Sémiologie Rhinologique

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Sémiologie Rhinologique
Sémiologie Rhinologique
Pr Ludovic de Gabory
A. Les symptômes
L’interrogatoire en Rhinologie est essentiel car il existe non seulement de très
nombreux symptômes rhinologiques mais aussi parce que la plupart d’entre eux sont
subjectifs. Chacun d’eux peut s’exprimer de multiples façons. Il sera important de rechercher
certaines caractéristiques qu’il faudra replacer dans le temps et le contexte du patient. En
plus des antécédents généraux personnels et familiaux, on recherchera :
- Le mode d’apparition brutal ou progressif
- Le caractère aigu ou chronique
- Le caractère permanent ou intermittent, les intervalles libres,
- La chronologie et l’évolution des symptômes depuis leur apparition, les variations
dans la journée, la semaine, le mois, l’année, en fonction des saisons, des lieux de vie et de
travail.
- Le côté uni ou bilatéral
- L’intensité (échelle visuelle analogique)
- Le retentissement sur la vie quotidienne, physique, sociale, professionnelle
- le retentissement sur le sommeil
- Les facteurs déclenchants / aggravants
- Les facteurs améliorant les symptômes
- Les traitements déjà pris et leur efficacité.
1. L’obstruction nasale
Elle correspond à la sensation de nez bouché, bloqué, de nez plein... Cette sensation
peut être uni ou bilatérale, parfois à bascule (un côté puis l’autre). On notera sa durée, les
intervalles libres, son intensité, sa répercussion sur la qualité du sommeil. En effet la
respiration nasale est une respiration de repos. Elle est en partie la garante de la qualité du
sommeil et de sa structuration. Une obstruction nasale importante aura donc une
répercussion sur le sommeil qui deviendra peu ou pas réparateur.
Par ailleurs on retiendra qu’une obstruction nasale unilatérale est suspecte de
tumeur des fosses nasales jusqu’à preuve du contraire.
2. La rhinorrhée
Elle correspond à un écoulement en provenance des fosses nasales.
Devant une rhinorrhée, on doit préciser :
- son siège : antérieure, par les orifices narinaires, ou postérieure, par les choanes
vers le rhinopharynx. La rhinorrhée postérieure est aussi appelée jetage postérieur, et peut
s’accompagner de hemmage (raclement pharyngé réflexe).
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- son aspect : aqueux, séreux (transparente), muqueuse (blanchâtre), purulente
(jaune-verte).
- son abondance est difficilement quantifiable. Elle peut être appréciée par le besoin
de se moucher et sa fréquence.
- son odeur
La rhinoliquorrhée est un écoulement de LCR au niveau des fosses nasales. Elle
apparait sous la forme d’une rhinorrhée eau de roche, unilatérale, toujours du même côté,
en l’absence d’autre symptôme rhinologique, parfois spontanée, le plus souvent déclenchée
lorsque le malade penche la tête en avant ou se retrouve en position déclive. Cet
écoulement est la conséquence d’une brèche ostéoméningée de la base du crâne. Ces
brèches sont majoritairement post-traumatiques ou post-opératoires et exceptionnellement
spontanée dans un contexte d’hypertension intra-cranienne.
3. L’épistaxis
Une épistaxis est un saignement provenant des fosses nasales. Comme la rhinorrhée,
il faut rechercher son début antérieur ou postérieur. Son abondance est difficilement
quantifiable notamment pour tout ce qui s’est passé au domicile du patient. On retiendra
la durée du saignement qui donnera une idée indirecte de l’abondance. Son caractère
répétitif. On recherchera les circonstances de survenue et on évalura les signes de gravité
consécutifs à la perte sanguine (tolérance cardio vasculaire, respiratoire et neurologique).
4. L’éternuement et le prurit
Ces deux signes témoignent d’une réaction de la muqueuse nasale aux variations
souvent brutales de l’environnement (température, luminosité, odeurs…). Ils peuvent
s’inscrire dans un contexte allergique dont ils sont assez spécifiques lorsqu’ils sont trop
fréquents et intenses.
Les éternuements seront alors volontiers fréquents et répétés en salve de 4 ou 5
éternuements, plusieurs fois par jour, par périodes, parfois la nuit. Il est important de
caractériser les facteurs déclenchants.
Le prurit peut être nasal, vestibulaire, de la pointe du nez, mais aussi oculaire
(rhinoconjonctivite allergique). Il peut s’associer dans un contexte atopique un prurit
auriculaire (conduit auditif externe) ou palatin.
