Synthèse du Groupe de discussion sur les jeunes et le phénomène

Transcription

Synthèse du Groupe de discussion sur les jeunes et le phénomène
SYNTHÈSE
GROUPE DE DISCUSSION SUR
LES JEUNES ET LE PHÉNOMÈNE DES GANGS
RÉGION DU BAS-SAINT-LAURENT
RIVIÈRE-DU-LOUP, LE 9 OCTOBRE 2002
Étaient présents à la rencontre :
Danielle Nadeau, agente de coordination en SWJ pour le KRBT;
Réal Rioux, surveillant d’élèves, École secondaire Rivière-du-Loup;
Jean-Paul Émond, CLSC Rivières et Marées, Rivière-du-Loup;
Édith Samson, Fédération des comités de parents du Québec;
Nancy Dionne, travailleuse de rue, Tandem Jeunesse dans les environs de La Pocatière et de
Kamouraska;
Roch Rousseau, Corporation L’Entre-Jeunes de Rivière-du-Loup;
Benoit Ouellet, Service de loisirs, Ville de Rivière-du-Loup;
Jean-Guy Fernandes, travail de rue;
Serge Binette, Maison de jeunes;
Lise Pelletier, coordonnatrice de projet CLSC Rivières et Marées;
René Dumont, Régie régionale de la santé et des services sociaux 01;
Michel Tardif, agent de la Sûreté du Québec MRC de Rivière-du-Loup;
Louise Lapointe, centres jeunesse, services jeunes contrevenants;
Lucie Desjardins, CLSC Rivières et Marées, infirmière, École secondaire de Rivière-du-Loup;
Benoit Lévesque, responsable de la rencontre, Sûreté municipale de Rivière-du-Loup.
Le canevas
À l’occasion de cette rencontre, trois questions ont été posées au groupe :
1- Quelles sont les manifestations du phénomène des gangs dans votre région?
2- Quelle est l’ampleur du phénomène dans votre région?
3- Quelles sont les actions mises en place ou envisagées pour contrer le phénomène, qu’elles
aient été concluantes ou non?
Note
La synthèse présentée ici respecte ce canevas. Nous n’avons pu rapporter les propos de chacun dans leur
intégralité. Nous avons plutôt opté pour une synthèse des grandes idées véhiculées lors de la rencontre.
Si vous considérez que certains renseignements importants apportés lors des discussions manquent, ou
que certains propos ne correspondent pas à ce que vous avez mentionné à cette occasion, nous vous
invitons à nous en aviser pour que nous corrigions la situation. De même, si vous pensez que des
informations qui n’auraient pas été évoquées à ce moment méritent d’être signalées, nous vous prions de
nous en faire part.
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La synthèse
1- Quelles sont les manifestations du phénomène des gangs dans votre région?
Les rassemblements : une normalité
Les participants à la rencontre signalent, avant toute chose, qu’il est normal pour les jeunes de se
rassembler. Ceux-ci se regroupent selon leurs intérêts, leurs goûts, leurs habiletés. Ils font ainsi partie
d’un club de sport, d’un groupe de musique ou de tout autre type de groupe. Selon les participants, si les
jeunes ne font pas partie d’un groupe, il est fort probable qu’ils se sentent seuls, à part des autres. Les
participants mentionnent que les jeunes qui font des choses en gang, parfois même de la petite
délinquance ne deviendront pas nécessairement des criminels et que ce phénomène fait partie de la
socialisation.
Quand les rassemblements deviennent dérangeants : les manifestations du phénomène
Bien que les participants considèrent les rassemblements de jeunes comme étant un phénomène normal à
l’adolescence, ils signalent néanmoins que ces rassemblements débordent fréquemment le cadre
d’activités communes et deviennent le lieu d’actes de délinquance.
Sur la question des gangs, les avis diffèrent légèrement même si on s’entend pour dire que le phénomène
serait plus ou moins bien implanté. Toutefois, si certains parlent de rassemblements de jeunes ou de
quasi-gangs, d’autres évoquent à la présence de groupes un peu plus structurés, notamment autour de la
consommation et du trafic de drogue.
