mon fils est djihadiste
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mon fils est djihadiste
LE CHOIX DE LA VIE HERVÉ LEQUEUX POUR LA VIE Jeunes en déshérence issus de tous les milieux, ils sont des centaines à vouloir rejoindre les rangs de Daech. Nous avons rencontré le père de l’un d’entre eux pour tenter de comprendre. LA VIE 2 JUILLET 2015 16 MON FILS EST DJIHADISTE LA VIE 2 JUILLET 2015 17 N LE CHOIX DE LA VIE LE CHOIX DE LA VIE « Deux jours avant de partir, il avait coupé sa barbe » Le père d’un volontaire pour le djihad raconte le basculement de son fils dans l’islam radical. Arrêté en Turquie il y a un mois, le jeune homme était catholique avant sa conversion. La situation bascule fin 2013. Luc rate son examen pour entrer dans la gendarmerie. C’est alors que les premiers signes EN TURQUIE, la ville frontalière de Reyhanli est un des lieux de transit des djihadistes vers la Syrie. ARNAUD DUMONTIER/MAX PPP/LE PARISIEN Le mauvais film démarre il y a cinq ans. Sous l’influence d’un copain de lycée, Luc se convertit à l’islam. Quelque chose se serait ouvert à lui. « J’accepte son choix, même si Luc a été baptisé. Nous ne sommes pas de grands pratiquants. Mais comme beaucoup de Français, nous allons à la messe durant les fêtes », explique simplement le père. « Au début, mon fils manifeste son admiration pour Allah et ses belles créations, poursuit-il. Cela me touche. Il m’explique aussi des trucs incroyables. Que la Bible a été réécrite plusieurs fois, pas le Coran, qu’Allah est au-dessus des prophètes, dont Jésus. » Marc, qui ne s’est jamais intéressé aux autres religions, écoute son enfant attentivement. « À cette époque, je me disais : peut-être dit-il vrai ? » Pour en savoir plus, le fonctionnaire, plus adepte de sport que de théologie, se plonge même dans le Coran. « J’en lis la moitié. Pour savoir ce qu’il avait dans la tête, mon épouse et moi l’avons accompagné dans son nouveau chemin », soutient-il. Puis son visage s’assombrit : « Notre attitude ouverte nous a peut-être desservis. » de radicalisation apparaissent. Il refait totalement sa garde-robe : chemise longue, sarouel, keffieh… Il se rend de plus en plus souvent à la mosquée et rapporte des livres appelant à la guerre. « J’en jette la moitié à la poubelle », lâche Marc. À la maison, le numéro deux dans la fratrie impose également ses exigences. « Dans sa chambre, il a décroché les photos de lui bébé qui étaient au-dessus de son lit, et a exigé que l’on retire les statuettes de Marie dans la salle à manger », détaille Marc. Et puis, sans surprise, Internet et ses vidéos, et les textos sur son portable happent le postado. « Parfois, c’était jusqu’à une ou deux heures du matin. Le lendemain, il avait des yeux pareils à ceux d’un drogué. Ce n’était pas possible… », se souvient son père. Des chants coraniques très beaux, le jeune homme passe aussi à des vidéos guerrières sur son de mitraillettes. Son frère, qui dort dans la même chambre que lui, ne supporte plus cela. © CRÉDIT PHOTO MON FILS EST DJIHADISTE A ppelons-le Marc Durand. La cinquantaine, un boulot d’employé et une allure sportive malgré ses problèmes de santé. Sous le couvert de l’anonymat, ce père de trois enfants a accepté de parler pour aider ceux qui sont dans le même cas que lui. Pour montrer aussi que le phénomène peut toucher tout le monde, y compris des familles chrétiennes. En mai dernier, son fils Luc (le prénom a été changé), 23 ans, a été intercepté par la police en Turquie. Il voulait faire le djihad en Syrie. « Mon garçon est très pur de caractère. On l’a toujours appelé Pinocchio : il a toujours eu tendance à se mettre dans les mauvais coups. Cette fois, c’était la pire des situations », ironise malgré lui Marc, assis à l’ombre dans un parc verdoyant. Les discussions à la maison deviennent de plus en plus houleuses. « Il nous explique que les musulmans en France ne sont pas de bons musulmans. Je lui rétorque : la défense de la terre sainte (par Daech, NDLR) s’appuie sur des motifs politiques et pas religieux. C’est comme Napoléon, qui voulait conquérir des territoires. » Mais le garçon, pourtant taiseux de nature, trouve toujours les mots pour répondre. Parallèlement, Luc ne travaille toujours pas. Ses parents font pression sur lui pour qu’il se réinscrive au concours de la gendarmerie. « Il le fait tout en avouant à sa sœur qu’il n’est pas question pour lui de se prosterner devant le drapeau français », lâche Marc, encore atterré. Le processus de rupture est bien entamé. Face à cette situation de plus en plus insoutenable, l’inquiétude commence à monter dans la famille. « Nous nous tournons vers des amis musulmans pour comprendre. Ils nous mettent en garde », explique Marc. La fille aînée tire aussi la sonnette d’alarme : « Attention, Luc se fait endoctriner. Il est en détresse. » LA VIE 2 JUILLET 2015 18 En mai dernier, le couple Durand part à Paris pour une semaine de congés. Pen- dant un coup de fil, leur deuxième fils signale que Luc s’est coupé la barbe. Deux jours avant leur retour, la police les contacte. Luc a été intercepté à sa sortie d’avion, à Istanbul. Son départ avait été signalé. Il a dû dormir une nuit dans les geôles turques, avant d’être rapatrié en France. Pour les parents, c’est le choc. « De retour à la maison, je lui crie : “Pourquoi ? Tu n’aimes pas ton père et ta mère ? Le Coran ne dit pas de partir faire la guerre” », rapporte Marc. Puis, la machine de l’État se met en place. Avec la police, la préfecture ou les psychologues qui les prennent en charge, les parents jouent le jeu, même s’ils vivent mal de devoir mentir à leur fils. Marc prétexte, en effet, un voyage à trois pour visiter la tour Eiffel. En fait, un rendez-vous est prévu avec l’équipe Le phénomène en chiffres En France, 4 200 personnes ont fait l’objet d’un signalement pour radicalisation. 608 ont des velléités de départ. 300 Français sont en transit entre la France et la Syrie et 470 ont rejoint le territoire contrôlé par Daech. 115 Français sont morts au combat, dont 9 lors d’attaques-suicides. 210 sont rentrés en France. Dans les prisons françaises, 190 détenus sont classés « terroristes » pour des faits liés à l’islam radical. 