ULB DHC 175e - retouralaccueil Érudit

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ULB DHC 175e - retouralaccueil Érudit
ULB DHC 175e
2010 – 1898
ULB DHC 175e
2010 – 1898
Édité par
Didier Devriese
Carole Masson
Anne Thomas-Lemoine
Remerciements
Les éditeurs adressent leurs vifs remerciements à tous ceux qui ont contribué à la réalisation de cet ouvrage et en particulier Valérie Bombaerts (Département
des Relations extérieures), Alain Dauchot (Département des Relations extérieures), Véronique Delannay (Archives et Bibliothèques de l’ULB), Françoise Delloye
(Archives et Bibliothèques de l’ULB), Pascale Delbarre (Archives et Bibliothèques de l’ULB), François Frédéric (Archives et Bibliothèques de l’ULB), Cécile Gass
(Archives et Bibliothèques de l’ULB), Christel Lejeune (Département des Relations extérieures) et Isabelle Pollet (Département des Relations extérieures).
Les notices biographiques des DHC ont fait l’objet d’un travail intermédiaire durant un séminaire d’Histoire contemporaine de BA2 à l’ULB dirigé par Kenneth Bertrams.
Nous tenons à remercier les étudiants Karim Attanjaoui, Maxime Badard, Johan Baise, Julie Bottu, John Claeys, Olivier Conti, Victoria Debry, Christophe De Coen, Fabien
De Moor, Romain Degen, Laure Delacroix, Hélène Delacroix, Stéphanie Demeuldre-Coché, Fabian De Moor, Anne-Catherine Dumont, Martin Eggermont, Ziad El Baroudi,
Sarah Erman, Jean-Louis François, Bruno Gérard, Joëlle Grevig, Philippe Halasz-Baradlay, Guillaume Henn, Thomas Hinnion, Elora Hotermans, Vicky Ioannidis, Audry
Lambert, Anne Lannoye, Félicie Lécrivain, Laura Lhoest, Alexandre Macha, Sven Mausen, Gilles Mertens, Rainier Minez, Adrien Moons, Pablo Nyns, Samuel Pauwels,
Noémie Picavet, Sandrine Pierrard, Axel Pletinckx, Sophie Richelle, Jonas Roland, Amélie Roucloux, Isabelle Schwartz, Julien Sohier, Nicolas Solonakis, Sandra Stevens,
Max Stockmans, Mathieu Triffaux, Charlotte Vahsen, Marjorie Vandervaeren, Amandine Verheylewegen, Quentin Wicquart, David Zanetti pour leur contribution.
Nous tenons également à remercier Michaël Amara, Catherine Gauthier, Pierre Goldschmidt, Pierre-David Kusman, Ivan Roisin et Laurence Schram
pour l’aide qu’ils nous ont apportée dans la rédaction des notices, ainsi que Roger Boin et Francisca Medel pour la recherche iconographique.
Cet ouvrage n’aurait pas vu le jour sans le professionnalisme et le dévouement d’Aurélie Deblon et de Serge Vandenput.
Édition du texte : Carole Masson et Anne Thomas-Lemoine
Traduction : Taal-ad-Visie
Iconographie : Flore Alix, Anne-Sophie Devriese-Marchant et Anne Thomas-Lemoine
Conception graphique : Tertio-design.be - Serge Vandenput
Mise en page : Tertio-design.be - Aurélie Deblon et Serge Vandenput
Scans : François Delvin et Amélie Marchal
Impression : Hayez.be
Sources photographiques : Agência Brasil, Archives et Bibliothèques de l’ULB, Centre d’études et de documentation Guerres et sociétés contemporaines
(Ceges-Soma), Centre des technologies au service de l’enseignement – Cellule Image (ULB), Collection Boin V., Collection Jadot J. / Rousseau J. J., Département
des Relations extérieures (ULB), Deutsches Bundesarchiv, Forum économique mondial, Fundación Salvador Allende, Getty Images, Kunsthistorisches
Museum (Vienne), Le Soir, ONU, Oranje Nassau Museum (Delft), Pressens Bild, Rijksmuseum (Amsterdam), The Heart Truth et UNESCO.
Le présent ouvrage est édité par les Archives et Bibliothèques de l’ULB à l’occasion de la célébration du 175e anniversaire de l’Université libre de Bruxelles.
Droits réservés : Malgré toutes les démarches entreprises, les éditeurs de cet ouvrage n’ont pas pu retrouver l’origine de certaines
photographies. S’ils se reconnaissent, les ayant-droit de ces photographies peuvent prendre contact avec les éditeurs.
Dépôt légal : D/2010/2032/1
©2010 - Archives et Bibliothèques de l’Université libre de Bruxelles.
Sommaire
Les Docteurs Honoris Causa de l’Université libre de Bruxelles 2010 – 1898
Chapitre I
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
9
Chapitre II
Pour une histoire des DHC
137
Du balayeur de rue au président des États-Unis…
Caractère ambigu et genèse controversée du doctorat honoris causa
139
Pieter Dhondt
Anne-Sophie Devriese-Marchant, Aude Rapatout et Chantal Zoller
Relire l’histoire des DHC de l’Université libre de Bruxelles
Kenneth Bertrams, Didier Devriese et Kim Oosterlinck
Annexes
Liste des DHC des Facultés
168
Index des notices
172
Crédits photographiques
173
Liste des souscripteurs
174
ULB DHC 175e
150
Sommaire
Préface
Au moment où l’Université libre de Bruxelles fête l’accomplissement de sa 175e année, il paraît naturel de se pencher sur l’histoire de notre communauté. Si notre histoire, notre ancrage philosophique – données essentielles de notre identité – donnent à notre Université une dimension particulière, cette identité ne se limite pas non plus
à ceux-ci : l’Université libre de Bruxelles est avant tout une université tournée vers l’avenir, moderne au sens où elle entend vivre avec son temps.
Relire l’histoire de l’ULB au travers de l’histoire de ses docteurs honoris causa, c’est y lire les rapports qu’elle entretient avec la société qui l’entoure, une histoire des
valeurs qu’elle défend et de la vision du monde qu’elle promeut… même si parfois, libre examen oblige, cela met en lumière et a posteriori quelques errements dus à l’air
du temps.
Libre examen, tolérance, droits humains, science et société sont autant de constantes dont nos docteurs honoris causa sont les étendards : elles nous portent vers le
futur.
Jean-Louis Vanherweghem,
Président du Conseil d’administration.
Philippe Vincke,
Recteur.
ULB DHC 175e
Préface
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa de
l’Université libre de Bruxelles
2010 – 1898
Françoise
Barré-Sinoussi
Mario Capecchi
Chercheuse en virologie à l’Institut
Pasteur à Paris, Françoise BarréSinoussi est corécipiendaire – avec
Luc Montagnier – du prix Nobel
de physiologie ou médecine en
2008 pour la découverte dès 1983
du virus de l’immunodéficience
humaine (VIH) à l’origine du sida.
Françoise Barré-Sinoussi dirige
l’Unité de régulation des infections
rétrovirales du Département de
virologie de l’Institut Pasteur.
Né à Vérone (Italie) en 1937, Mario
Capecchi émigre aux États-Unis
en 1946 avec sa mère rescapée
de Dachau. Prix Wolf de médecine
en 2003, il reçoit avec Evans et
Smithies le prix Nobel de physiologie
ou médecine en 2007, pour avoir
identifié les modifications génétiques
de lignées de souris par intégration
de cellules souches embryonnaires.
Les travaux de Capecchi sur les
souris transgéniques ont contribué
à la connaissance des fonctions et
mécanismes de régulation des gènes,
mais aussi à la création de nombreux
modèles d’étude de maladies.
Depuis 2007, elle est coprésidente
du comité d’éthique de l’Institut
Pasteur et est très impliquée dans la
promotion de l’intégration entre la
recherche sur le sida et les actions
dans les pays pauvres, via le réseau
international de l’Institut. Elle dirige
également le site « Asie du Sud-est »
de l’Agence nationale de recherches
sur le sida et les hépatites virales.
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11
Alain Connes
Christian de Duve
Né à Draguignan en 1947, Alain
Connes fait ses études à l’École
normale supérieure (ENS). Dans
les années 1980, il est directeur de
recherche au CNRS et professeur au
Collège de France, chaire Analyse
et géométrie, depuis 1984. Ses
travaux de recherche révolutionnent
la théorie des algèbres de Von
Neumann et résolvent la plupart
des problèmes, notamment la
classification des facteurs de type
III. Ils lui valent la médaille Fields
en 1982, le prix Crafoord en 2001 et
la médaille d’or du CNRS en 2004.
Né à Thames Ditton, près de Londres,
en 1917, Christian de Duve est
diplômé de l’Université catholique de
Louvain en médecine et en chimie.
Perfectionnant les techniques
de séparation des constituants
cellulaires par centrifugation
mises au point par Albert Claude,
il décrit pour la première fois deux
organites cellulaires inconnus
jusque là : le lysosome (1955) et
le peroxysome dix ans plus tard. Il
réussit à montrer que les différentes
structures visibles dans les cellules
sont des entités fonctionnelles
limitées par une membrane et
qui concentrent en leur sein des
enzymes spécifiques, véritables
marqueurs de ces structures.
Alain Connes a largement contribué
à la création d’une nouvelle branche
des mathématiques : la géométrie
différentielle non-commutative.
Son travail a permis de donner
un cadre mathématique à des
problèmes de mécanique quantique
et à la théorie de la relativité.
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En 1974, il reçoit – avec Albert Claude
et George Emil Palade – le prix
Nobel de physiologie ou médecine
pour avoir découvert comment la
cellule peut absorber ou détruire les
substances, bonnes ou mauvaises,
sans altérer son fonctionnement.
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Pierre Deligne
Ronald Dworkin
Né à Bruxelles en 1944, Pierre Deligne
est diplômé en mathématiques de
l’ULB. Récompensé par la médaille
Fields en 1978 pour sa preuve des
conjectures de Weil en géométrie
algébrique, il utilise une nouvelle
théorie de cohomologie appelée
« cohomologie étale » – fondée
sur les hypothèses d’Alexandre
Grothendieck – qu’il applique
avec succès aux conjectures de
Weil. Il reçoit également le prix
Crafoord en 1988, le prix Balzan
en 2004 et le prix Wolf en 2008.
Philosophe du droit engagé, né
à Worcester (États-Unis) en 1931,
Ronald Dworkin fait ses études à
Harvard et à Oxford en philosophie
et en droit. Il travaille pour le célèbre
Learned Hand (juge américain
défenseur de la liberté d’expression)
à la Cour d’appel des États-Unis et
chez Sullivan & Cromwell. Il enseigne
ensuite à Yale, où il occupe la chaire
de jurisprudence, puis à Oxford,
Londres et New York, depuis la fin
de la décennie 1970. Riche de sa
double formation, il développe sa
réflexion en philosophie politique et
théorie du droit autour de deux axes
majeurs : la place de l’interprétation
en droit et la définition d’une forme
de libéralisme éthique et politique,
en rupture avec l’utilitarisme
et le positivisme juridique.
Ses travaux concernent aussi la
théorie de Hodge, les fonctions
modulaires, les conjectures
de Langlands et la théorie des
représentations. Ils apportent un
éclairage nouveau sur la relation
entre géométrie algébrique et
théorie du nombre algébrique.
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Sa théorie l’amène à prendre
position sur des questions
politiques importantes telles que
la désobéissance civique ou la
discrimination positive au profit
des minorités défavorisées. Il a
reçu en 2007 le prix Holberg.
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13
Gao Xingjian
ULB DHC 175e
David J. Gross
Écrivain, traducteur, dramaturge,
metteur en scène, critique et artiste,
né en 1940 à Ganzhou (province de
Jiangxi en Chine), Gao Xingjian est
aujourd’hui citoyen français. Envoyé
en camp de rééducation durant la
Révolution culturelle (1966-76), Gao
Xingjian ne peut rien publier avant
1979. Ses premiers écrits paraissent
dans des magazines littéraires en
Chine entre 1980 et 1987. Un grand
nombre de ses pièces expérimentales
et pionnières, inspirées par Brecht,
Artaud et Beckett, sont jouées au
Théâtre d’art populaire de Pékin.
Né à Washington en 1941, David
J. Gross est diplômé en physique
et mathématiques de l’Université
hébraïque de Jérusalem. En 1969, il
rejoint l’Université de Princeton où il
reste 27 ans et travaille sur la théorie
des cordes hétérotiques dont il est le
codécouvreur avec Harvey, Martinec
et Rohm. Avec Politzer et Wilczek,
deux de ses anciens étudiants, David
Gross découvre le fonctionnement
du noyau des atomes. Ils reçoivent
ensemble le prix Nobel de physique
en 2004 pour leurs travaux sur les
particules fondamentales quarks.
Suite à sa condamnation durant
la campagne contre la « pollution
intellectuelle » et à la censure qui
frappe ses œuvres, il se réfugie à
Paris en 1987. Déclaré persona non
grata par le régime, ses œuvres
sont interdites. Aujourd’hui traduit
dans de nombreuses langues et
joué partout dans le monde, Gao
Xingjian a reçu le prix Nobel de
littérature en 2000 pour « une œuvre
de portée universelle, marquée
d’une amère prise de conscience et
d’une ingéniosité langagière, qui a
ouvert des voies nouvelles à l’art
du roman et du théâtre chinois ».
Leur découverte rapproche la
physique du rêve de pouvoir
formuler une théorie qui engloberait
la gravité – une théorie du tout !
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Ronald Inglehart
Eric Maskin
Né dans le Wisconsin en 1934, Ronald
Inglehart se forme aux sciences
politiques à l’Université du Michigan.
Il dirige le « World Values Survey » :
un réseau de 180 sociologues
effectuant des sondages dans une
centaine de pays afin de savoir
comment les gens appréhendent
le monde. Ronald Inglehart a
également analysé les changements
culturels et leurs impacts politiques
et économiques lorsque de jeunes
populations remplacent les aînés
dans la population adulte.
Né en 1950 à New York, Eric
Maskin fait ses études à Harvard
où il décroche un doctorat en
mathématiques appliquées. Il rejoint
Cambridge en qualité de research
fellow en 1976 et enseigne au MIT
de 1977 à 1984 et à Harvard de
1985 à 2000, où il occupe la chaire
d’économie Louis Berkman. En 2000,
il entre à l’Institute for Advanced
Study de Princeton. En 2007, il reçoit,
avec Hurwicz et Myerson, le prix
Nobel d’économie pour ses travaux
basés sur la théorie des jeux, dont
les mécanismes peuvent éclairer le
fonctionnement des marchés. Connu
pour ses positions tranchées contre
les brevets logiciels à travers le
concept d’innovation incrémentale,
ses recherches actuelles concernent
la comparaison de règles électorales,
l’examen des causes d’inégalité
et la formation des coalitions.
The Silent Revolution traite
des changements affectant
les sociétés industrielles
avancées. Modernization and
Postmodernization défend l’idée
selon laquelle le développement
économique, les changements
politiques et culturels vont de pair
et sont, dans une certaine mesure,
prédictibles. En 2004, il réexamine la
thèse de la sécularisation et souligne
que la religiosité persiste davantage
parmi les populations vulnérables
mais constate, paradoxalement,
qu’une part de plus en plus grande
de la population mondiale passe
du temps à réfléchir au sens de la
vie et à des questions spirituelles.
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15
Mario J. Molina
ULB DHC 175e
Edmund Strother
Phelps
Né à Mexico en 1943, Mario J.
Molina se forme au Mexique, en
Allemagne et à Paris pour finalement
reprendre des études de chimie
à Berkeley en 1968. En 1995, il
reçoit avec Sherwood Rowland,
entre autres, le prix Nobel de
chimie, pour leurs apports dans
la compréhension des dommages
causés à la couche d’ozone terrestre
par les chlorofluorocarbones.
Ils montrent que les équilibres
chimiques de l’atmosphère peuvent
être perturbés par des éléments
en quantité infime dans l’air.
Économiste américain reconnu
pour ses travaux sur la croissance
économique menés à la Cowles
Foundation de Yale dans les
années 1960, Edmund S. Phelps
est notamment célèbre pour
avoir introduit à cette époque
une dimension microéconomique
fondée sur les anticipations dans
la théorie de la détermination
de l’emploi et de la dynamique
prix-salaires. Son travail le plus
connu est probablement sa théorie
du taux de chômage naturel
développée avec Milton Friedman.
En prouvant la responsabilité
des polluants d’origine humaine,
ils ont contribué, souligne le
jury Nobel, à éviter un problème
écologique planétaire. Leurs
travaux ont donné ses lettres de
noblesse à la climatologie.
L’Académie royale des sciences de
Suède a jugé que ses travaux sur les
arbitrages de politique économique
avaient permis « d’approfondir
notre compréhension des relations
entre effets à court terme et à
long terme » et « de changer notre
façon de percevoir l’interaction
entre inflation et chômage ».
Edmund S. Phelps a obtenu le prix
Nobel d’économie en 2006 pour
ses recherches sur les arbitrages
entre le long et le court terme des
politiques macroéconomiques. Ses
contributions ont été décisives, tant
pour la recherche en économie que
pour les politiques économiques.
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16
Rolf Zinkernagel
Né à Riehen (Suisse) en 1944, Rolf
Zinkernagel étudie la médecine à
l’Université de Bâle et poursuit des
études à Zurich. En 1996, il décroche
le prix Nobel de physiologie ou
médecine avec Peter Doherty.
Leurs travaux, centrés sur
des globules blancs, les
lymphocytes T cytotoxiques,
qui agissent en détruisant les
virus et les cellules infectées,
aboutissent à la découverte
du système de reconnaissance
par le système immunitaire des
cellules infectées par des virus,
parmi les cellules normales.
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17
Nawal El Saadawi
Docteur honoris causa 2007
Kafr Tahla, Égypte, 1931
Nawal El Saadawi naît dans un petit village près
du Caire. Son père, fonctionnaire au ministère
de l’Éducation, inscrit ses neuf enfants très tôt à
l’école. Consciente de cette chance, elle s’investit
sérieusement dans ses études secondaires qu’elle
termine brillamment avant d’entrer à la Faculté de
médecine de l’Université d’Aïn Chams du Caire en
1949. Six ans plus tard, fraîchement diplômée et
avec l’aide financière de ses parents, elle se rend à
l’Université de Columbia où elle obtient une maîtrise
en santé publique. Elle rentre alors en Égypte et
travaille comme médecin psychiatre à l’hôpital
universitaire du Caire de 1955 à 1965. Parallèlement
à son emploi à l’université, elle travaille au centre
de santé rurale de Tahla, son village d’origine où
vit encore une grande partie de sa famille. Grâce
à son travail, elle entre au ministère de la Santé
et occupe de 1966 à 1972 le poste de directrice
générale de l’éducation à la santé publique. Elle
crée en même temps un magazine médical, Health,
et devient la même année secrétaire générale
auxiliaire de l’Association égyptienne de médecine.
Conjointement à ces activités, Nawal El Saadawi se
consacre également à l’écriture, à travers laquelle
elle dénonce la condition féminine et la société
patriarcale en Égypte, les mariages forcés, l’excision
et l’exploitation néocolonialiste. Lorsqu’elle publie
en 1969 son livre Les femmes et le sexe, qui étudie
la place des femmes, de la sexualité et de la religion
dans la société , celui-ci est condamné par les
autorités politiques et religieuses. Le président
Anouar El Sadate la prive de son emploi au ministère
de la Santé en 1972 et ses écrits sont censurés
officiellement en 1973. Elle entre alors à l’Institut
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supérieur de littérature et de sciences et y reste
jusqu’en 1978. En 1979, elle devient conseillère aux
Nations unies pour le programme d’aide aux femmes
en Afrique et au Moyen-Orient. Mais le 6 septembre
1981, elle est arrêtée à son domicile et envoyée à
la prison des femmes de Kanater pour deux mois
et demi. Elle y rédige Mémoires de la prison des
femmes sur du papier toilette avec un crayon de
maquillage donné par une prostituée détenue. Elle
doit sa libération à la mort du président Sadate en
octobre de la même année. Un an plus tard, elle fonde
l’Association arabe pour la solidarité des femmes
qui sera interdite par le gouvernement en 1991.
À partir de 1988, son nom figure sur une liste de
condamnés à mort des organisations religieuses
extrémistes. Elle décide alors de s’exiler aux ÉtatsUnis avec son mari, Sherif Hetata, médecin et
romancier qui lui permet d’être publiée en anglais.
Elle enseigne dans plusieurs universités, puis rentre
en Égypte en 1996. Mais en 2001, trois de ses livres
sont interdits à la foire du livre du Caire. L’année
suivante, l’Université al-Azhar l’accuse d’apostasie.
Elle se présente en 2004 comme candidate à l’élection
présidentielle d’Égypte face à Hosni Moubarak,
le président sortant. Elle souhaite ainsi montrer
publiquement les limites de la tolérance et de
l’ouverture affichées par le gouvernement sortant.
Le 28 janvier 2007, elle est accusée officiellement
par la Cour de justice égyptienne d’acte d’apostasie
et de manquement au respect des religions, puis elle
est interrogée par le procureur général du Caire. Ce
sont ses écrits, notamment sa pièce de théâtre Dieu
a démissionné au sommet, qui sont à l’origine de
ces accusations. À l’issue du procès qu’elle gagne
l’année suivante, elle quitte l’Égypte et retourne
aux États-Unis où elle enseigne actuellement.
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18
Radhia Nasraoui
Docteur honoris causa 2005
Tunisie, 1953
Radhia Nasraoui est une avocate tunisienne du
barreau de Tunis spécialisée dans la défense
des droits humains. Déterminée à étendre la
liberté d’expression en Tunisie, elle défend divers
opposants tunisiens, du temps de Bourguiba
comme aujourd’hui, sous Ben Ali, en plaidant pour
des syndicalistes, des islamistes, des militants
d’extrême gauche ou des défenseurs des droits de
l’homme. Elle est membre de la Ligue tunisienne
des droits de l’homme, de l’Association des femmes
démocrates, d’Amnesty international Tunisie, de
l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT).
Issue d’une riche famille agricole, Radhia Nasraoui
fait des études de droit de 1971 à 1976 à l’Université
de Tunis. En 1972, elle commence à militer au sein des
structures provisoires de l’UGET (Union générale des
étudiants de Tunisie) et dans une cellule d’El Amel
Tounsi dans le sillage du mouvement de février 1972.
Au début des années 1970, elle rencontre son futur
mari, Hamma Hammani, étudiant en philologie arabe
à l’Université de Tunis. Ils se marient en 1981, après
que son mari ait passé six ans en prison pour avoir
milité au sein d’une association non reconnue. Le
couple a trois filles : Nadia (1985), Oussaïma (1990)
et Sarah (1999). Dès le début de sa carrière d’avocate
en 1978, elle s’implique dans des procès politiques,
à commencer par ceux des syndicalistes de l’UGTT
(Union générale tunisienne du travail). Elle est dès lors
confrontée à diverses formes de harcèlement, dont de
multiples mises à sac de son bureau, l’intimidation de
ses clients, et la surveillance constante de sa famille
et d’elle-même. En 2002, elle entame une grève de la
faim afin d’obtenir la libération de son mari à nouveau
condamné, et pour que cessent les tortures physiques
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et morales que subissent ses enfants. En 2003 et
2004, elle entreprend à nouveau des grèves de la
faim pour la défense de sa dignité en tant qu’avocate
et citoyenne. Avec Chokri Latif, Ali Ben Salem et Rida
Barakati, elle crée en 2003 l’Association de lutte
contre la torture en Tunisie (ALTT), qui regroupe une
vingtaine de militants des droits de l’homme, des
avocats et des universitaires. L’ALTT, dont elle est
présidente, défend toutes les victimes de tortures
et d’emprisonnements politiques ou idéologiques.
Pour son dévouement, sa détermination en faveur de
l’émancipation des citoyens tunisiens et la promotion
des droits humains en Tunisie, ainsi que pour son
courage face à l’oppression qu’elle et sa famille
subissent, elle reçoit le titre de docteur honoris
causa de l’Université libre de Bruxelles en 2005,
quelques mois après avoir été violemment attaquée
et défigurée par la police du président Ben Ali.
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19
Robert Maistriau
Docteur honoris causa 2005
Ixelles, Belgique, 1921 –
Woluwe-Saint-Lambert, Belgique, 2008
Robert Maistriau passe toute son enfance à
Bruxelles. Il fait ses humanités à l’athénée
d’Uccle. C’est là qu’il rencontre Georges « Youra »
Livschitz, Jean Franklemon et Robert Leclercq.
Au printemps 1943, il retrouvera ses trois
condisciples dans des conditions particulières.
Alors qu’enfle la rumeur concernant le génocide,
Ghert Jospa, Maurits Bolle et Roger Van Praag,
membres du Comité de défense des Juifs (CDJ),
imaginent une action contre un transport de
déportation de Juifs. Mais le CDJ n’a pas les
moyens de mener ce type d’action tandis que le
Front de l’indépendance (FI) refuse de s’engager
dans une voie aussi téméraire. Youra Livschitz
décide de tenter le coup. Par le biais de Robert
Leclercq, il recrute Jean Franklemon et Robert
Maistriau. L’attaque du XXe transport marque
l’entrée dans la résistance de Robert Maistriau.
Il est alors étudiant à l’ULB. Il a 22 ans.
Après cette action, Robert Maistriau intègre les
rangs de la résistance. Actif au sein du Groupe G, né
au sein de l’ULB, il est responsable de la direction
nationale du recrutement et de l’organisation. Arrêté
à Bruxelles le 21 mars 1944, Robert Maistriau est
interné successivement à Breendonk, à Buchenwald,
à Ellrich et Harzungen, camps de concentration
annexes de Dora et enfin à Bergen-Belsen. Le
15 avril 1945, très affaibli, il est libéré par les
troupes britanniques et rapatrié en Belgique.
Jean Franklemon est interné à Breendonk
puis à la prison de Saint-Gilles. Youra
Livschitz est fusillé le 17 février 1944.
En 1947, Robert Maistriau émigre au Congo. Après
avoir travaillé comme gérant d’une chaîne de
magasins, il entame un élevage de bovins et se
consacre à un projet de reboisement. Contraint
de rentrer en Belgique pour des raisons de santé,
Robert Maistriau décède le 27 septembre 2008.
Le 19 avril 1943, les trois amis quittent la place Meiser
à vélo jusqu’au tronçon Boortmeerbeek-Wespelaar,
à une dizaine de kilomètres de la caserne Dossin,
camp de rassemblement de Juifs. Munis d’une lampetempête, d’une pince, d’un revolver et de quelques
balles, ils attendent l’arrivée des wagons à bestiaux.
Leur signal lumineux oblige le train à s’arrêter. Tandis
que Youra Livschitz et Jean Franklemon sont aux
prises avec les Schupos et que la fusillade éclate,
Maistriau parvient à ouvrir la porte d’un wagon
d’où s’enfuient 17 déportés. Des 1 636 déportés,
232 parviennent à s’évader, 26 sont abattus.
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20
Alpha Oumar Konaré
Docteur honoris causa 2005
démocratique qui s’affirme au Mali et qui conduit
au renversement du général Moussa Traoré.
Kayes, Mali, 1946
Fils de Dougoukolo Konaré, enseignant, Alpha
Oumar Konaré naît à Kayes et fait ses études
secondaires au collège moderne de Kayes puis au
lycée Terrasson de Fougères à Bamako. Il poursuit
des études supérieures en histoire et géographie
à l’École normale supérieure de Bamako (19651969) puis soutient une thèse de doctorat en
archéologie à l’Université de Varsovie (1971-1975).
Après le coup d’État de Moussa Traoré en 1968, il
devient militant du « Parti malien du travail », alors
clandestin. C’est au cours de ses études à l’École
normale supérieure de Bamako qu’il rencontre son
épouse, Adama Ba Konaré, historienne également.
Alpha Oumar Konaré a tout d’abord enseigné,
comme son père, avant de devenir journaliste
puis libraire. En 1978, pratiquant une politique
d’ouverture, le général Moussa Traoré l’invite à
rejoindre son gouvernement en tant que ministre
de la Jeunesse, des Sports, de l’Art et de la Culture.
Il démissionne deux ans plus tard en raison de
désaccords politiques profonds avec le régime. Il
retourne à sa carrière d’enseignant et de chercheur
notamment dans le domaine de la muséologie. Il
est élu à la présidence du Conseil international des
musées en 1986. Sa vision d’un musée conçu par
et pour les Africains fait de lui une des références
internationales en matière de muséologie. Passionné
de culture, il fonde en 1983 la coopérative culturelle
Jamana, dont le but est la collecte et la diffusion
écrite des œuvres orales du patrimoine malien.
Il maintient des actions politiques et syndicales
en lançant en 1989 un journal clandestin, Les
Échos, qui devient le symbole du mouvement
ULB DHC 175e
En 1990, il participe à la fondation de
l’Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA),
association pour la défense de la démocratie,
qui devient un parti en 1991 : l’ADEMA-PASJ
(Parti africain pour la solidarité et la justice).
C’est à la tête de ce parti qu’il participe aux élections
dont il remporte les présidentielles en 1992. Il devient
le premier président élu de la troisième République
du Mali. Hostile à la peine de mort, Alpha Oumar
Konaré commue en peines de détention à perpétuité
les peines de mort prononcées contre Moussa Traoré
et son épouse, puis les gracie en 2002. En 1997, Alpha
Oumar Konaré se représente pour un second mandat,
mais certains partis d’opposition dénoncent la
mauvaise organisation des élections et demandent la
suspension des élections. Pour protester contre cette
mauvaise organisation, reconnue par les autorités,
les 14 partis d’opposition boycottent les élections et
retirent leurs candidats, ne laissant qu’Alpha Oumar
Konaré en lice. Ces partis demandent sans succès
un report des élections. À la veille des élections,
deux candidats reviennent sur leur décision et se
présentent face à Alpha Oumar Konaré, qui remporte
les élections au premier tour avec 84,4% des voix.
La Constitution limitant l’exercice présidentiel à
deux mandats, il ne peut se représenter en 2002.
Sa politique a pour objectifs le développement
culturel et économique du Mali et de l’Afrique,
la lutte contre la corruption, la délinquance
financière et le trafic d’armes, dans le maintien
de la démocratie et de la paix. Il mène à bien une
politique de décentralisation et arrive à redresser
une économie en grande difficulté. Durant
son premier mandat, il recherche une solution
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
21
Alpha Oumar Konaré
aux conflits avec les Touareg, solution qui se
concrétise par la cérémonie de la Flamme de la
paix en 1996, au cours de laquelle les armes de la
rébellion touareg sont brûlées symboliquement.
Il contribue au projet d’Union africaine, et
est nommé président de la commission de
l’Union africaine en juillet 2003. Panafricaniste
convaincu, il développe au sein de l’Union
africaine, la vision d’une Afrique où cohabitent
cultures, religions, philosophies, civilisations,
dans le respect des rapports homme-femme.
Sa vision d’une Afrique ouverte, la politique qu’il
a menée et sa volonté de préserver la paix et
la démocratie, conduisent l’Université libre de
Bruxelles à lui remettre, en 2005, le titre de docteur
honoris causa, après les universités du Michigan
(USA) en 1998 et de Rennes II (France) en 1999.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Pierre Goldschmidt
Docteur honoris causa 2005
Des études universitaires durant les Golden Sixties
bouillonnantes de contestation et de créativité,
un dîner en 1961 avec Werner Heisenberg pour
évoquer sa brève détention, en 1945, avec d’autres
physiciens allemands dans la maison familiale, le
souhait exprimé par sa mère d’avoir un fils « savant
atomiste », et la conviction des bienfaits potentiels
des sciences nucléaires : tous les ingrédients sont là
pour que Pierre Goldschmidt décide de s’orienter vers
les applications pacifiques de l’énergie nucléaire.
Ingénieur civil électromécanicien de l’Université
libre de Bruxelles en 1963, titulaire d’un Master of
Science en ingénierie nucléaire de l’Université de
Berkeley en 1966, docteur en sciences appliquées de
l’ULB en 1971, Pierre Goldschmidt abandonne cette
orientation scientifique pour se tourner vers une
carrière technico-commerciale à la Belgonucléaire
d’abord, au bureau d’études Electrabel ensuite.
En 1977, il participe à la création de Synatom,
une filiale du producteur belge d’électricité qui
deviendra l’une des entreprises européennes les
plus performantes du cycle du combustible. Il y sera
confronté à des défis stratégiques et politiques tant
nationaux qu’internationaux. Très tôt il prône, calculs
économiques à l’appui, l’utilisation du plutonium
d’origine militaire pour la production d’électricité.
En 1987, il devient directeur général de Synatom,
et, en 1989, membre du directoire d’Eurodif, leader
mondial de l’enrichissement de l’uranium.
Mais son parcours ne s’arrête pas là : membre du
comité consultatif de l’Agence d’approvisionnement
d’EURATOM, de l’Organisation des producteurs
d’énergie nucléaire à Paris et de l’Uranium
Institute de Londres, il est reconnu par ses
pairs pour ses connaissances, sa rigueur, ses
ULB DHC 175e
capacités de gestionnaire et le courage de
ses opinions, et est élu à la présidence de ces
différentes institutions internationales.
En octobre 1998, c’est devant un tableau de
Matisse au musée de Nice que la carrière de
Pierre Goldschmidt prend un nouveau tournant :
il y rencontre Mohamed El Baradei qui assiste à la
même conférence internationale et qui lui signale
la vacance du poste de directeur général adjoint
de l’Agence internationale de l’énergie atomique
(AIEA) en charge du contrôle des garanties. Deux
jours plus tard, Pierre Goldschmidt soumet sa
candidature et est engagé dans un délai dont la
brièveté témoigne du soutien qu’il rencontre.
Arrivé à un âge où il aurait pu songer à une retraite
bien méritée, il prend ses fonctions à Vienne le 1er
mai 1999 à la tête du département des garanties qui
compte 650 personnes de 86 nationalités différentes.
Il y est immédiatement confronté à plusieurs crises
qui secouent alors le monde : l’ex-Yougoslavie,
l’Irak et la Corée du Nord d’abord, puis l’Iran et la
Lybie, pour ne citer que les plus médiatiques.
C’est loin des médias pourtant que Pierre
Goldschmidt, préférant la diplomatie secrète
aux feux de la rampe, œuvre avec détermination
et efficacité au renforcement du régime de nonprolifération. C’est ce que mettra en exergue
l’American Physical Society en lui décernant en 2008
le prestigieux Burton Award, « for transforming the
safeguards culture and procedures of the IAEA,
greatly strengthening its ability to detect nuclear
proliferation activities, and for his courage and
integrity, especially in the period 2002 – 2003 ».
Son travail a contribué significativement à l’attribution
du prix Nobel de la Paix à l’AIEA en octobre 2005.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Pierre Goldschmidt
À son départ de l’AIEA quelques mois plus tôt,
Pierre Goldschmidt décide de rejoindre le think tank
américain Carnegie Endowment for International
Peace, dont il est senior associate. C’est dans ce cadre
qu’il continue à proposer des solutions originales
en vue de renforcer le régime de non-prolifération
des armes nucléaires et à influencer les décideurs
politiques de ce monde… dans l’ombre, bien entendu.
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Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Baltasar Garzón Real
Docteur honoris causa 2005
Torres, Espagne, 1955
Issu d’une famille modeste originaire de la province
de Jaén dans le sud de l’Espagne, Baltasar Garzón
Real est le second de cinq enfants. Il passe son
baccalauréat dans une école catholique. Séminariste
pendant six ans, il est sur le point d’être ordonné
prêtre lorsqu’il entre à l’Université de Séville en
1975 et en sort diplômé en droit en 1979. Il gravit les
échelons de la magistrature provinciale de 1981 à 1986
avant de devenir inspecteur délégué de l’Andalousie
au Conseil général du pouvoir judiciaire en 1987 puis
juge d’instruction à la Cour nationale (Audiencia
Nacional de España) en 1988. Il met sa carrière de
magistrat entre parenthèses pour tenter de décrocher
un mandat sur la liste du PSOE à la chambre basse du
Parlement espagnol en 1993. Son but avoué est de
lutter contre la corruption qui s’est installée dans le
pays depuis l’arrivée des socialistes au pouvoir. Suite
à la victoire de Felipe González, il est nommé chef
national du plan de lutte contre la drogue. Cependant,
il démissionne rapidement de ses fonctions en
pointant le manque de soutien qu’accorde le
gouvernement à la lutte contre la corruption et
reprend sa charge de magistrat instructeur. Ses
investigations en matière de terrorisme contribuent
à la condamnation en 1998 de José Barrionuevo
Peña, ministre de l’Intérieur du PSOE, dans l’affaire
des GAL (Groupes antiterroristes de libération), mais
aussi à la suspension pendant trois ans du parti
Batasuna (2002) et à la fermeture d’Egunkaria, le seul
journal édité entièrement en langue basque (2003),
pour leurs liens avec l’ETA. Les poursuites qu’il
engage contre des fonctionnaires argentins dans la
disparition de citoyens espagnols durant la dictature
argentine (1976-1983) ont mené à l’arrestation (1997)
et à la condamnation des militaires Miguel Angel
ULB DHC 175e
Cavallo et Adolfo Scilingo (2007). Baltasar Garzón
Real s’est fait connaître internationalement le 10
octobre 1998 en lançant un mandat d’arrêt contre
l’ancien dictateur chilien Augusto Pinochet. Désirant
l’entendre sur la torture et la mort de citoyens
espagnols suite au coup d’État au Chili de 1973, il met
pour la première fois en application la juridiction de
compétence universelle en Espagne en s’appuyant sur
le rapport de la commission chilienne pour la vérité.
Selon cette même procédure, il tente d’entendre
l’ancien secrétaire d’État américain, Henry Kissinger,
sur ses relations avec les régimes autoritaires
installés dans les années 1970 en Amérique latine et
concernant ce que l’on a appelé l’opération Condor.
Le Royaume-Uni refuse d’extrader Pinochet en
alléguant une prétendue mauvaise santé. N’hésitant
pas à enquêter sur les chefs d’État, Baltasar Garzón
Real demande en avril 2001, sans l’obtenir, la levée
de l’immunité parlementaire du premier ministre
italien Silvio Berlusconi auprès du Conseil de l’Europe
dans le cadre de son instruction sur la Telecinco.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Fadela Amara
Docteur honoris causa 2005
Clermont-Ferrand, France, 1964
Fadela Amara, de son vrai nom Fatiha Amara,
grandit avec ses dix frères et sœurs dans une
famille traditionnelle. Ses parents sont originaires
de Kabylie, en Algérie. Son père travaille comme
ouvrier dans le bâtiment et sa mère est femme
au foyer, tous deux sont analphabètes.
À 16 ans, elle s’engage dans la lutte contre la
destruction de son quartier en faisant du porte à
porte. Elle poursuit parallèlement ses études et
obtient un CAP de comptabilité. Quelques années
plus tard, en 1986, elle milite pour l’association SOS
Racisme. Elle y fait la rencontre de Mohammed Abdi ;
ensemble, ils créent la première Maison des potes,
association dont elle deviendra présidente en 2000.
En 2001, elle est élue conseillère municipale de
Clermont-Ferrand sur la liste du parti socialiste. Un
an plus tard, elle organise des états généraux à la
Sorbonne sur la thématique des conditions de la femme
et de la jeunesse dans les quartiers de France. Cette
réunion rassemble plus de 250 femmes qui rédigent
une pétition recueillant près de 20 000 signatures, et
dont la synthèse devient le Manifeste de revendication
des femmes des quartiers adressé à tous les candidats
républicains à l’élection présidentielle de 2002.
En novembre 2002, la mort tragique de Sohanne,
une jeune fille brûlée vive par un garçon dont
elle a repoussé les avances, provoque un grand
retentissement, d’autant que le garçon n’a pas agi
seul. Se pose la question de la violence dans les cités
urbaines et des inégalités entre filles et garçons. Une
« Marche des femmes des quartiers pour l’égalité et
contre les ghettos » est lancée. Partie de Vitry-sur-
ULB DHC 175e
Seine, où la jeune fille a été assassinée, elle s’achève
à Paris le 8 mars 2003 par une manifestation de 20
000 personnes, exigeant la fin de la loi du silence
et la liberté de parole pour toutes les femmes et
filles de la République. En mai 2003, une nouvelle
association émanant de l’association Touche pas à
mon pote voit le jour sous le nom de « Ni putes, ni
soumises » dans le but de lutter pour l’émancipation
des filles et des garçons, pour l’égalité des sexes,
pour la laïcité et pour la mixité dans les quartiers.
On cherche une femme qui accepte de devenir
porte-parole de ce mouvement et qui s’affranchisse
des règles traditionnelles imposées aux femmes ;
Fadela Amara est candidate puis élue présidente de
la nouvelle association. En 2005, elle reçoit le titre
honorifique de docteur honoris causa de l’ULB et,
un an plus tard, celui de la Manchester Metropolitan
University. Cette même année, Fadela Amara, membre
du Parti socialiste, réagit vigoureusement aux
propos du ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, qui
avait alors parlé de nettoyer les cités « au kärcher ».
Néanmoins, en juin 2007, elle accepte un poste de
secrétaire d’État dans le gouvernement présidé
par François Fillon sous la présidence de Nicolas
Sarkozy. Elle est chargée de la politique de la ville.
Son retournement politique, celui d’une femme
d’origine étrangère engagée politiquement à gauche
et appartenant à des organisations populaires,
passant dans un gouvernement de centre-droite
provoque une vive polémique sur tous les fronts
politiques, aussi bien à gauche qu’à droite. Ellemême justifie sa participation au gouvernement
par l’état d’urgence qui règne dans les banlieues.
Malheureusement, les plans Banlieue et Espoir
Banlieue, qu’elle confectionne et annonce à grands
renforts médiatiques, s’avèrent bientôt insuffisants,
aussi bien pour leurs solutions jugées simplistes,
que pour la faiblesse des moyens mis en œuvre.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Philippe Busquin
Docteur honoris causa 2004
Feluy, Belgique, 1941
Philippe Busquin naît dans une famille bourgeoise
du Hainaut. Pendant son adolescence, la récession
économique de sa région et les drames sociaux
qui l’accompagnent le marquent fortement surtout
lorsque son père, cadre, est lui-même licencié.
Après avoir obtenu sa licence en sciences physiques
à l’Université libre de Bruxelles, il devient professeur
à l’École normale de Nivelles. Les années 1960
marquent le début de son engagement politique :
Philippe Busquin s’affilie au Parti socialiste, entre
au Mouvement populaire wallon, et suit des stages
de la CGSP. Il se fait remarquer dans le conflit
qui oppose la population de Feluy à une usine
désireuse de créer un site pétrochimique dans la
région. En 1971, il devient président de la section
socialiste de Feluy ; sa progression s’accélère.
Successivement élu conseiller provincial, échevin
et député permanent du Hainaut à partir de 1977,
il se voit également confier par le président du PS
André Cools la présidence de la commission Énergie
du parti. Après les élections législatives de 1980,
il devient ministre de l’Éducation nationale et de la
Communauté française, puis ministre de l’Intérieur
quelques mois plus tard. Des postes qu’il ne conserve
pas longtemps : le remaniement du PS bouleverse
le gouvernement et l’envoie aux ministères de
la Région wallonne pour le Budget et l’Énergie,
où il œuvre vigoureusement pour les énergies
renouvelables, démontrant ainsi son engagement
en faveur de la recherche et de la science.
mandat en tant que ministre des Affaires sociales
à partir de 1988, il s’implique personnellement et
farouchement dans les problèmes de société, et
devient un des personnages politiques les plus
importants du pays. C’est donc presque naturellement
que tous se tournent vers lui lorsque la présidence
du PS est laissée vacante en 1992 après le départ de
Guy Spitaels. Philippe Busquin accepte cette charge.
Son mandat est parsemé d’embûches : de l’assassinat
d’André Cools aux « affaires » de détournements
de fonds Agusta et Dassault, le PS et ses membres
les plus influents sont régulièrement impliqués.
Lui-même n’est jamais inquiété par la justice, mais
devient la cible de l’opposition et de certains médias.
Lassé alors par la politique belge, il quitte sa
fonction de président du PS en 1999, ainsi que celle
de bourgmestre de Seneffe qu’il avait obtenue
quatre ans plus tôt, pour rejoindre la Commission
européenne et il obtient le poste de commissaire
chargé de la Recherche. Il s’implique activement
en faveur d’une coopération européenne de
financements pour la recherche, notamment par le
biais d’un projet d’Espace européen de la recherche.
Il réussit ainsi à faire évoluer certaines mentalités et à
lancer un réel développement de la science en Europe,
obtenant ainsi la reconnaissance de nombreux
observateurs et l’accès au titre de docteur honoris
causa décerné par l’ULB, l’Université de Mons-Hainaut
et la Faculté polytechnique de Mons en mars 2004.
Il rejoint le Parlement européen en
2004 pour un mandat de cinq années, et
redevient bourgmestre de Seneffe après les
élections communales d’octobre 2006.
Tout au long des années 1980, sa popularité dans
le parti ne cesse de croître, grâce à ce qu’il appelle
un « socialisme de cœur et de raison ». Lors de son
ULB DHC 175e
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Hywel Ceri Jones
Docteur honoris causa 2002
Neath, Pays de Galles, 1937
Fils de pasteur, poète à ses heures, Hywel Ceri
Jones est issu d’un milieu lettré. Originaire du Pays
de Galles, il y fait son parcours scolaire. Il suit des
études classiques et de français à l’Université
d’Aberystwyth, où il est président des étudiants.
Suite à l’obtention, en 1962, d’un diplôme en
éducation, il commence une thèse sur la vie et
l’œuvre de l’écrivain français Henri Barbusse. Mais
plus attiré par la politique que par l’enseignement,
il ne l’achève pas. Au début des années 1960, Hywel
Jones accepte d’entrer en fonction à l’Université du
Sussex. Durant douze ans, il occupe différents postes
éducatifs, notamment celui de conseiller principal
du recteur pour le développement et la recherche.
À la suite de l’adhésion du Royaume-Uni à
l’Union européenne en 1973, Hywel Jones entre
à la Commission européenne en tant que chef du
département pour l’éducation, l’enseignement
(primaire, secondaire et supérieur) et la politique
de la jeunesse. En 1976, il s’occupe également de la
formation des adultes et, en 1980, ajoute à la liste
de ses fonctions la promotion des correspondances
entre systèmes éducatifs, ainsi que l’éducation
des migrants et des handicapés. En 1981, il
devient directeur pour l’éducation, la formation
professionnelle et la politique de la jeunesse à
la direction générale. En 1989, il est directeur du
groupe de travail pour les ressources humaines,
l’éducation, la formation et la jeunesse. C’est à ce
poste qu’il crée, avec d’autres, différents programmes
parmi lesquels Erasmus, Tempus, Petra, Jeunesse
pour l’Europe, Eurydice. Ceux-ci ont pour but de
faciliter certaines activités des différents systèmes
et réseaux éducatifs, notamment la mobilité et
ULB DHC 175e
la coopération dans l’enseignement, ainsi que la
formation professionnelle des jeunes. En 1993, Hywel
Jones est en charge du poste de directeur général
adjoint pour l’emploi, les relations industrielles et les
affaires sociales. Au cours de cette période, il lance
plusieurs initiatives communautaires dont EQUAL,
New Opportunities for Women (NOW) et ADAPT.
Ces programmes ont pour objectif la lutte contre
toutes les formes de discriminations au travail, mais
aussi la formation et l’adaptation des travailleurs
aux changements et mutations industrielles.
En 1998, il quitte la Commission européenne après
vingt-cinq ans d’activité, pour occuper le poste,
durant un an, de conseiller principal du secrétaire
d’État du Pays de Galles. Il revient à Bruxelles,
au European Policy Centre entre 2000 et 2006.
Parallèlement, il préside l’Institut européen pour
l’éducation et la politique sociale à Paris de 2001 à
2004. Depuis 2003, Hywel Jones travaille au Network
of European Foundations où il occupe le poste de
conseiller à la politique européenne, et ce jusqu’en
juin 2009. Il est également membre du conseil francobritannique pour la collaboration entre ces deux pays.
Soucieux de changements et d’améliorations,
Hywel Ceri Jones travaille à une meilleure formation
professionnelle pour tous, ainsi qu’ à faciliter
les réseaux et les échanges entre les différents
systèmes éducatifs européens. Il s’investit dans
la lutte contre la discrimination et en faveur de
l’égalité pour tous et toutes, que ce soit au niveau
des formations ou de l’emploi. Il s’implique
également dans les questions industrielles, au
niveau des relations entre patrons et ouvriers.
Hywel Jones a reçu plusieurs distinctions honorifiques
dont le titre de docteur honoris causa des universités
du Sussex, d’Irlande, de Louvain, du Royaume-Uni
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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et de l’ULB, en 2002, conjointement aux autres
promoteurs du programme Erasmus, Angélique
Verli, Domenico Lenarduzzi et Alan Smith. Il est
également titulaire d’une honoris fellowship des
universités de Westminster, Aberystwyth, Swansea,
Glamorgan et Glyndwr. Au vu de sa contribution à
l’édification d’une Europe démocratique et humaniste,
il a été récompensé par la reine d’Angleterre et a
reçu une médaille d’or de la République d’Italie.
Hywel Ceri Jones s’est impliqué dans la construction
européenne afin que la formation professionnelle y
soit accessible à tous, que la mobilité y soit favorisée
et facilitée et que les discriminations disparaissent.
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Domenico Lenarduzzi
Docteur honoris causa 2002
à mettre en œuvre pour générer ce sentiment. Il
propose un projet d’échanges des jeunes entre
universités avec une reconnaissance des diplômes
acquis. Le 30 juin 1985, le rapport est accepté.
Turin, Italie, 1936
Domenico Lenarduzzi est né le 19 mars 1936 à
Turin d’une famille frioulane. En 1943, suite aux
bombardements, la famille retourne dans le Frioul
et y attend le père militaire qui, dès son retour,
repart pour la Belgique et les mines de Charleroi.
Il revient chercher sa famille trois ans plus tard. À
douze ans, un prêtre permet à Lenarduzzi d’étudier
au collège de Gerpinnes, lui évitant ainsi le dur métier
de mineur. À la veille de son entrée à l’université,
la poliomyélite conduit à la paralysie de ses deux
jambes. Malgré cela, il s’engage dans des études
d’ingénieur commercial à l’UCL durant lesquelles il
réussit à obtenir une des premières bourses pour
étudiants en difficulté financière. En 1959, ses études
terminées, il travaille en tant qu’assistant d’un de
ses professeurs, le doyen Urbain Vaes, par ailleurs
commissaire à la Cour des comptes. Lenarduzzi entre
alors à la Cour des comptes, s’installe à Bruxelles, et
entame des études de sciences politiques et sociales
à l’ULB. Il aide alors à l’élaboration d’un statut pour
les employés de la Commission européenne et est
élu représentant du personnel lors de la création
de l’union syndicale. En 1965, il passe le concours
d’entrée à la Commission européenne où il est
nommé à la direction générale des affaires sociales
et de l’emploi. Il se fixe alors un objectif : changer de
domaine tous les cinq ans, ce qu’il fait, passant par le
social, la politique régionale (bras droit du directeur,
il fut chargé de la régionalisation de l’ensemble
des politiques), l’élargissement de l’Europe, puis
la direction générale de l’éducation. En 1984, les
institutions européennes réalisent que la population
ne ressent aucun sentiment d’appartenance à
l’Europe. On demande alors à Lenarduzzi de
participer à la rédaction d’un rapport sur les moyens
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Plusieurs programmes sont mis en place pour
ce projet éducatif : Erasmus (1987-1988),
qui permet un échange d’étudiants entre les
universités européennes participantes ; Lingua
pour l’apprentissage de deux langues étrangères ;
et le programme Jeunesse pour l’Europe qui
permet les échanges de jeunes hors cadre
scolaire (scouts, volontariat européen, formations
professionnelles et formations pour adultes). Par
la suite, une rationalisation de ces programmes se
met en place, Socrates (réunion des programmes
éducatifs) et Leonardo Da Vinci (réunion des
programmes professionnels) naissent en 1995.
Parallèlement, Lenarduzzi s’est aussi beaucoup
battu pour scolariser les populations nomades,
marginalisées et rarement scolarisées.
Retraité depuis 2001, il est président de nombreux
comités et associations dont l’association frioulane,
le Fogolar de Bruxelles. Passionné par ses origines
frioulannes, Domenico Lenarduzzi déclare que
c’est grâce à elles qu’il a acquis ses convictions
européennes. En effet, à force de subir sa nationalité
tel un fardeau dans cette période d’après-guerre, il
a rêvé d’une Europe sans frontière où chacun aurait
sa place, sans différence d’origine. Il est titulaire de
nombreuses décorations et titres académiques, dont
celui de docteur honoris causa décerné par l’ULB
en 2002, avec les autres promoteurs d’Erasmus,
Angélique Verli, Hywel Ceri Jones et Alan Smith.
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Angélique Verli
Docteur honoris causa 2002
Athènes, Grèce, 1947
Angélique Verli grandit dans une famille
multiethnique : son père est un Grec d’Albanie et
sa mère une Serbe d’origine autrichienne. Ils se
sont rencontrés en Allemagne où ils travaillaient
pendant la guerre. Elle fait ses études primaires
et secondaires à Cos, une île du Dodécanèse.
Désireuse de faire ses études à l’étranger,
Angélique est candidate puis sélectionnée pour une
bourse à l’Université de Columbia, offerte par la
communauté grecque des États-Unis, à la condition
de disposer de 30 $ par mois. Or, cette somme
représente à l’époque le salaire mensuel d’un Grec
et la famille ne peut se le permettre. Angélique
Verli part alors pour Athènes où elle travaille
pour financer ses études de droit à l’Université
d’Athènes. C’est ainsi qu’elle intègre le Bureau
d’information européen d’Athènes : elle a 19 ans.
En 1981, la Grèce intègre l’Union européenne,
Angélique Verli quitte alors Athènes pour rejoindre
la section juridique de la direction générale des
affaires sociales à Bruxelles. Elle y obtient en 1985
le diplôme de licenciée spéciale en droit européen
de l’Université libre de Bruxelles. La même année,
sa section s’occupe de l’affaire Gravier, qui statue
sur l’égalité des droits universitaires entre nationaux
et non-nationaux, et qui fait jurisprudence en
matière de libre circulation des étudiants dans
l’UE, ouvrant ainsi la voie au programme Erasmus.
Angélique Verli se tourne alors vers son aspiration
première, l’enseignement international.
Le programme cherche à toucher le plus grand
nombre, quitte à accorder un budget plus restreint
à chaque étudiant. Le financement communautaire,
pourtant modeste, a été le catalyseur permettant le
succès exponentiel d’Erasmus : de 3 000 étudiants
et une centaine d’universités à 15 000 étudiants et
300 universités en deux ans. En 1995, elle participe
à la création du European Center of Public Law
(EPLC), directement issu du programme Erasmus
qui promeut le droit et la démocratie dans les pays
de l’UE et les pays tiers. Quatre ans plus tard,
lassée d’Erasmus, elle est nommée responsable du
programme Socrates (englobant lui-même Erasmus)
et du lancement du concept d’éducation tout au long
de la vie. Elle s’implique notamment dans le système
de transfert de crédits (European Credits Transfer
System), dans l’encadrement des compétences de
base dans l’enseignement et dans l’Institut européen
d’innovation et de technologie. En 2002, avec Hywel
Ceri Jones, Domenico Lenarduzzi et Alan Smith, autres
promoteurs de la coopération universitaire et des
échanges estudiantins, elle est distinguée docteur
honoris causa de l’Université libre de Bruxelles. De
2002 à 2006, Angélique Verli s’occupe des objectifs
d’éducation de la stratégie de Lisbonne. Pendant
trois ans, elle enseigne au Collège d’Europe les
modalités pratiques du processus de codécision
à des étudiants post-universitaires. Angélique
Verli est actuellement en charge de la coopération
internationale avec les pays industrialisés et des
programmes Erasmus Mundus et Tempus (le
premier visant l’excellence globale des universités
européennes ; le second œuvrant aux réformes
universitaires dans les pays voisins de l’UE). Elle a
pris sa retraite fin 2008 et vit désormais en Grèce.
En 1987, Hywel Ceri Jones, directeur de l’Éducation
à la Commission européenne, lui confie la
responsabilité du programme Erasmus.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Alan Smith
Docteur honoris causa 2002
Halifax, Angleterre, 1947
Alan Smith est né à Halifax, en Angleterre, d’un
père architecte et d’une mère bibliothécaire. Après
ses études secondaires, il fait une partie de ses
études supérieures à l’Université de Londres pour
étudier la littérature et la langue allemande, avant
de rejoindre la Philipps-Universität de Marbourg
en Allemagne. Diplômé, il travaille à la Conférence
des recteurs de la Communauté européenne (basée
en Allemagne de l’Ouest) en tant que secrétaire du
comité de liaison. Par la suite, il intègre l’Institut
européen de l’éducation et de la politique sociale
à Paris, en tant que chercheur. En 1980, il s’installe
à Bruxelles et travaille en collaboration avec
la Commission européenne. Dans un premier
temps, il s’intéresse au développement et à la
gestion « des programmes communs d’études »
(programme pré-Erasmus), puis dans un second
temps, il travaille à la coopération de la Commission
européenne dans l’enseignement supérieur et au
développement du nouveau programme Erasmus,
dont il est directeur de 1987 à 1992. De 1993 à 1994,
il est directeur de l’Association de la coopération
académique (ACA). Il est également secrétaire
général de plusieurs associations européennes,
dont l’ATEE (pour la formation des enseignants) et
la SEFI (pour la formation des ingénieurs). En 1995,
il devient fonctionnaire permanent des institutions
européennes, ce qu’il est toujours aujourd’hui.
Au cours des treize années de service auprès de la
Commission, Alan Smith a occupé plusieurs postes,
tels que coordinateur du programme Socrates,
chef adjoint de la politique sur l’apprentissage à
vie, chef de l’unité responsable de Comenius (pour
l’enseignement scolaire). Entre 2000 et 2005, il est
ULB DHC 175e
responsable de la gestion de l’action Grundtvig
de la Commission (action pour l’enseignement
général pour les adultes) et de la conception du
futur programme Grundtvig 2007-2013. Depuis cette
date, il est chef-adjoint de l’unité s’occupant de
l’éducation des adultes, où il est notamment chargé
de la coordination de ce programme Grundtvig au
sein du programme d’éducation et de formation
L’essentiel de son action consiste à élaborer une
stratégie pour la promotion de l’enseignement
supérieur européen dans le monde, et en particulier
pour le programme Erasmus Mundus, au sein de
l’unité Tempus et Erasmus Mundus qui fait partie de
la direction générale de l’éducation et de la culture de
la Commission européenne. Il est très investi dans les
programmes de coopération européenne en matière
d’éducation et de formation professionnelle et veut
contribuer à renforcer la dimension européenne
de l’éducation, par la promotion de l’innovation
pédagogique, l’encouragement au dialogue entre
les nations européennes, le combat contre les
préjugés et la lutte contre l’exclusion sociale. Alan
Smith est l’auteur de nombreuses publications sur
les questions concernant la coopération européenne
et internationale en matière d’éducation.
C’est en tant que pionnier du programme Erasmus
et grâce à sa contribution dans ce domaine
qu’il a reçu les insignes de docteur honoris
causa de l’Université libre de Bruxelles. Il a reçu
les mêmes honneurs de l’University of Center
England de Birmingham pour sa contribution à la
coopération européenne en matière d’éducation.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Toots Thielemans
Docteur honoris causa 2001
Bruxelles, Belgique, 1922
Issu des Marolles où ses parents tiennent un café,
Jean-Baptiste Thielemans s’intéresse très tôt aux
accordéonistes qui jouent dans l’établissement.
Son père remarque son intérêt pour l’instrument et
lui fait apprendre l’accordéon diatonique dès l’âge
de trois ans. À seize ans, il découvre l’harmonica
dans les films de Ray Ventura et en joue durant ses
loisirs. Si le déclenchement de la seconde guerre
mondiale interrompt ses études universitaires, c’est
pendant l’occupation que naît sa passion pour le
jazz. Dans les clubs où il débute, on lui conseille de
s’orienter vers un instrument plus approprié. Il se
tourne alors vers la guitare. C’est en écoutant les
disques de Django Reinhardt, sa première idole,
qu’il apprendra à en jouer. Engagé à la libération
dans de petites formations, on le surnomme Toots,
d’après les musiciens célèbres de l’époque, Toots
Mondello et Toots Camarata. Ce nouveau prénom,
beaucoup plus swing que Jean-Baptise, lui colle à
la peau pour le reste de sa carrière. C’est lors de la
tournée européenne de Benny Goodman (1950) qu’il
fait ses premiers pas sur la scène internationale.
Lorsqu’il part aux États-Unis en 1952, ses premiers
concerts se déroulent avec le Charlie Parker’s All
Stars et le George Shearing Quintet. Toots Thielemans
compose un standard du jazz en 1962, Bluesette.