Les rassemblements, regroupant surtout des garçons de 15 à 20 ans, se formeraient dans un lieu donné,
sans réelle structure de fonctionnement et sans que des activités particulières puissent leur être
associées. Ces rassemblements gêneraient quelque peu la population de la région, mais sans plus.
De l’avis des participants au groupe de discussion de la région du Bas-Saint-Laurent, ces rassemblements
regroupent ordinairement une majorité de bons jeunes. Toutefois, il arrive que certains, plus délinquants,
entraînent les autres. Ainsi, selon les participants, « les mauvais jeunes corrompent les bons jeunes ».
Plus précisément, on note que les plus vieux, souvent plus délinquants, peuvent devenir des modèles
pour les plus jeunes. Enfin, on signale que certains jeunes peuvent avoir un comportement tout à fait
adéquat lorsqu’ils se trouvent seuls mais deviennent antisociaux lorsqu’ils se retrouvent en gang.
Un autre type de rassemblement, un peu plus organisé et un peu plus dérangeant, concerne des jeunes
qui se regroupent dans les endroits publics pour consommer de la drogue. Il se crée ainsi des
groupements spontanés dans les parcs. Lorsque plusieurs « grappes » de jeunes se trouvent au même
endroit, des affrontements entre petits groupes peuvent surgir. Certains auraient même tenté d’imiter le
film Fight Club où, lors de combats « organisés », des jeunes se battaient les uns contre les autres.
Habituellement, l’intervention policière suffit pour mettre fin à l’événement et disperser la foule.
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Enfin, des groupes plus organisés s’occupent plus spécialement de la vente de drogues. De plus gros
trafiquants, de petits revendeurs et des acheteurs communiquent au moyen de téléavertisseurs et de
cellulaires. Comme les revendeurs sont bien connus des jeunes, l’accès à la drogue est très facile.
Aux dires des participants, les rassemblements, quels qu’ils soient, servent de porte d’entrée à la drogue.
Ils favorisent en effet la circulation des stupéfiants. À cet égard, les parcs de planche à roulettes, les
cours d’école le soir, les parcs ou autres endroits où se rassemblent les jeunes constituent des lieux de
prédilection pour le trafic de drogues.
Finalement, les intervenants indiquent assister, depuis les dernières années, à l’émergence d’un groupe
beaucoup plus organisé que les autres, se faisant appeler les 4-39. Les membres de ce groupe vendent
de la drogue, font du vandalisme et commettent des vols de voitures. Ils jouiraient de la protection de
groupes plus organisés et criminels.
Un phénomène particulier
Selon la perception des intervenants présents à la rencontre, la délinquance juvénile se serait déplacée
ou transformée. Ainsi, les jeunes se rassembleraient pour faire la fête et consommer de la drogue dans
des appartements loués ou prêtés à cet effet. Le phénomène se constate dans différentes villes et
paroisses de la région. Ce mode de fonctionnement permet aux jeunes d’échapper à la surveillance des
parents et des autorités policières.
2- Quelle est l’ampleur du phénomène dans votre région?
Les intervenants ont observé que les jeunes sont généralement plus précoces. En conséquence, ils
s’adonnent à la consommation de drogues et commettent des actes de délinquance à un âge de plus en
plus jeune. Parallèlement, la société serait plus permissive qu’auparavant. Il arrive même que des parents
cautionnent leurs jeunes impliqués dans des activités délictueuses ou qu’ils nient carrément la situation.