114 personnes de retour de Syrie ont été incarcérées, 40 sont sous contrôle judiciaire. SOURCE : MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR/ MINISTÈRE DE LA JUSTICE. CHIFFRES AU 4 JUIN 2015. du Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam de Dounia Bouzar. Mis devant le fait accompli, Luc le prend mal. Durant la séance de déradicalisation en présence d’autres familles, il s’enferme dans son silence. Y a-t-il eu néanmoins un déclic ? Dans le train qui les ramène chez eux, son père lui demande avec émotion s’il repartira. L’enfant répond : « En avion, non, en train non, en voiture peut-être… Non papa, je plaisante. » « J’en ai eu un hautle-cœur », glisse Marc. La vie reprend son cours cahin-caha. « Nous vivons avec Luc du matin au soir. Je me suis mis en arrêt maladie pour m’occuper de lui », confie Marc, qui attend aussi des autorités un soutien pour aider leur fils fragile à se réinsérer. Pour le ramener dans le monde réel, les parents ont l’idée de rappeler les anciens amis de Luc, LA VIE 2 JUILLET 2015 19 c atholiques et musulmans, qui sont ravis d’emmener leur copain d’enfance dans la salle de musculation du quartier. « Un jour, il nous a dit : “Je ne savais pas que j’étais autant aimé”. J’en ai eu les larmes aux yeux », confie Marc avec un trémolo dans la voix. Les efforts des parents sont payants. Les liens se retissent. La famille se retrouve volontiers à discuter de tout et de rien dans le salon. Le père et le fils vont se balader comme de vieux copains. Luc semble avoir trouvé un équilibre. Il a renfilé ses jeans, pris un poste de médiateur dans une entreprise. Et continue d’aller à la mosquée, de manger sa viande hallal et son saucisson de bœuf épicé. Les parents ont aussi changé quelques habitudes : « Nous ne buvons plus de vin coupé à l’eau comme avant. Mais la statuette de la vierge a retrouvé sa place dans la salle à manger. » PASCALE TOURNIER ’ N LE CHOIX DE LA VIE LE CHOIX DE LA VIE Les enfants perdus de la République Près de 1 800 Français sont liés à des filières MON FILS EST DJIHADISTE T ous les vendredis, le ministère de l’Intérieur surveille le nombre de Français impliquésdans des filières djihadistes irako-syriennes. Aujourd’hui, 1 800 sont concernés. 470 combattent en Syrie ou en Irak (voir encadré), 608 ont des velléités de départ, 290 sont repartis de la zone (dont 210 sont rentrés en France). La nouveauté : au profil de radicaux islamistes, qui pourrait en partie correspondre à celui de Yassin Salhi (voir page 23), s’ajoutent des garçons en mal d’identité, des jeunes femmes éprises de justice ou amoureuses de leur barbu à la kalach, des familles radicalisées avec enfants. Autant de Français en quête de sens, issus de barres HLM comme des beaux quartiers (voir page 24), aux racines catholiques, juives ou musulmanes. « Toutes les catégories de la population sont touchées », constate Samia Maktouf, avocate de plusieurs parents, dont la mère de Brian, 16 ans, parti en Syrie sans jamais revenir. « Il y a une dynamique sociale, culturelle, sexuelle… La société dans son ensemble est percutée de plein fouet », surenchérit le député PS Malek Boutih, chargé par le gouvernement d’une mission d’étude sur la prévention des phénomènes de radicalisation. « Des Français ont toujours rejoint des groupes armés étrangers, par exemple pendant la guerre d’Algérie et dans les Balkans », rappelle le préfet Pierre N’Gahane, secrétaire général du Comité interministériel de prévention de la délinquance (CIPD). L’État n’a pas pris conscience de l’impact des nouveaux moyens de communication sur le processus de recrutement. « Avant, pour partir c’était compliqué. Il fallait passer par une filière et une organisation clandestine, analyse Mourad Benchellali, ex-détenu à Guantánamo et repenti. DR irako-syriennes. Tous les milieux sont touchés. Pour lutter contre ce nouveau phénomène, l’État a mis en place un vaste plan de prévention. Pour quelle efficacité ? AU DÉBUT, EN 2011, LES POUVOIRS PUBLICS N’ONT PAS MESURÉ L’AMPLEUR DE LA SITUATION. LES PREMIERS DÉPARTS Quand les premiers départs sont signalés, dès 2011, les pouvoirs publics ne mesurent pas l’ampleur de la situation. À tort, le phénomène n’est pas jugé nouveau. Aujourd’hui, avec Internet, c’est beaucoup plus facile. » « On est passé de la génération Al-Qaida, qui lisait des livres, à la génération Daech, qui est connectée sur Twitter », appuie Pierre Conesa, ex-haut fonctionnaire au ministère de la Défense et expert en stratégie internationale. Dans la réponse tardive de l’État, une compréhension quelque peu faussée de la laïcité, où l’ignorance remplace la vigilance, est aussi à mettre en cause. « Entre radicalisme religieux, simple conversion ou pratique sincère, les services publics Des acteurs de terrain en première ligne LA DÉRADICALISATRICE DOUNIA BOUZAR L’anthropologue est devenue le visage de la lutte contre la radicalisation. Tout démarre début 2014, à la suite de son livre Désamorcer l’islam radical (L’Atelier). « Une cinquantaine de mamans m’ont appelée, en disant que ce qu’elles vivaient correspondait au livre », confie-t-elle. Elle crée le Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam pour accompagner des familles. À la demande du ministère de l’Intérieur, l’ex-éducatrice à la PJJ se promène aux quatre coins de la France pour essayer de désembrigader des jeunes. LE LOBBYISTE L’ASSOCIATION FRANÇAISE DES VICTIMES DU TERRORISME (AFVT) Membre du think tank européen RAN (Radicalisation Awareness Network), l’AFVT promeut les bonnes pratiques de lutte contre la radicalisation, telle l’utilisation de la parole des victimes. « Une victime effondrée, ce n’est pas efficace, explique Stéphane Lacombe, président par intérim. Cela entretient le sentiment de puissance de la partie adverse. » L’AFVT soutient l’Association Dialogues citoyens (ADC) dans la remise à jour des critères de radicalisation en prison et aussi l’association Onze janvier pour produire du « data républicain » sur Internet. LA SOCIOLOGUE OUISA KIES Pour le ministère de la Justice, la sociologue d’ADC réactualise la grille des repères de radicalisation en prison, qui datait de 2008. À Osny et à Fleury-Mérogis, elle anime des groupes de parole de radicalisés, pour certains de retour de Syrie. Le but ? « Récréer des liens avec l’institution, les amener à la réinsertion, mais aussi mettre de l’ordre dans leur patchwork de pensée politique », explique la jeune femme. Pour ces ateliers, elle fait venir des journalistes du Bondy Blog, le politologue Gilles Kepel ou l’expert en défense Pierre Conesa. LA VIE 2 JUILLET 2015 20 LE TÉMOIN MOURAD BENCHELLALI À l’été 2001, son frère lui propose de partir en Afghanistan. C’est dans un camp d’Al-Qaida qu’il se retrouve. Après le 11 Septembre, Mourad est arrêté. Direction Guantánamo, où il reste deux ans et demi, puis en France, pour deux ans de détention. Depuis, il témoigne de son expérience auprès des jeunes. Il est ainsi intervenu dans un lycée de Lunel. Dans cette ville, une vingtaine de jeunes sont partis en Syrie. Sept y seraient morts. « Je ne suis pas étranger à leur monde. Avec moi, la parole se libère. » n’étaient pas formés pour marquer la différence », observe la sénatrice UDI Nathalie Goulet, présidente de la commission d’enquête au Sénat sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe. L’afflux de coups de fil de familles affolées change la donne. Dans leurs appels au secours lancés aux pouvoirs publics, les parents expriment leurs inquiétudes concrètes : pourquoi leur enfant a-t-il supprimé le déodorant pour cause d’alcool ? Pourquoi se coupet-il de ses amis « qui ne sont pas dans le vrai » ? « Les services sociaux ou les commissariats répondaient en boucle aux parents : “L’État est laïque, ce n’est pas de notre ressort.” La situation devenait intenable », se souvient Serge Blisko, président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), l’une des premières structures à être mobilisée. L’approche en termes de dérives sectaires est en effet plus facile à manier pour l’État. Il existe un arsenal juridique en la matière, notamment pour protéger les mineurs. DEUX JEUNES TOULOUSAINS demi-frères, Nicolas Bons (à dr.), 30 ans, et Jean-Daniel, 22 ans, sont morts en Syrie, le premier en kamikaze à Homs, l’autre au front à Alep. Radicalisés par des vidéos de moudjahidin en Afghanistan. LA MENACE MONTE D’UN CRAN En janvier 2014, deux affaires marquent les esprits. La première concerne deux Toulousains : Nicolas Bons et son demi-frère Jean-Daniel ont été tués en Syrie, le premier dans un attentat-suicide, à 30 ans, et le second, quelques mois plus tôt, au front, à 22 ans. Dans la seconde, un père exprime son désespoir dans La Dépêche : après avoir subi un « lavage de cerveau » sur Internet, son fils de 15 ans est parti du jour au LA VIE 2 JUILLET 2015 lendemain combattre en Syrie avec un copain. Depuis l’entrée de la France dans la coalition internationale contre Daech en août 2014, la menace monte d’un cran. Le scénario d’une attaque kamikaze en France, commise par des combattants revenus de Syrie, n’est plus du tout exclu. Une vidéo diffusée en octobre 2014 alimentera cette effrayante hypothèse : un djihadiste francophone promet à la France des tueries à la Merah. Empêcher les jeunes de devenir des combattants d’Allah devient alors une urgence de tous les instants. Quelques mois plus tôt, en avril, le gouvernement avait déjà lancé son vaste plan de lutte contre la radicalisation et les filières djihadistes. « Et dire que l’OCDE croit qu’on en est toujours au plan Vigipirate… », soupire le préfet Pierre N’Gahane, chargé de piloter le volet de prévention, d’une ampleur jusqu’ici inégalée. En un temps record, un Numéro vert est mis à la disposition des familles qui s’alarment du basculement de leur enfant dans le fondamentalisme religieux. Bref, un vrai système de contrôle est érigé, où chaque citoyen devient une vigie potentielle ! Une fois la radicalisation du cas établie, l’information est transmise à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), la sécurité du territoire restant la priorité. Si aucun fait ne relève du répressif, les autres moyens de l’État (protection judiciaire de la jeunesse, services sociaux, centres de prévention de la délinquance…) sont déployés localement sous l’égide du préfet et dans le cadre d’une cellule de suivi, pour aider les familles et les jeunes en perdition. Parallèlement, pour armer les fonctionnaires, un grand plan de formation est o rganisé (voir page 25). « Il ne 21 N s’agit pas d’être dans un choc frontal avec des convictions religieuses, mais de donner les outils pour lutter contre des dérives », précise Serge Blisko, chargé au nom de la Miviludes de conduire une partie des journées d’apprentissage accéléré, au même titre que Sciences Po et l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat). « 1 800 personnes sont déjà formées. 9 000 membres de la PJJ le seront aussi d’ici à trois ans », détaille Audrey Keysers, secrétaire générale adjointe de la Miviludes. Au niveau des prisons, haut lieu d’embrigadement, une réactualisation des critères de radicalisation est en cours d’élaboration. « Le comportement des radicaux a évolué. Celui qui porte la barbe n’est plus forcément le plus dangereux », constate la sociologue Ouisa Kies, membre de l’Association Dialogues citoyens, qui travaille sur le projet, avec l’Association française des victimes du terrorisme (AFVT), pour le compte du ministère de la Justice. WILLIAM ABENHAIM/SIPA ministère de l’Intérieur », glisse un expert. « Dans l’administration, il y a un mauvais penchant à mettre sous le tapis les sujets qui dérangent, ajoute Michel Richard, secrétaire général adjoint du Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale (SNPDEN). Ce n’est plus possible aujourd’hui. » Port de tenues à connotation cultuelle (gants, jupes longues…), contestation de cours d’histoire sur la Shoah, refus de visites extrascolaires à la grande galerie de l’Évolution, propos antisémites. tous les faits qui traduisent un début de radicalisation sont fichés et remontent à Beauvau. Au risque de faire du zèle… « Barbe longue non taillée », « habillement musulman », « perte de poids liée à des jeûnes fréquents »… l’hiver dernier, le rectorat de Poitiers a créé la polémique avec la diffusion de sa grille de critères caricaturaux de radicalisation. LE CHOIX DE LA VIE SI LA PARTIE DÉTECTION ET SIGNALEMENT FONCTIONNE CORRECTEMENT, ON TÂTONNE ENCORE SUR LA DÉRADICALISATION. TOUS LES SERVICES DE L’ÉTAT SUR LE PONT Depuis les attentats de janvier dernier, tous les services de l’État sont sur le pont. Même l’éducation nationale, qui rechignait jusqu’alors pour des raisons culturelles. « Le corps enseignant craignait d’être dans la stigmatisation de ses élèves et vivait mal l’ingérence du Les islamistes en prison islamistes radicaux doivent-ils être regroupés en détention ? Adeline LLes Hazan, le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), n’y est pas favorable. Elle a émis le 30 juin un rapport critiquant ce dispositif, déjà expérimenté à Fresnes, et qui doit être mis en place à Osny, Lille-Annœullin et Fleury-Mérogis. La mesure soulève interrogations et inquiétudes. « Faire cohabiter des détenus présentant des niveaux d’ancrage très disparates dans le processus de radicalisation » serait risqué, selon le rapport. De même, on ne sait quels critères adopter pour identifier avec certitude les personnes visées, à l’heure où le repérage de la radicalisation islamiste en prison devient ardu en raison de la tactique de dissimulation de sa foi (taqiya). En outre, ce regroupement ne relève d’aucune disposition légale existante : ni régime de détention ordinaire ni mise à l’isolement. Sans compter que la décision, prise par le chef d’établissement, n’est pas susceptible de recours. Avant de songer à regrouper les détenus radicalisés, il serait temps pour la France de mettre en place la mesure d’encellulement individuel, prévue par une loi de 2000. « La surpopulation carcérale nourrit le prosélytisme », dit ce rapport, opposé par ailleurs à l’incarcération systématique de ceux qui reviennent de Syrie. CORINE CHABAUD ’ LA VIE 2 JUILLET 2015 Une chose reste sûre : la mobilisation a tout de même produit des résultats. En un an, 4 200 personnes ont fait l’objet d’un signalement, dont 816 par le biais de l’éducation nationale. 