Dans ce morceau, devenu un succès international,
il siffle et joue de la guitare à l’unisson, créant ainsi
un nouveau son. Le sifflement est d’ailleurs, après
l’harmonica et la guitare, son troisième instrument
de prédilection. Dans les années 1980, il collabore
à de nombreux albums de jazz avec Jaco Pastoruis
et Billy Eckstine, de rock avec Billy Joel ou encore de
pop avec Julian Lennon. Mais Toots Thielemans est
surtout l’interprète principal de plus de trente albums
ULB DHC 175e
de jazz des années 1950 à nos jours. Référence
incontestable de l’harmonica, il a été soliste pour de
nombreuses musiques de films (Macadam Cowboy,
Guet-apens, Jean de Florette, Yakuza, etc.) et pour 1
rue Sésame à la télévision. Son talent sans équivalent
pour cet instrument l’a conduit à partager la scène
avec les plus grands musiciens de son époque, de
Charlie Parker à Quincy Jones en passant par Frank
Sinatra et Ella Fitzgerald. Il est d’ailleurs le vainqueur
récurrent de la catégorie « Instruments divers » pour
le magazine de jazz Down Beat. Toots Thielemans,
le ket de Bruxelles dont la modestie et la gentillesse
sont reconnues par tous a reçu le titre de baron
et un doctorat honoris causa de l’ULB en 2001.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Joaquim Chissano
Docteur honoris causa 2000
Malehice, Mozambique, 1939
Joaquim Alberto Chissano, président du Mozambique
du 6 novembre 1986 au 2 février 2005, a accompagné
son pays dans toutes les péripéties qu’une histoire
agitée lui a imposées depuis 1974. Décrit comme un
homme de compromis, il a mené son pays vers la
paix, gravissant au long de sa carrière les marches
du pouvoir avec une agilité certaine. Il a occupé les
postes de secrétaire de la sécurité, d’officier général,
de ministre et, enfin, de président du Mozambique.
Né d’un pasteur méthodiste et instituteur le 22
octobre 1939 dans le petit village de Malehice, il
passe son enfance dans la province de Gaza. Il est
l’un des premiers étudiants noirs admis au lycée
Salazar de Lourenço Marques. C’est là qu’il rejoint
le NESMA (noyau d’élèves africains du secondaire),
puis qu’il s’inscrit à l’association des Mozambicains.
Ces premières implications ont marqué le début
de son engagement politique pour l’indépendance
du Mozambique. En 1960, il entame des études
supérieures à l’Université de Lisbonne au Portugal,
qu’il doit pourtant quitter clandestinement en 1961
en raison de ses activités nationalistes. Il est alors
arrêté et détenu à San Sebastian. À sa libération, il
s’inscrit à la Faculté de médecine de Poitiers. Il est
à l’origine de la fondation de l’Union nationale des
étudiants mozambicains dont il devient le premier
président. Cette responsabilité lui permet d’entrer
au Front de libération du Mozambique (FRELIMO) en
1962, parti d’idéologie marxiste-léniniste qui se lance
dans la lutte armée contre le colonialisme portugais
à partir de 1964. Au FRELIMO, Chissano gravit un à
un les échelons. Il est d’abord nommé secrétaire du
docteur Eduardo Mondlane, premier président du
parti, assassiné en 1969. Ce poste l’amène à voyager
ULB DHC 175e
à plusieurs reprises dans les pays de l’Est et en
URSS. En 1974, il est nommé premier ministre d’un
gouvernement provisoire à la suite des accords de
Lusaka. Le Mozambique est officiellement déclaré
indépendant le 25 juin 1975 et Samora Machel devient
le premier président de la République populaire du
Mozambique. Chissano devient ministre des Affaires
étrangères, membre du comité central, du bureau
politique et du secrétariat du FRELIMO, député et
membre de la commission permanente de l’Assemblée
et major des forces armées. Le 19 octobre 1986,
Samora Machel est victime d’un accident d’avion, et le
3 novembre de la même année, Chissano est nommé
à la tête du FRELIMO. En raison du monopartisme du
pays, il devient de fait le président de la République
du Mozambique. Il organise les premières élections
présidentielles et législatives pluralistes en 1994,
qui le donnent vainqueur avec 53,3 %. Il est de
nouveau élu en 1999 après une forte opposition
du parti Résistance nationale du Mozambique
(Renamo) emmené par Afonso Dhlakama. Chissano
ne brigue pas de troisième mandat lors des élections
de 2004. En octobre 2005, il est nommé conseiller
à la Conférence des Nations unies sur le commerce
et le développement. Il s’occupe ensuite des
négociations avec les acteurs de la crise malgache
en tant que médiateur nommé par la Communauté de
développement d’Afrique australe. Si son règne sur
le Mozambique est long, il n’en est pas moins marqué
par de fortes agitations constatées tant à l’intérieur
qu’à l’extérieur du pays. Toujours est-il que, si quelque
chose différencie Chissano de ses adversaires, c’est
sa reconnaissance sur la scène internationale où
sa modération, son pragmatisme et ses qualités de
gestionnaire en ont fait un représentant important de
l’Afrique dans le monde. Il est également apprécié en
Occident pour la bonne publicité que lui ont procurées
ses réformes libérales, l’abandon du marxismeléninisme, l’instauration du pluralisme politique
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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et l’ouverture vers une économie de marché. Il a
d’ailleurs été soutenu par les Nations unies et des pays
occidentaux lors des élections contestées de 1999.
Sur le plan sanitaire, il encourage les Mozambicains à
prendre toutes les mesures préventives nécessaires
face au sida et favorise la création d’usines de
fabrication de médicaments dans son pays . En
février 2000, il sollicite l’aide internationale suite
aux inondations catastrophiques qui touchent son
pays. Il se voit décerner, en 1997, le prix du leadership
en Afrique pour l’éradication durable de la faim
et, en 2007, le premier prix Ibrahim du leadership
d’excellence en Afrique. Malgré les polémiques, il est
perçu comme un modèle par les dirigeants africains.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Louise Arbour
Docteur honoris causa 2000
Montréal, Canada, 1947
Louise Arbour reçoit une éducation primaire et
secondaire dans une congrégation catholique. Elle
est titulaire d’un baccalauréat ès arts de l’Université
de Montréal en 1967. Après une licence en droit
obtenue avec distinction (1970), elle poursuit l’étude
du Common Law à l’Université d’Ottawa en parallèle
avec une fonction de commis aux affaires légales à la
Cour suprême du Canada (1971-1972). D’abord officier
de recherche pour la Commission sur la réforme du
droit au Canada (1972-1973), elle enseigne ensuite à
la Osgoode Hall Law School (1974-1987) avant d’être
la première femme et la première francophone à
être nommée à la Cour suprême de l’Ontario (1987).
En 1990, elle est nommée juge à la Cour d’appel
de l’Ontario, puis présidente de la commission
d’enquête ontarienne sur les événements survenus
à la prison de femmes de Kingston en Ontario.
aux droits de l’homme le 1er juillet 2004. Affirmant
que la responsabilité criminelle des responsables du
conflit israélo-libanais (juillet-août 2006) peut être
engagée, elle subit de fortes pressions visant à sa
démission. Elle ne demande pas le renouvellement
de son mandat qui arrive à terme le 30 juin 2008.
Au cours de sa carrière Louise Arbour a publié
de nombreux ouvrages dans le domaine du
droit pénal et de la procédure pénale. Louise
Arbour a reçu le titre de docteur honoris causa
de 27 universités et a été décorée de l’Ordre du
Canada, la plus haute distinction civile du pays.
Nommée procureur en chef du Tribunal pénal
international pour le Rwanda et du Tribunal pénal
international pour l’ex-Yougoslavie en 1996, elle
est responsable de l’instruction des dossiers et
de l’exercice des poursuites contre les auteurs de
violations graves du droit international humanitaire
dans ces deux pays. C’est en cette capacité qu’elle
inculpe Slobodan Milosevic de crimes de guerre en
mai 1999. Il sera le premier chef d’État appelé à rendre
des comptes devant un tribunal pénal international.
Elle est remplacée à ces fonctions par Carla Del Ponte
en août 1999. Le 15 septembre 1999, Louise Arbour
est nommée juge à la Cour suprême du Canada
par le premier ministre Jean Chrétien, une fonction
qu’elle quitte volontairement le 30 juin 2004. Elle
remplace Sergio Vieira de Mello, tué dans un attentat
à Bagdad, au poste de haut commissaire de l’ONU
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Simone Susskind
Docteur honoris causa 2000
Bruxelles, Belgique, 1947
Simone Susskind (née Weinberger) naît à Bruxelles
en 1947. Son père est originaire de Pologne, sa mère
de Transylvanie (Roumanie). Tous deux émigrent
en Belgique au début des années 1930, fuyant la
misère et l’antisémitisme. Une grande partie des
membres de leurs familles sont exterminés pendant
le génocide. Elle mène des études de sciences
sociales puis de sciences économiques à l’ULB à
la fin des années 1960. C’est là qu’elle entame son
parcours de militante. Jeune étudiante sioniste, elle y
rencontre Mony Elkaïm et Roger Lallemand, qui seront
déterminants dans l’affirmation de ses orientations
politiques. De son propre aveu, c’est au lendemain
de la guerre des Six Jours qu’elle et une partie des
militants sionistes qui la côtoient se rendent compte
de la réalité de l’« autre » peuple, chassé de ses
terres. C’est aussi l’époque de l’émergence d’un
mouvement national palestinien via l’Organisation
pour la libération de la Palestine, l’OLP, dont la
principale revendication est celle d’un État unique.
Adoptant une position différente sur la question, elle
participe à la création du Comité Israël-Palestine en
1967, dont le but est de faire coexister pacifiquement
les deux populations, sous le slogan « Deux peuples,
deux États ». Cette façon de voir va à contre-courant
à l’époque ; elle essuie les critiques des deux camps.
Lorsqu’elle prend la parole au Congrès juif mondial
de Jérusalem des années plus tard, elle provoque
une polémique en défendant cette position, en marge
des discours sionistes de l’époque. Elle s’engage
en parallèle de son combat pour le Proche-Orient
dans la défense de la liberté des Juifs de l’URSS.
Ainsi, à la fin des années 1970, elle accueille Anatoli
Kouznetsov, écrivain et dissident soviétique, à la
suite de son échange contre un espion russe. Elle
ULB DHC 175e
rencontre David Susskind, fondateur du Centre
communautaire laïc juif, une organisation judaïque
et laïque très influente dans la communauté juive
de Belgique. En se mariant, elle prend son nom, et
ils évoluent dès lors ensemble, intellectuellement,
politiquement et bientôt professionnellement. Ils
reçoivent tout au long de leur vie de nombreuses
personnalités, israéliennes autant que palestiniennes,
montrant, malgré leur engagement sioniste, une
volonté de conciliation et de territorialité partagée.
Simone Susskind devient directrice du CCLJ de 1986 à
1996, à la suite de David. Elle continue sur sa lancée
d’ouverture politique et milite au sein, du mouvement
israélien Shalom Ah’shav (La Paix maintenant). Elle
rencontre par exemple Issam Sartaoui en Israël. Celuici est numéro 2 de l’OLP et partisan palestinien du
dialogue. Il le payera de sa vie en 1983. Elle codirige
en 1988 l’ouvrage Judaïsme et laïcité, qui témoigne
de son point de vue laïc sur la judéité. Simone
Susskind se retrouve au début de la première Intifada
à une réunion internationale de féministes juives à
Jérusalem. À cause du contexte politique explosif,
elles se demandent ce qu’elles peuvent faire en tant
que femmes pour agir. À partir de cette expérience,
elle organise dès 1988 toute une série de forums
ayant pour thème le conflit israélo-palestinien, et
plus spécifiquement le rôle des femmes dans celui-ci.
L’objectif est de créer des liens et des échanges entre
communautés opposées, par l’intermédiaire de la
solidarité féminine. Elle est ainsi à l’origine de Women
Speak Out, en 1989, auquel participe Leïla Shahid
par exemple. Il y aura d’autres éditions de ce Women
Speak Out, notamment en 1992 sous le patronage de
Simone Veil. Elle fait le pari que la paix passera par les
femmes. On assiste aussi à la création de Jerusalem
Link – A Women’s Joint Venture for Peace, des
centres pour l’élaboration de ces échanges solidaires
féminins, dans les deux parties de Jérusalem. Elle est
élue Femme de l’année 1991 en Belgique, consécration
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Simone Susskind
de son engagement communautaire d’ouverture. Elle
participe en 1994 au sommet de Marrakech, première
conférence euro-méditerranéenne de femmes (plus
de 200 journalistes, militantes du monde associatif,
responsables politiques…) sur le thème Les femmes
et la paix. Simone Susskind crée en 1995 Actions in
the Mediterranean, une association entre femmes
des deux rives qui pensent que leur liberté et
leur espoir d’un monde meilleur ne pourront être
effectifs que par une collaboration directe. Sur le
modèle des forums israélo-palestiniens, elle élargit
le champ de ses actions avec les femmes. Ainsi
organise-t-elle en 1996 à Bruxelles une réunion de
femmes bosniaques, serbes et croates. Un an plus
tard, elle convie des Burundaises, des Hutus et des
Tutsis, puis des femmes chypriotes grecques et
turques, en présence de personnalités israéliennes
et palestiniennes. Sur le modèle de Jérusalem, c’est
un Cyprus Link qui voit le jour, ainsi qu’un Women
Speak Out in Cyprus. Parallèlement, elle s’engage en
politique sur les listes du Parti socialiste, notamment
lors des élections européennes de juin 2009.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Nora Irma Morales de Cortiñas
Docteur honoris causa 2000
Nora Irma Morales de Cortiñas est la mère de Carlos
Gustave Cortiñas. Ce jeune militant péroniste,
opposant au régime, a disparu le 15 avril 1977,
pendant la dictature militaire au pouvoir en Argentine
suite au coup d’État de 1976. On estime le nombre
de disparus (probablement assassinés et torturés)
à 30 000 pendant cette période. Le 30 avril de cette
année-là, a lieu la première manifestation des mères
des disparus. Elles se réunissent sur la place de Mai,
en face du palais présidentiel à Buenos Aires. Elles
passent presque inaperçues mais continuent à se
réunir, chaque fois plus nombreuses. Ces mères,
d’origines ethniques, sociales ou économiques fort
différentes unissent leurs forces dans leur combat
pour retrouver leurs enfants. Nora Irma Morales
de Cortiñas est cofondatrice du Mouvement des
mères de la place de Mai. Le mouvement connaît
néanmoins une scission, trois ans après la chute de
la dictature. D’un côté, le Mouvement des mères de
la place de Mai-Línea Fundadora, lancé le 16 janvier
1986. Ces mères acceptent la reconnaissance et
l’aide du gouvernement pour la perte de leurs fils, et
leur principal combat s’effectue pour récupérer les
corps et amener devant la justice les responsables.
Elles participeront à beaucoup de commissions
des Nations unies sur les droits de l’homme avec
une approche pluraliste et non-partisane. De
l’autre, l’Asociacion Madrés de la Plaza de Mayo :
cette dernière association rejette le soutien du
gouvernement de 1983, estimant que celui-ci n’a
pas reconnu sa faute, ni les liens avec la guerre
sale ni les disparitions forcées. Les mères qui en
font partie continuent le combat socialiste des plus
radicaux de leurs fils, et à ce titre sont en marge
politiquement. Leur périodique est affilié au Réseau
Voltaire. Nora Cortiñas rejoint à sa création la Línea
Fundadora. En parallèle, elle étudie la psychologie
ULB DHC 175e
sociale. Elle est titulaire de la chaire libre « Pouvoir
économique et droits de l’homme » à la Faculté des
sciences économiques de l’Université de Buenos
Aires. En 2000, elle reçoit le titre de docteur
honoris causa de l’Université libre de Bruxelles.
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Wassyla Tamzali
Docteur honoris causa 2000
Algérie, 1941
Wassyla Tamzali est née en Algérie en 1941, dans une
famille de notables francophones. Sa famille est l’une des
plus riches d’Algérie. Quand elle a 15 ans, son père est
assassiné par un jeune membre du FLN, pour des raisons
que la justice algérienne n’a jamais élucidées, mais
probablement à cause des prétendues compromissions
de ses parents avec l’autorité coloniale. Loin d’être la
seule famille à posséder une fortune impressionnante
pendant la période coloniale, sa particularité est
son mode de vie moderne, à la française. Après
l’indépendance algérienne, en 1962, les biens des Tamzali
sont nationalisés. Ce drame, qui marque évidemment
la jeune Wassyla, ne l’empêche pas de s’enthousiasmer
pour les promesses suscitées par l’indépendance
nationale. Elle exerce de 1966 à 1977 le métier d’avocate
à la cour d’Alger, tout en menant en parallèle des activités
journalistiques et culturelles. Elle est rédactrice en chef
du premier hebdomadaire maghrébin libre, Contact, de
1970 à 1973. Au niveau culturel, elle écrit en 1975 un livre
sur le cinéma maghrébin, perçu comme un plaidoyer pour
la liberté d’expression, ainsi qu’un ouvrage d’art sur la
parure des femmes berbères. On voit déjà les combats
de Wassyla Tamzali se dessiner : droits de la femme et
défense de la culture algérienne. En 1979, elle intègre
l’UNESCO, chargée du Programme sur les violations
des droits des femmes, au sein de la division des droits
de l’homme et de la paix. De par ses origines, elle
s’engage plus spécifiquement dans la lutte des femmes
originaires des pays musulmans, mais aussi à un autre
niveau contre la prostitution ou le trafic des femmes.
Elle commence en 1989 une relative carrière politique au
sein du Front des forces socialistes, en occupant divers
postes dans les instances du parti. Wassyla Tamzali
est nommée en 1991 coordinatrice des activités pour
les femmes dans le cadre de la 4e Conférence mondiale
ULB DHC 175e
des femmes à Pékin. Elle organise la participation de
l’UNESCO au Forum des ONG de cette conférence,
conduit des activités sur l’exploitation sexuelle des
femmes et s’investit également dans le Parlement des
femmes des pays islamiques. Loin de ne s’intéresser
qu’aux problèmes du Maghreb, son universalité la
pousse à participer dès 1992 au mouvement des femmes
balkaniques pour la paix et le respect dans la région,
par l’intermédiaire de l’Association interbalkanique des
femmes pour la paix. En 1995, elle rédige le rapport de
l’UNESCO sur Le viol comme arme de guerre, eu égard à
la situation en Bosnie-Herzégovine. Nommée directrice
du Programme pour la promotion de la condition des
femmes de Méditerranée en 1996, Wassyla Tamzali
met en place des projets autour de la coopération
transméditerranéenne avec le sud, comme le Forum
des femmes de Méditerranée, dont elle sera d’ailleurs
élue vice-présidente en 2001. Elle reçoit de nombreuses
distinctions honorifiques pour son engagement. Ainsi
se voit-elle décerner le Lifetime Achievement Award,
lors de la commémoration du Xe anniversaire de la
conférence globale organisée contre les violences
sexuelles à Dhaka, en 1999. Mais elle est également
élevée au grade de chevalier de l’Ordre national du
mérite par Lionel Jospin, avant de recevoir un an plus tard
le titre de docteur honoris causa de l’Université libre de
Bruxelles, en février 2000. Elle occupe à partir de 2001
un poste d’enseignante à l’Institut de la femme à Valence,
où elle donne des cours sur le dialogue interculturel
et les droits de l’homme. En tant que membre de la
Commission des amis du manifeste des libertés, elle
prend part au Manifeste des libertés parisien qui critique
une certain propension liberticide de l’islam ; Wassyla
Tamzali continue à être l’actrice de diverses initiatives
pour les droits des femmes et l’ouverture culturelle.
La parution en 2007 de son livre Une éducation
algérienne, dans lequel elle mêle des étapes de l’histoire
algérienne à des éléments autobiographiques, la fait
connaître davantage, en dehors des cercles habituels.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Mary Robinson
Docteur honoris causa 2000
Ballina, Irlande, 1944
Mary Robinson (de son nom irlandais Máire Mhic
Róibín) naît le 21 mai 1944 à Ballina, dans le comté
de Mayo, en Irlande. Elle reçoit son éducation à
Trinity College ainsi qu’à King’s Inns à Dublin, avant
de poursuivre ses études à Harvard, où elle étudie
principalement le droit. Lors de son retour en Irlande,
elle intègre le barreau en 1973 et entame une
fructueuse carrière d’avocate, tout en enseignant
le droit constitutionnel et pénal à Trinity College.
Mary Robinson s’oriente petit à petit vers les droits
de l’homme et leurs enjeux, et participe à plusieurs
institutions de la scène internationale, telle la
Commission internationale de juristes de Genève
(qu’elle intègre en 1987). En tant que représentante
de Trinity College, elle siège au Seanad Éireann (sénat
irlandais ou chambre haute) à partir de 1969 et ce
pendant 20 ans. Elle se présente sur les listes du Parti
travailliste lors des élections de 1977 et de 1981, mais
ne réussit pas à intégrer le Dáil Éireann (chambre
basse). Pendant cette période, elle occupe une série
de postes politiques (par exemple, membre du conseil
communal de Dublin de 1979 à 1983). Finalement
désignée comme candidate du Parti travailliste,
soutenue par le Parti vert et le Parti des travailleurs,
Mary Robinson gagne les élections de 1990 et devient
la première présidente de la République d’Irlande.
Le rôle du président acquiert sous son mandat une
place plus proéminente que jusqu’alors. Elle investit
le champ international et se sert de son expérience
du droit pour s’impliquer dans le combat des droits
de l’homme. Elle assure en 1993 les fonctions de
rapporteur spécial auprès de la réunion interrégionale
du Conseil de l’Europe sur le thème « Droits de
l’homme à l’aube du XXIe siècle », qui sera contributive
de la Conférence mondiale des droits de l’homme,
ULB DHC 175e
tenue à Vienne la même année. Mary Robinson est
le premier chef d’État à se rendre en Somalie à la
suite de la crise de 1992, et reçoit dans ce cadre
le prix humanitaire spécial de l’ONG Care. Elle est
également la première à visiter le Rwanda après le
génocide de 1994 et retourne par la suite sur les lieux
à de nombreuses occasions. En 1997, Kofi Annan
annonce sa nomination au poste de haut commissaire
des Nations unies pour les droits de l’homme,
aboutissement logique de sa carrière politique mais
aussi de sa formation juridique. Elle y pratique une
politique de promotion intensive de la démocratie et
des droits humains, en allant même là où aucun haut
commissaire aux droits de l’homme n’était allé avant,
comme en Chine. Mary Robinson quitte son poste
en 2002. Elle devient présidente honoraire d’Oxfam
International, et retourne à ce titre dans des pays
visités sous ses deux mandats précédents, comme
le Rwanda. Elle continue à s’engager en faveur des
droits de l’homme et des droits des femmes, à travers
des plateformes, des clubs et autres organisations,
comme le Club de Madrid ou le Council of Women
World Leaders. Mary Robinson s’intéresse tout autant
à l’éthique et à l’histoire particulière du tiers-monde.
Elle établit des liens entre l’histoire irlandaise – la
famine et ses conditions – et les crises alimentaires
qui traversent l’Afrique. Elle participe ainsi à l’Ethical
Globalization Initiative, qui vise à incorporer les droits
de l’homme dans le processus de mondialisation
et à promouvoir une bonne gouvernance.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
41
Jean-Didier Vincent
Docteur honoris causa 1999
Libourne, France, 1935
À la fin de ses études à l’Université de Bordeaux,
en 1965, Jean-Didier Vincent est reçu professeur
agrégé de physiologie. Il devient clinicien en
psychiatrie puis professeur titulaire en 1977 avant
de s’orienter vers la recherche. Il se concentre sur
l’électrophysiologie (l’étude de l’activité électrique
du cerveau), puis sur la neuroendocrinologie (étude
des hormones produites par le système nerveux).
Il dirige un laboratoire associé au CNRS de 1973
à 1978, puis une unité de recherche à l’INSERM
qu’il a créée en 1978, l’Unité de neurobiologie des
comportements. De 1974 à 1979, Jean-Didier Vincent
est doyen de la Faculté de médecine de l’Université
de Bordeaux II et, de 1979 à 1991, directeur de l’Unité
de neurobiologie des comportements de l’INSERM.
À partir de 1991 et jusqu’en 2004, il est directeur de
l’Institut de neurobiologie Alfred Fessard du CNRS.
Jean-Didier Vincent a beaucoup contribué au
développement de la neuroendocrinologie
qui comprend l’étude des interactions entre
hormones et système nerveux, le cerveau étant
considéré comme une glande endocrine.
De 1994 à 2002, il est vice-président du Conseil
national des programmes au ministère de la Jeunesse,
de l’Éducation nationale et de la Recherche et
président du conseil du département des sciences
de la vie du CNRS. En 2002, il devient président du
Conseil national des programmes au ministère de
l’Éducation nationale, membre du comité d’éthique
des sciences du CNRS et du comité d’éthique et de
précaution pour les applications de la recherche
agronomique de l’Institut scientifique de recherche
agricole (INRA). Membre du directoire de la Fondation
pour l’innovation politique, il préside depuis octobre
2005 l’Association pour l’université numérique
francophone mondiale. ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
42
Claude Allègre
Docteur honoris causa 1998
Paris, France, 1937
La famille de Claude Allègre est originaire du village
de Ceilhes dans l’Hérault, région du LanguedocRoussillon en France. Il est le fils d’une institutrice et
d’un professeur agrégé de physique-chimie. Durant
sa jeunesse, il se lie d’amitié avec Lionel Jospin, avec
qui il réside à la cité universitaire Jean Zay d’Antony,
à l’époque la plus grande résidence universitaire
en Europe. Claude Allègre restera un ami fidèle et
un soutien politique du futur premier ministre.
À l’issue de ses études à l’Université de Paris, il
soutient en 1967 une thèse de doctorat en sciences
physiques intitulée Introduction à la géochronologie
des systèmes ouverts. Son parcours scientifique
va ensuite s’axer sur la recherche en géochimie.
Par ailleurs, il fonde l’école de géochimie qui est
aujourd’hui de renommée internationale. Claude
Allègre est considéré comme un pionnier dans le
domaine de la géologie isotopique. Ses travaux de
recherches ont en effet permis de mieux comprendre
le fonctionnement global chimique de la terre.
À la fin des années 1960, il dirige une équipe de
géochimie à Paris, qui rallie rapidement l’Institut de
physique du globe de Paris (IPGP), dont il assume la
direction de 1976 à 1986. Spécialisé en géophysique
et en géochimie, l’IPGP a pour mission d’observer
les phénomènes naturels (volcanologie, sismologie,
géomagnétisme...) et d’assurer la recherche dans
ce domaine sensible. Sous la direction de Claude
Allègre, l’Institut fait des recommandations d’utilité
publique, notamment en préconisant en 1976
l’évacuation d’urgence de la population installée aux
alentours du volcan la Soufrière en Guadeloupe.
ULB DHC 175e
À la même époque, précisément de 1981 à 1983, il
devient membre du conseil scientifique du CNRS
(Centre national de recherche scientifique) et fonde
en 1981 l’Union européenne des géosciences.
Enfin, de 1992 à 1997, il préside le Bureau de
recherche géologiques et minières (BRGM).
Son parcours scientifique sera récompensé par
l’attribution en 1994 d’une médaille d’or du CNRS,
certainement la distinction la plus prestigieuse
pour un chercheur à l’échelle française. Sept ans
auparavant, en 1987, il s’était vu décerné la médaille
Wollaston de la Geological Society of London.
Ancien militant du Parti socialiste unifié (PSU), Claude
Allègre entame une carrière politique active à partir
de 1973 en rejoignant le Parti socialiste (PS). Membre
engagé, il en intègre le comité directeur en 1987 et est
élu député européen de 1989 à 1994. Conseiller spécial
de Lionel Jospin à l’Éducation nationale de 1998 à 1992,
il est, entre autres, l’initiateur du plan Université 2000.
N’hésitant pas à aborder de front les sujets sensibles, il
propose une réforme profonde du système des classes
préparatoires, qui se heurte à une levée de bouclier. Il
fait, par ailleurs, partie des conseillers de Lionel Jospin
qui refusent le renvoi des jeunes filles musulmanes
voilées des écoles publiques et, par là même, il
s’oppose au projet de loi sur le port du voile islamique
en France dans les établissements scolaires. Dans la
même période, en 1990, il devient membre du bureau
exécutif, mais en démissionnera deux ans plus tard.
Ceci n’empêchera pas Lionel Jospin, alors premier
ministre d’un gouvernement de cohabitation, de confier
à Claude Allègre le ministère de l’Éducation nationale,
de la Recherche et de la Technologie en juin 1997. À ce
poste, il est convaincu que les réformes d’ampleur au
sein de l’éducation nationale sont prioritaires. Sa petite
phrase – « il faut dégraisser le mammouth » – suscite
une vive polémique. Dès 1998, il est à l’initiative
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
43
Claude Allègre
des réunions et des conférences internationales qui
entraîneront la création d’un Espace européen de
l’enseignement supérieur, clé de voûte du « système
de Bologne ». Il reçoit cette même année le titre de
docteur honoris causa de l’ULB. En 2000, à la suite
de nombreuses manifestations, il est poussé à la
démission et est remplacé par l’incontournable Jack
Lang. Après l’échec de Lionel Jospin au premier tour
des élections présidentielles d’avril 2002 et de son
retrait de la vie politique, Claude Allègre se fait plus
discret au sein du PS, non sans avoir vivement critiqué
Ségolène Royal, candidate socialiste aux élections
présidentielles de 2007. Il décide finalement de ne
pas reprendre sa carte de militant du PS en 2008.
L’actualité le rattrape pourtant sur un autre terrain,
celui du réchauffement climatique. Dans une série
d’articles de presse, Claude Allègre fait état de son
scepticisme à l’égard des analyses et interprétations
de la majorité des climatologues sur la question du
réchauffement. Le débat vire à la polémique lorsqu’il
prend position contre le principe de précaution et la
mise en vigueur de la taxe carbone, qu’il considère
comme deux obstacles au progrès économique. La
controverse monte d’un cran avec la parution en
2010 d’un livre d’entretiens dont le titre ne cultive
pas l’ambiguïté : L’imposture climatique. L’ancien
ministre y dénonce avec véhémence le pouvoir
et l’interprétation des experts internationaux en
climatologie. D’un autre côté, le livre, fortement relayé
sur la scène médiatique, fait l’objet d’une série de
critiques pour ses erreurs et approximations factuelles.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
44
Marc Van Montagu
Docteur honoris causa 1997
biotechnologique. En 1984, il est le premier à produire
du tabac transgénique et à obtenir l’expression d’un
gène étranger dans une plante.
Gand, Belgique, 1933
Après avoir obtenu un diplôme de docteur en chimie à
l’Université de Gand en 1965, Marc Van Montagu devient
professeur ordinaire ainsi que directeur du Laboratoire
de génétique de l’Université de Gand. Ses principaux domaines de recherche sont la biologie
cellulaire, la chimie, la virologie, la biotechnologie,
l’ingénierie et la microbiologie. Il s’est rendu célèbre,
dans les années 1970, par la découverte en collaboration
avec Jozef Schell, scientifique anversois, de l’ingénierie
basée sur Agrobacterium tumefaciens, utilisée
dans le monde entier pour la production de plantes
génétiquement modifiées aux usages variés.
Actuellement, Marc Van Montagu est président de la
European Federation of Biotechnology, une ONG qui
promeut les biotechnologies et il est, par ailleurs,
directeur scientifique du Département de génétique de
l’Institut de biotechnologies et professeur extraordinaire
à la Vrije Universiteit Brussel (VUB). À ce titre, il intervient
dans le débat public pour souligner les apports du génie
génétique : la pollution serait endiguée et les plantes
génétiquement modifiées apporteraient une solution
à la famine et à la surpopulation dans le monde.
En 1982, son laboratoire crée les premières plantes
transgéniques. Marc Van Montagu et son équipe offrent
la possibilité de créer des plantes pouvant produire des
vaccins, des facteurs sanguins humains, des anticorps,
mais également de contrôler et d’améliorer la qualité
nutritive des plantes ou encore de créer des dérivés
industriels comme pour le colza. La même année, il crée
avec Jozef Schell l’entreprise Plant Genetic Systems,
une société biotechnologique localisée à Gand. Elle
fait partie de Bayer CropScience depuis 2002. Ses
activités se focalisent sur la génétique des plantes.
L’entreprise est surtout connue pour ses travaux
dans le développement de plantes transgéniques
résistantes aux insectes. PGS est la première entreprise
à développer des plantes obtenues par génie génétique
avec une tolérance aux insectes. Van Montagu est
directeur scientifique jusqu’en 1996, date du rachat de
la société par Hoechst. Il crée également un laboratoire
européen pour la valorisation de la forêt amazonienne
et l’étude de la biodiversité à Kourou (Guyane) et a aussi
participé à la fondation de CropDesign, une société
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
45
André Capron
Docteur honoris causa 1997
Lens, France, 1930
André Capron effectue ses études secondaires
aux lycées de Cambrai et de Laon et ses études
universitaires aux facultés de médecine et des sciences
de Lille. Étudiant passionné de recherche, il fréquente
le Laboratoire de parasitologie de la Faculté de
médecine comme préparateur, puis comme assistant
où il aide à l’identification de nouvelles espèces de
trématodes. En 1958, il obtient simultanément les titres
de docteur en médecine et de licencié en sciences de
l’Université de Lille. Il effectue ensuite un voyage de
deux ans, jusqu’en 1960, à Madagascar où il accomplit
son service militaire tout en poursuivant ses travaux
de recherche à l’Institut Pasteur sur la schistosomiase.
ULB DHC 175e
immunitaires dans les affections parasitaires
humaines. Le fait qu’aujourd’hui il n’existe pas encore
de moyens immunologiques de prévention justifie les
recherches visant au développement d’une stratégie
vaccinale car ces maladies touchent plusieurs millions
de personnes. L’ensemble des travaux menés s’inscrit
à la fois dans le cadre des recherches de base en
immunologie et parasitologie mais aussi dans le cadre
de programmes concernant la recherche scientifique
pour les pays en développement. Le centre est
actuellement composé de plus de 80 personnes
dont 37 chercheurs. Il utilise grâce à un équipement
très varié les épistémologies les plus actuelles de
l’immunologie et de la biologie cellulaire et moléculaire
pour l’approche des différentes endémies parasitaires.
À son retour en France, il oriente ses travaux vers
l’immunologie parasitaire, branche dont il est le
fondateur, et devient maître de conférence. En 1970,
André Capron est titulaire de la chaire d’immunologie
de la Faculté de médecine au Centre hospitalier
régional de Lille et devient professeur à l’Université de
Lille, où il restera jusqu’en 2000. Il entame alors des
recherches capitales qui conduisent à l’identification
d’une protéine vaccinante dans la schistosomiase.
À la même époque, il rencontre sa femme, Monique
Capron, également chercheuse et aujourd’hui
professeur d’immunologie à l’Université de Lille II.
Activement engagé dans les actions de recherche en
faveur des pays en développement, André Capron
prend part aux principales actions nationales et
internationales dans ce domaine, comme celle
de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et
assure avec son équipe un rôle d’animation au
sein de ces organismes. En 1978, André Capron
et son équipe découvrent les premiers anticorps
monoclonaux antiparasitaires ainsi que plusieurs
nouveaux mécanismes de cytoxicité et de régulation
des réponses antiparasitaires au cours des années
1980 et 1990. De 1977 à 2000, il dirige l’unité
de recherche Inserm 167, intitulée depuis 1994
« Relation hôte-parasite et stratégies vaccinales ».
En 1975, son laboratoire devient le Centre
d’immunologie et de biologie parasitaire de l’Institut
Pasteur de Lille et obtient le statut d’unité de l’Institut
national de la santé et de la recherche médicale
(INSERM) puis d’unité mixte INSERM-CNRS. Il en est
le directeur jusqu’en 2001. Le Centre d’immunologie
et de biologie parasitaire consacre l’essentiel de
son activité scientifique à l’étude des mécanismes
En 1980, avec la venue de la biologie moléculaire,
André Capron développe avec son équipe des travaux
sur la génétique moléculaire des schistosomes qui
conduisent, en 1987, à la préparation des différentes
protéines vaccinantes, demeurées au stade
expérimental clinique depuis 1998. Il pourrait s’agir
d’un vaccin potentiel contre la bilharziose, seconde
endémie parasitaire mondiale après le paludisme.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
46
La même année, il devient président du Conseil
scientifique de l’INSERM, et ce jusqu’en 1991.
Parallèlement à ses recherches, il s’investit résolument
dans le développement de la recherche biologique
et médicale dans les pays en développement. Il crée
dans les années 1980 avec Pierre Aigrain (physicien
français, secrétaire d’État chargé de la recherche sous
Valéry Giscard d’Estaing) la première commission
nationale « Santé et développement », puis préside,
de 1983 à 1987, le premier programme européen des
sciences et techniques en faveur du développement. À
la même époque, il est président du programme sur la
schistosomiase de l’Organisation mondiale de la santé
(OMS) et, à l’issue de ce mandat, il devient membre
du groupe d’experts conseillers scientifiques de
l’OMS de 1987 à 1999 et membre du comité de conseil
scientifique et technique de l’OMS de 1988 à 1992.
Parallèlement, il a mis en œuvre le European
Special Program of Operational and Integrated
Research (ESPOIR) sous l’égide de l’Union
européenne. Très préoccupé par les maladies
qui sévissent dans les pays en développement,
il se rend régulièrement dans ces pays.
En 1994, André Capron devient directeur de
l’Institut Pasteur de Lille jusqu’en 2000. Il est
également professeur émérite à l’Université de
Lille et directeur honoraire de l’Institut Pasteur
de Lille. Depuis 2001, il est membre du conseil
scientifique de l’École normale supérieure.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Marek Edelman
Docteur honoris causa 1996
Homel, Biélorussie, 1919 –
Varsovie, Pologne, 2009
Marek Edelman est né à Homel (Biélorussie actuelle)
mais, rapidement, sa famille déménage à Varsovie.
Ses parents sont membres du Bund, l’association
juive animée par des principes socialistes, ainsi que
du mouvement ouvrier juif. Ils meurent alors que
Marek n’est qu’un enfant, et celui-ci est recueilli
et élevé par des amis bundistes également. Ces
derniers fuient la Pologne lors des bombardements
allemands en 1939. Marek a 20 ans et il reste à
Varsovie. Le 12 octobre 1940, il est sommé ainsi
que 380 000 autres Juifs d’aller s’installer dans
le ghetto. Il milite très jeune au SKIF et à Zukunft,
deux organisations de jeunesse affiliées au Bund. Il
participe aux actions de la résistance et travaille à
l’édition et à la distribution de journaux clandestins
dans le ghetto. Il entre très rapidement à la direction
du Bund et, en octobre 1942, il est un des fondateurs
de l’Organisation juive de combat, dont le but est
de résister à l’occupation nazie durant la seconde
guerre mondiale. Il y seconde Mordechaj Anielewicz.
Le 19 avril 1943, les nazis ordonnent la liquidation du
ghetto. Deux cents combattants résistent aux 2 000
soldats de la Wehrmacht pendant trois semaines. Le 8
mai, Mordechaj Anielewicz est tué et Marek Edelman
devient le commandant du soulèvement du ghetto
de Varsovie. Seule une quarantaine de personnes
réussirent à survivre aux combats acharnés. Parmi
eux, Marek Edelman qui prend la fuite par les égouts.
En août 1944, il participe à l’insurrection de Varsovie.
Après la guerre, il devient un cardiologue réputé
à l’hôpital Sterling de Lódz. Il est à l’origine de la
première transplantation cardiaque en Pologne.
Beaucoup de survivants émigrent notamment au
ULB DHC 175e
Canada et en Israël mais lui décide de rester en
Pologne malgré de nouveaux pogroms en 1946. En
1968, le parti communiste polonais organise une
campagne antisémite. Marek Edelman est renvoyé
de l’hôpital, son épouse, la pédiatre Alina Margolis,
rencontre des problèmes dans son travail et leurs
enfants subissent des brimades à l’école. En 1971,
Alina Margolis décide de s’installer avec leurs enfants
en France (où elle sera l’une des fondatrices de
Médecins du monde). Marek reste fidèle à son credo
et refuse de quitter la Pologne. Dans les années 1970,
il est actif dans l’opposition au régime communiste et
travaille à la défense des ouvriers. En 1980, il prend
part à la création du syndicat Solidarnosc, il participe
à ses fondements idéologiques et philosophiques.
Un an plus tard, il en est élu délégué et participe au
premier congrès de Solidarnosc en y représentant
la ville de Lódz. Il quitte le syndicat dès son arrivée
au pouvoir mais continue son action en étant député
de l’Union démocratique de 1989 à 1993, lors de
la phase de démocratisation de la Pologne.
Il réintègre alors l’hôpital et y travaille jusqu’en
2007. Après la chute du communisme, il dénonce
régulièrement le racisme et les conflits ethniques.
En 2002, en réaction au conflit israélo-palestinien,
il écrit une lettre aux groupes armés palestiniens
pour leur demander d’arrêter les attentats-suicides.
Or ses relations avec Israël ne sont pas évidentes,
car il est resté fidèle aux idées du Bund, mouvement
peu favorable au sionisme. Pour Élie Barnavi, « [en
Israël] Edelman n’a pas bonne presse. Il est un
héros incontestable mais dans la mémoire collective
israélienne, il reste un juif diasporique. Dans le
conflit idéologique qui structure le pays, le vrai héros
soutient le projet sioniste. Le vrai héros du ghetto,
pour Israël, c’est Anielewicz. » À la différence des
autres rescapés de la guerre, Marek Edelman n’a
jamais participé aux commémorations officielles de
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
48
l’insurrection du ghetto de Varsovie. Il a son propre
rituel de commémoration, chaque année, en arpentant
les rues de Varsovie en direction de l’ancien ghetto
juif et en se recueillant devant les monuments à la
mémoire des combattants du ghetto. Au départ seul,
il est rejoint au fur et à mesure des années, par des
proches puis par des personnalités (comme le pape
Jean-Paul II ou le vice-président américain Al Gore),
au rythme de chants yiddish et de l’hymne du Bund.
Marek Edelman porte le titre de Doctor of Humane
Letters de l’Université de Yale depuis 1989. Le
18 avril 2006, le titre de docteur honoris causa
de l’Université libre de Bruxelles lui est décerné
et le 15 avril 2008, Marek Edelman accepte de
recevoir l’insigne de commandeur de la Légion
d’honneur lors du passage du ministre des
Affaires étrangères français à Varsovie.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Arthur Haulot
Docteur honoris causa 1996
Angleur, Belgique, 1913 –
Bruxelles, Belgique, 2005
Arthur Haulot grandit dans un milieu d’sartisans (son
père est ébéniste) socialistes. Il mène sa scolarité à
l’école moyenne de la rue Jonfosse à Liège, grâce au
Fonds des mieux doués. Après avoir quitté l’école
à 16 ans, Arthur travaille à la Fabrique nationale de
Herstal puis dans une banque coopérative en tant
que comptable. Travail peu épanouissant auquel
il échappe grâce à Isi Delvigne, orateur socialiste,
qui a remarqué ses articles dans Les Faucons
rouges, le journal socialiste. Il est engagé en 1931
à La Wallonie, le quotidien syndical liégeois, où il
entame véritablement sa carrière de journaliste.
Quatre ans plus tard, il devient journaliste à l’INR
(Institut national de radiodiffusion) et ce jusqu’en
1937, date à laquelle il devient attaché de cabinet du
ministère des Communications. En 1938, deux ans
après l’instauration des congés payés en Belgique,
il est nommé inspecteur à l’Office national des
vacances ouvrières par le Parti ouvrier belge, pour
collaborer avec le ministre Marcel Henri Jaspar auprès
du fonctionnement de la Commission nationale des
vacances ouvrières. Il fonde le commissariat général
au tourisme avec son ami Henri Janne, sociologue
francophone. Durant cette même période, il entre
en poésie par le biais de textes militants composés
pour la société ouvrière. Son militantisme se
poursuit durant la seconde guerre mondiale au sein
du Parti socialistebelge clandestin. Arthur Haulot
est arrêté lors d’une opération clandestine en 1941
par la Gestapo et, en raison d’un attentat commis
dans un restaurant réservé aux officiers allemands,
il est incarcéré durant plus de trois ans dans des
camps de concentration, notamment Mauthausen
et Dachau. En 1945, à peine rentré en Belgique, il
ULB DHC 175e
repart en Allemagne durant huit mois en tant que
correspondant de guerre et témoigne de l’horreur
des camps de concentration dans un livre intitulé
Dachau publié dès son retour. Afin de commenter
personnellement le procès de Nuremberg, il renoue
avec le métier de journaliste pour Le Peuple,
quotidien syndicaliste socialiste bruxellois. Son action
pendant la guerre lui vaut de hautes distinctions
belges et étrangères comme, la Légion d’honneur
et la Croix de guerre française avec palmes ainsi
que la médaille tchécoslovaque de la résistance.
En 1946, il devient commissaire général au Tourisme,
et ce jusqu’au 1er décembre 1978. Il préside aux
destinées de la Commission européenne du tourisme,
puis de l’Organisation mondiale du tourisme. À partir
de 1951, devenu codirecteur du Journal des poètes,
il fonde avec Pierre-Louis Flouquet les Biennales
internationales de poésie qui prennent place en
premier lieu à Knokke puis à Liège. En 1973, Arthur
Haulot crée le Bureau international du tourisme social
dont il est secrétaire général jusqu’en 1988, année
où il devient président de la Maison internationale
de la poésie à Bruxelles. Entre 1992 et 2005, il se
consacre essentiellement à la sociologie et à la
poésie en publiant de nombreux recueils. Il devient,
en 1992, président de l’ASBL Causes communes,
une opération lancée pour secourir des victimes de
l’ex-Yougoslavie et, en 1994, il y est chargé en tant
qu’ancien prisonnier politique de présider le Comité
de coordination du cinquantième anniversaire de la
libération des camps de concentration. Il est président
de l’Amicale des anciens de Dachau et vice-président
du Comité international de Dachau. Parallèlement il
préside et anime le groupe Mémoire. Arthur Haulot
a, sa vie durant, beaucoup insisté sur le devoir de
mémoire, et sur la nécessité de maintenir et de
faire évoluer les valeurs fondamentales, la liberté,
la tolérance, la démocratie, pour lesquelles ceux
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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de sa génération se sont battus et pour lesquelles
beaucoup ont perdu la vie. En 1993, il est fait
baron par le roi Baudouin et en 1996, il reçoit les
insignes de docteur honoris causa de l’Université
libre de Bruxelles en hommage à ses actions de
résistance au cours de la seconde guerre mondiale.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Immanuel Wallerstein
Docteur honoris causa 1996
New York, États-Unis, 1930
Immanuel Wallerstein naît dans une famille privilégiée
d’intellectuels de gauche. Il entre à l’Université de
Columbia à 17 ans et y obtient sa licence de sociologie
en 1951. Il s’engage alors pour deux ans dans l’armée
des États-Unis, en pleine guerre de Corée.
Il participe au Youth International Congress en 1952
à Dakar où il découvre les prémices des mouvements
indépendantistes. À son retour en 1953, il consacre son
mémoire au maccarthysme, phénomène omniprésent
de la culture politique américaine. Il est alors considéré
par ses pairs comme un sociologue politique mais
décide de ne pas étudier la politique américaine.
Depuis l’université, il s’intéresse en effet beaucoup
au monde non-occidental. En 1955, il décroche la
bourse africaine de la Fondation Ford pour aller
étudier en Afrique, puis intègre l’Université d’Oxford
pour un an. En 1959, il soutient sa thèse sur la Côte
d’Ivoire et la Côte-de-l’Or/Ghana, deux pays aux fortes
revendications indépendantistes, thèse fortement
influencée par le théoricien social Frantz Fanon. Il remet
en cause le concept d’État-nation dans ces régions où
les structures sont la suite logique du colonialisme
et de l’impérialisme. Bien que l’Afrique n’occupe plus
une place primordiale dans la suite de son parcours
intellectuel, ses études lui ont ouvert les yeux sur les
conséquences politiques du monde contemporain et
ont ouvert la voie à son analyse du système-monde.
À la fin des années 1960, il s’engage aux côtés des
étudiants dans les protestations anti-Vietnam, face
aux administrateurs d’université. Il témoigne de cette
expérience dans un livre (University in turmoil, 1969)
et quitte Columbia pour rejoindre l’Université McGill
de Montréal en 1971. Il y est influencé par la vision
historique de Fernand Braudel, concevant l’histoire
ULB DHC 175e
comme un ensemble de processus historiques
systémiques à plusieurs temporalités. Il publie en
1974 The modern world-system, ouvrage majeur
traduit dans 13 langues et augmenté de deux volumes
supplémentaires en 1980 et 1989. La thèse principale
de Wallerstein est que le capitalisme est un système
socio-économique spécifique, caractérisé par une
division axiale du travail résultant d’une forte inégalité
des rapports marchands entre différentes zones.
Il intègre en 1976 l’Université de Binghamton (New
York), où il crée le Braudel Center for the Study of
Economies, Historical Systems and Civilizations, ainsi
que la revue associée à ce centre. Il est de 1994 à 1998
président de l’Association internationale de sociologie.
Au cours de ce mandat, il est invité à recevoir le titre
de docteur honoris causa de l’ULB. Sa conférence,
faite conjointement avec Ilya Prigogine, illustre bien
la nouvelle direction que prend sa réflexion : il se
concentre sur les paradigmes inconscients du XIXe
siècle et vers une vision critique des structures de la
production du savoir dans le paysage académique
du système-monde. Il participe dans ce cadre à la
Gulbenkian Commission on the Restructuring of the
Social Sciences (1993-1995) et publie des ouvrages
comme The Uncertainties of Knowledge (2004).
Wallerstein intègre l’Université de Yale en 2000, une
reconnaissance de sa contribution intellectuelle
qui coïncide avec son engagement politique accru
(comme en témoigne sa participation à divers forums
sociaux mondiaux ces dernières années, faisant
de lui une des grandes figures intellectuelles de
l’altermondialisme). En mars 2010, il est invité par
l’ULB à prononcer une conférence intitulée « Crise
mondiale politico-économique : quels sont nos choix ? »
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Andrzej Wajda
Docteur honoris causa 1995
Suwałki, Pologne, 1926
Né d’un père officier de carrière (assassiné lors du
massacre de Katyn en 1940) et d’une mère institutrice,
Wajda grandit dans un environnement militaire. Il
s’engage à l’âge de 16 ans dans l’Armia Krajowa,
mouvement de résistance dirigé par le gouvernement
polonais en exil. Wajda passe son adolescence à
Radum, au sud de Varsovie, il continue à aller à l’école
tout en travaillant comme manœuvre chez un tonnelier
puis chez un serrurier. Il consacre son temps libre à la
restauration de fresques d’églises. Après la guerre,
il entre à l’Académie des beaux-arts, où il étudie la
peinture jusqu’en 1949. À cette période, il adhère à
l’Association de la jeunesse socialiste indépendante.
Il étudie ensuite pendant trois ans à l’école de cinéma
de Lódz, parallèlement à la restauration de l’église de
Saint-Bernardin. C’est à cette époque qu’il rencontre
Roman Polanski, Jerzy Lipman (opérateur) et Bohdan
Czesko, scénariste de son premier film, Génération
(1954). Son style se démarque par la beauté et la
violence des images, et par une rupture avec les canons
du réalisme socialiste. En 1957 sort son long-métrage
Ils aimaient la vie, qui obtient le Prix spécial du jury
du festival de Cannes. Ce film raconte l’histoire des
insurgés de Varsovie en 1944, dont Wajda ignorait
tout au moment des faits. Cette démarche est une
constante, Wajda cherchant à « réparer » son absence
lors des atrocités subies par son pays pendant la
guerre. Néanmoins, l’espoir et l’optimisme subsistent
dans toute son œuvre. Avec Cendres et diamants,
en 1958, Wajda atteint la consécration. Il mène
parallèlement d’autres activités artistiques. Fervent
militant de la sauvegarde de l’identité du cinéma
européen, Wajda préside en 1972, l’Union des cinéastes
polonais et fonde le label de production X avec
Boleslaw Michalek, avec lequel il réalise notamment Les
ULB DHC 175e
noces en 1973. Les années 1980 correspondent surtout
à son activité cinématographique à l’étranger, tel le
Danton (1982) dans lequel il évoque les derniers jours
de l’homme politique. Wajda est l’homme des fresques,
des épopées, d’un cinéma baroque qui s’empare des
grands thèmes de l’Histoire, européenne en général
ou polonaise en particulier. Il s’inspire régulièrement
de la société polonaise d’après 1945, mettant au
jour le dilemme entre aspirations individuelles et
engagement politique, entre le culte nationaliste
de l’héroïsme et la dénonciation de la bêtise, de la
haine, du mépris et de la compromission politique. Il
s’interroge sur le don de soi, l’abnégation personnelle
au service des idées. En 1983, il tourne Un amour
en Allemagne, drame sur les amours malheureuses
d’une Allemande et d’un Polonais durant la seconde
guerre mondiale. À l’échelle nationale, il incarne l’élite
artistique du mouvement libéral de Solidarnosc et il
soutient Lech Wal˛esa pendant sa campagne. Lorsque
les réformateurs arrivent au pouvoir, Wajda préfère se
consacrer aux arts qu’à la politique, pour devenir un
artiste-militant. En 1981, il reçoit la Palme d’or à Cannes
pour L’homme de fer, la suite de L’homme de marbre
de 1977. Ce diptyque, tourné au moment des premières
actions de Solidarnosc, évoque une Pologne en crise
qui aspire à la démocratie et à la liberté. En 1988, il
adapte dans une production européenne Les Possédés
de Fedor Dostoïevski. Wajda décide de participer à
nouveau à la vie politique de son pays en 1991, date à
laquelle il devient sénateur. En 1995, avec Théodore
Angelopoulos, André Delvaux, et Henri Storck, il est fait
docteur honoris causa de l’Université libre de Bruxelles.
En 2000, le cinéaste polonais reçoit un Oscar d’honneur
pour l’ensemble de sa carrière et, en 2006, un Ours
d’honneur au festival de Berlin. En 2007, il réalise un
film sur le massacre qui l’a rendu orphelin de père, celui
des officiers et des élites polonaises par les soviétiques,
Katyn. Wajda vit aujourd’hui entre Cracovie et Varsovie.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Henri Storck
Docteur honoris causa 1995
Ostende, Belgique, 1907 –
Uccle, Belgique, 1999
Henri Storck est considéré comme un pionnier
du cinéma. Il s’investit non seulement dans le
documentaire, mais aussi dans les domaines du film
sur l’art, de la fiction et du film anthropologique.
Il produit plus de septante films et a suivi toutes
les évolutions technologiques du cinéma.
Issu d’une famille aisée d’artisans originaire
d’Allemagne, Henri Storck poursuit ses études
secondaires dans la section française de l’athénée
d’Ostende. Son père décède en 1923 et Henri Storck
renonce à ses études à Bruxelles pour aider sa
mère au magasin familial de chaussures. Celle-ci
se charge de poursuivre son éducation à domicile.
À 17 ans, il devient président de l’Association des
marchands de chaussures de la Flandre occidentale
et entre, comme son père, au Rotary de la section
d’Ostende. Sa mère, attentive aux aspirations
artistiques de son fils, invite des artistes à la maison.
Il rencontre ainsi son futur mentor, le docteur De
Knop, qui l’introduit dans les cercles artistiques
de sa ville. Il y côtoie Ensor, Permeke, Spilliaert et
Labisse. Ce contact à l’art et surtout à la peinture
influence sa conception du cinéma, qu’il caractérise
par le mouvement. Dès son enfance, les projections
au Cinéma Palace de sa ville natale exercent sur
lui une impression profonde et font de lui un
cinéphile qui évolue en cinéaste professionnel.
La fondation et l’animation par Henri Storck en
1928 du Club de cinéma d’Ostende marquent
son entrée dans le monde du septième art. La
rédaction, l’année suivante, d’un manifeste intitulé
Eureka ! révèle son intérêt pour la carrière de
ULB DHC 175e
cinéaste. Henri Storck espère percer à Paris où il
fréquente les milieux artistiques communistes.
Ses films amateurs d’actualité sur Ostende lui
valent le titre de « cinégraphiste officiel » de la ville
en 1930. Autodidacte, Henri Storck s’intéresse au
surréalisme, à la psychanalyse, à Marx et à la Russie
soviétique. Son esprit idéaliste s’adapte bien à
l’idéologie communiste de Paris, ce qui l’amène
en 1934 à fonder l’Association révolutionnaire
culturelle (ARC), section belge de l’Association des
écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR), selon
les directives de Louis Aragon, rencontré en 1933.
Henri Storck continue à produire des films durant
l’occupation nazie, ce qui a suscité des controverses.
Ses premières œuvres se classent dans le courant
surréaliste d’avant-garde. La plupart de ses films
sont des commandes, seul moyen de subsistance
à cette époque où rien n’était prévu pour un
cinéma national. Il essaye donc de percer là où le
cinéma est le plus encouragé. Il tente plusieurs
fois sa chance à Paris ou à Hollywood, mais une
collaboration avec Fritz Lang et un projet pour
le film Bula Matari ne se concrétisent pas.
En 1930, Henri Storck participe au deuxième Congrès
international du cinéma indépendant qui se tient
à Bruxelles. Il y fait des rencontres décisives :
Joris Ivens, cinéaste néerlandais aux convictions
communistes marquées, avec qui il coproduit en
1933 Misère au borinage, Jean Vigo qui devient
par la suite un ami très proche, et Germaine Dulac,
directrice de production du consortium parisien
de Gaumont qui l’engage dans la société Gaumont
Franco-Film Aubert. Il y travaille auprès de Pierre
Billon et de Jean Grémillon. Il démissionne l’année
suivante et rentre à Ostende où il fonde la maison
de production Ankerfilm. En 1932, Storck est l’un
des animateurs du ciné-club révolutionnaire, le Club
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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de l’écran, qui est à l’origine de la fondation de la
Cinémathèque de Belgique en 1938, et dont il est
l’un des piliers. Il crée ensuite avec René-Ghislain
Le Vaux la société Cinéma-Édition-Production.
Après 1945, grâce à son film Misère au Borinage,
Henri Storck fait son entrée dans l’histoire du
cinéma mondial et est reconnu comme cinéaste
professionnel. Dès lors, il poursuit des activités
multiples. Il porte son attention sur les jeunes
réalisateurs et leur enseigne son savoir. Tout au long
de sa vie, Henri Storck s’interroge sur l’essence du
cinéaste contemporain et s’investit pour faciliter
les réalisations cinématographiques en Belgique.
Dans ce but, il fonde différentes institutions
comme le Centre de l’audiovisuel à Bruxelles en
1978 et le Centre du film sur l’art en 1980. En plus
d’être reconnu dans son propre pays, Henri Storck
est aussi une figure internationale. Il s’implique
activement dans l’Association internationale des
documentaristes qu’il a fondée en 1964 ainsi que
dans la Fédération internationale des films sur
l’art. La Fondation internationale scientifique
et l’UNESCO lui commandent des films.
Henri Storck reçoit les titres de docteur honoris
causa de la VUB en 1978 et de l’ULB en 1995 dans le
cadre du centenaire du cinéma et conjointement à
Théodore Angelopoulos, André Delvaux et Andrzej
Wajda, pour souligner l’importance de sa place
dans le paysage cinématographique belge.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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André Delvaux
Docteur honoris causa 1995
de langage et de réalisation cinématographique,
cours qu’il donnera jusqu’en 1986.
Heverlee, Belgique, 1926 –
Valence, Espagne, 2002
Né en 1926 près de Louvain, André Delvaux est issu
d’une famille néerlandophone ; il effectue néanmoins
ses études primaires et secondaires en français à
Bruxelles. Après l’occupation allemande, il commence
des études de philologie germanique à l’ULB et
obtient une licence en 1948. Parallèlement, il étudie
le piano et la composition au Conservatoire royal.
Il donne des cours de langues à l’athénée dont il
est issu, celui de Schaerbeek, tout en poursuivant
ses activités musiciennes. Il est invité par Jacques
Ledoux à accompagner au piano les séances de films
muets de ce qui deviendra le Musée du cinéma.
Cette activité lui permet de rencontrer ceux qui
feront le cinéma belge des années à venir, ainsi
que Denise Debbaut, qui deviendra sa femme mais
aussi une « collaboratrice de tous les instants ».
À la même époque, il commence à réaliser des
documentaires, notamment sur le cinéma. Il réalise
un court-métrage avec les élèves d’une de ses
classes (Nous étions treize, 1956), ce qui fait de lui un
pionnier de l’enseignement du cinéma en Belgique.
Le ministère de l’Éducation nationale lui demande
alors d’organiser les premiers stages de formation
cinématographique destinés aux professeurs de
l’enseignement secondaire. Il dirige aussi, à l’initiative
de Raymond Ravar, un séminaire d’étude du langage
cinématographique à l’Institut de sociologie de l’ULB.
De l’activité de ce groupe naît en 1962 l’INSAS (Institut
national supérieur des arts du spectacle) dont André
Delvaux est l’un des cofondateurs et Raymond Ravar
le directeur. Cet institut vise à combler les lacunes
de la formation professionnelle aux métiers du
cinéma en Belgique. Delvaux y est chargé du cours
ULB DHC 175e
Peu de temps après, il réalise son premier longmétrage, L’homme au crâne rasé (1965) dont
l’accueil fut mitigé en Belgique mais qui eut un grand
retentissement en France. Le cinéaste détonne,
car il n’est pas issu d’une formation classique, il a
fait son apprentissage par la pratique, notamment
grâce au chef opérateur Ghislain Cloquet, avec
qui il a collaboré. Les premiers films de Delvaux
s’inscrivent dans la lignée du réalisme magique
(un mélange entre le réel et l’imaginaire), auquel
son nom est le plus souvent associé. Il s’écarte
cependant de cette tendance vers 1975 et réalise
Femme entre chien et loup, un film qui marque un
tournant dans ses préoccupations car il aborde un
sujet grave et lourd de conséquences en Belgique :
la collaboration pendant la seconde guerre mondiale
et les excès de la résistance à la libération.
Delvaux cultive son caractère belge, en adaptant
des œuvres d’écrivains belges, et bicommunautaire
en étant soutenu financièrement par les deux
communautés. Parmi ses nombreux collaborateurs
figurent Ivo Michiels, avec qui il a écrit plusieurs
scénarios, et Frédéric Devreese, qui a composé
la musique de la plupart de ses long-métrages.
André Delvaux a composé lui-même la musique de
plusieurs films de Jean Brismée et a aussi été acteur.