Par contre, il a semblé difficile pour les participants de préciser l’ampleur du phénomène de gang dans la
région du Bas-Saint-Laurent. De leur point de vue, le phénomène serait cyclique, se faisant plus ou moins
présent dans la région selon les années. On relie cette situation au fait que les jeunes doivent, à un
moment donné, quitter la région pour aller étudier à l’extérieur, ce qui a pour effet de dissoudre les petits
gangs. Quelques-uns, parmi ceux qui ne quittent pas la région et continuent de faire partie d’un gang,
seraient, quant à eux, parfois approchés par des organisations criminelles plus structurées. Mais, règle
générale, en vieillissant, les jeunes auraient plutôt tendance à reprendre un chemin plus conventionnel et
à intégrer le marché du travail.
Selon les observations de quelques participants, la venue d’Internet dans la région aurait contribué à
réduire les attroupements de jeunes au centre-ville, qui causent des ennuis. Bon nombre d’entre eux
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préfèreraient communiquer entre eux ou avec des jeunes d’autres régions par les clavardoirs. Par ailleurs,
ce médium de communication leur permet de se donner rendez-vous en des lieux de rencontre moins
surveillés par les forces policières, où ils peuvent se livrer à leurs activités délinquantes en toute quiétude.
Les participants notent une certaine transformation des gangs. Auparavant, les jeunes membres de gangs
affichaient leurs couleurs alors que maintenant ils cherchent plutôt à se fondre dans la masse, ce qui
cause des problèmes pour les repérer et les surveiller, particulièrement en milieu scolaire. De plus, il
semble y avoir plus de perméabilité dans les groupes. De fait, il y aurait de moins en moins de groupes
véritablement fermés. Les gangs compteraient un nombre grandissant de membres.
Finalement, selon les participants, l’apparition de groupes comme les 4-39, phénomène tout à fait
nouveau, contribue à l’aggravation et à l’augmentation de la criminalité dans la région.
3- Quelles sont les actions mises en place ou envisagées pour contrer le phénomène, qu’elles
aient été concluantes ou non?
Quelques lignes directrices
Dans leurs recommandations au regard de l’intervention, les intervenants favorisent des actions axées sur
le jeune. Ils préconisent d’abord, une orientation préventive, appliquée dès le plus jeune âge. Les
participants souhaitent aussi qu’une plus grande place soit faite aux jeunes, qu’on les écoute plus
attentivement, qu’on respecte davantage leurs idées et qu’on les inclue dans les décisions qui les
concernent.
On propose aussi de soutenir les parents qui sont moins bien nantis ou qui sont occupés avec le reste de
la famille et qui n’ont pas le temps de prendre part autant qu’ils le voudraient aux activités de leurs
enfants. Par exemple, on suggère de mettre sur pied un service de navette pour conduire les enfants à
leurs différentes activités pour aider les parents qui ne peuvent le faire. On souhaite aussi une meilleure
concertation des ressources disponibles.
Les participants mentionnent que le milieu scolaire est un lieu privilégié pour intervenir auprès des jeunes,
car il permet d’atteindre le plus grand nombre de jeunes possible. Les intervenants insistent sur le fait
qu’il faut occuper les jeunes entre la fin des classes et l’heure du souper, afin d’éviter qu’ils ne flânent
dans les rues sans surveillance.
Devant la popularité d’Internet et de ses clavardoirs, les participants se demandent s’il ne serait pas
possible et intéressant « d’infiltrer », pour utiliser leur terme, les clavardoirs de manière positive. Ainsi, un
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intervenant spécialisé pourrait tenter de joindre les jeunes et d’agir sur les réseaux où ils sont susceptibles
d’organiser des activités antisociales ou d’y prendre part.
Dans un autre ordre d’idées, les participants dénoncent l’instabilité dans la prestation de subventions pour
mettre sur pied des activités et des programmes pour les jeunes. Ce faisant, on ne permet pas d’assurer
la continuité des activités, même celles qui paraissent bien fonctionner et donner des résultats probants.
Celles-ci risquent toujours de pas être reconduites l’année suivante, les fonds nécessaires à leur poursuite
n’étant pas débloqués.
Les participants dénoncent aussi les coupures budgétaires et le manque de soutien aux écoles pour
qu’elles puissent mener à bien leurs interventions auprès des jeunes.
