Couple mixte : acculturation de l`immigré

Transcription

Couple mixte : acculturation de l`immigré
CAMIZULI Gisèle
NOGUÈS Sébastien
Couple mixte : acculturation de l’immigré ?
Soc 201b;
M.C ZELEM
Avril 1997
Introduction
Introduction
D
epuis l’unification de l’Europe, de plus en plus d’individus vont
s’expatrier pour leur travail. Dans leur vie quotidienne et dans
leur milieu professionnel, ils vont être confrontés à une nouvelle
culture, ou du moins différente.
Un certain nombre de ces émigrés vont se fixer dans ce pays d’accueil, et
ceci même dans le domaine affectif, puisque certains seront amenés à rencontrer puis à vivre en couple avec un ou une autochtone. Pour s’intégrer
dans ce nouvel espace social, l’émigré devra s’acculturer.
On peut définir le terme d’émigré par le fait qu’une personne quitte son
pays d’origine pour se fixer dans un autre. On comprend la difficulté de ces
individus à faire face à cette nouvelle situation d’où découle de nombreuses
contraintes comme le possible apprentissage de la langue, et l’intégration au
milieu, à la société, aux institutions, l’assimilation d’un nouveau mode de vie
mais aussi l’adaptation à une nouvelle culture.
La culture s’assimile généralement dans la petite enfance grâce notamment à la socialisation primaire, mais cet apprentissage devient plus problématique pour un adulte qui a intériorisé des normes, des valeurs différentes.
Le conjoint autochtone, qui lui a intégré totalement ces règles sociales pourra
être d’une aide efficace, tel un moyen de facilité d’assimilation de cette
nouvelle culture.
En résumé, on peut se demander si le processus d’apprentissage d’une
nouvelle culture pour un émigré est facilité par son conjoint?
Ainsi, la notion d’interpénétration culturelle est essentielle ici, car le fait
que chacun pénètre dans la culture de l’autre et comprenne les principaux
mécanismes permettra une plus grande cohésion au sein du couple quant à
cet apprentissage. Les rapports inter-culturels entre ces deux personnes sont
alors à la base de cet apprentissage, d’autant plus que les cultures de chacun
seront proches.
Mais est-ce que l’intégration de l’émigré, renvoyant à la notion d’acculturation, est partielle et complète? En d’autres termes, l’étranger assimile t-il
entièrement la culture de son pays d’accueil? N’y va t’il pas de sa survie (psychologiquement s’entend) de résister à cette assimilation en cultivant le souvenir de ses propres racines?
On peut tenter de répondre à ces interrogations par quelques hypothèses
que les entretiens biographiques nous aideront à infirmer ou à confirmer.
Il semblerait que le conjoint autochtone soit le principal initiateur à cette
nouvelle culture et donc qu’il soit essentiel.
Le conjoint est “l’intégrateur” à cette nouvelle culture; il constitue un véritable “palier” entre les deux cultures en choc.
4
Introduction
Ne se crée-t’il pas au sein du couple un mode de vie spécifique, sorte de
creuset où se mélangent leurs deux cultures, qui permettrait à l’émigré à la
fois de s’intégrer lentement à la culture du pays de la conjointe sans toutefois provoquer une cassure nette avec celle d’origine? Cela éviterait effectivement une perte totale de sa culture. En d’autres termes, Le couple mixte
crée un mode de vie spécifique à leurs deux cultures issu de leur interpénétration; une “t r a n s c u l t u r a t i o n” pro p re à ce couple qui permettra
d’éviter partiellement à l’étranger le problème d’assimilation et d’intégration. En d’autres termes, cette “transculturation” permettrait d’éviter une
perte totale de la culture de l’émigré.
Il semble ici que la temporalité est importante si l’on part du principe que
l’effort d’intégration sera d’autant plus grand que le séjour en France sera
long et inversement.
