riffs hifi - Journal du Jura

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riffs hifi - Journal du Jura
SAMEDI 28 SEPTEMBRE 2013 LE JOURNAL DU JURA
RIFFS HIFI 33
MARKETING SATANIQUE Le concept des Suédois de Ghost interpelle
«Une performance théâtrale»
LAURENT KLEISL
«Anti Cristus, il filio de Satanas.»
Les chœurs célestes s’envolent,
s’accrochent aux ailes des démons. Le phrasé d’introduction
esquisse l’ambiance de «Infestissumam», deuxième album de
Ghost. Un groupe culte composé
de musiciens sans visage, les Nameless Ghouls, guidés par Papa
Emeritus II, chanteur et grand
ordonnateur de messes noires.
Avec Ghost, pas de raccourcis,
les clichés sataniques deviennent un produit marketing soutenant une musique type vieux
hard-rock «seventies», savant
croisement entre Black Sabbath
et les Doors, claviers de vaudeville en prime. Magnifique!
«Belial, Behemoth, Beelzebub,
Asmodeus, Satanas, Lucifer.» Des
voies harmonieuses en appellent
aux anges déchus. C’est qu’ils ont
plein de vilains copains, les rockers suédois! «A Nashville, où nous
avons enregistré l’album, aucun
chœur professionnel n’acceptait de
chanter pour nous», raconte un
des Nameless Ghouls, littéralement «un démon sans nom».
«On a toutefois réussi à convaincre
trois types de venir en studio.
Quand ils ont pris connaissance du
texte, un s’est mis à pleurer et à
crier: ‹Mais que faites-vous?› Ce
que nous faisons? C’est une performance théâtrale.»
Succès américain
Pour boucler les chœurs de leur
premier disque produit par une
«major», Universal en l’occurrence, Ghost a trouvé son bonheur à Hollywood.«Là-bas,ilsont
moins de problèmes avec le Mal!»,
poursuit le Nameless Ghoul.
«D’un pur point de vue biblique,
oui, nous pouvons dire que nous
sommessataniques.Sivousparlezà
quelqu’un qui croit en Dieu, à un
chrétien fervent, évidemment que
cette personne nous condamnera
Le guitariste de «Guet-Apens» est mort
Claude Demet, guitariste sur l’album-maître de Ange, «Guet-Apens», a
rejoint les cieux à 65 ans, après une longue maladie. Surnommé
Chouchou par ses amis, Claude Demet laisse une dizaine d’albums
perso à la postérité et bon nombre de collaborations avec Ange et
Décamps en solo. Ce dernier lui avait confié la succession de JeanMichel Brezovar, lorsque le groupe originel s’était dissous en 1978, pour
mieux rebondir, à l’aube des eighties, une année après. Son groupe,
Introversion, avait tout comme Ange conquis le mythique Golf Drouot au
début des seventies, avant de tomber dans l’oubli. Au Walhalla avec les
braves désormais, il donne en héritage de mémoire rien de moins que
des chefs-d'œuvre dans la carrière d‘Ange: «Réveille-toi», «Cap’taine
Cœur de Miel», ou encore le petit bijou «Virgule». Sa présence dans
Ange a permis le passage du pop folk seventies à des schémas plus
blues rock pour le groupe franc-comtois. Le temps passe hélas, la vie file
à toute chique, les aînés du rock’n’roll nous laissent tous tomber, pas
chic. Et nul doute que Demet ne sera pas le dernier immortel à y passer,
sans vouloir faire dans la prophétie pointue. RIP. PYT
SORTIE D’UN SINGLE LE 30 SEPTEMBRE
Un Cantat doux après le désert (des tartares?)
Avec Ghost, l’imagerie vient soutenir un hard-rock «seventies» d’excellente qualité. DR
pour blasphème et hurlera que
nous sommes une abomination
pour tout ce qui est saint.»
Le concept scénique, graphique et lyrique de Ghost puise ses
racines dans les traditions du
metal scandinave, genre adepte
de l’horreur sous toutes ses formes. Par souci du détail, les cinq
Nameless Ghouls sont représentés par d’obscurs symboles alchimiques. «Nous ne pratiquons aucune magie noire ou quoi que ce
soit de la sorte», précise un autre
Namelss Ghoul. «Par contre, en
tant que groupe, en tant qu’artistes, ce que nous faisons en concert
possède quelque chose de mystique. Nous avons toujours voulu
que nos shows ressemblent à des
messes, comme un endroit de communion spirituelle entre les gens.
Esthétiquement, c’est ce que nous
essayons de créer sur scène.»