S’il est certainement le « père du cinéma belge », il
est également l’un des premiers réalisateurs belges
à obtenir une reconnaissance internationale. En
1995, alors qu’il approche des 70 ans, il connaît la
consécration : il est fait baron par le roi des Belges ;
il est choisi pour donner sa leçon de cinéma au
festival de Cannes, et il reçoit les insignes de docteur
honoris causa à la fois de l’Université de Nancy et
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
56
de celle de Bruxelles. Artiste consacré, il devient
alors artiste militant, en faveur de la culture et du
cinéma : il est président du Kunstenfestivaldesarts
et de la Cinémathèque royale de Belgique. Il se bat
non seulement pour sauver cette dernière mais il
participe également à de nombreuses manifestations
culturelles et réfléchit sur le rôle que la culture peut
et doit jouer dans nos sociétés. En 2002, à la création
de l’Association des réalisateurs et réalisatrices
de films (ARRF), il accepte d’en être le président
d’honneur, marquant ainsi sa solidarité avec les
autres cinéastes. André Delvaux meurt peu de temps
après, à 76 ans, alors qu’il venait de donner une
conférence sur « La responsabilité civique des arts ».
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Theo Angelopoulos
Docteur honoris causa 1995
Athènes, Grèce, 1935
Theo Angelopoulos est né à Athènes de parents
commerçants d’origine rurale, ce qui a un fort
impact sur lui, enfant de la ville. Son enfance est
marquée par la dictature du général Metaxas,
pendant laquelle son père est arrêté puis relâché
plusieurs mois plus tard, sans explications. À la
dictature succède la seconde guerre mondiale et
Angelopoulos, enfant, connaît la famine. Après la
guerre et la guerre civile, Theo Angelopoulos suit
des cours de droit à l’Université d’Athènes de 1953
à 1957. En 1961, il se rend en France et s’inscrit à la
Sorbonne où il étudie la littérature, l’anthropologie
et la filmologie. En 1962, il entre à l’IDHEC (Institut
des hautes études cinématographiques). Mais
son originalité ne plaît pas à ses professeurs.
Lorsqu’Angelopoulos tente d’expliquer son projet
à un de ses professeurs, ce dernier juge son travail
de la manière suivante : « Allez vendre votre génie
en Grèce ». Angelopoulos est renvoyé la même
année. Le cinéaste Jean Rouch, réalisateur de films
ethnographiques en « prise directe », le prend sous
son aile. Angelopoulos commence alors un premier
moyen-métrage, Noir et Blanc, dont la réalisation
n’aboutit pas, faute d’argent. De retour en Grèce, il
travaille comme critique de cinéma au quotidien de
gauche Dimokratiki Allagi. Il réalise un autre film
Forminx Story, racontant l’histoire du groupe pop du
même nom, mais ce film sera terminé par un autre
metteur en scène à la suite d’un désaccord avec le
producteur. Il reprend alors son activité de critique,
mais le quotidien pour lequel il travaille est fermé
lors du coup d’État de la junte militaire en 1967. Un
an plus tard, Angelopoulos parvient enfin à réaliser
son premier film, un court métrage intitulé Ekpombi
(L’Émission). Son premier long métrage, Anaparastasi
ULB DHC 175e
(La Reconstitution) est réalisé en 1970. L’année
suivante, le film est récompensé par le prix de la
Critique internationale au festival de Berlin. Suivront
un Lion d’or au festival de Venise pour Alexandre le
Grand en 1980 et une Palme d’or pour l’Éternité et
un jour à Cannes en 1998. Parallèlement, il reçoit en
1995, le titre de docteur honoris causa de l’Université
libre de Bruxelles en compagnie d’André Delvaux,
Henri Storck et Andrzej Wajda. Sa filmographie, riche
d’une quinzaine de longs métrages, se caractérise
par la recherche d’identité, l’importance de l’histoire,
et la dénonciation des abus du pouvoir. Influencé
par le poète Georges Séféris, ou les cinéastes
Michelangelo Antonioni et Kenji Mizoguchi, la poésie
est omniprésente et s’exprime par de longs plans
séquences et de très longs moments de silence.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Pierre Alechinsky
Docteur honoris causa 1994
Bruxelles, Belgique, 1927
Pierre Alechinsky est le fils unique d’un immigré
russe, juif et athée venu de Crimée. Alexandre
fuit les armées blanches dans les années 1920 et
devient médecin à Bruxelles. Sa mère, Germaine,
née en Wallonie, est médecin également. Celleci est, selon lui, « de souche libéralo-bourgeoise
wallonne, flamande et lorraine ». Élève à l’école
Decroly d’Uccle, Alechinsky n’est pas considéré
comme un élève brillant, c’est un gaucher contrarié,
que l’on force à écrire de la main droite, ce qui lui
donne « une sinistre écriture de sa main scolarisée
(la dextre) ». Dès lors, il est établi qu’Alechinsky est
un cancre et qu’il le restera, celui-ci ne faisant rien
pour réfuter cette affirmation. Pendant la guerre,
la famille Alechinsky s’exile en France ; quand elle
revient en 1944, Alechinsky reçoit une lettre où on lui
annonce qu’il est « non réadmis » à l’école Decroly.
Il décide de rentrer à l’École nationale supérieure
d’architecture et des arts décoratifs de La Cambre à
Bruxelles. Il s’inscrit d’abord en publicité, puis dans
les ateliers d’illustration du livre et typographie.
Il y réalise ses premières gravures, notamment
en illustrant Les Fables d’Ésope. Sa main gauche,
libérée du carcan scolaire, peut enfin s’exprimer. Bien
que très influencé par l’art de son temps (cubisme,
surréalisme, etc.), Alechinsky trouve et impose
très vite un style qui lui est propre et qui trouve
un écho dans le mouvement Cobra (Copenhague,
Bruxelles, Amsterdam) qu’Alechinsky découvre en
1949 lors de leur exposition à Bruxelles, La Fin et
les moyens. Cobra est fondé à Paris le 8 novembre
1948 par les peintres et poètes belges Joseph
Noiret et Christian Dotremont, le danois Asger Jorn
et les peintres hollandais Karel Appel, Constant
(Nieuwenhuys) et Cornelis Van Beverloo (Guillaume
ULB DHC 175e
Corneille). Il s’agit d’un mouvement très novateur
qui veut casser les traditions picturales de l’époque.
En effet, il est « contre le verbiage et le formalisme
et pour la spontanéité et l’expérimentation ». C’est
un mouvement « qui peint le poème et écrit le
tableau ». D’ailleurs, Alechinsky utilise les signes
de l’écriture pour ses tableaux, qu’il nomme
« remarques marginales », que l’on peut retrouver
sur Central Park (1965) par exemple. Central Park
marque également le début du travail à l’acrylique
pour Alechinsky. La rencontre avec Dotremont est
marquante et décisive pour lui ; c’est le début d’une
grande amitié et d’une longue collaboration entre
les deux hommes. Enthousiasmé par le mouvement,
Alechinsky crée en 1949 un Centre de recherche pour
Cobra aux ateliers du marais de Bruxelles. C’est
véritablement en 1947 que commence la carrière
artistique du peintre avec sa première exposition
personnelle à la galerie Lou Cosyn de Bruxelles. À
partir de ce moment, Alechinsky ne s’arrête plus,
exposant partout dans le monde dès le début des
années 1950, seul ou avec Cobra. À partir de 1969,
les rétrospectives se succèdent, la première ayant
lieu au Palais des beaux-arts de Bruxelles, reprise
par la suite au Danemark et en Allemagne. Alechinsky
cherche toujours à innover dans son art, il peint
sur des supports variés : des cartes de navigation
aérienne (Œil de glace en 1982, Murs et dunes d’Aden
en 1983, etc.), des factures (Hôtel Chelsea et New
York en 1977, etc.), un registre de pharmacie datant
de la fin du XIXe siècle (Main courante en 2004), des
estampages sur du mobilier urbain (Arène en 1985,
etc.), de la porcelaine. Il peint également sur des
monuments comme la station Delta à Bruxelles en
1976, décore plusieurs ministères, réalise un mural
dans le parc de l’ULg, etc. Parallèlement, Alechinsky
s’essaye au cinéma, il réalise Calligraphie japonaise
en 1955, lors de son séjour au Japon, film récompensé
à plusieurs reprises. En 1962, il travaille avec la
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Pierre Alechinsky
Fédération internationale du film sur l’art, chargée
par l’Unesco d’établir un catalogue des films sur la
peinture et la sculpture de 1952 à 1962. Alechinsky
écrit également, Abstraction faite en 1951, Lettre suit
en 1989, Baluchon et ricochets en 1994, Remarques
marginales en 1997, etc. Il y pose la réflexion sur les
« interrogations et défis de l’art contemporain ». Son
titre de docteur honoris causa de l’Université libre
de Bruxelles, qu’il reçoit en 1994, lui est décerné
pour l’ensemble de son œuvre et pour son apport
novateur à l’art contemporain qui a permis « de rendre
manifeste la nouvelle « vision » [de notre] monde ».
ULB DHC 175e
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Albert II de Belgique
Docteur honoris causa 1994
Laeken, Belgique, 1934
Albert de Belgique est le troisième enfant et second
fils du roi Léopold III et de la reine Astrid de Suède.
Cadet de Joséphine-Charlotte et de Baudouin, son
enfance est marquée par le décès accidentel de
sa mère à l’âge de cinq ans. De sa jeunesse, il vit
les années de guerre principalement en Belgique,
alors que l’immédiat après-guerre, marqué par la
question royale, voit la famille royale s’installer
en Suisse jusqu’en juillet 1950. Les résultats et les
événements qui suivent la consultation populaire
de mars 1950 contraignent Léopold III à se retirer.
Baudouin devient le cinquième roi des Belges le
17 juillet 1951 suite à l’abdication de son père.
précédente constitution, son action politique ne peut
s’exercer en dehors du concours de ses ministres,
c’est par l’avis et la suggestion que s’exerce son
pouvoir. À cette occasion, soucieux de soutenir
l’entente entre les différentes communautés, il
prône une meilleure connaissance des langues
nationales et dénonce le « séparatisme explicite
ou feutré ». Catholique, le roi Albert II n’oppose
toutefois pas ses convictions religieuses aux
décisions du parlement, il sanctionne aussi bien
la loi de dépénalisation de l’euthanasie (2001) que
celle autorisant les mariages homosexuels (2003).
Albert II est titulaire de nombreuses décorations et
distinctions, il a accepté le titre de docteur honoris
causa de l’Université libre de Bruxelles en 1994.
Après une formation militaire dans la force navale
belge, Albert obtient son premier rôle officiel en
1954, la présidence du conseil général de la Caisse
générale d’épargne et de retraite. Le prince de Liège
épouse le 2 juillet 1959 la princesse Paola Ruffo
di Calabria. Les trois enfants qui naissent de cette
union, Philippe (1960), Astrid (1962) et Laurent (1963),
assurent l’avenir de la dynastie belge en l’absence
de descendance chez Baudouin Ier. président de
la Croix-Rouge de Belgique, sénateur de droit et
président du Comité olympique et interfédéral belge
depuis 1958, c’est surtout en tant que président
d’honneur de l’Office belge du commerce extérieur
qu’il se fera connaître à l’étranger (1962-1993).
Le 9 août 1993, Albert prend la succession de
son frère Baudouin décédé et abandonne ses
autres charges. Depuis l’adoption de la nouvelle
constitution belge le 17 février 1994, il règne sur
un État fédéral composé de trois régions et trois
communautés. Comme c’était déjà le cas dans la
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Simon Wiesenthal
Docteur honoris causa 1994
Boutchatch, Ukraine, 1908 –
Vienne, Autriche, 2005
Simon Wiesenthal est né dans une petite bourgade
majoritairement juive située près de Lviv, en Galicie
austro-hongroise. Son père, Asher Wiesenthal,
commerçant, décède sur le front russe en 1915.
Après un court passage à Vienne avec sa mère,
ils reviennent et Simon termine sa scolarité au
gymnasium de Boutchatch. Il est refusé à l’Institut
polytechnique de Lviv à cause des quotas d’étudiants
juifs imposés et entreprend des études d’architecture
à Prague, où il obtient son diplôme en 1932. Il
épouse en 1936 Cyla Mueller. Deux ans plus tard,
l’armée russe occupe Lviv et entame une purge
des commerçants juifs. Wiesenthal devient alors
mécanicien dans une usine de ressorts de sommiers
et échappe à la déportation en soudoyant un
commissaire du NKVD, la police secrète soviétique.
En 1941, après l’invasion nazie, un de ses anciens
employés l’aide à échapper à l’exécution mais pas
à l’incarcération ; il est assigné avec son épouse
aux travaux forcés sur les chemins de fer au camp
d’Ostbahn. La mère de Wiesenthal est déportée
à Belzec où elle meurt, avec quatre-vingts autres
membres de sa famille entre juillet et septembre
1942. Wiesenthal conclut un accord avec la résistance
polonaise et se procure une nouvelle identité pour
sa femme. Cylla Mueller s’enfuit et passe deux ans à
Varsovie. Wiesenthal s’échappe du camp d’Ostbahn
en 1943, juste avant le début des exterminations.
Quelques mois plus tard, il est à nouveau arrêté et
retourne à Janowska. Sa survie y est miraculeuse.
En juillet 1944, les gardes SS décident de ne
pas tuer tous les prisonniers pour éviter d’être
envoyés sur le front russe. Wiesenthal fait partie
des 34 juifs graciés sur un total initial de 14 900
ULB DHC 175e
prisonniers. Commence alors la retraite générale
vers l’ouest ; à pied et en wagons à bestiaux, les
détenus traversent les camps de Plaszów, GrossRosen, Buchenwald, et finalement Mauthausen
en Autriche. Le 5 mai 1945, le camp est libéré
par l’armée américaine. Wiesenthal retrouve son
épouse et leur fille, Paulinka, naît l’année suivante.
Quelques semaines après avoir retrouvé la liberté,
Wiesenthal entame la tâche qui l’occupera pour le
restant de sa vie et commence à rassembler pour
l’armée américaine des preuves et des documents
accablants concernant les responsables de la Shoah.
En 1947, il ouvre son propre centre de documentation,
le Centre de documentation historique juif, à
Linz en Autriche. Avec la guerre froide, l’intérêt
que l’URSS et les USA portent à la recherche des
criminels nazis diminue fortement. En 1954, le
bureau de documentation de Linz ferme et tous
les dossiers constitués sont légués à Yad Vashem,
sauf celui d’Eichmann. En 1947, déjà, Wiesenthal
avait empêché Veronika Eichmann d’obtenir pour
son époux un certificat de décès et de le rayer de
facto de la liste des personnes recherchées. Six
ans après, il localise Eichmann en Argentine et
transmet l’information à Nahum Goldman. Ce n’est
qu’après que l’Allemagne ait confirmé en 1959
qu’Eichmann vit effectivement à Buenos Aires qu’il
est arrêté, jugé et mis à mort en Israël en 1961.
En 1961, le centre de documentation est ré-ouvert,
mais à Vienne cette fois, dans l’ objectif de localiser
Karl Silberbauer, l’officier qui avait arrêté Anne Frank
et qui sera interpellé et jugé en 1963. En 1967, se
déroule à Stuttgart le procès de seize officiers SS
accusés de participation à l’extermination des Juifs
de Lviv ainsi que celui de Franz Stangl, commandant
de Treblinka et de Sobibor. Neuf des accusés
ont été arrêtés grâce aux enquêtes menées par
Wiesenthal. La même année, il publie son premier
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
62
livre, qui est aussi le plus célèbre, Les assassins
sont parmi nous. Wiesenthal a, par ailleurs, détaillé
les aléas de ses nombreuses enquêtes dans son
autobiographie Justice n’est pas vengeance (1989).
Les années 1980 et 1990 sont ponctuées d’épisodes
plus difficiles pour Wiesenthal. Une bombe est
posée sur le pas de sa porte en 1982 et il cristallise
la haine des néonazis. Il est accusé à deux reprises
de collaboration avec les nazis, d’abord par Bruno
Kreisky dans les années septante puis par Wim
Van Leer en 1986. Ces derniers sont tous deux
contraints de présenter des excuses publiques.
Les accusations ne s’arrêtent pas là. En 1993, Eli
Rosenbaum déclare que Wiesenthal a couvert Kurt
Waldheim, l’ancien secrétaire général de l’ONU, en
dissimulant des documents accablants concernant
son passé sous le IIIe Reich. Suite à des divergences
d’opinion au sein même de la communauté juive,
d’autres critiques ont été formulées par le World
Jewish Congress, par Isser Harel qui minimise, en
1991 et en 1996, l’importance de la contribution de
Wiesenthal dans l’affaire Eichmann, et enfin par
Beate et Serge Klarsfeld, eux aussi chasseurs de
nazis. Il fit également l’objet d’une violente campagne
menée contre lui dans les pays de l’ex-URSS.
Wiesenthal met fin à sa carrière en 2003, considérant
que son travail est achevé, puisqu’il « leur avait tous
survécu ». Sa succession est assurée par Efraim
Zuroff, qui lance en 2002 l’opération Dernière Chance,
une grande campagne de recherche des derniers
nazis vivants avant qu’ils ne diparaissent tous.
Simon Wiesenthal est décédé à Vienne en
2005, deux ans après son épouse. Après
un hommage au cimetière de Vienne, il
fut enterré en Israël, où vit sa fille.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Edgar Morin
Docteur honoris causa 1993
l’Allemagne dans lequel il décrit la situation des
Allemands après la guerre. Cet ouvrage lui ouvre
les portes des cercles intellectuels français.
Paris, France, 1921
Edgar Morin, né Edgar Nahoum, est issu d’une famille
juive séfarade athée de Salonique installée dans le
Sentier à Paris. Ses parents ne lui transmettent pas la
culture juive ni la pratique religieuse ; il explique que
ce « vide culturel originaire » a créé chez lui un appel
d’air pour la curiosité. Le décès de sa mère, quand il a
neuf ans, le plonge dans une boulimie de lecture. À la
fin de son adolescence, sa passion littéraire l’amène
à s’interroger sur le social, et de là sur le politique. Il
rentre à l’Université de Toulouse en septembre 1939
et s’inscrit simultanément en histoire, à la Faculté
de droit et en sciences politiques. Cependant, il se
pose essentiellement comme un autodidacte et se
considère toujours comme un étudiant choisissant
ses éducateurs et butinant à la fois dans la culture
universitaire et parmi les auteurs exclus ou ignorés.
Il a 19 ans lorsque la seconde guerre mondiale
éclate. Il intègre alors un petit noyau de solidarité :
le Centre d’accueil des étudiants réfugiés, il en
devient le secrétaire. Il entre officiellement au Parti
communiste en 1942 en intégrant les Jeunesses
communistes de Lyon. Il devient membre du
mouvement de résistance des prisonniers et
déportés et crée un réseau de renseignements,
distribue des journaux clandestins et des faux
papiers. Il adopte le patronyme de résistant Morin, en
référence à Malraux, et le gardera après la guerre.
En 1944, il se rend à Paris pour la libération et, à
la fin de la guerre, son travail au sein du parti ne
l’intéressant plus, il part en Allemagne avec son
épouse. Il est rattaché à l’État-major de la première
armée française en Allemagne. Sur place, un de
ses amis lui commande un livre : L’an zéro de
ULB DHC 175e
De retour à Paris, il s’essaie au journalisme
et rédige des articles commandés par le Parti
communiste. Mais progressivement, il remet en
question ses convictions et, en 1951, il est rejeté
du parti pour pratique antistalinienne. Un an plus
tôt, il rentre au CNRS en tant que chercheur et,
en 1957, il est cofondateur de la revue Argument,
à la tête de laquelle il demeure jusqu’en 1962.
En 1961, il est nommé maître de recherche et directeur
de recherche au CNRS neuf ans plus tard. Son projet
fondamental au CNRS est de « comprendre l’homme
dans l’unité complexe de son être biologique et de
son être social en transgressant résolument les
frontières entre disciplines afin d’élargir la vision,
intégrer les perspectives, frayer la voie vers une
anthropologie fondamentale ». Parallèlement,
il crée une nouvelle revue Communication qui
paraît toujours aujourd’hui. En 1973 il codirige le
Centre d’études transdisciplinaires, sociologie,
anthropologie, sémiologie qui est rattaché au CNRS
et qui prend son nom en 2008, le Centre Edgar Morin.
En 1974, il entame le premier volume de son œuvre
majeure La Méthode, il y en aura six au total.
Edgar Morin est l’auteur de plus d’une trentaine
d’ouvrages ainsi que de plusieurs films. Il a reçu
de multiples titres honorifiques : commandeur de
l’Ordre des arts et des lettres, officier de la Légion
d’honneur. Il a également gagné le prix européen
de l’essai Charles Veillon 1987 et le prix Viareggio
international 1989. Edgar Morin est docteur
honoris causa de plus de quatorze universités dont
celles de Genève, Bruxelles (1993) et Palerme.
Actuellement il est directeur de recherche émérite
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
64
au CNRS et il s’occupe de recherche axée sur
« l’Épistémologie de la complexité » et les mécanismes
sous-jacents d’une connaissance complexe.
Edgar Morin est qualifié souvent de
« penseur inclassable » qui touche à toutes
les disciplines. Il est président de l’Agence
européenne de la culture (UNESCO).
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
65
Hubert Reeves
Docteur honoris causa 1992
Montréal, Canada, 1932
Issu d’une famille très catholique de classe moyenne,
Hubert Reeves grandit dans la province francophone
de Québec (Canada) où il fait ses études secondaires
dans un collège jésuite. Initié aux sciences par un
prêtre botaniste ami de la famille, Hubert Reeves
intègre en 1950 la Faculté des sciences de l’Université
de Montréal. Trois ans plus tard, il obtient un
baccalauréat en sciences physiques et poursuit
son cursus à l’Université McGill de Montréal où
il décroche, après deux ans d’études, un master
en physique atomique. Son parcours académique
n’est cependant couronné qu’en 1960 à l’Université
Cornell de New York où Hubert Reeves soutient une
thèse de doctorat sur les réactions thermonucléaires
dans l’espace, thèse qui le fait accéder au grade de
docteur en astrophysique nucléaire. Pendant les
quatre années qui suivent, Hubert Reeves enchaîne
les postes de professeur assistant, de chercheur
(notamment à la NASA) et de consultant. En 1964,
il est nommé professeur invité au département de
physique nucléaire de l’Université libre de Bruxelles.
C’est ainsi qu’il commence à tisser des liens avec la
Belgique et plus spécialement avec l’ULB. Hubert
Reeves est également très actif en France, pays
qui devient sa patrie d’adoption puisqu’il occupe
depuis 1965 les postes de conseiller scientifique au
Commissariat à l’énergie atomique (CEA) de Saclay
et de directeur de recherches au Centre national
de la recherche scientifique (CNRS). Parallèlement,
il est nommé professeur titulaire dans de grandes
universités comme Berkeley, Montréal (UdM) ou
Paris VII, établissements dans lesquels il enseigne
la cosmologie, l’astrophysique, et l’astronomie.
Parmi ses nombreux travaux scientifiques, on peut
citer ses recherches sur la densité de l’univers, le
ULB DHC 175e
développement de l’énergie libre dans le cosmos en
expansion ou encore la nucléo-synthèse stellaire.
Conjointement à ces investigations de pointe dans la
recherche scientifique, Hubert Reeves s’implique très
fortement dans la vulgarisation scientifique, désireux
de diffuser et de transmettre ses connaissances
et de mettre à disposition de tout un chacun des
principes généraux et simplifiés concernant la genèse
de notre univers et l’histoire de la vie par le biais de
conférences, d’émissions radiophoniques, télévisées
ou encore par la voie littéraire dans laquelle il a su
présenter un contenu scientifique de haute qualité
par une approche pédagogique teintée de poésie.
Captivant son public, il parvient à stimuler l’intérêt
du public pour des matières ardues de prime abord,
révélant ainsi son talent d’orateur et de conteur. Son
travail de vulgarisation est principalement motivé par
sa conception que la démarche et la connaissance
scientifiques n’ont de sens que lorsqu’elles sont
profitables au plus grand nombre. Selon lui, elles ne
doivent pas demeurer l’apanage d’une minorité de
savants reclus sur eux-mêmes qui la thésauriseraient.
Parmi son abondante bibliographie, on peut
mentionner Patience dans l’azur (1981), Poussières
d’étoiles (1984) et La Première Seconde (1995).
La polyvalence et les multiples domaines d’activités
d’Hubert Reeves ainsi que les fruits de ses recherches
lui valent d’être récompensé par de nombreux prix
et titres honorifiques. Il est notamment fait chevalier
de l’Ordre du mérite en France (1976), membre de
la Société royale du Canada (1991) et reçoit le prix
Albert Einstein de la Société Albert Einstein de
Berne (juin 2001). Pour toutes ces raisons, le conseil
d’administration de l’ULB décide de lui conférer le
titre de docteur honoris causa. Cette distinction vient
souligner le fait que son œuvre est éminemment
empreinte de l’esprit qui caractérise l’Université libre
de Bruxelles. La remise en question permanente
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
66
de son savoir, les liens intenses qu’il entretient
avec ses confrères de la discipline et globalement
avec l’internationale scientifique, ainsi que des
composantes fondamentales de la philosophie du
libre examen, à savoir « l’honnêteté intellectuelle,
la générosité, le partage des connaissances, des
enthousiasmes et des doutes, la fraternité », sont
les éléments déterminants qui motivèrent cette
décision. Durant la dernière décennie, il s’est investi
fortement dans les problèmes environnementaux.
Il fut président de la ligue ROC, qui se consacre à
la protection de la faune sauvage et prend parti
dans le débat sur le réchauffement climatique.
Peu enclin au fatalisme et au catastrophisme, il
préconise de développer le plus possible les énergies
renouvelables, thématique majeure de la recherche
scientifique actuelle. Enfin, en plus de s’aligner
en tant que scientifique sur les mouvements de
protection de la nature, Hubert Reeves, membre
du « comité de parrainage de la coordination
française pour la décennie de la culture de la paix
et de la non-violence », ne dissimule nullement ses
opinions politiques antimilitaristes et pacifistes.
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Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Federico Mayor Zaragoza
Docteur honoris causa 1992
Barcelone, Espagne, 1934
Né à Barcelone le 27 janvier 1934, Federico Mayor
hérite de la double culture catalane et castillane de
ses parents et son enfance est marquée par la guerre
civile espagnole. Il effectue un parcours universitaire
et professionnel particulièrement brillant et dense.
Scientifique dans l’âme, il est aussi particulièrement
touché par l’homme et sa condition, ainsi que par l’art
sous toutes ses formes. Il est l’auteur de publications
sur la science et la société ainsi que de nombreux
ouvrages de poésie. À 22 ans, il obtient une licence en
pharmacie à l’Universidad Complutense de Madrid,
suivie, deux ans plus tard, par un doctorat accordé
avec les félicitations du jury. De 1963 à 1973, il est
titulaire de la chaire de biochimie de la Faculté de
pharmacie de l’Université de Grenade. On le nomme
en 1967 directeur du Département interfacultaire de
pharmacie de l’Université de Grenade, puis il devient
recteur de cette même université un an plus tard
avant d’en être nommé recteur honoraire en 1972.
Au cours des vingt années qui suivent, il partage
son temps entre son activité dans le gouvernement
espagnol, son engagement au sein de l’UNESCO
et son attrait pour les sciences. Son parcours
politique sur la scène nationale débute en 1974
lorsqu’il est nommé sous-secrétaire du ministère de
l’Éducation et des Sciences et est élu, pour quatre
ans, président de la Commission consultative de la
recherche scientifique et technique de la présidence
du gouvernement espagnol. Parallèlement il fait
ses premiers pas dans l’organisation de l’UNESCO
et devient membre de son comité consultatif sur
la recherche scientifique et les besoins humains.
En 1977, année durant laquelle le gouvernement
Suárez remporte les premières élections libres et
démocratiques après quarante ans de dictature
ULB DHC 175e
et d’apathie politique, il est député au Parlement,
président de la Commission de l’éducation et des
sciences de la Chambre des députés et conseiller
du premier ministre espagnol. C’est à cette même
période qu’il devient directeur adjoint de l’UNESCO. Il
est nommé ministre de l’Éducation et des Sciences en
1981, moment de la transition entre le gouvernement
Suárez et le gouvernement Calvo-Sotelo. En 1982, il
est directeur de l’Institut des sciences de l’homme
à Madrid et président scientifique du centre de
biologie moléculaire Severo Ochoa. En 1987, il est
nommé député espagnol au Parlement européen à
Strasbourg et directeur général de l’UNESCO où il
est réélu pour un deuxième mandat le 6 novembre
1993. Sa nomination à la tête de l’UNESCO est
soutenue par une centaine de personnalités du
monde entier, dont des scientifiques, des prix Nobel,
des professeurs et universitaires, des écrivains.
Il s’investit dans de nombreuses associations et
académies, scientifiques et artistiques. Il participe
à la création et au développement d’associations
humanitaires ou luttant contre les violences dans
le monde. Il intègre le Club de Rome en 1981, et
devient membre du comité directeur de l’Interaction
Council en 1983. Il est également un des signataires,
en 1986, du Manifeste de Séville sur la violence et
il fait partie de l’Académie Europaea depuis 1993.
Federico Mayor croit en la réforme du système
d’éducation et en la force que celui-ci pourrait avoir si
on lui en donnait les moyens. Une partie de son travail
est tourné vers la diffusion de la science, et lors de
sa présidence à l’UNESCO, l’organisation fut mue
par une volonté d’intégration de la science dans la
culture populaire. En effet, pour lui, l’alphabétisation
et l’éducation scientifique sont les solutions pour
résoudre les problèmes des pays pauvres. Il insiste
aussi sur leur rôle dans les pays développés ; selon
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
68
lui l’éducation est un moyen très puissant pour
lutter contre les différentes discriminations.
L’année 1995 est proclamée Année des Nations unies
pour la tolérance, et, sous sa présidence, l’UNESCO
est désignée comme l’organisation principale pour
faire de la tolérance un idéal partagé et une pratique
quotidienne. Federico Mayor voit ses efforts et son
investissement récompensés par de nombreuses
distinctions, notamment plusieurs doctorats honoris
causa dont celui décerné par l’ULB en 1992.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
69
Václav Havel
Docteur honoris causa 1991
Prague, République tchèque, 1936
Václav Havel est né à Prague le 5 octobre 1936. Sa
famille appartient à une classe bourgeoise très active
économiquement. Il passe une partie de son enfance
à la campagne et, dès son plus jeune âge, ressent
la barrière sociale qui le sépare de ses camarades
de classe. Ce sentiment d’exclusion participera
plus tard à l’élaboration de ses idées. L’entourage
intellectuel familial et l’accès aux livres de grands
auteurs tchèques sont très importants et influencent
sa personnalité. En 1948, suite à la prise de pouvoir
du Parti communiste, la famille de Václav Havel,
considérée comme bourgeoise et capitaliste, voit ses
deux fils, Václav et Ivan, interdits d’entreprendre des
études. Václav Havel réussit néanmoins à obtenir un
diplôme de baccalauréat grâce à des cours du soir.
De 1951 à 1953, Havel entreprend avec des amis la
création du Groupe 36, qui mêle ambitions littéraires
et rôle politique. Entre 1957 et 1959, après avoir suivi
une formation de charpentier et s’être vu refuser
l’accès à l’université, il est enrôlé pour deux ans dans
l’armée tchécoslovaque. Là, il va avoir ses premiers
contacts avec l’univers du théâtre. En effet, pour se
divertir, il écrit et réalise avec un ami La vie devant
soi, qui aborde entre autres les absurdités du service
militaire. Très vite, il fréquente de plus petits théâtres
et rentre en 1960 au Théâtre sur la Balustrade en tant
que machiniste. Il y reste huit ans et devient conseiller
puis dramaturge. Václav Havel considère le théâtre
et particulièrement le théâtre de l’absurde comme un
outil de libération de l’homme moderne. En 1964, il se
marie avec Olga Splíchalová qui travaillait au Théâtre
sur la Balustrade comme caissière. L’influence de sa
femme sur son travail, ses principes et ses décisions
en tant que dissident et ensuite comme président
a été considérable. L’année suivante, Václav Havel
ULB DHC 175e
devient membre de la rédaction de la revue littéraire
Tvár (Visage). Elle est interdite de publication en 1966
par le Parti communiste. Cette expérience marque
le début de l’activité véritablement dissidente de
Václav Havel. En janvier 1968, lors de l’élection
d’Alexander Dubcek comme premier secrétaire du
Parti communiste, une vague de libéralisation très
importante, à laquelle Havel participe, se fait sentir
en Tchécoslovaquie. Mais en avril 1969, Dubcek est
destitué par l’intervention armée des chars du
pacte de Varsovie. De 1969 à 1977, Václav Havel
applique sa technique des « pas concrets » en faisant
tout ce qui lui est permis dans les limites de la loi
pour lutter contre le régime. La période est difficile
pour les opposants qui ne sont pas organisés et
dont la plupart s’est exilée après le printemps de
Prague. Havel est lui-même interdit de publication.
En 1975, il écrit une Lettre ouverte à Gustáv Husák
dans laquelle il expose les dangers et les dérives
de la « normalisation » ainsi que la destruction du
domaine culturel où « la vraie culture est remplacée
par l’esthétique de la banalité ». En 1977, un
mouvement d’une plus grande ampleur voit le jour
grâce à la Charte 77, véritable manifeste pour la
défense des droits de l’homme en Tchécoslovaquie.
Deux ans après, Václav Havel est arrêté et jugé pour
subversion contre l’État. Il reste presque quatre
ans en prison où il écrit ses belles Lettres à Olga.
De 1983 à 1989, Václav Havel continue autant qu’il
le peut la lutte, au fur et à mesure que sa notoriété
s’affirme et que le régime s’assouplit, Havel devient
un personnage incontournable et intouchable. La
mobilisation à l’Ouest en faveur des dissidents et
de leurs actions est de plus en plus importante et,
bientôt, la Révolution de velours balaie le régime. Le
29 décembre 1989, Václav Havel est élu président
de la République tchécoslovaque jusqu’en 1990
où il est réélu. En 1992, après la scission de la
Tchécoslovaquie, il devient le premier président
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
70
de la nouvelle République tchèque et le restera
pendant dix années. Sa manière de traiter certaines
problématiques nationales, comme la gestion du
passé communiste, le développement d’une nouvelle
politique économique ou encore la question des
rapports avec la Slovaquie, ne sera pas toujours
approuvée par l’ensemble de la population et de la
classe dirigeante. Au niveau international, il jouera
un rôle important dans le processus d’adhésion
de la République tchèque à l’Union européenne
et à l’OTAN. En 1996, sa femme Olga décède d’un
cancer. Il se remarie l’année suivante avec l’actrice
Dagmar Veskrnová. En 2005, il voyage aux ÉtatsUnis pendant quelques mois et, à son retour, publie
À vrai dire… Livre de l’après-pouvoir. Depuis, il vit
à Prague et recommence à écrire du théâtre. Sa
dernière pièce, sortie en 2007, s’intitule Sur le départ.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Árpád Göncz
Docteur honoris causa 1991
Budapest, Hongrie, 1922
Árpád Göncz naît à Budapest le 10 février 1922
dans une famille cultivée. De 1939 à 1944, il suit
des études à l’Université Pázmány de Budapest
d’où il sort docteur en droit, il suit également des
études en agronomie à l’Université de Gödöllo entre
1952 et 1956, études qu’il n’a jamais pu achever.
Durant la seconde guerre mondiale, la Hongrie
est alliée à l’Allemagne nazie, et Göncz, engagé
très tôt dans la résistance anti-fasciste, déserte
l’armée où il a été enrôlé de force afin de rejoindre
la résistance locale, le bataillon Táncsics. À la
fin du conflit en 1945, il se lance en politique en
étant affilié au Parti paysan indépendant dans
lequel il œuvre pour la réforme agraire, ceci en
parallèle avec ses études en agronomie.
En 1948, après la dissolution du parti par le régime
stalinien mis en place en Hongrie, il travaille
comme soudeur en usine de 1949 à 1951, puis
comme ingénieur agronome de 1951 à 1956.
Le 17 octobre 1956, il expose sa vision de la réforme
agraire devant le Cercle Petöfi, centre important de
diffusion critique et de débats. Une semaine plus
tard, le peuple hongrois se soulève contre la présence
soviétique. Le 4 novembre, les chars soviétiques
entrent dans Budapest, la répression fait 200 000
morts et oblige 160 000 personnes à fuir la Hongrie.
Le président du Conseil Imre Nagy, représentant de
l’aile « réformatrice » du Parti communiste hongrois,
qui avait pris la tête de la résistance anti-soviétique,
est enlevé et déporté en Russie où il est condamné
à mort pour trahison (il sera pendu en 1958 en
Roumanie). Árpád Göncz participe à la révolution
ULB DHC 175e
hongroise, notamment en envoyant à l’étranger le
manuscrit d’Imre Nagy, In Defence of the Hungarian
People on Communism, en 1957. Il est arrêté en
mai par les forces soviétiques et accusé d’avoir
participé à l’envoi du message radio d’István Bibó
(juriste et philosophe, ministre de Nagy) demandant
l’aide des Nations unies pour contrer l’offensive
des chars soviétiques. Il est condamné à la prison
à vie le 2 août 1958. Il s’évade intellectuellement
de cet emprisonnement en apprenant l’anglais
et en se consacrant à la traduction d’œuvres de
la littérature américaine et anglo-saxonne.
Árpád Göncz est libéré en 1963 grâce à une amnistie
générale et au relâchement des contraintes
politiques sous le gouvernement de János Kádár.
Après sa sortie, il est rapidement engagé en tant
qu’interprète à l’Institut de recherche de l’industrie
chimique lourde de Veszprém. Il tente également
de reprendre ses études en agronomie en 1964
mais est exclu de l’université. À partir de 1965, il
se lance dans une carrière d’auteur indépendant
et de traducteur littéraire (il traduit de nombreux
auteurs, parmis lesquels Hemingway, Faulkner, etc.).
Il devient membre de l’Union des écrivains hongrois
– dont il sera le président entre 1989 et 1990.
Dans le courant des années 1970, Göncz reprend
ses activités politiques au sein du mouvement
dissident hongrois. En 1988, il est l’un des membres
fondateur et le vice-président de la Ligue pour
la justice historique (il avait pris part, en 1981 et
pendant de nombreux mois, à des tables rondes
illégales sur l’histoire de la révolution). En mai 1988,
il participe à la fondation du SZDSZ, l’Alliance des
démocrates libres, un parti libéral créé en opposition
au Parti communiste. Il est le porte-parole de ce
groupe entre 1988 et 1989 et membre du conseil
national de ce parti entre 1989 et 1990. En 1989, il
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
72
devient président de la section hongroise de la Ligue
des droits de l’homme. En 1991, il est fait docteur
honoris causa de l’Université libre de Bruxelles.
En mai 1990, il entre au Parlement hongrois, qui
l’élit président de la République en août. Il se
présente pour un second mandat en 1995. Il quitte
la présidence en août 2000. Pendant dix ans, il fut
l’homme politique le plus populaire de son pays
et son parcours est devenu un véritable idéal de
tolérance pour les démocrates du monde entier.
Sa fille, Kinga Göncz, membre du Parti socialiste,
est ministre de l’Égalité des chances, des Affaires
sociales et familiales, puis ministre des Affaires
étrangères de juin 2006 à avril 2009. Elle a été
élue députée européenne le 7 juin 2009.
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Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Bronisław Geremek
Docteur honoris causa 1991
Varsovie, Pologne, 1932 –
Lubień, Pologne, 2008
Issu d’une famille juive de la capitale polonaise, fils de
rabbin, Bronislaw Geremek parvient à quitter le ghetto
de Varsovie en 1943 avec sa mère, alors que son père
est gazé à son arrivée au camp de concentration
d’Auschwitz. Bronislaw Geremek étudie l’histoire
à l’Université de Varsovie dont il est diplômé en
1954, il travaille à l’Institut historique de l’Académie
polonaise des sciences avant d’intégrer l’École
pratique des hautes études et la Sorbonne à Paris.
Contemporanéiste en Pologne, il devient médiéviste
en France, très proche de l’École des annales, élève de
Fernand Braudel et ami de Georges Duby et Jacques
Le Goff. Geremek est l’historien des pauvres et des
marginaux. Il s’intéresse d’abord aux luttes sociales
dans les villes flamandes au XIVe siècle, puis dans
les bas-fonds de la société française au Moyen Âge.
Sa thèse porte sur les marginaux parisiens aux XIVe
et XVe siècles. Dans son dernier livre, paru en 1991,
Le Fils de Caïn, il étudie l’image des pauvres et des
vagabonds dans la littérature européenne du XVe au
XVIIe siècle. L’histoire lui permet ainsi d’exprimer son
engagement en faveur des sans-voix. Entre 1960 et
1965, il est chargé de cours à la Sorbonne et directeur
du Centre culturel polonais à Paris, ce qui lui vaut
en Pologne le surnom et la stature du « Professeur ».
Il est promu directeur du Département de l’histoire
médiévale culturelle de l’Institut historique de
l’Académie polonaise des sciences au milieu des
années 1960. C’est à Paris qu’il rencontre Hanna,
son épouse, éminente papyrologue, spécialiste de
l’Égypte romaine et compagne de toute une vie de
combat intellectuel, jusqu’à sa disparition en 2004.
ULB DHC 175e
Membre du Parti ouvrier unifié de 1950 à août
1968, il en démissionne à la suite de l’invasion de
la Tchécoslovaquie par les troupes du pacte de
Varsovie. Il passe à la dissidence et coopère avec le
Comité de défense des ouvriers (KOR), embryon de
l’opposition démocratique, fondé en 1976. En 1975,
il est le coauteur d’une lettre au leader du parti,
Edward Gierek, demandant des transformations
socio-politiques radicales en Pologne. Il organise des
collectes de fonds pour venir en aide aux ouvriers
en grève. Geremek devient ensuite membre de TKN,
une organisation d’opposition ayant un programme
d’éducation. Il est emprisonné de nombreuses
fois entre 1976 et 1980. Il soutient, à l’été 1980, les
ouvriers des chantiers navals de Gdansk en grève
pour l’obtention d’un syndicat libre. Il rencontre
leur porte-parole, Lech Wal˛esa, qui lui propose
de rester à leurs côtés. C’est ainsi qu’il participe
à la fondation de Solidarność, le premier syndicat
libre du bloc soviétique. Pour la première fois, les
ouvriers et les intellectuels luttent côte à côte. Avec
Tadeusz Mazowiecki, Adam Michnik et Jacek Kuroń,
Bronislaw Geremek est le symbole de cette alliance
qui fait si peur au pouvoir communiste. Délégué
au 1er Congrès national de Solidarność à Gdansk en
septembre 1981, il est interné sous le coup de la loi
martiale le 13 décembre de la même année et libéré
un an plus tard. Il est à nouveau emprisonné de mai
à juillet 1983 pour avoir organisé un meeting illégal
et avoir diffusé de « mauvaises » informations sur la
Pologne. Geremek est démis de l’Académie polonaise
des sciences le 26 avril 1985 et interdit de quitter
le pays en 1986. Mais sa lutte ne s’arrête pas pour
autant. Conseiller écouté de Solidarność, c’est son
talent de médiateur qui fera de lui l’un des principaux
initiateurs de la « table ronde » qui prépare, début
1989, un renversement complet de la situation. En
effet, les élections de juin marquent un triomphe total
pour Solidarność. Il est élu député et devient le chef
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
74
du groupe parlementaire de Solidarność et de ce fait
un élément clé du nouveau gouvernement. L’ULB lui
confère le titre de docteur honoris causa le 19 mars
1991, avec árpád Göncz et Václav Havel. En 1993, il
est titulaire de la chaire internationale du Collège de
France « Histoire sociale : exclusions et solidarités ».
Geremek dirige la diplomatie polonaise de 1997 à 2000.
Après l’adhésion de la Pologne à l’Union européenne
en mai 2004, il est élu député au Parlement européen
sur les listes d’un parti réformateur issu de Solidarność.
Le Parlement lui préfère comme président le socialiste
espagnol Josep Borrell. « Un petit bureaucrate contre
une figure historique ! » tonne alors Daniel CohnBendit. Mais Geremek et la Pologne ont soutenu
l’attaque américaine contre l’Irak, ce que la France et
l’Allemagne ne leur pardonnent pas. Il reste toutefois
un dissident dans l’âme. En 2007, seul contre toute
la classe politique polonaise, il rejette la loi de
« décommunisation » des frères Kaczyński qu’il traite
de « politique d’inquisition ». Il refuse que 700 000
personnes aient à faire l’historique de leur vie pendant
la période communiste et à signer une déclaration
certifiant qu’elles n’ont jamais collaboré avec les
services secrets de l’époque. Il est alors menacé d’être
déchu de son mandat, mais la Cour constitutionnelle
soutient son opposition à cette loi et la rejette en
très grande partie au moment de son examen. « [Mon
passé d’historien] me rend philosophe et me donne
une sorte de distance par rapport à l’événement »,
disait Geremek, isolé sur cette question dans son pays
mais soutenu par ses confrères européens. Il conserve
donc son siège d’eurodéputé, jusqu’au moment de
sa mort tragique, survenue dans un accident de
voiture le 13 juillet 2008 près de Lubień, en Pologne,
en route vers Bruxelles. Bronislaw Geremek est salué
internationalement comme un grand historien et un
champion de la démocratie en Pologne sous le régime
communiste, puis comme celui de l’unité européenne.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Alexander Dubček
Docteur honoris causa 1990
Uhrovec, Slovaquie, 1921 –
Prague, République tchèque, 1992
Alexander Dubc̆ek naît en 1921 dans une famille
communiste slovaque qui émigre vers l’Union
soviétique trois ans plus tard. Élevé et éduqué au
sein du régime, il retourne en Slovaquie en 1938
et devient ajusteur à l’usine S̆koda de Dubnica.
Quand la guerre éclate en 1939, il rejoint le Parti
communiste slovaque, alors illégal, et entre dans
la résistance. Lors de l’insurrection slovaque en
1944, il prend les armes contre les Allemands.
Après la guerre, il étudie le droit à l’Université
Comenius de Bratislava, travaille au Parti communiste
slovaque et devient député à l’Assemblée fédérale.
En 1955, Alexander Dubc̆ek est envoyé pour trois ans
à Moscou à l’École supérieure de politique du Comité
central du Parti communiste soviétique.
À son retour, il continue son parcours politique
et devient en 1963 premier secrétaire du Parti
communiste slovaque et membre du présidium
tchécoslovaque. Alexander Dubc̆ek, se rendant compte
de la situation des Slovaques dans son pays, décide
d’agir dans l’intérêt du peuple slovaque jusqu’alors
ignoré par le premier secrétaire du Parti communiste
tchécoslovaque, Antonín Novotny. Le 5 janvier 1968,
il est élu premier secrétaire du Parti communiste
tchécoslovaque et succède ainsi à Novotny.
À 46 ans, il devient un symbole de changement pour
son pays. Son objectif est d’instaurer un « socialisme
à visage humain ». Tout en restant fidèle à ses idéaux
socialistes et à Moscou, il souhaite rendre son pays
plus indépendant et y établir une plus grande liberté
d’expression caractérisée par la libéralisation de
la presse et l’abolition de la censure. Les réformes
ULB DHC 175e
tchécoslovaques inquiètent les dirigeants des pays
du pacte de Varsovie et notamment le nouveau
dirigeant soviétique Leonid Brejnev qui y voit une
remise en cause de sa politique néostalinienne et de
l’autorité russe. Les chars soviétiques envahissent la
Tchécoslovaquie le 21 août 1968 et mettent violement
un terme à ce mouvement de libéralisation connu
sous le nom de « Printemps de Prague ». Alexander
Dubc̆ek est arrêté, emmené de force à Moscou où
on l’oblige à signer les accords de normalisation.
De retour en Tchécoslovaquie, il conserve son poste
de premier secrétaire du Parti communiste mais,
refusant de faire son autocritique, il est contraint de
démissionner le 17 avril 1969 et est démis quelques
mois plus tard de ses fonctions de membre du
présidium du Parti et de président du Parlement
fédéral. Il exerce alors le poste d’ambassadeur à
Ankara en Turquie et revient quelques temps après en
Tchécoslovaquie où il travaille comme simple employé
des Eaux et forêts à Bratislava sous la surveillance
permanente de l’État. Interdit de toute activité
politique, Alexander Dubc̆ek prend sa retraite en 1982.
En 1988, l’Université de Bologne lui décerne le titre
de docteur honoris causa. L’année suivante, il fait un
retour politique triomphant lors de la Révolution de
velours aux côtés de Václav Havel et accède au poste
de président de l’Assemblée fédérale tchécoslovaque,
fonction qu’il exerce jusqu’en 1992. En janvier 1990,
il reçoit également le prix Sakharov du Parlement
européen pour son action en faveur de la défense
des droits de l’homme et des libertés. La même
année, l’Université libre de Bruxelles lui attribue elle
aussi le titre de docteur honoris causa. En 1992, il
est élu président du Parti social démocrate mais,
peu de temps après, il est victime d’un accident de
voiture et décède des suites de ses blessures.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
76
Fang Li-Zhi
Docteur honoris causa 1989
Pékin, Chine, 1936
Fang Li-Zhi est né à Pékin le 12 février 1936. De
1946 à 1952, il est élève de l’école secondaire n°4
de Pékin. Il entre ensuite à l’université, dans le
Département de physique. En 1955, il est recruté
par le Parti communiste et participe au congrès de
la Ligue de la jeunesse présidée par Hu Qili qu’il
rencontra à l’Université de Pékin. Cependant, deux
ans plus tard, il publie un article critiquant la position
marxiste sur la physique, ce qui lui vaut d’être exclu
publiquement du Parti communiste chinois. Il a
alors 21 ans. Son calvaire commence : il est astreint
à résidence pendant un an en 1966, au début de la
Révolution culturelle, et est envoyé en rééducation
par le travail dans une ferme en 1970, puis dans
les mines de charbon de l’Anhui. C’est lors de cette
période d’isolement par rapport à la communauté
internationale que ses réflexions se tournent vers
l’astronomie, la cosmologie et l’astrophysique. Il
devient d’abord assistant de recherche à l’Institut de
physique de l’Academia Sinica ; puis à l’Université
des sciences et de technologie de Hefei (province
d’Anhui), où se déroule une grande partie de sa
carrière. Il y est nommé professeur en 1978 puis
directeur du Centre d’astrophysique (1980), avant de
devenir vice-président de cette université au milieu
des années 1980. Il obtient un prix de l’Academia
Sinica en 1982, est fait membre de l’International
Center for Theoretical Physics à Trieste en Italie en
1984, il reçoit le 1er prix de l’International Gravity
Research Foundation en 1985, nommé membre de
l’Institute for Advanced Physics de Princeton aux
États-Unis en 1986. À partir de 1987, il est promu
à la tête du groupe d’astrophysique théorique à
l’observatoire de Pékin, géré par l’Academia Sinica.
Malgré les honneurs que lui vaut son expertise, sa
ULB DHC 175e
liberté de ton et de penser agace le pouvoir chinois : le
12 janvier 1987, il est exclu de son poste universitaire,
puis du parti par la commission disciplinaire du Parti
communiste de la province d’Anhui le 17 janvier
1987 (c’est donc sa seconde exclusion du PCC). En
effet, dans son pays, le professeur Fang a contribué
à la confrontation entre la pratique de la discussion
critique telle que l’implique la recherche scientifique
et l’affirmation des principes de la discussion libre
en matière sociale et politique. Il n’a pas hésité à
défendre des idéaux d’émancipation humaine et
d’égalité sociale. Il a accepté de se faire publiquement
l’écho des sentiments de déception et d’espérance
de ses étudiants (manifestations étudiantes de
décembre 1986 – janvier 1987). Il obtient le prix
de la New York Academy of Science en 1988.
Pendant les manifestations de la place Tiananmen,
il est considéré par les autorités comme l’un des
principaux instigateurs de l’agitation étudiante.
Fang Li-Zhi et son épouse Li Shuxian, coauteur de
la plupart de leurs travaux de recherche, reçoivent
l’asile de l’ambassade américaine à Pékin, le 5 juin
1989. Pendant cet asile, il reçoit le titre de docteur
honoris causa de l’ULB (octroyé conjointement à
la dissidente roumaine Doina Cornea) ainsi que le
Robert F. Kennedy Award des droits de l’homme pour
son combat pour la liberté et ses visions politiques.
Après avoir obtenu l’autorisation officielle de quitter
la Chine, le couple s’exile au Royaume-Uni le 25
juin 1990. Depuis 1991, Fang Li-Zhi enseigne et
poursuit ses recherches à l’Université d’Arizona.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
77
Doina Cornea
Docteur honoris causa 1989
Braşov, Roumanie, 1929
Doina Cornea naît le 30 mai 1929 à Braşov en
Roumanie, dans une famille de notables. Dans sa
jeunesse, elle a été fortement marquée par les
humiliations publiques subies par les Juifs dans les
années 1940. Pendant ses études à l’université de
Cluj, elle fait siennes les idées de ses professeurs
prônant l’ouverture d’esprit et la liberté de penser.
En 1952, elle obtient sa licence en lettres françaises
et italiennes. Elle enseigne durant six ans dans le
lycée d’une petite ville, où elle s’applique à éveiller
la conscience de ses élèves, travaillant sur des
textes interdits par les programmes du régime.
Entre-temps, elle se marie et donne naissance à
deux enfants. En 1958 elle devient assistante de
lecture dans son ancienne université. Au milieu des
années 1960, elle refuse à nouveau de suivre le
programme imposé, et se heurte à ses collègues et à
ses supérieurs. Son refus d’adhérer au parti et à son
idéologie lui barre l’accès au statut de professeur.
L’année 1968 arrive, porteuse de changements
éphémères : Nicolae Ceauşescu est élu à la tête
du gouvernement et met en place des réformes
libérales, qu’il abolit quelques années plus tard.
En 1975, il cumule plusieurs fonctions publiques
et exige des institutions qu’elles lui jurent fidélité :
la dictature s’installe, avec la répression amenant
la peur. L’année suivante, quelques mois après
l’exil volontaire de sa fille en France, Doina Cornea
découvre l’action de contestation de penseurs dont
les textes sont diffusés par Radio Free Europe.
Inspirée par leur initiative, elle décide elle aussi de
protester, à sa façon, par le biais de ses cours et en
prenant la parole lors des séminaires idéologiques
ULB DHC 175e
qui lui sont imposés. En août 1982, elle rédige et
envoie à RFE une première lettre ouverte intitulée
Ceux qui n’ont pas arrêté de penser. La rédaction
pensant avoir affaire à un pseudonyme, divulgue
son nom et ses coordonnées lors de la diffusion de
son texte. Doina Cornea entre en dissidence ouverte.
Elle écope d’une petite amende et d’une visite à la
police secrète, la Securitate, quelques mois plus tard,
alors qu’elle continue à donner ses cours comme elle
l’entend. De fil en aiguille, elle est destituée de son
poste d’assistante en septembre 1983. Un an plus
tard, elle touche sa pension. De 1983 à 1987, elle
se consacre à la rédaction d’autres lettres ouvertes
plus thématiques qu’elle envoie à RFE, ainsi qu’à la
traduction en roumain d’ouvrages et textes français
interdits. Sa critique du régime se fait plus précise et
a pour conséquence sa mise sous surveillance étroite,
de lourdes amendes à payer et des visites régulières
à la Securitate où elle est à chaque fois interrogée.
En octobre 1987, elle donne une interview à un
journaliste français pour des médias de l’Ouest, puis
refuse de voter aux élections locales de novembre.
Le lendemain, lorsque des manifestations ont lieu
à Braşov, elle confectionne et distribue avec son
fils 160 tracts de solidarité avec les travailleurs
révoltés. Elle est alors incarcérée avec son fils et
soumise à des interrogatoires quotidiens pendant
cinq semaines. Elle est relâchée grâce à la diffusion
à la mi-décembre de l’interview qu’elle avait donnée
deux mois auparavant : elle acquiert une certaine
notoriété dans les démocraties de l’Ouest, ce qui
lui confère une plus grande protection. La situation
s’envenime vers mai 1988 : des représentants de
syndicats « libres » entrent en contact avec elle,
désireux de la soutenir. Cette nouvelle étape
franchie dans la dissidence entraîne des mesures
plus radicales : contrôle de l’accès à son domicile,
harcèlement moral, surveillance permanente.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
78
Son entourage subit des pressions énormes
et elle se retrouve de plus en plus isolée.
En août 1988, Ceauşescu expose son « plan de
systématisation » aux Roumains, consistant en
la destruction de plus de la moitié des villages
ruraux de Roumanie. Doina Cornea rédige une
lettre de dénonciation le 23 août, qu’elle réussit à
faire sortir du pays grâce au reporter Josy Dubié.
Le 21 décembre, à la veille de la révolution, une
foule de manifestants libère Doina Cornea et la
porte en triomphe. Quelques jours plus tard, un
gouvernement de transition, en réalité aux mains
de membres de l’ex-régime, se met en place et
Doina Cornea est appelée à y siéger. Lorsque ses
doutes sur la manipulation de la révolution s’avèrent
fondés, elle se retire de la politique fin janvier
1990. Elle reprend alors ses activités de militante
pour les droits de l’homme et leur émancipation.
nommée « Domina Ordinis Sancti Sylvestri Papae »
par le Vatican en 2003. En effet, son combat politique
s’est doublé d’un combat religieux. Doina Cornea
de confession gréco-catholique, s’est battue pour
que son Église – qui avait été interdite et dont les
lieux de culte avaient été confisqués au profit de
l’Église orthodoxe – retrouve sa liberté de culte, sans
être pour autant assimilée à l’Église catholique.
Aujourd’hui, Doina Cornea constitue une figure isolée
de la dissidence roumaine. Elle se distingue en effet
par ses prises de position en soutien aux ouvriers,
dans un pays qui, contrairement à la Pologne ou à
la Hongrie par exemple, est marqué par un manque
de solidarité entre intellectuels et travailleurs
(à ce propos, elle soutient que « l’intellectuel
roumain est un peu snob. Il ne parlerait pas à un
ouvrier qui n’a pas lu Kant »). Elle est aussi parmi
les premiers intellectuels roumains à connaître la
prison, ayant pris position avant que l’évolution
politique de Moscou ne rende cela moins risqué.
Elle a reçu de nombreuses distinctions et honneurs
pour son engagement en faveur des droits de
l’homme et de la démocratie : elle est docteur honoris
causa de l’ULB en 1989 (avec le dissident chinois
Fang Li-Zhi), chevalier de la Légion d’honneur en
1999, elle reçoit la Mare Cruce en 2000, elle est
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
79
Shimon Peres
Docteur honoris causa 1987
Vishneva, Biélorussie, 1923
Shimon Peres est issu d’une famille juive sioniste.
Après la faillite de son commerce de bois en 1932,
son père émigre en Palestine, à Tel-Aviv. Sa famille
le rejoint en 1934 et Shimon Peres est envoyé à
l’école hébraïque de Geula. En 1937, il rejoint les
mouvements de jeunesse socialiste, Hanoar Haoved
et Haganah. En 1940, il participe à la fondation du
kibboutz Alumot à Ben Shemen qui accueille des
orphelins pour en faire des pionniers. Peres y étudie
l’agronomie. Il devient secrétaire de la Jeunesse
travailliste à vingt ans. Le premier mai 1945, il épouse
Sonya Gelman, le couple a trois enfants. Deux ans
plus tard, il rejoint le quartier général de la Haganah
où il supervise la militarisation de l’État d’Israël.
Du 14 mai 1948 à juillet 1949, pendant la guerre
d’indépendance, il est en charge de la réorganisation
des services de ravitaillement et de recrutement de
l’armée. Après la guerre, il est envoyé en mission
aux États-Unis par le ministre de la Défense. Il
revient en Israël en 1952 et devient directeur général
adjoint, puis directeur général, auprès du ministre
de la Défense, David Ben Gourion. Il s’occupe alors
principalement du développement militaire d’Israël
en matière aéronautique, électronique et nucléaire,
en lien avec la France, et notamment contre l’Égypte.
En 1959, il est élu à la Knesset et nommé vice-premier
ministre de la Défense jusqu’en 1965. C’est alors
qu’avec Ben Gourion, il quitte le Mapai pour former
le Rafi dont il deviendra le secrétaire général. En
1968, les deux partis travaillistes fusionnent. De 1969
à 1977, Shimon Peres est successivement ministre
de l’Immigration et responsable du développement
économique des territoires administrés, ministre de la
Communication et du Transport (il se rend à Bruxelles
pour y étudier les équipements postaux et de
ULB DHC 175e
télécommunication en 1971), ministre de l’Information,
et enfin ministre de la Défense. Il participe à
l’opération Jonathan (sur Entebbe) et au concept de
« Good Fence Policy » avec la population du sud du
Liban. En mai 1977, son parti passe dans l’opposition
et Peres devient le leader du parti travailliste. La
même année, Yitzhak Rabin démissionne et Peres
assure le poste de premier ministre par intérim. En
1978, lors du Congrès international socialiste, il est
élu vice-président de l’Internationale socialiste. En
juillet 1984, le Likoud s’associe au Parti travailliste
pour former un gouvernement d’union nationale.
