Comment les fortunes de demain sont en train de se construire

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Comment les fortunes de demain sont en train de se construire
Publié le 4 janvier 2014
Dollars, euros ou yuans ?
Comment les fortunes de demain sont en train de se construire
Les plus riches sont toujours plus riches, et les milliardaires de plus en plus nombreux
Les très riches ne connaissent pas la crise : d'après le classement annuel de l'agence Bloomberg, les 300
plus grandes fortunes du monde se sont accrues de 15 % en moyenne en 2013, et 109 personnes viennent
de rejoindre le cercle plus si fermé que ça des milliardaires.
Avec Nathalie Cariou
Nathalie Cariou est consultante en intelligence financière. Elle accompagne les particuliers et les
professionnels dans leur relation à l’argent et sur le chemin de leur indépendance, financière ou
professionnelle. Elle est l’auteur de deux livres : Prenez la responsabilité de vos finances et Oser devenir rich
e, aux Editions Jouvence, et depuis 2009, elle dirige la société qu’elle a créée : les Clefs de la Réussite.
Conceptrice d’un programme en ligne pour apprendre la liberté financière et organisatrice des Rendez-vous de
l’indépendance financière , elle intervient régulièrement en conférences et dans les média en tant que coach
financier. Vous pouvez retrouver ses tribunes sur l’argent et la liberté financière sur
son site : www.clefsdelareussite.fr
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Atlantico : Comme chaque année, l'agence Bloomberg dresse le classement
des plus grandes fortunes mondiales. Le 2 janvier 2014, Bloomberg déclare
que les riches sont toujours plus riches en 2013 : la fortune des 300
personnes les plus riches du monde s’est accrue de 15 % en moyenne. Que
faut-il conclure d'une pareille information ? Quelles sont les grandes
tendances de ce classement 2013 ?
Nathalie Cariou : L’année 2013 a été une belle année pour les placements financiers et immobiliers... et par
conséquent pour les plus grandes fortunes mondiales, dont la richesse est principalement liée aux valorisations
boursières.
Je vous rappelle que les riches sont riches parce qu’ils possèdent des sociétés - ou des parts de sociétés qu’ils ont créées ou dont ils ont hérité. Lorsque ces dernières voient leur valeur en bourse augmenter, la fortune
des plus fortunés augmente en proportion de leurs parts. Or, 2013 a vu les bourses occidentales augmenter de 17
% (Europe) à 30 % (USA).
Normal, donc, que les riches soient de plus en plus riches ! Surtout si l’on rajoute la part de leur fortune
investie directement ou indirectement dans l’immobilier, qui lui aussi s’est bien porté en 2013 – aux EtatsUnis notamment.
Sauf crise ou circonstances exceptionnelles, je peux même m’avancer à dire qu’ils seront encore plus riches en
2014 !
Cette année, Bloomberg annonce avoir recensé 109 nouveaux milliardaires,
parmi lesquels Lynsi Torres, héritière de In-N-Out Burger. A quel profil
répondent ces nouveaux riches ? De quel secteur proviennent-ils ? Peut-on
encore aujourd'hui intégrer ce classement sans être fils ou fille de ?
Que faut-il pour être millionnaire ? Une (très) bonne idée dans un secteur porteur et quelques années de travail
acharné.
Pour être milliardaire, en revanche, vous avez trois options :
Une encore meilleure idée que celle qui vous permet d'être millionnaire ! S’il y a encore quelques
belles affaires à construire dans les nouvelles technologies, ou le secteur des loisirs (allant de l’hôtellerierestauration aux centres commerciaux en passant par les casinos), l’inconvénient, c’est que le jackpot ne
se touche qu’à l’arrivée ! Impossible de savoir d’avance si votre idée brillante rencontrera le succès
qui fera de vous un milliardaire !
Des circonstances particulièrement favorables, de celles qui expliquent l’apparition en quelques
années de milliardaires russes, mexicains ou chinois qui ont profité de vente d’actifs soldés par leurs
gouvernement respectifs, ou de conditions de marché exceptionnellement avantageuses;
Un peu plus de temps. Temps qui peut être réparti sur une ou plusieurs générations. La deuxième
génération consolidera ce que la première a entrepris... et obtiendra le statut de milliardaire qui avait
manqué à la première !
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S’il n’est pas nécessaire d’être héritier (ou héritière) pour être milliardaire, il est néanmoins évident que cela
facilite les choses. En 2014 comme au XXème !