40 % concernent des convertis. Preuve que le plan de prévention fonctionne malgré tout, « la quasi-totalité des cas repérés ne sont pas partis sur le théâtre des opérations », certifie-t-on au cabinet du ministère de l’Intérieur. Le dispositif reste néanmoins faillible. Récemment, une jeune fille habitant dans l’est de la France, suivie par des éducateurs de la PJJ et un psychologue, est partie. Par sécurité, le préfet lui avait pourtant soustrait son passeport. Un soir, elle a annoncé à ses parents qu’elle allait dormir chez une amie. Le lendemain, elle s’est envolée pour la Suisse. Puis direction la Turquie. Elle avait emprunté la carte d’identité de sa sœur. Si la partie détection et signalement fonctionne correctement, on tâtonne encore sur la déradicalisation. Comment retourner ces jeunes sous influence ? « Aucun pays n’a trouvé la solution miracle », fait valoir Dounia Bouzar dans son dernier livre, Comment sortir de l’emprise « djihadiste » ? (Éditions de l’Atelier). L’anthropologue sait de quoi elle parle. Dans son Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam (CPDSI), créé dès le printemps 2014, elle a accompagné 500 familles. Depuis septembre, à la demande du ministère de l’Intérieur, l’ex-éducatrice à la PJJ pilote une cellule mobile de désembrigadement. La chercheuse a mis au point une méthode dite « madeleine de Proust », grâce à laquelle une trentaine de jeunes auraient repris langue avec le monde réel. « Faire revivre des émotions 22 Le tueur de l’Isère n’avait pas de casier judiciaire. Mais son lien avec la mouvance salafiste lyonnaise est établi. Les motivations de Yassin Salhi Y assin Salhi a avoué les faits. Vendredi 26 juin, il a bien décapité son patron, Hervé Cornara, de l’usine Air Products, basée à Saint-Quentin-Fallavier, dans l’Isère. Puis il a accroché sa tête aux grilles, l’entourant de banderoles reprenant la profession de foi musulmane, avant d’envoyer un selfie macabre en Syrie et de foncer en voiture contre un lieu de stockage de bonbonnes de gaz, occasionnant ainsi une explosion. Comment expliquer un tel acte barbare ? Le jeune homme a exécuté son patron en mettant en scène ses convictions islamistes. Depuis, il affirme qu’il s’agit plutôt d’une vengeance personnelle. Si ses motivations profondes ne sont donc pas encore tout à fait claires, une information judiciaire pour assassinat en lien avec une entreprise terroriste a été ouverte. Pour l’heure, ce père de famille âgé de 35 ans n’entre pas totalement dans les modèles des experts. Il est très loin du profil des « enfants perdus du djihad », biberonnés aux vidéos de propagande d’Omar Omsen, qui depuis 2014 prennent la route pour la Syrie, croyant devenir des super-héros à la mode Allah. « Pour ces cas, on parle d’emprise mentale résultant d’un processus d’embrigadement proche des dérives sectaires », explique-t-on à la Miviludes. Yassin Salhi n’entre pas plus dans la case des délinquants devenus terroristes : il ne possède pas de casier judiciaire. Les exemples les plus emblématiques de cette deuxième catégorie sont les frères Kouachi et Amedy Coulibaly, auteurs des attentats de Charlie Hebdo et de la supérette Hypercacher. Vols, trafics de drogues ou braquages, Chérif Kouachi et Amedy Coulibaly se sont radicalisés à la prison de Fleury-Mérogis, au contact de leur mentor, Djamel Beghal, condamné pour un projet d’attentat contre l’ambassade des États-Unis à Paris. « La violence est un terreau pour la radicalisation », poursuit-on à la Miviludes. Selon l’enquête, Yassin Salhi aurait davantage le profil d’un terroriste potentiel en lien avec un réseau d’islamistes, même si Daech n’a toujours pas revendiqué l’acte ignoble. Le procureur LA VIE 2 JUILLET 2015 23 de Paris, François Molins, rappelle que l’explosion dans l’usine chimique ressemble de près à une opération martyre. Les relations de Yassin Salhi avec la mouvance islamiste sont aussi établies. Il était fiché entre 2006 et 2008, du temps où il vivait dans le Doubs, puis entre 2011 et 2014 pour cause d’appartenance à la mouvance salafiste lyonnaise. Via l’application WhatsApp, il a envoyé son selfie macabre à Sébastien, alias Younès V., un « ami » de longue date. Originaire de Haute-Saône, Younès V. est parti en Syrie à l’automne 2014 et serait toujours en contact avec des jeunes Français tentés par le djihad. Yassin Salhi est-il lui-même parti en Syrie ? Plusieurs témoignages de proches l’attestent. Il aurait lors de ce séjour fréquenté une école coranique. MON FILS EST DJIHADISTE MON FILS EST DJIHADISTE LE CHOIX DE LA VIE L’étude de son profil psychologique apporte un autre éclairage. Le Parisien, qui a rencontré un de ses anciens professeurs de free fight, fait état d’une personnalité duale, qui alterne moments de grande douceur et de violence éruptive. Des difficultés conjugales doublées de soucis professionnels s’ajoutent au dossier, ce qui laisserait entrevoir un profil hybride, mêlant problèmes psychiatriques et radicalité religieuse. Un cas encore d’un nouveau genre. P.T. ’ N LE CHOIX DE LA VIE LA GESTION DU RETOUR La question de la gestion du retour reste aussi pour le moins balbutiante. Faut-il incarcérer tous les excombattants d’Allah ? Que faire de ceux contre lesquels aucune charge n’est retenue malgré des soupçons ? Le gouvernement a tranché en s’inspirant du modèle danois : d’ici à la fin de l’année, une sorte de sas ouvrira, sur la base du volontariat. Dans ce lieu d’un type nouveau, psychologues et travailleurs sociaux aideront ces jeunes dans leur retour à la vraie vie. Une manière aussi de garder sur eux un œil vigilant. Qu’en est-il enfin du contre-discours global ? Pour cause de laïcité là encore, l’État français refuse de verser dans le discours alternatif religieux (voir page 27). En créant une fondation à la fin de l’année, Des spécialistes nous exposent les ressorts psychologiques qui poussent ces jeunes à tout quitter. La Vie a assisté à une formation de détection qu’organise l’État pour les fonctionnaires. Pourquoi ils se radicalisent ? LE FILS DE FERIDA, Rached, a disparu du jour en lendemain. Depuis, il donne de brèves nouvelles depuis la Syrie via des SMS. QUE FAIRE DES DJIHADISTES CONTRE LESQUELS AUCUNE CHARGE N’EST RETENUE MALGRÉ DES SOUPÇONS ? il veut donner les moyens à la société civile de produire du contenu à sa place et qui sera diffusé sur le Web. « Tout le monde est le bienvenu : intellectuel, islamologue, militant ou comique qui veut construire un personnage de faux djihadiste à la Abou Jean-René », cite en exemple un membre du cabinet de Bernard Cazeneuve. Autre projet : une équipe d’animateurs de communauté web, qui interviendront sur les réseaux sociaux. Pour le député PS Malek Boutih, la meilleure des réponses est d’ordre politique. « L’offensive militaire et sécuritaire est