Discours de Monsieur le premier président

Transcription

Discours de Monsieur le premier président
L’audience solennelle est ouverte,
Je vous prie de bien vouloir vous asseoir.
Mesdames et Messieurs les bâtonniers en exercice ou, pour quelques jours
encore, élus,
Mesdames et Messieurs les membres du conseil de l’Ordre,
Mesdames et Messieurs les avocats,
Mesdames et Messieurs, enfin.
Notre cour, en formation d’audience solennelle, est réunie, ce matin, à l’objet de
recevoir la prestation de serment d’avocat de 191 hommes et femmes, soit :
-
179 qui ont choisi de s’inscrire au barreau de Lyon ;
1 au barreau de Villefranche-sur-Saône ;
1 au barreau de Bourg-en-Bresse (encore dénommé barreau de l’Ain) ;
9 au barreau de Saint-Etienne ;
1 au barreau de Roanne.
Ce sont ainsi les cinq barreaux du ressort qui accueilleront les 191 impétrants
considérés, issus des rangs de l’Ecole des Avocats Rhône Alpes (EDARA).
Ce sont, partant, ces mêmes cinq barreaux qui sont présents, par leurs
bâtonniers et par plusieurs de leurs membres actifs ou honoraires, à cette
audience.
Cette cérémonie, Madame la procureure générale et moi, en étroite concertation
avec les barreaux concernés, avons voulu l’ajuster, dans son organisation
matérielle, de telle sorte qu’elle permette, un peu mieux que par le passé, aux
familles et aux proches des nouveaux avocats, d’y être associés. La formule
retenue, si elle s’inscrit fatalement dans les limites tracées par l’architecture et la
configuration de ce palais, devrait, nous l’espérons, apporter aux intéressés une
meilleure satisfaction.
La cour salue, en leur souhaitant la bienvenue en ces lieux où l’action de justice
s’est tant frottée à l’histoire au cours des deux derniers siècles, chacune et
chacun de celles et ceux qui, parents, conjoints, compagnons, compagnes ou
amis, font cortège, à leur entrée dans leur profession pour demain, aux
nouveaux avocats du jour.
Madame la procureure générale, après cette brève entrée en matière, quelles
sont vos réquisitions ?
…/… (DISCOURS DE LA PROCUREURE GENERALE)
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La profession que vous embrasserez dès ce soir présente, à la lumière des
études statistiques qui en assurent un bon suivi quantitatif annuel, quelques
traits identitaires, principaux, que j’ai souhaité signaler à votre attention, un peu
comme on tendrait un instantané aux participants à un évènement pour leur
servir de souvenir, en l’occurrence de repère.
La France comptait, au 1er janvier 2015, 62 073 avocats en exercice, soit
presque 96 avocats pour 100 000 habitants, répartis pour plus de la moitié
d’entre eux (52.5%) entre les quatre plus grands barreaux, dont Lyon, 2ème par
la taille, qui compte plus de 3 000 inscrits à ce jour. Phénomène inédit, cette
« population » nationale, pour emprunter au langage des statisticiens, s’est
accrue de 41% au cours de la décennie 2005-2015.
Vos barreaux sont féminins à plus de 54%. Avec une moyenne d’âge d’un peu
moins de 44 ans (47 ans pour les hommes / 41 ans pour les femmes), ils sont
significativement plus jeunes que les autres professions juridiques et judiciaires
réglementées.
Le barreau français compte 2 102 avocats étrangers (65 % de plus qu’en 2005)
dont, au 1er janvier 2015, 44 à Lyon. A l’échelle de la France entière, un peu plus
de la moitié de ces avocats étrangers (51.6%) est originaire d’un pays de l’Union
européenne, pour leur plus grande part d’Allemagne et du Royaume-Uni.
A la même date, un gros tiers des avocats exerçait à titre individuel, un petit
tiers en association, un tiers à titre de collaborateur ou de salarié. 16% des
avocats, enfin, affichent une spécialisation qui lui a été reconnue aux conditions
fixées par le décret n°2011-1985 du 28 décembre 2011.
