ecriture de scénario : de la bd au cinéma

Transcription

ecriture de scénario : de la bd au cinéma
HORS TEMPS SCOLAIRE
Formations
Auteur
Michel Meyer
Date
2013
Descriptif
ECRITURE DE SCÉNARIO : DE LA BD
AU CINÉMA
Compte rendu de la journée de formation à destination des professionnels de l'animation et du social par Kris et Michel
Meyer le 21 novembre 2013 à l'Abbaye de Saint Riquier.
Kris, scénariste de bande dessinée, adapte actuellement pour le cinéma son « Notre Mère la Guerre » dessiné par
Maël. Il bénéficie d’une résidence d’écriture à l’abbaye de Saint-Riquier.
L’écriture d’un scénario de bande dessinée
La matinée commence par une présentation par Kris de la façon dont il procède dans son travail d’écriture : chaque auteur
invente ses propres règles puisque celles-ci, contrairement au cinéma, n’existent pas vraiment. Il y a selon lui autant de
façons de travailler que de scénariste de BD. La liberté de création est très grande. Le scénariste a une vraie force de
proposition. C’est lui qui choisit son dessinateur.
En s’appuyant sur un exemple, il présente les différentes étapes de création de la bande dessinée, du séquencier aux
planches finales.
L’écriture d’un scénario de film
Je fais ensuite l’initiation à l’écriture de scénario de film dans une optique immédiatement pratique. L’objectif est en effet
que les participants se servent de ce que je leur aurai transmis pour l’atelier pratique prévu pour l’après-midi même.
Je commence par lire à haute voix le scénario d’un court-métrage d’une durée de dix minutes.
A partir de cette lecture, dans un échange constant avec les participants, je reconstitue le processus de création.
D’une part, nous faisons l’analyse structurelle du récit : qu’est-ce que ça raconte, qui sont les personnages, qu’est-ce qui
les caractérise, comment évoluent-ils dans le cours du récit, à quoi est-ce que l’histoire aboutit, au service de quel sujet ?
Ainsi, nous refaisons à l’envers très exactement ce que font deux ou plusieurs co-auteurs au moment de l’écriture :
imaginer des situations qui décriront au mieux le sens et les intentions. Avec cette question constante : est-ce que le sens
que je donne correspond à mes intentions, est-ce que ce sens, tout en tenant une ligne rigoureuse, laisse la place à
l’interprétation ?
Car dans l’écriture, tout est question de contrôle des moyens et des procédés, mais aussi question de liberté laissée au
spectateur de circuler dans l’histoire. Cette liberté néanmoins passe par la construction d’un récit cohérent et crédible. Il ne
s’agit pas de contenir toute la vérité, mais de créer un monde auquel le spectateur puisse croire, qu’il soit réaliste ou de
fantaisie pure.
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Les différents personnages, par leurs caractérisations, se complètent et se répondent les uns les autres, construisant un
monde, simplifié dans ses lignes de force, mais pouvant au final contenir l’universel.
D’autre part, nous pointons ensemble les éléments formels qui caractérisent l’écriture de scénario dans sa phase finale, à
savoir le scénario dialogué :
- Un scénario se découpe en séquence.
On change de séquence quand on change de lieu, donc de décor. Le tournage d’un film se fait de manière discontinue.
Chaque séquence du scénario correspond à un moment du tournage. On pourrait dire que chaque annonce de séquence,
numérotée, et qui précise si on est en intérieur ou en extérieur, de jour ou de nuit, et le lieu en lui-même, correspond au
moment sur le tournage du démontage, déplacement, et remontage des éléments techniques (caméra, lumière, son,
décors…).
En effet, le scénario est l’outil de travail, l’objet de référence de chaque membre de l’équipe. Il doit donc être lisible,
facilement consultable, raison pour laquelle il est imprimé recto (le verso pouvant servir à prendre des notes) et numéroté
par séquence et par page. Chaque membre de l’équipe ayant son exemplaire, il est plus facile au tournage de
communiquer.
Mais le scénario est aussi lu par les commissions, les financeurs et les diffuseurs. Il doit donc rester agréable à lire et de
façon fluide pour donner l’idée la plus fidèle de ce que sera le film.
- A l’intérieur de chaque séquence, on trouve les didascalies qui décrivent l’action en se mettant du point de vue extérieur
de la caméra. Ainsi, le scénario décrit déjà les images du film à venir. Tout l’intérêt et toute la difficulté de l’écriture
scénaristique résident là : réussir à faire comprendre qui sont les personnages, ce qu’ils ressentent, ce qu’ils pensent, ce
qu’ils vivent, sans jamais le dire mais en le montrant. A force de suivre mes personnages, à force de les observer, je rentre
peu à peu dans leur intimité. Ainsi, je résous à l’avance ce que le tournage m’obligera à affronter, à savoir la mise en
lumière du sens par l’action. Bien sûr la lumière, le son, le montage, viennent enrichir et compléter les intentions affichées
dans le scénario. Mais quand ces intentions sont claires au stade de l’écriture, elles servent utilement le tournage qui est
un moment où il faut aller vite.