insuffisante. Toute une jeunesse est en manque de sens et conteste notre système démocratique qui est vide. Nous devons opposer un contre-modèle à Daech qui fasse rêver. » Autant dire qu’il y a du pain sur la planche. PASCALE TOURNIER ’ LA VIE 2 JUILLET 2015 T out le monde peut être touché », entend-on. Tous les milieux sociaux sont représentés et pas une région de France n’échappe au phénomène. Mais les jeunes qui partent faire le djihad viennent plutôt des grands centres urbains et des quartiers sensibles. Tout le monde donc, mais pas n’importe qui. Le préfet Pierre N’Gahane, qui pilote la lutte contre la radicalisation, parle de parcours initial chaotique. « Ces jeunes trouvent dans le djihad une solution à leurs problèmes. Ils s’y raccrochent, car c’est ce qui est le plus attractif en ce moment. Ça aurait pu être l’addiction. » L’entourage de ces jeunes fragiles ou exaltés est souvent instable. Un nombre non négligeable de filles attirées par le djihad ont été victimes de violences sexuelles, note Dounia Bouzar, qui est missionnée par l’État pour mener des programmes de désembrigadement. « Elles croient qu’elles seront protégées dans un pays où les filles vivent à part des hommes. » Sans forcément aller jusque-là, « dans quasi toutes les familles, il y a une défaillance paternelle », souligne Serge Hefez, psychiatre qui suit une quinzaine de familles dont l’enfant s’est radicalisé au sein de son unité de thérapie familiale à la Pitié-Salpêtrière. Paradoxalement, cette recherche identitaire entraîne un effacement de la personnalité au profit du groupe : jilbab pour les filles, changement de prénom pour les garçons, qui se choisissent souvent le préfixe Abu, « père », signant leur passage à l’âge adulte. « On devient djihadiste pour de nobles motifs », estiment les psychanalystes Pierre-Yves Gaudard et Charles Melman, de l’École pratique des hautes études en psychopathologies. Pour eux, le phénomène de l’embrigadement est à la croisée de facteurs sociaux et de la psychique individuelle. La radicalisation répond à une quête d’idéal qui n’a pas trouvé d’objet dans la société. Si l’on grossit le trait, des filles partent par désir de faire de l’humanitaire, les garçons pour défendre les musulmans opprimés. « Le djihad tel que présenté par Daech, c’est un idéal en kit, clés en main, ajoute Mourad Benchellali, ancien détenu de Guantánamo qui intervient auprès des jeunes. Tu peux être un moudjahid et tu auras ta place dans le plus haut degré au paradis. C’est un projet valorisant. » Les aspirants au djihad passent d’un état d’impuissance ressentie à celui de toute-puissance sur leur propre vie. « Alors qu’ils n’étaient rien, ils entrent dans cette aristocratie où seuls les meilleurs sont prêts à mourir au nom de l’idéal », expliquent les deux psychanalystes. 24 « CHRIS HUBY / HAYTHAM PICTURES « « La fille du Prophète ne portait pas de jilbab » Internet a considérablement amplifié un phénomène d’embrigadement qui existait déjà avant la guerre en Syrie. « Le terrorisme était dans ma maison », raconte une mère de famille. Les recruteurs des divers groupes terroristes ont investi ce terrain. Les vidéos mettant en scène Omar Omsen, un émir d’origine niçoise du Front al-Nosra, groupe affilié à Al-Qaida, ont séduit de nombreux jeunes. Daech abreuve le Net de clips d’exécution en haute définition. Une des dernières vidéos de propagande montre Abu Salman Al-Faransi (« le Français ») invitant depuis Raqqa, en Syrie, ses frères de France à « faire la hijra » et à « quitter cette terre de mécréance ». Au surf sur des sites se substituent vite des conversations avec un recruteur ou avec d’autres jeunes plus avancés dans le processus qui servent de guides. Plusieurs heures par jour, par Facebook, Skype et SMS, on parle du « vrai » islam, de toutes les règles à appliquer, puis peu à peu de la façon de partir en Syrie. À Nice, on nuance le tout-Internet. « Les prédicateurs créent un maillage physique autour des mosquées, des salles de sport et même dans les établissements scolaires, par le biais des surveillants », affirme Patrick Amoyel, psychanalyste, président de l’association Entr’autres, qui reçoit jeunes et familles. Les jeunes qui partent adhèrent-ils à la vision de l’islam proposée par Daech, ou sont-ils victimes d’une emprise de type sectaire ? Il y a débat entre les spécialistes. Dounia Bouzar parle d’« utilisation de techniques des dérives sectaires » par ceux qui « n’appliquent rien de l’islam ». Cela passe notamment par un processus progressif de rupture avec l’entourage amical et familial et par la création d’un état de sujétion totale de l’individu. « Mais dans une secte, il n’y a pas forcément de visées politiques, la volonté d’être contre le système et de s’opposer à l’Occident », souligne Alain Ruffion, coresponsable associatif du plan départemental de prévention et de lutte contre la radicalisation en M ise en veilleuse de la raison au profit de la répétition et du mimétisme, exacerbation du sentiment de persécution et rupture sociale du jeune. » À coups de vidéos chocs du propagandiste Omar Omsen, un membre du CPDSI, dirigé par Dounia Bouzar, détaille quelques signes d’adhésion à l’idéal djihadiste. Une centaine d’assistantes sociales d’Orléans-Tours, venues parfaire leurs connaissances sur la radicalisation, écoutent religieusement. Puis le conférencier met en garde contre les processus de dissimulation. « À l’insu de ses parents, une jeune fille avait caché son jilbab dans sa chambre et ouvert un deuxième compte Facebook », cite-t-il en exemple, puis enchaîne sur le dévoiement de l’islam opéré par Al-Qaida et Daech, notamment sur le port du jilbab. « La fille du Prophète n’en portait pas », dit-il, avant de passer le relais à une formatrice de la Miviludes. Celle-ci présente le dispositif de repérage et de prise en charge mis en place par l’État. Pour comprendre le phénomène de radicalisation, elle parle du djihadisme comme d’une contre-culture : « La grille de lecture proposée est simpliste et repose sur des ressorts complotistes et victimaires. » À la fin de son topo, les questions portent surtout sur le Numéro vert du gouvernement permettant de signaler les cas troublants. La pratique gêne aux entournures. « Faut-il donner le nom de l’enfant ? », « Peut-on se retourner contre nous ? » s’interrogent plusieurs femmes dans la salle. La formatrice essaie de rassurer : « Quand on doute, on demande à quelqu’un de mieux formé. Mieux vaut en être au stade du Numéro vert qu’à celui de la police. » À la sortie, les assistantes sociales ne s’attardent pas. « Cela fait peur », lâche l’une d’elles. « Cela nous interpelle. La radicalisation peut être insidieuse », ajoute une autre. Une de ses collègues de poursuivre : « Cela fait partie de notre boulot de nous mettre à la page en intégrant les phénomènes qui montent. » P.T. MON