Peres en sera le premier ministre jusqu’à sa
dissolution en octobre 1986. Jusque fin 1988, il sera
en alternance premier ministre et ministre des Affaires
étrangères. En novembre 1987, l’ULB lui décerne
un doctorat honoris causa. De 1988 à 1995, il est
ministre des Finances puis à nouveau ministre des
Affaires étrangères et c’est alors qu’il entame les
négociations avec l’OLP sur l’avenir des territoires
occupés. Le 20 août 1993, la déclaration de principes
est signée à Oslo avec Yasser Arafat, puis avec l’OLP
le 13 septembre. Ces accords lui vaudront, avec Yasser
Arafat et Yitzhak Rabin, le prix Nobel de la paix le 14
octobre 1994. En novembre 1995, Yitzhak Rabin est
assassiné et Peres assume à nouveau le poste de
premier ministre par intérim. En avril 1996, il donne le
feu vert à l’opération « Raisins de la colère » contre le
sud du Liban. Jusqu’en 2005, il intègre le cabinet du
premier ministre Ehud Barak, puis devient ministre
des Affaires étrangères et vice-premier ministre du
nouveau gouvernement d’union nationale. Il tente
de reprendre les rênes du Parti travailliste mais,
défait dans une élection interne, s’éloigne puis quitte
définitivement le Parti travailliste pour rejoindre
Kadima, le parti centriste créé par Ariel Sharon en
vue des élections. Début 2005, il établit avec Ariel
Sharon le plan de retrait unilatéral des colonies de
la Bande de Gaza. Le 5 janvier 2006, Ariel Sharon
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
80
est hospitalisé, Peres refuse le poste de premier
ministre. Le parti Kadima remportant les élections
la même année, Shimon Peres devient vice-premier
ministre et reçoit le portefeuille du développement
régional de Galilée et du Néguev. Il est élu neuvième
président de l’État d’Israël le 13 juin 2007. Shimon
Peres a rarement remporté les élections et a été le
second de nombreux chefs d’État israéliens. Il a été
chargé des relations diplomatiques avec l’étranger
et a dit vouloir aboutir à un « Moyen-Orient, havre
de paix ». Il a créé le Cercle Peres pour la paix.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
81
Sandro Pertini
Docteur honoris causa 1987
Stella San Giovanni, Italie, 1896 –
Rome, Italie, 1990
Alessandro Pertini naît à Stella, province de Savone,
dans une famille aisée de propriétaires terriens. Au
cours de ses études, son professeur de philosophie
Adelchi Baratano lui offre ses premiers contacts avec
le socialisme. En 1917, il part pour le front et, après la
guerre, il obtient son diplôme de droit à l’Université
de Gênes. Il rejoint le Parti socialiste italien en 1918.
Pertini s’installe à Florence et s’inscrit en sciences
politiques à l’Institut Cesare Alfieri. Il y défend
une thèse sur La Coopération et est diplômé en
1924. À Florence, Pertini va également entrer
en contact avec des milieux interventionnistes
démocratiques et socialistes et rencontrer des
activistes comme l’historien Gaetano Salvemini,
les militants antifascistes Carlo et son frère Nello
Rosselli et le futur fondateur du Parti radical, Ernesto
Rossi. C’est pendant cette période qu’il adhère au
mouvement antifasciste Italia Libera et connaît ses
premiers ennuis avec les squadristi fascistes.
Après l’assassinat du député socialiste Giacomo
Matteotti, il rejoint le PSU (Parti socialiste unifié)
pour exprimer ses opinions politiques axées
sur le socialisme et la liberté et pour s’opposer
activement au fascisme. Il connaît alors sa première
condamnation à huit mois de prison pour avoir
publié une brochure clandestine sous le titre : Sotto
il barbaro dominio fascista, une brochure accusant
notamment la monarchie et le Sénat d’être en partie
responsable de la montée du fascisme. Libéré, il
reprend ses actions mais, en novembre 1926, après la
tentative échouée d’assassinat sur Mussolini, il doit
quitter Savone pour échapper à la violente répression
ULB DHC 175e
des fascistes et se réfugie à Milan chez Carlo Rosselli.
En décembre, des lois antifascistes le condamnent à
cinq ans d’expulsion. Il rencontre l’un des fondateurs
du PSU, Filippo Turati, avec qui il s’exile en France
grâce à l’aide d’autres militants. Cette expatriation les
condamne à dix mois de réclusion supplémentaire.
Durant son exil, Pertini vit à Paris et à Nice de « petits
boulots ». Contestant toujours le fascisme, le tribunal
de Nice le condamne pour avoir propagé ses opinions
politiques sur les ondes d’une station de radio. Après
trois ans d’exil, et sous un faux nom, il retourne en
Italie et reprend ses activités antifascistes au sein
d’une organisation clandestine du Parti socialiste,
mais il est très vite arrêté et condamné. Pertini est
alors enfermé et confiné pour quatorze années, ce qui
n’affecte pas ses convictions et sa détermination mais
a des conséquences certaines sur sa santé physique.
Après la chute du régime fasciste, en août 1943,
Pertini est enfin libéré et rejoint le Parti socialiste qui
lutte contre les nazis qui occupent le pays. En octobre,
il est arrêté et condamné à mort par les forces
allemandes mais il réussit à s’évader et rejoint Milan
pour participer activement à la libération du pays. Il
se joint aux activités du CLNAI (Comité national de
libération de l’Italie du nord) et prend part à la bataille
pour la libération de Florence. Il réorganise également
le Parti socialiste dont il deviendra le secrétaire.
La guerre finie, Pertini consacre son temps à la
politique et au journalisme. Il devient secrétaire du
PSI en 1945 et député de l’Assemblée constituante
en 1946. Deux ans plus tard, il est sénateur de la
République et président du groupe socialiste au
Sénat. Il est également à la direction du quotidien
Avanti ! (journal du PSI) de 1945 à 1946 et de 1950 à
1952 et du journal gênois Il Lavoro en 1947. Après les
élections de 1953, il siège à la Chambre des députés
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
82
en tant que vice-président de la commission des
Affaires intérieures et de la commission des Affaires
constitutionnelles. La même année, il est désigné
vice-président du groupe parlementaire et membre de
la direction du Parti socialiste et reçoit la médaille d’or
militaire pour sa participation à la guerre partisane.
En 1963, il est élu vice-président de la Chambre puis
président de la Chambre en 1968 et en 1972, jusque sa
dissolution en 1976. Enfin, en 1978, il est élu président
de la République : il doit faire face à une crise
économique, à une crise politico-parlementaire et aux
« années de plomb » marquées par le terrorisme et la
corruption. Après son mandat présidentiel, il devient
sénateur à vie. Il est également à la présidence de
la Fondation d’études historiques Filippo Turati de
Florence, constituée en 1985 dans le but de conserver
le patrimoine de la documentation sur le socialisme
italien. Pertini est aujourd’hui encore considéré par
tous comme un fervent acteur de la lutte antifasciste
et un défenseur des droits de l’homme. C’est pour
ces raisons que Pertini a reçu des diplômes honoris
causa de différentes universités et notamment de
l’Université libre de Bruxelles en novembre 1987 ;
il fut également élu à l’Académie française. Malgré
une santé fragile tout au long de sa vie à cause de
ses conditions de détention, Sandro Pertini meurt
presque centenaire à Rome le 24 février 1990.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Mário Soares
Docteur honoris causa 1987
Lisbonne, Portugal, 1924
Mário Soares est un homme politique portugais.
Né dans une famille bourgeoise, il fait partie
des Jeunesses communistes de 1942 à 1945. En
octobre 1945, l’opposition démocrate fonde un
mouvement politique : le Movimento de Unidade
Democrática (MUD), mouvement dont la section
jeunesse, fondée par Mário Soares, est très proche
du Parti communiste. Deux ans plus tard, ses
nombreux conflits avec le PC le poussent à quitter
le parti. Mário Soares participe alors à la lutte
interne où il devient secrétaire de la commission
centrale pour la candidature du général Norton
de Matos à la présidence de la République.
Licencié en histoire et en philosophie par la Faculté
de philosophie et lettres de Lisbonne en 1951, ainsi
qu’en droit par la Faculté de droit de Lisbonne en 1957,
il lui est interdit d’enseigner en raison de ses idées
politiques. De plus, les différentes activités politiques
qu’il a menées au cours de ses années d’université lui
valent d’être emprisonné trois fois. Il dirige ensuite
le Colegio Moderno, qui avait été fondé vingt ans
plus tôt par son père, mais le quitte en 1959 pour
finalement s’inscrire au barreau de Lisbonne où il se
spécialise dans la défense des prisonniers politiques.
En 1964, il crée l’Action socialiste portugaise qui
pose les bases d’un véritable parti socialiste même si
celui-ci ne fut officiellement créé qu’en 1973 lors d’un
congrès qu’il réunit avec l’aide des socio-démocrates
allemands à Bonn. L’année suivante, il est l’avocat de
la famille du général Humberto Delgado, assassiné
par la PIDE (police politique du gouvernement).
Durant son enquête, il est emprisonné deux fois et
est considéré comme l’ennemi numéro un du régime
de Salazar. De septembre à mars 1967, il se retrouve
ULB DHC 175e
à nouveau emprisonné de manière arbitraire et dans
des conditions si mauvaises qu’il demande l’habeas
corpus. Il est finalement déporté l’année suivante
sur l’île de São Tomé pour un an afin d’être oublié.
En 1969, peu après son retour d’exil, il dénonce la
guerre coloniale lors d’une conférence de presse en
Amérique du Nord. Une formidable entreprise de
propagande sera alors élaborée par le gouvernement
dans le but de le faire passer pour un traître. Il sera
finalement obligé de s’exiler en France. Lorsque son
père meurt en 1970, Mário Soares rentre au Portugal
pour ses obsèques, sans avertir le gouvernement ni la
police de son retour. Il est arrêté quelques jours plus
tard et de nouveau expulsé en France. Durant son exil,
il est chargé de cours aux universités de Vincennes
et de la Sorbonne (Paris) et professeur associé à
la Faculté de philosophie et lettres de l’Université
de Haute-Bretagne à Rennes. De plus, il devient le
secrétaire général en exil du PS lorsque celui-ci est
reconnu officiellement en 1973 ainsi que le viceprésident de l’Internationale socialiste jusqu’en 1986.
Il rentre au Portugal après le 25 avril 1974 et la
Révolution des œillets, où il est accueilli en héros. Il
consacre le reste de l’année 1974 à faire le tour des
différentes capitales européennes pour obtenir la
reconnaissance du nouveau régime portugais. De
1974 jusqu’au début 1975, il participe aux Ier, IIe et
IIIe gouvernements provisoires en tant que ministre
des Affaires étrangères. Puis, il est ministre sans
portefeuille du IVe gouvernement provisoire. C’est
lors de ce mandat qu’il commence officiellement le
processus de décolonisation des colonies africaines.
En 1976, la victoire du PS aux premières élections
législatives le place comme premier ministre du
Ier gouvernement constitutionnel, fonction qu’il
exerce par deux fois jusqu’en 1978. Il entame alors
le processus permettant l’intégration du Portugal
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
84
dans la Communauté économique européenne,
même si, économiquement, il doit faire face
à une situation de quasi rupture financière et
de paralysie des activités économiques.
Il dirige l’opposition de 1978 jusqu’en 1983, puis est
de nouveau premier ministre du IXe gouvernement
constitutionnel et il signe le traité d’adhésion du
Portugal à la CEE le 12 Juin 1985. En 1986, Mário
Soares est le premier président civil élu directement
par le peuple. Il exerce deux mandats jusqu’en 1996.
C’est durant cette période que lui est décerné le titre
de docteur honoris causa de l’Université libre de
Bruxelles, en hommage à ses nombreuses années
de lutte contre la dictature et à son désir d’intégrer
le Portugal dans l’Union européenne. En 1991, il crée
la Fondation Mário Soares et en devient le président
à la fin de l’année 1996. L’année suivante, il est
nommé à la présidence de la Fondation « Portugal
África », à la présidence du Mouvement européen
international ainsi qu’à la présidence du Comité
des sages du Conseil de l’Europe. Il dirige la liste
socialiste aux élections européennes en 1999 et
est élu au Parlement européen jusqu’en 2004.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
85
Abdou Diouf
Docteur honoris causa 1987
soupçons de fraudes électorales. En 2000, alors qu’il
se présente pour un quatrième mandat après dix-neuf
années au pouvoir, il est battu à la présidentielle
par Abdoulaye Wade, élu à une forte majorité.
Louga, Sénégal, 1935
Abdou Diouf est un homme politique sénégalais né
à Louga (Sénégal) le 7 septembre 1935. Il est élevé
par sa grand-mère à Saint-Louis et par les femmes
de la famille, dont une est militante politique et
représentante du parti de Léopold Sédar Senghor.
Sa jeunesse baigne dans un milieu d’action politique
et d’apprentissage de la tolérance. Il suit ses études
primaires et secondaires dans les meilleures écoles
sénégalaises, parallèlement à sa formation dans
une école coranique. Il entame des études de droit
à l’Université de Dakar et les poursuit à Paris,
à l’École nationale de la France d’outre-mer. En
1960, il est diplômé et sort major de sa promotion.
Certains le surnomment « Abdou sans faute » pour
le parcours impeccable de ses études. Diplômé,
il retourne à Dakar, devient adjoint au secrétaire
général du gouvernement et gouverneur de la région
du Siné Saloum jusqu’en 1962. En 1963, Léopold
Sédar Senghor le prend sous son aile et le nomme
directeur de son cabinet. Il a 28 ans, et dès lors,
ne quitte plus les fonctions politiques. En 1964,
il devient secrétaire général du gouvernement
puis en 1968, ministre du Plan et de l’Industrie. Il
accède au poste de premier ministre en 1970, poste
qu’il occupe pendant une décennie. En 1981, après
la démission de Senghor, il devient président de
la République du Sénégal. Il est élu puis réélu à
la présidence en 1983, 1988 et 1993. Démocrate
convaincu, Abdou Diouf place ses différents
mandats sous le signe d’une politique d’ouverture
au multipartisme et fait alors entrer plusieurs de
ses opposants au gouvernement. Il travaille aussi
à la libéralisation progressive de l’économie et à
la décentralisation. En 1993, il est à nouveau réélu
malgré des troubles sérieux en Casamance et des
ULB DHC 175e
Commence alors pour lui une seconde carrière
politique, internationale. Abdou Diouf s’efforce
de faire dialoguer entre elles les différentes
cultures dans le but d’améliorer l’entente et la
cohésion entre les nations. Il travaille aussi à
une plus grande unité africaine en assumant les
fonctions de président de l’OUA (Organisation
de l’unité africaine) et plus tard, de la CEDEAO
(Communauté économique des États de l’Afrique
de l’Ouest). En 2002, il est élu secrétaire général de
l’organisation internationale de la francophonie.
« Je suis fier du fonctionnement de la démocratie,
du respect des droits de l’homme, et si demain
le peuple sénégalais ne me choisit pas, je me
rangerai derrière le nouveau président. »
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
86
Altiero Spinelli
Docteur honoris causa 1984
Rome, Italie, 1907 – Rome, Italie, 1986
Issu d’une famille laïque et élevé par un père
aux idées socialistes ancrées, Altiero Spinelli
s’intéresse très tôt à la politique et aux problèmes
de la société italienne. Adolescent, il commence par
discuter avec son père qui lui explique les idéaux
et les valeurs socialistes ainsi que la question de
la lutte des classes. Spinelli lit Engels, Lassalle,
Marx, il découvre Trotsky et Lénine. Profondément
influencé par ces idées, il s’implique dans la
vie politique, non pas dans un but de politique
nationale, mais dans l’espoir de participer à une
révolution mondiale. À 17 ans seulement, en 1924,
il rentre à l’Université de Rome, en Faculté de
droit, participe à ses premières manifestations
antifascistes et adhère au Parti communiste.
En 1926, l’Italie prend un tournant totalitaire, et
Spinelli est obligé de fuir à Milan. Il y continue
la lutte et prend la tête des organisations de
Lombardie, du Piémont et de Ligurie. Il est arrêté
le 3 juin 1927 par la police fasciste et condamné
par le tribunal spécial à 16 ans de réclusion.
En prison, Spinelli continue sa formation
intellectuelle ; il découvre, par ses lectures, la
pensée de Luigi Einaudi, père fondateur de la pensée
fédéraliste d’inspiration libérale au XXe siècle, les
philosophes tels que Hegel ou Kant. L’évolution
politique de la Russie le déçoit fortement et l’amène
à critiquer violemment la ligne de conduite de
Staline, ce qui lui vaut d’être exclu du PC italien.
Il reste néanmoins fidèle à l’idéal communiste
mais prône une liberté totale, ce qui l’oppose aux
dirigeants aussi bien fascistes que communistes.
ULB DHC 175e
En juillet 1939, Spinelli est transféré sur l’île de
Ventotene, au large de la Campanie. Durant cette
période, il finit par adhérer complètement, après
plusieurs années de remise en question, aux idées
fédéralistes d’Einaudi. Il écrit, en 1941, avec l’aide de
son ami Ernesto Rossi, son ouvrage le plus célèbre,
le Manifeste pour une Europe libre et unie, plus
connu sous l’appellation de Manifeste de Ventotene.
Il y exprime l’idée d’une Europe fédérale, à bâtir
lors de la reconstruction d’après-guerre, comme
seul rempart contre les États souverains et, par
conséquent, contre les nationalismes, à ses yeux
cause de tous les maux européens. Le manifeste
parvient à être diffusé grâce aux réseaux clandestins.
En 1943, Spinelli et quelques amis codétenus rédigent
les Tesi Federaliste et, lors de sa libération, il rentre
dans la résistance. Le 27 août 1943, juste après
l’effondrement du régime de Mussolini, ils fondent
le Mouvement fédéraliste européen (MFE), dont la
base idéologique est établie sur ces Tesi Federaliste.
Il souhaite, par la création de ce mouvement, générer
un appui à la passation des pouvoirs nationaux vers
des institutions supranationales afin de permettre
à la fédération européenne d’administrer la paix
et la liberté sur le territoire européen. Spinelli crée
un mouvement et non un parti car sa volonté est
de rassembler au-delà des limites frontalières
dans une vision d’unification. Durant la guerre,
les réunions du MFE se font clandestinement,
la première se déroulant le 20 mai 1944 et étant
présidée par Spinelli, Einaudi et Ernesto Rossi.
Après la guerre, les idées fédéralistes spinelliennes
se heurtent aux idées fonctionnalistes. Plusieurs
projets sont débattus, notamment la création d’une
force armée commune, mais lors de la conférence
de Londres en 1954, des alliances, traités et
pactes sont signés entre différentes puissances
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
87
Altiero Spinelli
européennes marquant l’échec du fédéralisme par
le retour au premier plan des États souverains.
Spinelli change alors de tactique dans son action
politique et se concentre sur la mobilisation des
peuples des démocraties européennes. Il devient
ainsi contestataire et non plus conseiller.
En 1970, Spinelli intègre la Commission européenne
en tant que commissaire aux Affaires industrielles et
technologiques et à la Recherche. Poursuivant son
idéal de former des États-Unis d’Europe, il cherche
ainsi à agir de l’intérieur. Malheureusement, ces six
années ne lui permettent pas de faire progresser ses
idées, c’est pourquoi il démissionne avant la fin de
son mandat. Il est élu au premier Parlement européen
désigné au suffrage universel en 1976, en tant
qu’indépendant de gauche, c’est-à-dire non-affilié
à un parti politique, mais proche des idées de ceux
qu’il considère comme la force politique (le socialisme
et le communisme) la plus proche de son combat
d’unification. Il devient ainsi parlementaire européen
et son expérience et sa force ont beaucoup plus
d’impact. Son œuvre majeure est le projet d’Union
européenne qui est approuvée par le Parlement en
1984. Cependant, le résultat final de ce projet est bien
maigre aux yeux de Spinelli, puisque cela débouche
sur l’Acte unique, signé en 1986, qu’il qualifie luimême d’« une souris dont la montagne a accouché ».
En 1984, l’ULB a voulu saluer, en lui remettant sa
plus haute distinction, un homme qui ne s’est jamais
découragé dans son combat, malgré ses nombreuses
défaites, un homme qui a toujours considéré la liberté
comme l’aspect le plus précieux d’un être humain.
Il est décédé peu de temps après, le 23 mai
1986, et, bien que son combat soit poursuivi par
d’autres, il n’en aura pas vu l’accomplissement.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Andreï Sakharov
Docteur honoris causa 1984
Moscou, Russie, 1921 – Moscou, Russie, 1989
Andreï Dimitrievitch Sakharov, brillant cerveau, entre
à l’Université de Moscou à 17 ans. Suivant les traces
de son père, il entame une carrière de physicien. En
1942, il obtient sa licence ès sciences et est envoyé
comme ingénieur dans une usine d’armement. En 1947,
il participe à l’équipe de recherches sur la bombe H
soviétique dans laquelle il joue un rôle majeur. En 1953,
à 32 ans, il devient le plus jeune membre de l’Académie
des sciences de l’URSS et reçoit les plus hautes
distinctions soviétiques (il est trois fois médaillé Héros
du travail socialiste, en 1954, 1956 et 1962). En 1958, il
émet des inquiétudes face à la course aux armements
et rédige une lettre adressée à Khrouchtchev. À ce
moment, il demande une déstalinisation plus poussée
et, en 1966, il signe une lettre collective opposée à
la réhabilitation de Staline dans le cadre du XXIIIe
congrès du Parti communiste d’Union soviétique.
1968 voit sa rupture vis-à-vis des autorités
soviétiques : il rédige un mémorandum intitulé
Réflexions sur le progrès, la coexistence pacifique et
la liberté intellectuelle qui demande, entre autres,
plus de liberté d’expression et la fin de la course à
l’armement nucléaire. Parallèlement, il condamne
sans appel l’intervention soviétique et l’écrasement
du Printemps de Prague, ce qui lui vaut d’être
empêché de poursuivre ses travaux scientifiques.
En 1970, il fonde un comité des droits de l’homme
qui dénonce les arrestations et les internements
des dissidents au régime. Contrairement à d’autres
dissidents, il est athée, fait une différence entre
Staline et Lénine et surtout défend les minorités
soviétiques (Tatars, Arméniens, Juifs, etc.) avec une
approche mondiale et universelle de la lutte pour les
ULB DHC 175e
libertés politiques. Il critiquera d’ailleurs Soljenitsyne
pour son manque de confiance envers la science, la
démocratie ou le multipartisme. En 1971, il épouse
la médecin et militante Elena Bonner, qui devient
sa compagne de lutte pour le reste de sa vie.
En 1974, il entame sa première grève de la faim pour
obtenir la libération de prisonniers politiques et pour le
droit à l’émigration. Il devient alors le premier soviétique
à obtenir le prix Nobel de la paix en 1975, mais c’est
à Elena que le comité remet le prix, car lui n’a pas été
autorisé à quitter le territoire russe. Il continue à mener
une lutte très éprouvante contre le pouvoir en place,
par le biais de plusieurs grèves de la faim et malgré
les humiliations, les brimades du KGB et l’exil à Gorki
(aujourd’hui Nijni-Novgorod), ville située à 400km à
l’est de Moscou et totalement interdite aux étrangers.
C’est pendant cet exil qu’il est fait docteur honoris
causa de l’Université libre de Bruxelles, en 1984.
Il subit cet exil jusqu’en 1986. À sa libération, il est
réintégré à l’Académie des sciences puis élu député
à l’assemblée soviétique où il lance un mouvement
d’opposition de gauche au travers du Groupe
interrégional des députés progressistes. Il continue au
sein du Congrès des députés à stigmatiser le manque
de liberté, la répression politique du régime et prône un
retour au pouvoir des Soviets plutôt qu’à celui du Parti
communiste. Il fait de l’Assemblée un vrai champ de
bataille des idées. Il devient le symbole de la défense des
droits de l’homme. En 1988, son nom est donné au prix
du Parlement européen distinguant les personnes ou les
organisations qui ont consacré leur action aux libertés
et aux droits de l’homme. Il meurt brusquement d’une
crise cardiaque, le 14 décembre 1989, dans son bureau.
Ses derniers mots avant de se retirer dans son bureau
furent « Il y aura un dur combat demain », annonçant une
nouvelle offensive au Congrès des députés du peuple.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
89
Nelson Mandela
Docteur honoris causa 1984
Mvezo, Afrique du Sud, 1918
Natif d’une famille de chefs liée à la famille royale,
Rolihlahla Mandela, de son prénom anglais Nelson,
est né en 1918 dans un petit village d’Afrique du Sud.
Après le décès de son père en 1927, il bénéficie de
l’aisance financière de son tuteur, ce qui lui permet
à la fois de recevoir une éducation européenne mais
aussi de faire un parcours scolaire remarquable en
Afrique du Sud qui le mène de l’école de Clarkebury
en passant par le lycée de Healdtown jusqu’à
l’Université de Fort Hare où il étudie le droit et
rencontre Oliver Tambo qui le suivra tout au long de
sa carrière politique. Suite à son renvoi de Fort Hare
pour avoir osé défendre les droits des Noirs et à son
refus d’un mariage arrangé, il s’enfuit à Johannesburg
où il rencontre Walter Sisulu qui allait non seulement
devenir son mentor mais aussi influencer tous ses
choix politiques notamment en ce qui concerne son
adhésion à l’African National Congress (ANC) dont
lui-même est membre. Il continue par la suite ses
études de droit par correspondance mais également
à l’université de Wittwatersrand. Sa carrière politique
commence dès les années 1940 à la suite de son
adhésion à l’ANC, parti majeur prônant l’idée de
non-violence et luttant contre l’apartheid, concept
politique imaginé et soutenu par le gouvernement,
reposant sur la suprématie de la race blanche et la
ségrégation des races dans tous les domaines. Il
fonde, la même année, avec Walter Sisulu et Oliver
Tambo la Ligue de la jeunesse et participe à de
nombreuses révoltes pacifiques, notamment celle
de 1952 durant laquelle il monte une campagne de
défiance contre le gouvernement, ce qui lui vaut
d’être jugé la même année. Après le massacre de
Sharpeville qui voit, en 1960, la mort de nombreux
manifestants pacifiques ainsi que l’interdiction d’un
ULB DHC 175e
certain nombre de partis, y compris l’ANC, Mandela,
désormais clandestin, décide avec ses compagnons
de passer à la lutte armée au sein de l’Umkhonto we
Sizwe. Ils sont arrêtés et condamnés à cinq ans de
prison en 1961. Mais en 1964, suite à la découverte de
nouvelles preuves comme la charte de liberté signée
de sa main, il est condamné à la prison à perpétuité
échappant de peu à la peine de mort. Il n’arrête pas
pour autant la lutte. Dans la seconde moitié des
années 1980, les nombreux problèmes économiques
et politiques liés aux révoltes orchestrées contre
l’apartheid, poussent le gouvernement du président
d’Afrique du Sud, Frederik de Klerk, à la négociation.
C’est dans ces années, en 1984, que l’ULB lui
décerne le titre de docteur honoris causa, alors qu’il
est toujours emprisonné. Il est finalement libéré
en 1990 après avoir obtenu la certitude que les
Noirs obtiendraient de plus en plus de droits, qu’ils
pourraient dès lors être élus au pouvoir et que les
interdictions liées aux partis politiques seraient
levées. En 1994, les premières élections multiraciales
le portent au pouvoir. Il est le premier président
noir élu d’Afrique du Sud. Dès son élection, il met
en place une constitution provisoire. Il se retire en
1999 après un seul mandat. Il crée la Fondation
Mandela consacrée à la commémoration de cette
lutte pour l’égalité. Actuellement, il consacre son
existence à la lutte contre le sida, virus auquel son
fils a succombé. À l’échelle internationale, Mandela
reste toujours le symbole de cette lutte pour le
respect des droits et du combat pour une Afrique
du Sud démocratique, matérialisés par le prix
Nobel de la paix avec Frederik de Klerk en 1993.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
90
Willy Brandt
Docteur honoris causa 1984
Lübeck, Allemagne, 1913 – Unkel, Allemagne, 1992
Issu du milieu ouvrier des faubourgs de Lübeck,
l’enfance de Karl Herbert Frahm est pauvre et solitaire.
De 1919 à 1926, il fréquente l’école secondaire et
poursuit ses études au lycée grâce à une bourse,
obtenant son baccalauréat en 1932. Le jeune Frahm
fait très tôt preuve de ses qualités de militant au
sein du mouvement de jeunesse socialiste et comme
chroniqueur du Volksbote, de sorte qu’il adhère à
l’âge de dix-sept ans et sous la protection de son
mentor Julius Leber au SPD (Sozialdemokratische
Partei Deutschland). Sa grande idole reste néanmoins
August Bebel, président du SPD avant la première
guerre mondiale. En 1933, Frahm, antinazi recherché
par la Gestapo, prend le nom de Willy Brandt et part en
exil en Norvège où il commence des études d’histoire
à Oslo. Deux ans plus tôt, suite à la capitulation du
SPD devant la montée de Hitler, Frahm avait quitté les
sociaux-démocrates et rejoint le SAP (Sozialistische
Arbeiterpartei). En 1939, une année avant de s’exiler
en Suède, le journaliste Brandt adopte la nationalité
norvégienne. Brandt revient en Allemagne après la
guerre pour assister au procès de Nuremberg en tant
que correspondant de la presse norvégienne. Trois
ans plus tard, il reprend la nationalité allemande et
s’installe définitivement à Berlin. C’est le début d’une
brillante mais difficile carrière politique. Victime
de campagnes de diffamation, on lui reproche un
hypothétique combat contre sa patrie lors de l’entrée
des troupes hitlériennes en Norvège en 1940. Le
parcours de Brandt débute lentement en 1948 quand
il devient représentant du bureau du parti socialdémocrate à Berlin. Il siège parallèlement de 1949
à 1957 au Bundestag et de 1951 à 1971 à la chambre
des députés de Berlin. Sa période faste commence en
1957 avec le poste de bourgmestre de Berlin-Ouest, la
ULB DHC 175e
capitale étant alors divisée en quatre parties. Il fait déjà
preuve d’ouverture vers l’Est mais aussi vers l’Ouest
avec en tête les États-Unis, position qui se renforce
en 1966 quand Brandt devient ministre des Affaires
étrangères dans le gouvernement de grande coalition
de Kiesinger. Évidemment, Brandt, menant une
politique très humaine et à l’instar de John F. Kennedy,
est aussi conscient de l’importance de la question
intra-allemande à laquelle il se consacre spécialement
en tant que chancelier de la RFA entre 1969 et 1974.
À partir de 1969, Brandt est à la tête d’un
gouvernement de coalition libéral-socialiste et mène
avec l’aide d’Egon Bahr son Ostpolitik, politique
d’ouverture vers la RDA et vers l’Est en général.
L’Ostpolitik a sans aucun doute contribué en grande
partie à la chute du Mur en 1989. Cet engagement
exemplaire en vue d’une paix européenne voire
mondiale lui vaut entre autre l’attribution du prix
Nobel de la paix en 1971. Les mêmes raisons amènent
l’ULB à lui attribuer le titre de docteur honoris causa
en 1984. Le geste marquant par lequel il s’excuse
au nom de l’Allemagne pour son passé nazi est son
agenouillement devant le monument aux morts du
ghetto de Varsovie en décembre 1970. En mai 1974, la
carrière de Brandt, alors au sommet de sa popularité,
prend brutalement fin avec sa démission suite à
l’affaire d’espionnage Guillaume. À la fois chef de
cabinet de Brandt et membre des services secrets
de la RDA, Günter Guillaume profitait en effet de la
confiance du chancelier, qui perd alors toute crédibilité
dans cette affaire. De 1976 à 1992, Brandt, auteur de
nombreux ouvrages politiques et autobiographiques,
occupe le poste de président de l’Internationale
socialiste. En 1987, il quitte définitivement le SPD
suite à des querelles internes mais en reste le
président honoraire jusqu’à sa mort en 1992.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
91
Simone Veil
Docteur honoris causa 1984
Nice, France, 1927
Simone Veil, née Simone Jacob, est la fille cadette
d’une famille juive de quatre enfants. Son père
André Jacob est architecte. Elle passe son enfance
dans le sud de la France, à Nice. Pendant la seconde
guerre mondiale, le 30 mars 1944, une patrouille
de la Gestapo l’arrête et l’envoie avec sa famille à
Auschwitz-Birkenau. Elle n’a que seize ans quand
elle entre dans le camp avec sa mère et une de ses
deux sœurs. Elle ne reverra plus jamais son père
ni son frère. Elle est ensuite envoyée dans le camp
de Bergen-Belsen lors des « marches de la mort ».
Sa mère y meurt le 25 mars 1945, ce qui marque
Simone Veil pour le reste de sa vie. À son retour
en France, on annonce à Simone Veil qu’elle a été
reçue aux épreuves de baccalauréat qu’elle avait
passées avant sa déportation. Elle s’inscrit en
sciences politiques à l’Institut d’études politiques
de Paris ainsi qu’en droit à la Sorbonne. Elle
rencontre Antoine Veil en février 1946 et l’épouse
en octobre, le couple a rapidement deux enfants,
Jean et Nicolas, puis Pierre-François en 1954.
Simone Veil est nommée attachée titulaire à la
direction de l’administration pénitentiaire au ministère
de la Justice en 1957 dans le gouvernement de Guy
Mollet. Elle visite un grand nombre de prisons pour
vérifier les conditions de détention des prisonniers.
Elle est dépêchée en Algérie lors du conflit francoalgérien pour inspecter les prisons algériennes
et faire un rapport. Elle est affectée en 1964 à la
direction des affaires civiles où elle s’occupe de la
réforme sur le texte de loi de l’adoption. En 1969, elle
intègre le cabinet du garde des sceaux René Pleven
membre du parti CDP (Centre démocratie et progrès),
alors ministre de la Justice, en tant que conseillère
ULB DHC 175e
technique, mais elle démissionne rapidement. Le
14 mars 1970, elle est nommée secrétaire générale
du Conseil supérieur de la magistrature. Quatre ans
plus tard, le président Valéry Giscard d’Estaing la
nomme ministre de la Santé. Simone travaille sur
plusieurs réformes, notamment les lois incluant les
contraceptifs dans les médicaments remboursés par
la sécurité sociale en 1974, les lois sur la pharmacie
vétérinaire, sur les personnes handicapées et sur
les cosmétiques en 1975, sur la politique familiale et
le tabagisme en 1976, sur le prélèvement d’organes
en 1977 et sur la protection de la maternité en 1978,
mais celle qui lui importe le plus est la législation
sur l’avortement. Après une longue lutte pour faire
adopter le projet sur l’avortement, le texte est adopté
le 15 janvier 1975 et porte le nom de « loi Veil » même
si elle s’y est opposée à plusieurs reprises. Deux ans
plus tard, elle réforme la sécurité sociale. En 1979,
Simone Veil quitte le gouvernement pour conduire
la liste centriste aux élections européennes. Elle est
élue députée et devient la première présidente du
Parlement européen pour trois ans. Puis de 1982 à
1984, elle est présidente de la commission juridique
du Parlement. En 1984, elle parvient à imposer et à
mener une liste unique de l’opposition aux élections
européennes, qui recueille 43% des voix. Elle-même
est réélue députée. En 1993, Édouard Balladur propose
à Simone Veil le poste de ministre de la Santé, des
Affaires sociales et de la Ville, poste qu’elle occupe
jusqu’aux présidentielles suivantes. Elle devient
ensuite membre du Conseil constitutionnel de 1998 à
2007. Simone Veil est également présidente d’honneur
de la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Dans la
foulée de la publication de ses mémoires, sobrement
intitulés Une Vie, elle est élue à l’Académie française
en novembre 2008. La même année, elle accepte la
présidence du conseil de direction du fonds au profit
des victimes de la Cour pénale internationale.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Paul Delvaux
Docteur honoris causa 1979
Antheit, Belgique, 1897 – Furnes, Belgique, 1994
Issu d’une famille modeste, Paul Delvaux est né dans
un petit village près de Huy. Son père, Jean Delvaux
est avocat et poursuit sa carrière à Bruxelles, où Paul
passe toute sa jeunesse, éduqué par sa mère Laure
Jamotte. À l’école primaire, au cours de musique, il a
pour camarade Robert Giron, futur peintre également
et ami de toute une vie. Ses humanités achevées, ses
parents, conscients qu’il ne deviendra jamais avocat,
l’inscrivent à l’Académie des beaux-arts de Bruxelles en
section architecture. Mais Paul Delvaux qui a développé
une véritable passion pour le dessin, désapprouve ce
choix et, à la suite de son échec dans cette section,
décide d’arrêter et part faire son service militaire. À la
fin de la guerre, après avoir travaillé dans une firme de
navigation fluviale, il part avec ses parents à Zeebrugge
où il rencontre un peintre de grande notoriété, Constant
Montald, dont il reprendra les compositions de nus et
l’importance du paysage. Celui-ci voyant son talent,
convainc ses parents de l’inscrire à l’Académie des
beaux-arts de Bruxelles en section peinture. C’est
là qu’il poursuit ses études de 1920 à 1924 et reçoit
une formation de peinture classique. Au cours de ces
dernières années d’enseignement, il suit les cours du
soir de Jean Delville et peint de nombreuses œuvres
au Rouge-Cloître, abbaye près de la forêt de Soignes,
où il rencontre Alfred Zastien qui allait devenir son
maître. Après ces quelques années de formation, Paul
Delvaux, au contact d’un certain nombre d’artistes,
développe divers styles picturaux tout en gardant
des thèmes constants. Dans ses débuts, il décide
de prendre part au style néo-impressionniste dont
il ne gardera aucune œuvre. Par la suite, subissant
l’influence de peintres flamands de grande notoriété
tels que Permeke et De Smet, il s’impose dans la
peinture expressionniste flamande. Cependant, la
ULB DHC 175e
grande influence qui s’exerce sur lui dans les années
1930 est celle du musée du docteur Spitzner à la foire
du Midi, dont il s’inspire pour un certain nombre de
ses œuvres, notamment ses travaux consacrés aux
squelettes. Ce n’est qu’à la découverte des peintures
de De Chirico et de Magritte à l’exposition Minotaure
qu’il développe le genre surréaliste. Ses œuvres seront
constamment influencées par la littérature de Jules
Verne, mais aussi par le souci de représenter des choses
qui lui étaient familières et qui lui rappelaient son
enfance. C’est ainsi que, parmi celles-ci, on retrouvera
toujours des gares semi-désertes, des architectures
à colonnes dues à une influence de l’Antiquité, des
femmes répétées à l’identique et à l’infini, nues errant
et ne se regardant jamais, passant à côté d’hommes
habillés qui ne semblent jamais les voir. On retrouvera
aussi des squelettes. Ces thèmes lui permettent ainsi de
développer un univers onirique fait d’images de rêveries
où règne un érotisme distancié, teinté d’une poésie,
qui permet au spectateur de rentrer dans un univers
parallèle à celui du temps présent, où prime la vérité
et la recherche d’un réel et dans lequel tout le monde
pourrait lire le message qu’il veut et s’y retrouver sans
pour autant oublier la réalité de notre monde. Professeur
à l’École nationale supérieure d’arts et d’architecture de
Bruxelles de 1950 à 1962, il participe à de nombreuses
expositions qui lui permettent de faire connaître ses
œuvres à travers le monde. En 1983, ne voyant plus
les couleurs, il réalise sa dernière œuvre. Il est nommé
chef de gare honoraire de Louvain-la-Neuve en 1984.
C’est pour la création d’un tout autre univers
qui permettait de rêver que Paul Delvaux a reçu
de nombreux honneurs et prix comme celui de
la Légion d’honneur en 1976 et celui de docteur
honoris causa de l’Université libre de Bruxelles
en 1979. Une fondation Paul Delvaux, regroupant
toutes ses œuvres, fut également créée à SaintIdesbald, près de Coxyde, en 1979-1980.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Maurice Béjart
Docteur honoris causa 1979
Marseille, France, 1927 – Lausanne, Suisse, 2007
Issu d’une famille modeste d’ascendance sénégalaise,
Maurice Berger (de son nom de scène Maurice
Béjart, en hommage à la femme de Molière, Armande
Béjart) est né dans un petit quartier de Marseille
où il passera toute sa jeunesse. À la suite du décès
de sa mère en 1934, il est élevé par son père, le
philosophe, Gaston Berger. Rêvant d’être metteur en
scène, il réalise déjà enfant de petites mises en scène
qui seront non seulement le point de départ de ses
grandes œuvres mais aussi des espaces de rencontre
qui lui permettent de se lier d’amitié avec des gens
qui le suivront toute sa vie, comme sa cousine
Joëlle Berger qui devient par la suite responsable
des costumes et des décors de tous ses ballets.
Au cours de son parcours scolaire, Maurice Béjart
fréquente différents établissements qui lui donnent
l’occasion de développer de nombreuses passions
mais également de suivre un certain nombre de
cours. C’est ainsi que, dans un premier temps, il
étudie le théâtre mais aussi le chant. Il effectue, par
la suite, ses études à l’école et au lycée du SacréCœur de Marseille où il obtient son baccalauréat.
Néanmoins, voulant faire honneur à son père, il
s’inscrit à la Faculté d’Aix-en-Provence où il décroche,
en 1945, deux certificats de licence de philosophie.
C’est durant ces années d’études, sur les conseils
de son médecin et en raison de sa maigreur, qu’il
suit en parallèle des cours de danse privés, dans
le quartier du Vieux-Port, à la suite desquels il
intègre le corps de ballet de l’Opéra de Marseille.
Quelques temps plus tard, déterminé à quitter
Marseille, il part à Monte-Carlo. À défaut de faire
partie de la troupe, il suit un certain nombre de
ULB DHC 175e
cours. Apprenant qu’on cherche des danseurs à
Vichy, il s’y rend et obtient un tout petit rôle dans
un ballet. Il y fait la rencontre de Jean Laurent,
organisateur de spectacles de danse mais également
de galas dans toute la France. Sur ses conseils, il
se dirige à Paris où il rencontre d’innombrables
professeurs avec lesquels il acquiert les principes
fondamentaux de la danse académique.
En 1948, il fait la connaissance de Roland Petit,
créateur des Ballets de Paris, qui lui donne sa
chance. Il poursuit son chemin à Londres, où il
intègre la troupe de l’International Ballet de Mona
Inglesby. Il participe dès lors à d’innombrables
représentations à travers le monde notamment en
Suède où il prend part à la réalisation d’un film.
Après avoir rempli ses obligations militaires, il
décide de fonder à Paris les Ballets Romantiques qui
deviendront en 1954, les Ballets de l’Étoile, troupe
avec laquelle il fera de grandes tournées. En 1957,
les Ballets de l’Étoile deviennent le Ballet-Théâtre
de Maurice Béjart. C’est à cette date que Béjart
décide d’arrêter sa collaboration avec Jean Laurent
et de prendre comme agent le comte Pimentel qui
va provoquer la banqueroute de la compagnie.
Endetté, Béjart quitte Paris pour Bruxelles. La
rencontre avec Maurice Huisman, directeur du Théâtre
royal de la Monnaie, s’avère décisive ; ce dernier lui
propose d’y créer des chorégraphies. Béjart crée
alors la compagnie du Ballet du XXe siècle, qui va
donner lieu à un rayonnement important pour la
danse en Belgique, pendant les vingt-sept années
qu’il y demeure. Metteur en scène et danseur à
la fois, il réussit à créer par sa danse un nouveau
monde où se mélangent danse et paroles tirées de
musiques contemporaines. C’est également sur
base de sa connaissance des mythes occidentaux
et orientaux, acquise le long de son parcours à
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
94
travers le monde, qu’il puise ses idées pour créer un
univers onirique, au sein duquel se retrouvent ses
thèmes de prédilection : l’amour sous sa forme la
plus absolue, la liberté de l’esprit et du mouvement.
En 1987, après le départ de Maurice Huisman,
Béjart quitte Bruxelles avec sa troupe et s’installe
à Lausanne où il crée le Béjart Ballet Lausanne.
Il y fonde également l’École Rudra pour jeunes
danseurs qui avait été précédée par celle de
Bruxelles, l’École Mudra, mise sur pied en 1970 et
par celle de Dakar appelée Mudra-Afrique. Pour
sa contribution artistique universelle, Maurice
Béjart reçoit en 1979 le titre de docteur honoris
causa de l’Université libre de Bruxelles.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Salvador Allende
Docteur honoris causa 1975
Valparaiso, Chili, 1908 – Santiago, Chili, 1973
Issu d’une famille modeste et d’un milieu imprégné
de politique, Salvador Allende est né dans un petit
village du Chili où il passe toute sa jeunesse et une
bonne partie de sa carrière d’homme politique.
Initié dès son plus jeune âge aux idées libérales et
progressistes propres à son grand-père et à son père,
il est très vite attiré par les principes du socialisme
marxiste qu’il développe et défend tout au long de
sa vie. Il réalise un parcours scolaire remarquable,
le menant de l’école primaire de Valparaiso au lycée
de l’Institut national de Santiago où, après y avoir
réussi ses études secondaires, il accomplit son
service militaire dans la cavalerie. Par la suite, décidé
à mener à bien des études de médecine, il s’inscrit à
l’Université du Chili où il participe à des cours du soir
donnés par la Fédération des étudiants à laquelle il
adhère et dont il deviendra le vice-président. Pendant
ces années, il se distingue comme un membre
actif, très engagé dans la vie estudiantine. Il est élu
président des étudiants en médecine, et se passionne
pour les idées nouvelles du marxisme à travers la
révolution d’Octobre et la fréquentation d’un vieux
cordonnier d’origine italiennne, Juan Demarck. Ces
idées l’amènent à diriger un groupe d’étudiants
d’orientation marxiste appelé Avance. Mais à la suite
de nombreuses manifestations – dont l’une entraîne
la chute du général président Carlos Ibáñez en
1931 –, il est arrêté et expulsé de l’université. Malgré
cela, ses bons résultats et ses nombreux stages
internes lui permettent d’obtenir son diplôme.
Ne trouvant pas de place dans les hôpitaux, il
débute sa carrière comme assistant d’anatomie
pathologique et organise la Revue de médecine
sociale à Valparaiso où, par la suite, il devient
ULB DHC 175e
rédacteur du Bulletin médical du Chili. En 1933, il
participe à la fondation du Parti socialiste, dont il
est élu député de sa circonscription natale en 1937.
Un an plus tard, il est désigné ministre de la Santé
et il œuvre à la production et à la distribution de
médicaments contre les maladies vénériennes,
la réduction du nombre de morts liés au typhus,
l’allocation de deux millions de pesos aux centres
d’hygiène publique, l’extension du service dentaire
dans les écoles et la mise en place de restaurants
universitaires pour les étudiants, ainsi qu’à la création
d’un comité d’aide aux républicains espagnols.
Élu du Parti socialiste, il se consacre pendant deux
décennies au travail de sénateur de plusieurs
régions, entre sa première élection en 1945 et
1966, lorsqu’il est nommé président du Sénat. En
1970, il est élu président du Chili sous l’étiquette
de l’Unité populaire, la coalition de gauche. Il lance
un programme de réformes sociales basé sur une
réforme agraire et une nationalisation des entreprises
ainsi que sur une amélioration du mode de vie du
peuple chilien. Son ambition est de permettre une
redistribution équitable de la terre, d’augmenter
la production agricole, de récupérer les richesses
nationales aux mains du capital étranger et de relever
le niveau de vie des travailleurs pour défendre leurs
intérêts de manière à ce que ceux-ci puissent avoir
un revenu plus élevé qui leur permettrait de vivre
selon la dignité humaine. Mais, ayant réalisé ces
réformes et rétabli les relations diplomatiques avec
Cuba et Pékin, il se heurte de plein fouet aux ÉtatsUnis – qui ont investi beaucoup d’argent dans les
entreprises chiliennes et qui craignent que l’arrivée
d’un président communiste au pouvoir influence
d’autres pays d’Amérique latine –, ainsi qu’aux
classes moyennes et bourgeoises qui perdent non
seulement leur pouvoir mais aussi leurs avantages.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Afin de sauvegarder de leurs intérêts, les ÉtatsUnis décident le blocus économique du pays, ce qui
provoque une inflation galopante, difficile à endiguer
car la productivité chute et le gouvernement est
incapable de maîtriser le déficit budgétaire qu’il
avait laissé filer pour financer les réformes. Des
révoltes et des grèves éclatent, notamment celle des
camionneurs, ce qui n’empêche pas Allende d’obtenir
la majorité au suffrage de 1972. L’année suivante, la
démission du général de l’armée Prats pousse Allende
à nommer Augusto Pinochet à la tête de l’armée. Le
11 septembre 1973 à 9h du matin, Pinochet, piloté,
soutenu et financé par les États-Unis, tente un coup
d’État militaire contre le président ; l’armée assiège le
palais présidentiel, que l’aviation bombarde. Allende
s’adresse une dernière fois au peuple chilien, clamant
son refus de démissionner face à la force. Conscient
que toute tentative d’échapper du palais se solderait
par un assassinat déguisé en accident, il se suicide
dans le bureau présidentiel du palais de la Moneda.
C’est pour son idéal de démocratie politique et
pour sa volonté de transformer par des voies
pacifiques la société chilienne qu’il reçoit à titre
posthume, le titre de docteur honoris causa
de l’Université libre de Bruxelles en 1975.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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U Thant
Docteur honoris causa 1967
Pantanaw, Birmanie, 1909 –
New York, États-Unis, 1974
Maha Thray Sithu U Thant étudie à l’école secondaire
nationale de Pantanaw et poursuit ses études d’art et
de sciences à l’Université de Rangoon. Lorsque son
père meurt en 1928, il décide de devenir professeur
à l’école où il avait été élève. Il devient directeur
de cette même école en 1931 après avoir passé un
concours du professorat du second degré. Avant
la seconde guerre mondiale, il est membre du
Comité birman des manuels scolaires, du Conseil
national de l’éducation et du comité exécutif de
l’Association des directeurs d’école. Il est nommé
secrétaire du Comité birman pour la réorganisation de
l’enseignement en 1942 mais reprend son travail de
directeur de l’École secondaire nationale un an après
pour une période de quatre ans. Faisant valoir ses
notions de journalisme, il devient en 1947 directeur
des services de presse du gouvernement. Il exerce
ensuite la fonction de directeur de la radiodiffusion
en 1948. Sa carrière professionnelle est très riche.
Après un passage au ministère de l’Information, il
devient en 1957 le représentant birman permanent
à l’ONU en tant qu’ambassadeur. Il mène aussi
la délégation birmane à l’assemblée générale et,
en 1959, il est le vice-président de la quatorzième
assemblée générale. Deux ans plus tard, il est
nommé président de la commission de conciliation
des Nations unies pour le Congo et président du
Comité pour un fonds d’équipement des Nations
unies. Il est nommé secrétaire général par un vote
de l’assemblée générale le 30 novembre 1962 et
reprend le mandat inachevé de Dag Hammarskjöld
dans un contexte international marqué par la guerre
froide. Il s’efforce de trouver des solutions à la
crise des missiles de Cuba en 1962 où il s’impose
ULB DHC 175e
d’emblée comme médiateur entre les États-Unis et
l’Union soviétique. À la même époque, il participe
à la résolution de la crise congolaise, puis établit
le cessez-le-feu de Chypre l’année suivante. Lors
du conflit indo-pakistanais en 1965, il instaure un
cessez-le-feu et envoie une mission d’observation.
Pendant la guerre du Vietnam, il essaye de stabiliser
les rapports entre les deux gouvernements mais
son intervention échoue. Il est réélu pour un second
mandat en tant que secrétaire des Nations unies sous
la recommandation du Conseil de sécurité en 1966.
En 1967, l’Égypte demande au Nations unies de retirer
les casques bleus de son territoire. U Thant s’exécute
craignant pour la sécurité des soldats de l’ONU. En
1971, au terme de son second mandat, il décide de ne
plus poursuivre. U Thant décède à l’âge de soixantecinq ans des suites d’un cancer. Quand son corps est
rapatrié en Birmanie, des étudiants s’en emparent
et l’enterrent dans un mausolée de l’Université de
Rangoon avant que la police ne déplace le corps dans
une tombe privée et scellée. Bien qu’U Thant ait usé
de son influence de secrétaire général, il est souvent
apparu neutre, voire effacé dans certains moments,
hésitant souvent à rentrer en conflit avec une des
grandes puissances membres de l’organisation.
Bouddhiste de religion, il est reconnu comme étant
un homme calme et méditant quotidiennement.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
98
Baudouin de Belgique
Docteur honoris causa 1959
Laeken, Belgique, 1930 – Motril, Espagne, 1993
Baudouin de Belgique est le deuxième enfant et
premier fils du roi Léopold III et de la reine Astrid de
Suède. Cadet de Joséphine-Charlotte et aîné d’Albert,
son enfance est marquée par le décès accidentel de
sa mère à l’âge de cinq ans. Dans sa jeunesse, il vit
les années de guerre principalement en Belgique,
alors que l’immédiat après-guerre, marqué par la
question royale, voit la famille royale s’installer
en Suisse jusqu’en juillet 1950. Les résultats et les
événements qui suivent la consultation populaire
de mars 1950 contraignent Léopold III à se retirer.
Nommé prince royal le 11 août 1950, Baudouin devient
le cinquième roi des Belges le 17 juillet 1951, au
moment de l’abdication de son père. Politiquement,
les dix premières années de règne du jeune roi sont
marquées tour à tour par la question scolaire (19541958), la création de la CECA (1951) et de la CEE
(1957), l’exposition universelle de Bruxelles (1958)
et l’indépendance du Congo belge (1960). Sur le
plan familial, Baudouin épouse le 15 décembre 1960
doña Fabiola de Mora y Aragon, union dont ne naîtra
aucun enfant. En 1976, à l’occasion des célébrations
de ses vingt-cinq ans de règne, le souverain crée la
Fondation Roi-Baudouin. Gérant encore de nos jours
de nombreux fonds d’entreprises et fonds nominatifs,
son objet est l’amélioration des conditions de vie
de la population sur les plans économique, social,
culturel et scientifique, tant à court qu’à long terme.
Ses fortes convictions catholiques conduisent le roi
Baudouin à refuser de sanctionner la loi proposant la
dépénalisation de l’avortement en 1990. Une astuce
constitutionnelle permet toutefois au conseil des
ministres, constatant son impossibilité de régner
du 3 au 5 avril, d’avaliser la loi. Bien que défenseur
ULB DHC 175e
de l’unité du pays, la structure de l’État belge sera
profondément modifiée au fil de son règne. Les
querelles linguistiques ont conduit l’État unitaire
à se doter d’une frontière linguistique, de trois
régions et de trois communautés. La constitution
de la Belgique, monarchie parlementaire, exige
que les actes officiels du roi soient soumis au
contrôle du gouvernement. Cependant, loin de
considérer sa fonction comme protocolaire, le roi
Baudouin a exercé une forte influence sur le monde
politique au cours de ses quarante-deux ans de
règne. Il a, par exemple, régulièrement dénoncé le
racisme et la xénophobie dans ses discours, s’est
toujours refusé à recevoir quelque représentant
de l’extrême-droite (Front national et Vlaams
Blok). Le roi meurt d’un arrêt cardiaque à l’âge de
63 ans. Sans héritier direct, son frère Albert lui
succède sur le trône de Belgique le 9 août 1993.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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William Fulbright
Docteur honoris causa 1958
Sumner, États-Unis, 1905 –
Washington, États-Unis, 1995
Le père de William, Jay Fulbright, est un banquier,
un homme d’affaires, un fermier prospère et le
propriétaire d’un journal pour lequel sa mère,
Roberta Waugh, est chroniqueuse. William grandit
à Fayetteville en Arkansas. Il entre à l’université à
l’âge de 15 ans et en sort muni d’un Bachelor of Arts
en sciences politiques en 1925. Ayant obtenu une
bourse afin de poursuivre ses études à l’étranger, il
choisit l’Université d’Oxford, où il obtient un Master
of Arts trois ans plus tard. Ce séjour à l’étranger allait
considérablement inspirer la suite de sa carrière.
À son retour, William Fulbright étudie le droit à
l’Université George Washington de Washington DC. Il
y rencontre Elizabeth Williams, une militante socialiste
originaire de Philadelphie, qu’il épouse en 1932.
Deux ans plus tard, William Fulbright décroche son
diplôme de droit et est engagé à la division antitrust
du département de la Justice. Il occupe également
un poste de professeur de droit à l’Université de
Washington. À partir de 1936, il enseigne le droit
à l’Université d’Arkansas. De 1939 à 1941, il est
président de cette université. Âgé d’à peine 34 ans, il
est le plus jeune recteur d’université de tous les ÉtatsUnis. En 1941, le nouveau gouverneur de l’Arkansas,
Homer Adkins, assouvissant une vengeance
personnelle, persuade le conseil d’administration
de demander la démission de Fulbright dont la mère
avait discrédité Adkins dans le journal familial.
William Fulbright refuse et est démis de ses fonctions
le 9 juin de la même année. Il entame sa carrière
politique l’année suivante en décrochant un mandat
à la Chambre des représentants. En janvier 1943, il
entre au Congrès. Il fait parler de lui en septembre
de la même année lorsque la Chambre adopte la
ULB DHC 175e
Fulbright resolution, une proposition de mise en
place d’un organisme international de maintien de la
paix, précurseur des Nations unies. En 1944, il est élu
sénateur de l’Arkansas, supplantant Homer Adkins, le
gouverneur à l’origine de son éviction de l’Université
d’Arkansas. Sa carrière au Sénat se poursuit jusqu’en
1974. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, il
propose une loi organisant un programme d’échanges
scolaires et scientifiques internationaux qui est
acceptée à l’unanimité et signée par le président
Truman en août 1946. Le programme démarre la même
année et rencontre instantanément un franc succès.
Dès ce moment et jusqu’en 1995, plus de 250 000
personnes ont bénéficié des aides du programme
Fulbright. En 1949, William Fulbright intègre la
commission des affaires étrangères du Sénat et en
devient le président de 1959 à 1974, établissant ainsi
un record de longévité. Sa carrière sénatoriale est
marquée par quelques actes en rupture avec la ligne
de conduite politique américaine de l’époque. Tout
en soutenant la politique du président Truman, il
fait en effet clairement part de ses idées. En 1950,
craignant un nouveau conflit mondial, il s’oppose
vainement à l’intervention des États-Unis en Corée et
au début de l’année suivante demande le retrait des
forces armées. En 1954, il vote contre le financement
de la commission McCarthy, un programme de
localisation d’éventuels espions communistes au sein
de l’administration américaine. C’est d’ailleurs lui qui
rédigea la motion de censure qui mit un terme définitif
à la carrière du sénateur Joseph McCarthy. Enfin,
il s’oppose activement à l’invasion de la Baie des
Cochons proposée par le président J.F. Kennedy en
1961. Opposé à toute idée de guerre, Fulbright admire
la prudence du président Dwight D. Eisenhower
et recommande à ses successeurs J.F. Kennedy et
Lyndon B. Johnson d’adopter la même attitude.
Lorsque la guerre du Vietnam éclate, il introduit, à
la demande du président, une motion approuvant le
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
100
bombardement du Vietnam, un geste qu’il sera amené
à regretter devant l’imbroglio qui devait suivre. Il joue
aussi un rôle crucial comme président des auditions
du Sénat sur la politique américaine et la conduite du
conflit. Après cinq mandats de sénateur de l’Arkansas,
William Fulbright perd les élections primaires de 1974
au profit de Dale Bumpers. Il devient alors conseiller
pour le cabinet d’avocats Hogan & Hartson et se
consacre activement au programme d’échanges qu’il
a mis en place. Il reçoit entre autres le titre de docteur
honoris causa de l’Université libre de Bruxelles en
1958 et, en 1993, la Presidential Medal of Freedom
des mains du président Bill Clinton qui n’a jamais
caché son admiration pour celui qui a été, comme
lui, gouverneur de l’Arkansas. Il quitte le cabinet
d’avocats Hogan & Hartson en octobre 1994. Un
an auparavant avait été créé le prix Fulbright pour
la compréhension internationale (Nelson Mandela
en est le premier lauréat). William Fulbright s’éteint
à son domicile de Washington le 9 février 1995.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Trygve Lie
Docteur honoris causa 1951
Oslo, Norvège, 1896 – Geilo, Norvège, 1968
Trygve Lie est le fils de Martin Lie et de Hulda
Arnesen. Il grandit dans une famille modeste, son
père est charpentier et décède très jeune. Lie adhère
à l’Organisation de la jeunesse du Parti travailliste
en 1911. À l’âge de seize ans, il est élu, au lycée,
président de la section d’Aker (un faubourg d’Oslo)
du Parti et ce, de 1914 à 1919. Il fait des études de
droit à l’Université d’Oslo avec l’aide d’une bourse
et d’un travail de coursier pour financer ses études
qu’il termine en 1919. Cette année-là, il est secrétaire
adjoint du Parti travailliste norvégien jusqu’en
1922. De 1922 à 1935, il est conseiller juridique de
la fédération des syndicats. Il est nommé secrétaire
exécutif du parti en 1926. Il résout de nombreux
conflits sociaux, entre patronat et ouvriers. Il
permet à Léon Trotski de se réfugier en Norvège
après que celui-ci ait été expulsé d’URSS et de
France. De 1935 à 1939, il est ministre de la Justice
dans le gouvernement de Johan Nygaardsvold,
du Parti travailliste. De 1939 à 1940, il obtient le
portefeuille de l’Industrie, de la Marine marchande
et des Pêcheries. Lors de l’invasion allemande de la
Norvège, le gouvernement norvégien se réfugie à
Londres et Trygve Lie est nommé ministre des Affaires
étrangères en exil, par intérim en 1940 puis en titre
un an plus tard. Il se distingue comme diplomate
pendant la guerre grâce à ses bons rapports avec
les Anglais, les Américains et les Soviétiques. En
tant que ministre des Affaires étrangères, il préside
la délégation norvégienne à la Conférence des
Nations unies de San Francisco (avril – juin 1945), où
est signée la Charte des Nations unies. Il y préside
la commission chargée de rédiger le chapitre de
la Charte traitant du Conseil de sécurité. Après la
libération de son pays, il est confirmé à son poste
ULB DHC 175e
de ministre des Affaires étrangères en octobre 1945.