5. Les douleurs faciales et céphalées
Les céphalées et douleurs faciales peuvent témoigner de pathologies rhinologiques.
Les douleurs d’origine sinusienne sont localisées en regard du sinus concerné par
l’infection :
- sus-orbitaire pour le sinus frontal
- médio-faciale pour l’ethmoïde
- sous orbitaire pour le sinus maxillaire
- au vertex, à l’occiput, rétro orbitaire pour le sinus sphénoïdal.
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Les douleurs de sinusite aigue ont pour caractéristiques d’être intenses, insomniantes,
pulsatiles, permanentes, d’aggravation vespérale ou en deuxième partie de nuit, non
calmées par les antalgiques simples de palier I, aggravées par la position déclive penchée en
avant (signe du lacet), lors des efforts de toux ou en pression. Elles sont en revanche
soulagées lors des mouchages.
Les céphalées d’origine nasale sont le signe indirect d’une obstruction nasale. Il s’agit
d’une pesanteur faciale sus-orbitaire, en barre frontale, le matin au réveil, rarement côté audessus de 5 sur une échelle de 10 et sensible aux antalgiques de palier I. Elle disparait
spontanément dans la matinée en l’absence de prise d’antalgique.
6. Les troubles de l’odorat et du gout
Les troubles du goût et de l’odorat sont intriqués. Les molécules odorantes arrivent sur
la muqueuse olfactive par deux voies : l’une antérieure lors de l’inspiration nasale et l’autre
postérieure lorsqu’un aliment est dans la cavité buccale (les molécules odorantes passent en
arrière du voile du palais pour être reconnues par la muqueuse olfactive nasale). Cette rétroolfaction permet la perception de la flaveur des aliments. Elle traduit une grande partie de
leur goût. Ceci explique qu’une altération sévère de l’odorat entraîne aussi une altération
sévère du goût. Dans le cas d’une perte complète de la perception de la flaveur des aliments,
il ne persistera comme goût que la perception des saveurs élémentaires le salé, le sucré,
l’acide et l’amer (papilles gustatives linguales). Une altération de l’odorat entrainera une
altération du gout.
On distingue :
- des anomalies quantitatives :
- Anosmie : perte complète de l’odorat. Elle s’accompagne de la perte de la flaveur
des aliments et donc d’une agueusie.
- Hyposmie : diminution partielle de l’odorat, sans perte de la flaveur.
- des anomalies qualitatives : les dysosmies :
- Cacosmie : perception d’une odeur désagréable. La cacosmie peut être objective
lorsqu’elle est perçue par le patient et par son entourage correspondant alors à un stimulus
malodorant existant (sinusite dentaire, encroutement des fosses nasales). La cacosmie est
dite subjective lorsqu’elle est perçue par le patient mais pas par son entourage ne
correspondant pas à une odeur malodorante réelle.
- Parosmie : Distorsion des odeurs. L’odeur ressentie par le patient ne correspond
pas au stimulus initial. Trouble de l’identification.
- Phantosmie : perception d’odeurs qui n’existent pas, hallucination olfactive.
7. Les troubles du sommeil
Le nez est l’organe respiratoire de repos. L’obstruction nasale peut donc entrainer des
troubles du sommeil dont :
- des micro ou des macro-réveils répétés
- une respiration buccale nocturne : bouche sèche et soif nocturne
- un sommeil positionnel
- une respiration nasale bruyante voire des ronflements
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- des céphalées matinales
- un sommeil peu ou pas réparateur
- un retentissement sur l’activité diurne : somnolence, troubles de l’attention, troubles
de l’humeur, trouble de la mémorisation, de la concentration…
Certains patients ou leurs conjoints rapportent des apnées du sommeil. Elles
correspondent à des pauses respiratoires accompagnées de sensations d’étouffement.
8. Les signes orbitaires
Des signes orbitaires peuvent être les points d’appel d’une pathologie naso-sinusienne
(tumeurs malignes, sinusites compliquées d’abcès intra-orbitaires). Ces signes pourront être
une exophtalmie, une diplopie (vision double) et/ou une baisse d’acuité visuelle.
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B. Les signes de l’examen clinique:
1. Examen clinique de la pyramide nasale

Inspection de la pyramide nasale
L’examen externe de la pyramide nasale permet d’obtenir des informations
importantes sur la morphologie endonasale et la fonction respiratoire. On recherchera une
déviation de la pyramide nasale, des séquelles visibles de traumatismes (enfoncements,
cicatrices, déviation). L’examen sera statique puis dynamique avec la recherche d’un
collapsus des ailes du nez à l’inspiration forcée. L’examen en vue de base recherchera la
position du bord caudal du septum nasal (Figure 1).