FILS EST DJIHADISTE MON FILS EST DJIHADISTE de l’enfance permet de fissurer la carapace », affirmet-elle. Elle cherche aussi à montrer aux jeunes le décalage entre le mythe et la réalité. À Nice, le modèle danois du mentorat est expérimenté (voir page 27). Le recours à des repentis s’avère aussi efficace. Encore faut-il en avoir sous le coude. « On en recherche tous les jours », ironise Dounia Bouzar. « Pas évident pour certains d’assumer leur “traîtrise”. Ils doivent de plus être très soutenus socialement », fait remarquer Stéphane Lacombe, président intérimaire de l’AFVT. Puiser dans le vivier de ceux qui reviennent, passés de 121 à 212 entre 2014 et 2015, est aussi délicat. Selon de nombreux experts en terrorisme, il est difficile d’évaluer leur dangerosité une fois qu’ils sont en France. Les djihadistes peuvent avoir des stratégies de dissimulation. LE CHOIX DE LA VIE ’ Côte d’Azur. En clair, la vision sectaire ne prend pas en compte la volonté qu’ont certains jeunes de prendre leur revanche sur l’Occident, qui « opprime les musulmans », en adhérant à l’idéologie de Daech. Dans cette perspective la sénatrice UDI Nathalie Goulet, présidente de la commission d’enquête au Sénat sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, appelle la puissance publique à être plus claire dans la désignation de ce qu’elle estime être l’un des facteurs clés des départs en Syrie : « Il faut nommer l’ennemi, le salafisme radical. » LAURENCE DESJOYAUX ’ LA VIE 2 JUILLET 2015 25 N Nice, ville-laboratoire pour déceler et traiter la radicalisation Face à l’augmentation du nombre de radicalisés dans la région, les pouvoirs publics et les acteurs de terrain s’agitent tous azimuts. Au risque, parfois, de se marcher sur les pieds. Acteur notoire du plan départemental de la prévention des radicalisations,le président de l’association Unismed, Alain Ruffion, est, en effet, débordé. En ce lundi de juin, le professeur d’un lycée de Menton appelle ce spécialiste en médiation interculturelle : trois jeunes de son établissement ont été arrêtés, en route pour la Syrie, au début du mois. Avec son équipe, le psychanalyste de 45 ans prépare aussi sa rencontre avec une famille. Le cas est difficile : les parents viennent d’apprendre la mort au combat de leur fils. Ils savent que le corps ne sera jamais rapatrié. « Il faut leur faire comprendre les ressorts et essayer de donner un sens à leur vie », explique Alain Ruffion tout en peaufinant une note sur un projet de programme de réinsertion destiné aux ex-djihadistes pour lequel il cherche des bailleurs. L’idée ? Une sorte de service civique comportant une dimension interculturelle. À l’heure du déjeuner, rencontre avec un cadre de la fondation Patronage Saint-Pierre Actes, qui gère internats et centres d’hébergement pour ados en difficulté. La directrice de la branche enfance et famille veut C’est d’ailleurs après ces rencontres universitaires que des famillescontactent Entr’autres qui en suit aujourd’hui une quinzaine. Les situations sont rudes. Comme celle de ces parents qui ont perdu leur fils. Ils communiquent encore à distance avec leur belle-fille, qui leur tient des propos du type : « J’espère que mon enfant aura le même chemin que son père. » Pour mieux aider ces familles en détresse, un groupe des parents solidaires a été monté. En mai, l’association propose aussi au conseil général de décliner le modèle danois du « mentorat » pour les jeunes qui reviennent du front. Éric Ciotti, également président de la commission d’enquête parlementaire sur les filières djihadistes, accepte et communique sur le champ. « Il s’agit de travailler sur l’univers mental du radicalisé, assurer son suivi psychologique et l’aider à sa réinsertion », précise Amélie Boukhobza, psychologue clinicienne à Entr’autres. Un jeune bénéficie déjà de ce programme millimètré. Il est reçu par deux psychologues. Venu HERVÉ LEQUEUX POUR LA VIE MON FILS EST DJIHADISTE L e bleu azur de la mer longeant la promenade des Anglais est bien trompeur. Dans les chiffres liés aux filières djihadistes en Syrie, les Alpes- Maritimes, et Nice en particulier, trônent en haut du tableau avec la Seine-Saint-Denis. Les causes ? Les mêmes qu’ailleurs. Si ce n’est l’influence d’Omar Diaby, alias Omar Omsen, un Niçois d’origine, connu pour ses vidéos de propagande. « Il a créé un effet de mode », se désole un responsable d’association. En 2014, le démantèlement d’un projet terroriste que des hommes de retour de Syrie avaient préparé – selon certaines rumeurs, le carnaval de Nice était visé – puis le départ sur la zone de combat de 11 membres d’une même famille niçoise ont marqué les esprits. Depuis, la préfecture, le conseil général et la mairie de Nice sont sur le pont. Et le font savoir. « Le député-maire de Nice, Christian Estrosi (les Républicains, LR), et le président du conseil général, Éric Ciotti (LR), ont tendance à se marquer à la culotte », constate un associatif. Si la préfecture réunit toutes les semaines une cellule de suivi, la mairie possède aussi sa propre équipe avec ses psychologues, ses avocats et son numéro de signalement. Au risque aussi de se marcher sur les pieds : « On tombe parfois sur les mêmes familles », reconnaît un membre du cabinet de Christian Estrosi. Quant aux acteurs de terrain, ils rivalisent de programmes de formation et d’accompagnement pour répondre à l’urgence et aux inquiétudes. cette fois pour l’un de ses élèves d’origine tunisienne : « Un jour, il a lancé en arabe : “Bientôt, vous les Français, nous serons plus nombreux que vous et on vous niquera”. » Alain Ruffion est clair : l’enfant doit être signalé aux autorités. « Ce n’est pas encore de la radicalisation idéologique, mais cela mijote. » Le responsable associatif compte pour le moins rapporter l’information à la cellule de suivi de la préfecture. Autre association de premier plan dans la prévention : Entr’autres. Présidée par le psychanalyste et professeur Patrick Amoyel, la structure observe une montée de la radicalisation depuis 2005. Pour mieux appréhender le phénomène, elle a d’ailleurs multiplié les colloques. « En novembre 2014, il y avait peu d’officiels. En janvier 2015, ils étaient tous là », raille la cofondatrice d’Entr’autres et psychanalyste, Brigitte Juy-Erbibou. QUARTIER SAINT-ROCH, À NICE. Influencés par les vidéos de propagande d’un Franco-Sénégalais qui se fait appeler Omar Omsen, de nombreux jeunes issus de ce quartier populaire sont partis rejoindre les rangs de Daech. mieux former son personnel d’éducateurs spécialisés à la détection des signes de radicalisation mais sans tomber dans la stigmatisation. Exemple : lors d’un repas, des jeunes ont refusé de manger leur café liégeois. « Quelqu’un leur a dit que c’était cuisiné avec de la gélatine de porc », s’offusque encore cette responsable de la fondation. Alain Ruffion