C’est en cette qualité qu’il préside la délégation
norvégienne à la première session de l’Assemblée
générale des Nations unies qui se tient à Londres, en
1946. Le 1er février 1946, il est élu premier secrétaire
général de l’ONU, pour une période de 5 ans. Le
1er novembre 1950, l’assemblée générale décide
de prolonger son mandat de 3 ans. Mais, le 10
novembre 1952, il remet sa démission de secrétaire
général sous la pression soviétique à cause de ses
positions pendant la guerre de Corée. Le suicide de
son conseiller juridique, à la suite d’investigations
auprès du personnel de siège de l’ONU à New York,
influence également sa décision. Le 10 avril 1953,
Dag Hammarskjöld, un diplomate suédois, prend
sa succession. Rentré en Norvège, Trygve Lie y
assume successivement les fonctions de ministre
de l’Industrie (1963) puis du Commerce (1964-1965).
Il décède à l’âge de 72 ans, le 30 décembre 1968.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
102
William Lyon Mackenzie King
Docteur honoris causa 1947
Berlin, Canada, 1874 – Kingsmere, Canada, 1950
Issu d’une famille libérale et aisée, William Lyon
Mackenzie King est certainement l’un des hommes
politiques canadiens les plus importants du XXe siècle.
Son grand-père maternel, William Lyon Mackenzie,
fut le premier maire de Toronto et le fer de lance de la
Rébellion des patriotes qui souleva le Haut-Canada
contre les colons britanniques en 1837-1838. Comme
son père, le jeune King s’oriente vers les études de droit
et décroche en 1896 un diplôme de Osgoode Hall, une
école de droit liée à l’Université de Toronto. Il poursuit
sa formation à l’Université de Harvard où il obtient un
Master of Arts en économie politique en 1898. Il rédige
l’année suivante une thèse de doctorat sur les relations
de travail dans l’industrie textile aux États-Unis, au
Canada et en Angleterre, qui ne sera soutenue qu’en
1909 à l’Université de Harvard. Entre-temps, il devient
journaliste mais préfère rapidement embrasser une
carrière politique au sein du Parti libéral. Élu député en
1908, il obtient dans la foulée le portefeuille du Travail
au sein d’un gouvernement dirigé par son mentor, le
francophone Sir Wilfried Laurier. Défait aux élections
générales de 1911, King abandonne provisoirement la
politique et devient expert en relations industrielles
auprès de la Fondation Rockefeller, prodiguant des
conseils de conciliation pour la gestion des grèves.
C’est à cette époque qu’il rédige un ouvrage tiré de son
expérience de consultant et perçu plus tard comme un
livre-programme : Industry and Humanity: A Study in
the Principles Underlying Industrial Reconstruction.
de 22 ans, record jusqu’ici inégalé au Canada. Ses
différents mandats se confondent avec l’histoire de
son pays. Aux prises avec les répercussions de la
crise économique de 1929, il élabore un programme
de lutte contre le chômage fortement inspiré du
New Deal de Roosevelt. En politique intérieure, il
penche pour une autonomie accrue du Canada, mais
sans aller cependant jusqu’à soutenir explicitement
l’indépendance du pays au sein du Commonwealth,
ce que d’aucuns lui reprochent amèrement. Sa ligne
de conduite hésitante en la matière est illustrée par
l’entrée en guerre du Canada en 1939 : d’un côté, il
procède hâtivement à une mobilisation des troupes,
de l’autre, il s’en remet à la souveraineté du Parlement
pour voter la déclaration de guerre officielle, qui
intervient une semaine après celle de la GrandeBretagne. Partisan d’une politique de neutralité et
d’apaisement avec l’Allemagne, il tente à plusieurs
reprises d’éviter la conscription généralisée, laquelle
cristallisait les oppositions entre francophones
et anglophones et avait déjà précipité sa défaite
électorale en 1917. Il finit toutefois par l’adopter en
avril 1942 en limitant sa portée à l’échelle nationale.
Fin 1944, il fait voter un décret de conscription
généralisée qui écorne sa popularité mais a peu
d’effets concrets du fait de la fin de la guerre.
Instigateur d’un programme de reconstruction du
pays marqué par les principes interventionnistes de
l’État-providence, King se détache progressivement
de la vie politique après la guerre non sans s’être
assuré de la stabilité économique et de l’unité
politique du pays. Il décède d’une pneumonie
dans sa résidence d’été de Kingsmere en 1950.
King entame son retour en politique en 1919 en prenant
la succession de Wilfried Laurier à la tête du Parti
libéral. C’est le début d’une carrière au sommet qui ne
s’achèvera que par sa retraite en 1948. Il est nommé
premier ministre à six reprises pour une durée totale
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
103
Franklin D. Roosevelt
Docteur honoris causa 1945
New York, États-Unis, 1882 –
Warm Springs, États-Unis, 1945
Issu d’un milieu aisé, Franklin Delano Roosevelt est
le fils unique de James Roosevelt, fervent démocrate,
vice-président des chemins de fer de l’Hudson et de
Sarah Delano, riche new-yorkaise. Ceux-ci éduquent
leur fils unique dans la tradition aristocratique
anglaise, en lui adjoignant un précepteur et en
l’emmenant avec eux dans leurs voyages à travers
l’Europe. Le jeune Franklin évolue dans un univers
dominé par des adultes jusqu’à ses 14 ans, quand il
entre dans la très stricte école privée de Groton, dans
le Massachusetts. Il fait son entrée à l’Université de
Harvard en 1900, et devient rapidement l’éditeur du
journal universitaire. À cette période, il rencontre
Eleanor Roosevelt, une cousine éloignée avec qui il
se fiance en 1904 et qu’il l’épouse l’année suivante,
raison pour laquelle il ne finit pas le cursus qu’il a
entamé à la Columbia Law School. Une fois passé
son examen au barreau, il est reçu avocat en 1907
et entre dans un cabinet new-yorkais. Il fait ses
débuts en politique en 1910, quand les démocrates
du Dutchess County le poussent à présenter sa
candidature au Sénat. Il remporte les élections et le
siège de l’État de New York, où il s’impose comme le
leader de l’opposition démocrate. Lors des élections
de 1912, il tombe malade, ce qui l’exclut de la
campagne. L’année suivante, le nouveau président
Woodrow Wilson, que Roosevelt avait énergiquement
soutenu, lui offre le poste d’assistant secrétaire
à la Marine. Cette nouvelle affectation l’amène à
s’installer à Washington, où il acquiert la réputation
d’un démocrate progressiste prometteur. Bien qu’il
soit battu par le Tammany Hall lors des élections
sénatoriales de 1914, il se consacre à sa fonction
qui consiste à préparer la Marine à la guerre. Àla
ULB DHC 175e
fin de la guerre, il se rend en Europe pour assurer
la démobilisation de la Marine et il participe aux
conférences de paix avec le président Wilson. En
1920, le Parti démocrate propose sa nomination
à la vice-présidence et il tente dès lors de faire
rentrer les États-Unis dans la Société des nations.
Cette proposition est rejetée par le Sénat et, après
la nomination du président républicain Harding,
Roosevelt s’éloigne de la vie publique. Terrassé par
une grave crise de poliomyélite, il entame un long
processus en vue de recouvrer l’usage de ses jambes.
Malgré son handicap, et sur les conseils de sa femme,
il décide en 1924 de faire son retour sur la scène
politique en soutenant la candidature d’ Al Smith au
poste de gouverneur de l’État de New York. En 1928
le poste est à nouveau vaquant et les démocrates
poussent Roosevelt à se présenter. Il l’emporte à
une courte majorité et figure désormais en bonne
place sur la liste des nominés démocrates pour la
présidence. Quand, en 1929, la Grande Dépression
s’abat sur les États-Unis, Roosevelt sait se montrer
plus habile que le président Herbert Hoover en
mobilisant les ressources de son État pour assurer
une sécurité minimum aux nécessiteux. Candidat du
Parti démocrate, il est élu avec une majorité écrasante
lors des élections du mois de novembre et entame son
premier mandat le 4 mars 1933. Épaulé par ce qu’il
appelle son Brain Trust, sa première action consiste
à décréter un congé national pour toutes les banques
et à les placer sous contrôle fédéral. Dans les mois
et les années qui suivent, il met en place un train
de réformes (le New Deal) qui visent à redynamiser
l’économie américaine. Elles sont une réussite sur le
plan social, ce qui lui vaut d’être réélu le 3 novembre
1936. En 1939, alors que l’Europe est au bord du
chaos, Roosevelt est partagé entre l’isolationnisme et
l’implication directe dans la guerre. Après l’invasion
de la France, il choisit le compromis en fournissant
une aide logistique à la Grande-Bretagne. Cette
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
104
politique de « neutralité active » se développe lors
de son troisième mandat entamé en 1941 avec l’envoi
de destroyers en Atlantique et l’afflux de matériels
militaires aux pays alliés. Il impose un embargo
sur le Japon, espérant que la diminution de leurs
réserves de carburant arrêterait l’avancée des armées
nippones en Chine. Cette décision conduit à l’attaque
surprise de Pearl Harbor le 7 décembre 1941, au
cours de laquelle la flotte américaine du Pacifique
est pratiquement réduite à néant. Roosevelt, comme
l’opinion américaine, est furieux et choqué. Rompant
totalement avec la tradition isolationniste, il ordonne
dès le lendemain au Congrès de décréter l’état de
guerre. Après une année 1943 difficile, les succès
remportés par les Alliés en Italie provoquent la chute
du régime de Mussolini, laissant la possibilité de
planifier la libération de l’Europe. L’opération Overlord
a lieu le 6 juin 1944, réalisant le vœu de Staline
de voir s’ouvrir un second front à l’Ouest. Après la
conférence de Yalta en février 1945, Roosevelt, qui
avait remporté un quatrième et exceptionnel mandat
présidentiel au début de l’année, retourne faire une
cure à Warm Springs en Georgie au mois de mars. Il
est terrassé, victime d’une hémorragie cérébrale.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Winston Churchill
Docteur honoris causa 1945
Blenheim, Angleterre, 1874 –
Londres, Angleterre, 1965
Winston Churchill est le fils d’un descendant du duc
de Marlborough et de la fille du propriétaire du New
York Times. Américain par sa mère, il cultive ce goût
des liens transatlantiques tout en appartenant à
l’aristocratie britannique la plus titrée. C’est un élève
très moyen, admis de justesse à l’école de Sandhurst,
le Saint-Cyr britannique, en 1893. Il rêve d’aventures,
part sur le théâtre des opérations extérieures (Cuba,
Inde, Soudan), et en tire des livres de reportages.
Après une défaite électorale dans le district d’Oldham,
il repart en Afrique du Sud, comme correspondant
de guerre. Fait prisonnier par les Boers, il s’échappe
et parvient à câbler à son journal le récit de ses
exploits. Toute l’Angleterre apprend d’un coup
à connaître l’aventureux descendant du grand
Marlborough. Auréolé de cette soudaine notoriété,
il n’hésite pas à l’exploiter et se lance à nouveau en
politique. Il est élu député conservateur en 1900.
Toutefois, il ne reste pas longtemps conservateur
et se rapproche des libéraux à partir de 1904. Élu
député libéral de Manchester en 1906, il obtient un
sous-secrétariat d’État. En 1908, le premier ministre
Lloyd George lui confie le portefeuille du Commerce
et de l’Industrie. Churchill, qui a rallié le camp du
radicalisme et de la démocratie sociale, s’emploie
à limiter la journée de travail dans les mines, à
lutter contre le sweating system et le chômage.
Ministre de l’Intérieur en 1910-1911, il se pose en
protecteur intrépide de l’ordre public. Désigné
premier lord de l’Amirauté en 1911, il prépare la flotte
britannique à la guerre en prenant des mesures
radicales. Il est en partie responsable du terrible
échec de la campagne des Dardanelles en 1915.
ULB DHC 175e
La guerre terminée, son itinéraire politique
devient plus sinueux. Ses changements
d’allégeance (il repasse en 1924 des libéraux aux
conservateurs) et sa versatilité ne contribuent
pas à convaincre les électeurs. En 1938, sa
popularité et sa crédibilité sont au plus bas.
La situation s’inversera deux ans plus tard.
En mai 1940, au terme de la Drôle de Guerre, le
roi fait appel à Winston Churchill pour former un
gouvernement d’union nationale. Du printemps à
l’automne 1940, Churchill galvanise les troupes,
définit les objectifs de la nation dans des discours
magnifiques et intrépides (« (…) we shall never
surrender »). Il organise partout la lutte contre
l’Allemagne hitlérienne : en Grande-Bretagne, contre
l’offensive aérienne de la Luftwaffe (la « bataille
d’Angleterre ») et les menaces d’invasion ; en
Afrique, contre les Italiens ; du côté de l’Amérique, en
resserrant les liens économiques et diplomatiques
avec Franklin D. Roosevelt (avec la charte de
l’Atlantique le 14 août 1941). En 1941, l’Angleterre sort
de son isolement grâce à l’entrée en guerre de l’URSS
en juin et des États-Unis en décembre. Mais elle doit
affronter un nouvel et redoutable adversaire, le Japon,
qui s’empare de toutes les positions britanniques en
Extrême-Orient. Une étroite collaboration se met en
place entre les trois nations en guerre, entre Churchill,
Roosevelt et Staline. L’ouverture d’un deuxième front
à l’ouest a lieu le 6 juin 1944 sur les côtes normandes :
les armées britanniques participent à la reconquête
de l’Europe. Le 11 novembre 1944, Churchill, aux côtés
de Charles de Gaulle, est acclamé à Paris. Le « V » de la
victoire, symbole de la silhouette churchillienne tout
autant que son éternel cigare, est devenu une réalité.
À partir de la conférence de Yalta (février 1945),
l’alliance avec la Russie stalinienne craque. Churchill
stigmatise « le rideau de fer » qui est en train de
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
106
diviser l’Europe. Il fait tirer les troupes britanniques
sur les communistes de la résistance grecque.
Sur le plan national, Churchill, au firmament de
sa popularité, s’attend à remporter facilement
les élections législatives de juillet 1945. Mais les
conservateurs subissent une défaite cuisante :
215 sièges seulement contre 399 aux travaillistes.
Ulcéré d’être ainsi « congédié par le corps électoral
britannique », le vieux lion quitte la scène politique
en plein milieu de la conférence de Potsdam et laisse
la place à son adversaire et éternel rival Clement
Attlee. Devenu leader de l’opposition, Winston
Churchill ronge son frein. Entre plusieurs hobbies,
il se consacre à la rédaction de ses Mémoires
(qui lui vaudront le prix Nobel de littérature en
1953). Aux élections de 1951, le camp travailliste
subit un désaveu et Churchill redevient premier
ministre. Son gouvernement pratique une politique
d’assouplissement prudente du dirigisme travailliste
et prône, à l’extérieur, une alliance étroite avec
les États-Unis et une politique d’apaisement
international. Son âge avancé ne lui permet
cependant pas de réaliser tous ses espoirs. Après
une célébration émouvante de son 80 e anniversaire
qui lui vaut une multitude d’hommages (novembre
1954), Churchill se résigne à abandonner le pouvoir
en confiant sa succession à Anthony Eden (avril 1955).
Churchill aura eu la plus longue carrière politique de
l’histoire du Royaume-Uni, mais, paradoxalement,
sans les cinq années de guerre, elle aurait été
marginale, sinon anecdotique. En 1953, fait chevalier
de la Jarretière, il devient « Sir » Winston Churchill.
Il passe les dix dernières années de son existence
dans la retraite de sa maison de campagne du Kent, à
Chartwell, ou dans le midi de la France. Ses obsèques,
en présence de la reine, seront triomphales.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Tchang Kaï-chek
Docteur honoris causa 1945
Xikou, Chine, 1887 – Taipei, Taiwan, 1975
Fils d’un marchand de sel, Jiang Jieshi, dit Tchang
Kaï-chek, voit le jour dans la province de Fenghua,
où il est élevé par sa mère, veuve. En 1905, il part
à Ningbo où il étudie la philosophie et s’intéresse
aux anciens textes guerriers. Il décide alors de
suivre une formation militaire au Japon après un
bref passage au collège de Lungshin. Il est accepté
en 1908 à l’Académie Shimbu Gakkô de Tokyo et
entame sa carrière politique l’année suivante en
adhérant à l’Alliance révolutionnaire de Sun Yat-sen
qu’il découvre grâce à un ami. Il participe ainsi à la
révolution de 1911 en combattant à Shanghai et aide
à asseoir Sun Yat-Sen à la tête du gouvernement
provisoire de Nankin. Il rejoint ensuite le Parti
nationaliste chinois Guomindang et retourne
à Shanghai pour mener une campagne contre
Yuan. Il fréquente les sociétés secrètes de la ville
composées de l’élite capitaliste et est placé sous
les ordres de Chen Jionming, principal allié militaire
du gouvernement que Sun Yat-sen avait récemment
installé à Canton. Le Guomindang est cependant
expulsé de la ville en 1922, forçant Sun Yat-sen à se
tourner vers le Kominterm pour réorganiser le parti.
C’est ainsi que le 16 août 1923, Tchang Kaï-chek
quitte la Chine pour diriger une délégation envoyée
à Moscou avec pour mission d’étudier l’organisation
de l’Armée rouge. À son retour, le 16 janvier 1924, le
Guomindang est complètement réorganisé. Il devient
peu de temps après membre du conseil militaire du
Guomindang et est nommé à la tête de l’académie
militaire de Whampoa. Il se lance alors dans une
série de campagnes militaires visant à mater les
révoltes des riches commerçants cantonnais et
gagne en renommée. La mort de Sun Yat-sen au
mois de mars 1925, entraîne une série de troubles
ULB DHC 175e
au sein du gouvernement. Élu au comité central lors
du second Congrès national du Guomindang, il se
retrouve à la tête du parti tout en bénéficiant de l’aide
logistique de Moscou. Cependant Tchang Kaï-chek
se retourne contre les communistes en décrétant la
loi martiale à Zongshan le 20 mars 1926. Il fait aussi
arrêter un grand nombre de conseillers soviétiques,
ainsi que des cadres du Parti communiste chinois.
Aidé financièrement par les sociétés capitalistes de
Shanghai, il se lance également dans l’Expédition
du Nord, croisade politique visant à mater les
seigneurs de guerre et les communistes et qui
s’achève avec la prise de Pékin en juin 1928. Un autre
front s’ouvre avec la lutte contre les envahisseurs
japonais ; la stratégie des nationalistes consiste à
opérer des replis stratégiques, tandis que la guérilla
communiste harcelait les troupes japonaises. Quand
en décembre 1941, les États-Unis entrent en guerre,
Roosevelt et Churchill le nomment commandant
suprême des forces chinoises et il reçoit dès lors le
soutien logistique du gouvernement américain. Dans
les années qui suivent, la popularité de Kaï-chek
auprès des leaders occidentaux est grandissante. En
décembre 1943, il se rend au Caire pour rencontrer
Roosevelt et Churchill. Ces derniers s’accordent
sur l’abolition des juridictions consulaires, des
concessions et des droits de navigations fluviales
et définissent en même temps les conditions de
victoire sur l’empire japonais. L’Université libre de
Bruxelles décerne le titre de docteur honoris causa
au généralissime Kaï-chek le 30 décembre 1944.
Ne pouvant se rendre à Bruxelles, son diplôme
et ses insignes lui seront remis en personne par
l’ambassadeur de la République de Chine au
mois de janvier 1946. La reddition des Japonais
ne marque cependant pas l’arrêt des dissensions
entre nationalistes et communistes. Avec l’appui
de l’Union soviétique, les communistes lancent une
série d’offensives à partir du nord de la Chine. Ils
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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s’emparent de Pékin le 22 janvier 1949 et chassent
les nationalistes de Nankin dans le courant du mois
d’avril. Suite à la proclamation de la République
populaire de Chine, le 1er octobre 1949, Tchang
Kaï-chek est contraint de fuir à Taiwan avec son
gouvernement et une partie de son armée. Il
installe son gouvernement à parti unique à Taipei et
entame son mandat de président de la République
de Chine le 1er mars 1950. La République populaire
de Chine revendique cependant la souveraineté
sur l’île, forçant Tchang Kaï-chek à chercher un
appui auprès des Américains. Ces derniers, bien
qu’hésitants dans un premier temps, changent de
stratégie quand éclate la guerre de Corée. Dès lors,
Taiwan, qui occupe une position stratégique dans
la conduite du conflit, bénéficie d’une aide militaire
massive de la part de Washington qui reconnaît le
régime de Tchang Kaï-chek comme étant le régime
officiel de la Chine jusqu’en 1972. Tchang Kaïchek est président jusqu’en 1975, date à laquelle
il est terrassé par un arrêt cardiaque à Taipei.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Charles de Gaulle
Docteur honoris causa 1945
Lille, France, 1890 –
Colombey-les-Deux-Églises, France, 1970
Charles de Gaulle naît le 22 novembre 1890 à Lille.
Issu d’une famille monarchiste, catholique et libérale,
il est le troisième enfant d’Henri de Gaulle, professeur
de littérature, d’histoire et de mathématiques et de
Jeanne Maillot, fille d’un industriel textile lillois. Ayant
débuté ses études à Lille, il achève son cursus à Paris
avant de poser sa candidature à l’École militaire de
Saint-Cyr en 1909. Il y suit une formation d’officier
de 1910 à 1912, est nommé lieutenant en 1913,
incorporé au 33e régiment d’infanterie à Arras, sous
les ordres du colonel Pétain. Au cours de la première
guerre mondiale, de Gaulle est blessé à trois reprises
avant d’être capturé par les Allemands en février
1916. Interné à Freyberg, il tente de s’évader à cinq
reprises avant d’être transféré au fort d’Inglestadt
où il reste jusqu’à l’armistice. Dès sa libération, de
Gaulle reprend la carrière militaire. Il est envoyé
en Pologne pour combattre l’Armée rouge puis est
rappelé à Paris, pour un poste de professeur adjoint
d’histoire militaire à Saint-Cyr. Il entre en 1922 à
l’École supérieure de guerre pour deux ans avant
d’être affecté à l’État-major des armées du Rhin. Il
est appelé au cabinet du maréchal Pétain en 1923.
Après un bref passage à la tête du 19e bataillon de
chasseurs, il est envoyé à Beyrouth où il est affecté
à l’État-major des armées du Levant de 1929 à
1931. Au terme de son séjour, il est rappelé à Paris
pour être affecté au secrétariat général du conseil
supérieur de la défense nationale. Quand, en 1939,
la France se prépare à la mobilisation générale,
on lui confie le commandement des chars de la Ve
armée jusqu’à sa nomination au grade de général
de brigade à titre temporaire le 15 mai 1940. Il reçoit
alors le commandement de la 4e division cuirassée,
ULB DHC 175e
une division qui réussit momentanément à arrêter
l’avancée allemande près de Laon. Le 5 juin, le
président du Conseil, Paul Reynaud, lui confie le poste
de sous-secrétaire d’État à la Défense nationale.
Mais quand il apprend la démission de Reynaud
et son remplacement par le maréchal Pétain, il
s’envole pour l’Angleterre et prononce, le lendemain
de l’annonce de l’armistice par Pétain, un vibrant
appel à la résistance – le célèbre appel du 18 juin.
Une semaine plus tard, de Gaulle forme et préside le
Comité national français et est reconnu publiquement
chef des Français par le gouvernement britannique.
Il se rend en Afrique au mois de septembre et rallie à
la France plusieurs territoires d’outre-mer. Il installe
à Brazzaville le Conseil de défense de l’Empire et
crée l’Ordre de la libération le 16 novembre 1940.
Dès lors, les Forces françaises libres se battent aux
côtés des Britanniques et mettent fin à l’avancée des
Allemands vers le canal de Suez. La détérioration
des relations entre de Gaulle et Winston Churchill
a lieu en 1942. Le premier ministre, influencé par le
président américain Roosevelt, lui interdit désormais
de quitter l’Angleterre. Exclu de l’organisation du
débarquement anglo-américain en Afrique du Nord,
il apprend que les Alliés ont entamé des négociations
avec l’amiral Darlan, membre du gouvernement
de Vichy. Après l’assassinat de Darlan, le Comité
français de libération nationale est créé le 3 juin
1943 à Alger sous la coprésidence de Giraud et
de Gaulle. Suite au débarquement de Normandie,
Paris est libéré le 25 août 1944 et le général peut
descendre triomphalement les Champs Élysées. Il
transfère son gouvernement provisoire à Paris. De
Gaulle, qui n’est pas invité aux conférences de Yalta
et de Postdam, assiste au partage du monde entre
Churchill, Staline et Roosevelt. L’Université libre de
Bruxelles le considère toutefois comme un de ses
libérateurs, raison pour laquelle elle lui décerne
ainsi qu’aux autres le titre de docteur honoris
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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causa le 30 décembre 1944. Le général reçoit le
diplôme et les insignes que lui remet le recteur lors
d’une cérémonie solennelle le 11 octobre 1945.
Le 13 novembre 1945, le général est élu président
du gouvernement de la République par l’Assemblée.
Mais il est en désaccord avec le projet de constitution
de la IVe République et démissionne dès janvier.
Pensant que sa popularité pousserait les Français
à le rappeler très vite, il se retire dans sa résidence
de Colombey-les-Deux-Églises. Sa retraite prend en
réalité fin le 30 mai 1958, quand la détérioration de
la situation en Algérie, pousse le président Coty à
faire appel à lui pour former le gouvernement. Après
s’être fait accorder les pleins pouvoirs, il préside
le Conseil des ministres et est élu président de la
République le 21 décembre 1958. Il s’installe à l’Élysée
le 8 janvier et entame les premiers dossiers de son
mandat. Sur le plan extérieur, il comprend très vite
que la pacification de l’Algérie n’est envisageable que
si elle reçoit son indépendance. Cette politique, qui
mène à la signature des accords d’Évian, n’a pas que
des partisans et donne lieu à une série d’attentats
aussi bien en Algérie qu’en métropole. Sur le plan
intérieur, il dissout l’Assemblée nationale en octobre
1962 et procède à un référendum pour que l’élection
présidentielle soit au suffrage universel. Cette
pratique du référendum est rapidement considérée
comme anticonstitutionnelle. Aux élections de
1965, le général de Gaulle est élu au second tour
avec seulement 54,5% des voix contre 45,5% pour
François Mitterrand, qui a forcé le général à un second
tour de scrutin. Ayant entamé son second mandat,
le président de Gaulle se lance dans une série de
voyages diplomatiques en Allemagne, en Pologne et
à Montréal où il prononce un discours en faveur du
Québec libre. Il est en voyage quand les événements
de mai 1968 le poussent à rentrer. Incapable dans
un premier temps de comprendre et de trouver une
ULB DHC 175e
solution aux troubles, il quitte le territoire français le
29 mai. Il réapparaît dans un message radiodiffusé le
lendemain, pour annoncer qu’il dissout l’Assemblée
nationale. Après une victoire écrasante aux élections
législatives de 1969, il propose deux référendums, l’un
traitant de la transformation du Sénat en assemblée
consultative et l’autre de la régionalisation.
Essuyant un refus, il démissionne le 27 avril,
laissant l’intérim à Alain Poher jusqu’à l’élection de
Georges Pompidou. Il passe les derniers mois de
sa vie à écrire ses mémoires et s’éteint subitement
suite à une rupture d’anévrisme. Ses obsèques se
sont déroulées dans une stricte intimité voulue.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Joseph Staline
Docteur honoris causa 1945
Gori, Géorgie, 1879 – Moscou, Russie, 1953
Joseph Staline, de son vrai nom lossif Djougachvili
est le quatrième enfant de Vissarion Djougachvili, un
modeste cordonnier ossète au tempérament violent,
et d’Ekaterina Gueladzé. Son enfance est marquée
par la faim et la violence. Poussé par sa mère qui
désire le voir épouser une carrière religieuse, le jeune
Joseph entre au collège théologique de Gori en 1888
et poursuit ses études au séminaire orthodoxe de
Tiflis (aujourd’hui Tbilissi) où son adhésion au groupe
clandestin social-démocrate Messame Dassy lui vaut
d’être expulsé en 1899 pour activité révolutionnaire.
En décembre 1899, il entre à l’observatoire
géophysique de Tiflis sous le pseudonyme de Koba.
Alors que le début du XXe siècle en Russie est marqué
par une importante crise économique qui entraîne
des mouvements de grèves à travers tous le pays, il
quitte l’observatoire géophysique et se lance dans
l’organisation d’une série de manifestations comme
celle du 22 avril 1901, qui réunit 3 000 ouvriers à
Batoumi. Son implication dans les événements lui
vaut d’être arrêté par la police tsariste et interné
mais il réapparaît dès 1902 et reprend ses activités
clandestines. Il est arrêté une seconde fois au mois
de novembre et est envoyé en exil en Sibérie, d’où
il parvient à s’enfuir avant de revenir à Tiflis en
1904. Dans les années qui suivent, il sera encore
incarcéré et déporté à deux reprises. Coopté au
comité central du Parti bolchevique en février 1912, il
prend le pseudonyme de Staline, l’homme d’acier. Il
s’investit alors dans la presse bolchevique de SaintPétersbourg et écrit son premier ouvrage théorique.
Il est cependant arrêté une fois encore en mars 1913
et envoyé en Sibérie où il demeure quatre ans. Libéré
par la révolution de février 1917, il regagne alors
Saint-Pétersbourg, entre-temps devenue Petrograd,
ULB DHC 175e
et prend la direction du journal Pravda. Il devient
rapidement l’un des proches collaborateurs de
Lénine, si bien que ce dernier le nomme commissaire
du peuple aux Nationalités au mois d’octobre, poste
qu’il conservera jusqu’en 1922. Il est également fait
membre du bureau politique du Parti bolchevique,
puis commissaire du peuple à l’inspection ouvrière et
paysanne en février 1919. Il y développe son réseau
d’informateurs et devient le personnage le mieux
renseigné du Parti. En avril 1922, Lénine propose sa
nomination au poste de secrétaire général du comité
central. Craignant que Staline ne canalise entre ses
mains des pouvoirs trop importants, Lénine l’avait
relégué à un poste purement administratif. Suivant
dans un premier temps la politique de son dirigeant,
Staline, qui a su tirer avantage de la bureaucratisation
du Parti, bâtit très vite un pouvoir personnel et
profite de ses attributions pour se débarrasser de
ses opposants. La situation entre les deux hommes
dégénère tant et si bien qu’en janvier 1923, Lénine
l’exclut de sa succession dans son testament, lui
préférant les méthodes de Trotski. À la mort de
Lénine, Staline tisse une série d’alliances en vue de
s’octroyer la place. Ainsi, lors du XIVe congrès du
Parti, en décembre 1925, il écrase l’opposition de
gauche qui rassemblait Trotski, Zinoviev et Kamenev
et les fait exclure du parti au mois de novembre
1927. Il fera de même avec l’opposition de droite
en décembre 1929, achevant ainsi d’installer des
hommes de confiance aux postes clés de l’État. Dès
lors, l’Union soviétique glisse vers un État totalitaire.
Les purges (notamment la Grande Purge de 1937),
les jugements expéditifs d’« opposants », les mises
à mort ou les envois dans les camps de travail du
goulag constituent la charpente de son règne de
terreur. En décembre 1938, il nomme à la tête de la
police secrète, le NKVD, Lavrenti Beria, qui l’aide à
achever les purges. En politique intérieure, Staline
lance une campagne d’industrialisation massive qui
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
112
s’appuie sur des plans quinquennaux. À l’extérieur, il
se rapproche de l’Allemagne nazie, pensant qu’une
alliance lui permettrait de ne pas avoir à s’engager
dans une guerre européenne. Le pacte de non
agression germano-soviétique est signé en août 1939.
Quand en juin 1941, la Wehrmacht envahit l’Union
soviétique, Staline est pris de court. Profitant de
la désorganisation ambiante, l’avancée fulgurante
des Allemands entraîne la capture de milliers de
soldats de l’Armée rouge. Staline, commandant
en chef du quartier général depuis le mois d’août,
entreprend alors des revirements dans sa politique :
les slogans marxistes sont remplacés par un fervent
patriotisme. Il lance également une campagne contre
ce qu’il appelle les « traîtres ». Les minorités tatares
et tchétchènes sont déportées par le NKVD et des
groupes de partisans sont créés afin de combattre
les Allemands et les anticommunistes. Sa victoire sur
l’armée allemande à Stalingrad, véritable tournant
de la guerre, le confirme comme un allié de poids
pour Roosevelt et Churchill, qu’il rencontre pour la
première fois à Téhéran en novembre 1943. Suivront
les conférences de Yalta (janvier 1945) et de Postdam
(mai 1945) au cours desquelles seront posées les
bases du découpage du monde d’après-guerre. Bien
que l’Université libre de Bruxelles, lui ait conféré le
titre de docteur honoris causa en décembre 1944, il
faudra attendre le 220e anniversaire de la fondation
de l’Académie des sciences de Moscou pour que
le président de la Faculté des sciences lui remette
en personne le diplôme et ses insignes. À la fin du
conflit, Staline, au sommet de sa puissance, place
sous contrôle soviétique la plupart des États d’Europe
orientale et centrale, les soumettant au modèle
soviétique. L’émergence du « rideau de fer » préfigure
la guerre froide et la course à l’armement qui n’aura
de cesse de miner l’économie du pays. Persistant dans
une volonté de contrôle et d’obéissance totale, Staline
se retourne contre ses alliés communistes. Ainsi,
ULB DHC 175e
dès 1947, il s’oppose à la Yougoslavie du maréchal
Tito, qu’il juge trop indépendante et tente en 1950
d’humilier Mao Zedong lors de sa visite au Kremlin.
Alors qu’il préparait de nouvelles purges et une féroce
campagne antisémite, Staline s’éteint dans sa datcha
à Moscou le 5 mars 1953, victime d’une attaque. Sa
dépouille est alors exposée dans le mausolée de
Lénine jusqu’à ce qu’elle soit déplacée et enterrée
sous les murs du Kremlin après la déstalinisation.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
113
Joseph E. Davies
Docteur honoris causa 1939
Watertown, États-Unis, 1876 –
Washington, États-Unis, 1958
Son père, Edward Davies, émigré du pays de Galles,
est un prospère fabricant de chariots et sa mère, Rahel
Paynter, une poétesse connue sous le pseudonyme de
Rahel o Fôn. Après des études secondaires au collège
de Watertown, Davies entre à l’Université du Wisconsin
pour y étudier le droit. Il est diplômé avec mention en
1901 et est admis au barreau du Wisconsin la même
année. De retour à Watertown, Davies est nommé
procureur d’État du comté de Jefferson. En 1906,
Davies part pour Madison où il devient un brillant
avocat et un membre actif du Parti démocrate. En 1912,
à la veille des élections présidentielles, il est promu
chef du quartier général du Parti démocrate à Chicago.
De là, il dirige la campagne de Woodrow Wilson dans
l’État du Wisconsin. Au niveau économique, même s’il
est opposé à l’idée de monopole, Davies n’en est pas
moins partisan du capitalisme modéré et réprouve les
interventions du gouvernement lorsqu’elles ne sont
pas nécessaires. En 1913, il est nommé commissioner
of corporations avant de devenir président de la
Commission fédérale du commerce de 1915 à 1916.
Ensuite il travaille au War Industries Board dont il
démissionne à la fin de la première guerre mondiale.
Il brigue alors le poste de sénateur du Wisconsin mais
perd l’élection. Après avoir accompagné le président
Wilson à la conférence de paix de Paris en 1919
comme conseiller économique, Davies démissionne
de ses fonctions au service du gouvernement l’année
suivante pour établir un cabinet privé d’avocat à
Washington. Pendant les années vingt et le début des
années trente, il est conseiller aux affaires étrangères,
notamment pour le Mexique, le Pérou et le Chili.
ULB DHC 175e
Davies remplace William C. Bullitt au poste
d’ambassadeur auprès de l’Union soviétique fin 1936,
poste qu’il avait refusé lorsque le président Wilson
le lui avait proposé au temps de la Russie tsariste. La
manière dont il assure sa fonction d’ambassadeur est
souvent critiquée par ceux qui ne partagent pas sa
vision du système soviétique. Pendant qu’il négocie le
renouvellement d’un accord commercial, Davies rédige
un rapport détaillé sur l’économie soviétique. Il estime
que le système soviétique est une force industrielle
pleine de vitalité alors que bon nombre de ses
contemporains le trouvent inefficace et répressif. Bien
qu’un microphone ait été retrouvé dans son bureau
à l’ambassade, il continue de présenter les Russes
comme des amis potentiels et cela même pendant les
grandes purges staliniennes qu’il interprète selon le
point de vue soviétique, ne voyant que ce que Joseph
Staline veut bien lui montrer. Il soutient donc la mise
en place d’une alliance de sécurité collective entre
Washington, Paris, Londres et Moscou pour contrer
l’axe Berlin-Rome-Tokyo. Avant de quitter Moscou
pour prendre les fonctions d’ambassadeur en Belgique
et au Luxembourg, sa dévotion à la cause d’une amitié
américano-soviétique lui vaut une audience privée
sans précédent avec Joseph Staline. Davies est nommé
ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire en
Belgique le 2 juin 1938. Il reçoit le titre de docteur
honoris causa de l’Université libre de Bruxelles le 9
décembre de l’année suivante. Officiellement, Davies
est honoré pour son mécénat et son amour de l’art.
Officieusement, il s’agit surtout de poser un geste de
rapprochement entre la Belgique et les États-Unis à la
veille de la seconde guerre mondiale. Après la défaite
de la Belgique au printemps 1940, Davies regagne
les États-Unis et continue de servir Roosevelt. Quand
l’Allemagne envahit l’Union soviétique en juin 1941, il
est un des rares conseillers du président à exprimer
sa confiance en l’Armée rouge. Davies publie, fin de
la même année, ses mémoires d’ambassadeur en
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
114
URSS sous le titre de Mission to Moscow. Ce compterendu bienveillant de l’Union soviétique est un réel
best-seller adapté au cinéma dès 1943. Il rend son
auteur sympathique aux yeux des Moscovites mais
le discrédite auprès de ses concitoyens. En mai 1945,
il est nommé émissaire spécial du président Truman
auprès de Winston Churchill et, deux mois plus tard,
il fait partie des conseillers personnels du président
à la conférence de Potsdam. L’année suivante, le
président Truman lui attribue la Medal of Honor, la
plus haute distinction civile américaine. Davies passe
les dernières années de sa vie à travailler comme
avocat privé. Ses cendres sont placées à côté de celles
de Woodrow Wilson dans la cathédrale nationale.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
115
Dave Hennen Morris
Docteur honoris causa 1934
de New York et assure la vice-présidence de
l’École postgraduate de médecine de l’Université
de Columbia ainsi que la présidence de la Josiah
Macy Jr. Foundation. À la fin de sa vie, il gère le
bureau américain pour l’aide médicale à la Chine.
Nouvelle-Orléans, États-Unis, 1872 –
New York, États-Unis, 1944
David Hennen Morris naît à la Nouvelle-Orléans,
d’un père originaire du comté de New York.
Poursuivant sa scolarité en France et en Allemagne,
il passe les examens d’admission à l’Université de
Harvard avec succès dès 1890, mais n’y entre pas
avant 1892. Durant ces deux années, il s’inscrit à
l’Université de médecine homéopathique de New
York et devient assistant-chirurgien. En 1896, il
est diplômé magna cum laude de l’Université de
Harvard, où il fait la rencontre de celle qui deviendra
sa femme, Alice Vanderbilt Shepard. Il obtient deux
diplômes supplémentaires ; le premier en 1901,
à l’École de droit de l’Université de New York, le
second, en droit constitutionnel à l’Université de
Columbia, huit ans plus tard. Il entreprend alors
une brillante carrière d’avocat de 1901 à 1933, ce
qui ne l’empêche pas de siéger à la vice-présidence
de la St. Louis Southwestern Railway Company
(plus connue sous le nom de Cotton Belt), mais
aussi, sur le plan des loisirs et de la sociabilité, de
s’investir dans des domaines aussi variés que le
dressage de chevaux avec son frère Alfred Hennen
Morris et de prendre part à la fondation du club
automobile des États-Unis d’Amérique. Ami de
longue date de Franklin D. Roosevelt, il organise la
pré-convention qui permet la nomination de celui-ci
à la convention démocrate de Chicago de 1932 et
devient consultant au département du Trésor ainsi
que président de la Diplomacy Affairs Foundation.
Il s’implique activement dans le secteur médical
en tant que président de l’Université de médecine
de New York et de l’Hôpital pour femmes, dirige
le comité exécutif du Dispensaire orthopédique
ULB DHC 175e
Personnage aux multiples facettes, il mène un
combat pour l’éducation en tant qu’administrateur
de la National Foundation for Education in America
Citizenship et président de l’Edwin Gould Foundation.
Son épouse, linguiste, élabore l’International
Auxiliary Language Association, association
qui aspire à la compréhension entre les peuples
par la création d’une langue internationale.
Philanthrope, soucieux des inégalités sociales
et de la condition féminine, Dave Hennen Morris
préside le conseil d’administration de la Young
Women’s Christian Association Retirement Fund et
de la Legal Aid Society, toutes deux militant pour
plus d’égalité dans leurs domaines respectifs.
En 1933, Franklin D. Roosevelt le désigne pour
occuper le poste d’ambassadeur en Belgique
et de ministre plénipotentiaire des États-Unis
d’Amérique au grand-duché de Luxembourg.
Le gouvernement belge l’accueille avec
enthousiasme, un enthousiasme partagé par la
reine Élisabeth qui découvre en ce diplomate un
violoniste talentueux. En 1934, au cours d’une
cérémonie célébrant le centenaire de l’Université
libre de Bruxelles, l’ambassadeur se voit accorder le
titre de docteur honoris causa. Trois ans plus tard,
c’est au tour de la Faculté de médecine de l’Université
de Gand de lui conférer ce titre ; il obtient aussi de
diverses universités américaines le grade honorifique
de docteur en droit. Dave Hennen Morris quitte son
poste d’ambassadeur au cours de l’année 1937, mais
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
116
maintient des liens avec la Belgique. Au moment de
sa mort, il dirige la Belgian-American Educational
Foundation et la Belgium War Relief Society et se
trouve à la tête de la Belgium American Associates.
La Belgium War Relief Society est un organisme
philanthropique fondé par Herbert Hoover, alors
ingénieur lors de la première guerre mondiale,
et destiné à lutter contre la famine qui guette la
population belge. Cette aide venue des ÉtatsUnis d’Amérique va contribuer à tisser des liens
étroits entre les deux nations et débouche sur
la création en 1920 de la Belgian-American
Educational Foundation, née de la collaboration
d’Herbert Hoover avec des sommités belges
telles qu’Émile Francqui. Cette fondation permet
de procéder à des échanges universitaires et
de financer la construction de bâtiments pour
des lieux d’études prestigieux comme l’ULB.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Léopold III de Belgique
Docteur honoris causa 1934
Bruxelles, Belgique, 1901 –
Woluwe-Saint-Lambert, Belgique, 1983
Léopold est le premier fils d’Albert Ier et de la reine
Élisabeth de Belgique. Son frère Charles naît en
1903 et sa sœur Marie-José en 1906. Son enfance est
calme et sa scolarité est assurée par des précepteurs
choisis par Albert Ier. En 1909, le roi Léopold II
meurt et laisse le royaume à son neveu Albert Ier.
Lorsque la première guerre mondiale éclate, Léopold
est très attiré par l’armée. À force d’arguments, il
est autorisé à intégrer celle-ci et devient, à 13 ans,
le plus jeune fantassin belge. Mais, six mois plus
tard, ses parents décident de l’envoyer au collège
d’Eton en Angleterre pour poursuivre son instruction.
Lorsqu’il achève sa scolarité, la guerre n’est pas
finie et il rejoint l’armée, puis, en 1920, continue
son éducation à l’école militaire de Bruxelles. Par
après, il suit des cours à l’Université de Gand et à
celle de Liège. Parallèlement à cette activité militaire,
Léopold effectue des voyages au long cours, aux
États-Unis d’Amérique en 1919 et au Congo en 1928.
En 1926, il épouse Astrid de Suède, fille du prince
Charles de Suède. Ils ont trois enfants : JoséphineCharlotte (1927), Baudouin (1930) et Albert (1934).
Le 23 février 1934, le roi Albert Ier meurt
accidentellement. Léopold monte sur le trône et
devient le quatrième roi de Belgique. Son épouse,
la reine Astrid, meurt le 29 août 1935 dans un
accident de voiture lors d’un voyage en Suisse. La
sympathie populaire, choquée par la mort de cette
reine jeune, belle et active, se reporte sur ce jeune
roi père de trois enfants et veuf inconsolable.
ULB DHC 175e
En 1936, l’Allemagne se réarme, et Léopold, fortement
convaincu et en accord avec son gouvernement,
annonce que la Belgique suivra une politique de
neutralité. Mais le 10 mai 1940, l’Allemagne envahit le
royaume. Le 28 mai, le roi des Belges, chef suprême
de l’armée, capitule et regagne le château de Laeken,
tandis que des membres de son gouvernement,
présidés par le catholique Hubert Pierlot (19391945), partent pour Londres d’où ils dirigeront la
résistance belge. La Belgique est désormais sans
gouvernement. Le roi décide de rester dans son
royaume, il se constitue prisonnier de guerre et se
tient à l’écart de la vie publique. Le règne de Léopold
est marqué par la forte mésentente entre lui et son
gouvernement. Accusé de trahison par le Conseil
français, il est radié de l’Ordre de la légion d’honneur.
Sa rencontre avec Adolf Hitler, le 19 novembre 1940,
entre dans l’histoire comme un geste de trahison, un
symbole de collaboration. Beaucoup de Belges ont
présent à l’esprit l’image et l’action d’Albert Ier, le « roi
chevalier », et ils espèrent voir Léopold III prendre
la tête de la Belgique face à l’Allemagne. Mais Hitler
prend les devants. Au début de l’occupation, Léopold
III est encore populaire et profite du soutien de
l’Église. Néanmoins, le roi reste sans réaction face aux
actes de l’armée allemande. Il ne collabore pas non
plus avec le gouvernement Pierlot en exil, de sorte
que sa « non-action » est de plus en plus mal perçue.
En septembre 1941, il épouse Mary Lilian Baels,
qu’il titre princesse de Réthy. Ils ont trois enfants :
Alexandre (1942), Marie-Christine (1951) et MarieEsméralda (1956). Ce mariage lui porte préjudice.
En effet, au déclenchement des hostilités, il avait
solennellement lié sa vie à son armée en jurant
que « mon sort sera le vôtre ». En se constituant
prisonnier, il soutenait ses soldats. Or, ce mariage,
alors que ses soldats sont défaits et prisonniers,
est très mal vécu par les Belges. Comment le
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
118
roi peut-il dire partager le sort de ses soldats
alors qu’il convole en justes et libres noces ?
En juin 1944, le roi est emmené en Allemagne par
les hommes du Reich. Au même moment, éclate
une polémique à propos du testament politique
du roi. Léopold III donne à son gouvernement des
indications pour diriger le pays en son absence. Mais
il demande aussi des excuses publiques aux ministres
ayant contesté ses choix en 1940 (« Le prestige de la
Couronne et l’honneur du pays s’opposent à ce que
les auteurs de ces discours exercent quelque autorité
que ce soit en Belgique libérée aussi longtemps qu’ils
n’auront pas répudié leur erreur et fait réparation
solennelle et entière »). Par ailleurs, dans ce testament
politique, on ne trouve aucune trace d’un hommage
aux soldats du pays, ce qui choque l’opinion publique.
Cette affaire, conjointement à sa mésentente avec
le gouvernement, nuit encore plus à son image.
Le roi étant prisonnier et « dans l’impossibilité de
régner », son frère, le prince Charles, dirige le pays
en devenant prince régent le 21 septembre 1944. Le
roi Léopold et sa famille sont libérés en mai 1945 et
partent s’installer en Suisse. Un an après sa libération,
le roi demande un référendum, mais ce n’est pas
permis par la Constitution belge. En 1948, il demande
une consultation populaire. La tension est palpable,
une entrevue a enfin lieu le 25 avril 1949 entre les
deux frères, le régent et le roi. Le 12 mars 1950, les
Belges sont appelés à aller voter. Les résultats de la
consultation populaire sont ambivalents : 57,68%
des Belges se prononcent pour le retour du roi mais
si la Flandre a voté « oui » à 72%, la Wallonie est
contre à 58% et Bruxelles à 52%. Face à ces résultats
partagés, aux émeutes qui secouent violemment
le pays, et la pression des politiques, Léopold III
accepte d’abdiquer en faveur de son fils, Baudouin.
Le 17 juillet 1951, la Belgique a un nouveau roi.
ULB DHC 175e
Léopold III se consacre désormais aux voyages. Il
visite à nouveau le Congo et les États-Unis en 1957,
puis la Colombie, l’Inde, l’Extrême-Orient, le Chili,
l’Indonésie, etc. Ses voyages sont souvent à but
scientifique. Passionné par la recherche, Léopold
III accepte en 1957 la présidence de la commission
nationale qui étudie des problèmes que posent
les progrès des sciences et leurs répercussions
économiques et sociales à la Belgique et aux
territoires d’outre-mer. Il n’hésite pas non plus à
pourvoir au financement de certains projets qui lui
tiennent particulièrement à cœur, comme ce fut le
cas pour le Centre de biologie marine de l’île de Laing
(Papouasie Nouvelle-Guinée). Le 8 juin 1972, le Fonds
Léopold III pour l’exploration et la conservation de la
nature est créé ; il a pour ambition de se consacrer à
la nature, tant par sa conservation que par son étude.
Depuis le début des années 1960, l’ancien roi vit
à Argenteuil. Il se refuse à toute réconciliation
avec son frère Charles, refusant tout d’abord
de le voir alors que celui-ci est hospitalisé et
malade, puis de se rendre à ses obsèques royales
en 1983. Léopold III meurt la même année, le
25 septembre, à Woluwe-Saint-Lambert.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
119
Élisabeth de Belgique
Docteur honoris causa 1930
Possenhofen, Allemagne, 1876 –
Bruxelles, Belgique, 1965
Née à Possenhofen en Allemagne le 25 juillet 1876,
Élisabeth von Wittelsbach est la fille du duc CharlesThéodore en Bavière, ophtalmologue de renom, et
de l’infante Marie-José de Portugal. Sa marraine
est sa tante, l’impératrice Élisabeth d’Autriche, dite
Sissi. Elle effectue ses études au pensionnat SaintJoseph à Zandberg, parle l’allemand, le français
et l’anglais, et apprend le piano et le violon.
Elle rencontre le prince Albert de Belgique en
1897 et l’épouse trois ans plus tard à Munich. Le
couple a trois enfants : Léopold (futur Léopold
III), Charles (futur prince régent) et Marie-José.
Fin 1909, le roi Léopold II meurt et son neveu
Albert lui succède, son épouse à ses côtés. La
troisième reine des Belges se donne un rôle public,
quand celles qui l’ont précédée se cantonnaient
à un rôle privé. Élisabeth s’occupe d’œuvres de
bienfaisance et de lutte contre les maladies, tout
en s’intéressant à la vie musicale, artistique et
intellectuelle du pays (le peintre Eugène Laermans,
le poète Émile Verhaeren, le célèbre violoniste
Eugène Ysaÿe sont des familiers de la cour).
En 1914, le roi Albert Ier et la reine Élisabeth, d’origine
allemande, refusent de quitter la Belgique, pays
neutre envahi illégalement par les Allemands. Ils
restent quatre ans avec l’armée belge derrière les
tranchées de l’Yser, lui à la tête de ses troupes (le roi
chevalier), elle en créant et en visitant régulièrement
l’hôpital de l’Océan à La Panne (la reine infirmière).
Quand la guerre s’achève, le couple royal est au faîte
de sa popularité, en Belgique comme à l’étranger.
ULB DHC 175e
Les années d’après-guerre sont des années de
voyages, qu’elle accomplit seule ou avec son époux
en mission officielle. À l’automne 1919, Élisabeth
et Albert font un voyage triomphal aux ÉtatsUnis. Le 16 février 1922, Élisabeth, passionnée
d’égyptologie, est aux côtés du roi Fouad pour
assister à l’ouverture de la tombe de Toutankhamon
(suivie de la création de la Fondation égyptologique
Reine Élisabeth). Trois ans plus tard, elle voyage
en Inde. En 1928, elle visite le Congo pour la
première fois et crée le Fonds Reine Élisabeth pour
l’assistance médicale aux indigènes du Congo belge.
Le 4 novembre 1926, le prince Léopold
épouse la princesse Astrid de Suède, et
trois ans plus tard, Marie-José épouse le
prince Umberto d’Italie, le 8 janvier.
Élisabeth est une passionnée de la connaissance
en général, et plus précisément des sciences et
des arts. Elle fréquente une pléiade de savants
et d’artistes de renom : Albert Schweitzer, Albert
Einstein, Romain Rolland, ou encore Émile
Verhaeren, Maurice Maeterlinck, Colette, Eugène
Ysaÿe, Yehudi Menuhin, André Gide, Jean Cocteau
et Pablo Casals. Elle convainc les responsables
politiques de construire le Palais des beaux-arts
de Bruxelles, construction confiée à l’architecte
Victor Horta (1928). L’année suivante est créée
la Fondation musicale Reine Élisabeth. Lors du
centenaire de la Belgique, l’Université libre de
Bruxelles la nomme docteur honoris causa en raison
de ses efforts pour la promotion des savoirs.
Le 17 février 1934, Albert Ier fait une mauvaise chute
et en meurt à Marche-les-Dames. Leur fils Léopold lui
succède et Astrid devient la nouvelle reine. Élisabeth
se retire mais un an plus tard, le 29 août, la reine
Astrid décède dans un accident de voiture et Élisabeth
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
120
doit reprendre ses fonctions officielles tout en veillant
à l’éducation de ses trois petits-enfants orphelins.
À l’image de son attitude pendant la première guerre
mondiale, Élisabeth reste en Belgique, au château
de Laeken, pendant l’intégralité de la seconde
guerre. Elle est sous la surveillance permanente de
l’occupant mais bénéficie d’une certaine liberté de
mouvement, en Belgique comme à l’étranger. La fin
de la guerre voit l’émergence de la question royale.
Élisabeth soutient en privé Léopold III mais reste
neutre publiquement car son second fils, Charles,
est alors prince régent. En 1951, Léopold abdique
en faveur de son fils et Baudouin prête serment
le 16 juillet 1951. La même année, le concours
musical international Eugène Ysaÿe est créé (qui
prendra par la suite le nom de Reine Élisabeth).
Désormais sans responsabilités officielles, Élisabeth
peut voyager à son gré dans des pays communistes
et socialistes (Pologne, pour le concours Chopin de
Varsovie, Union soviétique, Yougoslavie et Chine,
mais aussi Israël), ce qui lui vaut le surnom de
« Reine rouge » et la colère du gouvernement belge.
Elle soutient différentes initiatives en faveur de la
paix durant la guerre froide entre l’Ouest et l’Est.
Elle succombe à l’âge de 89 ans, le 23
novembre 1965, au château du Stuyvenberg
à Bruxelles. Ses funérailles nationales sont
marquées par l’importante présence d’anciens
combattants des deux conflits mondiaux.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
121
Albert Ier de Belgique
Docteur honoris causa 1930
démission du ministère et l’appel du roi à Charles
de Broqueville pour diriger le gouvernement.
Bruxelles, Belgique, 1875 –
Marche-les-Dames, Belgique, 1934
Albert est le fils du comte Philippe de Flandre
et de Marie, princesse de Hohenzollern, il est le
petit-fils de Léopold Ier et le neveu de Léopold II.
Son éducation est conduite par des précepteurs.
C’est un enfant timide qui montre une nette
préférence pour la mécanique et les sciences
exactes face à l’apprentissage de l’éloquence. Il
entre à l’École royale militaire à l’âge de seize ans.
Lorsque le prince Baudouin meurt le 23 janvier
1892, Albert est appelé à diriger le royaume. Il prête
serment en 1892, il est alors sous-lieutenant. En
1895 et 1898, il visite les États-Unis d’Amérique.
Le 2 octobre 1900 à Munich, Albert Ier épouse
Élisabeth de Bavière. Ils ont trois enfants,
Léopold en 1901, Charles deux ans plus tard,
puis Marie-José en 1906. La popularité du roi
repose en partie sur l’image de vie simple et de
bonheur familial que donne le couple princier.
En 1909, Albert effectue un voyage au Congo,
son dernier voyage en tant que prince car le 17
décembre son oncle Léopold II meurt sans héritier
direct. Albert est intronisé cinq jours plus tard.
Il est le premier roi à prêter serment en français
et en néerlandais. Le roi remet les discours
du trône à l’honneur le 8 novembre 1910.
L’année suivante est moins calme, on retiendra
surtout l’affaire Schollaert, affaire d’un projet de
loi sur l’enseignement, qui divise le gouvernement.
L’intervention du roi aura pour conséquences la
ULB DHC 175e
En 1913, Albert instaure le service militaire généralisé
obligatoire. Il voyage entre la France et l’Allemagne
pour réaffirmer la neutralité belge. À partir du
déclenchement de la guerre en 1914 et pendant
quatre longues années, le roi est à la tête de son
armée. Le gouvernement va suivre le souverain
et résister à l’Allemagne qui a violé la neutralité
belge. Cette résistance surprend l’Europe entière.
En effet, les princes belges étaient vus comme
des princes allemands de cœur. En même temps,
cette résistance donne naissance au mythe du roi
chevalier. Le fait que le roi soit resté avec son armée
dans les tranchées sur l’Yser est aussi un symbole
fort du roi, proche du peuple et courageux. Ce
symbole restera ancré dans la mémoire collective.
Onze jours après l’armistice, le suffrage universel
est instauré, à la grande joie des socialistes. C’est
à ce moment là qu’a lieu l’entrevue de Loppem.
Cette entrevue a lieu entre le roi, Gérard Cooreman,
Paul-Émile Janson et Édouard Anseele. Elle a
pour but de constituer un gouvernement qui doit
reconstruire le pays, réformer la constitution et
établir un enseignement supérieur en néerlandais.
Ce qui fut appelé par la presse conservatrice « le
coup de Loppem », c’est le vote d’une loi qui organise
l’élection immédiate d’une constituante au suffrage
universel. Les élections se déroulent en 1919, mais
les votants ne respectent pas strictement la loi.
En effet, il aurait fallu que les élections se fassent
au suffrage plural, mais cela aurait pris trop de
temps. Ainsi, ce qui fut critiqué est le caractère
inconstitutionnel de l’octroi du suffrage universel
ainsi que la création de l’université flamande de Gand.
Les patriotiques voient là un signe de séparatisme.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
122
En 1919, lors du traité de Versailles, Albert négocie
et obtient le retour des cantons de l’Est. Il s’oppose à
la politique d’humiliation de l’Allemagne, mais sans
succès. Il pense aux relations économiques futures
qu’il faudra reprendre un jour. Il n’est pas partisan de
réparations lourdes. La vie d’Albert, après la première
guerre mondiale, est marquée par ses interventions
sur la scène politique, il s’investit souvent pour
défendre son peuple. Son prestige d’après-guerre lui
permet de ne pas être accusé d’ambition personnelle.
Un an après le traité de Versailles, la Belgique conclut
un accord militaire avec la France. L’Angleterre
est approchée, mais aucun accord n’est signé.
On remarque qu’après la guerre, le roi s’implique
beaucoup en politique. Il reste neutre mais donne son
avis et lors des différentes crises gouvernementales,
il intervient rapidement pour qu’un gouvernement
se reforme. En 1920, il visite le Brésil et cinq années
plus tard, le couple fête ses noces d’argent en Inde.
fort appréciée. L’opinion publique soutient
le roi, son prestige ne diminue pas, ce qui lui
permet d’intervenir souvent, notamment en
1933, pour régler le sort des collaborateurs
avec l’Allemagne lors de la Grande Guerre.
Le roi Albert meurt le 17 février 1934 à Marcheles-Dames des suites d’une mauvaise chute.
Son fils aîné, Léopold, lui succède.
En 1928, Albert visite le Congo pour la deuxième
fois. C’est aussi l’année de la fondation du FNRS
(Fonds national pour la recherche scientifique) dont
Albert avait lancé la création l’année précédente
lors d’une allocution faite à Seraing à l’occasion
du 110e anniversaire des établissements Cockerill.
L’année 1928 marque aussi l’inauguration
par le roi du Palais des beaux-arts.
En 1930, année du centenaire de l’indépendance de
la Belgique, Albert reçoit les insignes de docteur
honoris causa de l’Université libre de Bruxelles. C’est
l’année de l’inauguration des travaux du canal Albert,
élément de la politique de grands travaux mise en
place pour répondre à la crise de 1929, ainsi que dans
les chantiers des ports d’Anvers et de Zeebrugge.
En 1932, il rédige et rend publique une lettre
appelant à la solidarité internationale, qui est
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
123
Fouad d’Égypte
Docteur honoris causa 1925
Gizeh, Égypte, 1868 – Le Caire, Égypte, 1936
Fouad, né sous le nom d’Ahmed Fouad le 26
mars 1868, quitte son pays à l’âge de 11 ans ;
son père, le khédive Ismaïl, est détrôné par le
sultan ottoman Abdülhamid. Après la présence
ottomane, la domination anglaise s’étend de
1882 à 1922 et se traduit par la présence massive
de troupes armées britanniques. En 1914,
l’Angleterre impose à l’Égypte un protectorat, en
mettant sur le trône Hussein. Cinq ans plus tard,
l’Angleterre se voit confirmer par la conférence
de la paix son protectorat sur l’Égypte. Après
plusieurs émeutes et révolutions, l’indépendance
de l’Égypte est proclamée le 28 février 1922, la
« mission » britannique est désormais terminée.
Fouad passe la plus grande part de son enfance
à l’étranger. Il fait sa scolarité à Genève puis à
Turin. À 17 ans, il entre à l’académie militaire. Il
rentre en Égypte en 1892, où il reçoit la fonction
de premier aide de camp, qu’il occupe trois ans.