Ce métier, en grand mouvement, qui sera désormais le vôtre, apparaît, du point
de vue tout à fois extérieur à proche qui peut être celui d’un chef de cour,
confronté, pour les années à venir, à des questions centrales appelant – qui
l’ignore - de difficiles réponses.
J’aimerais, dans le temps limité qui est celui de cette audience, esquisser à
grands traits les contours de celle qui, par ses implications multiples, ramifiées,
est le plus souvent présentée, à juste escient croyons-nous, comme la principale
d’entre elles.
Un besoin de droit en expansion continue (il s’agit d’un fait de société, sinon
même de civilisation) appelle certainement des professionnels toujours plus
nombreux pour le prendre en charge.
Par ailleurs, la libre concurrence en matière de services dans le périmètre de
l’Union européenne incline à ménager un accès largement ouvert à l’exercice des
professions juridiques et judiciaires.
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La progression, assez considérable et inédite, des effectifs des barreaux français
au cours de ces toutes dernières décennies – dont j’ai retracé la dernière pente
décennale il y a quelques instants – ne saurait, dès lors, surprendre.
Pour autant, il semble que par son ampleur, plus encore par son amplification,
cette croissance des barreaux soit regardée par beaucoup comme de nature à
mettre sous fortes tensions, à peine de les perturber gravement, les équilibres
sur lesquels repose le « modèle économique » qui sous-tend l’activité d’avocat.
La profession, l’université, les pouvoirs publics, devront-ils envisager, sinon
l’adoption d’un numerus clausus – qui dans certains métiers de la santé paraît
développer des effets négatifs de long terme, souvent dénoncés - du moins le
recours à des instruments adaptés d’une régulation organisée de l’accès à la
profession, corrélée à la progression mesurée des indicateurs de son ou, plus
exactement, de ses activités, assez clairement différenciables ?
Mieux, par le resserrement sélectif qu’elle induirait, cette recherche d’une
maîtrise raisonnée des « flux à l’entrée » pourrait-elle, en outre, concourir à
servir un objectif de perfectionnement accru dans son degré d’exigence, de la
préparation technique et professionnelle requise des étudiants accédant aux
prétoires ?
D’assez nombreuses voix dans les barreaux ou à l’université paraissent l’appeler
de leurs vœux.
Poursuivons, si vous le voulez bien, en modifiant l’angle de notre regard.
Il n’est pas très hasardeux de soutenir - comme de nombreux observateurs ont
pu le faire - que la segmentation, réelle mais relative et largement
interconnectée, du marché du droit n’épouse qu’imparfaitement les frontières de
professions juridiques et judiciaires, nombreuses en notre pays.
Les périmètres respectifs de compétence des métiers du droit tiennent à l’histoire
largement autant qu’à une logique de spécialisation, supposée cohérente, des
services qu’ils ont vocation à rendre.
Leur découpage, quelquefois bien subtil – pour le moins - n’est sans doute pas
pour simplifier les choix par lesquels ces mêmes professions, dont la vôtre,
s’efforcent de s’adapter à la si forte progression de la demande de droit, évoquée
plus haut.
Vous sembliez et vous semblez encore nombreux à penser que des solutions
rénovées, flexibles, sont à cet égard d’un meilleur usage, d’un plus grand
secours, que la cartographie compliquée et figée que nous avons reçue en
héritage.
Le rapport de mars 2009 sur les professions du droit, issu des travaux de la
commission présidée par Jean-Michel DARROIS, a tracé des pistes de réflexion et
formulé des propositions de réforme.
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Le législateur s’est, on le sait, par la récente loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour
la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite loi MACRON),
inspiré de quelques-unes d’entre elles pour, notamment, s’engager dans
l’instauration, à terme, d’une profession unique de commissaire de justice,
étendre au ressort de la cour d’appel le champ de postulation des avocats
comme la zone territoriale de compétence des huissiers de justice, ouvrir et
diversifier le capital des structures interprofessionnelles ou encore des structures
d’exercice libéral de votre profession.