Les tumeurs des fosses nasales peuvent envahir l’os et la peau du massif facial et
entrainer des déformations paralatéronasale, du dos du nez, du rebord orbitaire inférieur,
de la joue, du palais. Un télécanthus (écartement anormal des deux canthus internes) peut
parfois être visible lors d’un processus expansif endonasal très volumineux.
L’examen cutané recherche l’existence de tumeurs cutanées (carcinomes baso ou
spinocellulaires), de signes indirects de mouchages répétés (inflammation des ailes du nez,
du philtrum).
Figure 1- Inspection de la base du nez : protrusion du septum dans la fosse nasale droite (à gauche), collapsus
de l’aile narinaire gauche à l’inspiration forcée (à droite).

Palpation de la pyramide nasale
La palpation nasale complète l’inspection de la pyramide en apportant des
informations complémentaires sur la morphologie des os propres du nez, du septum ou des
cartilages supérieurs et inférieurs latéraux. La palpation doit aussi concerner le vestibule
narinaire pour palper le septum en cas de déviation.
2. Examen clinique des fosses nasales

La rhinoscopie antérieure
La rhinoscopie antérieure permet un examen de la partie antérieure de la fosse nasale.
Elle est réalisée grâce à un spéculum nasal et une lumière frontale (Figure 2). Le speculum
permet d’écarter l’aile du nez pour élargie le champ de vision. Il est nécessaire de faire varier
l’orientation du speculum pour examiner la fosse nasale du plancher au sommet. Cet
examen permet d’observer le vestibule narinaire, la valve et la cloison nasale, la tache
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vasculaire, la tête des cornets inférieur et moyen, l’état de la muqueuse et des sécrétions. Il
peut se faire sans ou avec vasoconstricteur locaux. On recherchera la présence de processus
normaux comme le cycle nasal puis des problèmes morphologiques, architecturaux comme
une déviation septale que l’on essayera de caractériser ou une augmentation taille des
cornets inférieurs.
La muqueuse nasale peut être normale (rosée, légèrement humide), inflammatoire
(oedematiée, érythémateuse), sèche, ulcérée ou crouteuse, lilacée (couleur du lilas violet)
notamment chez les patients allergiques. Une perforation septale sera caractérisée par sa
taille et sa position sur la cloison nasale. La muqueuse peut être le support d’angiomes
parfois multiples.
On notera la qualité et la quantité des sécrétions. Une fosse nasale n’est jamais sèche, la
muqueuse doit toujours être humide, tapissée d’un film parfaitement homogène et
transparent, participant au tapis mucociliaire. Chez le tabagique, la qualité des sécrétions se
modifie. Elles seront volontiers plus collantes, visqueuses, translucides tendues entre le
septum et les cornets (sécrétions dites « en corde à linge »).
Les processus pathologiques occupants seront parfois déjà visibles à la rhinoscopie
antérieure en fonction de leur volume : polype inflammatoire (formation translucide en
grain de raisin), tumeur bénigne ou maligne, corps étranger.
Figure 2 – Spéculum nasal et méthode de rhinoscopie antérieure
Il faut retenir que la rhinoscopie antérieure est un examen succinct et ne permet de
voir que le tiers antérieur de la fosse nasale.

La nasofibroscopie
Elle est indispensable pour un examen complet des deux fosses nasales et du cavum.
Elle utilise une fibre optique souple dont l’extrémité distale peut être orientée de façon
variable. La qualité de l’examen peut être améliorée par l’utilisation de vasoconstricteurs
entrainant une rétraction de la muqueuse nasale (Ephédrine - Oxyméthazoline). La tolérance
du patient peut être augmentée par l’utilisation d’anesthésiques locaux (Xylocaïne en spray
nasal). L’existence d’une déviation septale importante empêchera l’examen complet des
fosses nasales. L’examen se passe le plus souvent en position assise (Figure 3).
La nasofibroscopie complète la rhinoscopie antérieure et permet d’étudier les deux
tiers postérieurs des fosses nasales. Elle permet notamment d’accéder au méat moyen non
visible en rhinoscopie antérieur qui est le lieu de drainage des sinus maxillaire et frontal et
des cellules ethmoïdales antérieures. Elle permet d’explorer la fente olfactive, les choanes,
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le sinus sphénoïdal, le cavum et d’éliminer un processus tumoral endonasal (figure 4). Audelà du cavum, elle permet d’accéder au voile du palais, au reste du pharynx et au larynx.