5
Chapitre I
1. Présentation statistique :
les couples immigrés............................Page 7
2. Biographies des couples.................Page 15
3. Trajectoires........................................Page 18
4. Stratégies..........................................Page 22
5. Analyse des relances..................... Page 25
Chapitre II
1. Analyse des entretiens :
- Anthony..........................................Page 31
- Elisabeth.........................................Page 35
- Giorgio............................................Page 39
- Joëlle................................................Page 42
2. Analyse des couples :
- Elisabeth / Anthony.........................Page 47
- Giorgio / Joëlle.................................Page 51
3. Analyse globale...............................Page 58
conclusion
Conclusion
Autocritique
En réalisant ce dossier, nous avons beaucoup appris, tant sur un point
méthodologique que sociologique. Il n’ est en effet pas évident de choisir un
sujet pertinent et, avec l’appui d’entretiens, de mener jusqu’au bout une
réflexion.
Cela nous a paru d’autant plus difficile que nous n’avions que très peu de
cadre théorique. En effet, nos lectures nous ont peu servi car elles ne concernaient souvent que l’intégration des immigrés maghrébins et africains, et
rarement des immigrés européens. Lorsqu’il s’agissait de l’acculturation des
étrangers, on parlait du rôle et du rapport des enfants dans ce processus et
non de leurs parents. Nous n’avons donc pas réussi à trouver un cadre théorique pour nous guider. Cela nous a laissé libre court...de nous égarer et a
sérieusement réduit la possiblité de critiquer et de discuter avec des théories
déjà existantes. Ce “vide” sociologique nous paraît pourtant improbable!
N’avons-nous pas su trouver? Ou est-ce notre sujet qui a mis le doigt sur un
terrain encore trop peu exploré? Nous espérons que la seconde question soit
la bonne, et dans ce cas, il serait intéressant (et pertinent) de poursuivre une
investigation sociologique plus poussée.
Néanmoins il ne faut pas oublier les nombreuses limites que nous avons
rencontré durant l’élaboration de ce dossier. Hormis le fait que nous ne
soyons encore que des “apprentis” sociologues, le manque certain de références et d’écrits sur notre sujet nous ont lourdement pénalisé.
De plus il ne faut pas oublier que nos entretiens ne sont pas représentatifs
de l’ensemble des couples mixtes européens.
En effet, d’un point de vue quantitatif, la communauté italienne en France est
assez importante, mais il n’en va pas de même pour la communauté britannique qui de par son faible effectif est souvent absente des statistiques
concernant les couples mixtes en France. De ce point de vue, nos entretiens
ne sont donc pas, statistiquement, représentatifs.
L’autre biais de nos entretiens est qualitatif. Les personnes interrogées font
plus ou moins partie du même univers social : celui du spectacle et de la communication. De plus, ils travaillent pour leur propre compte, car ils ont crée
une société ou une compagnie suivant les cas. Et enfin, dans nos deux cas il
s’agit de l’homme qui est étranger et la femme française.
Par là même, ils ne sont pas représentatifs, puisque leur cas ne concerne
qu’une partie des couples mixtes en France.
Il faut aussi noter que ce n’est pas avec si peu de matériaux (quatre entretiens!) que l’on peut construire une étude sociologique digne de déboucher
sur des théories, ou du moins sur des variables constantes et universelles.
C’est pour cela que notre travail ne peut-être considéré que comme une
approche préparatoire à une investigation sociologique où l’on bénéficierait
64
conclusion
de davantage de moyens, et donc plus de résultats plus élaborés.
Notre conclusion est donc sérieusement limitée par des raisons matérielles
(temps; moyens, etc.), intellectuelle (étudiant!). Mais notre travail peut éventuellement servir de base pour une étude du sujet.