Quelques projets spécifiques
Au chapitre des projets entrepris dans la région du Bas-Saint-Laurent, nous traiterons, dans leurs grandes
lignes, de ceux mentionnés par les participants lors du groupe de discussion.
Tout d’abord, des représentants de la police de Rivière-du-Loup indiquent que, lorsqu’ils interviennent sur
les lieux de bagarres entre deux jeunes ou deux groupes, ils agissent de deux manières, s’adressant,
d’une part, aux bagarreurs et, d’autre part, aux spectateurs. Ainsi, les bagarreurs sont séparés et pris en
charge, et les spectateurs sont réprimandés. Cette façon de faire semble avoir diminué le nombre de
bagarres.
Du côté de la Sûreté du Québec, on présente le projet Je réfléchis avant d’agir, destiné aux jeunes du
secondaire. L’objectif est d’informer et de sensibiliser les jeunes, à partir d’une bande vidéo et de mises
en situation sur le taxage, les agressions, la sécurité informatique, les drogues, et plus encore.
Toujours du côté de la Sûreté du Québec, on cite le programme Parrain par village, où un agent de police
désigné travaille en mode résolution de problèmes. Ainsi, si un village ou une municipalité signale un
problème, le policier tente de le résoudre en concertation avec les citoyens et les ressources de l’endroit.
À Saint-Pascal, une table de concertation jeunesse a été créée. Les intervenants de différents milieux et
deux jeunes siègent à cette table. Ceux-ci tentent de trouver des moyens pour que les jeunes de 17 à
25 ans, qui sont engagés dans de bonnes activités puissent continuer dans cette voie et que ceux qui
s’adonnent à des activités déviantes, voire délinquantes, trouvent d’autres voies de réalisation.
Toujours à Saint-Pascal, on a instauré le programme TPT, Travail de prévention terrain, à partir duquel on
cible dix jeunes responsables qui participent à des fêtes avec d’autres jeunes pour les sensibiliser aux
méfaits de la drogue, mais aussi pour leur montrer comment agir en cas de problèmes, par exemple en
appelant les policiers, si survenait une bagarre.
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Dans la région de Rivière-du-Loup, le programme Parent D’Ado a été instauré. Il s’agit d’une table de
discussion où des parents viennent échanger sur les façons de gérer les situations délicates qu’ils peuvent
vivre avec leurs adolescents.
Enfin, les participants rappellent le programme Intervenir tôt, mis en place par les services sociaux et la
sûreté municipale de la région de Rivière-du-Loup, qui consiste à rencontrer et à soutenir les parents d’un
jeune qui vient d’être arrêté pour un acte de délinquance. On intervient auprès du jeune avant sa
comparution devant le tribunal en lui offrant une aide adaptée à son problème, ce qui évite, selon les
participants, que le jeune ne récidive, aggravant ainsi son cas.
Un projet en devenir
À Kamouraska, les intervenants souhaitent décentraliser les activités. Il s’agit de former une équipe
d’animateurs chargés de la mise sur pied et de l’animation d’activités s’adressant aux jeunes dans les
municipalités, qui ne sont actuellement pas dotées d’infrastructures pour la tenue de telles activités. Par
ce programme, on espère stimuler les jeunes et les diriger vers des activités prosociales.
Des projets qui n’ont pas été reconduits
Les participants nous rappellent l’ancien programme PIMS, Programme d’intervention en milieu scolaire,
mis en œuvre par la Sûreté du Québec, dans la région de Saint-Pascal. Dans le cadre de ce programme
d’intervention, un agent de police, en civil, était attitré à la polyvalente de Saint-Pascal. Celui-ci avait un
rôle de « prévention répressive » (sic). L’agent était à l’affût de toute manifestation de violence ou
d’intimidation, qu’il s’agisse de taxage, de trafic de stupéfiants, etc. Il portait en outre une attention
particulière aux regroupements dans l’école.
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