Cet examen permet une vision globale et exhaustive des deux fosses nasales. Cet
avantage est très souvent capital pour comprendre le processus pathologique.
Figure 3 – Examen nasofibroscopique
Figure 4 - Aspect endoscopique des fosses nasales
3. Examen des paires crâniennes
Les sinus et les fosses nasales sont en contact étroit avec l’étage antérieur et moyen de
la base du crâne au travers de laquelle passent les paires crâniennes suivantes :
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- I : nerf olfactif : recherche de signes fonctionnels olfactifs et gustatifs
- II : nerf optique : recherche d’une baisse d’acuité visuelle (vision de loin, de près,
compter les doigts, bouger la main, perception lumineuse), altération du champ visuel
(comparaison du champ visuel au doigt).
- III, IV, VI : nerfs oculomoteurs : analyse de l’oculomotricité dans les différentes
positions du regard, recherche d’une diplopie, d’une limitation de l’amplitude du
mouvement oculaire, tester les réflexes photomoteurs directs et consensuels.
- V : nerf trijumeau : recherche d’une hypoesthésie ou d’une anesthésie dans les
territoires innervées par les 3 branches du nerf trijumeau, en particulier supra et infra
orbitaires.
4. Examen du massif facial
L’examen du massif facial recherchera de plus :
- une exophtalmie uni ou bilatérale que l’on caractérisera : axile ou non, pulsatile ou non,
douloureuse ou non. Un œdème et/ou un érythème palpébral, présents dans les sinusites
compliquées (sinusites frontales avec abcès intra-orbitaire, ethmoïdite) ou dans les
processus tumoraux, qui peut évoluer vers un abcès (caractére fluctuant) puis une
fistulisation.
- une altération de l’état dentaire : un mauvais état dentaire (caries, parodontopathies,
abcès gingival) pouvant entrainer des sinusites maxillaires, une mobilité dentaire pouvant
être un signe de tumeur du sinus maxillaire.
- des angiomes cutanés et muqueux diffus faisant évoquer une maladie de Rendu-Osler
devant des épistaxis à répétition.
Figure 5 – Angiomes cutanés et muqueux dans le cadre d’une maladie de Rendu-Osler
C. Examens fonctionnels instrumentaux rhinologiques
1. Rhinomanométrie et rhinométrie acoustique
La rhinomanométrie et la rhinométrie acoustique sont deux examens utilisés
principalement en recherche.
La rhinomanométrie permet de mesurer la résistance nasale à l’écoulement de l’air.
La rhinométrie acoustique permet de mesure les dimensions internes des fosses
nasales par analyse de la réflexion d’une onde acoustique.
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Ces deux types de mesure peuvent être réalisés avant et après instillations de
vasoconstricteurs locaux pour étudier la part de l’œdème muqueux dans l’obstruction nasale.
2. Exploration de l’odorat
L’olfactométrie permet d’étudier l’identification des odeurs et leur seuil de
perception en faisant respirer aux patients des flacons contenant des solutions odorantes à
différentes concentration. Elle permet d’objectiver l’anosmie, l’hyposmie et la normosmie
mais reste subjective. Dans les rhinosinusites chroniques et les allergies, les seuils olfactifs
sont altérés alors que l’identification des odeurs est conservée.
Le test olfactif le plus courant est celui de détection mais il y a aussi des tests de
discrimination, de mémoire de reconnaissance, d’identification, d’intensité, de
reconnaissance du caractère hédonique, familier ou comestible.
Les potentiels évoqués olfactifs restent du domaine de la recherche.
3. Explorations du sommeil
Ces explorations permettent d’explorer le sommeil des patients suspect de syndrome
d’apnées du sommeil. Ces examens se font soit en ambulatoire (le patient étant équipé des
différents appareils de mesure à l’hôpital, dormant chez lui, et rapportant le lendemain
l’appareillage) ou lors d’une nuit d’hospitalisation.
La polygraphie ventilatoire analyse les débits aériens naso-buccaux, les mouvements
respiratoires thoraco-abdominaux, l’oxymétrie et la fréquence cardiaque.
La polysomnographie analyse ces 4 paramètres ainsi que l’électro-encéphalogramme,
l’électro-oculogramme et un electromyogramme mentonnier.
Ces examens permettront de distinguer les apnées du sommeil obstructives et
centrales des autres troubles du sommeil.