Alors que les équilibres économiques sont en pleine recomposition, le profil
des "super-riches" semble lui aussi changer avec les mécaniques la
mondialisation. A quoi les grandes fortunes de demain pourront-elles
ressembler ?
Nathalie Cariou : L’idée d’un écart croissant entre la situation financière des riches et celle des pauvres dérange
et elle est d’ailleurs régulièrement pointée du doigt. En un mot, toutes les études montrent que les riches sont
de plus en plus riches ; et les pauvres de plus en plus pauvres. Les phénomènes de régulation de la richesse
mondiale, qui ont existé au cours de l’histoire, sont en voie de disparition.
Qu’est-ce qui limitait, au fond, la richesse des riches ?
Les guerres – moins nombreuses ou moins coûteuses aujourd’hui ;
Les crises – que la mondialisation amortit considérablement pour ceux qui ont les moyens de diversifier
leurs investissements ;
Les persécutions et autres spoliations – nettement moins "à la mode" sous des gouvernances
démocratiques.
Les "super-riches" pourraient donc devenir "super-super-riches", et s’installer sous les cieux d’économies plus
porteuses que nos économies occidentales. Attendons-nous à voir apparaître des milliardaires afghans,
iraniens, irakiens ou pakistanais. Difficile à imaginer aujourd’hui dans ces pays dont l’instabilité politique est
grande ... mais qui feront l’économie mondiale de demain !
Les années 1990 et 2000 ont été marquées par les fortunes du Web (Brin et
Page, Jeff Bezos, Marc Zuckerberg...). Dans quels secteurs les prochains
entrepreneurs à succès pourraient-ils s'émanciper ?
Il y a entrepreneur et entreprise ! Pour qu’un entrepreneur "apparaisse" sur le devant de la scène, il faut qu’il
puisse "naître en partant de rien". Qu’il puisse développer son activité sans – presque – d’investissement de
départ. Cela élimine des secteurs pourtant porteurs mais réservés, compte tenu des investissements nécessaires
pour réussir, à des entreprises déjà installées : l’énergie et les matières premières par exemple. Nul doute qu’il
s’agisse là d’un des secteurs porteurs de demain...
Mais comment imaginer qu’un "entrepreneur" puisse y avoir sa place ?
En toute logique, nos futurs entrepreneurs milliardaires devraient donc s’émanciper dans des secteurs
moins demandeurs de capitaux. Les nouvelles technologies (NTIC pour les intimes) ne sont certainement
pas mortes... et nous pourrions parier sur l’apparition d’un prochain "roi de l’internet ou des communications"
dont le développement sera particulièrement impactant sur notre vie quotidienne. Œuvrera-t-il sur le web ou dans
les communications (plutôt sans fil et à distance) ? Sera-t-il le maître des robots ou des équipements intelligents ?
L’avenir (proche) devrait nous le dire ! Le progrès va vite et on peut s’attendre à ce que ce (ou ces) milliardaire(s)
surgisse(nt) d’ici 10 ans à peine !
Mais je rajouterais deux autres profils à ce palmarès des milliardaires de demain :
Un dans les sciences médicales... car il s’agit à n’en pas douter d’un secteur à très haut potentiel
économique.
Et un dans les loisirs... jeux en ligne ? nouveaux parcs à thème ? voyages dans l’espace ?
La planète entière est en recherche de nouveaux plaisirs, servant de dérivatif à un avenir parfois sombre, en tout
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cas incertain. Celui qui trouvera l’idée mondialement séduisante remportera le jackpot en la matière.
Sur les 1426 milliardaires que comptent la planète, 138 sont des femmes.
Observe-t-on une tendance à la hausse en la matière ?
Globalement, le nombre de femmes milliardaires devrait augmenter. Lentement mais sûrement. N’oublions pas
que les fortunes se font le plus souvent au fil du temps, sur plusieurs générations, dans une logique familiale. Dans
ce contexte, pour qu’une femme devienne "tête de pont", il faut qu’elle faut soit héritière, de son mari (notre
Liliane Bettencourt nationale) ou de son père ; soit qu’elle soit amenée à reprendre la gestion du groupe familial.
Qui jusqu’à présent était davantage réservée à la gent masculine.
Résurgence de siècles d’invisibilité juridique de la femme ou manque d’intérêt des femmes pour le pouvoir, les
matières techniques (la finance en est une), la richesse dépourvue de sens ? Autant de raisons qui ne devraient
pas aller dans le sens d’une expansion rapide du nombre des femmes milliardaires !
