriels. Il en est successivement vicegouverneur (1923) puis gouverneur (1932), succédant à l’ingénieur Jean Jadot, également docteur honoris causa de l’ULB. On ne compte plus, après la guerre, le nombre de mandats d’administrateur de sociétés dont il dispose. D’un autre côté, c’est par le biais de son action au sein du Comité national de secours et d’alimentation (CNSA), initié par les industriels Ernest Solvay, Emmanuel Janssen et Dannie Heineman durant la première guerre mondiale, que Francqui déploie l’étendue de ses talents d’organisation et de gestion. En tant que président de son comité exécutif, il impose son leadership et transforme bientôt le CNSA en un « second gouvernement » chargé de résoudre les ULB DHC 175e questions politiques nationales et internationales. À cette occasion, il croise à nouveau Herbert Hoover qui, depuis Londres, a créé l’équivalent américain du CNSA, à savoir le Committee for Relief in Belgium (CRB). Au prix de quelques affrontements à fleurets mouchetés, Francqui et Hoover parviennent à sauvegarder l’autonomie et la mission humanitaire de leurs organismes respectifs. Après la guerre, ils s’accordent pour en affecter le solde budgétaire au développement des universités, à la création d’instituts de recherche scientifique (fondation universitaire) ou encore à un programme d’échanges universitaires belgo-américain – la CRB Educational Foundation (devenue, en 1938, la Belgian American Educational Foundation). Bien qu’il n’ait jamais voulu s’affilier à un parti politique ni se voir conférer officiellement un mandat ministériel qui l’aurait trop exposé, Francqui prend une part active dans la négociation des réparations imposées à l’Allemagne. Plus tard, il s’illustre par son implication dans la chute du gouvernement de centre-gauche Poullet-Vandervelde en 1926 et propose un plan alternatif de stabilisation du franc belge au sein d’un gouvernement qu’il a lui-même suscité. Hostile à une dévaluation du franc belge, il préconise en 1934 l’adoption d’une politique déflationniste pour juguler la crise financière. Il meurt quelques mois après avoir mis un terme à son mandat de gouverneur de la Société générale. Ses admirateurs comme ses détracteurs sont unanimes pour le considérer comme l’un des hommes politiques belges les plus influents de la première moitié du XXe siècle. Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 130 Herbert Hoover Docteur honoris causa 1919 West Branch, États-Unis, 1874 – New York, États-Unis, 1964 Cadet d’une famille de trois enfants, Herbert Clark Hoover est issu d’une famille modeste de confession quaker. Il est orphelin de père à 6 ans et de mère à 10 ans. Il parvient à terminer l’école et entame des études dans plusieurs disciplines scientifiques : en géologie, en génie minier, en paléontologie et en minéralogie à l’Université de Stanford entre 1891 et 1898. Ses premières expériences professionnelles sont la direction de mines d’or (notamment en Australie). Il se retrouve à la tête de la gestion du ravitaillement en Chine, durant la révolte des Boxers en 1900. La première guerre mondiale permet à Herbert Hoover d’acquérir une expérience politique, notamment par ses relations avec le gouvernement belge, dans son association avec le Comité national de secours et d’alimentation dirigé par l’homme politique belge Émile Francqui (dans le cadre de la Commission for Relief in Belgium, ayant pour objectif de s’occuper du ravitaillement de la Belgique occupée). Il est l’un des artisans à l’élaboration du traité de Versailles et participe au refinancement de la Belgique notamment avec l’industriel Ernest Solvay. Homme politique accompli, il devient secrétaire d’État au Commerce entre 1921 et 1928, puis se présente comme candidat républicain à la présidence et est élu 31e président des ÉtatsUnis entre 1928 et 1932. C’est sous son mandat qu’éclate la crise économique de 1929. Herbert Hoover est un personnage controversé, car considéré à la fois comme un sauveur de l’Europe, surtout pour la Belgique, mais aussi comme responsable des conséquences de la dépression économique de 1929, n’ayant pas réussi à mettre en place les réformes qui auraient pu juguler la crise. Ses réformes se caractérisent par l’augmentation des travaux publics, l’augmentation des droits de douanes et aussi par une politique de subventions aux banques et aux agriculteurs. Fidèle aux thèses du Parti républicain, il est sympathisant de la théorie du « laisser faire », ce qui ne peut résoudre le taux de chômage, d’autant plus que sa politique réformatrice nécessite une augmentation des impôts. C’est sur ce thème, et avec son concept du New Deal, que Franklin Delano Roosevelt bat Herbert Hoover aux élections de 1932. Après sa carrière politique, Herbert Hoover est encore sollicité comme conseiller auprès des présidents Truman et Eisenhower. Il décéde le 20 octobre 1964 à New York. C’est dans ce cadre d’aide humanitaire qu’Herbert Hoover est décoré plusieurs fois des insignes de docteur honoris causa notamment à l’ULB, où Herbert Hoover est nommé docteur honoris causa de la Faculté des sciences appliquées une première fois le 23 novembre 1918 et de l’ULB une seconde fois le 11 septembre 1919. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 131 Charles Buls Docteur honoris causa 1898 Bruxelles, Belgique, 1837 – Bruxelles, Belgique, 1914 Issu d’une famille d’origine provinciale aisée – son père était orfèvre – Charles Buls est flamand par ses ascendants paternels et maternels. De santé fragile, il fait ses études à l’athénée de Bruxelles en section professionnelle, dont il sort en 1855. Son père, qui le prépare à sa succession, l’envoie chez le peintre Léonard ainsi qu’à Paris de novembre 1858 à novembre 1859, et en Italie l’année suivante. Ces voyages lui permettent de s’instruire et de prendre goût aux arts. De retour en Belgique, il comprend que le métier d’orfèvre n’est pas fait pour lui et il commence à fréquenter des cercles intellectuels libéraux. En 1862, il devient franc-maçon et entre comme compagnon à la Loge des vrais amis de l’union et du progrès réunis. Il crée avec notamment Léon Vanderkindere (son ami d’enfance qui deviendra plus tard un grand historien de l’ULB), le Cercle littéraire. En 1863, alors qu’il assiste avec Auguste Couvreur (franc-maçon lui aussi) au Congrès des sciences sociales d’Amsterdam, il est frappé par la neutralité politique des écoles. Il fonde alors en 1864 la Ligue de l’enseignement dont les objectifs sont d’améliorer l’éducation et l’instruction. Il en est le secrétaire une bonne partie de sa vie. Il crée aussi le Denier des écoles et un musée populaire, mais surtout, en 1875, l’École modèle qui est, à l’époque, un exemple en matière d’enseignement. Il en devient secrétaire jusqu’en 1878. En 1877, il est nommé conseiller communal de Bruxelles et, en 1879, il devient échevin de l’instruction publique et entre dans le conseil d’administration de l’ULB. Enfin, en 1881, il succède à Félix Vanderstraeten en tant que bourgmestre de la ULB DHC 175e ville de Bruxelles, et devient cette année-là président du conseil d’administration de l’ULB. Pendant tout son mandat, il se bat pour que le suffrage (censitaire à cette époque) devienne universel et pour que l’enseignement devienne gratuit, obligatoire et laïque. Mais la tâche n’est pas aisée et il doit faire face en 1884 au retour des catholiques au gouvernement, proposant un projet de loi favorisant le développement de l’enseignement catholique. En 1879, les libéraux avaient gagné les élections, créé un ministère de l’Instruction publique et promulgué une loi obligeant chaque commune à avoir au moins une école primaire laïque et neutre, revenant sur la loi de 1842 confiant l’enseignement primaire aux religieux. C’est donc cette année-là, en 1884, que Charles Buls et d’autres bourgmestres lancent le Compromis des communes réunissant près de 820 représentants de communes dont 200 bourgmestres et qui eut pour effet d’inciter le gouvernement catholique à modérer ses réformes. En 1886, il coopère à la création d’une Bourse du travail (un lieu où employeurs et demandeurs d’emploi peuvent se rencontrer), suite logique de l’intérêt pour le sort des ouvriers (sur la question du salaire minimum par exemple) qu’il a porté tout au long de sa vie. En 1895, lors de l’inauguration des instituts du parc Léopold financés par Ernest Solvay et d’autres mécènes, il confie la gestion des établissements scientifiques à l’Université libre de Bruxelles. Il reçoit le titre de docteur honoris causa de l’ULB en 1898 et reste membre permanent de son conseil d’administration jusqu’à sa mort. Il est également membre de la Chambre des représentants de 1882 à 1884 et de 1886 à 1894. Alors qu’il a réussi à restaurer les maisons de la Grand-Place et l’église de Notre-Dame du Sablon, Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 132 ainsi qu’à transformer le quartier de la Vierge noire, un conflit éclate entre lui et Léopold II sur la modification du Mont des Arts, ce qui le pousse à démissionner de ses fonctions de bourgmestre en 1899. À plus de 60 ans, il adopte une nouvelle vie, il voyage (en Afrique australe, au Siam, aux États-Unis, etc.), il en rapporte des croquis et écrit sur ses préoccupations comme l’urbanisme. En 1909, il est docteur honoris causa de l’Université de Genève. En 1914, alors qu’il est à Florence, il tombe subitement malade et rentre immédiatement à Bruxelles, où il décède le 13 juillet, à presque 77 ans. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 133 Ernest Solvay Docteur honoris causa 1898 pour ce faire de l’aide (juridique et financière) d’alliés de la famille, dont la famille Pirmez. Rebecq-Rognon, Belgique, 1838 – Ixelles, Belgique, 1922 Ernest Solvay incarne la réussite industrielle belge de la seconde moitié du XIXe siècle. Devenu une figure véritablement mythique, il associe son nom à la fois au monde des affaires (les entreprises Solvay), à la sphère des sciences (les instituts de recherche et d’enseignement qui portent son nom) et enfin à l’identité nationale belge, à la fois par ses liens avec une autre figure mythique belge, le roi Albert Ier, et par ses actions philanthropiques. Ernest Solvay est le deuxième enfant d’Alexandre Solvay, négociant, maître de carrière et conseiller communal de Rebecq, et d’Adèle Hulin. Il a un frère, Alfred, étroitement associé à la réussite industrielle familiale, et trois sœurs qui concourront à la réussite sociale de la famille par leurs mariages. Atteint de pleurésie à l’âge de 16 ans, Ernest Solvay doit interrompre le cours de ses études. Il se passionne pour les sciences en autodidacte, effectue un stage auprès d’une maison de commerce anversoise et s’initie à la comptabilité. Il devient sous-directeur à la Compagnie du gaz de Saint-Josse-ten-Noode (1859) et y (re)découvre le procédé de fabrication de la soude. Ce procédé de Solvay présente de nombreux avantages industriels et notamment celui d’être plus rentable que le procédé Leblanc répandu sur le marché. Solvay entreprend alors l’exploitation industrielle de son procédé et en dépose le brevet en 1861. Après une tentative infructueuse à Schaerbeek, il s’établit avec son frère et un camarade, Louis Philippe Acheroy, en 1864 à Couillet; il bénéficie ULB DHC 175e Malgré de nombreux aléas, et grâce au soutien de la famille Solvay, l’implantation industrielle se poursuit, concrétisée par la mise au point de la colonne Solvay en 1869. Le succès du procédé se confirme, symbolisé par les prix obtenus aux expositions universelles de Paris (1867) et de Vienne (1873). Mais surtout, la soude Solvay gagne la partie qui l’oppose sur le terrain commercial à la soude Leblanc. Au cours de la même période la société Solvay s’est développée sur le plan international: implantations en France (Dombasle), accords avec Ludwig Mond et implantations en Allemagne (Wyhl, Bernbourg…), en Angleterre (Norwich), aux ÉtatsUnis (Syracuse, Detroit), en Autriche (Ebensee), en Russie (Berezniki…), puis encore en Europe (Espagne, Pologne, Italie…). D’autre part, la société Solvay diversifie ses activités (les fours à coke), ses produits et ses techniques de fabrication: une étape décisive en sera la production de soude caustique et de chlore par électrolyse du sel (brevet de la cellule à cathode de mercure, dite cellule Solvay, en 1898). La réussite industrielle se double d’une gestion avisée au plan financier: en témoigne la constitution, en 1914, de la Mutuelle mobilière et immobilière, banque d’industrie destinée à gérer une partie des avoirs du groupe et à diversifier les investissements. Cette dernière prend ainsi part à la diversification du groupe et investit notamment dans les domaines de l’acier et du verre, des avoirs miniers et dans le secteur bancaire proprement dit. Le succès des industries Solvay a ainsi placé Ernest Solvay au rang des plus importantes fortunes belges et européennes. La fortune d’Ernest Solvay va lui permettre de réaliser ses rêves scientifiques et philanthropiques. Intéressé au mouvement des sciences depuis son adolescence, Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 134 Ernest Solvay développe un corps de théories politiques, scientifiques, économiques et sociales original. Sur le plan philosophique, il glorifie la science déterministe et les vertus de l’enseignement pour tous, s’oppose au « dogmatisme religieux ». Il appelle, sur le plan économique et social, à une suppression des inégalités héréditaires et à une plus grande rentabilité sociale et économique, pour lesquelles il propose des projets originaux. Devenu sénateur libéral en 1892, il entretient de multiples relations aussi bien avec les milieux socialistes qu’avec la maison royale. La diversité de son mécénat surprend : au parc Léopold, il crée successivement les Instituts scientifiques de physiologie (1893), l’Institut de sociologie (1902), qui prend le relais de l’Institut des sciences sociales (1894), l’École de commerce (1904), les Conseils et Instituts de physique et de chimie (1911 -1913) ; il subsidie aussi l’Université libre de Bruxelles, l’Université du travail à Charleroi, les universités de Nancy, Paris, Genève… et encore la Maison du peuple de Bruxelles, la Centrale d’éducation ouvrière du POB ou encore le Touring Club de Belgique! Il joue aussi un rôle prépondérant dans la mise sur pied du Comité de secours et d’alimentation au cours de la première guerre mondiale et aura soutenu les visées coloniales de Léopold II, participant en 1908 à l’élaboration du traité de cession de l’État indépendant du Congo à la Belgique. Ernest Solvay aura aussi financé le quotidien L’Indépendance belge. Ernest Solvay est nommé ministre d’État le 21 novembre 1918 et titulaire de nombreuses distinctions honorifiques académiques. Sur le plan privé, il épouse en 1863 Pauline Adèle Winderickx (1845-1928) ; ils auront quatre enfants Jeanne, Armand, Hélène et Edmond. La famille occupera plusieurs demeures, dont les plus célèbres sont la demeure urbaine de la rue des ChampsÉlysées, à Ixelles, et le château de la Hulpe. ULB DHC 175e Les docteurs honoris causa 2010 – 1898 135 ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC Du balayeur de rue au président des États-Unis… Pieter Dhondt Caractère ambigu et genèse controversée du doctorat honoris causa En juillet 2009, l’Université de Cambridge décernait un diplôme honoris causa à un certain Allan Brigham. Pour arrondir ses fins de mois, ce balayeur de rue organisait régulièrement des visites historiques lui valant aujourd’hui cette distinction. Quelques mois plus tard, l’Université McGill de Montréal octroyait à l’ancien président des États-Unis, Bill Clinton, un doctorat honoris causa pour l’excellence de sa présidence. On peut donc dire que les personnalités honorées par un tel diplôme sont de natures extrêmement différentes, tout comme les circonstances et les motifs de telles promotions. Il est arrivé que l’on privilégie des considérations politiques et idéologiques comme pour le diplôme honoris causa décerné en 1479 par l’Université d’Oxford à Lionel Woodville, doyen de la cathédrale d’Exeter et beau-frère d’Édouard IV. Ou que l’on fasse valoir des considérations plus scientifiques, comme pour le titre décerné par l’Université de Bonn en 1868 à Louis Pasteur, chimiste et biologiste. On a également pu avancer des motifs sociaux et culturels. Témoin, le titre de Honorary Doctorate of Philosophy décerné à Sheryl Crow au début du XXIe siècle par la Southeast Missouri State University à Cape Girardeau, dans le Missouri. Le contexte politique et les circonstances concrètes furent donc – et sont toujours – déterminantes. C’est ainsi qu’en 1806, l’Université d’Iéna décerna des doctorats honoris causa à quelques officiers français en hommage à la victoire militaire de Napoléon ainsi qu’en remerciement pour la protection spéciale dont profita l’université pendant les jours chaotiques qui suivirent la bataille. Cependant, moins de deux ans plus tard, cette même université organisa des conférences sur l’histoire allemande, ayant pour but la préparation idéologique des guerres de libération visant à se débarrasser du joug français. De nos jours, un doctorat honoris causa se définit comme un grade académique conféré gratuitement, à titre honorifique, par une institution de nature universitaire agissant de sa propre initiative à une personne renommée pour ses travaux ou ses mérites sur le plan scientifique, culturel, politique, économique, religieux ou militaire, sans l’exigence d’aucune prestation scientifique de sa part, mais simultanément, sans aucun droit lié au titre. Le doctorat honoris causa qui satisfait à toutes ces conditions n’existe que depuis le début du XIXe siècle, mais son origine remonte à des temps bien plus anciens. La tendance à s’écarter des règles et conditions préalables pour décerner un doctorat et conférer de la sorte un titre en vertu de certains mérites (de quelque nature qu’ils soient) remonte très probablement à ULB DHC 175e l’origine même des universités. On outrepassait alors régulièrement l’une ou l’autre des caractéristiques nécessaires à l’attribution d’un doctorat. Ce diplôme fut ainsi parfois conféré à la demande du candidat ou contre paiement des coûts normaux de promotion. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, les docteurs s’étant vus décerner un tel diplôme sur base de leurs mérites jouirent en outre des mêmes droits et privilèges que les docteurs ordinaires, ce qui n’est plus le cas de nos jours. Enfin, les initiatives de ces promotions émanaient souvent des mandataires politiques ou religieux, plutôt que de l’université même. Il y a une logique certaine à cette situation : le pape et l’empereur du Saint Empire romain ont été progressivement réputés à l’origine de tous les doctorats, comme on le verra dans la première partie de cette contribution. Essentiellement par glissement de la signification du doctorat vers un titre honorifique, le pape et l’empereur s’arrogèrent, comme fondateurs des universités, le droit de conférer des grades académiques non seulement de manière indirecte (par les universités ou autres institutions érudites), mais aussi de manière directe, et même celui d’honorer des personnalités (méritantes) en leur conférant un doctorat honorifique. Et l’on s’écarta donc très souvent des conditions normales de promotion, tout comme pour les promotions in absentia. La deuxième partie explique pourquoi certains doctorats honorifiques peuvent être considérés comme une promotion Nous verrons dans un troisième temps que l’octroi de doctorats sur base de mérites, sans pour autant satisfaire à toutes les conditions statutaires, répondait parfois à une nécessité pratique, notamment pour les professeurs ne détenant encore aucun doctorat au moment de leur nomination. Nous aborderons ensuite un autre besoin que l’on a pu satisfaire grâce à ces promotions honorifiques, celui des cérémonies académiques. Avec la « scientifisation » du diplôme de docteur dès le début du XIXe siècle, la cérémonie promotionnelle ordinaire de certains pays eut tendance à perdre de son lustre, un manque que l’on a souvent pallié par la remise solennelle et parfois pompeuse de doctorats honorifiques à l’occasion, par exemple, du jubilé de l’université en question. La jeunesse des universités belges, et donc l’absence de tels jubilés au XIXe siècle, peut ainsi expliquer la tradition plutôt récente des promotions honorifiques en Belgique, sur laquelle on reviendra dans la cinquième et dernière section de cette contribution. Bill Clinton, 1993 Louis Pasteur, par Nadar, 1878 Sheryl Crow, 2008 Pour une histoire des DHC 139 Le pape et l’empereur du Saint Empire romain à l’origine de tous les doctorats Le titre de docteur (en droit) fut conféré pour la première fois par l’Université de Bologne avant 1219. À Paris également, le doctorat était réservé à l’origine à des professeurs de droit, alors que leurs collègues en théologie étaient qualifiés de « maîtres » (magisters). Progressivement, on en vint à réserver le titre de docteur à toutes les facultés supérieures (de théologie, de droit et de médecine), tout en réservant le titre de maître aux enseignants de la faculté préparatoire des arts (une coutume qui donnera même le titre anglais de Master of Arts). Dans certains pays toutefois, comme en Allemagne, les deux titres étaient fréquemment confondus. La procédure générale pour obtenir le titre de maître ou docteur impliquait que l’étudiant ait réussi une première phase préparatoire des études universitaires, en décrochant le grade de bachelier. Suivaient alors d’autres années d’études tournées vers l’obtention de la licentia docendi. Pour obtenir cette licence d’enseigner, le candidat devait passer un examen devant un jury composé de docteurs ou de magisters, présidé par le recteur de l’université. Habituellement, cet examen se composait d’une série de questions intrinsèques. Puis le candidat devait défendre une position donnée dans le cadre d’une question prédéfinie. Si l’étudiant réussissait cette épreuve, il se voyait conférer le titre de licencié et obtenait l’autorisation d’enseigner à l’université. Si, par ailleurs, il exerçait déjà cette fonction de professeur, il se voyait enfin décerner, lors d’une cérémonie officielle appelée inceptio, le titre de docteur ou de maître, qui signifiait tout simplement qu’il était habilité à enseigner à l’université. Au cours du XIIIe siècle, il a progressivement fallu, pour obtenir un doctorat, passer une épreuve complémentaire prenant la forme d’un examen public ayant généralement lieu peu après l’obtention de la licence. Par le truchement d’une conférence ou d’une défense inaugurale, le candidat pénétrait par cette cérémonie dans le cercle des érudits. Et le prestige croissant allant de pair pour le groupe des docteurs se traduisait par l’octroi de nombreux privilèges. Ce qui, à son tour, entraîna un glissement sémantique du doctorat, de la fonction d’enseignant à l’université à un titre purement honorifique. Le privilège le plus important était très certainement la promotion sociale : le docteur passait ainsi dans un autre « état », celui de la noblesse, fût-ce dans certaines limites. Ce titre de noblesse, par exemple, n’était pas héréditaire. S’il est admis dans la noblesse, un docteur n’est, en d’autres termes, pas pour autant un « noble ». ULB DHC 175e De surcroît, ces « docteurs » étaient exonérés d’impôts personnels, jouissaient de quelques privilèges