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C. Imagerie du nez, des sinus et de la base du crâne
1. La radiographie standard
ATTENTION : L’usage de la radiographie standard doit être abandonné au profit du
scanner dans les pathologies rhinosinusiennes.
LE DIAGNOSTIC DE SINUSITE AIGUË EST CLINIQUE NOTAMMENT CELUI DE LA SINUSITE
MAXILLAIRE AIGUË
Il reste cependant quelques indications devant des sémiologies atypiques :
- pour rechercher l’existence d’un sinus : les hypoplasies ou les aplasies peuvent
concerner les sinus maxillaires ou frontaux et représentent 0,5 à 1 % de la population.
- pour mettre en évidence une sinusite frontale, sinusite dites « à risque » de
complications graves et nécessitant une antibiothérapie adaptée.
2. Tomodensitométrie : TDM (Scanner)
Le scanner a détrôné la radiographie pour l’analyse des structures osseuses nasosinusiennes. C’est l’examen de référence devant toute pathologie naso-sinusienne et il doit
être facilement demandé. Il doit être réalisé en coupes axiales millimétriques, jointives avec
reconstructions coronales et sagittales. Le plan axial de référence doit être celui du palais
dur. A la différence du neurologue, pour l’ORL les coupes de références pour la lecture de
l’examen sont les coupes coronales. Elles se rapprochent le plus de la vision endoscopique
des cavités naso-sinusiennes. L’injection de produit de contraste a un intérêt pour l’analyse
des structures vasculaires essentiellement : l’analyse des structures tissulaires sera mieux
réalisée par une IRM.
ATTENTION : il existe des opacités sinusiennes au scanner chez 50 % de la population
normale sans aucune sémiologie rhinosinusienne. Ces opacités font parties de la vie des
sinus et n’ont pas de caractère pathologique. Il est donc impératif que chaque anomalie
notamment muqueuse soit replacée dans le son contexte sémiologique et la chronologie
des symptômes.
Les informations apportées par le scanner seront :
- Osseuses : existence de variations anatomiques au niveau des sinus (bilan
préopératoire), séquelles de fracture ou de chirurgie antérieure, lyse osseuse (par
compression ou par invasion tumorale : invasion de l’orbite, de la peau, de la base du crâne),
pathologie osseuse (dysplasie fibreuse, tumeur osseuse), hypertrophie osseuse dans les
sinus atteints de sinusite chronique.
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Figure 6 – TDM coronal des sinus : à gauche, existence d’une brèche orbitaire avec issu de graisse dans
l’ethmoïde gauche ; au milieu, ostéome ethmoïdal droit ; à droite, hypertrophie osseuse en rapport avec une
sinusite maxillaire chronique gauche.
- Contenu sinusien : hypertrophie muqueuse, comblement sinusien, niveau
hydroaérique. L’air (noir) sera remplacé par un contenu tissulaire ou liquidien (isodense,
gris) : la nature exacte ne pourra pas être affirmée sur la TDM seule. L’aspergillome ou truffe
aspergillaire apparait classiquement sous la forme d’une structure de densité calcique ou
métallique au sein d’un comblement sinusien.
Figure 7 – Opacités sinusiennes : à gauche, hypertrophie polypoïde de la muqueuse des deux sinus
maxillaires et polypes ethmoïdaux sur rhinite allergique permanente sévère ; à gauche, comblement du sinus
maxillaire droit avec image de tonalités calcique évoquant une truffe aspergillaire.
- Relation des sinus maxillaires avec les apex dentaires (15, 16, 17, 25, 26, 27):
recherche de kystes apicaux, de lyse osseuse en regard des dents sinusiennes.
Figure 8 – Sinusites maxillaires d’origine dentaire : comblement maxillaire unilatéral avec présence de kyste
à l’apex des dents maxillaires supérieures.
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3. Imagerie par résonnance magnétique (IRM)
L’IRM est complémentaire du scanner pour ses informations sur les tissus mous. C’est le
seul examen qui permet de connaitre la nature du contenu sinusien. Il n’a pas d’intérêt pour
l’analyse des structures osseuses. La technique dépendra de la pathologie. Sa principale
indication concerne la pathologie tumorale et celle de la base du crâne comme les brèches
ostéo-méningées ou les méningocèles. Dans ce cadre, il faudra réaliser des séquences en T1,
T2, T1 avec injection de gadolinium, avec des reconstructions axiales, coronales et sagittales.
Les informations apportées par l’examen IRM seront :
- Caractérisation de la nature des lésions tissulaires : différenciation entre l’œdème
muqueux, la rétention liquidienne intra-sinusienne, un abcès, une lésion tissulaire ou une
mycétome.
