DU BtrLLAY

Transcription

DU BtrLLAY
DU
Le* anndes
de- fonnation
"
lliZi,tSieS
BtrLLAY
D'une famille d6jt celEbre par ses hommes de guerre
et ses diplomates, JoacHrlr ou Brrr.ev est n€ en ,S2z au
chateau de la Turnelilre, non loin de Lird, en Anjou'
r. UNE JEUNESSE c DANS LES TENDBRES r (r5zz-r547).
Maladif, orphelin de
boane heure, n6glig6 par son tuteur, il passa dans le manoir paternel, au cooiact de la
nature, urre mJanee /&)cuse et milancolique, saas grande activit€ int-ellectuelle. Il r€vait de
s'illustrer dans la carriire des.aTmes, sous l'€gide de son cousin Gurrr.euun nr LaNorv,
gouverneurdu Pi6mont; mais-la. mort de ce parert (1543) rrrina ses projets, Du Bellay
se tourna irlors vers l'dtat ecclhiastique, cornptant sur le crcdit d'ur autre cousin, l;
cardinal Jrar-r ou Brr-rav, 6.v€que de ?aris et diplomate c6llbre. pour se prdparer i
servir le cardinal, Du Bellay alla 6tudier le droit I Ia Facult6 de poitiers, vers 1545.
A Poitiers, il apprit le latin, connut l'6rudir MuRET, le polte n6o-latin serlroN lVlacnrN
qt PEr,ETrEn Du MANs, qui devait avoir tant d'influence sur les id6os de Ia pl6iade (p. sr).
c'est A Poitiers que Du Bellay r6digea ses premibres podries latines et frangcises. on a vu
l]r5 haul (q. 9r) comment, i la_fin de 1547, il suivit Ronsard i Parii pour y m€ner, au
Colllge de CoEu*et, une vie studieuse et consacr6e aux Muses,
2. LE COLLDCE pn COQUERET (r54?-r5+s). Du Bellay s,associe avec ard.eur I
l'6tude des anciens, sous la conduite de Doxar. En retard pour Ie grec sur Ronsard et
Baif, il est surtout nourri de culture latine.' moins engag6 dans t'hell6nisme que Ronsard,
il conservera mieux son originalit6 et sera plus proche de latradition national6. A ioqr"r"t,
Du Fellay,appitl'italier.-et 6crivit_les sorrn,ets lritralquistes del'Oliae. euandla n Brigade i
voulut publier son,manifeste podtique, elle en confia Ie soin ir Du Brr,rav, peut-€tr; plus
hardi que-Ronsard-et prot6g6 du cardinal alors tout puissant i Rome. Eo m6me teinps
quela D-Cfense et lllustratiott (1549), il publiait asssil'Olic)e et un recueil d.e T/*s lyriqies
surtgyl inspirds d'Horacc..Quelques mois plus tard (nov. 1549), devenu polte colrrtisan
en ddpit des id6es &e la Ddfmse, il d€diait tn Rzcueil de Poisie a Ia princesie MaRcurnlrr,
seur du roi Henri II.
3. TROIS ANNEES DE SOUFFRANCES (r55o-r552). De sant6 d6ja
d6[cate,
surmen6 par cette production fidvreuse, Du Bellay tomba malade et resta plus de deux
aos sur soo lit de douleur. C'est alors qu'il ressentit les premilres atteintes de la surditi.
Pgur_oublier son 11a1, il lisait les auteurs grecs et latins et cultivait la podsie (ze idition
4
!-9h:, r55o). En 1552,- il publiait une traduction libre, en ddcasyla6es, dt IVe livre
de l'Eniide (Apisode de-D(on), suivie des rnoentions, recueil de pilcls plus personnelles,
cofirme la Complainte du Dcsespiri, otr il €voque avec un r€alismi poignant ia d€ch6anci
physique: il n'a pas encore treate ans !
Mes os, mes nerfs et mes veinesr
Avancent de ma vieillesse
Tdmoins secrets de mes peines,
Le triste hiver, qui me blesse
Et mille soucis cuisants,
I)evant l'6td de mes ans.
Les soufirances et les soucis avaient dEs lors arrach6 i Du Brr,rev. qui iusoue Il n,avait
vdcu que dans ses livres, des cris sinclres et persorrflels. La douloureusi urr.ot.rr" de Rome
le mettra ddfinitivement en possession de soa vdritable gdnie.
fiU BELLAY
Du Bellay
d Rotne
e7
Le cardinal JBAN DU Btrray que nous avons vu (p.
36)
ambassadeur ir Rome en 153.1, au temps otr
Rabelais €Lii
)
(I 5 5 3 _ 1 s 5 7
;:1. T:"1.ii";.j*: ;:,
.i";i._lir1."
rlgne d'Henri II; mais en 1553, re roi en guerre_contre csanlrs
eurNr eut recours i
lui.pour ndgocier avec te pape Jur-rs III. G cardinal
son cousin
et I'emmena i Rome en'awil r553.