vestimentaires (notamment en matière de port d’armes) et se voyaient accorder l’accès à certains ministères publics, prébendes religieuses ou canonicats. La valorisation croissante du titre de docteur a engendré la transformation de la promotion en un rituel officiel et parfois pompeux accompagné de processions, de musique, de banquets, le tout à très grands frais. La magnificence de ces promotions avait pour but de refléter le statut du tout nouveau docteur, qui montait dans l’échelle sociale. L’octroi d’un tel titre honorifique et l’ascension sociale correspondante dépendaient toutefois du bon vouloir du pape ou de l’empereur du Saint Empire romain germanique. Du temps de l’empire romain, l’octroi de titres et honneurs revenait à l’empereur. Ce droit fut transféré au Moyen Âge au pape et aux souverains séculiers, au premier rang desquels figurait l’empereur du Saint Empire romain (bien que certains historiens aient également souligné le rôle des rois de France, d’Angleterre, de Suède et autres). Étant donné que le pape et l’empereur germanique ont été les fondateurs des universités, ceci n’a fait que conforter progressivement l’idée que lors d’une telle fondation, ils ont à leur tour transmis ce droit de promotion (qu’ils héritaient eux-mêmes de l’empereur romain) à la nouvelle institution. C’est donc dans ce cadre que, dès le début du XIIIe siècle, le pape s’est arrogé l’ensemble du système promotionnel. Il fit dépendre la délivrance de la licentia docendi de l’autorisation de son représentant. Simultanément, il s’assura aussi personnellement que la validité du doctorat ne se limite plus à l’université concernée, mais revête désormais un caractère universel et soit donc reconnue par toutes les universités du monde chrétien. En attachant de nombreux privilèges à cet état de docteur, le pape et l’empereur sortaient également le doctorat du cadre exclusif de l’université, Pour une histoire des DHC Le pape Honorius III, 13e siècle 140 contribuant de la sorte à la naissance d’une noblesse intellectuelle parallèlement à la noblesse héréditaire. Découlant essentiellement de la conviction que seuls le pape et l’empereur allemand étaient habilités à anoblir quelqu’un, on en vint progressivement à penser que ces deux pouvoirs universels avaient le droit de conférer de tels honneurs sans l’intervention des universités et pouvaient donc octroyer des doctorats non seulement indirectement (via les universités), mais aussi directement. En outre, ils déléguèrent également ce droit à leurs représentants par le truchement de l’octroi d’un grand ou d’un petit palatinat. Ce sont surtout les comtes palatins impériaux qui firent grand usage des droits qu’impliquait leur palatinat : la nomination de notaires, la reconnaissance légale d’enfants extraconjugaux, la libération de serfs, l’émancipation de mineurs, l’élévation à la noblesse, l’octroi de blasons et celui de grades académiques. L’ampleur des privilèges pouvait différer entre palatinats. Parfois, ils ne pouvaient pas conférer de grades académiques, parfois on en limitait le nombre, parfois on ne les accordait que pour certains secteurs scientifiques. C’est ainsi qu’en principe, le droit de conférer des grades théologiques était réservé aux palatinats les plus importants, souvent héréditaires et accordés uniquement aux personnes de souche royale. frais correspondants. L’examen, largement inspiré des examens de licence et de doctorat normaux, était organisé à la cour en présence d’au moins trois docteurs de la faculté. Pour éluder tout doute quant à la valeur du diplôme de doctorat impérial ou papal, on mentionnait parfois sur le diplôme le nom des examinateurs et/ou les questions. La plupart de ces remises de grades se faisaient en outre à la demande des candidats eux-mêmes pour différentes raisons, notamment parce qu’ils n’avaient pas pu suivre régulièrement les cours (ce qui était une des conditions de l’octroi), parce qu’ils avaient perdu leur diplôme universitaire ou encore pour obtenir un titre de doctorat rehaussé d’un cachet complémentaire. Souvent, un grand palatinat avait le droit d’en créer de plus petits en témoignage d’estime à des personnes privées, mais aussi à des institutions ou des sociétés érudites. Cela fit que par ailleurs, à partir du XVIe siècle, on en vint à se plaindre d’une certaine inflation tant de l’octroi des palatinats eux-mêmes que de l’utilisation des privilèges correspondants. En conséquence, le pape Pie V réagit en retirant complètement, aux environs de 1550, le privilège de conférer des grades académiques reconnus à ses représentants. L’empereur germanique lui aussi prit certaines mesures pour répondre à l’insatisfaction croissante. Il sanctionna de la sorte quelques professeurs de Leipzig pour avoir abusé à ses yeux de leur prérogative de comtes palatins en conférant des grades académiques hors des cercles universitaires. Pareillement, à partir de 1721, aucun notaire ne put plus ouvrir sa propre étude sans avoir réussi un examen, ce qui limitait dans les faits le droit palatin de nommer des notaires. À ce titre, ces doctorats s’éloignaient bien entendu très fort des doctorats honorifiques que l’on a définis plus haut. Quand le pape, l’empereur ou les comtes palatins pouvaient se faire une image des connaissances du candidat autrement que par un examen (par exemple sur base de ses publications), ils s’arrogeaient le droit de conférer des doctorats sans examen préalable ni frais de promotion. Dans de tels cas, le mandataire politique ou religieux n’avait qu’à s’en remettre à sa propre conscience pour ne pas conférer ce titre à des incompétents. Les doctorats conférés de la sorte étaient réputés récompenser plus particulièrement des mérites ou des prestations scientifiques et exerçaient clairement une fonction exemplative pour les étudiants à venir. L’importance, en l’occurrence, était de ne pas créer trop de distance entre la valeur présente du candidat et l’élévation de statut qu’il obtenait par un doctorat. Mais les limitations ainsi visées furent moins grandes qu’elles ne parurent à première vue. Les candidats à qui le titre de notaire ou le grade de docteur (bullatus, pour les distinguer des docteurs ordinaires) fut conféré par l’empereur, les comtes palatins agissant en qualité de représentants de ce dernier, le pape ou ses délégués devaient tous, en principe, passer un examen et supporter eux-mêmes les Quelques exemples montrent clairement en quoi ces doctorats sont très proches de notre perception actuelle du doctorat honoris causa. Ainsi, bien que l’étudiant en droit Johann Georg Kauffer ait pu soumettre une attestation de l’Université de Prague, l’em- ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC Le pape Pie V, 16e siècle 141 pereur Ferdinand III lui conféra le titre de docteur en premier lieu pour ses actions patriotiques exemplaires comme chef des étudiants pendant le siège de Prague par la Suède en 1648. Pour Arnold Froon, ultérieurement secrétaire du service postal impérial, il a suffi de trois attestations de présence aux cours qu’il avait suivis à Dillingen en Bavière et une attestation de quatre docteurs en droit de Vienne pour témoigner de sa compétence. Les mérites militaires de son grand-père contribuèrent certainement à persuader l’empereur Léopold Ier de lui conférer le titre de docteur honoris causa dans les deux droits en 1697. Quant à Caspar Paul Van de Cruys, ce furent aussi, très certainement, ses performances militaires qui l’emportèrent. Originaire de Peer, il étudia le droit à l’Université de Louvain mais, pendant la guerre de succession espagnole, il fut contraint de revenir dans sa ville natale pour défendre le sol de ses ancêtres. Lors d’un choc avec les troupes espagnoles, il fut si gravement blessé qu’il lui fut impossible de poursuivre ses études. En compensation, Frédéric, de la famille aristocratique italienne des Sforza et prince du Saint Empire romain, lui conféra en 1709 le titre de docteur dans les deux droits à Rome. Van de Cruys fut ensuite commissaire du prince évêque à Peer, siégea comme échevin à Grote-Brogel et acheva sa carrière comme bourgmestre de Peer. La seule condition pour pouvoir jouir de tous les privilèges liés à son titre de doctorat était que Van de Cruys prête dans son propre pays son serment de doctorat devant un dignitaire religieux. Ce qui ne s’est jamais produit, de sorte que son diplôme resta un titre honorifique étranger. Le fait que ces bullati jouissaient des mêmes droits que les simples docteurs exaspérait considérablement les nouveaux promus qui avaient obtenu leur diplôme après de longues études et de sévères examens. Alors que pour les docteurs académiques, le rehaussement du statut social et les nombreux privilèges qui y étaient liés constituaient un complément agréable mais accidentel de leur diplôme, il s’agissait pour les bullati du cœur même de la question. La conséquence logique fut qu’ils ne jouirent jamais d’une pleine estime. Le terme de « bullatus » avait par ailleurs une double signification. Il faisait référence au diplôme même de doctorat (la bulle), tandis qu’aux yeux de ses adversaires, il fut souvent traduit par « vain », « creux » ou « présomptueux ». Comme ces bullati avaient généralement obtenu ce titre à leurs frais et à leur propre demande, on affirma souvent (et pas toujours à tort) qu’ils l’avaient acheté plutôt que mérité. Sur le plan cérémoniel, leur promotion se passait généralement de la même manière qu’une promotion de doctorat académique avec la remise des mêmes insignes (insignia) de docteur : la coiffe de docteur (qui fait référence au rite initiatique et à l’admission dans le monde des adultes de la Rome ancienne), l’anneau en or (qui fait référence au mariage platonique avec Sophia, déesse de la sagesse, l’or tradui- ULB DHC 175e sant la valeur du doctorat et le cercle symbolisant la perfection de la science), et l’accolade fraternelle (qui fait référence à l’admission dans la communauté universitaire). Toutefois, de l’une ou l’autre manière, on limita de plus en plus certains des privilèges liés au diplôme de docteur . Et plus particulièrement, l’admission dans la communauté et le droit de faire passer des examens, et donc de créer eux-mêmes des docteurs, furent de moins en moins concédés aux bullati. En conséquence de toutes ces limitations aux remises de doctorat sur base d’un grand ou d’un petit palatinat (le fait que les bullati ne jouissaient pas toujours des mêmes privilèges et qu’ils avaient généralement obtenu leur diplôme à leurs propres frais, à leur demande et après un examen), la concession même d’un palatinat et donc l’obtention du droit de décerner des grades académiques pourraient plutôt être considérées comme une reconnaissance de mérites scientifiques ou sociaux et donc comme une sorte de doctorat honoris causa. L’empereur Léopold Ier, par Benjamin von Block, 1672 Une autre forme spéciale de reconnaissance que l’empereur et les comtes palatins pouvaient décerner était le sacre de poètes. L’exemple le plus célèbre, c’est l’octroi de ce titre à Pétrarque en 1341. S’il est vrai qu’on n’utilisait pas la dénomination de docteur honoris causa, la cause en était très semblable. La similitude avec le diplôme honorifique que décerna l’Université d’Oxford au poète John Skelton en 1488 est à cet égard révélatrice. La popularité croissante des sacres de poètes à partir de la seconde moitié du XVe siècle sous le règne de Maximilien Ier (entraînant à nouveau des conséquences inflationnistes) correspond à l’avènement de l’humanisme et à la redécouverte des poètes et dramaturges anciens. La dissolution du Saint Empire romain en 1806 consacra simultanément la fin des droits palatins. Toutefois, et notamment en Autriche-Hongrie, l’empereur continua à exercer une influence importante sur l’octroi des grades académiques. Quand bien même il avait perdu le droit de décerner lui-même des doctorats, celui de reconnaître des institutions investies de ce droit était encore entre ses mains : il était donc toujours à la source de tous les doctorats. En second lieu, on concevait, jusqu’à la fin de l’empire austro-hongrois en 1918, que les universités avaient besoin de l’autorisation de l’empereur pour décerner des doctorats honoris causa. Une expression particulière de cet intérêt impérial pour l’octroi de grades académiques était la promotion dite sub auspiciis Imperatoris qui, à partir du milieu du XVIIIe siècle, avait lieu tous les six ans. Cette promotion était réservée à des candidats docteurs en médecine de très haut rang recevant à cette occasion des mains de l’impératrice Marie-Thérèse une médaille d’or. La tradition a été abrogée en 1918, avant d’être réintroduite à partir de 1952 en réponse à la résurgence du besoin de cérémonies académiques. Pour une histoire des DHC 142 Les insignes de l’ULB remis à Simone Susskind en 2000 Pétrarque, ca. 1450 Le doctorat honoris causa dans sa forme la plus extrême de promotion in absentia Des promotions d’autre nature présentant dans certains cas de frappantes similitudes avec le doctorat honoris causa moderne étaient les promotions dites in absentia. Les promotions in absentia étaient liées à l’habitude prémoderne d’adapter les examens aux capacités et aux ambitions des candidats. Cela avait peu de sens d’exiger une thèse doctorale personnelle approfondie – en latin de surcroît – de personnes dont on savait pertinemment qu’elles n’aspiraient en rien à une position universitaire. En effet, loin de représenter des discussions scientifiques de haut niveau, ces défenses dégénéraient souvent en débats feints, convenus jusque dans le détail. En toute logique, nombreux furent ceux qui commencèrent à se demander si l’examen intrinsèque ne suffisait pas, quitte à oublier quelque peu la défense. Puis on se dirigea vers un examen écrit passé à distance, ce qui justifia progressivement l’apparition de promotions « en absence », dont le succès allait grandissant à partir du XVIIIe siècle dans les universités allemandes. En théorie, et comme pour les bullati, la plupart de ces promotions en absence se faisait à la demande des candidats après avoir passé un examen (écrit) et payé les frais de doctorat. Mais on dérogea également souvent à ces principes, notamment quand les mérites sociaux ou les prestations d’un candidat étaient tels que ce diplôme était octroyé sans pour autant passer un examen. Un examen aurait été inutile, voire vexant, pour les candidats ayant déjà des années de pratique et souhaitant cette promotion pour améliorer leur position sociale. Ils avaient en effet déjà largement eu l’occasion de prouver leur valeur. Le titre de doctorat prémoderne était en réalité bien plus qu’un diplôme couronnant une formation. Chaque promotion consacrait une valorisation sociale dont le candidat pouvait bénéficier partiellement pour ses prestations académiques et partiellement, voire uniquement dans les cas les plus extrêmes, pour des mérites sociaux ou scientifiques précédents. Le doctorat honoris causa représentait de la sorte la forme la plus extrême de promotion in absentia. À nouveau, il ne fallait pas créer trop de distance entre la valeur présente du candidat et le rehaussement de statut et de prestige qu’il acquérait grâce à un doctorat. La différence entre l’octroi du doctorat comme titre honorifique à part entière et le simple octroi d’exceptions aux conditions statutaires conditionnant une telle promotion n’était pas toujours très claire. Même pour les plus anciens honorary degrees décernés par les universités d’Oxford et de Cambridge, il s’agissait plutôt d’accorder des dispenses que des grades à titre honorifique, bien que ces exceptions ULB DHC 175e n’aient pas été accordées facilement. Lionel Woodville, que l’on a déjà cité, et John Bourchier, archevêque de Canterbury, se virent décerner au XVe siècle par l’Université d’Oxford de tels degrees by creation (des grades accordés sans suivre les cours et sans passer les exercices ou examens correspondants). Mais on ne tarda pas à abuser de ces pratiques, surtout parce que les revenus des professeurs et des facultés dépendaient pour une grande part du paiement des frais de promotion. Les universités d’Iéna, Halle, Giessen, Rostock et Göttingen, notamment, abusèrent considérablement de leurs prérogatives à la fin du XVIIIe siècle et lors de la première moitié du XIXe siècle, en abaissant constamment les exigences qui régissaient l’octroi des promotions in absentia. Comme les candidats eurent tôt fait de comprendre que les facultés se souciaient avant tout d’argent, ils n’hésitèrent pas à négocier les tarifs en vigueur. C’est ainsi qu’un véritable et florissant commerce de diplômes de docteur prit son essor. À l’époque, même au sein d’autres universités n’accordant pas de promotion in absentia (telles que l’ancienne Université de Louvain supprimée par les révolutionnaires français en 1797), on critiquait vigoureusement l’assouplissement des conditions d’octroi en stigmatisant la vénalité de ces titres qui ne récompensaient pas de réelles performances scientifiques. L’historien allemand Theodor Mommsen réagit dès 1860 contre ce qu’il appelait le « phénomène des pseudo-docteurs ». Ce faisant, il visait non seulement les trop faciles promotions in absentia, mais aussi un grand nombre de docteurs ayant obtenu, ou plutôt acheté, leur diplôme auprès d’universités américaines « boîtes postales ». Cette coutume, bien installée, a surtout envahi le milieu des dentistes. En effet, les dentistes allemands formés en Amérique jouissaient d’une considération supérieure aux autres et gagnaient donc bien mieux leur vie. Mais comme ils ne pouvaient pas tous parachever leurs études à l’étranger, on vit ainsi progressivement apparaître des institutions « bidon » se mettant à vendre des diplômes de dentiste, y compris à des personnes n’ayant suivi aucune formation. En réaction, Mommsen lança en 1876 une gigantesque campagne de presse visant à imposer – d’ailleurs avec succès – les normes très sévères des examens prussiens à toutes les universités allemandes, non sans succès. Aux environs de 1900, tous les candidats docteurs durent passer les mêmes examens et rédiger une dissertation en latin. Ce faisant, on renonçait à l’habitude prémoderne d’adapter les critères d’examen aux qualités et aux capacités du candidat. Les promotions in absentia furent interdites et, dans la foulée des statuts de l’université berlinoise de 1810, remplacées d’une certaine manière par le doctorat honoris causa. Pour une histoire des DHC 143 Theodor Mommsen, ca. 1870 Conséquemment, différents recteurs d’universités se rendirent compte que l’on pouvait rattacher à ces promotions d’autres avantages qu’uniquement pécuniaires. Quand la notoriété du candidat était supérieure à l’effet social que lui apportait le titre, la promotion pouvait flatter la faculté qui se voyait ainsi auréolée d’une telle notoriété, capable d’accroître à son tour la sienne. Dans de tels cas, il paraissait évident d’accorder un tel doctorat gracieusement, et bien sûr sans examen préalable, à l’initiative éventuelle de la faculté ou de l’université. On doit y voir d’ailleurs une seconde origine du doctorat honoris causa moderne. Il se vérifie toujours qu’en décernant un tel doctorat, l’université s’honore autant elle-même, si pas plus, que le héros du jour. Le recteur de l’Université de Tübingen, Gustav Rümelin, l’exprima clairement dans son discours aux docteurs honoris causa à l’occasion du quatrième centenaire de l’Université de Tübingen en 1877. « Das Verhältnis des Ehrendoctors ist wesentlich Verschiedenes von dem des Doctors auf Bewerbung. Die Fakultäten wollen damit nicht bloss eine Ehre erweisen, sondern sie wollen auch sich selbst ehren und schmücken, indem sie Männer in ihre Reihen aufnehmen, denen sie sich mit Befriedigung und Stolz durch ein geistiges Band der Genossenschaft verbunden sehen. » (1) La nécessité pratique des promotions honorifiques pour les professeurs sans doctorat Une troisième origine du doctorat honoris causa est à situer dans les promotions avec dispense d’examen et paiement de droits qui ont été accordées à des professeurs sans doctorat pour leur permettre de faire passer eux-mêmes des examens de niveau doctoral et de conférer des doctorats. Alors que jusqu’au XIIe siècle, le terme de docteur était uniquement réservé aux professeurs d’université, le titre est progressivement devenu un titre honorifique. Inversement, par le découplage de l’examen de licence et du doctorat, des licenciés ne possédant pas de doctorat pouvaient enseigner à l’université. Comme il fallait être docteur pour en nommer d’autres, il leur fut donc décerné le titre de docteur honoris causa. Dès le milieu du XVIIe siècle, les Pays-Bas eurent massivement recours à de telles promotions honorifiques, surtout dans les facultés de théologie. Suite à différents conflits doctrinaux sur la prédestination à l’Université de Leyde et en réaction au manque de pasteurs réformés dû à la sévérité de la sélection des facultés, les autorités ecclésiastiques s’arrogèrent de plus en plus l’initiative des examens. En conséquence, la plupart des candidats à la prêtrise écourtèrent le plus possible leurs études universitaires pour passer ensuite l’examen. De ce fait, le nombre de ULB DHC 175e promus (qui étaient, il est vrai, comme d’habitude dispensés de passer l’examen) se mit à baisser parmi les théologiens diplômés, de sorte qu’il fallut encore accorder des doctorats honorifiques à de nouveaux professeurs en théologie à nommer. (1) « La motivation de l’octroi du doctorat honoris causa est essentiellement différente de celle du Au bout de quelque temps, le cercle des candidats à de tels doctorats honorifiques se mit à s’élargir. Quand, en 1682, l’Université d’Utrecht conféra un doctorat honoris causa à un pasteur de Rotterdam et à un pasteur de La Haye qui n’avaient pourtant pas été nommés professeurs, les professeurs des autres facultés n’y consentirent qu’à la condition expresse qu’ils pourraient procéder pareillement si l’occasion se présentait, en proposant ce titre de doctorat honorifique à d’autres personnes ayant prouvé certains mérites dans l’une ou l’autre discipline de leur faculté. Lorsqu’en 1730, sur proposition de la faculté de théologie, un doctorat honoris causa fut aussi décerné à quelqu’un qui avait été nommé pasteur à Brême, le sénat académique se mit à craindre que, si l’on poursuivait en ce sens, ces distinctions augmenteraient certainement en nombre mais pas en considération. Aussi décidat-il de réserver le doctorat honoris causa aux candidats déjà nommés professeurs. Toutefois, cette inflation ne fut finalement pas aussi importante que ce que l’on redoutait (surtout en comparaison des chiffres actuels). Entre 1640 et 1780, les facultés autres que celle de théologie ne décernèrent au total que quelque dix doctorats honoris causa. doctorat sur candidature. Par cette pratique, les facultés ne veulent pas seulement faire un geste honorifique, elles veulent se mettre à l’honneur et se distinguer elles-mêmes en intégrant des hommes dans leurs rangs, avec lesquels elles se voient établir un lien spirituel et communautaire à leur grande fierté et satisfaction. » Une promotion honorifique quelque peu comparable à ces promotions de professeurs sans doctorat eut lieu à l’Université d’Utrecht en 1841. Deux étudiants refusèrent cette année-là de suivre des cours pour lesquels ils ne manifestaient aucun intérêt, s’excluant de la sorte des