En 1895, il décide de travailler exclusivement au
développement intellectuel, scientifique et social
de l’Égypte, il s’y consacre pendant une vingtaine
d’années. En septembre 1908, l’Université du Caire
est reconnue d’utilité publique et est inaugurée
trois mois plus tard, elle deviendra une université
d’État en 1925. En 1911, Fouad entreprend une série
de voyages afin d’observer le fonctionnement des
universités en Europe. Le 9 octobre 1917, le prince
Fouad accède au trône du sultanat. Il succède à
son frère Hussein Kamal et devient Fouad Pacha.
Deux ans plus tard, le 26 mai 1919, il se marie
avec Nazli Sabri, fille d’Abdu’r-Rahim Pacha
Sabri (alors ministre de l’Agriculture). L’année
suivante, son épouse donne naissance à Farouk.
ULB DHC 175e
En 1922, l’indépendance de l’Égypte conforte le
système monarchique. Le Journal officiel du 15 mars
publie le premier discours de Fouad en tant que
chef d’État : « Nous proclamons hautement que dès
aujourd’hui l’Égypte constitue un état souverain
et indépendant. Nous prenons désormais les titres
de « Majesté » et de « Roi d’Égypte ». » La révolution
des années 1920 a apporté des changements en
Égypte, à commencer par une ouverture dans
l’accès à la vie publique pour les femmes.
Le 2 mai 1925, lors d’une visite en Belgique, le roi
Fouad devient docteur honoris causa de l’Université
libre de Bruxelles. Il revient en Belgique en 1927,
année où il visite la Fondation égyptologique
reine Élisabeth en compagnie de sa fondatrice.
Le roi Fouad est connu pour son rôle de mécène. Il
a, en effet, grandement contribué à la diffusion de
la connaissance dans son pays. En 1930, commence
la parution d’une Histoire de la nation égyptienne.
Deux ans plus tard, il crée un Institut royal de la
musique arabe. Il vient aussi en aide aux jeunes
filles sans ressources. Pour elles, il crée à Alexandrie
l’œuvre des Industries féminines. Il encourage
aussi les sports et aide à l’ouverture d’esprit par le
développement d’institutions diverses et variées.
Le roi s’éteint le 28 avril 1936 au Caire,
son fils Farouk lui succède.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
124
Charles Evans Hughes
Docteur honoris causa 1924
de docteur honoris causa de l’Université libre de
Bruxelles et de l’Université catholique de Louvain.
Glens Falls, États-Unis, 1862 –
Osterville, États-Unis, 1948
Charles Evans Hughes est né le 11 avril 1862 à
Glens Falls dans l’État de New York. Il est le fils d’un
prêcheur gallois David Charles Evans Hughes et de
Mary Catherine Connelly Hughes. Avant d’entrer
à l’Université de Madison en 1876, il reçoit une
éducation chrétienne à domicile. De l’Université de
Madison, il va à l’Université de Brown dont il sort
diplômé à 19 ans. Quelques années plus tard, il
entre à l’Université de Columbia. Il en sort en 1884,
muni de son diplôme de droit, avec les honneurs.
Il pratique le droit durant une vingtaine d’années,
tout en enseignant régulièrement à l’Université
de Cornell. Il épouse en 1888 Antoinette Carter,
fille de l’avocat de renom pour lequel il travaille.
Sa vie publique commence en 1905 alors qu’il est
choisi par une commission parlementaire pour
contrôler des sociétés de gaz et d’électricité de New
York. Il est remarqué à l’époque pour sa détermination
en tant qu’avocat et devient gouverneur de l’État
de New York l’année suivante, poste qu’il occupe
jusqu’en 1910, après sa réélection en 1908. En octobre
1910, il est nommé juge à la Cour suprême par le
président des États-Unis, William Howard Taft.
Un an plus tard, il quitte son poste de secrétaire
d’État mais revient à la vie politique en 1930, lorsqu’il
est nommé Chief Justice (juge en chef) des ÉtatsUnis d’Amérique par le président Herbert Hoover,
une fonction prestigieuse réservée au doyen des
juges de la Cour suprême. C’est devant Charles
Evans Hughes que Franklin D. Roosevelt prêta
serment lorsqu’il accéda à la présidence. Pourtant,
les relations avec Roosevelt furent extrêmement
tendues, particulièrement lorsque le président
décida de faire de la limitation des compétences
du pouvoir judiciaire une pièce maîtresse (et peu
connue) de son programme de réorganisation des
structures institutionnelles des États-Unis. Dans
ce cadre, Roosevelt se heurta à une résistance
sans bornes de Hughes, en tant que représentant
principal du système judiciaire fédéral. Onzième
Chief Justice de l’histoire de son pays, Charles Evans
Hughes occupera ce poste jusqu’à sa démission
pour raisons de santé en 1941. Il meurt d’une crise
cardiaque sept ans plus tard, à l’âge de 86 ans.
En 1916, à l’âge de 54 ans, il démissionne de ce poste
pour être le candidat républicain à la présidence
des États-Unis d’Amérique, poste auquel est élu
le candidat démocrate Woodrow Wilson. En 1921
il contourne le travail diplomatique de Wilson et
négocie une paix séparée avec l’Allemagne. Il devient
secrétaire d’État sous la présidence de Warren G.
Harding jusqu’en 1923, puis sous celle de Calvin
Coolidge jusqu’en 1925. En 1924, il reçoit les insignes
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
125
Jean Jadot
Docteur honoris causa 1921
On-lez-Jemelle, Belgique, 1862 –
Bruxelles, Belgique, 1932
Jean Jadot naît dans une famille d’ingénieurs de la
province du Luxembourg. À 20 ans à peine, il obtient
avec grande distinction le grade d’ingénieur des Arts et
manufactures, du Génie civil et des Mines à l’Université
de Louvain. Il débute sa carrière à la Société des
chemins de fer vicinaux de la province de Liège. Trois
ans plus tard, il est ingénieur en chef des Chemins de
fer vicinaux de la province du Luxembourg. Orphelin
de père en 1887, Jean Jadot doit assurer l’avenir de
ses frères et sœurs. Aussi accepte-t-il en 1894 le
poste de directeur des Tramways du Caire qu’on lui
propose. Il arrive en Égypte et fait face avec efficacité
aux difficultés du chantier : il termine en 13 mois ces
« impossibles » travaux de l’empire industriel du
baron Empain. Il se voit alors confier la construction
du chemin de fer de Basse-Égypte, où il brille à
nouveau par ses compétences. C’est là que la Société
d’étude de chemins de fer en Chine, patronnée par la
Société générale de Belgique, le recrute pour diriger
la construction de la ligne Pékin-Hankow. Après un
court passage en Belgique, au cours duquel il épouse
sa cousine Maria, Jean Jadot appareille pour la Chine.
Il y fait la connaissance d’Émile Francqui, avec qui il se
lie rapidement d’amitié. Pendant huit ans, Jean Jadot
se consacre à l’établissement de plus de 1 200 km de
voie ferrée, dont un pont de 4 km sur le fleuve Jaune,
le plus long du monde à cette époque. Il surmonte
efficacement les nombreux défis qui jalonnent son
parcours : révolte des Boxers, relations avec les
travailleurs chinois, négociations avec les autorités
locales, lutte d’influence avec les administrateurs
français de la Société d’étude. Fort apprécié du
directeur de la Compagnie impériale des chemins de fer
chinois, il s’introduit dans les milieux officiels chinois
ULB DHC 175e
pour le plus grand profit de sa société et des intérêts
belges en Chine. La ligne inaugurée en 1905, Jean
Jadot peut bientôt quitter la Chine en triomphateur. À
son retour, il est convié chez le roi qui l’associe à ses
projets de mise en valeur du Congo. Il participe ainsi
de manière déterminante à l’élaboration des « Sociétés
de 1906 » – l’Union minière du Haut-Katanga, la
Compagnie du chemin de fer du Bas-Congo au Katanga,
la Société internationale forestière et minière du Congo
– en obtenant notamment une grande partie de leur
financement par la Société générale. Entré au conseil
de direction de cette dernière, il oriente de manière
décisive son activité vers les affaires coloniales.
Nommé vice-gouverneur en 1912, il succède l’année
suivante au gouverneur Baeyens. Sa fonction centrale
l’amène à détenir des mandats d’administration de
multiples sociétés. Resté en Belgique pendant la
guerre, il représente les banquiers face à l’occupant
tandis que les banques bruxelloises s’organisent en un
consortium que préside la Société générale. Par son
rôle décisif au sein du Comité national de secours et
d’alimentation dirigé par Émile Francqui, il devient le
directeur de conscience des milieux d’affaires, où on
le consulte pour toute décision importante. Peu après
la guerre, il se consacre personnellement à la collecte
de fonds pour rééquiper les laboratoires des écoles
d’ingénieurs des universités de Bruxelles et de Louvain,
ce qui lui vaut le titre de docteur honoris causa de
ces deux universités. Son action se poursuivra en
1928 avec la constitution du Fonds national de la
recherche scientifique. En 1931, le principal centre
industriel du Katanga reçoit le nom de Jadotville. Jean
Jadot s’éteint à Bruxelles l’année de ses 70 ans.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
126
Raymond Poincaré
Docteur honoris causa 1919
Bar-le-Duc, France, 1860 – Paris, France, 1934
Raymond Poincaré est le fils unique d’un couple
bourgeois de Bar-le-Duc. Menant une existence assez
insouciante dans la France du Second Empire, le
conflit franco-prussien et la défaite de 1870 l’obligent
à trouver refuge en Belgique avec sa mère. Au terme
de son cursus secondaire, il commence des études de
droit à la Sorbonne et à Nancy. Il reçoit son diplôme
de droit et entre au barreau de Paris en 1882. Il exerce
jusqu’en 1886, date à laquelle un ami de la famille
alors ministre de l’Agriculture le fait entrer en politique.
Il est élu député de la Meuse l’année suivante en se
présentant sous l’étiquette progressiste. Il entre à
la commission du budget de la Chambre en 1890,
devient rapporteur général du budget en 1892, puis
ministre de l’Instruction publique et des Beauxarts l’année suivante. En 1894, durant neuf mois, il
occupe le poste de ministre des Finances avant de
redevenir ministre de l’Instruction publique, et d’être
ensuite élu vice-président de la Chambre des députés.
Il décide toutefois d’abandonner toute fonction
gouvernementale pendant dix ans suite à l’affaire
Dreyfus, sur laquelle il ne prend pas position. Au terme
de cette retraite, il accepte de reprendre le portefeuille
des Finances en 1906, pour finalement encore se
retirer suite à un désaccord. Après la dissolution du
cabinet Caillaux en 1912, le président Fallières fait
appel à Poincaré pour reformer le gouvernement.
Nommé président du Conseil, il se réserve les Affaires
étrangères et resserre les liens diplomatiques de
la France avec la Russie et la Grande-Bretagne.
Enhardi par les succès de sa politique, il présente sa
candidature à la présidence de la République l’année
suivante et remporte les élections grâce à l’électorat
de droite. Il prend alors des mesures pour préparer la
France à une guerre qu’il juge inévitable. Il fait voter
ULB DHC 175e
la « loi de trois ans » peu de temps avant la guerre et
impose l’Union sacrée au peuple français le 3 août
1914. Toutefois, les prérogatives dont jouissent les
militaires restreignent considérablement l’autonomie
du président. Ce dernier intervient désormais pour
empêcher les gouvernements de songer à des paix
séparées et pour maintenir l’unité du pays, raison
pour laquelle il interdira aux socialistes de participer
au congrès pacifiste de Stockholm en 1917. N’arrivant
plus à maintenir l’unité, il appelle son grand ennemi
politique, Georges Clémenceau, au gouvernement le
13 novembre de la même année. L’arrivée du « Tigre »
signifie la fin de l’Union sacrée et la prise de mesures
sévères pour mettre fin aux grèves et aux mutineries.
À la fin du conflit, les deux hommes s’opposent sur
les conditions de paix, Poincaré voulant faire occuper
la rive gauche du Rhin, Clémenceau souhaitant un
compromis pour ne pas perdre l’appui des Alliés. En
1920, considérant son septennat comme un échec, il
ne se représente pas. Il est par contre élu sénateur
de la Meuse cette même année. Du 15 janvier 1922
au 8 juin 1924, il est à nouveau président du Conseil
et ministre des Affaires étrangères. Décidé à faire
appliquer entièrement le traité de Versailles, il procède
à l’occupation militaire de la Ruhr avec l’appui de
l’armée belge, ce qui pousse les Anglais à spéculer en
bourse contre le franc. Poincaré, en augmentant les
impôts de 20 %, redresse la situation financière mais
cette décision impopulaire amène au pouvoir le Cartel
des gauches en 1924. Toutefois, deux ans plus tard, la
fuite des capitaux et la spéculation financière mettent
à nouveau le franc en péril. Poincaré, en sa qualité
de président du Conseil et de ministre des Finances
redresse la situation en proposant une alternative
au franc germinal. En 1929, malade, il se retire du
pouvoir. Il reprend toutefois son siège de sénateur en
1930, mais refuse, trop affaibli, de former un nouveau
gouvernement au mois de novembre. Il décède chez lui,
à Paris, après une nouvelle attaque à l’âge de 74 ans.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
127
Thomas Woodrow Wilson
Docteur honoris causa 1919
Staunton, États-Unis, 1856 –
Washington, États-Unis, 1924
Thomas Woodrow Wilson, homme politique américain
devient à l’âge de 56 ans, en 1912, le vingt-huitième
président des États-Unis. Il est le fils d’un pasteur
presbytérien et d’une émigrée presbytérienne
originaire du nord de l’Angleterre. La religion tient
une place importante dans sa vie, tant d’un point
de vue privé que du point de vue politique.
Il étudie à l’Université de Virginie bien que diverses
maladies l’empêchent de commencer l’école avant
l’âge de 13 ans. À l’université même, il fait une
dépression. En 1882, il fonde un cabinet d’avocats à
Atlanta mais il ne plaidera jamais, faute de clients ;
il abandonne cette voie dès le printemps 1883.
Il étudie ensuite l’économie et l’histoire à l’Université
Johns Hopkins. En 1885, alors qu’il a 28 ans, il
épouse Ellen Louise Axson, qui décède le 6 août
1914. Il enseigne à Bryn Mawr, en Pennsylvanie,
et devient ensuite professeur à la Wesleyan
University du Connecticut de 1888 à 1890. Sa
carrière académique se poursuit à l’Université de
Princeton de 1890 à 1902, après quoi il en devient
le président pendant huit années. Au cours de
cette présidence, il entreprend des réformes qui
finissent par susciter de farouches résistances.
Il fait son entrée dans la vie politique en 1910. Il opte
pour le Parti démocrate dont il était proche depuis
de nombreuses années. Il brigue et obtient le poste
de gouverneur du New Jersey. Il mène des réformes
dans le cadre de son mandat de gouverneur qui lui
assurent une grande popularité et lui permettent
d’être élu comme candidat démocrate à la présidence.
ULB DHC 175e
Il est élu président des États-Unis en 1912 contre
Théodore Roosevelt, soutenu par les républicains
libéraux, et William Howard Taft, président sortant, à
l’issue d’une élection triangulaire disputée. Il est réélu
à la présidence des États-Unis en 1916 en défendant
un programme de paix, cette fois contre Charles
Evans Hughes, qui se verra lui aussi octroyer un DHC
par l’Université libre de Bruxelles. Au cours de ses
deux mandats, Wilson entreprend de nombreuses
réformes ; il renforce le pouvoir du gouvernement
fédéral et fait voter trois amendements majeurs à la
Constitution (élection au suffrage universel direct des
sénateurs, prohibition et droit de votes des femmes).
Dans la mémoire collective, ses deux mandats
sont marqués par la première guerre mondiale.
Dans un premier temps, Wilson demeure fidèle à la
tradition américaine de non-intervention au-delà
de la zone géographique naturelle des États-Unis.
Il signe d’ailleurs la proclamation de neutralité le
4 août 1914. Le 18 août, il invite ses concitoyens à
rester neutres « en actes comme en pensées ». Mais
lorsque les Allemands inaugurent la guerre sousmarine, s’attaquant aux bateaux battant pavillon
des pays neutres, il décide de la participation des
États-Unis à la guerre. Le 6 avril 1917, sa résolution
est adoptée par le Congrès. Bien qu’ayant rompu les
relations diplomatiques avec Berlin, il ne désespère
pas d’arracher une solution pacifique au conflit.
Le 22 janvier 1917, il propose aux belligérants de
conclure une « paix sans victoire ». Le 8 janvier 1918,
Wilson élabore ses « 14 points pour la paix » sur la
base du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes
en se réclamant des aspirations nationales et de
la reconnaissance des minorités. Les principes
wilsoniens d’inspiration idéaliste constituent un
tournant de la politique étrangère des États-Unis,
de même qu’au niveau des relations internationales
en général. Le dernier des « 14 points pour la paix »
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
128
appelle à la création d’une Société des nations,
lointain ancêtre de l’ONU, qui défend le principe
de la sécurité collective. Le Congrès ne suivra
pas les vues de Wilson et la Société des nations
se bâtira sans le concours des États-Unis.
C’est durant cette année 1918 que la popularité de
Wilson atteint son apogée, surtout du côté de la
gauche européenne. Il prend une part prépondérante
à l’élaboration du traité de Versailles – que le
Congrès des États-Unis refusera de ratifier. Il promet
également un traité de défense anglo-américanofrançais, mais celui-ci est, une fois encore, rejeté par
les parlementaires. Pour tous ses efforts de paix, il
reçoit en 1919 le prix Nobel de la paix. Frappé d’une
hémiplégie en octobre 1919, Thomas Woodrow Wilson
meurt en 1924, après s’être retiré de la vie politique.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
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Émile Francqui
Docteur honoris causa 1919
Bruxelles, Belgique, 1863 –
Overijse, Belgique, 1935
On peut dire d’Émile Francqui qu’il a eu plusieurs
vies. Issu de la petite bourgeoisie bruxelloise, il
s’engage à 15 ans dans l’armée et poursuit sa carrière
militaire dans l’État indépendant du Congo, alors
propriété personnelle du roi Léopold II. Sa capacité
d’organisation est remarquée au cours des diverses
expéditions qu’il commande. En 1896, il abandonne
l’armée et embrasse une carrière consulaire qui
le mène en Chine (Hankou et Shanghai). Il y fait la
rencontre de Herbert Hoover, alors jeune ingénieur des
mines, ainsi que du poète et dramaturge Paul Claudel,
consul de France à Tianjin. Avec plusieurs succès
diplomatiques à son actif, Francqui est pressenti pour
devenir agent général de la Compagnie internationale
d’Orient, filiale de la Banque d’outre-mer belge dont il
finit par assumer la direction en 1910. Son ascension
dans les milieux d’affaires et financiers est fulgurante.
Elle est facilitée par son entrée, en 1912, au conseil
de direction de la Société générale de Belgique, qui
détient des participations croisées dans de nombreux
secteurs industriels. Il en est successivement vicegouverneur (1923) puis gouverneur (1932), succédant
à l’ingénieur Jean Jadot, également docteur honoris
causa de l’ULB. On ne compte plus, après la guerre,
le nombre de mandats d’administrateur de sociétés
dont il dispose. D’un autre côté, c’est par le biais de
son action au sein du Comité national de secours et
d’alimentation (CNSA), initié par les industriels Ernest
Solvay, Emmanuel Janssen et Dannie Heineman durant
la première guerre mondiale, que Francqui déploie
l’étendue de ses talents d’organisation et de gestion.
En tant que président de son comité exécutif, il impose
son leadership et transforme bientôt le CNSA en un
« second gouvernement » chargé de résoudre les
ULB DHC 175e
questions politiques nationales et internationales. À
cette occasion, il croise à nouveau Herbert Hoover qui,
depuis Londres, a créé l’équivalent américain du CNSA,
à savoir le Committee for Relief in Belgium (CRB). Au
prix de quelques affrontements à fleurets mouchetés,
Francqui et Hoover parviennent à sauvegarder
l’autonomie et la mission humanitaire de leurs
organismes respectifs. Après la guerre, ils s’accordent
pour en affecter le solde budgétaire au développement
des universités, à la création d’instituts de recherche
scientifique (fondation universitaire) ou encore à un
programme d’échanges universitaires belgo-américain
– la CRB Educational Foundation (devenue, en 1938,
la Belgian American Educational Foundation). Bien
qu’il n’ait jamais voulu s’affilier à un parti politique ni
se voir conférer officiellement un mandat ministériel
qui l’aurait trop exposé, Francqui prend une part
active dans la négociation des réparations imposées à
l’Allemagne. Plus tard, il s’illustre par son implication
dans la chute du gouvernement de centre-gauche
Poullet-Vandervelde en 1926 et propose un plan
alternatif de stabilisation du franc belge au sein
d’un gouvernement qu’il a lui-même suscité. Hostile
à une dévaluation du franc belge, il préconise en
1934 l’adoption d’une politique déflationniste pour
juguler la crise financière. Il meurt quelques mois
après avoir mis un terme à son mandat de gouverneur
de la Société générale. Ses admirateurs comme
ses détracteurs sont unanimes pour le considérer
comme l’un des hommes politiques belges les plus
influents de la première moitié du XXe siècle.
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
130
Herbert Hoover
Docteur honoris causa 1919
West Branch, États-Unis, 1874 –
New York, États-Unis, 1964
Cadet d’une famille de trois enfants, Herbert
Clark Hoover est issu d’une famille modeste de
confession quaker. Il est orphelin de père à 6
ans et de mère à 10 ans. Il parvient à terminer
l’école et entame des études dans plusieurs
disciplines scientifiques : en géologie, en génie
minier, en paléontologie et en minéralogie à
l’Université de Stanford entre 1891 et 1898.
Ses premières expériences professionnelles sont la
direction de mines d’or (notamment en Australie). Il
se retrouve à la tête de la gestion du ravitaillement
en Chine, durant la révolte des Boxers en 1900.
La première guerre mondiale permet à Herbert Hoover
d’acquérir une expérience politique, notamment par
ses relations avec le gouvernement belge, dans son
association avec le Comité national de secours et
d’alimentation dirigé par l’homme politique belge
Émile Francqui (dans le cadre de la Commission for
Relief in Belgium, ayant pour objectif de s’occuper
du ravitaillement de la Belgique occupée). Il est l’un
des artisans à l’élaboration du traité de Versailles
et participe au refinancement de la Belgique
notamment avec l’industriel Ernest Solvay.
Homme politique accompli, il devient secrétaire
d’État au Commerce entre 1921 et 1928, puis
se présente comme candidat républicain à la
présidence et est élu 31e président des ÉtatsUnis entre 1928 et 1932. C’est sous son mandat
qu’éclate la crise économique de 1929.
Herbert Hoover est un personnage controversé, car
considéré à la fois comme un sauveur de l’Europe,
surtout pour la Belgique, mais aussi comme
responsable des conséquences de la dépression
économique de 1929, n’ayant pas réussi à mettre en
place les réformes qui auraient pu juguler la crise.
Ses réformes se caractérisent par l’augmentation
des travaux publics, l’augmentation des droits de
douanes et aussi par une politique de subventions
aux banques et aux agriculteurs. Fidèle aux thèses
du Parti républicain, il est sympathisant de la
théorie du « laisser faire », ce qui ne peut résoudre
le taux de chômage, d’autant plus que sa politique
réformatrice nécessite une augmentation des
impôts. C’est sur ce thème, et avec son concept
du New Deal, que Franklin Delano Roosevelt bat
Herbert Hoover aux élections de 1932. Après sa
carrière politique, Herbert Hoover est encore sollicité
comme conseiller auprès des présidents Truman et
Eisenhower. Il décéde le 20 octobre 1964 à New York.
C’est dans ce cadre d’aide humanitaire qu’Herbert
Hoover est décoré plusieurs fois des insignes
de docteur honoris causa notamment à l’ULB,
où Herbert Hoover est nommé docteur honoris
causa de la Faculté des sciences appliquées
une première fois le 23 novembre 1918 et de
l’ULB une seconde fois le 11 septembre 1919.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
131
Charles Buls
Docteur honoris causa 1898
Bruxelles, Belgique, 1837 –
Bruxelles, Belgique, 1914
Issu d’une famille d’origine provinciale aisée – son
père était orfèvre – Charles Buls est flamand par
ses ascendants paternels et maternels. De santé
fragile, il fait ses études à l’athénée de Bruxelles en
section professionnelle, dont il sort en 1855. Son
père, qui le prépare à sa succession, l’envoie chez le
peintre Léonard ainsi qu’à Paris de novembre 1858
à novembre 1859, et en Italie l’année suivante. Ces
voyages lui permettent de s’instruire et de prendre
goût aux arts. De retour en Belgique, il comprend
que le métier d’orfèvre n’est pas fait pour lui et il
commence à fréquenter des cercles intellectuels
libéraux. En 1862, il devient franc-maçon et entre
comme compagnon à la Loge des vrais amis de l’union
et du progrès réunis. Il crée avec notamment Léon
Vanderkindere (son ami d’enfance qui deviendra
plus tard un grand historien de l’ULB), le Cercle
littéraire. En 1863, alors qu’il assiste avec Auguste
Couvreur (franc-maçon lui aussi) au Congrès des
sciences sociales d’Amsterdam, il est frappé par
la neutralité politique des écoles. Il fonde alors en
1864 la Ligue de l’enseignement dont les objectifs
sont d’améliorer l’éducation et l’instruction. Il en
est le secrétaire une bonne partie de sa vie. Il crée
aussi le Denier des écoles et un musée populaire,
mais surtout, en 1875, l’École modèle qui est, à
l’époque, un exemple en matière d’enseignement.
Il en devient secrétaire jusqu’en 1878.
En 1877, il est nommé conseiller communal
de Bruxelles et, en 1879, il devient échevin de
l’instruction publique et entre dans le conseil
d’administration de l’ULB. Enfin, en 1881, il succède
à Félix Vanderstraeten en tant que bourgmestre de la
ULB DHC 175e
ville de Bruxelles, et devient cette année-là président
du conseil d’administration de l’ULB. Pendant tout
son mandat, il se bat pour que le suffrage (censitaire
à cette époque) devienne universel et pour que
l’enseignement devienne gratuit, obligatoire et laïque.
Mais la tâche n’est pas aisée et il doit faire
face en 1884 au retour des catholiques au
gouvernement, proposant un projet de loi favorisant
le développement de l’enseignement catholique.
En 1879, les libéraux avaient gagné les élections,
créé un ministère de l’Instruction publique et
promulgué une loi obligeant chaque commune à
avoir au moins une école primaire laïque et neutre,
revenant sur la loi de 1842 confiant l’enseignement
primaire aux religieux. C’est donc cette année-là,
en 1884, que Charles Buls et d’autres bourgmestres
lancent le Compromis des communes réunissant
près de 820 représentants de communes dont
200 bourgmestres et qui eut pour effet d’inciter le
gouvernement catholique à modérer ses réformes.
En 1886, il coopère à la création d’une Bourse
du travail (un lieu où employeurs et demandeurs
d’emploi peuvent se rencontrer), suite logique de
l’intérêt pour le sort des ouvriers (sur la question
du salaire minimum par exemple) qu’il a porté tout
au long de sa vie. En 1895, lors de l’inauguration
des instituts du parc Léopold financés par Ernest
Solvay et d’autres mécènes, il confie la gestion des
établissements scientifiques à l’Université libre
de Bruxelles. Il reçoit le titre de docteur honoris
causa de l’ULB en 1898 et reste membre permanent
de son conseil d’administration jusqu’à sa mort.
Il est également membre de la Chambre des
représentants de 1882 à 1884 et de 1886 à 1894.
Alors qu’il a réussi à restaurer les maisons de la
Grand-Place et l’église de Notre-Dame du Sablon,
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
132
ainsi qu’à transformer le quartier de la Vierge
noire, un conflit éclate entre lui et Léopold II sur la
modification du Mont des Arts, ce qui le pousse
à démissionner de ses fonctions de bourgmestre
en 1899. À plus de 60 ans, il adopte une nouvelle
vie, il voyage (en Afrique australe, au Siam, aux
États-Unis, etc.), il en rapporte des croquis et écrit
sur ses préoccupations comme l’urbanisme. En
1909, il est docteur honoris causa de l’Université de
Genève. En 1914, alors qu’il est à Florence, il tombe
subitement malade et rentre immédiatement à
Bruxelles, où il décède le 13 juillet, à presque 77 ans.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
133
Ernest Solvay
Docteur honoris causa 1898
pour ce faire de l’aide (juridique et financière)
d’alliés de la famille, dont la famille Pirmez.
Rebecq-Rognon, Belgique, 1838 –
Ixelles, Belgique, 1922
Ernest Solvay incarne la réussite industrielle belge
de la seconde moitié du XIXe siècle. Devenu une
figure véritablement mythique, il associe son nom
à la fois au monde des affaires (les entreprises
Solvay), à la sphère des sciences (les instituts de
recherche et d’enseignement qui portent son nom)
et enfin à l’identité nationale belge, à la fois par
ses liens avec une autre figure mythique belge, le
roi Albert Ier, et par ses actions philanthropiques.
Ernest Solvay est le deuxième enfant d’Alexandre
Solvay, négociant, maître de carrière et conseiller
communal de Rebecq, et d’Adèle Hulin. Il a un frère,
Alfred, étroitement associé à la réussite industrielle
familiale, et trois sœurs qui concourront à la
réussite sociale de la famille par leurs mariages.
Atteint de pleurésie à l’âge de 16 ans, Ernest
Solvay doit interrompre le cours de ses études. Il
se passionne pour les sciences en autodidacte,
effectue un stage auprès d’une maison de
commerce anversoise et s’initie à la comptabilité.
Il devient sous-directeur à la Compagnie du gaz
de Saint-Josse-ten-Noode (1859) et y (re)découvre
le procédé de fabrication de la soude. Ce procédé
de Solvay présente de nombreux avantages
industriels et notamment celui d’être plus rentable
que le procédé Leblanc répandu sur le marché.
Solvay entreprend alors l’exploitation industrielle
de son procédé et en dépose le brevet en 1861.
Après une tentative infructueuse à Schaerbeek,
il s’établit avec son frère et un camarade, Louis
Philippe Acheroy, en 1864 à Couillet; il bénéficie
ULB DHC 175e
Malgré de nombreux aléas, et grâce au soutien
de la famille Solvay, l’implantation industrielle
se poursuit, concrétisée par la mise au point de
la colonne Solvay en 1869. Le succès du procédé
se confirme, symbolisé par les prix obtenus aux
expositions universelles de Paris (1867) et de Vienne
(1873). Mais surtout, la soude Solvay gagne la partie
qui l’oppose sur le terrain commercial à la soude
Leblanc. Au cours de la même période la société
Solvay s’est développée sur le plan international:
implantations en France (Dombasle), accords avec
Ludwig Mond et implantations en Allemagne (Wyhl,
Bernbourg…), en Angleterre (Norwich), aux ÉtatsUnis (Syracuse, Detroit), en Autriche (Ebensee), en
Russie (Berezniki…), puis encore en Europe (Espagne,
Pologne, Italie…). D’autre part, la société Solvay
diversifie ses activités (les fours à coke), ses produits
et ses techniques de fabrication: une étape décisive
en sera la production de soude caustique et de chlore
par électrolyse du sel (brevet de la cellule à cathode
de mercure, dite cellule Solvay, en 1898). La réussite
industrielle se double d’une gestion avisée au plan
financier: en témoigne la constitution, en 1914, de la
Mutuelle mobilière et immobilière, banque d’industrie
destinée à gérer une partie des avoirs du groupe
et à diversifier les investissements. Cette dernière
prend ainsi part à la diversification du groupe et
investit notamment dans les domaines de l’acier
et du verre, des avoirs miniers et dans le secteur
bancaire proprement dit. Le succès des industries
Solvay a ainsi placé Ernest Solvay au rang des plus
importantes fortunes belges et européennes.
La fortune d’Ernest Solvay va lui permettre de réaliser
ses rêves scientifiques et philanthropiques. Intéressé
au mouvement des sciences depuis son adolescence,
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
134
Ernest Solvay développe un corps de théories
politiques, scientifiques, économiques et sociales
original. Sur le plan philosophique, il glorifie la science
déterministe et les vertus de l’enseignement pour tous,
s’oppose au « dogmatisme religieux ». Il appelle, sur
le plan économique et social, à une suppression des
inégalités héréditaires et à une plus grande rentabilité
sociale et économique, pour lesquelles il propose des
projets originaux. Devenu sénateur libéral en 1892,
il entretient de multiples relations aussi bien avec
les milieux socialistes qu’avec la maison royale. La
diversité de son mécénat surprend : au parc Léopold,
il crée successivement les Instituts scientifiques de
physiologie (1893), l’Institut de sociologie (1902), qui
prend le relais de l’Institut des sciences sociales (1894),
l’École de commerce (1904), les Conseils et Instituts
de physique et de chimie (1911 -1913) ; il subsidie
aussi l’Université libre de Bruxelles, l’Université du
travail à Charleroi, les universités de Nancy, Paris,
Genève… et encore la Maison du peuple de Bruxelles,
la Centrale d’éducation ouvrière du POB ou encore
le Touring Club de Belgique! Il joue aussi un rôle
prépondérant dans la mise sur pied du Comité de
secours et d’alimentation au cours de la première
guerre mondiale et aura soutenu les visées coloniales
de Léopold II, participant en 1908 à l’élaboration du
traité de cession de l’État indépendant du Congo à la
Belgique. Ernest Solvay aura aussi financé le quotidien
L’Indépendance belge. Ernest Solvay est nommé
ministre d’État le 21 novembre 1918 et titulaire de
nombreuses distinctions honorifiques académiques.
Sur le plan privé, il épouse en 1863 Pauline Adèle
Winderickx (1845-1928) ; ils auront quatre enfants
Jeanne, Armand, Hélène et Edmond. La famille
occupera plusieurs demeures, dont les plus célèbres
sont la demeure urbaine de la rue des ChampsÉlysées, à Ixelles, et le château de la Hulpe.
ULB DHC 175e
Les docteurs honoris causa 2010 – 1898
135
ULB DHC 175e
Pour une histoire des DHC
Du balayeur de rue au président des États-Unis…
Pieter Dhondt
Caractère ambigu et genèse controversée du doctorat
honoris causa
En juillet 2009, l’Université de Cambridge décernait un diplôme honoris causa
à un certain Allan Brigham. Pour arrondir ses fins de mois, ce balayeur de rue organisait régulièrement des visites historiques lui valant aujourd’hui cette distinction.
Quelques mois plus tard, l’Université McGill de Montréal octroyait à l’ancien président des États-Unis, Bill Clinton, un doctorat honoris causa pour l’excellence de sa
présidence. On peut donc dire que les personnalités honorées par un tel diplôme
sont de natures extrêmement différentes, tout comme les circonstances et les motifs
de telles promotions. Il est arrivé que l’on privilégie des considérations politiques
et idéologiques comme pour le diplôme honoris causa décerné en 1479 par l’Université d’Oxford à Lionel Woodville, doyen de la cathédrale d’Exeter et beau-frère
d’Édouard IV. Ou que l’on fasse valoir des considérations plus scientifiques, comme
pour le titre décerné par l’Université de Bonn en 1868 à Louis Pasteur, chimiste et
biologiste. On a également pu avancer des motifs sociaux et culturels. Témoin, le
titre de Honorary Doctorate of Philosophy décerné à Sheryl Crow au début du XXIe
siècle par la Southeast Missouri State University à Cape Girardeau, dans le Missouri.
Le contexte politique et les circonstances concrètes furent donc – et sont toujours
– déterminantes. C’est ainsi qu’en 1806, l’Université d’Iéna décerna des doctorats
honoris causa à quelques officiers français en hommage à la victoire militaire de Napoléon ainsi qu’en remerciement pour la protection spéciale dont profita l’université
pendant les jours chaotiques qui suivirent la bataille. Cependant, moins de deux ans
plus tard, cette même université organisa des conférences sur l’histoire allemande,
ayant pour but la préparation idéologique des guerres de libération visant à se débarrasser du joug français.
De nos jours, un doctorat honoris causa se définit comme un grade académique conféré gratuitement, à titre honorifique, par une institution de nature universitaire agissant de sa propre initiative à une personne renommée pour ses travaux
ou ses mérites sur le plan scientifique, culturel, politique, économique, religieux
ou militaire, sans l’exigence d’aucune prestation scientifique de sa part, mais simultanément, sans aucun droit lié au titre. Le doctorat honoris causa qui satisfait à
toutes ces conditions n’existe que depuis le début du XIXe siècle, mais son origine
remonte à des temps bien plus anciens. La tendance à s’écarter des règles et conditions préalables pour décerner un doctorat et conférer de la sorte un titre en vertu
de certains mérites (de quelque nature qu’ils soient) remonte très probablement à
ULB DHC 175e
l’origine même des universités. On outrepassait alors régulièrement l’une ou l’autre
des caractéristiques nécessaires à l’attribution d’un doctorat. Ce diplôme fut ainsi
parfois conféré à la demande du candidat ou contre paiement des coûts normaux de
promotion. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, les docteurs s’étant vus décerner un tel diplôme sur base de leurs mérites jouirent en outre des mêmes droits et privilèges que
les docteurs ordinaires, ce qui n’est plus le cas de nos jours. Enfin, les initiatives de
ces promotions émanaient souvent des mandataires politiques ou religieux, plutôt
que de l’université même.
Il y a une logique certaine à cette situation : le pape et l’empereur du Saint
Empire romain ont été progressivement réputés à l’origine de tous les doctorats,
comme on le verra dans la première partie de cette contribution. Essentiellement
par glissement de la signification du doctorat vers un titre honorifique, le pape et
l’empereur s’arrogèrent, comme fondateurs des universités, le droit de conférer des
grades académiques non seulement de manière indirecte (par les universités ou
autres institutions érudites), mais aussi de manière directe, et même celui d’honorer des personnalités (méritantes) en leur conférant un doctorat honorifique. Et l’on
s’écarta donc très souvent des conditions normales de promotion, tout comme pour
les promotions in absentia.
La deuxième partie explique pourquoi certains doctorats honorifiques peuvent
être considérés comme une promotion Nous verrons dans un troisième temps que
l’octroi de doctorats sur base de mérites, sans pour autant satisfaire à toutes les
conditions statutaires, répondait parfois à une nécessité pratique, notamment pour
les professeurs ne détenant encore aucun doctorat au moment de leur nomination.
Nous aborderons ensuite un autre besoin que l’on a pu satisfaire grâce à ces promotions honorifiques, celui des cérémonies académiques. Avec la « scientifisation »
du diplôme de docteur dès le début du XIXe siècle, la cérémonie promotionnelle ordinaire de certains pays eut tendance à perdre de son lustre, un manque que l’on a
souvent pallié par la remise solennelle et parfois pompeuse de doctorats honorifiques à l’occasion, par exemple, du jubilé de l’université en question. La jeunesse
des universités belges, et donc l’absence de tels jubilés au XIXe siècle, peut ainsi
expliquer la tradition plutôt récente des promotions honorifiques en Belgique, sur
laquelle on reviendra dans la cinquième et dernière section de cette contribution.
Bill Clinton, 1993
Louis Pasteur, par Nadar, 1878
Sheryl Crow, 2008
Pour une histoire des DHC
139
Le pape et l’empereur du Saint Empire romain à l’origine
de tous les doctorats
Le titre de docteur (en droit) fut conféré pour la première fois par l’Université de
Bologne avant 1219. À Paris également, le doctorat était réservé à l’origine à des professeurs de droit, alors que leurs collègues en théologie étaient qualifiés de « maîtres » (magisters). Progressivement, on en vint à réserver le titre de docteur à toutes
les facultés supérieures (de théologie, de droit et de médecine), tout en réservant
le titre de maître aux enseignants de la faculté préparatoire des arts (une coutume
qui donnera même le titre anglais de Master of Arts). Dans certains pays toutefois,
comme en Allemagne, les deux titres étaient fréquemment confondus.
La procédure générale pour obtenir le titre de maître ou docteur impliquait que
l’étudiant ait réussi une première phase préparatoire des études universitaires, en
décrochant le grade de bachelier. Suivaient alors d’autres années d’études tournées
vers l’obtention de la licentia docendi. Pour obtenir cette licence d’enseigner, le
candidat devait passer un examen devant un jury composé de docteurs ou de magisters, présidé par le recteur de l’université. Habituellement, cet examen se composait d’une série de questions intrinsèques. Puis le candidat devait défendre une
position donnée dans le cadre d’une question prédéfinie. Si l’étudiant réussissait
cette épreuve, il se voyait conférer le titre de licencié et obtenait l’autorisation d’enseigner à l’université. Si, par ailleurs, il exerçait déjà cette fonction de professeur, il
se voyait enfin décerner, lors d’une cérémonie officielle appelée inceptio, le titre de
docteur ou de maître, qui signifiait tout simplement qu’il était habilité à enseigner
à l’université.
Au cours du XIIIe siècle, il a progressivement fallu, pour obtenir un doctorat, passer une épreuve complémentaire prenant la forme d’un examen public ayant généralement lieu peu après l’obtention de la licence. Par le truchement d’une conférence
ou d’une défense inaugurale, le candidat pénétrait par cette cérémonie dans le cercle des érudits. Et le prestige croissant allant de pair pour le groupe des docteurs
se traduisait par l’octroi de nombreux privilèges. Ce qui, à son tour, entraîna un glissement sémantique du doctorat, de la fonction d’enseignant à l’université à un titre
purement honorifique.
Le privilège le plus important était très certainement la promotion sociale : le
docteur passait ainsi dans un autre « état », celui de la noblesse, fût-ce dans certaines limites. Ce titre de noblesse, par exemple, n’était pas héréditaire. S’il est admis
dans la noblesse, un docteur n’est, en d’autres termes, pas pour autant un « noble ».
ULB DHC 175e
De surcroît, ces « docteurs » étaient exonérés d’impôts
personnels, jouissaient de quelques privilèges vestimentaires (notamment en matière de port d’armes)
et se voyaient accorder l’accès à certains ministères
publics, prébendes religieuses ou canonicats. La valorisation croissante du titre de docteur a engendré la
transformation de la promotion en un rituel officiel et
parfois pompeux accompagné de processions, de musique, de banquets, le tout à très grands frais. La magnificence de ces promotions avait pour but de refléter
le statut du tout nouveau docteur, qui montait dans
l’échelle sociale.
L’octroi d’un tel titre honorifique et l’ascension
sociale correspondante dépendaient toutefois du bon
vouloir du pape ou de l’empereur du Saint Empire romain germanique. Du temps de l’empire romain, l’octroi de titres et honneurs revenait à l’empereur. Ce droit
fut transféré au Moyen Âge au pape et aux souverains
séculiers, au premier rang desquels figurait l’empereur
du Saint Empire romain (bien que certains historiens
aient également souligné le rôle des rois de France,
d’Angleterre, de Suède et autres). Étant donné que le
pape et l’empereur germanique ont été les fondateurs
des universités, ceci n’a fait que conforter progressivement l’idée que lors d’une telle fondation, ils ont à
leur tour transmis ce droit de promotion (qu’ils héritaient eux-mêmes de l’empereur romain) à la nouvelle
institution. C’est donc dans ce cadre que, dès le début
du XIIIe siècle, le pape s’est arrogé l’ensemble du système promotionnel. Il fit dépendre la délivrance de la
licentia docendi de l’autorisation de son représentant.
Simultanément, il s’assura aussi personnellement que
la validité du doctorat ne se limite plus à l’université
concernée, mais revête désormais un caractère universel et soit donc reconnue par toutes les universités du
monde chrétien. En attachant de nombreux privilèges
à cet état de docteur, le pape et l’empereur sortaient
également le doctorat du cadre exclusif de l’université,
Pour une histoire des DHC
Le pape Honorius III, 13e siècle
140
contribuant de la sorte à la naissance d’une noblesse intellectuelle parallèlement à
la noblesse héréditaire.
Découlant essentiellement de la conviction que seuls le pape et l’empereur
allemand étaient habilités à anoblir quelqu’un, on en vint progressivement à penser que ces deux pouvoirs universels avaient le droit de conférer de tels honneurs
sans l’intervention des universités et pouvaient donc octroyer des doctorats non
seulement indirectement (via les universités), mais aussi directement. En outre, ils
déléguèrent également ce droit à leurs représentants par le truchement de l’octroi
d’un grand ou d’un petit palatinat. Ce sont surtout les comtes palatins impériaux qui
firent grand usage des droits qu’impliquait leur palatinat : la nomination de notaires,
la reconnaissance légale d’enfants extraconjugaux, la libération de serfs, l’émancipation de mineurs, l’élévation à la noblesse, l’octroi de blasons et celui de grades
académiques. L’ampleur des privilèges pouvait différer entre palatinats. Parfois, ils
ne pouvaient pas conférer de grades académiques, parfois on en limitait le nombre,
parfois on ne les accordait que pour certains secteurs scientifiques. C’est ainsi qu’en
principe, le droit de conférer des grades théologiques était réservé aux palatinats
les plus importants, souvent héréditaires et accordés uniquement aux personnes de
souche royale.
frais correspondants. L’examen, largement inspiré des
examens de licence et de doctorat normaux, était organisé à la cour en présence d’au moins trois docteurs de
la faculté. Pour éluder tout doute quant à la valeur du
diplôme de doctorat impérial ou papal, on mentionnait
parfois sur le diplôme le nom des examinateurs et/ou
les questions. La plupart de ces remises de grades se
faisaient en outre à la demande des candidats eux-mêmes pour différentes raisons, notamment parce qu’ils
n’avaient pas pu suivre régulièrement les cours (ce
qui était une des conditions de l’octroi), parce qu’ils
avaient perdu leur diplôme universitaire ou encore
pour obtenir un titre de doctorat rehaussé d’un cachet
complémentaire.
Souvent, un grand palatinat avait le droit d’en créer de plus petits en témoignage d’estime à des personnes privées, mais aussi à des institutions ou des sociétés
érudites. Cela fit que par ailleurs, à partir du XVIe siècle, on en vint à se plaindre
d’une certaine inflation tant de l’octroi des palatinats eux-mêmes que de l’utilisation
des privilèges correspondants. En conséquence, le pape Pie V réagit en retirant complètement, aux environs de 1550, le privilège de conférer des grades académiques
reconnus à ses représentants. L’empereur germanique lui aussi prit certaines mesures pour répondre à l’insatisfaction croissante. Il sanctionna de la sorte quelques
professeurs de Leipzig pour avoir abusé à ses yeux de leur prérogative de comtes
palatins en conférant des grades académiques hors des cercles universitaires. Pareillement, à partir de 1721, aucun notaire ne put plus ouvrir sa propre étude sans
avoir réussi un examen, ce qui limitait dans les faits le droit palatin de nommer des
notaires.
À ce titre, ces doctorats s’éloignaient bien entendu
très fort des doctorats honorifiques que l’on a définis
plus haut. Quand le pape, l’empereur ou les comtes palatins pouvaient se faire une image des connaissances
du candidat autrement que par un examen (par exemple sur base de ses publications), ils s’arrogeaient le
droit de conférer des doctorats sans examen préalable ni frais de promotion. Dans de tels cas, le mandataire politique ou religieux n’avait qu’à s’en remettre
à sa propre conscience pour ne pas conférer ce titre à
des incompétents. Les doctorats conférés de la sorte
étaient réputés récompenser plus particulièrement
des mérites ou des prestations scientifiques et exerçaient clairement une fonction exemplative pour les
étudiants à venir. L’importance, en l’occurrence, était
de ne pas créer trop de distance entre la valeur présente du candidat et l’élévation de statut qu’il obtenait
par un doctorat.
Mais les limitations ainsi visées furent moins grandes qu’elles ne parurent à
première vue. Les candidats à qui le titre de notaire ou le grade de docteur (bullatus, pour les distinguer des docteurs ordinaires) fut conféré par l’empereur, les
comtes palatins agissant en qualité de représentants de ce dernier, le pape ou ses
délégués devaient tous, en principe, passer un examen et supporter eux-mêmes les
Quelques exemples montrent clairement en quoi
ces doctorats sont très proches de notre perception
actuelle du doctorat honoris causa. Ainsi, bien que
l’étudiant en droit Johann Georg Kauffer ait pu soumettre une attestation de l’Université de Prague, l’em-
ULB DHC 175e
Pour une histoire des DHC
Le pape Pie V, 16e siècle
141
pereur Ferdinand III lui conféra le titre de docteur en premier lieu pour ses actions
patriotiques exemplaires comme chef des étudiants pendant le siège de Prague par
la Suède en 1648. Pour Arnold Froon, ultérieurement secrétaire du service postal
impérial, il a suffi de trois attestations de présence aux cours qu’il avait suivis à
Dillingen en Bavière et une attestation de quatre docteurs en droit de Vienne pour
témoigner de sa compétence. Les mérites militaires de son grand-père contribuèrent
certainement à persuader l’empereur Léopold Ier de lui conférer le titre de docteur
honoris causa dans les deux droits en 1697. Quant à Caspar Paul Van de Cruys, ce
furent aussi, très certainement, ses performances militaires qui l’emportèrent. Originaire de Peer, il étudia le droit à l’Université de Louvain mais, pendant la guerre de
succession espagnole, il fut contraint de revenir dans sa ville natale pour défendre le
sol de ses ancêtres. Lors d’un choc avec les troupes espagnoles, il fut si gravement
blessé qu’il lui fut impossible de poursuivre ses études. En compensation, Frédéric,
de la famille aristocratique italienne des Sforza et prince du Saint Empire romain,
lui conféra en 1709 le titre de docteur dans les deux droits à Rome. Van de Cruys fut
ensuite commissaire du prince évêque à Peer, siégea comme échevin à Grote-Brogel
et acheva sa carrière comme bourgmestre de Peer.
La seule condition pour pouvoir jouir de tous les privilèges liés à son titre de
doctorat était que Van de Cruys prête dans son propre pays son serment de doctorat devant un dignitaire religieux. Ce qui ne s’est jamais produit, de sorte que son
diplôme resta un titre honorifique étranger. Le fait que ces bullati jouissaient des
mêmes droits que les simples docteurs exaspérait considérablement les nouveaux
promus qui avaient obtenu leur diplôme après de longues études et de sévères examens. Alors que pour les docteurs académiques, le rehaussement du statut social
et les nombreux privilèges qui y étaient liés constituaient un complément agréable
mais accidentel de leur diplôme, il s’agissait pour les bullati du cœur même de la
question. La conséquence logique fut qu’ils ne jouirent jamais d’une pleine estime.
Le terme de « bullatus » avait par ailleurs une double signification. Il faisait référence
au diplôme même de doctorat (la bulle), tandis qu’aux yeux de ses adversaires, il
fut souvent traduit par « vain », « creux » ou « présomptueux ». Comme ces bullati
avaient généralement obtenu ce titre à leurs frais et à leur propre demande, on affirma souvent (et pas toujours à tort) qu’ils l’avaient acheté plutôt que mérité.
Sur le plan cérémoniel, leur promotion se passait généralement de la même manière qu’une promotion de doctorat académique avec la remise des mêmes insignes
(insignia) de docteur : la coiffe de docteur (qui fait référence au rite initiatique et
à l’admission dans le monde des adultes de la Rome ancienne), l’anneau en or (qui
fait référence au mariage platonique avec Sophia, déesse de la sagesse, l’or tradui-
ULB DHC 175e
sant la valeur du doctorat et le cercle symbolisant la perfection de la science), et
l’accolade fraternelle (qui fait référence à l’admission dans la communauté universitaire). Toutefois, de l’une ou l’autre manière, on limita de plus en plus certains des
privilèges liés au diplôme de docteur . Et plus particulièrement, l’admission dans la
communauté et le droit de faire passer des examens, et donc de créer eux-mêmes
des docteurs, furent de moins en moins concédés aux bullati.
En conséquence de toutes ces limitations aux remises de doctorat sur base d’un
grand ou d’un petit palatinat (le fait que les bullati ne jouissaient pas toujours des
mêmes privilèges et qu’ils avaient généralement obtenu leur diplôme à leurs propres frais, à leur demande et après un examen), la concession même d’un palatinat
et donc l’obtention du droit de décerner des grades académiques pourraient plutôt
être considérées comme une reconnaissance de mérites scientifiques ou sociaux et
donc comme une sorte de doctorat honoris causa.
L’empereur Léopold Ier,
par Benjamin von Block, 1672
Une autre forme spéciale de reconnaissance que l’empereur et les comtes palatins pouvaient décerner était le sacre de poètes. L’exemple le plus célèbre, c’est l’octroi de ce titre à Pétrarque en 1341. S’il est vrai qu’on n’utilisait pas la dénomination
de docteur honoris causa, la cause en était très semblable. La similitude avec le diplôme honorifique que décerna l’Université d’Oxford au poète John Skelton en 1488
est à cet égard révélatrice. La popularité croissante des sacres de poètes à partir de
la seconde moitié du XVe siècle sous le règne de Maximilien Ier (entraînant à nouveau
des conséquences inflationnistes) correspond à l’avènement de l’humanisme et à la
redécouverte des poètes et dramaturges anciens.
La dissolution du Saint Empire romain en 1806 consacra simultanément la fin des
droits palatins. Toutefois, et notamment en Autriche-Hongrie, l’empereur continua à
exercer une influence importante sur l’octroi des grades académiques. Quand bien
même il avait perdu le droit de décerner lui-même des doctorats, celui de reconnaître
des institutions investies de ce droit était encore entre ses mains : il était donc toujours à la source de tous les doctorats. En second lieu, on concevait, jusqu’à la fin de
l’empire austro-hongrois en 1918, que les universités avaient besoin de l’autorisation
de l’empereur pour décerner des doctorats honoris causa. Une expression particulière
de cet intérêt impérial pour l’octroi de grades académiques était la promotion dite sub
auspiciis Imperatoris qui, à partir du milieu du XVIIIe siècle, avait lieu tous les six ans.
Cette promotion était réservée à des candidats docteurs en médecine de très haut
rang recevant à cette occasion des mains de l’impératrice Marie-Thérèse une médaille
d’or. La tradition a été abrogée en 1918, avant d’être réintroduite à partir de 1952 en
réponse à la résurgence du besoin de cérémonies académiques.
Pour une histoire des DHC
142
Les insignes de l’ULB remis à
Simone Susskind en 2000
Pétrarque, ca. 1450
Le doctorat honoris causa dans sa forme la plus extrême de
promotion in absentia
Des promotions d’autre nature présentant dans certains cas de frappantes similitudes avec le doctorat honoris causa moderne étaient les promotions dites in
absentia. Les promotions in absentia étaient liées à l’habitude prémoderne d’adapter les examens aux capacités et aux ambitions des candidats. Cela avait peu de
sens d’exiger une thèse doctorale personnelle approfondie – en latin de surcroît – de
personnes dont on savait pertinemment qu’elles n’aspiraient en rien à une position
universitaire. En effet, loin de représenter des discussions scientifiques de haut niveau, ces défenses dégénéraient souvent en débats feints, convenus jusque dans le
détail. En toute logique, nombreux furent ceux qui commencèrent à se demander si
l’examen intrinsèque ne suffisait pas, quitte à oublier quelque peu la défense. Puis
on se dirigea vers un examen écrit passé à distance, ce qui justifia progressivement
l’apparition de promotions « en absence », dont le succès allait grandissant à partir
du XVIIIe siècle dans les universités allemandes.
En théorie, et comme pour les bullati, la plupart de ces promotions en absence
se faisait à la demande des candidats après avoir passé un examen (écrit) et payé
les frais de doctorat. Mais on dérogea également souvent à ces principes, notamment quand les mérites sociaux ou les prestations d’un candidat étaient tels que
ce diplôme était octroyé sans pour autant passer un examen. Un examen aurait été
inutile, voire vexant, pour les candidats ayant déjà des années de pratique et souhaitant cette promotion pour améliorer leur position sociale. Ils avaient en effet déjà
largement eu l’occasion de prouver leur valeur. Le titre de doctorat prémoderne était
en réalité bien plus qu’un diplôme couronnant une formation. Chaque promotion
consacrait une valorisation sociale dont le candidat pouvait bénéficier partiellement
pour ses prestations académiques et partiellement, voire uniquement dans les cas
les plus extrêmes, pour des mérites sociaux ou scientifiques précédents. Le doctorat honoris causa représentait de la sorte la forme la plus extrême de promotion in
absentia. À nouveau, il ne fallait pas créer trop de distance entre la valeur présente
du candidat et le rehaussement de statut et de prestige qu’il acquérait grâce à un
doctorat.
La différence entre l’octroi du doctorat comme titre honorifique à part entière
et le simple octroi d’exceptions aux conditions statutaires conditionnant une telle
promotion n’était pas toujours très claire. Même pour les plus anciens honorary degrees décernés par les universités d’Oxford et de Cambridge, il s’agissait plutôt d’accorder des dispenses que des grades à titre honorifique, bien que ces exceptions
ULB DHC 175e
n’aient pas été accordées facilement. Lionel Woodville, que l’on a déjà cité, et John
Bourchier, archevêque de Canterbury, se virent décerner au XVe siècle par l’Université d’Oxford de tels degrees by creation (des grades accordés sans suivre les cours
et sans passer les exercices ou examens correspondants).
Mais on ne tarda pas à abuser de ces pratiques, surtout parce que les revenus
des professeurs et des facultés dépendaient pour une grande part du paiement des
frais de promotion. Les universités d’Iéna, Halle, Giessen, Rostock et Göttingen, notamment, abusèrent considérablement de leurs prérogatives à la fin du XVIIIe siècle
et lors de la première moitié du XIXe siècle, en abaissant constamment les exigences
qui régissaient l’octroi des promotions in absentia. Comme les candidats eurent tôt
fait de comprendre que les facultés se souciaient avant tout d’argent, ils n’hésitèrent
pas à négocier les tarifs en vigueur. C’est ainsi qu’un véritable et florissant commerce de diplômes de docteur prit son essor. À l’époque, même au sein d’autres universités n’accordant pas de promotion in absentia (telles que l’ancienne Université de
Louvain supprimée par les révolutionnaires français en 1797), on critiquait vigoureusement l’assouplissement des conditions d’octroi en stigmatisant la vénalité de ces
titres qui ne récompensaient pas de réelles performances scientifiques.
L’historien allemand Theodor Mommsen réagit dès 1860 contre ce qu’il appelait
le « phénomène des pseudo-docteurs ». Ce faisant, il visait non seulement les trop
faciles promotions in absentia, mais aussi un grand nombre de docteurs ayant obtenu, ou plutôt acheté, leur diplôme auprès d’universités américaines « boîtes postales ». Cette coutume, bien installée, a surtout envahi le milieu des dentistes. En
effet, les dentistes allemands formés en Amérique jouissaient d’une considération
supérieure aux autres et gagnaient donc bien mieux leur vie. Mais comme ils ne pouvaient pas tous parachever leurs études à l’étranger, on vit ainsi progressivement
apparaître des institutions « bidon » se mettant à vendre des diplômes de dentiste,
y compris à des personnes n’ayant suivi aucune formation. En réaction, Mommsen
lança en 1876 une gigantesque campagne de presse visant à imposer – d’ailleurs
avec succès – les normes très sévères des examens prussiens à toutes les universités allemandes, non sans succès. Aux environs de 1900, tous les candidats docteurs
durent passer les mêmes examens et rédiger une dissertation en latin. Ce faisant,
on renonçait à l’habitude prémoderne d’adapter les critères d’examen aux qualités
et aux capacités du candidat. Les promotions in absentia furent interdites et, dans
la foulée des statuts de l’université berlinoise de 1810, remplacées d’une certaine
manière par le doctorat honoris causa.
Pour une histoire des DHC
143
Theodor Mommsen, ca. 1870
Conséquemment, différents recteurs d’universités se rendirent compte que l’on
pouvait rattacher à ces promotions d’autres avantages qu’uniquement pécuniaires.
Quand la notoriété du candidat était supérieure à l’effet social que lui apportait le
titre, la promotion pouvait flatter la faculté qui se voyait ainsi auréolée d’une telle
notoriété, capable d’accroître à son tour la sienne. Dans de tels cas, il paraissait
évident d’accorder un tel doctorat gracieusement, et bien sûr sans examen préalable, à l’initiative éventuelle de la faculté ou de l’université. On doit y voir d’ailleurs
une seconde origine du doctorat honoris causa moderne. Il se vérifie toujours qu’en
décernant un tel doctorat, l’université s’honore autant elle-même, si pas plus, que
le héros du jour. Le recteur de l’Université de Tübingen, Gustav Rümelin, l’exprima
clairement dans son discours aux docteurs honoris causa à l’occasion du quatrième
centenaire de l’Université de Tübingen en 1877.
« Das Verhältnis des Ehrendoctors ist wesentlich Verschiedenes von dem des
Doctors auf Bewerbung. Die Fakultäten wollen damit nicht bloss eine Ehre erweisen,
sondern sie wollen auch sich selbst ehren und schmücken, indem sie Männer in ihre
Reihen aufnehmen, denen sie sich mit Befriedigung und Stolz durch ein geistiges
Band der Genossenschaft verbunden sehen. » (1)
La nécessité pratique des promotions honorifiques pour les
professeurs sans doctorat
Une troisième origine du doctorat honoris causa est à situer dans les promotions
avec dispense d’examen et paiement de droits qui ont été accordées à des professeurs sans doctorat pour leur permettre de faire passer eux-mêmes des examens de
niveau doctoral et de conférer des doctorats. Alors que jusqu’au XIIe siècle, le terme
de docteur était uniquement réservé aux professeurs d’université, le titre est progressivement devenu un titre honorifique. Inversement, par le découplage de l’examen de licence et du doctorat, des licenciés ne possédant pas de doctorat pouvaient
enseigner à l’université. Comme il fallait être docteur pour en nommer d’autres, il
leur fut donc décerné le titre de docteur honoris causa.