Des musiciens sans visage
louant le Mal. Cette imagerie,
poussée à l’extrême, fait mouche
tant elle interpelle. Au point que
l’excellent «Infestissumam» a
grimpé jusqu’à la 28e position
du Billboard, les charts américains. Pour des raisons légales,
c’est sous le nom de Ghost BC –
pour «before Christ» – que les
Suédois font carrière outre-Atlantique. «Notre label nous a expliqué que si notre concept n’était
pas satanique, on ferait un carton!», note un Nameless Ghoul.
Avec David Grohl
Ce concept a été peaufiné
pendant deux ans, loin de la lumière, avant d’être révélé au
monde en 2010 avec le single
Elizabeth, puis la même année
avec la sortie d’«Opus Eponymous», un premier album assez quelconque à vrai dire.
«Nous savions que notre matériel
allait dans une direction spécifique et que nous devions être une
partie du concept», glisse un Nameless Ghoul. «En revêtant nos
costumes sur scène, on entre dans
notre rôle, ce qui rend Ghost presque magique. Ce que nous faisons
va à l’encontre de l’idée de rock
stars. Aujourd’hui, la plupart des
groupes sont formés de gamins de
20 ans qui postent chacune de
leur pensée sur Twitter et qui publient chaque instant de leur vie
sur Instagram. C’est là que nous
nous différencions, et notre manière de procéder est bien plus intéressante.»
Ghost chatouille tellement
l’imaginaire que les plus grands
se prêtent au jeu. Il y a quelques
mois, David Grohl, frontman de
Foo Fighters et ancien batteur
de Nirvana, a rejoint le groupe
de Linköping sur scène, incognito en habit de moine, pour interpréter «I’m a Marionnette»
d’Abba. «Anti Cristus, il filio de
Satanas...»
AUBAINE Magnifique réédition en CD de «Hurt Me», album cultissime du junkie ultime
Qui se se souvient de Johnny Tonnerre?
Il restera peut-être dans les mémoires comme le junky ultime,
hélas. La caricature outrancière
de ce «sex, drugs and rock roll».
Johnny Thunders? On l‘avait vu à
Genève s’écrouler après trois
morceaux seulement, mais aussi
électrifier le défunt Bikini Test de
Lausanne. C’était dans une autre
vie.Samort,en1991,tientausside
lalégende.Encurededésintoxàla
méthadone, on le retrouva sans
CARNET NOIR
viedansunechambred’hôtelàLa
Nouvelle-Orléans.
Curieusement, il venait de toucher une
grosse somme d’argent. Dont on
ne retrouva aucune trace, pas davantage que de sa provision de
méthadone. «Un drogué de plus
victime d’une overdose», avait conclu la police sans chercher plus
loin. Pourtant, ils sont toujours
nombreux à parler de meurtre.
Bon!au-delàdelalégendemagni-
Johnny Thunders: icône résolument dilanienne du punk rock. LDD
fiée dans le film «Mona et moi»,
diffusé au FFF sans H final de
l’époque et réalisé par notre ami
Patrick Grandperret qui fut son
tour manager, on se rappellera du
guitariste flamboyant des New
York Dolls – où tous les musiciens étaient déguisés en femmes
–,dessauvagesHeartbreakersqui
n’étaient pas ceux de Tom Petty.
Mais aussi d’une carrière solo riche, entre autres, de deux albums
cultes. «So alone» (1978), évidemment, avec des guests exceptionnels nommés Chrissie Hynde, Phil Lynott, Steve Marriott,
Peter Perret, Paul Cook et Steve
Jones. Soit, en termes moins nébuleux, les figures phares de Thin
Lyzzy, Humble Pie, Pretenders,
Sex Pistols and Co.
Et que dire de «Hurt me», paru
en1984etenfinrééditéenCD?A
cette époque, Thunders est une
fois de plus au fond du trou.
Fuyant sans doute créanciers et
flics US, il échoue à Paris où le patron du légendaire et défunt label
New Rose lui propose un deal:
enregistrer un disque avec sa gui-
tare comme unique support de sa
voix d’ange. God! quel résultat.
De quoi se souvenir que Thunders fut aussi un auteur-compositeur touché par la grâce, virtuellement christique. N’ayons pas
peur des mots: «Hurt me» peut
rivaliser avec les meilleurs Dylan.
Mais, à l’image du fulgurant «Just
a story from America», d’Elliott
Murphy, il ne touchera pas les
masses ingrates. Est-ce pour cette
raisonqueMurphyciteThunders
parmi ses influences majeures?
Loindesattitudesrockandrollet
punk rock des débuts, Johnny
Tonnerre livre ici le fond de son
âme. Ame résolument dylanienne, donc, mais auréolée
d’une voix nettement plus audible que celle de l’homme au chapeau. Pour l’anecdote, cette réédition propose un deuxième CD.