possibilités de postuler à un tel doctorat. En lieu et place, ils défendirent un specimen academicum sub praeside, à savoir la défense publique d’un mémoire ou d’une thèse sans qu’on puisse conférer pour cela le grade de docteur . Mais ils le firent avec tant de verve et de persuasion que plusieurs professeurs suggérèrent de leur conférer quand même le titre de docteur honoris causa, ce qui fut fait malgré les protestations de Johan Rudolf Thorbecke, un des professeurs dont les cours étaient visés. Tout comme pour les professeurs sans doctorat, on utilisa dans ce cas le doctorat honorifique pour contourner quelque peu une réglementation très stricte. Toutefois, pour éviter de susciter un tel émoi à l’avenir, il fut décidé de ne plus décerner de doctorats honorifiques à des étudiants. Johan Rudolf Thorbecke, par Johan Heinrich Neuman, 1852 Pour une histoire des DHC 144 Un grand besoin de cérémonies académiques S’il est une chose à laquelle les promotions honorifiques de professeurs sans doctorat ne donnèrent pas de réponse claire, c’est bien au besoin irrépressible de cérémonies académiques. Jusqu’au XVIIIe siècle, les promotions ordinaires comblèrent grandement ce besoin. L’élévation du statut social qu’entraînait le doctorat avait en effet conduit à rehausser le prestige et le côté festif de la cérémonie. Le rituel promotionnel se rapprochait beaucoup de celui de l’adoubement. Mais les coûts, bien sûr proportionnels, connurent au fil du temps une inflation galopante : frais d’inscription aux examens, frais d’impression de la dissertation, achat de vêtements et de cadeaux adaptés pour le promoteur, et enfin, financement d’un banquet exubérant pour une importante et joyeuse compagnie. De nombreuses universités y allèrent de leur petite touche et conçurent des insignes doctoraux qui leur étaient propres : une chaîne en or, une médaille, une épée… voire une salve de coups de canon donnant à la cérémonie un petit extra. À Salamanque, on organisa même des corridas pour rehausser les festivités. À Montpellier, chaque nouveau docteur devait revêtir la Robe de Rabelais, la toge doctorale qui habillait le célèbre candidat, docteur et écrivain français François Rabelais en 1537. Dès le milieu du XVIIe siècle, on se mit à protester vivement contre l’inflation de ces coûts et de l’aristocratisation découlant de la cérémonie de promotion, toujours plus riche et pompeuse. Les rituels accompagnant la cérémonie étaient de plus en plus considérés comme des manifestations irritantes éloignant l’attention du contenu scientifique. Aux Pays-Bas, l’opposition des étudiants, spécialement contre le coût élevé de ces promotions, incita les autorités académiques à faire la différence entre les promotions privées, au rituel plus sobre, plus confidentielles et donc plus économiques, et les promotions en toge, répondant aux anciennes traditions des more majorum, avec tout le rituel qui les accompagne. Au XVIIIe siècle déjà, les promotions privées constituaient la procédure normale, les promotions en toge étant réservées aux occasions spéciales. Il en fut ainsi à Oxford où, lors de la visite du roi Jacques Ier en 1605, on conféra 43 degrees by creation. De même, un étudiant passa sa promotion de more majorum à l’occasion de la visite du stadhouder Guillaume V, prince d’Orange, en 1773. Cet acte public, bien sûr, honorait davantage le prince et l’université que le doctorandus. Dans les autres pays également, ces cérémonies furent considérablement démystifiées et simplifiées au cours du XVIIIe siècle. On finit par en réduire drastiquement les coûts pour les limiter aux frais d’examen, que l’on devait d’ailleurs verser à la faculté et non plus au seul promoteur (afin d’éviter tout abus). C’est surtout à par- ULB DHC 175e tir de la définition du doctorat comme grade scientifique dès le début du XIXe siècle que s’accéléra cette évolution. La fin de l’ancien régime coïncida avec la fin des privilèges liés au titre de docteur depuis le XIIIe siècle. Comme la promotion n’entraînait plus automatiquement de rehaussement symbolique, elle eut un caractère de moins en moins cérémoniel. Bien sûr, pour le candidat, cela restait un événement extrêmement festif. Mais pour la communauté universitaire, c’était bien moins qu’auparavant un jour exceptionnel, notamment car le doctorat était entièrement découplé de la fonction d’enseignant à l’université et l’accolade qui symbolisait l’admission de la communauté universitaire perdait donc tout son sens. Les recteurs et autres autorités académiques ont donc été contraints de chercher d’autres opportunités permettant à l’Université de s’exprimer lors d’occasions spéciales. En 1850 déjà, à l’occasion de l’inauguration du nouveau bâtiment académique, l’Université de Groningue décerna un doctorat honoris causa à 12 scientifiques, politiciens et enseignants. Mais la promotion traditionnelle more majorum fut écarté. L’Université de Leyde suivit le même exemple lorsqu’elle fêta son troisième centenaire en 1875. Un an plus tard, la promotion en toge fut elle aussi écartée. Son recteur Buys tenta de réfuter dans son allocution la critique voulant que l’on avait privé le public d’une promotion more majorum que les anciens évoquaient comme bien divertissante, et que les jeunes ne connaissaient plus que par tradition. Il lui fallut argumenter que les promotions en toge ne se justifiaient plus dans les conditions actuelles. Lors du centenaire précédent de l’université en 1775, expliquait Buys, le vieux monde, bien que chancelant, était encore debout. C’était une époque de particularismes où les classes sociales étaient très nettement séparées et où l’Église et l’Université étaient entièrement isolées de la société. En organisant ces fastueuses cérémonies more majorum, poursuivait Buys, l’université souhaitait avant tout délimiter clairement la frontière qui la séparait du monde extérieur et se distancier du reste de la communauté. Cent ans plus tard, précisait encore Buys, la situation était tout autre : « Le travail de fusion – entrepris sur le plan intellectuel par la Révolution française et poursuivi depuis sur le plan matériel par l’énergie de la vapeur – a entraîné un retournement dont les conséquences sont en effet vertigineuses. » L’université a compris elle aussi « que ce n’est pas dans l’isolement total mais dans la rencontre fructueuse avec les gens qu’une telle devise (la science pour la science) peut se réaliser. » Il considère l’octroi de doctorats honoris causa comme « la reconnaissance de ce que le monde scientifique néerlandais doit à l’étranger ; la reconnaissance plus particulière du fait que chaque science doit une bonne partie de son développement à ses sœurs ; et enfin, la reconnaissance de l’université à la société au sens large. » François Rabelais, 17e siècle Guillaume d’Orange, par Johann Georg Ziesenis, 18e siècle Blason de l’université de Leyde Pour une histoire des DHC 145 Cette motivation permit aux doctorats octroyés à titre honorifique de prendre progressivement la place des promotions en toge comme manière idéale de donner quelque lustre aux occasions solennelles. Le nombre de titres honorifiques conférés est allé grandissant : de 12 en 1850 à Groningue à quelque 48 en 1875 à Leyde et 38 en 1936 à Utrecht. Certes, ce n’était que du « menu fretin » comparé à certaines universités américaines : en 1936, dans le cadre des festivités de son troisième centenaire, Harvard octroya 86 honorary doctorates ; Princeton célébra son 150e anniversaire en 1896 en conférant 79 doctorats honoris causa et Columbia fit encore plus fort en 1929 en remettant quelque 134 doctorats honoris causa à l’occasion de son 175e anniversaire. Contrairement aux titres honorifiques des bullati, aux docteurs promus in absentia ou aux professeurs ayant obtenu leur doctorat après leur nomination, ces titres honoraires n’étaient assortis d’aucun privilège. Comme l’exprimait l’évangéliste américain Samuel C. Gipp : « Académiquement, un doctorat honorifique est comme une ceinture noire honorifique au karaté. Portez-la dans votre maison, mais n’essayez pas de l’utiliser, cela vous serait fatal. » Au cours du XIXe siècle, dans le cadre de festivités fastueuses, certains pays notamment en Europe du Nord ont combiné la promotion solennelle de docteurs honoris causa à la forme très cérémonieuse et traditionnelle des promotions de doctorats ordinaires (en groupe). L’un des moments forts à cet égard fut incontestablement le quatrième centenaire de l’Université d’Uppsala en 1877, regroupant un nombre impressionnant de représentants étrangers. Chacune de ces deux solennités avait sa propre fonction : alors que les promotions honorifiques avaient essentiellement un caractère international, exprimant le rayonnement panscandinave de l’université (servant donc très clairement à s’afficher soi-même), la promotion des doctorats ordinaires était surtout conçue comme une fête nationale, devant des représentants du pays entier (en ce compris le roi et le prince héritier), et comme une ode à la science nationale et aux héros de la patrie. ULB DHC 175e Université de Princeton, 2006 Pour une histoire des DHC 146 La tradition encore jeune des promotions honorifiques en Belgique À l’ancienne Université de Louvain, la remise des prix répondait notamment à un besoin de cérémonies académiques. Les quatre pédagogies pour les étudiants des facultés préparatoires des arts entraient en compétition mutuelle en vue de savoir laquelle avait « produit » le meilleur étudiant de l’année. Le lauréat en question n’était pas uniquement fêté dans sa propre pédagogie, mais aussi par l’ensemble de l’université et même par sa ville natale qui participait à la fête en organisant une joyeuse entrée et autres manifestations. Après la Révolution française, cette tradition tomba entièrement en désuétude et ne fut pas directement remplacée. Après un vide de quelque 20 ans, Guillaume Ier, roi du Royaume-Uni des PaysBas, fonda trois nouvelles universités d’État en 1817 à Gand, Louvain et Liège. Le règlement encadrant la création de ces universités, pour lequel Guillaume Ier s’était largement inspiré de quelques universités allemandes (dont celle de Berlin), reprend notamment l’article suivant : « Il sera permis aux universités de conférer à des hommes d’un mérite extraordinaire, tant étrangers qu’indigènes, le titre de docteur, ou de le leur offrir, comme une preuve d’estime ; mais dans ce cas, l’affaire, sur la proposition de la faculté qui confère le grade, sera traitée par tout le sénat spécialement convoqué à cet effet. On n’exigera, des docteurs créés de cette manière, ni les examens ni les droits d’usage. » De la même façon que l’instauration du doctorat honoris causa visait partiellement, dans les statuts de l’Université de Berlin, à remplacer les promotions in absentia, ici aussi, une des intentions sous-jacentes visait à éviter toute « vénalité » des diplômes telle qu’on l’avait connue dans le cadre de l’ancienne Université de Louvain à la fin du XVIIIe siècle. Si l’on voulait rendre hommage à des personnes méritantes en leur offrant des dispenses, on avait ici la possibilité explicite de leur conférer un doctorat honorifique, exempt toutefois des droits sociaux liés au titre de docteur. Un autre motif avancé était que, dans un contexte de simplification des cérémonies, il paraissait impossible d’organiser des promotions en toge dans les universités du sud telles qu’elles existaient dans le nord des Pays-Bas. L’alternative fut donc un doctorat honoris causa. Mais finalement, on ne fit de cette possibilité qu’une utilisation très modeste. L’Université de Liège fut la seule à considérer cette pratique comme une manière de rattacher aux universités des Pays-Bas, par des liens plus étroits, les hommes distingués dont les sympathies leur étaient déjà acquises. En conséquence, elle conféra ce titre honorifique à cinq scientifiques à la suite d’une procédure très sévère. L’article précédent, largement repris dans la loi de 1835, fut simultanément enrichi de ULB DHC 175e ce qu’on a appelé les diplômes scientifiques (que l’on obtenait après un examen scientifique, mais auxquels n’était assorti aucun droit social comme pour les doctorats honorifiques). Les arrêtés d’exécution de 1838 et 1869, portant sur cet article issu de la loi organique sur l’enseignement supérieur, ne concernaient, dans la pratique, que les diplômes scientifiques. Le manque d’intérêt pour les doctorats honorifiques se reflétait aussi dans leur faible nombre. Entre 1830 et 1884, on ne conféra en Belgique que douze doctorats honoris causa : trois à l’Université de Liège, deux à Gand et sept à Louvain (pour cette dernière, tous après 1880). L’une des causes expliquant ce manque flagrant de promotions honorifiques était indubitablement le manque de fêtes jubilaires et, partant, celui de cérémonies académiques. Gand et Liège ont fêté assez modestement leur 50 e anniversaire. Seule l’Université de Louvain considéra son jubilé en 1884 comme une occasion de se rattacher à la tradition des autres institutions européennes. Une compagnie bigarrée de plus de 30 docteurs honoris causa se rassembla en séance académique : Arthur Verhaegen, ingénieur honoraire des ponts et chaussées, August Snieders, le grand romancier flamand, M. Schaepman, membre de la seconde Chambre des Pays-Bas, et surtout le comte de Villeneuve, ministre du Brésil, qui reçut son diplôme des mains de l’empereur Pedro II du Brésil. En 1909, dans le cadre du 75e anniversaire, on remit cela, mais cette fois avec 55 promus. Il fallut néanmoins attendre l’entre-deux-guerres pour institutionnaliser véritablement les promotions honorifiques, fût-ce essentiellement à l’occasion de circonstances spéciales telles que la célébration du 500e anniversaire de l’Université de Louvain en 1927 (après la première guerre mondiale, l’Université de Louvain renoua avec la tradition de l’ancienne université) ou à l’occasion de l’exposition universelle de 1930 à Liège. Pour une histoire des DHC Guillaume Ier, roi des Pays-Bas, par Joseph Paelinck, 1819 Bibliothèque de l’Université catholique de Louvain, 2005 147 Le rattachement devenu entre-temps « traditionnel » des doctorats honoris causa au dies natalis de l’université concernée ne date finalement que du milieu des années 1950 (à Louvain) ou du début des années 1960 (à Gand et à Liège). Honoré Van Waeyenbergh, recteur de l’Université de Louvain, entendait par là redorer le blason aussi bien de la fête votive que de la cérémonie doctorale. Les promotions honorifiques facultaires, relativement intimes, passèrent souvent inaperçues dans la presse et la fête de la Sedes Sapientiae manquait de contenu pour en faire un grand événement. Mais ensemble, elles allaient constituer un couple parfait. La fête votive permettait aux recteurs de donner à la remise des doctorats honorifiques un caractère académique, et inversement, la promotion donnait aux journalistes un peu de matière à écrire. L’Université de Louvain, imitée par les autres universités belges, a suivi en cela une tendance internationale visant à décerner les doctorats honorifiques chaque année, lors des fêtes votives ou des anniversaires de l’université, et non plus uniquement lors des célébrations des 50, 75 ou 100 ans de l’une ou l’autre institution. L’une des questions les plus récurrentes dans le système des doctorats honorifiques fut de savoir dans quelle mesure il importait ou non de les réserver pour des mérites scientifiques. Les puristes sont généralement enclins à les attribuer au seul monde scientifique. Toutefois, d’autres considérations tentent de se faire entendre : rendre – à juste titre – honneur à une personne méritante, espérer un effet boomerang de la part des récipiendaires, tirer bénéfice des relations que peut ainsi engager, renforcer ou poursuivre l’université, et enfin tirer profit des nouvelles relations, nationales comme internationales, qui peuvent se tisser entre l’université et les personnalités honorées. Les doctorats honoris causa sans doute les plus contestés en Belgique furent ceux accordés par l’Université de Louvain à la famille royale. Le plus critiqué fut indubitablement la promotion du prince héritier Philippe en 2002. Les opposants ont parlé de « caricature » du prestige intellectuel de l’université. La communauté étudiante s’est par ailleurs exprimée en termes particulièrement crus. « Peut-on être nommé docteur honoris causa à la suite d’un pur hasard vaginal ? », s’est demandé la rédaction du magazine étudiant Veto. En 1985, l’Université d’Oxford a également suscité une commotion nationale en proposant de décerner de tels honneurs à Margaret Thatcher. Tout comme à Louvain, les partisans ont tenté de motiver leur décision en évoquant la (jeune) tradition de décerner un doctorat honoris causa à des premiers ministres diplômés d’Oxford. À ce titre, c’est donc plus la fonction que la personne à qui l’on rend hommage. Les adversaires ont plutôt critiqué la politique de Thatcher qui a, à leurs yeux, causé des dommages systématiques et profonds à l’ensemble du réseau de l’enseignement ULB DHC 175e public. Le conflit a finalement pris tant d’ampleur qu’un vote au sein de la commission responsable est apparu inéluctable, lequel a débouché sur la défaite des partisans et entraîné bien sûr le discrédit total de Thatcher (exploité immédiatement par le Parti travailliste). À Oxford, la réaction fut immédiate : on resserra la procédure pour éviter de tels conflits à l’avenir. Le concert de sifflets des étudiants louvanistes qui a accompagné en 1988 la remise du doctorat honoris causa à André Leysen, ancien président de la Fédération des entreprises de Belgique, président d’Agfa-Gevaert, fondateur du groupe de Coudenberg, et qui se voyait récompensé pour son « leadership d’entreprise à caractère humain », a entraîné une réaction très semblable. Le recteur Roger Dillemans fit alors remarquer que l’Université catholique de Louvain ferait mieux de se contenter de décerner à l’avenir des doctorats à des académiciens, ce qui susciterait moins de réactions. Dans la pratique, ce fut impossible. Mais de tels propos montrent bien que l’université souhaite éviter d’être compromise par une telle politique. Albert Michotte, professeur à Louvain, a suggéré aux environs de 1950 une solution qui revient souvent : réserver les doctorats honoris causa à des scientifiques particulièrement méritants, tandis qu’aux amis et bienfaiteurs de l’université, on décernerait « une médaille de reconnaissance ou quelque chose de semblable ». Dans un pamphlet qu’il édita en 2002, Blaise Cronin, professeur d’informatique à l’Indiana University de Bloomington, suggérait lui aussi de faire une différence entre une liste prioritaire de chercheurs, hommes d’État et autres icônes des arts méritant bien un doctorat honoris causa et une liste secondaire de personnalités plus modestes pour qui une médaille devrait s’avérer suffisante. Dans la foulée, il ne ménagea pas ses critiques pour les doctorats honoris causa décernés à des figures telles que Sheryl Crow, Pour une histoire des DHC Remise du doctorat honoris causa au roi Léopold III l’année du centenaire de l’ULB, 1934 148 J.K. Rowling, Tiger Woods et George Best (footballeur légendaire de Manchester United). Pourquoi récompenser des performances qui n’ont rien d’académique par des honneurs académiques, se demandait-il ? En poursuivant : « On voit mal pourquoi l’on récompenserait les recherches de Stephen Hawking par un Oscar qu’il faut plutôt réserver aux acteurs, ou par un Grammy à réserver aux musiciens ! » Pour Cronin, l’origine de ce conflit réside dans l’inflation des remises de doctorats honorifiques et la dévaluation conséquente de ces distinctions, un phénomène dont on se plaignait déjà du temps des premiers palatinats au XIVe siècle. Les doctorats honoris causa illustrent parfaitement à cet égard ce qu’on appelle l’effet Matthieu : « On ne prête qu’aux riches ». Ceux qui ont reçoivent encore plus. Ceux qui n’ont pas, on leur enlève ce qui leur reste. Les précurseurs à cet égard sont notamment les présidents américains Dwight Eisenhower et Herbert Hoover, avec respectivement plus de 70 et 80 titres honorifiques, ou le révérend Theodore M. Hesburgh, rector emeritus de l’Université Notre-Dame dont le compteur dépasse déjà les 150 titres. Certains, comme l’écrivain allemand Günter Grass, ont tenté de s’y opposer en refusant de nouveaux doctorats honoris causa, comme celui de l’Université de Liège, mais sans grande chance de succès. Les estimations divergent, mais rien qu’aux États-Unis, on distribuerait chaque année quelque 10 000 titres honorifiques. Quoi qu’il en soit, décerner un tel doctorat semble toujours, aux yeux des universités, une manière idéale d’honorer ou de remercier des personnalités méritantes. Toutefois, pour chaque titre honorifique, il y a lieu d’examiner les circonstances politiques et sociales concrètes si l’on veut en évaluer la réelle pertinence. Le fait que l’Université de Louvain ait honoré des « héros coloniaux », tels que les ingénieurs Hubert Biermans, Nicolas Cito et Firmin van Brée à l’occasion du 50 e anniversaire des chemins de fer coloniaux en 1948, semble ne pouvoir s’expliquer que par la passion qui animait le recteur Van Waeyenbergh pour le Congo. Ou s’agissait-il plutôt d’un diplôme octroyé à ces puissants hommes d’affaires gravitant dans le giron de la Société générale de Belgique dans l’attente d’un éventuel « retour d’ascenseur » ? Le refus de l’Université d’Oxford de conférer, au début des années 1950, un doctorat honoris causa à l’écrivain et critique russe Boris Pasternak s’explique moins par un manque d’appréciation de son travail (courageusement, le recteur a signalé ne pas savoir du tout qui était Pasternak), que par un rejet systématique de tous les candidats provenant de l’autre côté du rideau de fer en pleine guerre froide. relle, économique, religieuse ou militaire. En outre, et dans une certaine mesure, ces doctorats honorent presque toujours, au-delà du promu, l’université elle-même. Parfois très subtilement, parfois plus directement, ces titres sont une manière de se donner une bonne image et de se mettre en avant. Et s’ils sont en principe toujours accordés de manière désintéressée, il n’en reste pas moins qu’ils instaurent une relation de dépendance constante et mutuelle entre les doctorants et ceux qui les honorent, à savoir l’université, le pape, l’empereur ou leurs représentants. Quant à l’origine même du doctorat honoris causa, les avis continuent à diverger. Pour certains, il ne faut pas chercher plus loin que le début du XIXe siècle. Pour d’autres, la tendance à s’écarter des strictes règles et conditions pour décerner un doctorat et conférer de la sorte un titre en vertu de certains mérites (de quelque nature qu’ils soient) remonte très probablement à l’origine même des universités. En guise de conclusion, nous pouvons dire que, tant du côté des doctores bullati que des promus in absentia ou des professeurs ayant décroché leur doctorat après leur nomination, on peut trouver de nombreux exemples correspondant à la définition actuelle du doctorat honoris causa, à savoir conférer le plus haut grade universitaire non pas sur base de prestations scientifiques, mais sur base de mérites scientifiques ou sociaux préalables. La popularité croissante du doctorat honoris causa au cours du XIXe siècle s’explique pour une grande part parce qu’il compensait un manque croissant de solennité et de