En tout cas, ce travail nous a beaucoup appris et passionné. La méthodologie était importante, tout comme la reflexion, qui plus est sur un sujet
apparemment peu traité. Ce dossier nous a permis entre autre d’avoir un
aperçu de ce que peut-être une recherche en sciences sociales. Cela nous a
aussi permis d’appréhender un petit bout de la réalité sociale, celle
d’hommes et de femmes qui de par leur mariage ont décidé de briser les
tabous entre les cultures; “de s’arrêter sur ces couples qui font du défi de
«vivre ensemble» une réalité quotidienne.” (Florence Lacoste; “Transmission
culturelle et mariage mixte”; p.1)
Notre objectif
L’objectif de notre travail était d’arriver à définir le rôle du conjoint
autochtone dans l’intégration de l’étranger en France mais aussi de vérifier
s’il y avait acculturation de ce dernier dans le temps. Ainsi, nous avons
construit notre analyse sur deux hypothèses qui sont les suivantes :
- le rôle du conjoint autochtone est déterminant pour la bonne intégration
de son conjoint étranger.
- l’acculturation est quasi inévitable après une installation durable dans un
couple mixte.
En ce qui concerne le couple Elisabeth / Anthony, on a pu constater que
10 ans s’étaient écoulés entre l’arrivée de ce dernier en France et leur rencontre. Et durant cette période, Tony n’a pas connu de problèmes d’adaptation. Il a pu lier des connaissances facilement avec les français(es),
(comme Sophie, le couple d’agriculteurs qui l’a accueilli...); au niveau de la
langue, il n’a pas eu de difficultés à communiquer et à se faire comprendre.
Ainsi, l’on pourrait dire qu’à première vue, sa conjointe française n’a pas
joué de rôle; pourtant, ça serait une conclusion hâtive, car cette période de
“l’avant rencontre” était construite en marginalité et vagabondage. Ainsi, la
mise en couple l’a mis sur la voie de la normalité dont les trois piliers ici
sont : le mariage, les enfants et la vie professionnelle.
En ce sens, Elisabeth l’a donc aidé à s’intégrer, entendons par là à trouver sa place dans la société française. Mais comme elle aime à le dire, ce
n’est pas elle qui l’a aidé, mais leur union. Par ailleurs, au sujet de l’acculturation, on constate que Tony a totalement rejetté sa culture (au point
même de ne pas vouloir la partager avec sa femme en refusant qu’elle l’accompagne en Angleterre), même s’il ne renie pas pour autant sa culture.
Ainsi, il s’est acculturé au fil du temps consciemment, mais aussi inconsciemment en francisant certains mots, en pensant et en rêvant en français et
non plus dans sa langue natale.
65
conclusion
Par ailleurs, en ce qui concerne le couple franco-italien, à savoir Joëlle et
Giorgio le rôle du conjoint autochtone a été ici plus déterminant pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, il est très incertain que Giorgio aurait pris la décision de venir
seul en France et encore moins de venir s’installer près de Toulouse, lieu où
réside le frère de Joëlle.
En outre, c’est cette dernière qui l’a guidé dans la compréhension de la société
française tant au niveau administratif que professionnel ou relationnel...
Joëlle s’est “occupée” de Giorgio mais de façon dynamique, c’est-à-dire qu’elle lui a appris comment se débrouiller seul en lui montrant. C’est comme ça
que Giorgio prend maintenant les choses en main, et cela grâce à Joëlle.
L’exemple que tous deux reprennent est bien significatif : Giorgio a désiré
devenir parent délégué dans l’école de sa fille et Joëlle l’a encouragé, l’a poussé. Joëlle a clairement facilité l’insertion de Giorgio en France, chose que n’a
pas pu faire Giorgio lorsqu’ils étaient en Italie. C’est un peu pour ça que
Joëlle n’a pas réussi à s’intégrer. Même s’ il ne faut pas oublier que tous deux
n’avaient pas revu la France depuis un certain temps lorqu’ils sont arrivés et
ils ont du tous les deux trouver de nouvelles marques.
En ce qui concerne l’acculturation de Giorgio, on peut dire qu’elle a eu lieu
avec le temps et contre eux bien qu’ils luttent ardemment pour garder les
caractéristiques culturelles propres à Giorgio. Pourtant, il semblerait que le
temps ne l’épargne pas et désormais, ses rêves se déroulent en français...
Mais qu’elle est le rôle de Joëlle dans ce processus alors même qu’elle s’y
oppose?