""";;;;i;i;;;;",
i*tT;
h:*;
t' HUMANISME. L'dlEve de Dorat r6alisait son raxe d'humaniste.. il a pu contempler
les vestiges.de la majestd romaine, imaginer les sclnes
mill6naire
et plrilosopher sur.la grandeur et la ddcidence des empires
""r1q"""'i."""r.",
"i0."
i J"-i r" *ria r'J
des Antiaitis
par airleurs, il a fr6quentd tout un aro"i"
de Rome.
a'humun^;';;;;;" qui s,exer_
- roumer res tets lalizs. oubrian,
gaient ir bien
piii"i*;"" ;;';;;i*r", il 6crivit
""ior*i".
i son tour des podsies ratines (porruara), dldgies,
6pigrarnmes, amours et iombeaux, qui
sont parfois la premilre dbauche de ses polme-s fiangal. Ies pi*;;;;;;"
i"i. p. ,ra;. su.
la fin de son sdjour, il a chanrd en vers iatins, i h m;niEr;j;
dri"ii",
.r\,i.r.nte
passion
pour une ieune Romaine que nous connaissons sous res
;" F;;;;il;;;;.
cor-unsa.
2. AX'IERES DECEPTIONS. Du Bellay avait cru ""*"
que Ie voyage en Italie lui ouvrait
enfin une brillante carriEre diplomatique. Investi d,une mission a"'""'"nr""",
1 fut pourtant
degu dans ses plus chBres ambitions, et les Regrets
r""
al'ror,
-parais,
n
a) Le minage,. Le cardinar.menait grandtrain"""r
"..rna"""iJ
"-".,r*".
dans ;;;;;h;;
peupld
de pages, de laquais, de cuisiniers, de iecr€taires ., a"
J""iurn'.*rilJ,"pt,r,
de cent
personnes i nourrir chaquejour. Du Beilav avait ra
r.i;;;
rdglait la ddpense et n6gociait avec les bonqii"rr, car son
"h^;g;;;;;;;';iiit,'",r"t
cousin devsit faire faee i une
meure de crianciers. occupations ingrates it
rp. iirip.", ilire polte qui
protestait : < Je suis ni pour la Mase, on me fait"rrnuy"u"""
mesnagen isonnui iol.
...b)
!-" .nostalg'ie. Trls vite, il a soufrerr du mar gu'p"yr.'n-'iJgr#i t,i'aep"raarce et
l'inspiration d'autrefois (cf. p.. rro), ra cour
ra fau"rr-d,r;.;
r*i, r"- amis qui
"t roy". ot t,o-., (?f.;:
s'ill',strent dans Ia podsie-(cf. p..trz), l,humble
ii i*r)i'L.reils
(s. 3.8). surtout
patries
:
d. soit
pleure 1es horizons'd, pry" r"tul,
ses deux
""r."uii'alr,"
""""r{irr,
La France et mon Anjou dont k disir me point (s. 2S).
il
Bien des fois il eut ce d6sir,. trls violent, de retourner en France : toujours c
la flatteuse
) le retenait auprls de son maitreet de quelques ;*[;[;;;i-,f
i.ri
1cf. p. r rz)
comme lui prisonniers d'un incommensurable ennui.
e\ Les meurs romaines. Le spectacle qu'il avait sous- Ies_ yeux accrut encore
son d6go0t
de I'exil er stimula Ea z)eroe satitique. Quelre amlre d€.i1il;i";-;;;;
i,riLl
n les vrais Romains r qu'i travers virgire it pdtrarque
j.;i"]i"r"'".,
l Lr;;iti;
"or.uir*it
consacr6e
d nous peindre les distractions de ri sociit6 romaine uet". J"-".*ii.ui'; ""o,,,uut"
a"
taureaux), et_surtout |htp2cr.y1ig (cf. p. rr5), r'atnbition ("f. p. -rr;r;'i;.1ipitra".
d" to
ville des cardinaux. euand il fut renrroyden France, ce fut un
J.'t.io-ph"
d'espoir.
"Lu.rt
"t
esp6rance
Retour en France
(1557-1560)
pair, (s. r38) et do"",dilt
De son voyage de retour, il a laissd querques esquisses
.
pittoreeques, notamment sur les Suisses, t"r-i" .ipuitt".
:3PJ, i:l"il:"Jj:is
DEs "h:?'*fl#;i1?t*::,j:;
CHEFS-D'(EUVRE. D6sireux d" tep."rrir"
r' PUBLICATTON
publia-en 1558 les ceuvres de l,eiil:
f:j-.Ul:res Regrets,
IiT-1':,,D-uBrr-r-ev
Kome,
ree poemata et res Jeux Rustiques. En 1559, il
Poite Coartisaa, 6crite en France.
poErE,
sa place
"i
tans
parmi
tes-Zztiquitis
de
donnait ia satire du
z' DU BELLAY
DE couR. E_n d6pit de ses attaques contre les poltes
courtisans, une cinquantaine.de^sonnets des Regreis,-6c.it ,prl"
]J"".Jilu.,",e-oigrr"rr,
de son dds.ir de s'imposer i_la
hommagis a H"rrriii;;;;;Iffi;
satire des
!o1y:
courtisans-trlpocrites, dont Du Beilay se refusiit i imiter dl;;.*
A la mort
tragique d'Henri II (juitlet 1559), tout est i recommencer: pour 6:;]
a*irer l,attention de
rvt" srtcr.r
frU XELLAY
?B
II, ieune monarque de 15 ans, Du
Bellay 6crit un Ample Discouts au Roi sut
duroyaume de Fyamce (1559), ceuvre admirable de fermet6' Il fut
inicrit sur la liste des pensions mais ne devait gulre en b6n6ficier.