Figure 96 – Lésions tissulaires et liquidiennes : à gauche, IRM T2 mucocèle frontale gauche, le contenu de la
mucocèle apparait en léger hypersignal T2 spontané ; à droite, IRM T1 + gadolinium papillome inversé du
méat moyen gauche. La rétention du sinus maxillaire gauche apparait en hyposignal non réhaussé par
l’injection de produit de contraste.
- Degré de vascularisation des tumeurs : le fort rehaussement des tumeurs après
injection de gadolinium traduit une vascularisation intra-tumorale importante. Cette
information est nécessaire en cas de chirurgie et peut aider à poser l’indication d’une
embolisation tumorale pour diminuer le saignement per-opératoire.
- Extension tumorale locale et régionale : l’IRM permet de mieux caractériser les
contours de la lésion que le scanner. Elle montre aussi l’extension tumorale aux structures
intra-orbitaires (périorbite, graisse orbitaire, muscles oculomoteurs), intracrâniennes
(méninge, bulbes olfactifs, parenchyme cérébral), cutanées, nerveuses (tumeurs
neurotropes et envahissement des branches du trijumeau). Enfin, des coupes cervicales
permettent d’analyser l’extension ganglionnaire.
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Figure 10 – Extension tumorale : à gauche : récidive d’adénocarcinome envahissant de façon massive les
sinus maxillaires, les orbites, l’étage antérieur de la base du crâne, la méninge et le lobe frontal droit ; au
milieu, métastase du sphénoïde d’un carcinome épidermoïde de la cavité buccale ; à droite, neuroblastome
olfactif envahissant le parenchyme cérébral.
4. Tomographie par émission de positrons (TEP-Scan)
Le TEP-Scan permet d’étudier l’extension tumorale de façon globale, en fournissant une
imagerie du corps entier. Il permettra de confirmer l’envahissement de certaines structures
endonasales, de confirmer ou non l’extension à des adénopathies cervicales suspectes à
l’IRM, et surtout de mettre en évidence les métastases à distance. Le bilan à distance peut
être complété par un scanner abdomino-pelvien. Le TEP-Scan est réservé uniquement aux
tumeurs fixant le 18-FDG (carcinomes épidermoïdes, mélanomes muqueux).
5. Panoramique dentaires et dentascanner
En cas de suspicion de sinusite chronique d’origine dentaire, un panoramique dentaire,
complété au besoin par un dentascanner, peuvent être nécessaire. Ces examens analysent
de façon précise la relation dent-sinus, permettant d’identifier les dents fautives et les
racines pathologiques ayant déclenché la pathologie sinusienne.
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E. Les pathologies
1. Anomalies morphologiques et déviations septales
Les déviations du septum et de la pyramide nasale sont très fréquentes. Elles peuvent
être asymptomatiques, s’accompagner d’une gêne fonctionnelle respiratoire, d’une gêne
esthétique ou des deux.
Ces déviations peuvent être congénitales (croissance différentielle entre la portion
osseuse et la portion cartilagineuse du septum) ou post traumatique.
L’ensemble des symptômes consécutifs à la déviation septale sont regroupés au sein du
« syndrome morphologique » :
- Obstruction nasale uni ou bilatérale, parfois à bascule
- Troubles du sommeil (sommeil fragmenté, positionnel, non réparateur, respiration
buccale)
- Céphalées frontales matinales en barre
- Infections rhinosinusiennes fréquentes et prolongées
Le traitement chirurgical de la déviation septale est la septoplastie, celui de la déviation
septale et nasale est la septorhinoplastie.
Figure 11 – Aspects d’une déviation nasale à l’examen clinque, en endoscopie et en imagerie
2. Les pathologies infectieuses
La rhinopharyngite aiguë est l’infection de la muqueuse des cavités naso-sinusiennes : le
rhume. Elle est le plus souvent d’origine virale. Les symptômes de la rhinopharyngite aiguë
sont :
- Rhinorrhée aqueuse ou muqueuse, antérieure et postérieure. L’apparition d’une
rhinorrhée muco-purulente en fin d’évolution est classique et ne signifie pas forcément
l’existence d’une surinfection bactérienne.
- Pesanteur faciale et sinusienne
- Fièvre
L’évolution est spontanément favorable en 4 à 7 jours. Le traitement est symptomatique
(antalgiques, antipyrétiques, lavages de nez, décongestionnants nasaux).