Dès le milieu du XVIIe siècle, les Pays-Bas eurent massivement recours à de telles promotions honorifiques, surtout dans les facultés de théologie. Suite à différents conflits doctrinaux sur la prédestination à l’Université de Leyde et en réaction
au manque de pasteurs réformés dû à la sévérité de la sélection des facultés, les
autorités ecclésiastiques s’arrogèrent de plus en plus l’initiative des examens. En
conséquence, la plupart des candidats à la prêtrise écourtèrent le plus possible
leurs études universitaires pour passer ensuite l’examen. De ce fait, le nombre de
ULB DHC 175e
promus (qui étaient, il est vrai, comme d’habitude dispensés de passer l’examen) se
mit à baisser parmi les théologiens diplômés, de sorte qu’il fallut encore accorder
des doctorats honorifiques à de nouveaux professeurs en théologie à nommer.
(1) « La motivation de l’octroi
du doctorat honoris
causa est essentiellement
différente de celle du
Au bout de quelque temps, le cercle des candidats à de tels doctorats honorifiques se mit à s’élargir. Quand, en 1682, l’Université d’Utrecht conféra un doctorat
honoris causa à un pasteur de Rotterdam et à un pasteur de La Haye qui n’avaient
pourtant pas été nommés professeurs, les professeurs des autres facultés n’y
consentirent qu’à la condition expresse qu’ils pourraient procéder pareillement si
l’occasion se présentait, en proposant ce titre de doctorat honorifique à d’autres
personnes ayant prouvé certains mérites dans l’une ou l’autre discipline de leur faculté. Lorsqu’en 1730, sur proposition de la faculté de théologie, un doctorat honoris
causa fut aussi décerné à quelqu’un qui avait été nommé pasteur à Brême, le sénat
académique se mit à craindre que, si l’on poursuivait en ce sens, ces distinctions
augmenteraient certainement en nombre mais pas en considération. Aussi décidat-il de réserver le doctorat honoris causa aux candidats déjà nommés professeurs.
Toutefois, cette inflation ne fut finalement pas aussi importante que ce que l’on redoutait (surtout en comparaison des chiffres actuels). Entre 1640 et 1780, les facultés autres que celle de théologie ne décernèrent au total que quelque dix doctorats
honoris causa.
doctorat sur candidature.
Par cette pratique, les
facultés ne veulent pas
seulement faire un geste
honorifique, elles veulent
se mettre à l’honneur et se
distinguer elles-mêmes
en intégrant des hommes
dans leurs rangs, avec
lesquels elles se voient
établir un lien spirituel
et communautaire à
leur grande fierté et
satisfaction. »
Une promotion honorifique quelque peu comparable à ces promotions de professeurs sans doctorat eut lieu à l’Université d’Utrecht en 1841. Deux étudiants refusèrent cette année-là de suivre des cours pour lesquels ils ne manifestaient aucun
intérêt, s’excluant de la sorte des possibilités de postuler à un tel doctorat. En lieu et
place, ils défendirent un specimen academicum sub praeside, à savoir la défense publique d’un mémoire ou d’une thèse sans qu’on puisse conférer pour cela le grade de
docteur . Mais ils le firent avec tant de verve et de persuasion que plusieurs professeurs suggérèrent de leur conférer quand même le titre de docteur honoris causa, ce
qui fut fait malgré les protestations de Johan Rudolf Thorbecke, un des professeurs
dont les cours étaient visés. Tout comme pour les professeurs sans doctorat, on
utilisa dans ce cas le doctorat honorifique pour contourner quelque peu une réglementation très stricte. Toutefois, pour éviter de susciter un tel émoi à l’avenir, il fut
décidé de ne plus décerner de doctorats honorifiques à des étudiants.
Johan Rudolf Thorbecke,
par Johan Heinrich Neuman,
1852
Pour une histoire des DHC
144
Un grand besoin de cérémonies académiques
S’il est une chose à laquelle les promotions honorifiques de professeurs sans
doctorat ne donnèrent pas de réponse claire, c’est bien au besoin irrépressible de
cérémonies académiques. Jusqu’au XVIIIe siècle, les promotions ordinaires comblèrent grandement ce besoin. L’élévation du statut social qu’entraînait le doctorat
avait en effet conduit à rehausser le prestige et le côté festif de la cérémonie. Le
rituel promotionnel se rapprochait beaucoup de celui de l’adoubement. Mais les
coûts, bien sûr proportionnels, connurent au fil du temps une inflation galopante :
frais d’inscription aux examens, frais d’impression de la dissertation, achat de vêtements et de cadeaux adaptés pour le promoteur, et enfin, financement d’un banquet
exubérant pour une importante et joyeuse compagnie. De nombreuses universités
y allèrent de leur petite touche et conçurent des insignes doctoraux qui leur étaient
propres : une chaîne en or, une médaille, une épée… voire une salve de coups de
canon donnant à la cérémonie un petit extra. À Salamanque, on organisa même des
corridas pour rehausser les festivités. À Montpellier, chaque nouveau docteur devait revêtir la Robe de Rabelais, la toge doctorale qui habillait le célèbre candidat,
docteur et écrivain français François Rabelais en 1537.
Dès le milieu du XVIIe siècle, on se mit à protester vivement contre l’inflation de
ces coûts et de l’aristocratisation découlant de la cérémonie de promotion, toujours
plus riche et pompeuse. Les rituels accompagnant la cérémonie étaient de plus en
plus considérés comme des manifestations irritantes éloignant l’attention du contenu scientifique. Aux Pays-Bas, l’opposition des étudiants, spécialement contre le
coût élevé de ces promotions, incita les autorités académiques à faire la différence
entre les promotions privées, au rituel plus sobre, plus confidentielles et donc plus
économiques, et les promotions en toge, répondant aux anciennes traditions des
more majorum, avec tout le rituel qui les accompagne. Au XVIIIe siècle déjà, les promotions privées constituaient la procédure normale, les promotions en toge étant
réservées aux occasions spéciales. Il en fut ainsi à Oxford où, lors de la visite du roi
Jacques Ier en 1605, on conféra 43 degrees by creation. De même, un étudiant passa
sa promotion de more majorum à l’occasion de la visite du stadhouder Guillaume V,
prince d’Orange, en 1773. Cet acte public, bien sûr, honorait davantage le prince et
l’université que le doctorandus.
Dans les autres pays également, ces cérémonies furent considérablement démystifiées et simplifiées au cours du XVIIIe siècle. On finit par en réduire drastiquement les coûts pour les limiter aux frais d’examen, que l’on devait d’ailleurs verser à
la faculté et non plus au seul promoteur (afin d’éviter tout abus). C’est surtout à par-
ULB DHC 175e
tir de la définition du doctorat comme grade scientifique dès le début du XIXe siècle
que s’accéléra cette évolution. La fin de l’ancien régime coïncida avec la fin des privilèges liés au titre de docteur depuis le XIIIe siècle. Comme la promotion n’entraînait
plus automatiquement de rehaussement symbolique, elle eut un caractère de moins
en moins cérémoniel. Bien sûr, pour le candidat, cela restait un événement extrêmement festif. Mais pour la communauté universitaire, c’était bien moins qu’auparavant un jour exceptionnel, notamment car le doctorat était entièrement découplé de
la fonction d’enseignant à l’université et l’accolade qui symbolisait l’admission de la
communauté universitaire perdait donc tout son sens.
Les recteurs et autres autorités académiques ont donc été contraints de chercher d’autres opportunités permettant à l’Université de s’exprimer lors d’occasions
spéciales. En 1850 déjà, à l’occasion de l’inauguration du nouveau bâtiment académique, l’Université de Groningue décerna un doctorat honoris causa à 12 scientifiques, politiciens et enseignants. Mais la promotion traditionnelle more majorum fut
écarté. L’Université de Leyde suivit le même exemple lorsqu’elle fêta son troisième
centenaire en 1875. Un an plus tard, la promotion en toge fut elle aussi écartée. Son
recteur Buys tenta de réfuter dans son allocution la critique voulant que l’on avait
privé le public d’une promotion more majorum que les anciens évoquaient comme
bien divertissante, et que les jeunes ne connaissaient plus que par tradition.
Il lui fallut argumenter que les promotions en toge ne se justifiaient plus dans les
conditions actuelles. Lors du centenaire précédent de l’université en 1775, expliquait
Buys, le vieux monde, bien que chancelant, était encore debout. C’était une époque de
particularismes où les classes sociales étaient très nettement séparées et où l’Église
et l’Université étaient entièrement isolées de la société. En organisant ces fastueuses cérémonies more majorum, poursuivait Buys, l’université souhaitait avant tout
délimiter clairement la frontière qui la séparait du monde extérieur et se distancier du
reste de la communauté. Cent ans plus tard, précisait encore Buys, la situation était
tout autre : « Le travail de fusion – entrepris sur le plan intellectuel par la Révolution
française et poursuivi depuis sur le plan matériel par l’énergie de la vapeur – a entraîné
un retournement dont les conséquences sont en effet vertigineuses. » L’université a
compris elle aussi « que ce n’est pas dans l’isolement total mais dans la rencontre fructueuse avec les gens qu’une telle devise (la science pour la science) peut se réaliser. »
Il considère l’octroi de doctorats honoris causa comme « la reconnaissance de ce que
le monde scientifique néerlandais doit à l’étranger ; la reconnaissance plus particulière du fait que chaque science doit une bonne partie de son développement à ses
sœurs ; et enfin, la reconnaissance de l’université à la société au sens large. »
François Rabelais, 17e siècle
Guillaume d’Orange,
par Johann Georg Ziesenis, 18e
siècle
Blason de l’université de Leyde
Pour une histoire des DHC
145
Cette motivation permit aux doctorats octroyés à titre honorifique de prendre
progressivement la place des promotions en toge comme manière idéale de donner
quelque lustre aux occasions solennelles. Le nombre de titres honorifiques conférés
est allé grandissant : de 12 en 1850 à Groningue à quelque 48 en 1875 à Leyde et
38 en 1936 à Utrecht. Certes, ce n’était que du « menu fretin » comparé à certaines
universités américaines : en 1936, dans le cadre des festivités de son troisième centenaire, Harvard octroya 86 honorary doctorates ; Princeton célébra son 150e anniversaire en 1896 en conférant 79 doctorats honoris causa et Columbia fit encore plus
fort en 1929 en remettant quelque 134 doctorats honoris causa à l’occasion de son
175e anniversaire. Contrairement aux titres honorifiques des bullati, aux docteurs
promus in absentia ou aux professeurs ayant obtenu leur doctorat après leur nomination, ces titres honoraires n’étaient assortis d’aucun privilège. Comme l’exprimait
l’évangéliste américain Samuel C. Gipp : « Académiquement, un doctorat honorifique est comme une ceinture noire honorifique au karaté. Portez-la dans votre maison, mais n’essayez pas de l’utiliser, cela vous serait fatal. »
Au cours du XIXe siècle, dans le cadre de festivités fastueuses, certains pays notamment en Europe du Nord ont combiné la promotion solennelle de docteurs honoris causa à la forme très cérémonieuse et traditionnelle des promotions de doctorats
ordinaires (en groupe). L’un des moments forts à cet égard fut incontestablement
le quatrième centenaire de l’Université d’Uppsala en 1877, regroupant un nombre
impressionnant de représentants étrangers. Chacune de ces deux solennités avait
sa propre fonction : alors que les promotions honorifiques avaient essentiellement
un caractère international, exprimant le rayonnement panscandinave de l’université
(servant donc très clairement à s’afficher soi-même), la promotion des doctorats ordinaires était surtout conçue comme une fête nationale, devant des représentants
du pays entier (en ce compris le roi et le prince héritier), et comme une ode à la
science nationale et aux héros de la patrie.
ULB DHC 175e
Université de Princeton, 2006
Pour une histoire des DHC
146
La tradition encore jeune des promotions honorifiques en
Belgique
À l’ancienne Université de Louvain, la remise des prix répondait notamment à
un besoin de cérémonies académiques. Les quatre pédagogies pour les étudiants
des facultés préparatoires des arts entraient en compétition mutuelle en vue de savoir laquelle avait « produit » le meilleur étudiant de l’année. Le lauréat en question
n’était pas uniquement fêté dans sa propre pédagogie, mais aussi par l’ensemble
de l’université et même par sa ville natale qui participait à la fête en organisant une
joyeuse entrée et autres manifestations. Après la Révolution française, cette tradition tomba entièrement en désuétude et ne fut pas directement remplacée.
Après un vide de quelque 20 ans, Guillaume Ier, roi du Royaume-Uni des PaysBas, fonda trois nouvelles universités d’État en 1817 à Gand, Louvain et Liège. Le
règlement encadrant la création de ces universités, pour lequel Guillaume Ier s’était
largement inspiré de quelques universités allemandes (dont celle de Berlin), reprend
notamment l’article suivant : « Il sera permis aux universités de conférer à des hommes d’un mérite extraordinaire, tant étrangers qu’indigènes, le titre de docteur, ou
de le leur offrir, comme une preuve d’estime ; mais dans ce cas, l’affaire, sur la proposition de la faculté qui confère le grade, sera traitée par tout le sénat spécialement
convoqué à cet effet. On n’exigera, des docteurs créés de cette manière, ni les examens ni les droits d’usage. » De la même façon que l’instauration du doctorat honoris causa visait partiellement, dans les statuts de l’Université de Berlin, à remplacer
les promotions in absentia, ici aussi, une des intentions sous-jacentes visait à éviter
toute « vénalité » des diplômes telle qu’on l’avait connue dans le cadre de l’ancienne
Université de Louvain à la fin du XVIIIe siècle. Si l’on voulait rendre hommage à des
personnes méritantes en leur offrant des dispenses, on avait ici la possibilité explicite de leur conférer un doctorat honorifique, exempt toutefois des droits sociaux
liés au titre de docteur. Un autre motif avancé était que, dans un contexte de simplification des cérémonies, il paraissait impossible d’organiser des promotions en
toge dans les universités du sud telles qu’elles existaient dans le nord des Pays-Bas.
L’alternative fut donc un doctorat honoris causa.
Mais finalement, on ne fit de cette possibilité qu’une utilisation très modeste.
L’Université de Liège fut la seule à considérer cette pratique comme une manière de
rattacher aux universités des Pays-Bas, par des liens plus étroits, les hommes distingués dont les sympathies leur étaient déjà acquises. En conséquence, elle conféra
ce titre honorifique à cinq scientifiques à la suite d’une procédure très sévère. L’article précédent, largement repris dans la loi de 1835, fut simultanément enrichi de
ULB DHC 175e
ce qu’on a appelé les diplômes scientifiques (que l’on
obtenait après un examen scientifique, mais auxquels
n’était assorti aucun droit social comme pour les doctorats honorifiques). Les arrêtés d’exécution de 1838
et 1869, portant sur cet article issu de la loi organique
sur l’enseignement supérieur, ne concernaient, dans la
pratique, que les diplômes scientifiques. Le manque
d’intérêt pour les doctorats honorifiques se reflétait
aussi dans leur faible nombre. Entre 1830 et 1884, on
ne conféra en Belgique que douze doctorats honoris
causa : trois à l’Université de Liège, deux à Gand et
sept à Louvain (pour cette dernière, tous après 1880).
L’une des causes expliquant ce manque flagrant
de promotions honorifiques était indubitablement
le manque de fêtes jubilaires et, partant, celui de cérémonies académiques. Gand et Liège ont fêté assez
modestement leur 50 e anniversaire. Seule l’Université
de Louvain considéra son jubilé en 1884 comme une
occasion de se rattacher à la tradition des autres institutions européennes. Une compagnie bigarrée de plus
de 30 docteurs honoris causa se rassembla en séance
académique : Arthur Verhaegen, ingénieur honoraire
des ponts et chaussées, August Snieders, le grand
romancier flamand, M. Schaepman, membre de la seconde Chambre des Pays-Bas, et surtout le comte de
Villeneuve, ministre du Brésil, qui reçut son diplôme
des mains de l’empereur Pedro II du Brésil. En 1909,
dans le cadre du 75e anniversaire, on remit cela, mais
cette fois avec 55 promus. Il fallut néanmoins attendre
l’entre-deux-guerres pour institutionnaliser véritablement les promotions honorifiques, fût-ce essentiellement à l’occasion de circonstances spéciales telles que
la célébration du 500e anniversaire de l’Université de
Louvain en 1927 (après la première guerre mondiale,
l’Université de Louvain renoua avec la tradition de l’ancienne université) ou à l’occasion de l’exposition universelle de 1930 à Liège.
Pour une histoire des DHC
Guillaume Ier, roi des Pays-Bas,
par Joseph Paelinck, 1819
Bibliothèque de l’Université
catholique de Louvain, 2005
147
Le rattachement devenu entre-temps « traditionnel » des doctorats honoris causa au dies natalis de l’université concernée ne date finalement que du milieu des
années 1950 (à Louvain) ou du début des années 1960 (à Gand et à Liège). Honoré
Van Waeyenbergh, recteur de l’Université de Louvain, entendait par là redorer le
blason aussi bien de la fête votive que de la cérémonie doctorale. Les promotions
honorifiques facultaires, relativement intimes, passèrent souvent inaperçues dans
la presse et la fête de la Sedes Sapientiae manquait de contenu pour en faire un
grand événement. Mais ensemble, elles allaient constituer un couple parfait. La fête
votive permettait aux recteurs de donner à la remise des doctorats honorifiques un
caractère académique, et inversement, la promotion donnait aux journalistes un peu
de matière à écrire. L’Université de Louvain, imitée par les autres universités belges,
a suivi en cela une tendance internationale visant à décerner les doctorats honorifiques chaque année, lors des fêtes votives ou des anniversaires de l’université, et
non plus uniquement lors des célébrations des 50, 75 ou 100 ans de l’une ou l’autre
institution.
L’une des questions les plus récurrentes dans le système des doctorats honorifiques fut de savoir dans quelle mesure il importait ou non de les réserver pour des
mérites scientifiques. Les puristes sont généralement enclins à les attribuer au seul
monde scientifique. Toutefois, d’autres considérations tentent de se faire entendre :
rendre – à juste titre – honneur à une personne méritante, espérer un effet boomerang de la part des récipiendaires, tirer bénéfice des relations que peut ainsi engager, renforcer ou poursuivre l’université, et enfin tirer profit des nouvelles relations,
nationales comme internationales, qui peuvent se tisser entre l’université et les
personnalités honorées. Les doctorats honoris causa sans doute les plus contestés
en Belgique furent ceux accordés par l’Université de Louvain à la famille royale. Le
plus critiqué fut indubitablement la promotion du prince héritier Philippe en 2002.
Les opposants ont parlé de « caricature » du prestige intellectuel de l’université. La
communauté étudiante s’est par ailleurs exprimée en termes particulièrement crus.
« Peut-on être nommé docteur honoris causa à la suite d’un pur hasard vaginal ? »,
s’est demandé la rédaction du magazine étudiant Veto.
En 1985, l’Université d’Oxford a également suscité une commotion nationale en
proposant de décerner de tels honneurs à Margaret Thatcher. Tout comme à Louvain, les partisans ont tenté de motiver leur décision en évoquant la (jeune) tradition
de décerner un doctorat honoris causa à des premiers ministres diplômés d’Oxford.
À ce titre, c’est donc plus la fonction que la personne à qui l’on rend hommage. Les
adversaires ont plutôt critiqué la politique de Thatcher qui a, à leurs yeux, causé des
dommages systématiques et profonds à l’ensemble du réseau de l’enseignement
ULB DHC 175e
public. Le conflit a finalement pris tant d’ampleur qu’un
vote au sein de la commission responsable est apparu
inéluctable, lequel a débouché sur la défaite des partisans et entraîné bien sûr le discrédit total de Thatcher
(exploité immédiatement par le Parti travailliste). À
Oxford, la réaction fut immédiate : on resserra la procédure pour éviter de tels conflits à l’avenir.
Le concert de sifflets des étudiants louvanistes qui
a accompagné en 1988 la remise du doctorat honoris
causa à André Leysen, ancien président de la Fédération des entreprises de Belgique, président d’Agfa-Gevaert, fondateur du groupe de Coudenberg, et qui se
voyait récompensé pour son « leadership d’entreprise
à caractère humain », a entraîné une réaction très semblable. Le recteur Roger Dillemans fit alors remarquer
que l’Université catholique de Louvain ferait mieux
de se contenter de décerner à l’avenir des doctorats
à des académiciens, ce qui susciterait moins de réactions. Dans la pratique, ce fut impossible. Mais de tels
propos montrent bien que l’université souhaite éviter
d’être compromise par une telle politique.
Albert Michotte, professeur à Louvain, a suggéré
aux environs de 1950 une solution qui revient souvent :
réserver les doctorats honoris causa à des scientifiques particulièrement méritants, tandis qu’aux amis
et bienfaiteurs de l’université, on décernerait « une
médaille de reconnaissance ou quelque chose de semblable ». Dans un pamphlet qu’il édita en 2002, Blaise
Cronin, professeur d’informatique à l’Indiana University de Bloomington, suggérait lui aussi de faire une
différence entre une liste prioritaire de chercheurs,
hommes d’État et autres icônes des arts méritant bien
un doctorat honoris causa et une liste secondaire de
personnalités plus modestes pour qui une médaille
devrait s’avérer suffisante. Dans la foulée, il ne ménagea pas ses critiques pour les doctorats honoris
causa décernés à des figures telles que Sheryl Crow,
Pour une histoire des DHC
Remise du doctorat honoris causa
au roi Léopold III l’année du
centenaire de l’ULB, 1934
148
J.K. Rowling, Tiger Woods et George Best (footballeur légendaire de Manchester United). Pourquoi récompenser des performances qui n’ont rien d’académique par des
honneurs académiques, se demandait-il ? En poursuivant : « On voit mal pourquoi
l’on récompenserait les recherches de Stephen Hawking par un Oscar qu’il faut plutôt réserver aux acteurs, ou par un Grammy à réserver aux musiciens ! »
Pour Cronin, l’origine de ce conflit réside dans l’inflation des remises de doctorats
honorifiques et la dévaluation conséquente de ces distinctions, un phénomène dont
on se plaignait déjà du temps des premiers palatinats au XIVe siècle. Les doctorats
honoris causa illustrent parfaitement à cet égard ce qu’on appelle l’effet Matthieu :
« On ne prête qu’aux riches ». Ceux qui ont reçoivent encore plus. Ceux qui n’ont pas,
on leur enlève ce qui leur reste. Les précurseurs à cet égard sont notamment les
présidents américains Dwight Eisenhower et Herbert Hoover, avec respectivement
plus de 70 et 80 titres honorifiques, ou le révérend Theodore M. Hesburgh, rector
emeritus de l’Université Notre-Dame dont le compteur dépasse déjà les 150 titres.
Certains, comme l’écrivain allemand Günter Grass, ont tenté de s’y opposer en refusant de nouveaux doctorats honoris causa, comme celui de l’Université de Liège,
mais sans grande chance de succès. Les estimations divergent, mais rien qu’aux
États-Unis, on distribuerait chaque année quelque 10 000 titres honorifiques.
Quoi qu’il en soit, décerner un tel doctorat semble toujours, aux yeux des universités, une manière idéale d’honorer ou de remercier des personnalités méritantes.
Toutefois, pour chaque titre honorifique, il y a lieu d’examiner les circonstances politiques et sociales concrètes si l’on veut en évaluer la réelle pertinence. Le fait que
l’Université de Louvain ait honoré des « héros coloniaux », tels que les ingénieurs
Hubert Biermans, Nicolas Cito et Firmin van Brée à l’occasion du 50 e anniversaire
des chemins de fer coloniaux en 1948, semble ne pouvoir s’expliquer que par la passion qui animait le recteur Van Waeyenbergh pour le Congo. Ou s’agissait-il plutôt
d’un diplôme octroyé à ces puissants hommes d’affaires gravitant dans le giron de
la Société générale de Belgique dans l’attente d’un éventuel « retour d’ascenseur » ?
Le refus de l’Université d’Oxford de conférer, au début des années 1950, un doctorat
honoris causa à l’écrivain et critique russe Boris Pasternak s’explique moins par un
manque d’appréciation de son travail (courageusement, le recteur a signalé ne pas
savoir du tout qui était Pasternak), que par un rejet systématique de tous les candidats provenant de l’autre côté du rideau de fer en pleine guerre froide.
relle, économique, religieuse ou militaire. En outre, et dans une certaine mesure,
ces doctorats honorent presque toujours, au-delà du promu, l’université elle-même.
Parfois très subtilement, parfois plus directement, ces titres sont une manière de se
donner une bonne image et de se mettre en avant. Et s’ils sont en principe toujours
accordés de manière désintéressée, il n’en reste pas moins qu’ils instaurent une
relation de dépendance constante et mutuelle entre les doctorants et ceux qui les
honorent, à savoir l’université, le pape, l’empereur ou leurs représentants.
Quant à l’origine même du doctorat honoris causa, les avis continuent à diverger. Pour certains, il ne faut pas chercher plus loin que le début du XIXe siècle. Pour
d’autres, la tendance à s’écarter des strictes règles et conditions pour décerner un
doctorat et conférer de la sorte un titre en vertu de certains mérites (de quelque
nature qu’ils soient) remonte très probablement à l’origine même des universités. En
guise de conclusion, nous pouvons dire que, tant du côté des doctores bullati que
des promus in absentia ou des professeurs ayant décroché leur doctorat après leur
nomination, on peut trouver de nombreux exemples correspondant à la définition
actuelle du doctorat honoris causa, à savoir conférer le plus haut grade universitaire
non pas sur base de prestations scientifiques, mais sur base de mérites scientifiques ou sociaux préalables. La popularité croissante du doctorat honoris causa au
cours du XIXe siècle s’explique pour une grande part parce qu’il compensait un manque croissant de solennité et de festivité des promotions ordinaires, et un besoin
corollaire de cérémonies académiques. Les jeunes universités belges s’inscrivent
également dans ce scénario à partir du 50 e anniversaire de l’Université de Louvain
en 1884. Après la seconde guerre mondiale, elles ont renoué avec la tradition de
conférer des doctorats honoris causa à l’occasion du dies natalis de l’université et
contribué involontairement de la sorte au retour de l’hyperinflation tant critiquée du
doctorat honoris causa.
Ces deux exemples montrent bien le caractère polyvalent du doctorat honoris
causa moderne, permettant d’honorer (ou de rejeter) des candidats non seulement
pour leurs mérites scientifiques mais aussi pour leur signification politique, cultu-
ULB DHC 175e
Tiger Woods, 2007
George Best, 1968
Herbert Hoover, docteur honoris
causa de l’ULB,
ca. 1928
Pour une histoire des DHC
149
Relire l’histoire des DHC de l’Université libre
de Bruxelles Kenneth Bertrams, Didier Devriese et Kim Oosterlinck
Être fait docteur honoris causa :
du rituel et de la cérémonie
Comme tout rituel symbolique, être fait docteur honoris causa d’une université
suppose que ce titre soit décerné publiquement aux récipiendaires lors d’une cérémonie ad hoc. Cette cérémonie se déroule donc selon un rituel qui lui est propre et
diffère en cela des remises de diplômes et autres manifestations académiques telles
que l’ouverture de l’année académique. On notera ici que ces rituels ne diffèrent que
fort peu d’une université à l’autre : les « grands rituels » académiques s’inspirent peu
ou prou d’une trame commune, forgée notamment au XIXe siècle.
À l’Université libre de Bruxelles, le cérémonial de la remise des diplômes est décrit, dans un document interne que l’on peut dater de l’immédiat après-guerre, avec la
plus grande des précisions ; ce document établit un rituel fixe : « Le cérémonial . Selon
la définition du Larousse, l’épitoge est une bande d’étoffe distincte que les professeurs, les magistrats, les avocats en robe, portent sur l’épaule. Celle de l’ULB est en
soie bleue, rehaussée de fourrure blanche d’un Saint-Michel brodé en or, et d’un cordon vert et rouge qui précise les liens privilégiés et confiants qui lient l’ULB et la Ville
de Bruxelles. C’est le recteur de l’Université, secondé en séance par le pro-recteur,
l’ancien recteur et les recteurs honoraires, qui décerne et ajuste les épitoges.
Qui dit épitoge dit toge. Celle de l’Université libre de Bruxelles est sobre : noire rehaussée de fourrure pour le président de l’Université et les recteurs, d’une bande de
couleur distincte pour les représentants facultaires ; la toge s’accompagne d’un bonnet
et tous deux sont inspirés du portrait d’Érasme par Holbein le Jeune. Hommage est donc
rendu au passage au grand humaniste hollandais d’expression latine, dont l’esprit encyclopédique et la liberté de pensée s’accordent avec les principes fondamentaux de
l’Université du libre examen.
La séance qui a été soigneusement répétée et minutée dure plus ou moins 2 heures, car, outre l’épitoge, chaque docteur reçoit un diplôme rédigé et lu en latin et une
médaille frappée à l’effigie de Saint-Michel. L’éloge qui retrace la carrière et les mérites
de chaque lauréat est prononcé, lui, en français. Soulignons au passage combien l’éloge
en latin réservé certes à de trop rares initiés, est tout à l’honneur des philologues de
l’ULB qui prouvent à cette occasion la pérennité et l’universalisme d’une langue capable
d’appréhender toutes les subtilités du monde contemporain.
ULB DHC 175e
(1) Document non signé
La séance solennelle s’achève et le nouveau lauréat fait désormais partie à part entière de la communauté universitaire bruxelloise. »(1)
du 19 novembre 1992
D’emblée, deux points doivent être soulignés.
L’éloge en latin « réservé certes à de trop rares initiés »,
dépasse les clivages et les frontières et renvoie à un
universalisme subtil : rassemblant dans une même
figure l’Antiquité gréco-romaine, la modernité de la
Renaissance, les Lumières et l’humanisme contemporain, il figure aussi la tradition médiévale, ancrant ainsi
la cérémonie dans une tradition multiséculaire, toute
imaginaire qu’elle soit.
C’est pourquoi la cérémonie requiert en principe
la présence du récipiendaire : c’est par la remise solennelle en séance que le docteur honoris causa « fait
désormais partie à part entière de la communauté universitaire bruxelloise ». Rituel d’appartenance, donc
(dont on se demandera ici si cette appartenance suppose que le récipiendaire adhère aux valeurs de l’Université ?) mais aussi affirmation publique des titres et
mérites du DHC : ceux-ci se doivent d’être mis en valeur
et justifient le choix de la personnalité honorée.
Cérémonie de remise du titre de
docteur honoris causa à Louise
Arbour, Nora Irma Morales de
Cortiñas, Simone Susskind et
Wassyla Tamzali (de g. à d.), 2000
Bien qu’en principe le titre de DHC soit donc
consubstantiel de la remise de diplôme, des circonstances tragiques ou particulières font que le titre peut
être décerné en l’absence du récipiendaire. Ceci prend
alors une valeur tout aussi symbolique : F. D. Roosevelt
disparaît peu avant la cérémonie prévue à son égard
mais il est néanmoins honoré au même titre que les
autres grands vainqueurs de la seconde guerre mondiale ; Salvador Allende est honoré à titre posthume
et le choix du héros chilien se veut un message clair.
Enfin, dans plusieurs cas, des contraintes physiques
empêchent la venue de la personne honorée : on songe
notamment aux personnalités retenues pour leurs actions de résistance et encore assignées à résidence ou
Pour une histoire des DHC
Churchill, Roosevelt et Staline
(de g. à d.) à la conférence de
Yalta, 1945
150
détenues lors de la cérémonie comme ce sera le cas de Nelson Mandela ou Andreï
Sakharov. D’autres DHC ne pourront être présents à titre exceptionnel, dans des
circonstances sur lesquelles nous reviendrons, tels Tchang Kaï-chek ou Staline qui
ne peuvent assister à la cérémonie : le diplôme leur sera donc décerné par le biais
d’une adresse ou d’un émissaire officiel de l’Université.
Une occasion cérémonielle est aussi un lieu d’expression pour d’éventuels contestataires : la cérémonie des DHC connaît donc parfois quelques perturbations, au chapitre desquelles on retiendra ici la manifestation bon enfant qui perturbe la remise de
diplôme à Albert II (13 décembre 1994), où « pour l’anecdote : un groupe d’étudiants
s’était coiffé d’une couronne de galette des rois pour l’occasion. L’un d’entre eux a très
légèrement perturbé la cérémonie »(2) ou encore « La séance fut émaillée par un bref
incident : un étudiant coiffé comme une trentaine d’autres d’une couronne en carton a
lancé : “ Vive le roi des c…” avant de se faire expulser manu militari »(3).
Des motivations
Par définition même, l’octroi du titre de docteur honoris causa vise à honorer
le récipiendaire. Dans le cas de l’Université libre de Bruxelles, l’hommage rendu au
récipiendaire se veut en principe la mise en évidence des hauts faits du personnage
honoré et de l’adéquation entre ces titres de gloire et les valeurs de l’institution.
L’Université distingue deux types de docteur honoris causa : ceux de l’Université
et ceux des facultés ; le premier DHC de l’Université est celui décerné à Ernest Solvay en 1898 tandis que ceux des facultés apparaissent en 1884, le premier diplôme
recensé des facultés étant attribué au comte Eugène Goblet d’Alviella par la Faculté
de philosophie et lettres en 1894.
Si les DHC facultaires reflètent les mérites scientifiques, ceux de l’Université
rendent hommage à l’action publique des récipiendaires. Le choix de proposer un
titre de docteur honoris causa de l’Université n’est donc pas anodin. Bien que les
archives de l’Université soient pour l’essentiel muettes quant au processus menant
à la proposition d’octroyer le titre de DHC, les discours prononcés à l’occasion de la
remise proprement dite nous offrent une grille de lecture intéressante. Ainsi, comme
le mentionne Hervé Hasquin, « ce choix est en harmonie avec les grands axes et les
valeurs qui guident et ont guidé l’évolution de notre Université »(4). La presse, dans
les rares occasions où elle mentionne l’attribution d’un titre de DHC à l’ULB, reproduit cette vision. Les choix de l’Université sont en effet censés illustrer « sa propre
image de marque de défenseur des libertés »(5).
ULB DHC 175e
(2) U
LB Info, n°55,
On s’étonnera alors que ces valeurs ne sont que rarement mentionnées in extenso. Au sein d’une même
cérémonie, l’Université est tout à la fois décrite comme
une université « francophone, européenne, éprise de
liberté et adversaire de toutes les formes de totalitarisme »(6) et comme une université « laïque engagée »(7).
Dans un autre texte, c’est l’engagement philosophique
de l’Université qui se traduit par « la promotion de la
libre pensée, de la tolérance et la haine du racisme »(8),
laquelle est mise en exergue.
janvier 1995
(3) M
. B., « Le Roi honoré par
l’ULB, 35 ans après son
frère », La Lanterne, 14
décembre 1994
(4) Hervé Hasquin,
Allocution prononcée à
l’occasion de la remise
des insignes de docteur
À la lecture des biographies des différents récipiendaires, et à de très rares exceptions près, il apparaît que les valeurs principales défendues par l’Université demeurent des plus constantes. La défense d’un
idéal démocratique, la résistance aux autoritarismes,
la promotion du progrès social, de la paix, de la tolérance et de la liberté constituent autant de thématiques récurrentes. Ceci n’est pas incompatible avec
des axes plus particuliers : lors des cérémonies, les
valeurs mises en avant par l’institution semblent marquées par des préoccupations propres à ceux qui ont
proposé les personnalités honorées. Apparaît donc
un élément contextuel : l’octroi du diplôme semble se
faire par « vagues », lesquelles mettent en évidence
l’implication de l’Université dans un problème de société bien spécifique ; à titre d’exemple, l’année 1979
sera marquée par une vague de reconnaissance pour
les « artistes créateurs » tandis que 1995 célèbre les
cinéastes.
honoris causa du 19
novembre 1987, ULB,
1988
(5) Robert Pinson, « L’ULB
nommera Andreï
Sakharov docteur honoris
causa. Pourra-t-il quitter
l’URSS à cette occasion ? »,
La Dernière Heure,
16 septembre 1983
(6) H
ervé Hasquin, Discours
du 19 novembre 1987
(7) Georges Verhaegen,
Discours du 19 novembre
1987
(8) H
ervé Hasquin, Discours
Déterminé par le contexte, ce qui régit l’attribution
des diplômes de DHC change donc selon les périodes.
À cet égard, on peut y lire non seulement une « certaine
histoire de l’Université » mais aussi et surtout une histoire des rapports qu’elle entretient avec le monde qui
l’entoure.
Pour une histoire des DHC
du 5 novembre 1990
1. Le roi Albert II à l’occasion
de la remise de son doctorat
honoris causa, 1994
2. Ernest Solvay
3. Bronisław Geremek, discours
lors de la cérémonie des DHC,
1991
151
Des premières heures
Les représentants de la sphère publique
L’ULB et ses « bienfaiteurs »
Que des personnalités politiques ou, plus précisément, des représentants de la sphère publique, aient
fait l’objet d’une distinction de la part d’une université
n’étonnera personne. L’Université libre de Bruxelles,
établissement de droit privé essentiellement financé
par des fonds privés jusqu’à l’avènement de l’Étatprovidence, n’en a pas moins bénéficié d’interventions
publiques, ponctuelles puis récurrentes, pour assurer
son maintien et promouvoir son expansion. La Ville
de Bruxelles et ses « satellites » (Conseil des hospices, collèges municipaux), les communes de l’agglomération bruxelloise, les provinces du Brabant et du
Hainaut étaient régulièrement sollicités pour subvenir
à certains besoins matériels et fournir des services appropriés. À titre d’exemple, l’Université prélève sur le
budget récurrent que lui alloue la Ville de Bruxelles jusqu’à la seconde guerre mondiale les appointements du
personnel en activité dans certains instituts de recherche, ainsi que les dépenses de consommation d’énergie (eau, gaz, électricité). Qui plus est, le concours des
entités publiques dépasse de loin le cadre strictement
budgétaire. Il faudra attendre la loi du 12 août 1911 pour
que l’ULB soit dotée de la personnalité juridique lui
permettant, notamment, d’effectuer des transactions
immobilières. Jusque-là, c’est la Ville de Bruxelles qui
agit en tant que prête-nom dans la gestion administrative des dossiers juridiques liés à l’acquisition et la
vente de terrains ou de bâtiments. De ce fait, il était
fondamental pour l’ULB d’entretenir d’excellents relais
avec l’équipe municipale bruxelloise, premier échelon
d’un système politico-administratif complexe. Le maïorat de Charles Buls, qui coïncide avec une période cruciale du développement de l’ULB (1881-1899), explique
partiellement l’attribution d’un DHC au bourgmestre
de Bruxelles. Son intervention personnelle dans les
conventions liant les instituts scientifiques du parc
Léopold à l’ULB par la Ville de Bruxelles (voir plus bas),
Jusqu’à la seconde guerre mondiale, l’ULB n’a conféré que treize diplômes de
docteur honoris causa à titre institutionnel. Ce nombre, relativement restreint et
aléatoire au vu des pratiques d’autres établissements universitaires, n’est cependant ni le fruit du hasard ni la résultante d’une absence de politique. Il consacre
des personnalités qui, par leur action ou à travers leur fonction, ont été des relais
efficaces de l’ULB au sein de ce qu’on appellera plus tard la « société civile ». La justification essentielle de leur distinction réside dans la contribution des récipiendaires
– ou des institutions qu’ils représentent ex officio – au développement de l’ULB.
Un nouveau régime de distinction, qui ne vise plus à proprement parler les parrains et marraines de l’ULB, prévaut à partir de 1945. Il marque le rôle des femmes
et des hommes que l’ULB souhaite honorer pour les valeurs qu’ils incarnent et auxquelles l’ULB entend être institutionnellement associée. Il semble donc qu’il y ait,
de part et d’autre de la seconde guerre mondiale, deux registres distincts justifiant
l’octroi d’un DHC : l’action d’individualités et/ou d’entités œuvrant à la pérennité de
l’ULB, d’une part, la contribution d’individualités au bien-être de la collectivité générale, de l’autre. On voit dans quelle mesure les logiques d’échelle qui sous-tendent
ces deux régimes ont évolué : la logique spécifique avant 1945, la logique générale
par la suite.
Certes, dans les deux registres, le rayonnement de l’ULB peut faire figure de dénominateur commun. Mais là encore, les contrastes semblent émerger : tandis qu’il
s’agit d’une cause nécessaire (quoique non suffisante) dans la première période, le
rayonnement de l’ULB semble davantage constituer une conséquence ou un élément
collatéral dans la seconde. Dans la phase plus contemporaine, l’ULB se projette (ou
projette ses valeurs, ses conceptions, etc.) dans l’environnement social à travers les
DHC qu’elle octroie. C’est un message que l’institution envoie par procuration. On
peut également parler de mise en scène pour les treize DHC distingués avant la seconde guerre mondiale. Le décor et le rituel cérémoniel sont assez semblables mais
l’enjeu paraît bien plus local : l’ULB assure l’opération théâtrale tout en incarnant le
théâtre des opérations.
Si l’on braque les projecteurs sur le groupe des treize DHC mis à l’honneur avant
1940, trois catégories principales sautent aux yeux : les représentants de l’État, les
acteurs du secteur privé, les Américains.
ULB DHC 175e
Pour une histoire des DHC
Charles Buls
152
de même que ses sensibilités philosophiques proches du milieu laïc et libéral de
l’ULB, fournissent des éléments complémentaires.
Par-delà le niveau local, l’ULB aura également distingué les chefs d’État belges
et étrangers. Les dates, ici aussi, ont leur importance : pour lier l’Université aux commémorations du centenaire de la Belgique, les autorités de l’ULB attribuent un DHC
à la reine Élisabeth. Ce n’est pas seulement une manière élégante de saluer le roi Albert Ier, qui avait suscité un courant d’opinions favorables en faisant la promotion de
la recherche scientifique lors de son célèbre discours de Seraing (1er octobre 1927) :
« Le public ne comprend pas assez, chez nous, que la science pure est la condition
indispensable de la science appliquée et que le sort des nations qui négligeront la
science et les savants est marqué par la décadence. »(9) Il s’agit aussi de distinguer
celle qui n’avait jamais caché sa passion pour la musique, les arts, les lettres et les
sciences. Son intérêt marqué pour l’archéologie et les études égyptiennes l’a amenée à inspirer la création de la Fondation égyptologique Reine Élisabeth en 1923 et à
aiguiller le mécénat du roi Fouad d’Égypte, auquel l’ULB attribue un DHC en 1925. En
associant Léopold III au centenaire de l’ULB en 1934, l’objectif est double : il consiste, d’une part, à souligner l’importance et la continuité du rôle de la famille royale
dans le développement des universités et de la recherche scientifique en Belgique,
et, d’autre part, à conforter l’adhésion de l’ULB au modèle national d’une monarchie
parlementaire, tout juste ébranlé par le décès accidentel d’Albert Ier.
La fidélité de l’institution aux prescrits de l’idéal national, réitérée à travers les
DHC octroyés aux souverains en exercice (Baudouin en 1959, Albert II en 1994), a
été validée pour la première fois en 1919 par la distinction accordée à deux chefs
d’État – de République – étrangers : le président français Raymond Poincaré et son
homologue américain Woodrow Wilson. Tous deux incarnent, au sortir de la guerre,
la pérennité de l’esprit national démocratique, teinté d’une ardente fibre patriotique
chez l’un – ce qui n’est pas sans résonnance dans un pays marqué par quatre années
d’occupation – et d’un souci du dialogue international et du respect des minorités
chez l’autre. Poincaré et Wilson ont aussi ceci en commun qu’ils sont alors au faîte
de leur popularité sur le plan international tout en étant fortement contestés dans
leur pays respectif. La reconnaissance par l’ULB du rôle des vainqueurs de la première guerre mondiale (quoiqu’on puisse s’interroger sur l’absence d’un représentant
britannique, comme Lloyd George) fait irrémédiablement penser au « tir groupé » de
1945 rassemblant les chefs d’État des principaux pays alliés – Roosevelt, Churchill,
De Gaulle, Staline et Tchang Kaï-chek. Si cette liste paraît insolite aujourd’hui, elle
n’en est pas moins un reflet, somme toute logique, de la réalité de l’immédiat aprèsguerre. À ce titre, elle préfigure la composition initiale des membres permanents du
ULB DHC 175e
(9) R. Halleux et G. Xhayet,
Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies
(ONU) arrêtée en 1946. Toujours à propos de l’ONU, notons, au passage, l’attribution d’un DHC à deux de ses
secrétaires généraux, à savoir le norvégien Trygve Lie
en 1951 (dont le mandat s’est exercé de 1946 à 1952) et
le birman U Thant en 1967 (1961-1971).
La liberté de chercher :
histoire du Fonds national
belge de la recherche
scientifique, Liège : Ed.
de l’Université de Liège,
2007, p.12
Les acteurs du « secteur privé »
(10) Andrée Despy-Meyer et
Didier Devriese (éds.),
La contribution des industriels, financiers et autres
philanthropes issus du secteur privé à l’existence, la
survie et, enfin, à la croissance de l’ULB est un phénomène à la fois connu et largement sous-estimé. La
figure d’Ernest Solvay, l’incontournable « bienfaiteur »
de l’ULB, vient immédiatement à l’esprit dans cette
catégorie de personnalités.(10) Le DHC qui lui est attribué en 1898, en même temps que Charles Buls, fait
clairement référence aux instituts scientifiques du
parc Léopold déjà évoqués et dont le mécanisme a été
décrit par l’historienne L. Viré.(11) On y apprend qu’Ernest Solvay a essentiellement financé l’Institut de physiologie, tandis que son frère cadet, Alfred, a pourvu
aux fonds nécessaires à la construction de l’Institut
d’hygiène, de bactériologie et de thérapeutique. L’année suivante, c’est au tour de Raoul Warocqué, riche
héritier des sociétés de charbonnages, d’intervenir
massivement dans la création de l’Institut d’anatomie
et d’histologie. Parmi les mécènes, il faut également
rendre justice à l’apport de trois financiers – Georges
Brugmann, Fernand Jamar et Léon Lambert – dans la
réalisation de l’Institut d’hygiène, de bactériologie et
de thérapeutique. La part de l’investissement du secteur public, c’est-à-dire exclusivement celle de la Ville
de Bruxelles, on l’a vu, n’est pas négligeable non plus.
Quoi qu’il en soit du financement, la « première vague »
des instituts scientifiques rêvés par Paul Héger, professeur de physiologie et futur président de l’ULB, pouvait
ainsi s’achever en 1894. Elle sera suivie par la création,
entre 1900 et 1913, d’un second groupe d’instituts de
Pour une histoire des DHC
Ernest Solvay et son
temps, Bruxelles, Ed.
Archives de l’Université
libre de Bruxelles, 1997
(11) Liliane Viré, « La “Cité
scientifique” du parc
Léopold », Cahiers
bruxellois, n° 19, 1974,
pp. 86-180
1. La reine Élisabeth
2. Le roi Fouad d’Égypte en visite
en Belgique, 1939
3. Le roi Léopold III
153
recherche et d’établissements d’enseignement largement financés par Ernest Solvay : l’Institut de sociologie, l’École de Commerce, les Instituts internationaux de
physique et de chimie. Et ceci sans compter les largesses qui émaneront de la famille
Solvay ou de l’entreprise familiale tout au long du XXe siècle et jusqu’à ce jour.
ple. Vous lui procurez aujourd’hui l’aliment intellectuel.
La dotation universitaire est un geste digne de la noble
Amérique. Nous remercions aussi tous ceux qui ont
collaboré à cette grande œuvre. »
Avec l’industriel Dannie Heineman, Ernest Solvay va également susciter la
création du Comité national de secours et d’alimentation (CNSA) qui va centraliser
l’approvisionnement de vivres et de produits de première nécessité en Belgique occupée durant la première guerre mondiale. Le comité exécutif du CNSA sera présidé d’une main de maître par Émile Francqui, l’inclassable directeur de la Société
générale. Le CNSA sera épaulé dans son action par une structure similaire pensée
et organisée par l’ingénieur américain Herbert Hoover – le Committee for Relief in
Belgium (CRB). La gestion du tandem Hoover-Francqui fera des merveilles pour la
population belge mais aussi, une fois la guerre terminée, pour les universités.(12) Le
boni cumulé du CNSA-CRB (150 millions de francs belges en 1919, soit près de 152
millions d’euros actuels) sera affecté, pour un tiers, à la Fondation universitaire dont
l’objectif est d’ouvrir les « institutions d’enseignement supérieur aux fils et aux filles
de ceux qui n’ont pas les moyens de faire les dépenses de cet ordre » (se référant à
la cible, Francqui préférait parler de « jeunes gens peu fortunés et bien doués »). Le
solde du montant fut, quant à lui, directement versé aux universités selon une clé de
répartition favorisant les universités complètes, qu’elles soient privées (Bruxelles et
Louvain) ou publiques (Gand et Liège).
Émile Francqui, cependant, n’était pas en reste. Le
même jour, sans qu’on sache si la même proposition fut
faite à Hoover, Héger fit savoir à Francqui que le conseil
d’administration de l’ULB lui décernait le titre de « docteur honoris causa de l’Université libre de Bruxelles »
et espérait qu’il voulût bien « accepter ce témoignage
d’admiration et de sympathie ». La réponse de Francqui
est intéressante pour notre propos :
(12) Liane Ranieri, Émile
Francqui ou l’intelligence
créatrice, ParisBruxelles, Duculot, 1985,
pp. 292-312 ; Kenneth
Même s’il prenait soin de préciser aux recteurs d’université que, comme pour
chaque fondation,« en principe, les revenus et non le capital de la dotation » devaient faire l’objet des dépenses, Francqui qualifiera lui-même de « princière » cette donation historique. Elle stupéfia tous les contemporains, à commencer par les membres du gouvernement qui n’y voyaient plus très clair dans la comptabilité créative
qui la justifiait. Pour Francqui, l’origine du projet était pourtant très simple. Il s’en
ouvrait de la sorte au premier ministre Léon Delacroix :
« Fréquemment, depuis le début de la guerre, nous avions étudié et discuté ces
propositions avec nos amis américains et des professeurs de nos quatre grandes
universités ; nous sommes heureux de voir le projet auquel nous nous étions arrêtés
dans la voie des réalisations ».
Le 11 septembre 1919, le président Paul Héger adressait à Herbert Hoover un
« câblogramme » dans les termes suivants : « L’Université de Bruxelles vous exprime
sa profonde reconnaissance. Pendant la guerre vous avez assuré le pain à notre peu-
ULB DHC 175e
Bertrams, Universités
et entreprises. Milieux
académiques et
industriels en Belgique,
1880-1970, Bruxelles, Le
Cri, 2006, pp. 183-187
(13) Archives générales du
royaume, Fonds Comité
national de secours et
« (…) le titre de docteur honoris causa me remplit
de confusion, car je sais trop que je ne mérite pas cet
honneur. Je ne le dois manifestement qu’à votre amitié,
qui aura inspiré la décision de vos collègues. (…) Ditesleur bien que nul plus que moi n’est dévoué à la cause
de l’enseignement supérieur »(13).
d’alimentation,
dossier 209
Nul doute que ces paroles, Jean Jadot, l’ami et supérieur hiérarchique de Francqui à la Société générale,
aurait également pu les prononcer lorsqu’il se vit attribuer un DHC de l’ULB et de l’Université catholique de
Louvain en 1921. Ingénieur diplômé de l’UCL, Jadot a
profité du courant favorable suscité par les « intentions
généreuses » du don CNSA-CRB pour mettre sur pied un
« Comité Bruxelles-Louvain » destiné à lever les fonds
nécessaires au rééquipement des écoles d’ingénieurs
des deux universités libres. Le projet était ambitieux ; il
fallait convaincre à l’unisson les patronats catholique
et libéral, encore sous le coup de la guerre. Mais en
se plaçant précisément sur le terrain du décalage technologique et du nécessaire catching-up de l’industrie
nationale, Jadot sut affûter des arguments économicopatriotiques qui allaient faire mouche. Figure morale
incontestée des milieux d’affaires belges, il signa luimême la lettre d’accompagnement de la souscription :
Pour une histoire des DHC
1. Herbert C. Hoover, 1925
2. Émile Francqui
3. Jean Jadot et la princesse
Astrid visitent les chantiers
navals de Hoboken, 1929
4. Conseil général de la Société
générale, auquel assistent les
DHC Émile Francqui (1er rg,
3e depuis la g.) et Jean Jadot
(4e), 1931
154
« La réforme est d’une urgente nécessité car la modernisation de nos instituts
techniques supérieurs doit précéder celle de nos méthodes industrielles. Or, notre
industrie ne peut attendre longtemps des hommes nouveaux sous peine de reprendre la vieille ornière que ses grands concurrents étrangers ont quitté [sic] depuis
longtemps. Elle doit cesser au plus tôt de recourir à ces spécialistes du dehors. Pour
réussir (…), il faut avant tout et sans délai pourvoir nos écoles techniques de vastes
laboratoires parfaitement outillés, d’ateliers suffisants et de riches collections, soutiens d’un enseignement à la fois scientifique et intuitif ».
L’axe Solvay-Francqui-Jadot et l’intégralité du réseau d’industriels et de financiers structuré autour du CNSA occupent une place de choix dans l’histoire de l’ULB.
Le président Héger n’avait pas tort de dire que le don CNSA-CRB, au vu des effets
d’entraînement qu’il a pu susciter, allait avoir des « répercussions incalculables »
sur le paysage académique de la Belgique. Pour l’ULB, poursuivait-il, « c’est une ère
nouvelle qui commence ». De fait, elle allait être marquée par l’installation de l’Université sur le site du Solbosch en prenant pour appui les principes en vigueur du
campus américain.
Les « amis américains »
Intentionnellement ou non, Herbert Hoover avait dégagé pour les universités
belges, et l’ULB en particulier, une véritable « fenêtre d’opportunité »(14). Tandis qu’il
s’orientait décisivement vers une carrière politique nationale qui allait le porter vers
les sommets – il sera nommé secrétaire d’État au Commerce durant les présidences
de Warren G. Harding et de Calvin Coolidge avant d’être le 31e président des ÉtatsUnis durant une des périodes les plus sombres du siècle (1929-1933) –, l’action de
ses hommes de terrain au sein du CRB se poursuivait en Belgique. Une des forces
de l’organisation de Hoover en Europe durant la guerre avait été de s’appuyer sur
un maillage serré d’hommes d’action, ingénieurs pour la plupart. Parmi eux, il importe de mentionner les noms de Perrin Galpin, Edgar Rickard, Millard K. Shaler et
W. Hallam Tuck. Ceux-ci étaient demeurés en Belgique pour leurs affaires – Shaler
était notamment lié à la Forminière (Société internationale forestière et minière du
Congo) et Tuck à Solvay & Cie – mais aussi pour gérer la CRB Educational Foundation. Portée sur les fonts baptismaux en avril 1920 avec une autre portion du solde
positif de la CRB, la CRB Educational Foundation (qui deviendra, en 1938, la Belgian
American Educational Foundation – BAEF) avait pour mission d’établir un programme d’échanges de niveau universitaire entre les États-Unis et la Belgique. Parmi les
1 500 fellows bénéficiaires du programme depuis son existence, on retrouve le nom
d’un certain Pierre Goldschmidt (DHC en 2005).
ULB DHC 175e
(14) Voir ULB-USA : passé,
Shaler et Tuck interviendront plus spécifiquement
pour l’ULB en coordonnant la participation financière de
la CRB Educational Foundation dans le transfert de l’ULB
vers le plateau du Solbosch. Les dépenses consacrées à
la construction des bâtiments néo-renaissance érigés
avenue des Nations (future avenue Roosevelt) et censés
regrouper la Faculté de droit, la Faculté de philosophie
et lettres, l’administration et la bibliothèque seront couvertes par la fondation à raison de 20 millions de francs
belges. L’inauguration de l’ensemble aura finalement
lieu en juin 1930, en même temps que la nouvelle École
de médecine, annexée à l’Hôpital Saint-Pierre, entièrement reconstruit lui aussi. Il faut savoir que ce nouveau
complexe médical est notamment le fait d’un réseau
américain parallèle – la prestigieuse Fondation Rockefeller – qui avait vu l’intermédiation efficace de Jules
Bordet, Antoine Depage et Paul Héger.
présent et futur d’une
fructueuse collaboration,
Bruxelles, Université
libre de Bruxelles, 1996
Compte tenu de ces éléments, il n’est pas étonnant
que l’ULB ait voulu, à l’instar d’autres universités belges, mettre à l’honneur ses bienfaiteurs américains
par l’octroi d’un DHC distinguant successivement le
secrétaire d’État Charles Evans Hughes (1924) et les
ambassadeurs des États-Unis en Belgique, Dave Hennen Morris (1934) et Joseph Edward Davies (1939).
La promotion des DHC
2005 : Fadela Amara et
Radhia Nasraoui (à g.), Pierre
Goldschmidt et Baltasar Garzón
Real (à d.), 2005
1. Charles E. Hughes, 1908
2. Joseph E. Davies
Pour une histoire des DHC
155
Des Valeurs
« grands triomphateurs de la guerre mondiale », la première le 11 octobre 1945 pour de
Gaulle, la seconde le 15 novembre 1945 pour Churchill.
(15) B
ulletin de l’UAE,
n°141-142, octobre/
novembre 1945
Les triomphateurs de la guerre
L’analyse des discours prononcés lors de la remise des insignes de docteur honoris causa montre sans équivoque la volonté de l’institution d’honorer des défenseurs d’une forme d’idéal démocratique. Plus précisément, l’Université aura très tôt
à cœur d’honorer ceux qui se sont battus contre les totalitarismes de tous bords.
La remise du titre doit évidemment être comprise dans son contexte. En décembre
1944, l’Université s’associe aux « grands triomphateurs de la guerre mondiale, le
président Franklin Roosevelt, le premier ministre Winston Churchill, le maréchal
Staline, le général de Gaulle, le général Tchang Kaï-chek, [en leur décernant] le titre
de DHC de l’Université »(15) . À cette liste s’ajoutera en novembre 1947, William Lyon
Mackenzie King, le premier ministre canadien de l’époque, personnification de « la
noble nation canadienne qui a pris, sous sa direction, une si grande part à la victoire des Nations unies et à la libération de la Belgique »(16) .
Le choix opéré en décembre 1944, alors que la victoire n’était pas encore définitivement scellée, a légitimement pu mener à des débats. Ex post, il semble en effet
évident que tant Staline que Tchang Kaï-chek ne sont pas des exemples parfaits
de défense des idéaux démocratiques. Dès 1944, des voix s’élevèrent quant à la
pertinence de décerner les insignes de DHC à tous les vainqueurs de la guerre(17) .
Mais un certain pragmatisme va prévaloir : la guerre étant encore en cours, il serait
malvenu de décrier l’une ou l’autre composante des armées alliées, et ce d’autant
plus qu’au cours de l’occupation, des mouvements de résistance politiquement opposés avaient combattu un ennemi commun.
La situation politique de l’immédiat après-guerre se reflète dans les cérémonies
d’attribution des insignes. Alors que le regroupement de ces personnalités semble
initialement avoir été effectué pour signifier une victoire commune sur le nazisme, la
remise des insignes montrera comment, en un an à peine, un revirement drastique
s’est opéré. Pour des raisons purement politiques, la présence de Staline comme celle
de Tchang Kaï-chek en Belgique deviennent impensables. Le décès de F. D. Roosevelt
en avril 1945 annule de facto la présence d’un des protagonistes des cérémonies à venir. In fine donc en 1945, sur les cinq récipiendaires d’origine, seuls deux d’entre eux,
Charles de Gaulle et Winston Churchill, sont encore à même de participer à une cérémonie en leur hommage. Le refus de Charles de Gaulle d’entrer dans « une “série” de
nominations »(18) amènera l’Université à organiser deux hommages distincts pour ces
Les discours prononcés à l’occasion des deux cérémonies mettent essentiellement en relief l’implication des deux hommes d’État dans la victoire finale même
si les autorités de l’ULB ne manquent pas de mentionner les autres qualités marquantes des récipiendaires. Ainsi, parlant au nom de l’ULB, le président du conseil
d’administration exprime « toute son admiration pour la part qu’il [de Gaulle] a prise
dans la libération des territoires occupés et dans le succès final des armées alliées »(19) . La libération de l’Université elle-même sera saluée lors de la cérémonie
en hommage à Winston Churchill, le président du conseil d’administration précisant à l’assemblée que « l’Université n’oubliera jamais que, sur les instructions de
monsieur Winston Churchill, les divisions britanniques et alliées, avec la brigade
Piron, ont avancé d’un bond d’Amiens à Bruxelles et ont ainsi délivré la capitale et
l’Université »(20) .
(16) Charles Frerichs,
Discours de
novembre 1947
(17) (18) Didier Devriese ULB
Info, novembre 2005
(19) Charles Frerichs,
Discours du
11 octobre 1945
(20) Charles Frerichs,
En dehors de la victoire, l’Université se réclame d’avoir voulu honorer l’exemple
donné par les opposants de la première heure au régime nazi. Les qualités propres
des deux chefs d’État sont mises en avant : de Gaulle fait revivre à la fois l’âme altière de Foch et l’âme passionnée de Clémenceau mais incarne aussi l’âme immortelle de la France(21) tandis que Churchill est présenté comme l’homme qui a montré
au monde entier durant l’été 1940 que la liberté, l’honneur et le devoir étaient plus
précieux que la vie même(22) . Pour le recteur Cox, le courage britannique, personnifié par Winston Churchill, ne sera pas étranger à la décision de l’Université de
fermer ses portes sous l’occupation.(23) Résistance et défense d’idéaux tels que
la démocratie ou la liberté(24) sont ici fortement mises en évidence : elles demeureront désormais au cœur des préoccupations de l’Université et l’amèneront par
après à décerner le titre de docteur honoris causa à de nombreuses personnalités
emblématiques dans ces domaines.
Discours du
15 novembre 1945
(21) Jacques Cox, Discours
du 11 octobre 1945
(22) Jacques Cox, Discours
du 15 novembre 1945
(23) « May I say that if they
decided in those grim
days of December, 1941
to risk not only their own
lives, which were of little
Résistance, défense de la démocratie et droits de l’homme
import, but also the lives
Dans de nombreux cas, l’ULB entend, par l’octroi du titre de docteur honoris
causa, honorer des personnalités ayant œuvré pour la défense de la démocratie. Ces
personnalités seront tantôt des opposants à des dictatures de gauche ou de droitedroite, tantôt des hommes politiques ayant eu à cœur de renforcer le processus
démocratique au sein de leur pays.
them, it was because you
of those most dear to
and your nation, arrayed
in battle beside you, had
set them the first and
most inspiring
example ? », J. Cox
Discours du 15 novembre
1945.