C’est – au terme de discussions dont nous avons bien conscience qu’elles ont été
vécues comme difficiles pour votre profession - dans ce cadre, désormais de
droit positif, mais dont beaucoup reste à préciser par d’assez nombreux textes de
mise en œuvre et dont on croit deviner que la mue n’est pas achevée, que vous
abordez votre nouveau métier.
Achevons, enfin, ce tour d’horizon par une considération qui touche au plus près
aux liens qui relient l’intervention de l’avocat à l’office du juge.
Ne nous le dissimulons pas, à la demande croissante de justice qui avance dans
le sillage du besoin de droit en expansion, le juge judiciaire ne peut ni
probablement ne doit seul répondre.
La satisfaction dans un cadre plus apaisé d’une part des besoins des justiciables vos clients de demain- comme les exigences d’une justice de qualité, rapportées
à la mesure réaliste des moyens dont dispose l’institution judiciaire, commandent
que soient organisés, encouragés, promus, accompagnés, le recours, sélectif et
différencié selon la matière et suivant les caractéristiques du litige, aux modes
alternatifs de règlement des différends.
La récente modernisation opérée, ces cinq dernières années, de chacun des
dispositifs concernés fournit un corpus réglementaire adapté à cette ambition,
qu’il s’agisse :
-
de médiation, par le décret n°2015-282 du 11 mars 2015 ;
-
de conciliation, par ce même décret, intervenant à la suite du décret
n°2010-1165 du 1er octobre 2010 ;
-
ou encore d’arbitrage (national ou international), par le décret n°2011-48
du 13 janvier 2011.
De même, dans un registre distinct mais, toutes choses égales par ailleurs,
d’inspiration analogue, des procédures participatives créées par la loi n°20101609 du 22 décembre 2010 et par le décret n°2012-66 du 20 janvier 2012.
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Vos barreaux sont résolument favorables au développement de ces process où
l’avocat peut et doit trouver toute sa place, valorisante à tous égards. D’aucun,
parmi vos bâtonniers en exercice ou élus, en sont des promoteurs infatigables.
Ces modes de règlement alternatif et ces procédures participatives ne
s’imposeront et n’occuperont l’étendue qu’ils méritent qu’à la mesure de
l’investissement dynamique que chaque avocat, chaque juge, sauront y
consacrer.
Prenez y toute votre place, en étant assurés que cette cour d’appel et les
juridictions de son ressort mobilisent et mobiliseront plus encore, dans un
proche avenir, leurs actions convergentes dans ce même sens.
Voilà. Mon rapide panorama s’achève.
Nul doute que votre jeunesse y aidant, vous trouverez dans ce paysage
singulièrement renouvelé, où beaucoup reste à bâtir, les stimuli les plus actifs
pour vous engager dans les adaptations exigeantes du métier que vous avez
choisi.
Tel est le souhait particulier que je forme à l’intention de chacune et chacun
d’entre vous en l’accompagnant de mes vives félicitations et de mes vœux de
pleine réussite dans votre vie professionnelle de demain.
*
Il est temps, désormais, de recevoir vos serments.
Sur la présentation de chaque impétrant par le bâtonnier de l’ordre des avocats
au barreau auquel il sera inscrit et l’appel, par le directeur de greffe, de son
prénom suivi de son nom, l’intéressé s’avancera devant la cour pour prêter
individuellement devant elle le serment dans les termes de la loi.
Mesdames et Messieurs les bâtonniers, vous avez la parole.
…/… (PRESTATION DE SERMENT)
La cour donne acte à Madame la procureure générale de ses réquisitions, vous
donne acte, Mesdames et Messieurs, du serment que vous venez de prêter
devant elle et ordonne que du tout il soit dressé procès-verbal aux soins de
Monsieur le greffier en chef, directeur de greffe.
La cour vous renvoie, enfin, à l’exercice de vos fonctions.
L’audience solennelle est levée.
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