Concernant les didascalies, deux précisions supplémentaires : d’abord, elles s’écrivent toujours au présent. Une convention
tacite entre le spectateur et le film veut que l’action du film se déroule au moment où le spectateur la regarde. Comme le
scénario se veut le plus proche de ce que sera le film, il choisit le présent parce que c’est le temps qui donne le plus
immédiatement la sensation de la présence et de l’incarnation.
D’autre part, il est d’usage d’aller à la ligne dans un scénario quand on imagine dans le film un changement de plan. Cette
convention est bien sûr plus flottante ; on n’est pas dans l’obligation, au stade de l’écriture du scénario, de prévoir
précisément le découpage technique du film. Néanmoins, la précision des descriptions donnera une idée de la précision du
plan et la participation active ou non du réalisateur à l’écriture influe en général sur cette dimension-là.
La didascalie donne également une indication quant au rythme et à la durée du film à venir. En effet, on ne décrit que ce
qui joue au moment où ça joue, rendant ainsi compte de la dimension visuelle du cinéma mais aussi de sa dimension
d’image en mouvement et donc en durée.
- Les dialogues apparaissent en milieu de page, toujours précédés du nom du personnage qui aura à les prononcer. Ils sont
ainsi bien séparés des didascalies et visibles.
Une fois ces règles de base énumérées, et selon l’idée qu’un scénario est toujours un scénario de film, nous regardons
ensemble le film qu’est devenu le scénario et comparons les deux objets. La fidélité à l’esprit est là. La fidélité à la lettre
moins, le tournage, ses aléas, ses petits miracles, le montage enfin influant chacun sur le devenir final du projet filmique.
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L’atelier pratique
L’exercice en lui-même part d’une planche tirée du tome 4 page 26 de « Notre Mère la Guerre » de Kris et Maël. Sur cette
planche, Peyrac, le capitaine, envoie en patrouille entre les lignes alliées et ennemies le dénommé Joli-Cœur, tout seul,
contrevenant ainsi à toutes les règles en usage. Les autres membres de la troupe, surpris, n’osent rien dire mais il est clair
pour tous que c’est envoyer Joli-Cœur à l’abattoir que de procéder ainsi. Le groupe de jeunes soldats, dont Peyrac a la
charge, sort de maison de redressement, ce que le lecteur sait s’il a lu la BD. La relation entre Peyrac et ses jeunes recrues
est très bonne et pleine de respect mutuel, ce que sait le lecteur de la BD.
Ce n’est pas forcément le cas des participants à l’atelier mais ce n’est pas grave ; au contraire. Ainsi, leur liberté
d’imagination est d’autant plus grande.
Nous attendons des participants, par groupes de deux ou trois, d’imaginer la suite sous forme de scénario dialogué de
cinéma. Ils ont une heure.
Ensuite, chaque groupe lit à haute voix le résultat. Kris réagit sur l’histoire, moi plus sur la forme.
A partir du même point de départ, autant de propositions différentes : certains imaginent que blessé et récupéré par une
famille allemande, Joli-Cœur finit la guerre caché là, dans une ambiance de paix et de musique qui tranche radicalement
avec la guerre. D’autres travaillent sur le point de vue et le suspense en restant d’abord avec les soldats dans la tranchée,
tentant de voir Joli-Cœur qui avance au milieu du no man’s land, en faisant de Peyrac non pas le chef respecté mais craint,
d’autres encore choisissent de centrer l’action sur Joli-Cœur lui-même, rendu au milieu de cet endroit désolé, là où
s’élèvent les ruines d’une église : rendez-vous avec un Allemand parce qu’il est espion et a une missive à remettre,
comptes à régler avec Dieu, nez-à-nez avec un Allemand qui défèque dans le confessionnal, la question du danger, de
l’absurde, et de la vie malgré tout domine les différentes écritures.
Du point de vue de l’écriture justement, certains parfois ont du mal à se détacher d’un style plus littéraire que
scénaristique, rendant encore trop compte des états intérieurs du personnage en les formulant ou en les lui faisant dire en
voix off, procédé un peu daté et facile, d’autant plus qu’en l’occurrence, l’action pourrait fonctionner et être comprise sans
cette voix off, me semble-t-il.
Des questions de temporalités parfois se posent aussi : combien de temps ça dure.
Parfois mais rarement des questions de crédibilité se posent mais globalement, à partir du même point de départ, les
participants font montre d’imagination et d’un style scénaristique.
Ils font des propositions différentes qui interprètent la situation initiale différemment. Au bout du compte, en écrivant, ils
disent quelque chose d’eux-mêmes. Et n’est-ce pas là tout l’intérêt, aussi, des histoires, que de rentrer, sans y penser
vraiment, sans le savoir vraiment, dans la belle intimité de ceux qui en racontant se révèlent eux-mêmes ?
NB : les parties qui concernent Kris sont écrites de manière succincte pour ne pas dénaturer ses propos, ce compte-rendu
ayant été rédigé par Michel Meyer.
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