festivité des promotions ordinaires, et un besoin corollaire de cérémonies académiques. Les jeunes universités belges s’inscrivent également dans ce scénario à partir du 50 e anniversaire de l’Université de Louvain en 1884. Après la seconde guerre mondiale, elles ont renoué avec la tradition de conférer des doctorats honoris causa à l’occasion du dies natalis de l’université et contribué involontairement de la sorte au retour de l’hyperinflation tant critiquée du doctorat honoris causa. Ces deux exemples montrent bien le caractère polyvalent du doctorat honoris causa moderne, permettant d’honorer (ou de rejeter) des candidats non seulement pour leurs mérites scientifiques mais aussi pour leur signification politique, cultu- ULB DHC 175e Tiger Woods, 2007 George Best, 1968 Herbert Hoover, docteur honoris causa de l’ULB, ca. 1928 Pour une histoire des DHC 149 Relire l’histoire des DHC de l’Université libre de Bruxelles Kenneth Bertrams, Didier Devriese et Kim Oosterlinck Être fait docteur honoris causa : du rituel et de la cérémonie Comme tout rituel symbolique, être fait docteur honoris causa d’une université suppose que ce titre soit décerné publiquement aux récipiendaires lors d’une cérémonie ad hoc. Cette cérémonie se déroule donc selon un rituel qui lui est propre et diffère en cela des remises de diplômes et autres manifestations académiques telles que l’ouverture de l’année académique. On notera ici que ces rituels ne diffèrent que fort peu d’une université à l’autre : les « grands rituels » académiques s’inspirent peu ou prou d’une trame commune, forgée notamment au XIXe siècle. À l’Université libre de Bruxelles, le cérémonial de la remise des diplômes est décrit, dans un document interne que l’on peut dater de l’immédiat après-guerre, avec la plus grande des précisions ; ce document établit un rituel fixe : « Le cérémonial . Selon la définition du Larousse, l’épitoge est une bande d’étoffe distincte que les professeurs, les magistrats, les avocats en robe, portent sur l’épaule. Celle de l’ULB est en soie bleue, rehaussée de fourrure blanche d’un Saint-Michel brodé en or, et d’un cordon vert et rouge qui précise les liens privilégiés et confiants qui lient l’ULB et la Ville de Bruxelles. C’est le recteur de l’Université, secondé en séance par le pro-recteur, l’ancien recteur et les recteurs honoraires, qui décerne et ajuste les épitoges. Qui dit épitoge dit toge. Celle de l’Université libre de Bruxelles est sobre : noire rehaussée de fourrure pour le président de l’Université et les recteurs, d’une bande de couleur distincte pour les représentants facultaires ; la toge s’accompagne d’un bonnet et tous deux sont inspirés du portrait d’Érasme par Holbein le Jeune. Hommage est donc rendu au passage au grand humaniste hollandais d’expression latine, dont l’esprit encyclopédique et la liberté de pensée s’accordent avec les principes fondamentaux de l’Université du libre examen. La séance qui a été soigneusement répétée et minutée dure plus ou moins 2 heures, car, outre l’épitoge, chaque docteur reçoit un diplôme rédigé et lu en latin et une médaille frappée à l’effigie de Saint-Michel. L’éloge qui retrace la carrière et les mérites de chaque lauréat est prononcé, lui, en français. Soulignons au passage combien l’éloge en latin réservé certes à de trop rares initiés, est tout à l’honneur des philologues de l’ULB qui prouvent à cette occasion la pérennité et l’universalisme d’une langue capable d’appréhender toutes les subtilités du monde contemporain. ULB DHC 175e (1) Document non signé La séance solennelle s’achève et le nouveau lauréat fait désormais partie à part entière de la communauté universitaire bruxelloise. »(1) du 19 novembre 1992 D’emblée, deux points doivent être soulignés. L’éloge en latin « réservé certes à de trop rares initiés », dépasse les clivages et les frontières et renvoie à un universalisme subtil : rassemblant dans une même figure l’Antiquité gréco-romaine, la modernité de la Renaissance, les Lumières et l’humanisme contemporain, il figure aussi la tradition médiévale, ancrant ainsi la cérémonie dans une tradition multiséculaire, toute imaginaire qu’elle soit. C’est pourquoi la cérémonie requiert en principe la présence du récipiendaire : c’est par la remise solennelle en séance que le docteur honoris causa « fait désormais partie à part entière de la communauté universitaire bruxelloise ». Rituel d’appartenance, donc (dont on se demandera ici si cette appartenance suppose que le récipiendaire adhère aux valeurs de l’Université ?) mais aussi affirmation publique des titres et mérites du DHC : ceux-ci se doivent d’être mis en valeur et justifient le choix de la personnalité honorée. Cérémonie de remise du titre de docteur honoris causa à Louise Arbour, Nora Irma Morales de Cortiñas, Simone Susskind et Wassyla Tamzali (de g. à d.), 2000 Bien qu’en principe le titre de DHC soit donc consubstantiel de la remise de diplôme, des circonstances tragiques ou particulières font que le titre peut être décerné en l’absence du récipiendaire. Ceci prend alors une valeur tout aussi symbolique : F. D. Roosevelt disparaît peu avant la cérémonie prévue à son égard mais il est néanmoins honoré au même titre que les autres grands vainqueurs de la seconde guerre mondiale ; Salvador Allende est honoré à titre posthume et le choix du héros chilien se veut un message clair. Enfin, dans plusieurs cas, des contraintes physiques empêchent la venue de la personne honorée : on songe notamment aux personnalités retenues pour leurs actions de résistance et encore assignées à résidence ou Pour une histoire des DHC Churchill, Roosevelt et Staline (de g. à d.) à la conférence de Yalta, 1945 150 détenues lors de la cérémonie comme ce sera le cas de Nelson Mandela ou Andreï Sakharov. D’autres DHC ne pourront être présents à titre exceptionnel, dans des circonstances sur lesquelles nous reviendrons, tels Tchang Kaï-chek ou Staline qui ne peuvent assister à la cérémonie : le diplôme leur sera donc décerné par le biais d’une adresse ou d’un émissaire officiel de l’Université. Une occasion cérémonielle est aussi un lieu d’expression pour d’éventuels contestataires : la cérémonie des DHC connaît donc parfois quelques perturbations, au chapitre desquelles on retiendra ici la manifestation bon enfant qui perturbe la remise de diplôme à Albert II (13 décembre 1994), où « pour l’anecdote : un groupe d’étudiants s’était coiffé d’une couronne de galette des rois pour l’occasion. L’un d’entre eux a très légèrement perturbé la cérémonie »(2) ou encore « La séance fut émaillée par un bref incident : un étudiant coiffé comme une trentaine d’autres d’une couronne en carton a lancé : “ Vive le roi des c…” avant de se faire expulser manu militari »(3). Des motivations Par définition même, l’octroi du titre de docteur honoris causa vise à honorer le récipiendaire. Dans le cas de l’Université libre de Bruxelles, l’hommage rendu au récipiendaire se veut en principe la mise en évidence des hauts faits du personnage honoré et de l’adéquation entre ces titres de gloire et les valeurs de l’institution. L’Université distingue deux types de docteur honoris causa : ceux de l’Université et ceux des facultés ; le premier DHC de l’Université est celui décerné à Ernest Solvay en 1898 tandis que ceux des facultés apparaissent en 1884, le premier diplôme recensé des facultés étant attribué au comte Eugène Goblet d’Alviella par la Faculté de philosophie et lettres en 1894. Si les DHC facultaires reflètent les mérites scientifiques, ceux de l’Université rendent hommage à l’action publique des récipiendaires. Le choix de proposer un titre de docteur honoris causa de l’Université n’est donc pas anodin. Bien que les archives de l’Université soient pour l’essentiel muettes quant au processus menant à la proposition d’octroyer le titre de DHC, les discours prononcés à l’occasion de la remise proprement dite nous offrent une grille de lecture intéressante. Ainsi, comme le mentionne Hervé Hasquin, « ce choix est en harmonie avec les grands axes et les valeurs qui guident et ont guidé l’évolution de notre Université »(4). La presse, dans les rares occasions où elle mentionne l’attribution d’un titre de DHC à l’ULB, reproduit cette vision. Les choix de l’Université sont en effet censés illustrer « sa propre image de marque de défenseur des libertés »(5). ULB DHC 175e (2) U LB Info, n°55, On s’étonnera alors que ces valeurs ne sont que rarement mentionnées in extenso. Au sein d’une même cérémonie, l’Université est tout à la fois décrite comme une université « francophone, européenne, éprise de liberté et adversaire de toutes les formes de totalitarisme »(6) et comme une université « laïque engagée »(7). Dans un autre texte, c’est l’engagement philosophique de l’Université qui se traduit par « la promotion de la libre pensée, de la tolérance et la haine du racisme »(8), laquelle est mise en exergue. janvier 1995 (3) M . B., « Le Roi honoré par l’ULB, 35 ans après son frère », La Lanterne, 14 décembre 1994 (4) Hervé Hasquin, Allocution prononcée à l’occasion de la remise des insignes de docteur À la lecture des biographies des différents récipiendaires, et à de très rares exceptions près, il apparaît que les valeurs principales défendues par l’Université demeurent des plus constantes. La défense d’un idéal démocratique, la résistance aux autoritarismes, la promotion du progrès social, de la paix, de la tolérance et de la liberté constituent autant de thématiques récurrentes. Ceci n’est pas incompatible avec des axes plus particuliers : lors des cérémonies, les valeurs mises en avant par l’institution semblent marquées par des préoccupations propres à ceux qui ont proposé les personnalités honorées. Apparaît donc un élément contextuel : l’octroi du diplôme semble se faire par « vagues », lesquelles mettent en évidence l’implication de l’Université dans un problème de société bien spécifique ; à titre d’exemple, l’année 1979 sera marquée par une vague de reconnaissance pour les « artistes créateurs » tandis que 1995 célèbre les cinéastes. honoris causa du 19 novembre 1987, ULB, 1988 (5) Robert Pinson, « L’ULB nommera Andreï Sakharov docteur honoris causa. Pourra-t-il quitter l’URSS à cette occasion ? », La Dernière Heure, 16 septembre 1983 (6) H ervé Hasquin, Discours du 19 novembre 1987 (7) Georges Verhaegen, Discours du 19 novembre 1987 (8) H ervé Hasquin, Discours Déterminé par le contexte, ce qui régit l’attribution des diplômes de DHC change donc selon les périodes. À cet égard, on peut y lire non seulement une « certaine histoire de l’Université » mais aussi et surtout une histoire des rapports qu’elle entretient avec le monde qui l’entoure. Pour une histoire des DHC du 5 novembre 1990 1. Le roi Albert II à l’occasion de la remise de son doctorat honoris causa, 1994 2. Ernest Solvay 3. Bronisław Geremek, discours lors de la cérémonie des DHC, 1991 151 Des premières heures Les représentants de la sphère publique L’ULB et ses « bienfaiteurs » Que des personnalités politiques ou, plus précisément, des représentants de la sphère publique, aient fait l’objet d’une distinction de la part d’une université n’étonnera personne. L’Université libre de Bruxelles, établissement de droit privé essentiellement financé par des fonds privés jusqu’à l’avènement de l’Étatprovidence, n’en a pas moins bénéficié d’interventions publiques, ponctuelles puis récurrentes, pour assurer son maintien et promouvoir son expansion. La Ville de Bruxelles et ses « satellites » (Conseil des hospices, collèges municipaux), les communes de l’agglomération bruxelloise, les provinces du Brabant et du Hainaut étaient régulièrement sollicités pour subvenir à certains besoins matériels et fournir des services appropriés. À titre d’exemple, l’Université prélève sur le budget récurrent que lui alloue la Ville de Bruxelles jusqu’à la seconde guerre mondiale les appointements du personnel en activité dans certains instituts de recherche, ainsi que les dépenses de consommation d’énergie (eau, gaz, électricité). Qui plus est, le concours des entités publiques dépasse de loin le cadre strictement budgétaire. Il faudra attendre la loi du 12 août 1911 pour que l’ULB soit dotée de la personnalité juridique lui permettant, notamment, d’effectuer des transactions immobilières. Jusque-là, c’est la Ville de Bruxelles qui agit en tant que prête-nom dans la gestion administrative des dossiers juridiques liés à l’acquisition et la vente de terrains ou de bâtiments. De ce fait, il était fondamental pour l’ULB d’entretenir d’excellents relais avec l’équipe municipale bruxelloise, premier échelon d’un système politico-administratif complexe. Le maïorat de Charles Buls, qui coïncide avec une période cruciale du développement de l’ULB (1881-1899), explique partiellement l’attribution d’un DHC au bourgmestre de Bruxelles. Son intervention personnelle dans les conventions liant les instituts scientifiques du parc Léopold à l’ULB par la Ville de Bruxelles (voir plus bas), Jusqu’à la seconde guerre mondiale, l’ULB n’a conféré que treize diplômes de docteur honoris causa à titre institutionnel. Ce nombre, relativement restreint et aléatoire au vu des pratiques d’autres établissements universitaires, n’est cependant ni le fruit du hasard ni la résultante d’une absence de politique. Il consacre des personnalités qui, par leur action ou à travers leur fonction, ont été des relais efficaces de l’ULB au sein de ce qu’on appellera plus tard la « société civile ». La justification essentielle de leur distinction réside dans la contribution des récipiendaires – ou des institutions qu’ils représentent ex officio – au développement de l’ULB. Un nouveau régime de distinction, qui ne vise plus à proprement parler les parrains et marraines de l’ULB, prévaut à partir de 1945. Il marque le rôle des femmes et des hommes que l’ULB souhaite honorer pour les valeurs qu’ils incarnent et auxquelles l’ULB entend être institutionnellement associée. Il semble donc qu’il y ait, de part et d’autre de la seconde guerre mondiale, deux registres distincts justifiant l’octroi d’un DHC : l’action d’individualités et/ou d’entités œuvrant à la pérennité de l’ULB, d’une part, la contribution d’individualités au bien-être de la collectivité générale, de l’autre. On voit dans quelle mesure les logiques d’échelle qui sous-tendent ces deux régimes ont évolué : la logique spécifique avant 1945, la logique générale par la suite. Certes, dans les deux registres, le rayonnement de l’ULB peut faire figure de dénominateur commun. Mais là encore, les contrastes semblent émerger : tandis qu’il s’agit d’une cause nécessaire (quoique non suffisante) dans la première période, le rayonnement de l’ULB semble davantage constituer une conséquence ou un élément collatéral dans la seconde. Dans la phase plus contemporaine, l’ULB se projette (ou projette ses valeurs, ses conceptions, etc.) dans l’environnement social à travers les DHC qu’elle octroie. C’est un message que l’institution envoie par procuration. On peut également parler de mise en scène pour les treize DHC distingués avant la seconde guerre mondiale. Le décor et le rituel cérémoniel sont assez semblables mais l’enjeu paraît bien plus local : l’ULB assure l’opération théâtrale tout en incarnant le théâtre des opérations. Si l’on braque les projecteurs sur le groupe des treize DHC mis à l’honneur avant 1940, trois catégories principales sautent aux yeux : les représentants de l’État, les acteurs du secteur privé, les Américains. ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC Charles Buls 152 de même que ses sensibilités philosophiques proches du milieu laïc et libéral de l’ULB, fournissent des éléments complémentaires. Par-delà le niveau local, l’ULB aura également distingué les chefs d’État belges et étrangers. Les dates, ici aussi, ont leur importance : pour lier l’Université aux commémorations du centenaire de la Belgique, les autorités de l’ULB attribuent un DHC à la reine Élisabeth. Ce n’est pas seulement une manière élégante de saluer le roi Albert Ier, qui avait suscité un courant d’opinions favorables en faisant la promotion de la recherche scientifique lors de son célèbre discours de Seraing (1er octobre 1927) : « Le public ne comprend pas assez, chez nous, que la science pure est la condition indispensable de la science appliquée et que le sort des nations qui négligeront la science et les savants est marqué par la décadence. »(9) Il s’agit aussi de distinguer celle qui n’avait jamais caché sa passion pour la musique, les arts, les lettres et les sciences. Son intérêt marqué pour l’archéologie et les études égyptiennes l’a amenée à inspirer la création de la Fondation égyptologique Reine Élisabeth en 1923 et à aiguiller le mécénat du roi Fouad d’Égypte, auquel l’ULB attribue un DHC en 1925. En associant Léopold III au centenaire de l’ULB en 1934, l’objectif est double : il consiste, d’une part, à souligner l’importance et la continuité du rôle de la famille royale dans le développement des universités et de la recherche scientifique en Belgique, et, d’autre part, à conforter l’adhésion de l’ULB au modèle national d’une monarchie parlementaire, tout juste ébranlé par le décès accidentel d’Albert Ier. La fidélité de l’institution aux prescrits de l’idéal national, réitérée à travers les DHC octroyés aux souverains en exercice (Baudouin en 1959, Albert II en 1994), a été validée pour la première fois en 1919 par la distinction accordée à deux chefs d’État – de République – étrangers : le président français Raymond Poincaré et son homologue américain Woodrow Wilson. Tous deux incarnent, au sortir de la guerre, la pérennité de l’esprit national démocratique, teinté d’une ardente fibre patriotique chez l’un – ce qui n’est pas sans résonnance dans un pays marqué par quatre années d’occupation – et d’un souci du dialogue international et du respect des minorités chez l’autre. Poincaré et Wilson ont aussi ceci en commun qu’ils sont alors au faîte de leur popularité sur le plan international tout en étant fortement contestés dans leur pays respectif. La reconnaissance par l’ULB du rôle des vainqueurs de la première guerre mondiale (quoiqu’on puisse s’interroger sur l’absence d’un représentant britannique, comme Lloyd George) fait irrémédiablement penser au « tir groupé » de 1945 rassemblant les chefs d’État des principaux pays alliés – Roosevelt, Churchill, De Gaulle, Staline et Tchang Kaï-chek. Si cette liste paraît insolite aujourd’hui, elle n’en est pas moins un reflet, somme toute logique, de la réalité de l’immédiat aprèsguerre. À ce titre, elle préfigure la composition initiale des membres permanents du ULB DHC 175e (9) R. Halleux et G. Xhayet, Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) arrêtée en 1946. Toujours à propos de l’ONU, notons, au passage, l’attribution d’un DHC à deux de ses secrétaires généraux, à savoir le norvégien Trygve Lie en 1951 (dont le mandat s’est exercé de 1946 à 1952) et le birman U Thant en 1967 (1961-1971). La liberté de chercher : histoire du Fonds national belge de la recherche scientifique, Liège : Ed. de l’Université de Liège, 2007, p.12 Les acteurs du « secteur privé » (10) Andrée Despy-Meyer et Didier Devriese (éds.), La contribution des industriels, financiers et autres philanthropes issus du secteur privé à l’existence, la survie et, enfin, à la croissance de l’ULB est un phénomène à la fois connu et largement sous-estimé. La figure d’Ernest Solvay, l’incontournable « bienfaiteur » de l’ULB, vient immédiatement à l’esprit dans cette catégorie de personnalités.(10) Le DHC qui lui est attribué en 1898, en même temps que Charles Buls, fait clairement référence aux instituts scientifiques du parc Léopold déjà évoqués et dont le mécanisme a été décrit par l’historienne L. Viré.(11) On y apprend qu’Ernest Solvay a essentiellement financé l’Institut de physiologie, tandis que son frère cadet, Alfred, a pourvu aux fonds nécessaires à la construction de l’Institut d’hygiène, de bactériologie et de thérapeutique. L’année suivante, c’est au tour de Raoul Warocqué, riche héritier des sociétés de charbonnages, d’intervenir massivement dans la création de l’Institut d’anatomie et d’histologie. Parmi les mécènes, il faut également rendre justice à l’apport de trois financiers – Georges Brugmann, Fernand Jamar et Léon Lambert – dans la réalisation de l’Institut d’hygiène, de bactériologie et de thérapeutique. La part de l’investissement du secteur public, c’est-à-dire exclusivement celle de la Ville de Bruxelles, on l’a vu, n’est pas négligeable non plus. Quoi qu’il en soit du financement, la « première vague » des instituts scientifiques rêvés par Paul Héger, professeur de physiologie et futur président de l’ULB, pouvait ainsi s’achever en 1894. Elle sera suivie par la création, entre 1900 et 1913, d’un second groupe d’instituts de Pour une histoire des DHC Ernest Solvay et son temps, Bruxelles, Ed. Archives de l’Université libre de Bruxelles, 1997 (11) Liliane Viré, « La “Cité scientifique” du parc Léopold », Cahiers bruxellois, n° 19, 1974, pp. 86-180 1. La reine Élisabeth 2. Le roi Fouad d’Égypte en visite en Belgique, 1939 3. Le roi Léopold III 153 recherche et d’établissements d’enseignement largement financés par Ernest Solvay : l’Institut de sociologie, l’École de Commerce, les Instituts internationaux de physique et de chimie. Et ceci sans compter les largesses qui émaneront de la famille Solvay ou de l’entreprise familiale tout au long du XXe siècle et jusqu’à ce jour. ple. Vous lui procurez aujourd’hui l’aliment intellectuel. La dotation universitaire est un geste digne de la noble Amérique. Nous remercions aussi tous ceux qui ont collaboré à cette grande œuvre. » Avec l’industriel Dannie Heineman, Ernest Solvay va également susciter la création du Comité national de secours et d’alimentation (CNSA) qui va centraliser l’approvisionnement de vivres et de produits de première nécessité en Belgique occupée durant la première guerre mondiale. Le comité exécutif du CNSA sera présidé d’une main de maître par Émile Francqui, l’inclassable directeur de la Société générale. Le CNSA sera épaulé dans son action par une structure similaire pensée et organisée par l’ingénieur américain Herbert Hoover – le Committee for Relief in Belgium (CRB). La gestion du tandem Hoover-Francqui fera des merveilles pour la population belge mais aussi, une fois la guerre terminée, pour les universités.