rassure son interlocutrice : « On peut avoir des pratiques religieuses strictes sans verser dans la radicalisation idéologique. Mais cela peut être un frein à l’intégration », indique-t-il avant de filer dans un collège de Nice. Un bilan de fin d’année y est organisé avec des professeurs de classes relais du département.Laïcité, inté- gration, islam… Tous les sujets sont abordés. La parole est libre mais l’inquiétude palpable. Vers la fin de la séance, un professeur dit que, dans sa classe, il a constaté déjà deux départs en Syrie. « L’un d’eux était bipolaire. Les parents ont quitté la région », confie-t-il. Il s’inquiète LA VIE 2 JUILLET 2015 26 HERVÉ LEQUEUX POUR LA VIE LE CHOIX DE LA VIE LE PSYCHANALYSTE ALAIN RUFFION, de l’association Unismed, donne des indications à des professeurs de classe relais pour déceler les signes de radicalisation chez leurs élèves. spécialement de Paris, un politologue qui travaille avec le spécialiste de l’islam Gilles Kepel participe parfois à l’échange. La séance se déroule ainsi : décorticage de vidéos de propagande pour bousculer le jeune dans ses convictions. Un imam ou un musulman très pratiquant fait aussi partie du noyau dur des intervenants. Et Patrick Amoyel d’expliquer : « S’appuyer sur des imams ou des musulmans qui connaissent bien l’islam, c’est un passage obligé. Sinon, on est trop loin de l’univers de représentation. » Quelle est l’efficacité du programme ? Trop tôt pour le dire. Une chose est sûre : « Le jeune est content de parler. » C’est déjà un premier pas. PASCALE TOURNIER Faut-il l’aide d’imams pour élaborer un contre-discours ? C ontrairement à l’Angleterre, la France, laïcité oblige, ne s’appuie pas sur des représentants religieux dans sa réponse aux jeunes. Pas question non plus d’opposer un discours alternatif religieux. Ainsi, la vidéo Stop-Djihadisme démonte les arguments des recruteurs… sans aucune référence à l’islam. Même ligne directrice dans l’accompagnement individualisé des ex-candidats au djihad. À ses débuts, l’anthropologue Dounia Bouzar avait fait appel à l’imam de Bordeaux Tareq Oubrou mais, doutant ensuite de l’efficacité de cette collaboration, et depuis qu’elle travaille en lien avec le ministère de l’Intérieur, elle y a mis fin. Le préfet Pierre N’Gahane, « monsieur ’ prévention » au niveau national, justifie la ligne : « Après désembrigadement, les jeunes ne font pas tous le choix de garder une forte pratique religieuse. L’État ne veut pas prendre risque d’engager des Français dans un chemin de foi. Mais je ne refuse pas les expérimentations locales. » En Seine-Saint-Denis, l’association Respect 93 présidée par Sonia Imloul, en LA VIE 2 JUILLET 2015 27 partenariat avec la préfecture de police de Paris, s’appuie ainsi sur un imam salafiste piétiste (qui prône une interprétation très stricte du Coran sans vision politique). Et dans les Alpes-Maritimes, des imams ou des musulmans pratiquants font partie de l’équipe d’intervenants qui accompagnent les jeunes dans le programme de « mentorat » à la danoise. P .T. N LE CHOIX DE LA VIE considère que comparer les croisades d’hier au djihad d’aujourd’hui n’a pas de sens. Un extrait, avec cette interview, du nouveau hors-série de La Vie : Croisades contre Jihad. LA VIE. La comparaison entre croisades d’hier MON FILS EST DJIHADISTE JEAN FLORI. Non ! La seule comparaison valable à laquelle on peut procéder concerne les différences existant entre la formation de la croisade « chrétienne » et celle du djihad musulman pendant la même période (du VIIe au XIIe siècle). Dans le christianisme latin, la valorisation puis la sacralisation de la guerre ont eu lieu lentement et en totale contradiction avec le pacifisme radical de Jésus et des premiers chrétiens. Dans l’islam, en revanche, la guerre est naturelle dès l’origine, le Prophète étant à la fois chef d’État et chef de guerre. Cette comparaison révèle aussi des nuances importantes : le jihad avait pour but de « dilater » les territoires musulmans à partir des Lieux saints initiaux, à savoir La Mecque, Médine et Jérusalem. C’est une guerre de conquête. La croisade, elle, intervient au XIe siècle, alors que l’Occident chrétien est assiégé. C’est une entreprise de reconquête de Jérusalem, premier des Lieux saints de la chrétienté, à une époque où le pèlerinage a pris une dimension importante dans la spiritualité chrétienne latine. PATRICK BOX/OPALE/LEEMAGE et djihad d’aujourd’hui est-elle pertinente ? JEAN FLORI Médiéviste spécialiste de la croisade, directeur de recherche honoraire au CNRS, spécialiste de l’histoire des idéologies et des mentalités religieuses. Le djihad est décrit par certains extrémistes comme une réponse, 900 ans plus tard, aux croisades. Cet argument est-il, selon vous, largement partagé par les musulmans d’Orient ? J.F. Les « extrémistes », qui font régner la terreur coupent la tête des juifs, des chrétiens ou des musulmans ne partageant pas leur « foi », ont une conception Pour aller plus loin HISTOIRE Croisades contre Jihad La clé des conflits contemporains les attentats du 11 septembre 2001, le préLAprès sident des États-Unis, George Bush, annonça une « croisade » contre la terreur. Les djihadistes, pour justifier leurs actes barbares, évoquent souvent aujourd’hui des représailles à l’égard des « croisés ». Les croisades, c’était il y a 900 ans et, pourtant, on n’y a jamais fait autant référence… sans forcément savoir précisément de quoi l’on parle. Qui étaient le pape Urbain II, à l’origine de ces guerres, Godefroi de Bouillon, Richard Cœur 3’3’::HHIKMSI=]U[^UX: IKMSI=]U[^UX:??k@k@kk@@bb@@ii@@ff";"; de Lion, Saladin, et quel a été leur rôle respectif ? Pourquoi Jérusalem, Constantinople, Saint-Jean-d’Acre ou Antioche suscitèrent-elles tant de combats meurtriers ? Et quelle est la pertinence de la comparaison, osée par certains, entre les croisades d’hier et le djihad d’aujourd’hui ? Autant de questions auxquelles répond le nouveau hors-série de La Vie. Quand rois et chevaliers partaient pour Jérusalem HORS-SÉRIE LA VIE JUIN 2015 CROISADES CONTRE JIHAD HORS-SÉRIE 001 HSC OK.indd 1 M 02888 - 18H - F: 6,90 E - RD M 02888 - 18H - F: 6,90 E - RD 15/06/15 10:31 Croisades contre Jihad, 6,90 €. En vente chez votre marchand de journaux ou à commander page 13. LA VIE 2 JUILLET 2015 simpliste de la culture et de l’histoire. Pour eux, tout ce qui n’est pas islamique doit disparaître : monuments, écrits ou êtres vivants. Ils veulent ignorer que de nombreux peuples autochtones d’Orient étaient déjà chrétiens avant la conquête musulmane, a fortiori bien avantles croisades. La persécution exercée actuellement sur ceux-ci par les djihadistes ne fait qu’accélérer leur génocide sans que l’Occident intervienne ; il ne faudrait pas mécontenter nos « alliés » musulmans, à savoir les Turcs, auteurs du génocide des chrétiens arméniens, l’Arabie