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La sinusite aiguë est l’infection bactérienne d’une ou plusieurs cavités sinusiennes. Elle
est parfois consécutive à la surinfection bactérienne d’un sinus à la suite d’une
rhinopharyngite virale.
Les critères majeurs de sinusite aiguë bactérienne sont :
- Douleur d’origine sinusienne typique (unilatérale, en regard du sinus concerné,
pulsatile, augmentée en position déclive, en fin d’après-midi ou en deuxième partie de nuit)
- Persistance ou augmentation de la douleur après 48h de traitement symptomatique
bien conduit d’une rhinopharyngite aiguë
- Augmentation de la rhinorrhée, de sa purulence et sa tendance à devenir unilatérale
- A l’examen, la présence de pus au niveau du méat moyen est un signe
pathognomonique de sinusite aiguë bactérienne.
Les critères mineurs de sinusite aigue sont la fièvre, l’obstruction nasale, la toux, les
éternuements.
Le traitement associe traitement symptomatique et traitement antibiotique.
Figure 7 – Sinusite aiguë bactérienne : pus au méat moyen à l’endoscopie ; comblement de l’ensemble des
cavités sinusiennes droites et mise en évidence d’une fistule bucco-sinusienne liée à une extraction dentaire.
La réalisation d’un examen TDM est justifiée devant une sinusite aiguë présentant des
critères de gravité. Les critères de gravité d’une sinusite sont son caractère bloqué (absence
d’évacuation du pus), son caractère hyperalgique, ou l’existence d’une complication. Les
complications des sinusites aiguës sont liés à la diffusion de l’infection bactérienne vers les
structures en rapport avec les sinus : complications orbitaires (abcès sous-périostés, intracôniques), cutanées (abcès sous-cutanés), intracrâniennes (méningite, empyème cérébral,
abcès cérébral). Cette diffusion peut se faire soit directement au travers de l’os ou à distance
par les réseaux vasculaires.
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Figure 8 – Sinusites compliquées : à gauche, aspect clinique d’ethmoïdite compliquée (œdème palpébral
érythémateux) ; au milieu, TDM montrant un abcès sous-périosté orbitaire droit consécutif à une
ethmoïdite ; à droite, abcès cérébral compliquant une sinusite aiguë.
3. Les pathologies inflammatoires
La rhinite allergique est la manifestation de l’hyperréactivité de la muqueuse nasale aux
pneumallergènes inhalés. Les symptômes de la rhinite allergique sont :
- L’obstruction nasale bilatérale
- La rhinorrhée aqueuse
- Les éternuements en salve et le prurit
- l’hyposmie
L’intensité de ses manifestations dépend du caractère permanent ou intermittent de
l’exposition aux pneumallergènes. On peut ainsi distinguer deux tableaux cliniques :
- Rhinite allergique intermittente : c’est la rhinite saisonnière, classiquement liée aux
pollens. Les symptômes prédominants sont les éternuements, le prurit et la rhinorrhée.
- Rhinite allergique permanente : c’est la rhinite perannuelle classiquement aux acariens.
L’obstruction nasale et l’hyposmie sont les symptômes prédominants.
Le traitement associe les anti-histaminiques (efficaces sur le prurit, les éternuements et la
rhinorrhée) et les rhinocorticoïdes (efficaces sur l’œdème muqueux, l’obstruction nasale et
l’hyposmie).
Tous les processus pathologiques des sinus peuvent s’accompagner de polypes des fosses
nasales : la rhinite allergique, les maladies de système (Maladie de Wegener), la
mucoviscidose, les tumeurs (polype sentinelle)… Cependant le terme « polypose nasosinusienne » est réservé à une entité nosologique isolée ne s’inscrivant pas dans le cadre
d’une autre maladie. Il s’agit d’une maladie inflammatoire de l’ethmoïde dont la résultante
est de produire des polypes faisant issus par les méats de manière bilatérale. Les symptômes
principaux sont l’obstruction nasale et l’anosmie. Le traitement associe les rhinocroticoïdes
et les corticoïdes per os. La maladie de Fernand-Widal correspond à l’association d’une
polypose naso-sinusienne, d’un asthme et d’une intolérance à l’aspirine.
Figure 9 – Polypose naso-sinusienne : aspect endoscopique et scannographique.
4. Les épistaxis
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Les épistaxis sont le plus souvent bénignes et surviennent au niveau de la tache
vasculaire.