3. DERNIERES EPRBUVES. Dls son retour en France, Du Bellay fut aux prises
avic de graaes mnuis domcstiques (p. 116)' Avait-on, comme ii semble le dire, ( mangd
son bien , pendant son absence ? En tout cas, en juillet 1559, il se ddbattait encore ( pour
la conservation de sa maison r. Chargd de ddfendre les int6r6ts du cardinal, il eut des
ddm6l6s avec ses autres pafents, et il semble que la satire impitoyable des Regrels lui
attira m€me les foudres de son protecteur.
Repris par sa surditi, qui s'6tait att6nude en Italie, il ne pouvait plus guEre comrrruniquir qui par dcrit. Ainsi, tracassd, d€couragi, vieilli avant l'ige, il mourut d'apoplexie,
en 6crivant de" .,*r", dans Ia nuit du rer janvier 156o, ir 1'0ge de 37 ans'
Iirangois
tefait d* quatre;tats
L'ALIVE
En m€me temps que la Ddfense et lllastratiot (rs+g), Du Bellay publiait l'Oliz:,e,
recueil de 50 sonnets, dont le nombre fut port6 ir rr5 dans la seconde ddition (r55o).
r. L'INSPIRATRICE : Ce titre 6tait-il l'anagramme de Mlle Vior-e, dont l'oncle
fut, ptus tafd, 6veque de Pads ? Ddsignait-il u1e d91 trois parentes_ de Du Bellay
q.ri oot port6 le pr6nom d'Olizte 7 La chose, mal 6lucid6e,. n'1 99619 d'importance, car
ii s'asit visiblemint d'une passion toute litt6raire oir la sincdrit€ des sentiments tient
p"'., i" place : Du Bellay chante une maitresse idiale, en s'inspirant, jusqu'ir les
iraduire p...qr" littdralement, de P€trarque et des pobtes de son dcole.
z. LE PETRARQUISME : Dans ses ,Sozzels et ses Canzones, P6rtetque (r3o4474) a chant6 son amour pour Launn ar Novrs, amour sincBre et douloureux--qui
*,eip.ime sous une forme ingenieuse et parfois artificielk. Chez ses imitateurs italiens
(Bnnno et son 6cole), c'est ii gui rivalisera de eubtilit6 pr6cieuse et factice. S6duit
par i'6clat de cette litt6rature, Du Bellay donne i son tour dans les raffinements du
L6trarouisme. Faut-il chanter les beautds de sa dame ? e'est une suite de comparaisons
ar". les m{taux prdcieux, les astres et les divinitds. Elle a pris < soz teint dcs beaux
lis blanchi.ssants, Son chef de l'or, ses deux liores des roses, Et du soleil ses yeux
resplendissants. y Faut-il traduire I'ardente passion du polte ? Il est blessd par une
fliihe meurtrilre ; il est prisonnier (p. Sq) ; il n'y a pas, dans toute la mythologie, de
victimes plus tortur6es que cet amant 6ternellement fidlle ! Soufrrances physiques,
tourmelts moraux, torrents de larmes, appels i la mort ne l'emp€chent d'ailleurs ni
de chdrir celle qui le torture ni d'6tre heureux de sa servitude, Dans ces II5 sonoets
c'est un d6fi16 vite fastidieux de figures de rhitorique.' all€gories, p6riphrases,
hyperboles, atltithlses, jeux de mots et m6taphores le plus souvent incoh6rentes. La
*"illerr" critique de cette po6sie conventionnelle a dt6 faite par Du B41aY lui-m$me
joli pobme satirique Contre les Piftarquistes (p' ror).
3. IDEALISME PLATONICIEN ET INSPIRATION CHRETIENNE: CEttC
ceuvre artificielle repose sur une conception nouvelle de I'amout et de la beauti, {,cho
lointain du philosophe grec Pr-eroN, qui avait d6jh inspird les poEtes de I'Ecole
Lyonnaise (Hrinoh, Meunrcr Sctw, cf. p. 3!). Du Brlr-av a formul€ avec noblesse
citte id6e que I'amour pour la beaut6 terrestle taduit i'aspiration sublime de f ime,
prisonniEre ici-bas, vers la beauti diaine et idiale -(p. roo). A l'id6e _d'un amour
purement physique se substitue celle d'un amour chaste et pur, d':';n €lan vers la
Leaut6 et la'peifection, et par le cette ceuvre occupe une place importante dans
I'histoire de notre po6sie. Enfin, dans quelques sonnets qui terminent le recueil, i
f id6alisme platonicien vient se m€ler la Joi chrdtienne.' ces el6vations religieuses
dans son
traduisent une 6motion plus profonde et plus touchante que la subtilit6 des pobmes
d'amour.