(12) Le boni cumulé du CNSA-CRB (150 millions de francs belges en 1919, soit près de 152 millions d’euros actuels) sera affecté, pour un tiers, à la Fondation universitaire dont l’objectif est d’ouvrir les « institutions d’enseignement supérieur aux fils et aux filles de ceux qui n’ont pas les moyens de faire les dépenses de cet ordre » (se référant à la cible, Francqui préférait parler de « jeunes gens peu fortunés et bien doués »). Le solde du montant fut, quant à lui, directement versé aux universités selon une clé de répartition favorisant les universités complètes, qu’elles soient privées (Bruxelles et Louvain) ou publiques (Gand et Liège). Émile Francqui, cependant, n’était pas en reste. Le même jour, sans qu’on sache si la même proposition fut faite à Hoover, Héger fit savoir à Francqui que le conseil d’administration de l’ULB lui décernait le titre de « docteur honoris causa de l’Université libre de Bruxelles » et espérait qu’il voulût bien « accepter ce témoignage d’admiration et de sympathie ». La réponse de Francqui est intéressante pour notre propos : (12) Liane Ranieri, Émile Francqui ou l’intelligence créatrice, ParisBruxelles, Duculot, 1985, pp. 292-312 ; Kenneth Même s’il prenait soin de préciser aux recteurs d’université que, comme pour chaque fondation,« en principe, les revenus et non le capital de la dotation » devaient faire l’objet des dépenses, Francqui qualifiera lui-même de « princière » cette donation historique. Elle stupéfia tous les contemporains, à commencer par les membres du gouvernement qui n’y voyaient plus très clair dans la comptabilité créative qui la justifiait. Pour Francqui, l’origine du projet était pourtant très simple. Il s’en ouvrait de la sorte au premier ministre Léon Delacroix : « Fréquemment, depuis le début de la guerre, nous avions étudié et discuté ces propositions avec nos amis américains et des professeurs de nos quatre grandes universités ; nous sommes heureux de voir le projet auquel nous nous étions arrêtés dans la voie des réalisations ». Le 11 septembre 1919, le président Paul Héger adressait à Herbert Hoover un « câblogramme » dans les termes suivants : « L’Université de Bruxelles vous exprime sa profonde reconnaissance. Pendant la guerre vous avez assuré le pain à notre peu- ULB DHC 175e Bertrams, Universités et entreprises. Milieux académiques et industriels en Belgique, 1880-1970, Bruxelles, Le Cri, 2006, pp. 183-187 (13) Archives générales du royaume, Fonds Comité national de secours et « (…) le titre de docteur honoris causa me remplit de confusion, car je sais trop que je ne mérite pas cet honneur. Je ne le dois manifestement qu’à votre amitié, qui aura inspiré la décision de vos collègues. (…) Ditesleur bien que nul plus que moi n’est dévoué à la cause de l’enseignement supérieur »(13). d’alimentation, dossier 209 Nul doute que ces paroles, Jean Jadot, l’ami et supérieur hiérarchique de Francqui à la Société générale, aurait également pu les prononcer lorsqu’il se vit attribuer un DHC de l’ULB et de l’Université catholique de Louvain en 1921. Ingénieur diplômé de l’UCL, Jadot a profité du courant favorable suscité par les « intentions généreuses » du don CNSA-CRB pour mettre sur pied un « Comité Bruxelles-Louvain » destiné à lever les fonds nécessaires au rééquipement des écoles d’ingénieurs des deux universités libres. Le projet était ambitieux ; il fallait convaincre à l’unisson les patronats catholique et libéral, encore sous le coup de la guerre. Mais en se plaçant précisément sur le terrain du décalage technologique et du nécessaire catching-up de l’industrie nationale, Jadot sut affûter des arguments économicopatriotiques qui allaient faire mouche. Figure morale incontestée des milieux d’affaires belges, il signa luimême la lettre d’accompagnement de la souscription : Pour une histoire des DHC 1. Herbert C. Hoover, 1925 2. Émile Francqui 3. Jean Jadot et la princesse Astrid visitent les chantiers navals de Hoboken, 1929 4. Conseil général de la Société générale, auquel assistent les DHC Émile Francqui (1er rg, 3e depuis la g.) et Jean Jadot (4e), 1931 154 « La réforme est d’une urgente nécessité car la modernisation de nos instituts techniques supérieurs doit précéder celle de nos méthodes industrielles. Or, notre industrie ne peut attendre longtemps des hommes nouveaux sous peine de reprendre la vieille ornière que ses grands concurrents étrangers ont quitté [sic] depuis longtemps. Elle doit cesser au plus tôt de recourir à ces spécialistes du dehors. Pour réussir (…), il faut avant tout et sans délai pourvoir nos écoles techniques de vastes laboratoires parfaitement outillés, d’ateliers suffisants et de riches collections, soutiens d’un enseignement à la fois scientifique et intuitif ». L’axe Solvay-Francqui-Jadot et l’intégralité du réseau d’industriels et de financiers structuré autour du CNSA occupent une place de choix dans l’histoire de l’ULB. Le président Héger n’avait pas tort de dire que le don CNSA-CRB, au vu des effets d’entraînement qu’il a pu susciter, allait avoir des « répercussions incalculables » sur le paysage académique de la Belgique. Pour l’ULB, poursuivait-il, « c’est une ère nouvelle qui commence ». De fait, elle allait être marquée par l’installation de l’Université sur le site du Solbosch en prenant pour appui les principes en vigueur du campus américain. Les « amis américains » Intentionnellement ou non, Herbert Hoover avait dégagé pour les universités belges, et l’ULB en particulier, une véritable « fenêtre d’opportunité »(14). Tandis qu’il s’orientait décisivement vers une carrière politique nationale qui allait le porter vers les sommets – il sera nommé secrétaire d’État au Commerce durant les présidences de Warren G. Harding et de Calvin Coolidge avant d’être le 31e président des ÉtatsUnis durant une des périodes les plus sombres du siècle (1929-1933) –, l’action de ses hommes de terrain au sein du CRB se poursuivait en Belgique. Une des forces de l’organisation de Hoover en Europe durant la guerre avait été de s’appuyer sur un maillage serré d’hommes d’action, ingénieurs pour la plupart. Parmi eux, il importe de mentionner les noms de Perrin Galpin, Edgar Rickard, Millard K. Shaler et W. Hallam Tuck. Ceux-ci étaient demeurés en Belgique pour leurs affaires – Shaler était notamment lié à la Forminière (Société internationale forestière et minière du Congo) et Tuck à Solvay & Cie – mais aussi pour gérer la CRB Educational Foundation. Portée sur les fonts baptismaux en avril 1920 avec une autre portion du solde positif de la CRB, la CRB Educational Foundation (qui deviendra, en 1938, la Belgian American Educational Foundation – BAEF) avait pour mission d’établir un programme d’échanges de niveau universitaire entre les États-Unis et la Belgique. Parmi les 1 500 fellows bénéficiaires du programme depuis son existence, on retrouve le nom d’un certain Pierre Goldschmidt (DHC en 2005). ULB DHC 175e (14) Voir ULB-USA : passé, Shaler et Tuck interviendront plus spécifiquement pour l’ULB en coordonnant la participation financière de la CRB Educational Foundation dans le transfert de l’ULB vers le plateau du Solbosch. Les dépenses consacrées à la construction des bâtiments néo-renaissance érigés avenue des Nations (future avenue Roosevelt) et censés regrouper la Faculté de droit, la Faculté de philosophie et lettres, l’administration et la bibliothèque seront couvertes par la fondation à raison de 20 millions de francs belges. L’inauguration de l’ensemble aura finalement lieu en juin 1930, en même temps que la nouvelle École de médecine, annexée à l’Hôpital Saint-Pierre, entièrement reconstruit lui aussi. Il faut savoir que ce nouveau complexe médical est notamment le fait d’un réseau américain parallèle – la prestigieuse Fondation Rockefeller – qui avait vu l’intermédiation efficace de Jules Bordet, Antoine Depage et Paul Héger. présent et futur d’une fructueuse collaboration, Bruxelles, Université libre de Bruxelles, 1996 Compte tenu de ces éléments, il n’est pas étonnant que l’ULB ait voulu, à l’instar d’autres universités belges, mettre à l’honneur ses bienfaiteurs américains par l’octroi d’un DHC distinguant successivement le secrétaire d’État Charles Evans Hughes (1924) et les ambassadeurs des États-Unis en Belgique, Dave Hennen Morris (1934) et Joseph Edward Davies (1939). La promotion des DHC 2005 : Fadela Amara et Radhia Nasraoui (à g.), Pierre Goldschmidt et Baltasar Garzón Real (à d.), 2005 1. Charles E. Hughes, 1908 2. Joseph E. Davies Pour une histoire des DHC 155 Des Valeurs « grands triomphateurs de la guerre mondiale », la première le 11 octobre 1945 pour de Gaulle, la seconde le 15 novembre 1945 pour Churchill. (15) B ulletin de l’UAE, n°141-142, octobre/ novembre 1945 Les triomphateurs de la guerre L’analyse des discours prononcés lors de la remise des insignes de docteur honoris causa montre sans équivoque la volonté de l’institution d’honorer des défenseurs d’une forme d’idéal démocratique. Plus précisément, l’Université aura très tôt à cœur d’honorer ceux qui se sont battus contre les totalitarismes de tous bords. La remise du titre doit évidemment être comprise dans son contexte. En décembre 1944, l’Université s’associe aux « grands triomphateurs de la guerre mondiale, le président Franklin Roosevelt, le premier ministre Winston Churchill, le maréchal Staline, le général de Gaulle, le général Tchang Kaï-chek, [en leur décernant] le titre de DHC de l’Université »(15) . À cette liste s’ajoutera en novembre 1947, William Lyon Mackenzie King, le premier ministre canadien de l’époque, personnification de « la noble nation canadienne qui a pris, sous sa direction, une si grande part à la victoire des Nations unies et à la libération de la Belgique »(16) . Le choix opéré en décembre 1944, alors que la victoire n’était pas encore définitivement scellée, a légitimement pu mener à des débats. Ex post, il semble en effet évident que tant Staline que Tchang Kaï-chek ne sont pas des exemples parfaits de défense des idéaux démocratiques. Dès 1944, des voix s’élevèrent quant à la pertinence de décerner les insignes de DHC à tous les vainqueurs de la guerre(17) . Mais un certain pragmatisme va prévaloir : la guerre étant encore en cours, il serait malvenu de décrier l’une ou l’autre composante des armées alliées, et ce d’autant plus qu’au cours de l’occupation, des mouvements de résistance politiquement opposés avaient combattu un ennemi commun. La situation politique de l’immédiat après-guerre se reflète dans les cérémonies d’attribution des insignes. Alors que le regroupement de ces personnalités semble initialement avoir été effectué pour signifier une victoire commune sur le nazisme, la remise des insignes montrera comment, en un an à peine, un revirement drastique s’est opéré. Pour des raisons purement politiques, la présence de Staline comme celle de Tchang Kaï-chek en Belgique deviennent impensables. Le décès de F. D. Roosevelt en avril 1945 annule de facto la présence d’un des protagonistes des cérémonies à venir. In fine donc en 1945, sur les cinq récipiendaires d’origine, seuls deux d’entre eux, Charles de Gaulle et Winston Churchill, sont encore à même de participer à une cérémonie en leur hommage. Le refus de Charles de Gaulle d’entrer dans « une “série” de nominations »(18) amènera l’Université à organiser deux hommages distincts pour ces Les discours prononcés à l’occasion des deux cérémonies mettent essentiellement en relief l’implication des deux hommes d’État dans la victoire finale même si les autorités de l’ULB ne manquent pas de mentionner les autres qualités marquantes des récipiendaires. Ainsi, parlant au nom de l’ULB, le président du conseil d’administration exprime « toute son admiration pour la part qu’il [de Gaulle] a prise dans la libération des territoires occupés et dans le succès final des armées alliées »(19) . La libération de l’Université elle-même sera saluée lors de la cérémonie en hommage à Winston Churchill, le président du conseil d’administration précisant à l’assemblée que « l’Université n’oubliera jamais que, sur les instructions de monsieur Winston Churchill, les divisions britanniques et alliées, avec la brigade Piron, ont avancé d’un bond d’Amiens à Bruxelles et ont ainsi délivré la capitale et l’Université »(20) . (16) Charles Frerichs, Discours de novembre 1947 (17) (18) Didier Devriese ULB Info, novembre 2005 (19) Charles Frerichs, Discours du 11 octobre 1945 (20) Charles Frerichs, En dehors de la victoire, l’Université se réclame d’avoir voulu honorer l’exemple donné par les opposants de la première heure au régime nazi. Les qualités propres des deux chefs d’État sont mises en avant : de Gaulle fait revivre à la fois l’âme altière de Foch et l’âme passionnée de Clémenceau mais incarne aussi l’âme immortelle de la France(21) tandis que Churchill est présenté comme l’homme qui a montré au monde entier durant l’été 1940 que la liberté, l’honneur et le devoir étaient plus précieux que la vie même(22) . Pour le recteur Cox, le courage britannique, personnifié par Winston Churchill, ne sera pas étranger à la décision de l’Université de fermer ses portes sous l’occupation.(23) Résistance et défense d’idéaux tels que la démocratie ou la liberté(24) sont ici fortement mises en évidence : elles demeureront désormais au cœur des préoccupations de l’Université et l’amèneront par après à décerner le titre de docteur honoris causa à de nombreuses personnalités emblématiques dans ces domaines. Discours du 15 novembre 1945 (21) Jacques Cox, Discours du 11 octobre 1945 (22) Jacques Cox, Discours du 15 novembre 1945 (23) « May I say that if they decided in those grim days of December, 1941 to risk not only their own lives, which were of little Résistance, défense de la démocratie et droits de l’homme import, but also the lives Dans de nombreux cas, l’ULB entend, par l’octroi du titre de docteur honoris causa, honorer des personnalités ayant œuvré pour la défense de la démocratie. Ces personnalités seront tantôt des opposants à des dictatures de gauche ou de droitedroite, tantôt des hommes politiques ayant eu à cœur de renforcer le processus démocratique au sein de leur pays. them, it was because you of those most dear to and your nation, arrayed in battle beside you, had set them the first and most inspiring example ? », J. Cox Discours du 15 novembre 1945. ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC 156 Pensée libre, lutte contre les totalitarismes, antifascisme forment une cohorte « infernale » souvent associée, comme le rappelle l’auteur du discours prononcé en l’honneur de Simon Wiesenthal (1994) : « Dès sa fondation, l’Université libre de Bruxelles se posa donc en ardent défenseur de la liberté d’enseignement – bientôt appelée libre examen – et de la pensée libre, de sorte que son existence fut toujours intimement associée à ceux qui défendent ces mêmes principes. Ensuite ses prises de positions devant la montée des régimes totalitaires dans l’entre-deux-guerres. Avec un enracinement aussi profond de défense de la liberté et de la tolérance, il était fatal que l’Université réagisse à l’égard de ces événements. (…) Mais aussi et surtout sa détermination durant la période d’occupation allemande, où en raison de ses prises de position courageuses, l’ULB allait être exposée à de constantes représailles de la part du pouvoir allemand. »(25) L’octroi, à titre posthume du titre de DHC à Salvador Allende (1975), président de la République du Chili, en témoigne : il s’agit de « rendre hommage au chef de l’État qui a entendu assurer par des voies pacifiques l’évolution et le progrès économique, social et culturel de son pays, dans le respect des libertés individuelles et désirant honorer – sans porter de jugement sur ses opinions politiques – l’homme qui a assumé jusqu’aux plus lourdes conséquences un idéal de démocratie politique »(26). C’est évidemment aussi le cas pour Nelson Mandela (1984) : en effet, « tel est l’homme [Nelson Mandela] que le régime raciste d’Afrique du Sud s’est arrogé le droit de condamner à la prison à vie et que l’Université de Bruxelles s’enorgueillit aujourd’hui d’honorer, car la lutte de Nelson Mandela et celle de son peuple pour l’égalité raciale, pour la justice et la liberté en Afrique du Sud, est aussi celle de notre Université et celle de l’humanité »(27). La même année, on honore Andreï Sakharov qui, « comme Gandhi et Martin Luther King, (…) mène un combat à la fois politique, humaniste et social. Mais là s’arrêtent les ressemblances car si les deux premiers ont devant eux et parfois avec eux une presse libre, des institutions indépendantes, une opinion publique qui s’exprime, Andreï Sakharov est condamné à un combat solitaire avec pour protection fragile sa renommée mondiale de savant et d’humaniste et comme réconfort l’amour anonyme des humbles, et peut-être, si la nouvelle lui parvient un jour, le diplôme de docteur honoris causa de l’Université du libre examen. »(28) Allende, Mandela, Sakharov sont des figures aisément identifiables, des étendards symboliques. La chute d’Allende suscite une vague d’émotion et de soutien au sein des mouvements progressistes et démocrates en Europe notamment, et débouche sur des prises de position gouvernementale ;(29) outre les réseaux constitués ULB DHC 175e (notamment maçonniques) qui soutiennent la résistance chilienne, la mobilisation en faveur des réfugiés politiques se déploie bien au-delà des sphères impliquées dans l’entourage d’Allende. Le choix du nom d’Allende pour baptiser la « salle culturelle » au cœur de l’Université le reflète assez… On sait moins que le conseil d’administration décide de « réserver » des mandats à des chercheurs ou professeurs : trois d’entre eux seront destinés à des « universitaires chiliens ayant été emprisonnés »(30). Quant à Sakharov, il est l’incarnation d’un triple engagement en faveur de la science au service de l’humanité, des droits de l’homme et de la résistance à la dictature, sanctifié par le prix Nobel de la paix en 1975. (24) Paradoxalement, L’image publique d’Altiero Spinelli (1984) est plus complexe : résistant, coauteur du Manifeste pour une Europe libre et unie aujourd’hui connu sous le nom de Manifeste de Ventotene, homme politique européen convaincu et notamment promoteur du projet de traité d’Union européenne adopté le 14 février 1984, il est célébré comme « le défenseur de la liberté, l’adversaire de tous les dogmatismes, l’homme chaleureux, le combattant courageux, que l’Université veut honorer en vous conférant aujourd’hui sa plus haute distinction »(31). Quant à Simone Veil (1984), « s’il fallait vous caractériser en quelques mots, nous dirions : le courage dans l’épreuve, une totale indépendance d’esprit, le sentiment que la vérité n’est jamais toute entière du même côté ». Personnalité symbolisant le drame de la Shoah, elle est aussi et surtout perçue comme une femme de conviction qui fera adopter « contre son camp » – elle est alors ministre de la Santé nommé par Valéry Giscard d’Estaing – la « loi Veil », promulguée le 17 janvier 1975, qui autorise l’avortement en France sous certaines conditions. Première femme à présider le Parlement européen élu au suffrage universel, Simone Veil est porteuse de valeurs à la fois éthiques et sociales. (25) Hervé Hasquin, Discours Pour une histoire des DHC l’Université qui se veut à l’époque à la pointe de la défense des idéaux démocratiques reste marquée par le contexte de l’immédiat après-guerre et se prend à féliciter Charles de Gaulle comme « le mainteneur de la France et de son Empire ». Jacques Cox, Discours du 11 octobre 1945 du 28 février 1994 (26) André Jaumotte, Discours du 31 janvier 1975 (27) (28) Hervé Hasquin, Discours de 1984 (29) Prise de position du gouvernement belge, Conseil des ministres du 14 septembre 1973 (30) Rapport annuel, 1973-74 et 1975-76, pp. 58 et sv. (31) Hervé Hasquin, Discours de 1984 1. Mur de Berlin, 1991 : « Merci Andreï Sakharov » 2. Salvador Allende (à g.) et Pablo Neruda, ca. 1970 157 Le combat contre les fascismes revient sans cesse dans les motivations du choix de personnalités symboliques : membre actif de la résistance à Mussolini, président de la République italienne, Sandro Pertini (1987) est salué comme celui « dont le nom est attaché au combat antifasciste et symbolise l’attachement aux valeurs démocratiques »(32). Il en va de même pour Doina Cornea, résistante pacifique à la dictature de la famille Ceauşescu, au modèle de société stalinien « à la roumaine », cette création de « l’homme nouveau » que l’autocrate président et son épouse veulent imposer à leur pays tout entier,(33) ou encore pour Fang Li-Zhi, défenseur de la liberté d’expression tant en termes de politique que pour les problèmes de société.(34) C’est d’ailleurs ce qui justifie, dans un mouvement de continuité le choix du « président Alexander Dubc̆ek, l’un des plus illustres précurseurs du printemps des peuples de 1989, le père du “printemps de Prague”, qui en 1968 déjà prêchait la liberté d’expression et la démocratie »(35) … et, comme le dit explicitement le discours de réception, il s’agit d’un choix qui « prolonge le geste qu’elle avait posé l’an dernier envers Doina Cornea et Fang Li-Zhi et réaffirme l’attachement particulier qu’elle porte à ceux qui expriment et symbolisent dans leurs actes et leur pensée la valeur de la liberté »(36). Il faut rajouter ici les figures d’Arthur Haulot, honoré en 1996 en compagnie de Marek Edelman, ou encore celle de Robert Maistriau, l’auteur de l’arrêt du XXe convoi de déportation la nuit du 19 au 20 avril 1943. C’est aussi ce que symbolisent les « dissidents de l’Est » que sont Borislaw Geremek, Árpád Göncz et Václav Havel : la dislocation des régimes communistes d’Europe centrale met à l’honneur en 1991 les hommes résistants politiques et démocrates est-européens polonais, tchèques et hongrois. On peut y associer encore l’hommage rendu à Andrzej Wajda (1995), celui d’un « cinéma poétique engagé contre la dictature » tout comme l’est celui de Théodore Angelopoulos (1995) « depuis Jours de 36 dont nous avons salué le courage autant que le pouvoir enchanteur de leurs images »(37). De l’idéal de tolérance, de la défense de la paix et de la démocratie, du progrès social et de la société Il peut sembler vain de distinguer lutte contre les fascismes et défense de la démocratie mais l’accent des discours prend parfois une connotation plus marquée en faveur de la tolérance et de la paix : ainsi d’Allende « [qui] a cherché à faire de la tolérance et de la modération les principes directeurs de son activité, s’exprimet-il autrement que l’ont fait, depuis 1834, à cette tribune, Théodore Verhaegen, le fondateur de l’Université et ses successeurs ? »(38) Ou encore de Willy Brandt (1984) dont « l’attachement opiniâtre au socialisme humaniste s’inscrit dans la continuité des principes fondamentaux de la social-démocratie allemande qui, depuis plus d’un siècle, entend promouvoir la liberté, l’équité ; vous y avez ajouté la dimension ULB DHC 175e qui coiffe l’aboutissement normal de ces notions : la paix »(39). Il en va évidemment de même pour Shimon Peres, le (futur) prix Nobel de la paix 1994, dont l’Université souligne, à l’occasion de son cent-cinquantième anniversaire en 1984, « [le] courage dans la recherche de la paix et [les] efforts constants pour que se développe une tolérance mutuelle entre les États »(40). (32) Hervé Hasquin, Discours Mais on ne négligera pas pour autant le progrès social. Mackenzie King, honoré un peu tardivement parmi les vainqueurs de la guerre, est aussi célébré comme « la grande figure de celui que l’Université libre de Bruxelles a voulu honorer, en lui conférant la plus haute distinction académique qu’elle peut accorder et que mérite, à tous égards, l’infatigable défenseur de la liberté, du progrès social et de la paix »(41). Quant à Allende, il catalyse les valeurs de l’Université car il est « l’homme qui, tout au long de sa vie, a été guidé par un idéal qui est aussi celui de notre institution et qui peut s’énoncer en quelques mots : liberté, justice, démocratie et progrès »(42). (35) Françoise Thys-Clément, du 19 novembre 1987 (33) (34) Georges Verhaegen, Discours de 1989 Discours du 5 novembre 1990 (36) Hervé Hasquin, Discours du 5 novembre 1990 (37) Albert Mingelgrün, Discours, « Hommage au cinéma européen » Du libre examen et de la liberté de la recherche (38) Charles Frerichs, Mais il s’agit aussi de mettre en évidence le libre examen. « Salvadore Allende l’avait affirmé clairement lors de ses entretiens avec Régis Debray : “J’appartiens personnellement à une tradition maçonnique. Mon grand-père, le docteur Allende Padin, a été grand maître de l’Ordre maçonnique au siècle dernier, à une époque où être franc-maçon signifiait lutter. Les Loges maçonniques (…) ont été les piliers de l’indépendance et de la lutte contre l’Espagne”. Ajoutons que ce grand-père était sénateur du Parti radical et qu’il avait fondé en 1871 la première école laïque du Chili. Son père avocat était libre penseur. Allende est ainsi l’héritier de toute une tradition libérale progressiste qui, au Chili, s’est souvent incarnée dans la franc-maçonnerie et le radicalisme. »(43) Quant à Willy Brandt, on dira de lui que « l’homme rejette le dogmatisme, ne prétend jamais avoir l’apanage de la seule vérité intangible. Le libre-examinisme qui l’anime le range parmi les meilleurs d’entre nous. »(44) Cette qualité de la pensée, prise au sens strict, est mise en évidence par Françoise ThysClément en 1992, lorsque l’Université honore Hubert Reeves dont il est souligné que « tant dans la parole que dans les écrits, votre message est empreint de l’esprit et des exigences du libre examen qui allie l’honnêteté intellectuelle, la générosité, le partage des connaissances, des enthousiasmes et des doutes, et la fraternité »(45). Cette qualité surpasserait-elle même l’action publique : à propos de Federico Mayor, « en vous remettant ce jour les insignes de docteur honoris causa qui font de vous un des membres de notre communauté, l’Université se réjouit d’accueillir et d’honorer plus encore que le directeur général de l’UNESCO, un intellectuel du questionnement et de l’action solidaire, un “cœur conscient”, œuvrant pour le rapprochement », un Pour une histoire des DHC 158 Discours du 10 novembre 1947 (39) Hervé Hasquin, Discours de 1984 (40) Hervé Hasquin, Discours du 19 novembre 1987 (41) Charles Frerichs, Discours du 10 novembre 1947 (42) (43) André Jaumotte, discours du 31 janvier 1975 (44) Hervé Hasquin, Discours de 1984 (45) Françoise Thys-Clément, Discours du 19 novembre 1992 homme dont « Théodore Verhaegen aurait sans conteste trouvé un éminent représentant de cet idéal [le libre examen] »(46). C’est également le cas pour Edgar Morin (1993), dont « l’œuvre incomparable par son ampleur et sa lucidité, son perpétuel souci du destin des hommes, [montre] la valeur qu’elle attache au principe du libre examen »(47). Toutefois comment une recherche existerait-elle sans libre examen ? À intervalles réguliers, on rappelle l’importance de celle-ci : ainsi d’Hubert Reeves, auquel, « pour vos qualités de recherche, pour vos travaux de vulgarisation scientifique (…) l’Université libre de Bruxelles est particulièrement heureuse de (…) décerner le titre de docteur honoris causa »,(48) tandis qu’on souligne chez Edgar Morin « le scientifique, le philosophe, l’érudit, le penseur engagé mais aussi, tout simplement, l’homme »(49). grands créateurs de cet art contemporain qui s’est développé après la seconde guerre mondiale » (53) . (46) Hervé Hasquin, Discours En 1995, quatre cinéastes, Theo Angelopoulos, André Delvaux, Henri Storck et Andrzej Wajda sont mis à l’honneur. La qualité de leur travail artistique, reconnue mondialement, ainsi que leur engagement sont évoqués au cours de la cérémonie qui leur est consacrée.