On moque souvent l'émergence de milliardaires "self made-man"
considérés comme vulgaires et sous-éduqués. Peut-on dire que les
nouvelles grandes fortunes n'ont plus le même profil sociologique que
celles qui les ont précédé ?
Les qualités nécessaires pour faire fortune ne sont pas de celles que l’on découvre dans les livres ou au détour
d’une "bonne éducation" : avoir la capacité de passer à l’action et de prendre des risques, en passant par-dessus
la peur ; être en prise directe sur le concret, pour détecter les tendances, monter un projet convainquant, savoir
parler à ses clients et partenaires ; développer ses réseaux, car on réussit rarement seul...
Faut-il être éduqué pour réussir ? Non, au vu de ce que je viens d’expliquer. Faut-il ne pas l’être ? Non
plus ! Car la culture nourrit l’âme autant que la richesse nourrit le compte en banque. Il se trouve qu’à une
époque où l’élévation sociale passait par l’éducation, nous avions tout à gagner à être "le mieux éduqué
possible". De nos jours, l’élévation sociale est sûrement plus variée et ne passe plus exclusivement par la culture
et l’éducation. Certains milliardaires (mais aussi des personnes qui sont bien loin de l’être !) auront sûrement
sacrifié en cours de route la bonne éducation et le plaisir de l’érudition sur l’hôtel de l’argent !
L'âge moyen des milliardaires russes et chinois est de 49/50 ans tandis qu'il
est de 66 aux Etats-Unis et de 74 en France. Le "super-riche" de demain
sera-t-il plus jeune pour autant ?
Ceux qui devaient hériter l’ont probablement déjà fait ! Les effets de la succession sont en effet l’une des
principales raisons qui expliquent que les milliardaires français ont 74 ans en moyenne, quand les milliardaires
chinois ou russes en ont 50. Les uns profitent d’une fortune construite depuis quelques générations, et
probablement débutée au milieu du 19ème siècle ; les autres ont eu moins de temps pour "grandir". Ils ont
pris les raccourcis de l'entrepreneuriat et ont donc accédé plus tôt à l’ultra-richesse.
Je ne suis pas certaine que le "super-riche" de demain aura nettement moins de 50 ans (en moyenne, car il y a
bien sûr des exceptions) mais il ne devrait pas être beaucoup plus vieux non plus. Une fortune de plusieurs
milliards demande quand même quelques années pour être bâtie et consolidée ! Comptez 10 ans pour être à la
tête de plusieurs millions et 20 ou 30 ans pour être l’heureux propriétaire de plusieurs milliards.
A condition de vous y mettre, d’avoir l’état d’esprit qu’il faut, d’avoir l’idée qu’il va bien... ce qui n’est pas
donné à tous. Mais le temps moderne, aidé par l’effet de levier de la mondialisation et des nouvelles technologies,
va de plus en plus vite... et le temps nécessaire à la constitution des grandes fortunes accompagne le mouvement.
Plus de 90% des grandes fortunes sont citoyennes de leurs pays de
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résidence. Les nouveaux-riches ne garderont-ils pas finalement un ancrage
très local en dépit de la mondialisation ?
Qu’est-ce que la mondialisation au fond ? Un levier d’enrichissement et un outil de diversification dont les riches
se servent fort bien. Mais c’est aussi la capacité de communiquer avec l’autre bout de la planète : la possibilité de
recevoir des informations d’un peu partout dans le monde sans bouger de chez soi. Ce dont les riches se servent
également très bien. Inutile, aujourd’hui moins qu’hier et encore moins que demain, de se déplacer pour
connaître le mode de vie (qui plus est de moins en moins différencié) ou les besoins de tel ou tel coin de la
planète.
Et quand un déplacement est nécessaire, l’aller-retour Paris-New york prendra un à deux jours tout au plus.
Dans ces conditions, pourquoi un riche quitterait-il sa famille, ses attaches, sa culture pour aller s’installer dans un
autre pays, quand il peut s’y transporter pour un court ou un long séjour en quelques heures d’avion à
peine ? Certains répondront : pour des raisons fiscales... Certes ! Mais peut-être pour moins de monde qu’on veut
bien le croire. D’autant que si le riche tient, sûrement comme vous et moi, à son sol natal, ses entreprises,
elles, ne connaissent pas de frontières.
Cet article est une réactualisation de l'interview publiée le 19 octobre 2013 : Qui seront les riches de demain
?
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