Dans d’autres cas, elles sont favorisées par les troubles de l’hémostase (traitement
anticoagulant ou anti-agrégant plaquettaire, hémophilie), l’hypertension artérielle, les
traumatismes locaux. Le traitement local doit être couplé à celui de la cause générale.
Une épistaxis unilatérale à répétition doit faire suspecter une tumeur des fosses nasales.
La maladie de Rendu-Osler est une maladie génétique à transmission autosomique
dominante qui s’accompagne d’angiomes nasaux responsables d’épistaxis, d’angiomes
muqueux disséminés, et de malformations vasculaires cérébrales, hépatiques et pulmonaires.
5. Les pathologies tumorales muqueuses
La muqueuse des cavités naso-sinusienne peut donner naissance à de nombreux types
tumoraux, bénins (papillome inversé) comme malins (adénocarcinome, carcinome
épidermoïde, mélanomes muqueux, neuroblastome, sarcomes, lymphomes…). La
symptomatologie n’est pas spécifique : obstruction nasale, épistaxis, rhinorrhée mucopurulente.
ATTENTION : TOUTES SYMPTOMATOLOGIE UNILATERALE EST UNE TUMEUR JUSQU’A
PREUVE DU CONTRAIRE
Ces tumeurs sont le plus souvent diagnostiquées à un stade avancé car elles se
développent de façon indolente dans les espaces aériques naso-sinusiens. Les examens
d’imagerie permettent d’évaluer l’extension tumorale, la biopsie sous AL ou sous AG permet
de connaitre la nature histologique exacte de la tumeur. Le traitement peut associer
chirurgie, radiothérapie et/ou chimiothérapie.
Les adénocarcinomes de la fente olfactive sont une pathologie professionnelle
survenant chez les patients exposés aux poussières de bois.
Figure 10 –Tumeurs des cavités naso-sinusiennes : à gauche, patient présentant un carcinome neuroendocrine de l’ethmoïde avec envahissement des deux orbites, il existe une exophtalmie, un télécanthus et
un élargissement du dos du nez ; au milieu, papillome inversé du méat moyen gauche ; à droite,
neuroblastome olfactif de l’ethmoïde droit avec envahissement de la base du crâne.
6. Pathologie tumorale cutanée
La peau de la pyramide nasale ainsi que du vestibule narinaire peut être le siège de
tumeurs cutanées. Les plus fréquentes sont les carcinomes basocellulaires et
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spinocellulaires. Ils peuvent présenter des formes bourgeonnantes, ulcérées ou infiltrantes.
Le traitement chirurgical permet de réséquer la tumeur et de reconstruire la perte de
substance cutanée.
7. Troubles de l’odorat
Il existe de nombreuses causes de troubles de l’odorat :
- Par obstacle mécanique : toute pathologie obstruant les fentes olfactives peut
entrainer un trouble de l’odorat : rhinite infectieuse, allergique, polypose, tumeur…
- Par atteinte des cellules sensorielles : les infections respiratoires virales (rhinosinusite,
grippe), peuvent s’accompagner d’une anosmie ou d’une parosmie.
- Par atteinte des fibres olfactives : un traumatisme crânien peut entrainer une lésion des
fibres olfactives par cisaillement lors du passage de l’énergie cinétique au travers de la base
du crâne (choc occipital).
- Par atteintes centrales au niveau des bulbes olfactifs et du cortex temporal : une
atteinte des voies centrales de l’olfaction peut se traduire par des altérations quantitatives
et qualitatives de l’olfaction (accidents vasculaires cérébraux, traumatismes, tumeurs,
traitement médicamenteux, maladies neuro-dégénératives dont les maladies d’Alzheimer ou
de Parkinson).
8. Syndrome d’apnée du sommeil
Le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) est la conséquence d’une
obstruction des voies respiratoires hautes lors de l’inspiration pendant le sommeil. Cette
obstruction peut être liée à de nombreux facteurs anatomiques dont des facteurs
rhinopharyngés (muqueuse pharyngée hypertrophique, voile long et mou, basse de langue
volumineuse, déviation septale ou septo-pyramidale, obstruction nasale…). Ces apnées
déstructurent le sommeil et entrainent une somnolence diurne pouvant parfois entrainer
des accidents, et des troubles cognitifs et de l’humeur. Le SAOS est associé à l’hypertension
artérielle, à l’insuffisance coronarienne et à la survenue d’accidents vasculaires cérébraux. Le
diagnostic est réalisé par la polygraphie ou la polysomnographie. Le traitement comprend la
correction des facteurs anatomiques et/ou l’utilisation d’un appareillage de ventilation
nocturne en pression positive.
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