(54) Dans le même temps, l’Université profite de l’occasion pour rappeler l’existence en son sein d’un programme d’études, ELICIT, consacré spécifiquement à l’écriture et à l’analyse cinématographique. (47) (49) Françoise Thys- du 12 mars 1992 Clément, Discours du 20 janvier 1993 (48) Françoise Thys-Clément, Discours du 19 novembre 1992 (50) (51) André Jaumotte, De la création et des arts Discours du 26 janvier 1979 L’octroi du titre de DHC à des artistes pourrait peut-être paraître incongru au premier abord. Si l’on s’en tient au choix de personnalités de la sphère publique à connotation politique, d’autre choix s’imposent plus immédiatement. Mais cette présence s’explique de plusieurs manières : le désir d’honorer des artistes constitue, d’une part, une prise de position visant à affirmer l’importance que l’Université attache aux arts et à la culture, et d’autre part, un moyen efficace de montrer les liens unissant artistes et chercheurs. Les arts et la culture sont perçus alors comme un espace de liberté par excellence, liberté souvent mise à mal notamment par les régimes totalitaires. À la figure du libre examen répond celle de la liberté artistique, comme le souligne l’Université en rappelant le « droit au blasphème » et à la caricature lors de l’affaire des « caricatures de Mahomet » parues dans le Jyllands-Posten. À l’instar de l’artiste, créateur par définition, le chercheur doit parvenir à domestiquer son inspiration, à transformer sa créativité en recherche originale et disposer da la plus grande des libertés. Comme le signale André Jaumotte « l’acte créateur, en art comme en science, reste le fait de rapprochements originaux mais en art tous les rapprochements sont possibles et le critère de l’idée féconde est un jugement esthétique subjectif tandis qu’en science il réside dans la sanction expérimentale, objective » (50) . (52) « Car vous êtes bien plus et bien mieux, vous êtes le créateur d’un autre univers. Et c’est là votre gloire, personne aujourd’hui en effet ne conteste l’existence de celui-ci et refuse d’y adhérer. ». Paul Foriers, Discours du 26 janvier 1979 (53) Discours du recteur repris dans « Le Roi Albert II devient docteur honoris causa de l’ULB », La Lanterne 14/12/1994 (54) Françoise Thys-Clément, Discours L’importance de la notion de création est donc fortement soulignée tant dans le discours relatif à Maurice Béjart (51) qu’à celui consacré à Paul Delvaux (52) . Dans ces deux cas, l’ULB en tant que telle est à peine mentionnée dans les discours. Concernant Paul Delvaux, on fait pourtant le lien avec le portrait de Jules Bordet réalisé par l’artiste. Quant à Pierre Alechinsky, il est salué comme « l’un des plus ULB DHC 175e 1. Maurice Béjart, 1979 2. Pierre Alechinsky, 1994 3. André Delvaux, 1995 4. Henri Storck, 1995 Pour une histoire des DHC 159 L’Europe… et la Francophonie Au début des années 1980, l’Université marque son ancrage dans le terrain de la construction européenne car « particulièrement attentive au devenir de l’Europe en raison même de sa situation au cœur de la capitale de l’Europe des douze, l’Université libre de Bruxelles ne peut être indifférente à la dimension nouvelle que revêt le concept européen à la suite des bouleversements géopolitiques extraordinaires dont nous avons été les témoins cette année. C’est pourquoi l’Université participe entre autres activement aux programmes d’échange mis sur pied par la Communauté européenne en direction des pays de l’Europe centrale et de l’Est. »(55) Plusieurs personnalités ayant contribué à la construction européenne sont alors honorées. Les discours prononcés par les autorités académiques servent par ailleurs à rappeler l’existence de l’Institut d’études européennes, présenté comme partie prenante au développement européen (56) tandis que la position de l’ULB en tant qu’université la plus « internationaliste » de Belgique est soulignée. Apparaît bien sûr la personnalité d’Altiero Spinelli : « Comme la construction européenne ne peut et ne doit se faire ni par l’insurrection ni par la conquête militaire, mais par un contrat social entre les États qui décident librement de mettre ensemble une partie de leur souveraineté, il y a lieu de créer au niveau de l’Europe une volonté générale communautaire. Cette volonté, le Parlement européen doit en être le creuset et l’expression. Promoteur de l’idée fédéraliste, vous pourfendez l’illusion confédérale, que vous qualifiez de “système anarchique, donc inefficace”. »(57) Il faut y ajouter « Mário Soares, homme de liberté et de l’intégration dans la Communauté européenne d’un pays soucieux de s’ancrer solidement dans l’Europe démocratique »(58) ou encore, bien évidemment, Willy Brandt et Simone Veil. sion aux messages principaux que celle-ci entend défendre. Dans certains cas, le récipiendaire considèrera que la distinction honorifique ne lui revient pas à titre personnel mais bien au pays(60) ou au combat(61) qu’il représente. (55) Hervé Hasquin, Discours Les archives de l’ULB ne permettent malheureusement pas de reconstituer une liste des récipiendaires pressentis qui auraient refusé le titre (si tant est qu’il y en ait eu). En revanche les discours de certains récipiendaires ont été conservés. À leur lecture, il est possible de dégager l’image perçue(62) par les personnes honorées par l’institution. De manière assez logique certains points pour lesquels l’Université a jugé important de décerner un titre de docteur honoris causa sont perçus comme représentatifs de l’Université par les récipiendaires. Parmi les thématiques fréquemment mentionnées plusieurs ne sont pas spécifiques à l’ULB (excellence de l’enseignement ou de la recherche par exemple), tandis que d’autres semblent plus propres à l’ULB même (libre examen, résistance sous l’occupation). Nous nous attarderons sur ces dernières. (57) Hervé Hasquin, du 19 novembre 1987 Discours de 1984 (58) (59) Hervé Hasquin, Discours du 19 novembre 1987 (60) Le Canada pour Mackenzie King, le Portugal pour Mário Soares, le Sénégal pour Abdou Diouf (61) Alexander Dubček évoquant les autres réformateurs du Libre examen (62) Cette image est Les discours de réception Si les discours prononcés par les autorités académiques permettent d’entrevoir les motivations déclarées de l’ULB, les discours prononcés par les récipiendaires offrent un éclairage tout aussi intéressant quoique parfois fort différent. Accepter un honneur d’une institution quelle qu’elle soit suppose à tout le moins une adhé- Pour Charles de Gaulle, la défense du libre examen paraît devenir une prérogative de l’ULB : « elle [l’Université libre de Bruxelles] a su mener son combat, je veux dire le combat sur le domaine dont elle avait la ULB DHC 175e (56) Hervé Hasquin, Discours Printemps de Prague Pour l’Université, le libre examen constitue une pierre angulaire de son histoire et des ses combats et pour certains récipiendaires, cette spécificité propre à l’ULB mérite d’être soulignée. Elle prend dans certains discours une place centrale et le concept de libre examen même est mis en avant comme l’une des valeurs distinctives de l’ULB. La réinterprétation du concept, ou sa présentation par des personnalités extérieures offre une lecture intéressante. Au-delà de la construction européenne, l’ULB aura aussi a cœur de montrer son ancrage linguistique en honorant des personnalités dont l’action a permis de promouvoir et de défendre la langue française, comme c’est le cas pour « Abdou Diouf dont le pays a toujours joué, en Afrique, un rôle moteur dans la promotion de la langue française. »(59) du 5 novembre 1990 Pour une histoire des DHC naturellement biaisée puisqu’elle est le reflet des positions de personnalités ayant accepté de recevoir le titre de DHC de l’Université Abdou Diouf 160 garde, le domaine du libre examen, elle a su le mener, elle a finalement su le gagner car on gagne toujours, en définitive, quand on ne se met pas dans le parti de la servitude »(63). Churchill pour sa part mentionne le libre examen essentiellement pour mettre en contexte la situation de l’Université sous l’occupation.(64) Sans utiliser le terme lui-même, le discours d’Abdou Diouf fait ressortir l’esprit du libre examen lorsqu’il évoque les hommes et les femmes qui ont œuvré pour que la liberté de jugement dans l’enseignement puisse s’imposer.(65) À l’inverse, Shimon Peres débute son allocution en annonçant qu’il est « fier d’entrer dans la maison du libre examen »(66). Edgar Morin rappelle « [qu’]en 1834 une poussée libérale et démocratique amène à la création de l’ULB à Bruxelles. La laïcisation est à la base de la réforme ; elle établit l’autonomie de l’université vis-à-vis de la religion et du pouvoir ; elle instaure la liberté intérieure (le principe du libre examen), elle installe de façon centrale la problématisation. »(67) de vos activités : la liberté par rapport au dogme, à tous les dogmes, la liberté de l’esprit qui examine, en toute indépendance, en toute sérénité, en toute “conscience”. » (69) (63) Charles de Gaulle, Défense de la démocratie, des droits de l’homme (64) « (...) that one of the Discours du 11 octobre 1945 principles for which the Les valeurs mises en avant par l’Université dans ses choix concernant les personnalités honorées lui sont souvent renvoyées lors des discours de réception. Mário Soares louera ainsi « l’université qui à l’instar de Jean Jaurès, Léon Blum ou Émile Vandervelde a toujours été ouverte aux idéaux civiques et à la promotion humaine et sociale » (70) . De même Shimon Peres placera-t-il l’ULB à la pointe du combat pour la démocratie en la louant de s’être dressée avec courage et lucidité contre toutes les formes de racisme. (71) University stands was “the free examination of thoughts and ideas” ». Winston Churchill, Discours du 15 novembre 1945 (65) Abdou Diouf, Discours du 19 novembre 1987 Résistance et liberté (66) Shimon Peres, Discours La position de l’Université sous l’occupation semble avoir particulièrement marqué les esprits. La cohérence entre le discours libre-exaministe et la décision de fermer l’Université en novembre 1941 crédibilise les prises de position de celle-ci sur les questions de liberté ou de résistance. La plupart des récipiendaires honorés pour des actions visant à promouvoir la liberté ne manqueront pas de rappeler le passé de l’ULB. du 19 novembre 1987 (67) Edgar Morin, Discours du 20 janvier 1993 (68) Charles de Gaulle, Discours du Que ce soit Charles de Gaulle : « sa résistance jointe à toutes ses actions incitèrent notre résistance ; sa résistance fut en effet un des piliers autour de quoi purent s’accrocher les esprits et les cœurs, contre un adversaire qui avait su utiliser tout ce que les moyens mécaniques du moment pouvaient donner d’avantages initiaux à la surprise et à la terreur, mais contre lequel l’opposition des hommes libres a réalisé ceci : que d’oppresseur il ne put jamais devenir conquérant. » (68) Ou Winston Churchill : « Let us be thankful that there were institutions like Brussels, like Leiden, like Prague, where the tradition of liberty was so firmly rooted that no thought of compromise could be entertained. The waves of totalitarianism beat against them in vain and the example they set was soon followed by the rest of their fellow-countrymen. » Pour les vainqueurs de la seconde guerre mondiale, la résistance victorieuse de l’Université à l’occupant servit d’exemple durant le conflit. Quant à Federico Mayor, il rappelle : « Quelle fierté pour le directeur général d’une organisation assimilée dès l’origine au foyer de l’esprit, d’être honoré par une institution dont la liberté est la raison d’être ! (…) Il est sain de revenir à celle qui fonde votre Université, est inscrite dans vos statuts et inspire chacune ULB DHC 175e 11 octobre 1945 (69) Federico Mayor, Discours du 12 mars 1992 (70) Mário Soares, Discours du 19 novembre 1987 (71) Shimon Peres, Discours du 19 novembre 1987 1. Edgar Morin 2. Federico Mayor et Catherine Deneuve, 1994 Pour une histoire des DHC 161 Prises de position Dans certains cas, la réception du titre de docteur honoris causa servira de plateforme pour faire passer un message. Ces messages auront parfois un lien direct avec les motivations ayant amené l’octroi du titre (on songe par exemple au discours de Winston Churchill incitant à rester en garde contre toutes les formes de totalitarisme(72)) mais pourront parfois sembler tout à fait étrangers à la cérémonie même. Pour certains DHC, le discours s’adresse directement au public naturel d’une université à savoir les jeunes étudiants. Ainsi Mackenzie King termine-t-il sa présentation en recommandant aux étudiants d’embrasser une carrière diplomatique. Sandro Pertini profitera pour sa part de la tribune offerte par la cérémonie pour lancer un plaidoyer en faveur de la réalisation d’une constitution politique pour l’Europe par les jeunes.(73) L’intervention du roi Baudouin présentera pour sa part une réelle dimension politique.(74) Après un bref rappel des liens tissés entre la dynastie et la science, son exposé se voit entièrement consacré à la question congolaise. La date de remise des insignes n’est évidemment pas étrangère à la tonalité du discours qui se veut un appel pour « résoudre avec unanimité le problème du Congo » et un rappel pour que le Congo reste « le champ d’élection pour une action vitale des forces jeunes, compréhensives et généreuses de la Belgique », les valeurs de l’ULB se présentant comme les grandes absentes de ce texte. Pour certains DHC, essentiellement des hommes politiques, le fait d’accepter le titre honorifique peut aussi servir à marquer un rapprochement entre leur pays d’origine et la Belgique ou à confirmer des liens d’amitiés de longue date.(75) Abdou Diouf souligne en revanche l’importance des rapports entretenus par l’Europe et l’Afrique.(76) À ses yeux, la cérémonie est un symbole éloquent du dialogue NordSud, un dialogue qu’il convient d’approfondir et de pérenniser pour le bien commun ; quant à Shimon Peres, il « rêve d’un Bénélux proche-oriental, d’un marché commun moyen-oriental. Et même si cela ne doit jamais se réaliser que progressivement, ne cessons jamais de considérer combien est préférable cette association à la longue épreuve qui l’a précédée. Au Moyen-Orient aussi, il est permis de rêver. Car même au Moyen-Orient, le pire n’est pas toujours inéluctable. »(77) En 1992, l’opportunité d’utiliser la cérémonie de remise des DHC pour faire passer un message de fond est intégrée à un tel point qu’à l’issue de celle-ci, un discours du récipiendaire est programmé. Federico Mayor prendra ainsi la parole sur le thème de « L’université en son temps de transition » pour aborder les transferts ULB DHC 175e de technologie, l’ouverture de l’université sur l’extérieur, le dialogue des cultures ou encore la démocratie.(78) L’allocution d’Edgar Morin quelques mois plus tard posera la question de la place de l’université dans la société, « L’université doit-elle s’adapter à la société ? ». Simon Wiesenthal prendra lui la parole pour insister sur l’importance de la lutte contre l’oubli, la justice et l’expiation du plus grand crime de l’histoire humaine. Il rappellera que « la liberté n’est pas un don du ciel, il faut se battre pour elle chaque jour de notre vie »(79). (72) « But, ladies and gentlemen, the champions of freedom can never afford to sleep. (…) Institutions like Brussels University which have so manfully withstood the assaults of Nazidom have special En guise de conclusion provisoire… importance, therefore in Cette première approche de l’histoire des DHC de l’Université mériterait un véritable approfondissement. Nous en tracerons ici quelques pistes. Il serait notamment intéressant d’étudier dans quelle mesure les récipiendaires s’approprient le titre de DHC de l’ULB. Dans la plupart des cas, aucune mention explicite n’y est faite dans les discours, à quelques exceptions près. C’est le cas de Winston Churchill qui précise sa nouvelle appartenance et les implications de celle-ci lors de son discours, (80) ou bien de Sandro Pertini qui affirme sa fierté d’appartenir désormais à la communauté d’études et de vie académique de l’ULB,(81) ou encore de Federico Mayor qui mentionne sa joie et sa fierté d’appartenir suite à la cérémonie à une communauté universitaire prestigieuse.(82) Si pour certains, la « communauté de valeurs » justifie sincèrement une adhésion à cette communauté particulière qu’est l’ULB, pour d’autres la question se pose. Qu’en est-il alors de cet hommage : ne s’agit-il que de la manifestation de reconnaissance publique de mérites tout aussi publics ? a long, terrible affliction a Europe emerging from Quant aux modalités et au processus de choix, l’enquête historique montre que ceux-ci ne sont pas formalisés et relèvent de la coutume et non pas de la « loi » (ou du règlement en l’occurrence). Ceci nous amène à poser la question de l’existence d’une « ligne de faîte » déterminant l’octroi du diplôme. Si errements il y eut – il ne s’agit pas ici de justifier ou de condamner –, on peut aisément les comprendre au vu du contexte, comme ce sera le cas de l’un ou l’autre vainqueur de la seconde guerre mondiale. Encore faut-il préciser que, dans le cas de Staline par exemple, la condamnation du dirigeant soviétique relève d’une lecture a posteriori qui était loin de faire l’unanimité en 1945. Dès lors, on peut s’interroger sur l’étonnante constance des « valeurs » que partagent les récipiendaires, a fortiori lorsque l’on sait, comme nous le soulignions en introduction, que ces valeurs ne sont pas mises en évidence comme présidant aux choix des personnalités distinguées. Les motivations particulières dans le choix des DHC relèvent donc de l’air du temps et d’un contexte qu’il ne convient pas de juger et qui demeure, par définition, imprévisible. and illness. Always be on guard against tyranny in whatever shape it may assume. » Winston Churchill, Discours du 15 novembre 1945 (73) Sandro Pertini, Discours du 19 novembre 1987 (74) Roi Baudouin, Discours du 20 Novembre 1959 (75) Le Canada pour Mackenzie King, le Portugal pour Mário Soares (76) Abdou Diouf, Discours du 19 novembre 1987 (77) Shimon Peres, Discours du 19 novembre 1987 (78) Federico Mayor, Discours du 12 mars 1992 (79) Simon Wiesenthal, Discours du 28 février 1994 Pour une histoire des DHC 162 (80) « Remember the cause of Freedom for which your heroes died. Thus, and thus alone, will you be worthy of the University to which you, and now I, have the honour to belong. » Winston Churchill, Discours du 15 novembre 1945. (81) Sandro Pertini, Discours du 19 novembre 1987 (82) Federico Mayor, Discours du 12 mars 1992 1. Le musicien Toots Thielemans, DHC 2001 2. Les responsables du programme Erasmus, Alan Smith, Angélique Verli et Domenico Lenarduzzi (1er rg de g. à d.), DHC 2002 3. Remise du prix HouphouëtBoigny à Mandela et De Klerk. Frederik De Klerk, Abdou Diouf, Nelson Mandela, Henry Kissinger, Federico Mayor (de g. à d.), 1992. ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC 163 ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC 164 Bibliographie chungen der Gesellschaft für Universitäts- und Wissenschaftsgeschichte n°7, Bâle : Schwabe Verlag, 2007, p. 275-351. BUYS, J.T., Rector magnificus van de Leidsche Hoogeschool op 9 februari 1875 bij de afkondiging van het Senaatsbesluit, houdende opdracht van het doctoraat honoris causa aan Nederlanders en vreemdelingen, Leyde : Werst, 1875. CRONIN, Blaise, « Honoris causa » dans Academic Questions, vol. 16, n°1, p. 6068, 2002. DHONDT, Pieter, « The echo of the quartercentenary of Uppsala University in 1877. Nordic universities as examples in Europe » dans Scandinavian Journal of History, vol. 35, n°1, p. 21-43, 2010. 