saoudite et le Qatar, proches des djihadistes, où sévit la charia et où la possession de la Bible est passible de mort. Ceux qui, parmi les musulmans d’Orient, n’ont de leur religion qu’une connaissance très rudimentaire partagent cette haine des chrétiens et l’exportent chez nous. On peut douter des convictions religieuses des djihadistes. Mais les motivations des croisés n’étaient-elles pas parfois, elles aussi, d’une autre nature, politique et économique notamment ? J.F. La croisade est l’aboutissement de la sacralisation de la guerre prêchée par la papauté au XIe siècle. Dans les entreprises de reconquête en Espagne, les intérêts matériels n’étaient pas interdits. Beaucoup de guerriers y ont pris part pour gagner domaines ou butin. En 1095, en revanche, Urbain II dote la croisade vers Jérusalem d’une récompense spirituelle. Acte pénitentiel rachetant les péchés, elle devient alors une « guerre sainte » qui sanctifie ceux qui y participent. Elle rejoint ainsi le djihad avec plusieurs siècles de retard. Urbain précise que ce rachat sera accordé à ceux-là seuls qui partent sans nul désir de gloire ou d’intérêt personnel… ce qui n’a pas empêché de nombreux chefs croisés de se tailler en Orient fiefs, domaines et principautés. Quelle est la position respective des musulmans et des chrétiens sur la notion de « guerre juste » ? J.F. Dans l’Ancien Testament, Israël est une théocratie. L’Éternel dirige son peuple par les prophètes. S’il ordonne la guerre, le peuple obéit. Jésus, pacifiste et universaliste, abolit cette notion. Quand Constantin se convertit au christianisme, vers 311, et favorise l’Église alors persécutée, les chrétiens voient en lui un sauveur. Au Ve siècle, ils sont prêts à combattre pour défendre l’Empire romain. À la même période, saint Augustin, constatant qu’aucun prophète ne justifie ce combat, pose les rudiments d’une nouvelle 28 Notaire ou djihadiste ? notion : la guerre « juste », concession au pouvoir civil impérial. Est « juste » une guerre entreprise sans haine ni intérêt personnel pour protéger les victimes des méchants, châtier ceux-ci, reprendre biens ou terres spoliés, etc. Cette nouvelle notion n’existe que dans les nations ou États laïques. Les sociétés théocratiques n’en ont nul besoin. C’est le cas dans l’islam, surtout sunnite. Le triomphe des musulmans par la guerre sainte, admise déjà par le Prophète selon beaucoup de spécialistes, est pour nombre d’entre eux inéluctable. des jeunes gens, qu’ils soient ou non en Que rupture de ban, choisissent de se lancer dans Peut-on dire que la situation actuelle des chrétiens d’Orient, souvent dramatique, trouve son origine dans l’époque des croisades ? J.F. C’est ce que les musulmans sympathisants des djihadistes tentent de faire croire. De nombreux Occidentaux de confessions diverses commencent, eux aussi, à le croire. Cela atténue leur sentiment de culpabilité et leur donne prétexte à ne rien faire. L’histoire ne cautionne pas cette théorie. Dès la conquête des territoires chrétiens d’Orient par les armées musulmanes du VIIe siècle, ces populations ont subi des périodes de soumission pro- « En France, tégée alternant avec des les politiques périodes de persécution et semblent ne pas d’exclusion. La croisade leur avoir réalisé a semblé une libération, mais ils ont vite déchanté. que les djihadistes La précarité de leur situa- gagnent du terrain tion a repris après l’échec et des adeptes. » des États croisés. Elle s’est accentuée avec la malencontreuse intervention militaire en Irak sous George W. Bush. Leur persécution n’a cessé de croître depuis. Les progrès des djihadistes accélèrent leur génocide sans émouvoir les États européens, qui cherchent à s’en laver les mains. L’Italie, débordée par les migrants fugitifs, ne reçoit même pas leur aide financière ! À quoi tient, selon vous, cette « frilosité » des États européens à l’égard du sort réservé aux chrétiens d’Orient, et du djihadisme en général ? Reste que le voyage retour est d’autant plus difficile à accomplir que l’aller a été lointain. Passée la ligne – celle de la lutte armée, par exemple – la rupture semble consommée. Dans le cas présent de l’engagement djihadiste, ce passage semble, sinon massif, du moins extrêmement facile. Les histoires rapportées par les spécialistes de la question, policiers ou psychologues, sont impressionnantes. C’est donc bien en amont que l’action doit porter en priorité, ce qui n’est nullement contradictoire avec l’efficacité en matière sécuritaire. De toute évidence, ce n’est pas encore ainsi que les choses s’organisent, même si notre dossier montre que le mouvement est peut-être en marche. JÉRÔME ANCIBERRO RÉDACTEUR EN CHEF DE LA VIE Dans ce contexte, les sermons républicains, toujours utiles pour cimenter une communauté nationale fébrile, ne rassurent, dans leur abstraction, que ceux qui sont déjà convaincus. La « déradicalisation », nouveau vocable qui semble aujourd’hui s’imposer, passe par des confrontations autrement plus engageantes, que ce soit, pour certains, dans un face-à-face quotidien où le « laïquement correct » – totalement inefficace – n’a plus court ou, pour d’autres, dans l’accompagnement social le plus rigoureux. J.F. Les gouvernants occidentaux avouent tous qu’ils ne feront rien pour sauver les chrétiens d’Orient. Leur disparition programmée est déjà inscrite aux « profits et pertes ». On constate la même dérobade devant le péril jihadiste. Chaque État cherche à ne rien faire – c’est trop coûteux ! – et laisse les autres s’engager. En France, nos politiques de tous bords semblent ne pas avoir réalisé que les jihadistes gagnent du terrain et des adeptes ; ils ne menacent pas seulement les juifs et les chrétiens d’Orient, mais aussi ceux d’Occident, et même les musulmans « modérés », que d’ailleurs on entend trop peu condamner les exactions de leurs coreligionnaires. INTERVIEW STÉPHANE LEPOITTEVIN ’ des aventures extrêmes qui suscitent l’inquiétude ou la réprobation du milieu même dont ils sont issus, cela n’a rien de nouveau. Les mouvements les plus divers, qu’ils soient religieux, philosophiques ou politiques, ont toujours su profiter de ce besoin quasi hormonal d’engagement individuel. Les sociétés les plus policées ont tant bien que mal géré la chose au cours des siècles, généralement par l’encadrement militaire. Rares sont ceux finalement qui, passé le moment critique, continuent sur leur lancée. Pour détourner un mot fameux à propos de mai 1968, tout le monde finit plus ou moins par rentrer dans le rang pour devenir notaire, quitte à entretenir la nostalgie. C’est ainsi qu’on a vu un jour un ministre de Nicolas Sarkozy entonner la Jeune Garde devant les caméras... ’ LA VIE 2 JUILLET 2015 [email protected] 29 MON FILS EST DJIHADISTE « Le djihad est une conquête, la croisade, une reconquête » L’historien Jean Flori L’AVIS DE LA VIE