Il semble que Joëlle ait contribué à l’acculturation de son conjoint. Mais il
semble aussi que sous l’impulsion du couple, Giorgio a réussi à conserver
son “italienneté”. Paradoxal? Non, car Giorgio a su s’adapter aux situations.
Il parle et raisonne comme un français dans un contexte où il sent que son
identité propre serait mal accueillie. Ainsi, d’un autre côté il cultive cette
identité comme un équilibre mental pour lui. Il lit, parle avec Joëlle et sa fille
en italien, garde de fréquents contacts téléphoniques avec sa mère en Italie,
(celle-ci ne parle pas français) et regarde la télévision en italien. Il monte
même des spectacles en italien avec Joëlle pour des représentations en Italie.
Ainsi donc Giorgio est attaché à sa culture italienne et la revendique souvent.
En ce sens on ne peut pas affirmer qu’il est totalement acculturé car il se sent
et se dit italien non français alors qu’ Anthony se sent anglais mais se dit français (non sans quelques remords toutefois).
Pour résumer le tout, il semble que le conjoint facilite et même accélère
l’intégration de son conjoint étranger. Mais il ne faut néanmoins pas perdre
de vue l’aspect subjectif de notre conclusion. Une famille plus présente et
plus hermétique à cette union n’aurait-elle pas été un poids plus qu’autre
chose pour l’intégration de l’immigré?
En tous cas pour nos deux couples, les femmes autochtones ont joué le rôle
de pont entre ces deux cultures, permettant de comprendre où les différents
culturels posent problèmes, et éviter un choc culturel trop éprouvant.
Mais leur rôle n’est pas aussi présent dans tous les domaines sociaux. Si dans
le relationnel elles ont aidé largement leur mari à s’assimiler, il en va tout
autrement pour le monde du travail. Néanmoins, il semble que le rôle du
conjoint français soit important. Cela nous est démontré par la comparaison
66
conclusion
des deux couples : Giorgio n’a pas éprouvé de mal a exercer son métier car il
travaille avec Joëlle. Mais Anthony lui, travaille seul et a réellement perçu la
barrière, le “choc culturel”; sa femme n’étant pas à ces côté pour éviter cet
affront direct.
Par conséquent, l’acculturation de l’étranger ne semble pas être déterminée par son conjoint autochtone.
Malgré tout, par le fait que son intégration soit orchestrée plus ou moins par
son conjoint français, ce dernier joue donc un rôle dans l’acculturation de son
mari, même si cela va à l’encontre de ses vœux.
Enfin, une dernière remarque; on peut constater que chacune des deux
femmes, françaises, nous fait remarquer que son conjoint l’assimile à une
femme de son propre pays; Elisabeth en nous disant que Anthony la trouve
très anglaise, et Joëlle en nous signalant que Giorgio lui avait dit qu’il la trouvait de plus en plus italienne, par son comportement et son habillement.
Or, tout au contraire Anthony nous dit qu’Elisabeth représente pour lui
l’archétype de la femme française, et Giorgio, pour sa part nous signale que
le fait que Joëlle soit française, avec tout ce que cela implique qui l’a immédiatement attiré vers elle!
Sans doute souhaitent-elles répondre à leur recherche de l’âme soeur et
craignent-elles qu’à la longue, leurs penchants pour des femmes plus proches
de leurs racines ne viennent s’imposer? Peut-être pouvons-nous en conclure
que ces deux françaises souhaitent vivement que leurs maris étrangers
n’éprouvent pas de nostalgie à l’égard des femmes de leurs pays?
Aussi, n’y-a-t’il pas acculturation dans les deux sens?
67
Annexe
1. Glossaire.............................................Page 69
2. Extraits de presse..............................Page 71
3. Bibliographie....................................Page 142
4. Cadre juridique................................Page 148
5. Entretiens retranscrits et codés.
- Anthony..............................................Page 153
- Elisabeth.............................................Page 172
- Giorgio................................................Page 179
- Joëlle....................................................Page 186
6. Guide d’entretien.............................Page 214

Documents pareils