ULB DHC 175e
Pour une histoire des DHC
156
Pensée libre, lutte contre les totalitarismes, antifascisme forment une cohorte
« infernale » souvent associée, comme le rappelle l’auteur du discours prononcé
en l’honneur de Simon Wiesenthal (1994) : « Dès sa fondation, l’Université libre de
Bruxelles se posa donc en ardent défenseur de la liberté d’enseignement – bientôt
appelée libre examen – et de la pensée libre, de sorte que son existence fut toujours
intimement associée à ceux qui défendent ces mêmes principes. Ensuite ses prises
de positions devant la montée des régimes totalitaires dans l’entre-deux-guerres.
Avec un enracinement aussi profond de défense de la liberté et de la tolérance, il
était fatal que l’Université réagisse à l’égard de ces événements. (…) Mais aussi et
surtout sa détermination durant la période d’occupation allemande, où en raison de
ses prises de position courageuses, l’ULB allait être exposée à de constantes représailles de la part du pouvoir allemand. »(25)
L’octroi, à titre posthume du titre de DHC à Salvador Allende (1975), président de
la République du Chili, en témoigne : il s’agit de « rendre hommage au chef de l’État
qui a entendu assurer par des voies pacifiques l’évolution et le progrès économique,
social et culturel de son pays, dans le respect des libertés individuelles et désirant
honorer – sans porter de jugement sur ses opinions politiques – l’homme qui a assumé jusqu’aux plus lourdes conséquences un idéal de démocratie politique »(26).
C’est évidemment aussi le cas pour Nelson Mandela (1984) : en effet, « tel est
l’homme [Nelson Mandela] que le régime raciste d’Afrique du Sud s’est arrogé le
droit de condamner à la prison à vie et que l’Université de Bruxelles s’enorgueillit
aujourd’hui d’honorer, car la lutte de Nelson Mandela et celle de son peuple pour
l’égalité raciale, pour la justice et la liberté en Afrique du Sud, est aussi celle de
notre Université et celle de l’humanité »(27). La même année, on honore Andreï
Sakharov qui, « comme Gandhi et Martin Luther King, (…) mène un combat à la fois
politique, humaniste et social. Mais là s’arrêtent les ressemblances car si les deux
premiers ont devant eux et parfois avec eux une presse libre, des institutions indépendantes, une opinion publique qui s’exprime, Andreï Sakharov est condamné à
un combat solitaire avec pour protection fragile sa renommée mondiale de savant
et d’humaniste et comme réconfort l’amour anonyme des humbles, et peut-être, si
la nouvelle lui parvient un jour, le diplôme de docteur honoris causa de l’Université
du libre examen. »(28)
Allende, Mandela, Sakharov sont des figures aisément identifiables, des étendards symboliques. La chute d’Allende suscite une vague d’émotion et de soutien au
sein des mouvements progressistes et démocrates en Europe notamment, et débouche sur des prises de position gouvernementale ;(29) outre les réseaux constitués
ULB DHC 175e
(notamment maçonniques) qui soutiennent la résistance chilienne, la mobilisation en faveur des réfugiés
politiques se déploie bien au-delà des sphères impliquées dans l’entourage d’Allende. Le choix du nom
d’Allende pour baptiser la « salle culturelle » au cœur
de l’Université le reflète assez… On sait moins que le
conseil d’administration décide de « réserver » des
mandats à des chercheurs ou professeurs : trois d’entre eux seront destinés à des « universitaires chiliens
ayant été emprisonnés »(30). Quant à Sakharov, il est
l’incarnation d’un triple engagement en faveur de la
science au service de l’humanité, des droits de l’homme et de la résistance à la dictature, sanctifié par le
prix Nobel de la paix en 1975.
(24) Paradoxalement,
L’image publique d’Altiero Spinelli (1984) est plus
complexe : résistant, coauteur du Manifeste pour une
Europe libre et unie aujourd’hui connu sous le nom de
Manifeste de Ventotene, homme politique européen
convaincu et notamment promoteur du projet de traité
d’Union européenne adopté le 14 février 1984, il est célébré comme « le défenseur de la liberté, l’adversaire
de tous les dogmatismes, l’homme chaleureux, le
combattant courageux, que l’Université veut honorer
en vous conférant aujourd’hui sa plus haute distinction »(31). Quant à Simone Veil (1984), « s’il fallait vous
caractériser en quelques mots, nous dirions : le courage dans l’épreuve, une totale indépendance d’esprit,
le sentiment que la vérité n’est jamais toute entière
du même côté ». Personnalité symbolisant le drame
de la Shoah, elle est aussi et surtout perçue comme
une femme de conviction qui fera adopter « contre son
camp » – elle est alors ministre de la Santé nommé par
Valéry Giscard d’Estaing – la « loi Veil », promulguée
le 17 janvier 1975, qui autorise l’avortement en France
sous certaines conditions. Première femme à présider
le Parlement européen élu au suffrage universel, Simone Veil est porteuse de valeurs à la fois éthiques
et sociales.
(25) Hervé Hasquin, Discours
Pour une histoire des DHC
l’Université qui se veut
à l’époque à la pointe
de la défense des
idéaux démocratiques
reste marquée par le
contexte de l’immédiat
après-guerre et se
prend à féliciter Charles
de Gaulle comme « le
mainteneur de la France
et de son Empire ».
Jacques Cox, Discours
du 11 octobre 1945
du 28 février 1994
(26) André Jaumotte,
Discours du
31 janvier 1975
(27) (28) Hervé Hasquin,
Discours de 1984
(29) Prise de position du
gouvernement belge,
Conseil des ministres du
14 septembre 1973
(30) Rapport annuel, 1973-74
et 1975-76, pp. 58 et sv.
(31) Hervé Hasquin,
Discours de 1984
1. Mur de Berlin, 1991 : « Merci
Andreï Sakharov »
2. Salvador Allende (à g.) et Pablo
Neruda, ca. 1970
157
Le combat contre les fascismes revient sans cesse dans les motivations du choix
de personnalités symboliques : membre actif de la résistance à Mussolini, président
de la République italienne, Sandro Pertini (1987) est salué comme celui « dont le
nom est attaché au combat antifasciste et symbolise l’attachement aux valeurs
démocratiques »(32). Il en va de même pour Doina Cornea, résistante pacifique à la
dictature de la famille Ceauşescu, au modèle de société stalinien « à la roumaine »,
cette création de « l’homme nouveau » que l’autocrate président et son épouse veulent imposer à leur pays tout entier,(33) ou encore pour Fang Li-Zhi, défenseur de
la liberté d’expression tant en termes de politique que pour les problèmes de société.(34) C’est d’ailleurs ce qui justifie, dans un mouvement de continuité le choix
du « président Alexander Dubc̆ek, l’un des plus illustres précurseurs du printemps
des peuples de 1989, le père du “printemps de Prague”, qui en 1968 déjà prêchait
la liberté d’expression et la démocratie »(35) … et, comme le dit explicitement le discours de réception, il s’agit d’un choix qui « prolonge le geste qu’elle avait posé l’an
dernier envers Doina Cornea et Fang Li-Zhi et réaffirme l’attachement particulier
qu’elle porte à ceux qui expriment et symbolisent dans leurs actes et leur pensée
la valeur de la liberté »(36). Il faut rajouter ici les figures d’Arthur Haulot, honoré en
1996 en compagnie de Marek Edelman, ou encore celle de Robert Maistriau, l’auteur
de l’arrêt du XXe convoi de déportation la nuit du 19 au 20 avril 1943. C’est aussi ce
que symbolisent les « dissidents de l’Est » que sont Borislaw Geremek, Árpád Göncz
et Václav Havel : la dislocation des régimes communistes d’Europe centrale met à
l’honneur en 1991 les hommes résistants politiques et démocrates est-européens
polonais, tchèques et hongrois. On peut y associer encore l’hommage rendu à Andrzej Wajda (1995), celui d’un « cinéma poétique engagé contre la dictature » tout
comme l’est celui de Théodore Angelopoulos (1995) « depuis Jours de 36 dont nous
avons salué le courage autant que le pouvoir enchanteur de leurs images »(37).
De l’idéal de tolérance, de la défense de la paix et de la démocratie, du progrès
social et de la société
Il peut sembler vain de distinguer lutte contre les fascismes et défense de la
démocratie mais l’accent des discours prend parfois une connotation plus marquée
en faveur de la tolérance et de la paix : ainsi d’Allende « [qui] a cherché à faire de la
tolérance et de la modération les principes directeurs de son activité, s’exprimet-il autrement que l’ont fait, depuis 1834, à cette tribune, Théodore Verhaegen, le
fondateur de l’Université et ses successeurs ? »(38) Ou encore de Willy Brandt (1984)
dont « l’attachement opiniâtre au socialisme humaniste s’inscrit dans la continuité
des principes fondamentaux de la social-démocratie allemande qui, depuis plus
d’un siècle, entend promouvoir la liberté, l’équité ; vous y avez ajouté la dimension
ULB DHC 175e
qui coiffe l’aboutissement normal de ces notions : la paix »(39). Il en va évidemment
de même pour Shimon Peres, le (futur) prix Nobel de la paix 1994, dont l’Université
souligne, à l’occasion de son cent-cinquantième anniversaire en 1984, « [le] courage
dans la recherche de la paix et [les] efforts constants pour que se développe une
tolérance mutuelle entre les États »(40).
(32) Hervé Hasquin, Discours
Mais on ne négligera pas pour autant le progrès social. Mackenzie King, honoré
un peu tardivement parmi les vainqueurs de la guerre, est aussi célébré comme
« la grande figure de celui que l’Université libre de Bruxelles a voulu honorer, en lui
conférant la plus haute distinction académique qu’elle peut accorder et que mérite, à
tous égards, l’infatigable défenseur de la liberté, du progrès social et de la paix »(41).
Quant à Allende, il catalyse les valeurs de l’Université car il est « l’homme qui, tout
au long de sa vie, a été guidé par un idéal qui est aussi celui de notre institution et
qui peut s’énoncer en quelques mots : liberté, justice, démocratie et progrès »(42).
(35) Françoise Thys-Clément,
du 19 novembre 1987
(33) (34) Georges Verhaegen,
Discours de 1989
Discours du 5 novembre 1990
(36) Hervé Hasquin, Discours
du 5 novembre 1990
(37) Albert Mingelgrün,
Discours, « Hommage au
cinéma européen »
Du libre examen et de la liberté de la recherche
(38) Charles Frerichs,
Mais il s’agit aussi de mettre en évidence le libre examen. « Salvadore Allende
l’avait affirmé clairement lors de ses entretiens avec Régis Debray : “J’appartiens
personnellement à une tradition maçonnique. Mon grand-père, le docteur Allende
Padin, a été grand maître de l’Ordre maçonnique au siècle dernier, à une époque où
être franc-maçon signifiait lutter. Les Loges maçonniques (…) ont été les piliers de
l’indépendance et de la lutte contre l’Espagne”. Ajoutons que ce grand-père était
sénateur du Parti radical et qu’il avait fondé en 1871 la première école laïque du Chili.
Son père avocat était libre penseur. Allende est ainsi l’héritier de toute une tradition
libérale progressiste qui, au Chili, s’est souvent incarnée dans la franc-maçonnerie et le radicalisme. »(43) Quant à Willy Brandt, on dira de lui que « l’homme rejette
le dogmatisme, ne prétend jamais avoir l’apanage de la seule vérité intangible. Le
libre-examinisme qui l’anime le range parmi les meilleurs d’entre nous. »(44) Cette
qualité de la pensée, prise au sens strict, est mise en évidence par Françoise ThysClément en 1992, lorsque l’Université honore Hubert Reeves dont il est souligné que
« tant dans la parole que dans les écrits, votre message est empreint de l’esprit et
des exigences du libre examen qui allie l’honnêteté intellectuelle, la générosité, le
partage des connaissances, des enthousiasmes et des doutes, et la fraternité »(45).
Cette qualité surpasserait-elle même l’action publique : à propos de Federico Mayor,
« en vous remettant ce jour les insignes de docteur honoris causa qui font de vous un
des membres de notre communauté, l’Université se réjouit d’accueillir et d’honorer
plus encore que le directeur général de l’UNESCO, un intellectuel du questionnement
et de l’action solidaire, un “cœur conscient”, œuvrant pour le rapprochement », un
Pour une histoire des DHC
158
Discours du
10 novembre 1947
(39) Hervé Hasquin,
Discours de 1984
(40) Hervé Hasquin, Discours
du 19 novembre 1987
(41) Charles Frerichs,
Discours du
10 novembre 1947
(42) (43) André Jaumotte,
discours du 31 janvier 1975
(44) Hervé Hasquin,
Discours de 1984
(45) Françoise Thys-Clément,
Discours du
19 novembre 1992
homme dont « Théodore Verhaegen aurait sans conteste trouvé un éminent représentant de cet idéal [le libre examen] »(46). C’est également le cas pour Edgar Morin
(1993), dont « l’œuvre incomparable par son ampleur et sa lucidité, son perpétuel
souci du destin des hommes, [montre] la valeur qu’elle attache au principe du libre
examen »(47). Toutefois comment une recherche existerait-elle sans libre examen ?
À intervalles réguliers, on rappelle l’importance de celle-ci : ainsi d’Hubert Reeves,
auquel, « pour vos qualités de recherche, pour vos travaux de vulgarisation scientifique (…) l’Université libre de Bruxelles est particulièrement heureuse de (…) décerner
le titre de docteur honoris causa »,(48) tandis qu’on souligne chez Edgar Morin « le
scientifique, le philosophe, l’érudit, le penseur engagé mais aussi, tout simplement,
l’homme »(49).
grands créateurs de cet art contemporain qui s’est développé après la seconde
guerre mondiale » (53) .
(46) Hervé Hasquin, Discours
En 1995, quatre cinéastes, Theo Angelopoulos, André Delvaux, Henri Storck et
Andrzej Wajda sont mis à l’honneur. La qualité de leur travail artistique, reconnue
mondialement, ainsi que leur engagement sont évoqués au cours de la cérémonie
qui leur est consacrée.(54) Dans le même temps, l’Université profite de l’occasion
pour rappeler l’existence en son sein d’un programme d’études, ELICIT, consacré
spécifiquement à l’écriture et à l’analyse cinématographique.
(47) (49) Françoise Thys-
du 12 mars 1992
Clément, Discours du
20 janvier 1993
(48) Françoise Thys-Clément,
Discours du
19 novembre 1992
(50) (51) André Jaumotte,
De la création et des arts
Discours du
26 janvier 1979
L’octroi du titre de DHC à des artistes pourrait peut-être paraître incongru au
premier abord. Si l’on s’en tient au choix de personnalités de la sphère publique à
connotation politique, d’autre choix s’imposent plus immédiatement. Mais cette
présence s’explique de plusieurs manières : le désir d’honorer des artistes constitue, d’une part, une prise de position visant à affirmer l’importance que l’Université attache aux arts et à la culture, et d’autre part, un moyen efficace de montrer
les liens unissant artistes et chercheurs. Les arts et la culture sont perçus alors
comme un espace de liberté par excellence, liberté souvent mise à mal notamment
par les régimes totalitaires. À la figure du libre examen répond celle de la liberté
artistique, comme le souligne l’Université en rappelant le « droit au blasphème »
et à la caricature lors de l’affaire des « caricatures de Mahomet » parues dans le
Jyllands-Posten. À l’instar de l’artiste, créateur par définition, le chercheur doit
parvenir à domestiquer son inspiration, à transformer sa créativité en recherche
originale et disposer da la plus grande des libertés. Comme le signale André Jaumotte « l’acte créateur, en art comme en science, reste le fait de rapprochements
originaux mais en art tous les rapprochements sont possibles et le critère de l’idée
féconde est un jugement esthétique subjectif tandis qu’en science il réside dans la
sanction expérimentale, objective » (50) .
(52) « Car vous êtes bien plus
et bien mieux, vous êtes le
créateur d’un autre univers.
Et c’est là votre gloire,
personne aujourd’hui en
effet ne conteste l’existence
de celui-ci et refuse d’y
adhérer. ». Paul Foriers,
Discours du 26 janvier 1979
(53) Discours du recteur repris
dans « Le Roi Albert II
devient docteur honoris
causa de l’ULB », La
Lanterne 14/12/1994
(54) Françoise Thys-Clément,
Discours
L’importance de la notion de création est donc fortement soulignée tant dans
le discours relatif à Maurice Béjart (51) qu’à celui consacré à Paul Delvaux (52) . Dans
ces deux cas, l’ULB en tant que telle est à peine mentionnée dans les discours.
Concernant Paul Delvaux, on fait pourtant le lien avec le portrait de Jules Bordet
réalisé par l’artiste. Quant à Pierre Alechinsky, il est salué comme « l’un des plus
ULB DHC 175e
1. Maurice Béjart, 1979
2. Pierre Alechinsky, 1994
3. André Delvaux, 1995
4. Henri Storck, 1995
Pour une histoire des DHC
159
L’Europe… et la Francophonie
Au début des années 1980, l’Université marque son ancrage dans le terrain de
la construction européenne car « particulièrement attentive au devenir de l’Europe
en raison même de sa situation au cœur de la capitale de l’Europe des douze, l’Université libre de Bruxelles ne peut être indifférente à la dimension nouvelle que revêt
le concept européen à la suite des bouleversements géopolitiques extraordinaires
dont nous avons été les témoins cette année. C’est pourquoi l’Université participe
entre autres activement aux programmes d’échange mis sur pied par la Communauté européenne en direction des pays de l’Europe centrale et de l’Est. »(55)
Plusieurs personnalités ayant contribué à la construction européenne sont
alors honorées. Les discours prononcés par les autorités académiques servent par
ailleurs à rappeler l’existence de l’Institut d’études européennes, présenté comme
partie prenante au développement européen (56) tandis que la position de l’ULB en
tant qu’université la plus « internationaliste » de Belgique est soulignée. Apparaît
bien sûr la personnalité d’Altiero Spinelli : « Comme la construction européenne ne
peut et ne doit se faire ni par l’insurrection ni par la conquête militaire, mais par un
contrat social entre les États qui décident librement de mettre ensemble une partie
de leur souveraineté, il y a lieu de créer au niveau de l’Europe une volonté générale
communautaire. Cette volonté, le Parlement européen doit en être le creuset et l’expression. Promoteur de l’idée fédéraliste, vous pourfendez l’illusion confédérale,
que vous qualifiez de “système anarchique, donc inefficace”. »(57) Il faut y ajouter
« Mário Soares, homme de liberté et de l’intégration dans la Communauté européenne d’un pays soucieux de s’ancrer solidement dans l’Europe démocratique »(58) ou
encore, bien évidemment, Willy Brandt et Simone Veil.
sion aux messages principaux que celle-ci entend défendre. Dans certains cas, le récipiendaire considèrera
que la distinction honorifique ne lui revient pas à titre
personnel mais bien au pays(60) ou au combat(61) qu’il
représente.
(55) Hervé Hasquin, Discours
Les archives de l’ULB ne permettent malheureusement pas de reconstituer une liste des récipiendaires
pressentis qui auraient refusé le titre (si tant est qu’il
y en ait eu). En revanche les discours de certains récipiendaires ont été conservés. À leur lecture, il est possible de dégager l’image perçue(62) par les personnes
honorées par l’institution. De manière assez logique
certains points pour lesquels l’Université a jugé important de décerner un titre de docteur honoris causa sont
perçus comme représentatifs de l’Université par les
récipiendaires. Parmi les thématiques fréquemment
mentionnées plusieurs ne sont pas spécifiques à l’ULB
(excellence de l’enseignement ou de la recherche par
exemple), tandis que d’autres semblent plus propres à
l’ULB même (libre examen, résistance sous l’occupation). Nous nous attarderons sur ces dernières.
(57) Hervé Hasquin,
du 19 novembre 1987
Discours de 1984
(58) (59) Hervé Hasquin,
Discours du 19 novembre
1987
(60) Le Canada pour
Mackenzie King, le
Portugal pour Mário
Soares, le Sénégal pour
Abdou Diouf
(61) Alexander Dubček
évoquant les autres
réformateurs du
Libre examen
(62) Cette image est
Les discours de réception
Si les discours prononcés par les autorités académiques permettent d’entrevoir
les motivations déclarées de l’ULB, les discours prononcés par les récipiendaires
offrent un éclairage tout aussi intéressant quoique parfois fort différent. Accepter
un honneur d’une institution quelle qu’elle soit suppose à tout le moins une adhé-
Pour Charles de Gaulle, la défense du libre examen
paraît devenir une prérogative de l’ULB : « elle [l’Université libre de Bruxelles] a su mener son combat, je
veux dire le combat sur le domaine dont elle avait la
ULB DHC 175e
(56) Hervé Hasquin, Discours
Printemps de Prague
Pour l’Université, le libre examen constitue une
pierre angulaire de son histoire et des ses combats et
pour certains récipiendaires, cette spécificité propre à
l’ULB mérite d’être soulignée. Elle prend dans certains
discours une place centrale et le concept de libre examen même est mis en avant comme l’une des valeurs
distinctives de l’ULB. La réinterprétation du concept,
ou sa présentation par des personnalités extérieures
offre une lecture intéressante.
Au-delà de la construction européenne, l’ULB aura aussi a cœur de montrer son
ancrage linguistique en honorant des personnalités dont l’action a permis de promouvoir et de défendre la langue française, comme c’est le cas pour « Abdou Diouf
dont le pays a toujours joué, en Afrique, un rôle moteur dans la promotion de la
langue française. »(59)
du 5 novembre 1990
Pour une histoire des DHC
naturellement biaisée
puisqu’elle est le
reflet des positions de
personnalités ayant
accepté de recevoir
le titre de DHC de
l’Université
Abdou Diouf
160
garde, le domaine du libre examen, elle a su le mener, elle a finalement su le gagner
car on gagne toujours, en définitive, quand on ne se met pas dans le parti de la servitude »(63). Churchill pour sa part mentionne le libre examen essentiellement pour
mettre en contexte la situation de l’Université sous l’occupation.(64) Sans utiliser
le terme lui-même, le discours d’Abdou Diouf fait ressortir l’esprit du libre examen
lorsqu’il évoque les hommes et les femmes qui ont œuvré pour que la liberté de
jugement dans l’enseignement puisse s’imposer.(65) À l’inverse, Shimon Peres débute son allocution en annonçant qu’il est « fier d’entrer dans la maison du libre examen »(66). Edgar Morin rappelle « [qu’]en 1834 une poussée libérale et démocratique
amène à la création de l’ULB à Bruxelles. La laïcisation est à la base de la réforme ;
elle établit l’autonomie de l’université vis-à-vis de la religion et du pouvoir ; elle instaure la liberté intérieure (le principe du libre examen), elle installe de façon centrale
la problématisation. »(67)
de vos activités : la liberté par rapport au dogme, à tous les dogmes, la liberté de
l’esprit qui examine, en toute indépendance, en toute sérénité, en toute “conscience”. » (69)
(63) Charles de Gaulle,
Défense de la démocratie, des droits de l’homme
(64) « (...) that one of the
Discours du
11 octobre 1945
principles for which the
Les valeurs mises en avant par l’Université dans ses choix concernant les personnalités honorées lui sont souvent renvoyées lors des discours de réception.
Mário Soares louera ainsi « l’université qui à l’instar de Jean Jaurès, Léon Blum ou
Émile Vandervelde a toujours été ouverte aux idéaux civiques et à la promotion
humaine et sociale » (70) . De même Shimon Peres placera-t-il l’ULB à la pointe du
combat pour la démocratie en la louant de s’être dressée avec courage et lucidité
contre toutes les formes de racisme. (71)
University stands was
“the free examination
of thoughts and ideas” ».
Winston Churchill,
Discours du 15 novembre
1945
(65) Abdou Diouf, Discours
du 19 novembre 1987
Résistance et liberté
(66) Shimon Peres, Discours
La position de l’Université sous l’occupation semble avoir particulièrement marqué les esprits. La cohérence entre le discours libre-exaministe et la décision de
fermer l’Université en novembre 1941 crédibilise les prises de position de celle-ci
sur les questions de liberté ou de résistance. La plupart des récipiendaires honorés
pour des actions visant à promouvoir la liberté ne manqueront pas de rappeler le
passé de l’ULB.
du 19 novembre 1987
(67) Edgar Morin, Discours
du 20 janvier 1993
(68) Charles de Gaulle,
Discours du
Que ce soit Charles de Gaulle : « sa résistance jointe à toutes ses actions incitèrent notre résistance ; sa résistance fut en effet un des piliers autour de quoi
purent s’accrocher les esprits et les cœurs, contre un adversaire qui avait su utiliser tout ce que les moyens mécaniques du moment pouvaient donner d’avantages
initiaux à la surprise et à la terreur, mais contre lequel l’opposition des hommes
libres a réalisé ceci : que d’oppresseur il ne put jamais devenir conquérant. » (68)
Ou Winston Churchill : « Let us be thankful that there were institutions like Brussels, like Leiden, like Prague, where the tradition of liberty was so firmly rooted
that no thought of compromise could be entertained. The waves of totalitarianism
beat against them in vain and the example they set was soon followed by the rest
of their fellow-countrymen. » Pour les vainqueurs de la seconde guerre mondiale,
la résistance victorieuse de l’Université à l’occupant servit d’exemple durant le
conflit. Quant à Federico Mayor, il rappelle : « Quelle fierté pour le directeur général d’une organisation assimilée dès l’origine au foyer de l’esprit, d’être honoré
par une institution dont la liberté est la raison d’être ! (…) Il est sain de revenir à
celle qui fonde votre Université, est inscrite dans vos statuts et inspire chacune
ULB DHC 175e
11 octobre 1945
(69) Federico Mayor,
Discours du
12 mars 1992
(70) Mário Soares, Discours
du 19 novembre 1987
(71) Shimon Peres, Discours
du 19 novembre 1987
1. Edgar Morin
2. Federico Mayor et Catherine
Deneuve, 1994
Pour une histoire des DHC
161
Prises de position
Dans certains cas, la réception du titre de docteur honoris causa servira de plateforme pour faire passer un message. Ces messages auront parfois un lien direct
avec les motivations ayant amené l’octroi du titre (on songe par exemple au discours
de Winston Churchill incitant à rester en garde contre toutes les formes de totalitarisme(72)) mais pourront parfois sembler tout à fait étrangers à la cérémonie même.
Pour certains DHC, le discours s’adresse directement au public naturel d’une université à savoir les jeunes étudiants. Ainsi Mackenzie King termine-t-il sa présentation
en recommandant aux étudiants d’embrasser une carrière diplomatique. Sandro
Pertini profitera pour sa part de la tribune offerte par la cérémonie pour lancer un
plaidoyer en faveur de la réalisation d’une constitution politique pour l’Europe par
les jeunes.(73)
L’intervention du roi Baudouin présentera pour sa part une réelle dimension politique.(74) Après un bref rappel des liens tissés entre la dynastie et la science, son
exposé se voit entièrement consacré à la question congolaise. La date de remise
des insignes n’est évidemment pas étrangère à la tonalité du discours qui se veut
un appel pour « résoudre avec unanimité le problème du Congo » et un rappel pour
que le Congo reste « le champ d’élection pour une action vitale des forces jeunes,
compréhensives et généreuses de la Belgique », les valeurs de l’ULB se présentant
comme les grandes absentes de ce texte.
Pour certains DHC, essentiellement des hommes politiques, le fait d’accepter
le titre honorifique peut aussi servir à marquer un rapprochement entre leur pays
d’origine et la Belgique ou à confirmer des liens d’amitiés de longue date.(75) Abdou
Diouf souligne en revanche l’importance des rapports entretenus par l’Europe et
l’Afrique.(76) À ses yeux, la cérémonie est un symbole éloquent du dialogue NordSud, un dialogue qu’il convient d’approfondir et de pérenniser pour le bien commun ;
quant à Shimon Peres, il « rêve d’un Bénélux proche-oriental, d’un marché commun
moyen-oriental. Et même si cela ne doit jamais se réaliser que progressivement, ne
cessons jamais de considérer combien est préférable cette association à la longue
épreuve qui l’a précédée. Au Moyen-Orient aussi, il est permis de rêver. Car même
au Moyen-Orient, le pire n’est pas toujours inéluctable. »(77)
En 1992, l’opportunité d’utiliser la cérémonie de remise des DHC pour faire passer un message de fond est intégrée à un tel point qu’à l’issue de celle-ci, un discours du récipiendaire est programmé. Federico Mayor prendra ainsi la parole sur
le thème de « L’université en son temps de transition » pour aborder les transferts
ULB DHC 175e
de technologie, l’ouverture de l’université sur l’extérieur, le dialogue des cultures
ou encore la démocratie.(78) L’allocution d’Edgar Morin quelques mois plus tard posera la question de la place de l’université dans la société, « L’université doit-elle
s’adapter à la société ? ». Simon Wiesenthal prendra lui la parole pour insister sur
l’importance de la lutte contre l’oubli, la justice et l’expiation du plus grand crime
de l’histoire humaine. Il rappellera que « la liberté n’est pas un don du ciel, il faut se
battre pour elle chaque jour de notre vie »(79).
(72) « But, ladies and
gentlemen, the champions
of freedom can never afford
to sleep. (…) Institutions
like Brussels University
which have so manfully
withstood the assaults
of Nazidom have special
En guise de conclusion provisoire…
importance, therefore in
Cette première approche de l’histoire des DHC de l’Université mériterait un véritable approfondissement. Nous en tracerons ici quelques pistes. Il serait notamment
intéressant d’étudier dans quelle mesure les récipiendaires s’approprient le titre de
DHC de l’ULB. Dans la plupart des cas, aucune mention explicite n’y est faite dans
les discours, à quelques exceptions près. C’est le cas de Winston Churchill qui précise sa nouvelle appartenance et les implications de celle-ci lors de son discours, (80)
ou bien de Sandro Pertini qui affirme sa fierté d’appartenir désormais à la communauté d’études et de vie académique de l’ULB,(81) ou encore de Federico Mayor qui
mentionne sa joie et sa fierté d’appartenir suite à la cérémonie à une communauté
universitaire prestigieuse.(82) Si pour certains, la « communauté de valeurs » justifie sincèrement une adhésion à cette communauté particulière qu’est l’ULB, pour
d’autres la question se pose. Qu’en est-il alors de cet hommage : ne s’agit-il que de
la manifestation de reconnaissance publique de mérites tout aussi publics ?
a long, terrible affliction
a Europe emerging from
Quant aux modalités et au processus de choix, l’enquête historique montre que
ceux-ci ne sont pas formalisés et relèvent de la coutume et non pas de la « loi » (ou
du règlement en l’occurrence). Ceci nous amène à poser la question de l’existence
d’une « ligne de faîte » déterminant l’octroi du diplôme. Si errements il y eut – il ne
s’agit pas ici de justifier ou de condamner –, on peut aisément les comprendre au
vu du contexte, comme ce sera le cas de l’un ou l’autre vainqueur de la seconde
guerre mondiale. Encore faut-il préciser que, dans le cas de Staline par exemple, la
condamnation du dirigeant soviétique relève d’une lecture a posteriori qui était loin
de faire l’unanimité en 1945. Dès lors, on peut s’interroger sur l’étonnante constance
des « valeurs » que partagent les récipiendaires, a fortiori lorsque l’on sait, comme
nous le soulignions en introduction, que ces valeurs ne sont pas mises en évidence
comme présidant aux choix des personnalités distinguées. Les motivations particulières dans le choix des DHC relèvent donc de l’air du temps et d’un contexte qu’il ne
convient pas de juger et qui demeure, par définition, imprévisible.
and illness. Always be on
guard against tyranny
in whatever shape it
may assume. » Winston
Churchill, Discours du 15
novembre 1945
(73) Sandro Pertini, Discours du
19 novembre 1987
(74) Roi Baudouin, Discours du
20 Novembre 1959
(75) Le Canada pour Mackenzie
King, le Portugal pour
Mário Soares
(76) Abdou Diouf, Discours du
19 novembre 1987
(77) Shimon Peres, Discours du
19 novembre 1987
(78) Federico Mayor, Discours
du 12 mars 1992
(79) Simon Wiesenthal,
Discours du 28 février 1994
Pour une histoire des DHC
162
(80) « Remember the cause of
Freedom for which your
heroes died. Thus, and
thus alone, will you be
worthy of the University
to which you, and now
I, have the honour
to belong. » Winston
Churchill, Discours du
15 novembre 1945.
(81) Sandro Pertini, Discours
du 19 novembre 1987
(82) Federico Mayor,
Discours du
12 mars 1992
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DHC 2001
2. Les responsables du
programme Erasmus, Alan
Smith, Angélique Verli et
Domenico Lenarduzzi (1er rg de
g. à d.), DHC 2002
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Frederik De Klerk, Abdou
Diouf, Nelson Mandela, Henry
Kissinger, Federico Mayor (de
g. à d.), 1992.
ULB DHC 175e
Pour une histoire des DHC
163
ULB DHC 175e
Pour une histoire des DHC
164
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ULB DHC 175e
Pour une histoire des DHC
165
ULB DHC 175e
Annexes
Liste des docteurs honoris causa
des Facultés
Liste des abréviations
Dr
Faculté de Droit
Esp
École de Santé publique
Iee
Institut d’Études européennes
Isepk
Institut supérieur d’Éducation physique et de Kinésithérapie
Med
Faculté de Médecine
Pharm
Institut de Pharmacie
Philo
Faculté de Philosophie et Lettres
Psy
Faculté des Sciences psychologiques et de l’Éducation
Sc
Faculté des Sciences
Sca
Faculté des Sciences appliquées
Soco Faculté des Sciences sociales et politiques
Socio
Institut de sociologie
Stat
Institut de statistique
Trav
Institut du travail
Liste des DHC
Abi-Saab Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Adam Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Adrian Edgar Douglas . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Aftalion Albert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Albe-Fessard Denise . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Albert Ier, Prince de Monaco . . . . . . . . . . . . .
Anzieu Didier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Appleton Edward . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Arambourg Camille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Aron Raymond . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ascarelli Tullio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ashenfelter Orley . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Åstrand, Per-Olof . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ayer Alfred . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Aymard André . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bachelard Gaston . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Badinter Robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2002
1909
1949
1930
1969
1910
1989
1946
1954
1962
1959
2002
1987
1962
1956
1956
1984
Dr
Philo
Med
Dr
Med
Sc
Psy
Sca
Sc
Soco
Dr
Soco
Isepk
Philo
Philo
Philo
Dr
ULB DHC 175e
Baekeland Léon. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Balandier Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bardon Henry . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bastien Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bataillon Eugène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Baubérot Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bauer Edmond . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bedjaoui Mohammed . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bell Harold Idris . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bernhard Wilhem . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Berthélémy Henry . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Berthelot René . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Beveridge William Henry . . . . . . . . . . . . . . .
Bianchi-Bandinelli Ranuccio . . . . . . . . . . . .
Bidez Joseph . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Biezeno Cornelis. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Blanchard Francis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bloch Henry Simon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bockaert Joël . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bohr Niels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bonger Willem Adriaan . . . . . . . . . . . . . . . . .
Borel Émile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Born Max . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Boulanger Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bragg William Laurence . . . . . . . . . . . . . . . .
Braudel Fernand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Braunstein Alexandre . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Brédas Jean-Luc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Briner Émile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Broadbent Donald . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bronk Detlev . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Brunot Ferdinand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Burdeau Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Burgers Johannes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Burgers Wilhelm . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Calogero Guido . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Campus Ferdinand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Candel Sébastien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Caquot Albert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Annexes
1934
1979
1985
1965
1930
2008
1956
1994
1947
1969
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1930
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1962
1934
1956
1985
1969
2005
1961
1934
1930
1961
1962
1949
1959
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2002
1947
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1963
1930
1965
1948
1969
1959
1965
2005
1947
Sca
Soco
Philo
Sca
Med
Philo
Sc
Dr
Philo
Med
Dr
Philo
Soco
Philo
Philo
Sca
Trav
Soco
Med
Sc
Dr
Sc
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Med
Sc
Soco
Sc
Sc
Sc
Psy
Med
Philo
Soco
Sca
Sca
Philo
Sca
Sca
Sca
Cartan Élie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Castex Pierre-Georges . . . . . . . . . . . . . . . . .
Cattier Félicien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Caullery Maurice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Cayeux Lucien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Cazeneuve Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Cerulli Enrico . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chabert Catherine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chadwick John . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chagas Carlos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chambon Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chatzidakis Manolis . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chaudron Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chodat Robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Cohen-Tannoudji Claude . . . . . . . . . . . . . . .
Coing Helmut . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Condurachi Emil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Contini Gianfranco . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Cormack John Dewar . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Cotton Aimé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Cournand André . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Courrier Robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Crismer Léon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Crum Lawrence A. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Cumont Franz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Cushing Harvey Williams . . . . . . . . . . . . . . .
Dale Henry Hallett . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Darwin Francis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Daubechies Ingrid . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Dausset Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Daux Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
David René . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Davy Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
De Broglie Louis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
De Gennes Pierre-Gilles . . . . . . . . . . . . . . . .
De Muralt Alexandre . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
DeBakey Michael . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Debré Robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Debye Peter . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Philo
Dr
Philo
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Med
Med
Med
Sca
Delacroix Henri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Demoulin Alphonse . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Dewar James . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Diehl Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Donadoni Sergio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Droz Jacques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Drucker Peter F. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Druyvesteyn Mari Johann . . . . . . . . . . . . . . .
Duclaux Jacques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Eckstein Otto . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Eells James . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Einstein Albert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ephrussi Boris . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Erlanger Joseph . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Escarpit Robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Evarts Edward V. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Fabre Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Fabre René . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Febvre Lucien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Fenn Wallace O. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Finch George Ingle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Fischer Hermann Emil . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Flajolet Philippe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Fleming Alexander . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Flexner Abraham . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Flexner Simon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Forestier Hubert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Fredericq Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Fredericq Léon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Freyssinet Eugène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Froehly Claude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Galpin Perrin C. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Garin Eugenio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Garrels Robert M. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Gasser Herbert S. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Genestal Du Chaumeil Robert . . . . . . . . . . .
Gény François . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Germain Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ghestin Jacques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Med
Dr
Dr
Sca
Dr
ULB DHC 175e
Gibson Hugh . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Giddens Anthony . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ginzburg Carlo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Gley Eugène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Gluckman Max . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Goblet d’Alviella Eugène . . . . . . . . . . . . . . .
Godeaux Lucien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Goldin Abraham . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Goubert Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Grassé Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Grelot Louis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Grenier Albert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Grignard Victor . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Guillemin Roger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Gurvitch Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Hadamard Jacques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Hamson Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Hanoune Jacques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Hardy Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Harr Milton Edward . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Hart Oliver . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Hedvall Johan Arvid . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Heisenberg Werner . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Held Richard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Hérissey Henri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Héritier-Augé Françoise . . . . . . . . . . . . . . . .
Hers Henri-Géry . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Herzfeld Michael . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Heurgon Jacques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Hijmans Van Den Bergh Albert . . . . . . . . . .
Hill Archibald Vivian . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Hinde Robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Holland Thomas Erskine . . . . . . . . . . . . . . . .
Hopf Heinz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Hopkins Frederick Gowland . . . . . . . . . . . . .
Hopt Klaus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Houin Roger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Houssay Bernardo Alberto . . . . . . . . . . . . . .
Hubble Edwin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Annexes
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1994
2002
1930
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1948
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Socio
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Med
Psy
Dr
Sc
Med
Dr
Dr
Med
Sc
Hubert Eugène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Isermann Rolf . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Jackson Robert H. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Jacob François . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Jaeger Frans-Maurits . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Janet Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Jankélévitch Vladimir . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Janot Maurice-Marie . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Jeanneney Jean-Noël . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Jestaz Philippe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Jèze Gaston . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Johnson Alvin Saunders . . . . . . . . . . . . . . . .
Jones Harold Spencer . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Josserand Louis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Jouguet Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Jouzel Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Kac Marc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Kaës René . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Kahn-Freund Otto . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Karrer Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Katzir-Katchalsky Aharon . . . . . . . . . . . . . . .
Kazatchkine Michel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Keilin David . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Kenyon Frederic George . . . . . . . . . . . . . . . .
Kirkwood John G. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Klein Lawrence R. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Kling Rob . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Kocher Theodore . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Komi Paavo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Kornhuber Hans H. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Kotarbinski Thadee . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Kovar Robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Kranenburg Roelof . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Kristeva Julia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Kroll William Justin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Kronecker Hugo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Kroto Harold . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Krueger Alan B. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lachs Manfred . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
169
1921
1989
1946
1979
1936
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Trav
Dr
Lacroix Alfred . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ladevèze Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lalive d’Épinay Pierre-André . . . . . . . . . . . .
Lambert Édouard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lambotte Albin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lamotte Maxime . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Landsteiner Karl . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Langevin Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lanson Gustave . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lapierre Jean William . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lavedan Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lavisse Ernest . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le Cam Lucien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le Dantec Félix . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le Douarin Nicole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Leclercq Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ledoux Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lefebvre Lucien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lehn Jean-Marie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lehn Jean-Marie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lenègre Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Leone Giovanni . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Leontief Wassily . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Leray Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lescure Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lespagnol Albert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lévi-Strauss Claude . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lewis William Arthur . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Liberman Alvin M. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lieftinck Gerard Isaac . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Linderstrom-Lang Kaj . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Loisy Alfred . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lotman Iouri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Louria Alexandre Romanovitch . . . . . . . . . .
Lowry Thomas Martin . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lugeon Maurice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lundberg Anders . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lwoff André . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lyon Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1930
2000
1989
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Med
Sc
Philo
ULB DHC 175e
Lyon-Caen Gérard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
McClelland James . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
McNair Arnold Duncan . . . . . . . . . . . . . . . . .
Macklem Peter . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Maeterlinck Maurice . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Malavard Lucien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Marchal Émile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Marinelli Giorgio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Marmot Michael . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Martin Victor . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Maruani Margaret . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Maurain Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Mayer Hans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Mayer Joseph . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Mayer Nonna . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Mayor Michel G. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Mazon Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Medawar Peter Bryan . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Mehler Jacques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Meijers Eduard M. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Meillet Antoine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Meirieu Philippe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Menéndez-Pidal Ramón . . . . . . . . . . . . . . . .
Metchnikoff Elie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Millet Gabriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Minorsky Vladimir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Monod Jacques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Montel Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Montreuil Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Moore Stanford . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Morduch Jonathan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Moret Alexandre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Mornet Daniel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Moscovici Serge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Mosler Hermann . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Mosso Angelo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Mutt Viktor . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Myers Stewart C. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Needham Joseph . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Annexes
1985
2005
1959
1987
1909
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Nenci Giuseppe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Nicolet Claude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Nicolle Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Nogaro Bertrand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Oberling Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Occhialini Giuseppe . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Offerhaus Johannes . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Oort Jan H. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Pascher Adolphe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Pauling Linus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Pavlov Ivan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Pelsenner Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Pérès Joseph . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Pérez Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Perrin Jean Baptiste . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Perroy Édouard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Peters Norbert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Pettazzoni Raffaele . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Piaget Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Picard Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Pictet Aimé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Pirenne Henri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Platrier Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Poincaré Henri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Pommier Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ponte Maurice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Pope William Jackson . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Portes Richard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Portevin Albert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Pottier Edmond . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Praeger Cheryl Elisabeth . . . . . . . . . . . . . . .
Prager William . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Prelog Vladimir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Puisieux Francis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Radhakrishnan Sarvepalli . . . . . . . . . . . . . .
Rall Joseph Edward . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ramón y Gajal Santiago . . . . . . . . . . . . . . . .
Rasmussen Grant L. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Reed Thomas Harrison . . . . . . . . . . . . . . . . .
170
1979
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Pharm
Philo
Med
Med
Med
Dr
Refetoff Samuel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Regaud Claude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Renold Albert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Reuchlin Maurice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Rheinstein Max . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Richet Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Rickard Edgar . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ripert Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Rist Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Rivero Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Robinson Robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Rocard Yves . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Rockefeller John D. Junior . . . . . . . . . . . . . . .
Roelofs Wendell . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Rosenfeld Léon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Rotondi Mario . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Roux Émile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Roy Maurice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Saadé Leila . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Sahama Thure G. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Sahlins Marshall . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Salverda De Grave Jean J. . . . . . . . . . . . . . . .
Samkalden Ivo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Saura Pedro . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Sauvy Alfred . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Savatier Rene . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Scelle Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Schmidt Vivien Ann . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Schricker Gerhard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Schwartz Laurent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Sedov Leonide Ivanovitch . . . . . . . . . . . . . .
Sellin Thorsten . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Semenov Nicolai . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Sforza Carlo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Shaler Millard King . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Shallice Thimothy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Sherrington Charles Scott . . . . . . . . . . . . . .
Siegfried André . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Siestrunck Raymond . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1989
1925
1969
1987
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Soco
Sca
Psy
Med
Soco
Sca
ULB DHC 175e
Simon Denys . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Smith Alexander . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Somorjai Gabor . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Sorm Frantisek . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Southwell Richard Vynne . . . . . . . . . . . . . . .
Spencer Jones Harold . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Spring Walthere . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Starobinski Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Stein Eric . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Stone Richard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Stoufflet Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Strassburger Édouard . . . . . . . . . . . . . . . . .
Swarts Frédéric . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Tabatoni Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Teirlinck Herman . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Teirlinck Isidore . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Teissier Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Tenekides Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Theorell Hugo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Tinbergen Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Tirole Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Torres-Bodet Jaime . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Trefouel Jacques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Truhaut René . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Tschebotarioff Gregory P. . . . . . . . . . . . . . . .
Tuck William Hallam . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Tunc André . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Turner Eric G. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ubbelhode Alfred R. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ullman Jeffrey . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Vaccaro Jean-Michel . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Van Bambeke Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Van Beneden Édouard . . . . . . . . . . . . . . . . .
Van Biesbroeck Georges . . . . . . . . . . . . . . .
Van Hamel G. a. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Vannerus Jules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Vedel Georges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Vening Meinesz Felix Andries . . . . . . . . . . .
Verhaeren Émile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Annexes
2002
1930
1992
1965
1949
1947
1909
1979
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1992
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1938
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1965
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1909
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Dr
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Vidal-Naquet Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Vincent George E. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Vincent Hyacinthe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Volterra Edoardo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Von Karman Theodore . . . . . . . . . . . . . . . . .
Von Mises Richard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Von Wartburg Walter . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Wachspress Eugène . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Waldeyer Wilhelm . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Wallace William . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Walmsley Ian A. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Wasserburg Gerald Joseph . . . . . . . . . . . . .
Werner Robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Westlake John . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Whitlock Brand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Wiggers Carl J. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Wilmotte Maurice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Wilson Edgar Bright . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Wittelsbach, Charles Théodore . . . . . . . . . .
Zazzo Rene . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Zeeman Pieter . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Zielinski Thaddee . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
171
1987
1930
1946
1956
1937
1934
1962
1985
1909
1992
2008
1985
1937
1909
1919
1956
1935
1975
1909
1979
1930
1930
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Index des notices
Albert Ier de Belgique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Albert II de Belgique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Alechinsky Pierre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Allègre Claude. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Allende Salvador. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Angelopoulos Theo. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Amara Fadela. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Arbour Louise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Barré-Sinoussi Françoise. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Baudouin de Belgique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Béjart Maurice. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Brandt Willy. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Buls Charles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Busquin Philippe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Capecchi Mario. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Capron André. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chissano Joaquim. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Churchill Winston . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Connes Alain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Cornea Doina. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Davies Joseph E. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
De Duve Christian. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
De Gaulle Charles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Deligne Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Delvaux André. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Delvaux Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Diouf Abdou. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Dubc̆ek Alexander. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Dworkin Ronald. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Edelman Marek. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
El Saadawi Nawal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Élisabeth de Belgique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Fang Li-Zhi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Fouad d’Égypte. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Francqui Émile. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Fulbright William. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Gao Xingjian. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
122
61
59
43
96
58
26
36
11
99
94
91
132
27
11
46
34
106
12
78
114
12
110
13
56
93
86
76
13
48
18
120
77
124
130
100
14
ULB DHC 175e
Garzón Real. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Geremek Bronislaw. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Goldschmidt Pierre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Göncz Árpád . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Gross David J. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Haulot Arthur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Havel Václav. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Hoover Herbert. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Hughes Charles Evans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Inglehart Ronald. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Jadot Jean. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Jones Hywel Ceri. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Konaré Alpha Oumar. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lenarduzzi Domenico. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Léopold III de Belgique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lie Trygve. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Mackenzie King William Lyon. . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Maistriau Robert. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Mandela Nelson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Maskin Eric. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Mayor Zaragoza Federico. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Molina Mario J. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Morales de Cortiñas Nora Irma. . . . . . . . . . . . . . . . .
Morin Edgar. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Morris Dave Hennen. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Nasraoui Radhia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Peres Shimon. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Pertini Sandro. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Phelps Edmund Strother . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Poincaré Raymond . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Reeves Hubert. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Robinson Mary . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Roosevelt Franklin D. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Sakharov Andreï . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Smith Alan. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Soares Mário. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Solvay Ernest. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Spinelli Altiero. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Staline Joseph. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Annexes
25
74
23
72
14
50
70
131
125
15
126
28
21
30
118
102
103
20
90
15
68
16
39
64
116
19
80
82
16
127
66
41
104
89
32
84
134
87
112
Storck Henri. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Susskind Simone. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Tamzali Wassyla . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Tchang Kaï-chek . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Thielemans Toots . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
U Thant. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Van Montagu Marc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Veil Simone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Verli Angélique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Vincent Jean-Didier. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Wajda Andrzej. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Wallerstein Immanuel. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Wiesenthal Simon. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Wilson Thomas Woodrow . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Zinkernagel Rolf. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
172
54
37
40
108
33
98
45
92
31
42
53
52
62
128
17
Crédits photographiques
Oranje Nassau Museum, Delft :
- 145
Agência Brasil :
- Fábio Pozzebom : 21
Organisation des Nations unies :
- 102
- Teddy Chen : 98
- Michel Claude : 86
- Eskinder Debebe : 41
Collection Victor Boin :
- 122, 153/1
Collection Ceges-Bruxelles :
- n° 40731 : 124
- n° 40736 : 153/2
- n° 41170 : 116
- n° 54020 : 127
- n° 148892 : 112
- n° 163991 : 153/3
- n° 230927 : 125
- n° 231205 : 104
Pressens Bild :
- 149/2
Rijksmuseum, Amsterdam :
- 144, 147
Rossel & Cie SA / Le Soir, PhoDoc, Bruxelles, DR :
- 53
Collection J. Jadot / J. J. Rousseau :
- 154/4
The Heart Truth :
- 139/3
Deutsches Bundesarchiv :
- Engelbert Reineke : 91
- Joachim F. Thurm : 157/1
UNESCO :
- Michel Claude : 163/3
- Inez Forbes : 68, 161/2
Fundación Salvador Allende, Chili :
- 96, 157/2
Université libre de Bruxelles :
- Archives et Bibliothèques de l’ULB : 54, 80, 82, 84, 87, 89,
92, 93, 94, 99, 100, 106, 110, 118, 120, 130, 131, 132, 134, 148,
151/2, 152, 160, 161/1
- Département des relations extérieures : 11-17, 25, 28, 33, 37,
40, 42, 43, 56, 58, 62, 70, 72, 76, 78, 159/3, 163/1
- Jean Jottard : 18, 19, 20, 23, 26, 27, 30, 31, 32, 34, 36, 39, 45,
46, 50, 52, 59, 61, 74, 64, 66, 90, 142, 150/1, 151/1, 151/3,
155/3, 159/1, 159/2, 159/4, 163/2
Getty Images / TIME & LIFE Images :
- Forrest Anderson : 77
Alfred Hutter :
- 146
Mariusz Kubik :
- 48
Kunsthistorisches Museum, Vienne :
- 142/1
ULB DHC 175e
Annexes
173
Liste des souscripteurs
M. Henri Alexandre (Havre)
Archives et Bibliothèques de
l’Université libre de Bruxelles (Bruxelles)
Mme Monique Asiel (Bruxelles)
Mme Gisèle Auquit (Glabais)
M. et Mme Balaes-Fauconnier (Seneffe)
Mme Danielle Baleriaux (Bruxelles)
M. G. Beart (Gozée)
Bartholomeeusen SPRL (Bruxelles)
M. Jacques Beeckmans de West-Meerbeeck (Chastre)
M. et Mme Beernaerts-Courtois (Rhode-Saint-Genèse)
M. Gilbert Bejjani (Bruxelles)
Fondation Bernheim FUP (Bruxelles)
M. Henri Bier (Bruxelles)
Mme Claire Billen Perissino (Bruxelles)
M. Jean-Pierre Bizet (Paris)
M. Serge Bodson (La Hulpe)
M. et Mme René Bontemps (Bruxelles)
M. Claude Bosseloir (Hennuyeres)
M. Émile Bottin (Bruxelles)
Mme Catherine Bouland (Bruxelles)
M. Guy Bricart (Tournai)
Docteur Bruneau (Bruxelles)
M. André Bruyneel (Rhode-Saint-Genèse)
Mlle Anne Caby (Bruxelles)
M. Jan Candries (Bonheiden)
Mme Béatrice Carbonnelle (Bruxelles)
M. Jean-Luc Carpentier (Beersel)
Cedom (Bruxelles)
Mme Françoise Chatelain (Charleroi)
M. Baudouin Contzen (Bruxelles)
M. Jean-Luc Cornet (Bruxelles)
Mme Marcelle Crem (Bruxelles)
M. Guy Crevecoeur (Lasne)
M. Philippe Cullus (Bruxelles)
M. Philippe Darge (Latour)
M. Jean-Jacques Dawance (Comblain-Pont)
ULB DHC 175e
M. Patrick Debouverie (Bruxelles)
M. et Mme Gilbert Debusscher (Bruxelles)
M. Jan De Candries (Bonheiden)
M. Renaud Decock (Anderlues)
M. Jean Marie De Deken (Saint Ghislain)
M. Francis Degreve (Saint-Aupré, France)
M. Ghislain Dehez (Bonnert)
M. N. de la Kethulle de Ryhove (Bruxelles)
Mme Pascale Delbarre (Bruxelles)
Mme Françoise Delloye (Bruxelles)
M. Pierre Delvoye (Ath)
M. Pierre-Jean Delvoye (Bruxelles)
M. Pascal Delwit (Bruxelles)
M. Pierre de Maret (Bruxelles)
M. Raymond Demousselle (Bruxelles)
M. et Mme Denis-Hupez (Quaregnon)
Mme Alice Deridder (Bruxelles)
M et Mme Didier Devriese -Marchant (Bruxelles)
M. et Mme Jean-Pierre Devroey-Zoller (Bruxelles)
M. Christian De Waay (Knokke-Heist)
M. René De Wael (Lasne)
M. Alain Dierkens (Bruxelles)
M. Angelo Di Paolo (Chatelet)
Mme Audry Drapier (Boussu)
M. Henri Drymael (Bruxelles)
M. et Mme L. Capette Brasseur (Elouges)
M. Yvan De Jaraczewski (Bruxelles)
M. Pol Dupont (Dour)
M. Freddy Eggermont (Nimy)
M. Jean Ettinger (Rhode-Saint-Genèse)
Faculté de droit (Bruxelles)
Faculté de philosophie et lettres (Bruxelles)
Faculté des sciences psychologiques et de l’éducation
M. et Mme Famaey-Fontaine (Bruxelles)
Fondation Jaumotte-Demoulin (Bruxelles)
M. Jacques Fontaine (Walcourt)
M. Pierre Galand (Bruxelles)
Mme Nadine Galland (Court-Saint-Étienne)
Gastrospace SPRL (Bruxelles)
Annexes
M. Patrick Genin (Charleroi)
M. Pierre-Alain Gevenois (Bruxelles)
M. Michel Godart (Bruxelles)
M. Francis Godaux (Bruxelles)
Docteur Jean Claude Goffin (Bruxelles)
M. et Mme P. Goldschmiddt Contempre (Bruxelles)
M. Jacques Goldsteinas (Bruxelles)
M. R. Gonze (Bruxelles)
Mme Michèle Grégoire (Rhode-Saint-Genèse)
M. David Guilardian (Bruxelles)
M M. Hervé Hasquin (Graty)
M. Paul Hatry (Bruxelles)
M. Lucien Heilporn (Bruxelles)
M. Luc Helen (Bruxelles)
Mme Anne-Marie Helvétius & M. Michel Kaplan (Paris)
Docteur Philippe Hennart (Court-Saint-Étienne)
M. Maurice Hinsenkamp (Bruxelles)
Mlle Nadine Hollasky (Bruxelles)
Mme Viviane Hooghe (Tubize)
Mme Nadine Houssa (Bruxelles)
M. Jean Huet (Bruxelles)
M. Edouard Jacobs (Bruxelles)
M. Lucien Janson (Bruxelles)
M. Daniel Janssen (La Hulpe)
M. Nicolas Janssen (La Hulpe)
JDT Consult SPRL (Bruxelles)
Mme Huguette Joly (Bruxelles)
M. et Mme Jean-Louis Joris (Bruxelles)
M. Paul Keymolen (Waterloo)
Mme Emilie Kleiren (Silly)
M. André Koeckelenbergh (Rognée)
M. Louis Kovari (Bruxelles)
M. Jean-Claude Laes (Bruxelles)
M. et Mme J.-P. Langhendries-Destexhe (Soignies)
M. Gregory Lewkowicz (Bruxelles)
Mlle Eloise Lagrenee (Bruxelles)
M. et Mme Lamant Debiesme (Wiers)
M. et Mme Lambros Couloubaritsis Tselentis (Bruxelles)
M. Alain Laudet (Namur)
174
M. Alex Lefebvre (Bruxelles)
Mme Maggy Lemaire Gibon (Bruxelles)
Mme Jeanne Lemoine (Rotheux-Rimière)
M. Cedric Libert (Bruxelles)
M. Silvain Loccufier (Hekelgem)
Mme Isabelle Loeb (Woluwe-Saint-Étienne)
Mme Micheline Loijens (Bruxelles)
Mme Chantal Leitz (Saint-Hubert)
M. et Mme Paul Mahieu Bottemanne (Bruxelles)
Mme Anne Marchal (Bruxelles)
Mme Huguette Marien (Bruxelles)
M. Luc Massaer (Bruxelles)
M. Thierry Massart (Bruxelles)
Mme Carole Masson (Bruxelles)
M. Pierre Mathieu (Spy)
Medi-Grippelotte (Sambreville)
Medigal SA (Acoz)
Mme Benedicte Meekers (Bruxelles)
Mme Andrée Meyer (Bruxelles)
M. et Mme Minne-Breulet (Genval)
M. John Moedbeck (Drogenbos)
M. Fernand Moeykens (Knokke-Heist)
M. et Mme Claude Monnier Pierard (Chastre)
Mme Carmen Moriame (Bruxelles)
Mme Michèle Nahum Hasquin (Bruxelles)
M. Denis Nanga Na Kayika (Rhode-Saint-Genèse)
M. Jonathan Nayigiziki (Lincent)
Docteur Pierre Nokerman (Bruxelles)
M. Pierre Papleux (Ath)
M. Guy Patris-Moreau (Gembloux)
M. et Mme Penneman Vanhaverbeke (Machelen)
M. Christian Peeters (Bruxelles)
People and Places (Bruxelles)
Mlle C. Pierard (Mons)
M. Pierre Pierart (Bruxelles)
M. et Mme Poblete Garces-Poblete Gal (Liège)
M. Roland Pochet (Bruxelles)
M. Karel Poma (Wilrijk)
M. Roland Potvliege (Bruxelles)
ULB DHC 175e
M. Georges Preseau (Bruxelles)
M. et Mme J. Puissant Gubin (Bruxelles)
M. Georges Reichenberg (Bruxelles)
M. Michel Roeykens (Bruxelles)
Docteur Alexandre K. Samii (Knokke)
Sanofi-Aventis Belgium SA (Diegem)
M. Jean Sauwen (Bruxelles)
M. Yves Schlesser (Luxembourg)
M. Serge Schiffmann (Bruxelles)
M. S chnek (Bruxelles)
M. Jean Paul Sculier (Bruxelles)
M. Jean Spreutels (Bruxelles)
M. et Mme V. Stiennon Gourni (Mont-Sainte-Aldegonde)
M. A. Swinnen (Nieuwerkerken)
M. P. Thery (Virginal-Samme)
M. J.-M. Thomas (Bruxelles)
Mme Françoise Thys-Clément (Bruxelles)
M. Raymond Tilte (Couillet)
M. et Mme Robert et Nicole Tollet-Orban (Bruxelles)
M. Emmanuel Toussaint (Bruxelles)
Mme Samantha Turner (Bruxelles)
Mme Anne Vandecauter (Neder-Over-Heembeek)
M. Eric Vanderbeck (Bruxelles)
M. Frederic Vander Sande (Bruxelles)
M. Henri Van Dierdonck (Courtrai)
Mme Marie-Antoinette Van Durme (Bruxelles)
Docteur Michel Vanhaeverbeek (Montigny)
Mme Régine Van Hentenryk (Bruxelles)
Mme R. Vercauteren Drubbel (Bruxelles)
Mme Monique Verdoodt (Bruxelles)
M. Philippe Vincke (Marcq)
M. Marcel Voisin (Mons)
M. et Mme Bernard Vray Dedister (Bruxelles)
M. et Mme M. et D. Wajs-Waks (Bruxelles)
Mlle Edith Weemaels (Bruxelles)
M. et Mme John Werenne Dekens (Grez-Doiceau)
XLAND SPRL (Bruxelles)
SPRL Xland (Woluwe-Saint-Pierre)
Annexes
175