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Jahrhundert, Marie-Claude Schöpfer Pfaffen (éd.), Veröffentli- ULB DHC 175e Pour une histoire des DHC 165 ULB DHC 175e Annexes Liste des docteurs honoris causa des Facultés Liste des abréviations Dr Faculté de Droit Esp École de Santé publique Iee Institut d’Études européennes Isepk Institut supérieur d’Éducation physique et de Kinésithérapie Med Faculté de Médecine Pharm Institut de Pharmacie Philo Faculté de Philosophie et Lettres Psy Faculté des Sciences psychologiques et de l’Éducation Sc Faculté des Sciences Sca Faculté des Sciences appliquées Soco Faculté des Sciences sociales et politiques Socio Institut de sociologie Stat Institut de statistique Trav Institut du travail Liste des DHC Abi-Saab Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adam Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adrian Edgar Douglas . . . . . . . . . . . . . . . . . . Aftalion Albert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Albe-Fessard Denise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Albert Ier, Prince de Monaco . . . . . . . . . . . . . Anzieu Didier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Appleton Edward . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Arambourg Camille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Aron Raymond . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ascarelli Tullio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ashenfelter Orley . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Åstrand, Per-Olof . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ayer Alfred . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Aymard André . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Bachelard Gaston . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Badinter Robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2002 1909 1949 1930 1969 1910 1989 1946 1954 1962 1959 2002 1987 1962 1956 1956 1984 Dr Philo Med Dr Med Sc Psy Sca Sc Soco Dr Soco Isepk Philo Philo Philo Dr ULB DHC 175e Baekeland Léon. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Balandier Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Bardon Henry . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Bastien Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Bataillon Eugène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Baubérot Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Bauer Edmond . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Bedjaoui Mohammed . . . . . . . . . . . . . . . . . . Bell Harold Idris . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Bernhard Wilhem . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Berthélémy Henry . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Berthelot René . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Beveridge William Henry . . . . . . . . . . . . . . . Bianchi-Bandinelli Ranuccio . . . . . . . . . . . . Bidez Joseph . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Biezeno Cornelis. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Blanchard Francis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Bloch Henry Simon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Bockaert Joël . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Bohr Niels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Bonger Willem Adriaan . . . . . . . . . . . . . . . . . Borel Émile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Born Max . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Boulanger Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Bragg William Laurence . . . . . . . . . . . . . . . . Braudel Fernand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Braunstein Alexandre . . . . . . . . . . . . . . . . . . Brédas Jean-Luc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Briner Émile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Broadbent Donald . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Bronk Detlev . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Brunot Ferdinand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Burdeau Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Burgers Johannes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Burgers Wilhelm . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Calogero Guido . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Campus Ferdinand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Candel Sébastien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Caquot Albert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Annexes 1934 1979 1985 1965 1930 2008 1956 1994 1947 1969 1930 1930 1948 1962 1934 1956 1985 1969 2005 1961 1934 1930 1961 1962 1949 1959 1948 2002 1947 1985 1963 1930 1965 1948 1969 1959 1965 2005 1947 Sca Soco Philo Sca Med Philo Sc Dr Philo Med Dr Philo Soco Philo Philo Sca Trav Soco Med Sc Dr Sc Sc Med Sc Soco Sc Sc Sc Psy Med Philo Soco Sca Sca Philo Sca Sca Sca Cartan Élie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Castex Pierre-Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . Cattier Félicien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Caullery Maurice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Cayeux Lucien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Cazeneuve Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Cerulli Enrico . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Chabert Catherine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Chadwick John . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Chagas Carlos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Chambon Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Chatzidakis Manolis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Chaudron Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Chodat Robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Cohen-Tannoudji Claude . . . . . . . . . . . . . . . Coing Helmut . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Condurachi Emil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Contini Gianfranco . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Cormack John Dewar . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Cotton Aimé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Cournand André . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Courrier Robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Crismer Léon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Crum Lawrence A. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Cumont Franz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Cushing Harvey Williams . . . . . . . . . . . . . . . Dale Henry Hallett . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Darwin Francis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Daubechies Ingrid . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Dausset Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Daux Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . David René . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Davy Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . De Broglie Louis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . De Gennes Pierre-Gilles . . . . . . . . . . . . . . . . De Muralt Alexandre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . DeBakey Michael . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Debré Robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Debye Peter . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168 1946 1984 1936 1930 1934 1975 1962 2008 1969 1934 2008 1969 1946 1909 1999 1975 1965 1975 1909 1934 1959 1949 1934 1997 1909 1930 1934 1909 2000 1975 1956 1969 1956 1956 1999 1965 1962 1956 1934 Sc Philo Dr Sc Sc Soco Philo Psy Philo Med Med Philo Sca Sc Sca Dr Philo Philo Sca Sc Med Med Sc Sca Philo Med Med Sc Sc Med Philo Dr Philo Sc Sca Med Med Med Sca Delacroix Henri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Demoulin Alphonse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Dewar James . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Diehl Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Donadoni Sergio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Droz Jacques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Drucker Peter F. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Druyvesteyn Mari Johann . . . . . . . . . . . . . . . Duclaux Jacques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Eckstein Otto . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Eells James . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Einstein Albert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ephrussi Boris . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Erlanger Joseph . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Escarpit Robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Evarts Edward V. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Fabre Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Fabre René . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Febvre Lucien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Fenn Wallace O. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Finch George Ingle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Fischer Hermann Emil . . . . . . . . . . . . . . . . . . Flajolet Philippe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Fleming Alexander . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Flexner Abraham . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Flexner Simon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Forestier Hubert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Fredericq Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Fredericq Léon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Freyssinet Eugène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Froehly Claude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Galpin Perrin C. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Garin Eugenio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Garrels Robert M. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Gasser Herbert S. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Genestal Du Chaumeil Robert . . . . . . . . . . . Gény François . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Germain Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ghestin Jacques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 1934 1909 1930 1992 1969 1975 1962 1947 1975 1997 1933 1959 1949 1975 1979 1969 1956 1947 1963 1938 1909 1994 1945 1930 1930 1962 1909 1909 1946 2002 1930 1969 1969 1949 1930 1930 1984 2000 Philo Sc Sc Philo Philo Soco Soco Sca Sc Soco Sc Sc Sc Med Philo Med Philo Med Philo Med Sc Sc Sc Med Med Med Sca Philo Med Sca Sca Philo Philo Sca Med Dr Dr Sca Dr ULB DHC 175e Gibson Hugh . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Giddens Anthony . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ginzburg Carlo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Gley Eugène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Gluckman Max . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Goblet d’Alviella Eugène . . . . . . . . . . . . . . . Godeaux Lucien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Goldin Abraham . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Goubert Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Grassé Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Grelot Louis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Grenier Albert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Grignard Victor . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Guillemin Roger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Gurvitch Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Hadamard Jacques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Hamson Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Hanoune Jacques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Hardy Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Harr Milton Edward . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Hart Oliver . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Hedvall Johan Arvid . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Heisenberg Werner . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Held Richard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Hérissey Henri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Héritier-Augé Françoise . . . . . . . . . . . . . . . . Hers Henri-Géry . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Herzfeld Michael . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Heurgon Jacques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Hijmans Van Den Bergh Albert . . . . . . . . . . Hill Archibald Vivian . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Hinde Robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Holland Thomas Erskine . . . . . . . . . . . . . . . . Hopf Heinz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Hopkins Frederick Gowland . . . . . . . . . . . . . Hopt Klaus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Houin Roger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Houssay Bernardo Alberto . . . . . . . . . . . . . . Hubble Edwin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Annexes 1930 1994 2002 1930 1965 1894 1948 1979 1975 1947 1953 1947 1930 1979 1959 1934 1965 1994 1939 1987 1992 1959 1961 1984 1930 1994 1992 2005 1965 1934 1949 1975 1909 1965 1934 1997 1962 1949 1937 Dr Soco Philo Med Soco Philo Sc Med Philo Sc Sca Philo Sc Med Soco Sc Dr Med Philo Sca Soco Sca Sc Psy Med Socio Med Soco Philo Med Med Psy Dr Sc Med Dr Dr Med Sc Hubert Eugène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Isermann Rolf . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Jackson Robert H. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Jacob François . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Jaeger Frans-Maurits . . . . . . . . . . . . . . . . . . Janet Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Jankélévitch Vladimir . . . . . . . . . . . . . . . . . . Janot Maurice-Marie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Jeanneney Jean-Noël . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Jestaz Philippe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Jèze Gaston . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Johnson Alvin Saunders . . . . . . . . . . . . . . . . Jones Harold Spencer . . . . . . . . . . . . . . . . . . Josserand Louis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Jouguet Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Jouzel Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Kac Marc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Kaës René . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Kahn-Freund Otto . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Karrer Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Katzir-Katchalsky Aharon . . . . . . . . . . . . . . . Kazatchkine Michel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Keilin David . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Kenyon Frederic George . . . . . . . . . . . . . . . . Kirkwood John G. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Klein Lawrence R. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Kling Rob . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Kocher Theodore . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Komi Paavo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Kornhuber Hans H. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Kotarbinski Thadee . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Kovar Robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Kranenburg Roelof . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Kristeva Julia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Kroll William Justin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Kronecker Hugo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Kroto Harold . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Krueger Alan B. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lachs Manfred . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169 1921 1989 1946 1979 1936 1934 1965 1969 2005 2005 1934 1947 1947 1932 1947 1997 1984 2000 1969 1956 1969 2002 1946 1930 1959 1979 1987 1909 2002 1985 1948 1985 1956 2000 1969 1909 1992 2005 1975 Philo Sca Dr Sc Sc Sca Philo Med Philo Dr Dr Soco Sc Dr Philo Sc Sc Psy Dr Sc Sc Med Sc Philo Sc Soco Soco Med Isepk Med Philo Iee Dr Philo Sca Med Sc Trav Dr Lacroix Alfred . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ladevèze Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lalive d’Épinay Pierre-André . . . . . . . . . . . . Lambert Édouard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lambotte Albin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lamotte Maxime . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Landsteiner Karl . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Langevin Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lanson Gustave . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lapierre Jean William . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lavedan Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lavisse Ernest . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le Cam Lucien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le Dantec Félix . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le Douarin Nicole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Leclercq Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ledoux Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lefebvre Lucien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lehn Jean-Marie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lehn Jean-Marie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lenègre Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Leone Giovanni . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Leontief Wassily . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Leray Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lescure Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lespagnol Albert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lévi-Strauss Claude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lewis William Arthur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Liberman Alvin M. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lieftinck Gerard Isaac . . . . . . . . . . . . . . . . . . Linderstrom-Lang Kaj . . . . . . . . . . . . . . . . . . Loisy Alfred . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lotman Iouri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Louria Alexandre Romanovitch . . . . . . . . . . Lowry Thomas Martin . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lugeon Maurice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lundberg Anders . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lwoff André . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lyon Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1930 2000 1989 1930 1932 1979 1934 1930 1909 1984 1975 1909 1997 1909 2000 1938 1969 1947 1987 1999 1965 1973 1962 1975 1934 1962 1962 1969 1979 1959 1948 1909 1989 1975 1934 1947 1975 1969 1909 Sc Sca Dr Dr Med Sc Med Sc Philo Soco Sca Philo Stat Sc Med Dr Sc Philo Sc Sca Med Dr Soco Sc Dr Med Soco Soco Psy Philo Sc Philo Philo Psy Sc Sc Med Sc Philo ULB DHC 175e Lyon-Caen Gérard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . McClelland James . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . McNair Arnold Duncan . . . . . . . . . . . . . . . . . Macklem Peter . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Maeterlinck Maurice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Malavard Lucien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Marchal Émile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Marinelli Giorgio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Marmot Michael . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Martin Victor . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Maruani Margaret . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Maurain Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Mayer Hans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Mayer Joseph . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Mayer Nonna . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Mayor Michel G. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Mazon Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Medawar Peter Bryan . . . . . . . . . . . . . . . . . . Mehler Jacques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Meijers Eduard M. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Meillet Antoine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Meirieu Philippe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Menéndez-Pidal Ramón . . . . . . . . . . . . . . . . Metchnikoff Elie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Millet Gabriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Minorsky Vladimir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Monod Jacques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Montel Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Montreuil Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Moore Stanford . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Morduch Jonathan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Moret Alexandre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Mornet Daniel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Moscovici Serge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Mosler Hermann . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Mosso Angelo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Mutt Viktor . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Myers Stewart C. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Needham Joseph . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Annexes 1985 2005 1959 1987 1909 1959 1934 1979 2008 1959 2000 1930 1969 1962 2000 2008 1930 1962 1997 1947 1932 2002 1932 1909 1932 1948 1975 1951 1989 1954 2008 1936 1948 1994 1969 1909 1984 1997 1954 Dr Psy Dr Med Philo Sca Sc Sca Esp Philo Trav Sc Philo Sc Soco Sc Philo Med Psy Dr Philo Psy Philo Med Philo Philo Sc Sc Phar Med Soco Philo Philo Psy Dr Sc Med Soco Sc Nenci Giuseppe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nicolet Claude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nicolle Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nogaro Bertrand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Oberling Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Occhialini Giuseppe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Offerhaus Johannes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Oort Jan H. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pascher Adolphe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pauling Linus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pavlov Ivan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pelsenner Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pérès Joseph . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pérez Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Perrin Jean Baptiste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Perroy Édouard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Peters Norbert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pettazzoni Raffaele . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Piaget Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Picard Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pictet Aimé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pirenne Henri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Platrier Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Poincaré Henri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pommier Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ponte Maurice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pope William Jackson . . . . . . . . . . . . . . . . . . Portes Richard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Portevin Albert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pottier Edmond . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Praeger Cheryl Elisabeth . . . . . . . . . . . . . . . Prager William . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prelog Vladimir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Puisieux Francis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Radhakrishnan Sarvepalli . . . . . . . . . . . . . . Rall Joseph Edward . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ramón y Gajal Santiago . . . . . . . . . . . . . . . . Rasmussen Grant L. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Reed Thomas Harrison . . . . . . . . . . . . . . . . . 170 1979 1997 1934 1949 1959 1949 1962 1959 1934 1962 1934 1934 1954 1930 1930 1965 1994 1954 1949 1950 1930 1909 1949 1909 1959 1965 1930 2000 1937 1930 2005 1975 1969 1997 1956 1975 1934 1965 1930 Philo Philo Med Soco Med Sc Dr Sc Sc Sc Med Sc Sca Sc Sc Philo Sca Philo Philo Philo Sc Philo Sca Sc Philo Sca Sc Iee Sca Philo Sc Sca Sc Pharm Philo Med Med Med Dr Refetoff Samuel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Regaud Claude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Renold Albert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Reuchlin Maurice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Rheinstein Max . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Richet Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Rickard Edgar . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ripert Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Rist Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Rivero Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Robinson Robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Rocard Yves . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Rockefeller John D. Junior . . . . . . . . . . . . . . . Roelofs Wendell . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Rosenfeld Léon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Rotondi Mario . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Roux Émile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Roy Maurice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Saadé Leila . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Sahama Thure G. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Sahlins Marshall . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Salverda De Grave Jean J. . . . . . . . . . . . . . . . Samkalden Ivo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Saura Pedro . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Sauvy Alfred . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Savatier Rene . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Scelle Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Schmidt Vivien Ann . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Schricker Gerhard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Schwartz Laurent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Sedov Leonide Ivanovitch . . . . . . . . . . . . . . Sellin Thorsten . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Semenov Nicolai . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Sforza Carlo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Shaler Millard King . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Shallice Thimothy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Sherrington Charles Scott . . . . . . . . . . . . . . Siegfried André . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Siestrunck Raymond . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1989 1925 1969 1987 1965 1914 1930 1934 1948 1962 1965 1956 1930 1989 1965 1962 1909 1956 2008 1965 1985 1930 1965 1918 1962 1951 1949 2008 1987 1962 1969 1979 1962 1949 1930 1992 1930 1948 1962 Med Med Med Psy Dr Med Dr Dr Soco Dr Sc Sca Med Sc Sc Dr Med Sca Dr Sc Soco Philo Dr Dr Soco Dr Dr Iee Dr Sca Sca Dr Sc Soco Sca Psy Med Soco Sca ULB DHC 175e Simon Denys . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Smith Alexander . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Somorjai Gabor . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Sorm Frantisek . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Southwell Richard Vynne . . . . . . . . . . . . . . . Spencer Jones Harold . . . . . . . . . . . . . . . . . . Spring Walthere . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Starobinski Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Stein Eric . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Stone Richard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Stoufflet Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Strassburger Édouard . . . . . . . . . . . . . . . . . Swarts Frédéric . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tabatoni Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Teirlinck Herman . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Teirlinck Isidore . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Teissier Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tenekides Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Theorell Hugo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tinbergen Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tirole Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Torres-Bodet Jaime . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Trefouel Jacques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Truhaut René . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tschebotarioff Gregory P. . . . . . . . . . . . . . . . Tuck William Hallam . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tunc André . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Turner Eric G. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ubbelhode Alfred R. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ullman Jeffrey . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Vaccaro Jean-Michel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Van Bambeke Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . Van Beneden Édouard . . . . . . . . . . . . . . . . . Van Biesbroeck Georges . . . . . . . . . . . . . . . Van Hamel G. a. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Vannerus Jules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Vedel Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Vening Meinesz Felix Andries . . . . . . . . . . . Verhaeren Émile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Annexes 2002 1930 1992 1965 1949 1947 1909 1979 1979 1965 1992 1909 1934 1965 1938 1932 1954 1969 1959 1959 1989 1949 1965 1975 1959 1930 1959 1965 1962 1979 1994 1909 1909 1934 1909 1930 1965 1949 1909 Iee Dr Sca Sca Sca Sc Sc Philo Dr Soco Dr Sc Sc Soco Philo Philo Sc Dr Med Soco Soco Philo Med Med Sca Sca Dr Philo Sc Sca Philo Med Sc Sc Dr Philo Dr Sc Philo Vidal-Naquet Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Vincent George E. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Vincent Hyacinthe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Volterra Edoardo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Von Karman Theodore . . . . . . . . . . . . . . . . . Von Mises Richard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Von Wartburg Walter . . . . . . . . . . . . . . . . . . Wachspress Eugène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Waldeyer Wilhelm . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Wallace William . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Walmsley Ian A. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Wasserburg Gerald Joseph . . . . . . . . . . . . . Werner Robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Westlake John . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Whitlock Brand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Wiggers Carl J. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Wilmotte Maurice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Wilson Edgar Bright . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Wittelsbach, Charles Théodore . . . . . . . . . . Zazzo Rene . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Zeeman Pieter . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Zielinski Thaddee . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171 1987 1930 1946 1956 1937 1934 1962 1985 1909 1992 2008 1985 1937 1909 1919 1956 1935 1975 1909 1979 1930 1930 Philo Med Med Dr Sca Sca Philo Sca Med Iee Sca Sc Philo Dr Dr Med Philo Sc Med Psy Sc Philo Index des notices Albert Ier de Belgique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Albert II de Belgique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Alechinsky Pierre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Allègre Claude. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Allende Salvador. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Angelopoulos Theo. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Amara Fadela. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Arbour Louise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Barré-Sinoussi Françoise. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Baudouin de Belgique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Béjart Maurice. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Brandt Willy. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Buls Charles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Busquin Philippe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Capecchi Mario. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Capron André. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Chissano Joaquim. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Churchill Winston . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Connes Alain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Cornea Doina. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Davies Joseph E. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . De Duve Christian. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . De Gaulle Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Deligne Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Delvaux André. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Delvaux Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Diouf Abdou. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Dubc̆ek Alexander. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Dworkin Ronald. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Edelman Marek. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . El Saadawi Nawal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Élisabeth de Belgique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Fang Li-Zhi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Fouad d’Égypte. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Francqui Émile. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Fulbright William. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Gao Xingjian. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122 61 59 43 96 58 26 36 11 99 94 91 132 27 11 46 34 106 12 78 114 12 110 13 56 93 86 76 13 48 18 120 77 124 130 100 14 ULB DHC 175e Garzón Real. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Geremek Bronislaw. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Goldschmidt Pierre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Göncz Árpád . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Gross David J. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Haulot Arthur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Havel Václav. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Hoover Herbert. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Hughes Charles Evans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Inglehart Ronald. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Jadot Jean. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Jones Hywel Ceri. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Konaré Alpha Oumar. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lenarduzzi Domenico. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Léopold III de Belgique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lie Trygve. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Mackenzie King William Lyon. . . . . . . . . . . . . . . . . . . Maistriau Robert. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Mandela Nelson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Maskin Eric. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Mayor Zaragoza Federico. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Molina Mario J. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Morales de Cortiñas Nora Irma. . . . . . . . . . . . . . . . . Morin Edgar. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Morris Dave Hennen. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nasraoui Radhia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Peres Shimon. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pertini Sandro. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Phelps Edmund Strother . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Poincaré Raymond . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Reeves Hubert. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Robinson Mary . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Roosevelt Franklin D. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Sakharov Andreï . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Smith Alan. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Soares Mário. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Solvay Ernest. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Spinelli Altiero. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Staline Joseph. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Annexes 25 74 23 72 14 50 70 131 125 15 126 28 21 30 118 102 103 20 90 15 68 16 39 64 116 19 80 82 16 127 66 41 104 89 32 84 134 87 112 Storck Henri. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Susskind Simone. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tamzali Wassyla . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tchang Kaï-chek . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Thielemans Toots . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . U Thant. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Van Montagu Marc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Veil Simone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Verli Angélique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Vincent Jean-Didier. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Wajda Andrzej. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Wallerstein Immanuel. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Wiesenthal Simon. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Wilson Thomas Woodrow . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Zinkernagel Rolf. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172 54 37 40 108 33 98 45 92 31 42 53 52 62 128 17 Crédits photographiques Oranje Nassau Museum, Delft : - 145 Agência Brasil : - Fábio Pozzebom : 21 Organisation des Nations unies : - 102 - Teddy Chen : 98 - Michel Claude : 86 - Eskinder Debebe : 41 Collection Victor Boin : - 122, 153/1 Collection Ceges-Bruxelles : - n° 40731 : 124 - n° 40736 : 153/2 - n° 41170 : 116 - n° 54020 : 127 - n° 148892 : 112 - n° 163991 : 153/3 - n° 230927 : 125 - n° 231205 : 104 Pressens Bild : - 149/2 Rijksmuseum, Amsterdam : - 144, 147 Rossel & Cie SA / Le Soir, PhoDoc, Bruxelles, DR : - 53 Collection J. Jadot / J. J. Rousseau : - 154/4 The Heart Truth : - 139/3 Deutsches Bundesarchiv : - Engelbert Reineke : 91 - Joachim F. Thurm : 157/1 UNESCO : - Michel Claude : 163/3 - Inez Forbes : 68, 161/2 Fundación Salvador Allende, Chili : - 96, 157/2 Université libre de Bruxelles : - Archives et Bibliothèques de l’ULB : 54, 80, 82, 84, 87, 89, 92, 93, 94, 99, 100, 106, 110, 118, 120, 130, 131, 132, 134, 148, 151/2, 152, 160, 161/1 - Département des relations extérieures : 11-17, 25, 28, 33, 37, 40, 42, 43, 56, 58, 62, 70, 72, 76, 78, 159/3, 163/1 - Jean Jottard : 18, 19, 20, 23, 26, 27, 30, 31, 32, 34, 36, 39, 45, 46, 50, 52, 59, 61, 74, 64, 66, 90, 142, 150/1, 151/1, 151/3, 155/3, 159/1, 159/2, 159/4, 163/2 Getty Images / TIME & LIFE Images : - Forrest Anderson : 77 Alfred Hutter : - 146 Mariusz Kubik : - 48 Kunsthistorisches Museum, Vienne : - 142/1 ULB DHC 175e Annexes 173 Liste des souscripteurs M. Henri Alexandre (Havre) Archives et Bibliothèques de l’Université libre de Bruxelles (Bruxelles) Mme Monique Asiel (Bruxelles) Mme Gisèle Auquit (Glabais) M. et Mme Balaes-Fauconnier (Seneffe) Mme Danielle Baleriaux (Bruxelles) M. G. Beart (Gozée) Bartholomeeusen SPRL (Bruxelles) M. Jacques Beeckmans de West-Meerbeeck (Chastre) M. et Mme Beernaerts-Courtois (Rhode-Saint-Genèse) M. Gilbert Bejjani (Bruxelles) Fondation Bernheim FUP (Bruxelles) M. Henri Bier (Bruxelles) Mme Claire Billen Perissino (Bruxelles) M. Jean-Pierre Bizet (Paris) M. Serge Bodson (La Hulpe) M. et Mme René Bontemps (Bruxelles) M. Claude Bosseloir (Hennuyeres) M. Émile Bottin (Bruxelles) Mme Catherine Bouland (Bruxelles) M. Guy Bricart (Tournai) Docteur Bruneau (Bruxelles) M. André Bruyneel (Rhode-Saint-Genèse) Mlle Anne Caby (Bruxelles) M. Jan Candries (Bonheiden) Mme Béatrice Carbonnelle (Bruxelles) M. Jean-Luc Carpentier (Beersel) Cedom (Bruxelles) Mme Françoise Chatelain (Charleroi) M. Baudouin Contzen (Bruxelles) M. Jean-Luc Cornet (Bruxelles) Mme Marcelle Crem (Bruxelles) M. Guy Crevecoeur (Lasne) M. Philippe Cullus (Bruxelles) M. Philippe Darge (Latour) M. Jean-Jacques Dawance (Comblain-Pont) ULB DHC 175e M. Patrick Debouverie (Bruxelles) M. et Mme Gilbert Debusscher (Bruxelles) M. Jan De Candries (Bonheiden) M. Renaud Decock (Anderlues) M. Jean Marie De Deken (Saint Ghislain) M. Francis Degreve (Saint-Aupré, France) M. Ghislain Dehez (Bonnert) M. N. de la Kethulle de Ryhove (Bruxelles) Mme Pascale Delbarre (Bruxelles) Mme Françoise Delloye (Bruxelles) M. Pierre Delvoye (Ath) M. Pierre-Jean Delvoye (Bruxelles) M. Pascal Delwit (Bruxelles) M. Pierre de Maret (Bruxelles) M. Raymond Demousselle (Bruxelles) M. et Mme Denis-Hupez (Quaregnon) Mme Alice Deridder (Bruxelles) M et Mme Didier Devriese -Marchant (Bruxelles) M. et Mme Jean-Pierre Devroey-Zoller (Bruxelles) M. Christian De Waay (Knokke-Heist) M. René De Wael (Lasne) M. Alain Dierkens (Bruxelles) M. Angelo Di Paolo (Chatelet) Mme Audry Drapier (Boussu) M. Henri Drymael (Bruxelles) M. et Mme L. Capette Brasseur (Elouges) M. Yvan De Jaraczewski (Bruxelles) M. Pol Dupont (Dour) M. Freddy Eggermont (Nimy) M. Jean Ettinger (Rhode-Saint-Genèse) Faculté de droit (Bruxelles) Faculté de philosophie et lettres (Bruxelles) Faculté des sciences psychologiques et de l’éducation M. et Mme Famaey-Fontaine (Bruxelles) Fondation Jaumotte-Demoulin (Bruxelles) M. Jacques Fontaine (Walcourt) M. Pierre Galand (Bruxelles) Mme Nadine Galland (Court-Saint-Étienne) Gastrospace SPRL (Bruxelles) Annexes M. Patrick Genin (Charleroi) M. Pierre-Alain Gevenois (Bruxelles) M. Michel Godart (Bruxelles) M. Francis Godaux (Bruxelles) Docteur Jean Claude Goffin (Bruxelles) M. et Mme P. Goldschmiddt Contempre (Bruxelles) M. Jacques Goldsteinas (Bruxelles) M. R. Gonze (Bruxelles) Mme Michèle Grégoire (Rhode-Saint-Genèse) M. David Guilardian (Bruxelles) M M. Hervé Hasquin (Graty) M. Paul Hatry (Bruxelles) M. Lucien Heilporn (Bruxelles) M. Luc Helen (Bruxelles) Mme Anne-Marie Helvétius & M. Michel Kaplan (Paris) Docteur Philippe Hennart (Court-Saint-Étienne) M. Maurice Hinsenkamp (Bruxelles) Mlle Nadine Hollasky (Bruxelles) Mme Viviane Hooghe (Tubize) Mme Nadine Houssa (Bruxelles) M. Jean Huet (Bruxelles) M. Edouard Jacobs (Bruxelles) M. Lucien Janson (Bruxelles) M. Daniel Janssen (La Hulpe) M. Nicolas Janssen (La Hulpe) JDT Consult SPRL (Bruxelles) Mme Huguette Joly (Bruxelles) M. et Mme Jean-Louis Joris (Bruxelles) M. Paul Keymolen (Waterloo) Mme Emilie Kleiren (Silly) M. André Koeckelenbergh (Rognée) M. Louis Kovari (Bruxelles) M. Jean-Claude Laes (Bruxelles) M. et Mme J.-P. Langhendries-Destexhe (Soignies) M. Gregory Lewkowicz (Bruxelles) Mlle Eloise Lagrenee (Bruxelles) M. et Mme Lamant Debiesme (Wiers) M. et Mme Lambros Couloubaritsis Tselentis (Bruxelles) M. Alain Laudet (Namur) 174 M. Alex Lefebvre (Bruxelles) Mme Maggy Lemaire Gibon (Bruxelles) Mme Jeanne Lemoine (Rotheux-Rimière) M. Cedric Libert (Bruxelles) M. Silvain Loccufier (Hekelgem) Mme Isabelle Loeb (Woluwe-Saint-Étienne) Mme Micheline Loijens (Bruxelles) Mme Chantal Leitz (Saint-Hubert) M. et Mme Paul Mahieu Bottemanne (Bruxelles) Mme Anne Marchal (Bruxelles) Mme Huguette Marien (Bruxelles) M. Luc Massaer (Bruxelles) M. Thierry Massart (Bruxelles) Mme Carole Masson (Bruxelles) M. Pierre Mathieu (Spy) Medi-Grippelotte (Sambreville) Medigal SA (Acoz) Mme Benedicte Meekers (Bruxelles) Mme Andrée Meyer (Bruxelles) M. et Mme Minne-Breulet (Genval) M. John Moedbeck (Drogenbos) M. Fernand Moeykens (Knokke-Heist) M. et Mme Claude Monnier Pierard (Chastre) Mme Carmen Moriame (Bruxelles) Mme Michèle Nahum Hasquin (Bruxelles) M. Denis Nanga Na Kayika (Rhode-Saint-Genèse) M. Jonathan Nayigiziki (Lincent) Docteur Pierre Nokerman (Bruxelles) M. Pierre Papleux (Ath) M. Guy Patris-Moreau (Gembloux) M. et Mme Penneman Vanhaverbeke (Machelen) M. Christian Peeters (Bruxelles) People and Places (Bruxelles) Mlle C. Pierard (Mons) M. Pierre Pierart (Bruxelles) M. et Mme Poblete Garces-Poblete Gal (Liège) M. Roland Pochet (Bruxelles) M. Karel Poma (Wilrijk) M. Roland Potvliege (Bruxelles) ULB DHC 175e M. Georges Preseau (Bruxelles) M. et Mme J. Puissant Gubin (Bruxelles) M. Georges Reichenberg (Bruxelles) M. Michel Roeykens (Bruxelles) Docteur Alexandre K. Samii (Knokke) Sanofi-Aventis Belgium SA (Diegem) M. Jean Sauwen (Bruxelles) M. Yves Schlesser (Luxembourg) M. Serge Schiffmann (Bruxelles) M. S chnek (Bruxelles) M. Jean Paul Sculier (Bruxelles) M. Jean Spreutels (Bruxelles) M. et Mme V. Stiennon Gourni (Mont-Sainte-Aldegonde) M. A. Swinnen (Nieuwerkerken) M. P. Thery (Virginal-Samme) M. J.-M. Thomas (Bruxelles) Mme Françoise Thys-Clément (Bruxelles) M. Raymond Tilte (Couillet) M. et Mme Robert et Nicole Tollet-Orban (Bruxelles) M. Emmanuel Toussaint (Bruxelles) Mme Samantha Turner (Bruxelles) Mme Anne Vandecauter (Neder-Over-Heembeek) M. Eric Vanderbeck (Bruxelles) M. Frederic Vander Sande (Bruxelles) M. Henri Van Dierdonck (Courtrai) Mme Marie-Antoinette Van Durme (Bruxelles) Docteur Michel Vanhaeverbeek (Montigny) Mme Régine Van Hentenryk (Bruxelles) Mme R. Vercauteren Drubbel (Bruxelles) Mme Monique Verdoodt (Bruxelles) M. Philippe Vincke (Marcq) M. Marcel Voisin (Mons) M. et Mme Bernard Vray Dedister (Bruxelles) M. et Mme M. et D. Wajs-Waks (Bruxelles) Mlle Edith Weemaels (Bruxelles) M. et Mme John Werenne Dekens (Grez-Doiceau) XLAND SPRL (Bruxelles) SPRL Xland (Woluwe-Saint-Pierre) Annexes 175