Soit l’enregistrement unplugged
delapartyorganiséepourlasortie
de l’album original. Dispensable?
Hep! l’essentiel est ailleurs. Et
puis, «You can’t put your arms
around a memory»... Vraiment?
PIERRE-ALAIN BRENZIKOFER
On risque de retrouver avec beaucoup de plaisir et d’émotion la voix et
la plume de Bertrand Cantat prochainement. Une suite palpable aux
accents mélancoliques de «Des visages, des figures», le dernier album
de Noir Désir et une leçon de poésie (2002) devrait en effet être
donnée, sous le titre d’ «Horizon» et comportant dix titres. Le
prodigieux frontman, après la mort officielle de l’un des plus gros
groupes de rock français en 2010, s’est associé au bassiste Pascal
Humbert et rendra copie de ce projet, nommé Detroit, le 18 novembre.
Subtilité d’Universal, qui à y croire fait parfaitement la différence entre
polémique et promotion, l’album devait sortir le 25 novembre et non le
18. Par un hasard qui laisse coi, cette journée est la Journée
internationale pour l’élimination de la violence contre les femmes,
instituée par l’ONU. Une maison de disques qui a déjà mis des fonds
de côté en vue de possibles tentatives d’interdire la publication de
cette future œuvre, annoncée comme continuatrice de celle de Noir
Déz’, ou du moins proche de la fibre mélanco de son auteur.
L’incarcération de Cantat y sera évoquée, mais non la mort de Marie
Trintignant. Un single intitulé «Droit dans le soleil» devrait être publié et
diffusé à la fin du mois. Good luck! PYT
ROGER WATERS
Les regrets de l’ex-Pink Floyd
L’auteur de «The Wall» a déclaré à la BBC qu’il regrettait d’avoir
poursuivi Pink Floyd en justice en 1986, alors qu’il avait quitté le groupe
et qu’il reprochait à ses anciens partenaires de poursuivre sans lui:
«J’avais tort! Bien sûr. Mais ça intéresse qui? Lorsque je suis allé vers
les types et que j’ai dit écoutez, on a cassé, ce n’est plus Pink Floyd
maintenant, ils m’ont dit ça n’a pas de rapport, c’est une étiquette et ça
a de la valeur commerciale.» Méchants marchands, gentil artiste. PYT
LA PLAYLIST DE...
Marco Oppliger
[email protected]
DIE TOTEN HOSEN «Im Auftrag des Herrn» (live, 1996)
J’avais à peu près 12 ans quand un ami m’a initié aux Toten Hosen.
Depuis, je suis toujours resté fidèle au groupe. «Im Auftrag des Herrn»,
c’est mon premier CD des Hosen. A l’époque, le groupe ne faisait pas
partie du «mainstream». J’avoue que je regrette un peu ce temps béni.
«Hier kommet Alex» est le meilleur titre du disque. Aujourd’hui encore,
dès que j’entends les premières mesures, je me mets à bouger.
DIE TOTEN HOSEN «Reich und Sexy» (best of, 1993)
Le premier «best of» publié par les Toten Hosen. Il contient bien sûr les
hits de la première heure, comme «Opelgang». La chanson «Sunday
Parole» est assez particulière autant pour les Toten Hosen que pour
moi. C’est durant ce morceau, lors du Gurten Festival, que le chanteur
Campino s’est récemment essayé au «stage-diving» avant de grimper
sur pylône et d’allumer un engin pyrotechnique. Le Gurten a tremblé!
GUNS N’ROSES «Appetite for Destruction» (1987)
Honnêtement, je suis arrivé aux Guns N’Roses sur le tard. Pendant
mon école de recrues, le collègue avec lequel j’effectuais les trajets
entre la maison et la caserne écoutait les Guns N’Roses en boucle
dans sa voiture. La grande classe des solos de Slash m’a très vite
touché. Aujourd’hui, chaque fois que j’entends «Sweet Child o’Mine», je
nous revois dans le bolide de mon pote de l’école de recrues. Une de
ces petites choses de la vie que l’on oublie jamais.
MUSE «Showbiz» (1999)
Un jour, je croise un ami avec l’album «Showbiz» sous le bras. Il avait
entendu Muse dans un petit festival et était immédiatement tombé
sous le charme. La voix mélodieuse du frontman Matthew Bellamy et
les passages très obscurs de leur musique m’ont tout de suite fasciné.
Maintenant, je jette toujours un œil sur ce que Muse produit, mais j’y
prête beaucoup moins d’attention qu’à leurs débuts. Leur style est tout
simplement devenu trop pop.