Louise Labé
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Louise Labé
Louise Labé ou Labbé Lyon, (vers) 1524 – 1566 gravure du XVIe siècle. Paris, B.N. En 1555, Louise Labé obtient que soit publié son Recueil contenant trois élégies, vingtquatre sonnets, une œuvre en prose (Débat de Folie et d’Amour) et une préface : le succès fut immédiat, la publication fut un événement littéraire salué par de nombreux poètes. Figure féminine devenue légendaire de la Renaissance française, elle reste rattachée à l’école poétique lyonnaise dont elle est devenue la représentante la plus illustre et la plus originale. L’art de Louise Labé se distingue par le renversement explicite et audacieux des codes amoureux qui régissaient la poésie de l’époque : dans son chant amoureux, l’amante ose s’exprimer au féminin. A une époque où dans la poésie amoureuse, toujours masculine, la description du corps des femmes était utilisée comme simple prétexte pour développer la virtuosité verbale et artistique du poète, Louise Labé parle du corps féminin comme sujet qui peut s’énoncer soi-même, exprimer sa vitalité, son lyrisme, sa soif d’amour. Issue de la bourgeoisie de Lyon, elle eut la chance de recevoir une éducation poussée grâce au soutien de son père, impressionné par la vivacité d’esprit de sa fille. A cette époque, la vie culturelle lyonnaise, sous influence italienne, était d’une richesse foisonnante, échappant à bien des égards aux rappels à l’ordre des églises. Louise Labé étudia le latin, l’italien, le grec, la musique mais aussi l’équitation et les arts des armes réservés aux hommes ; elle n’hésita pas à s’habiller en homme pour pouvoir monter à cheval, ce qui lui attira très tôt des injures de la part des hommes d’église comme Calvin. Mariée à un riche artisan cordier de trente ans son aîné, Louise Labé a pu fréquenter les cercles mondains de sa ville et a pu vivre des passions amoureuses avec différents hommes appartenant à l’élite culturelle lyonnaise, passions qu’elle a su transfigurer dans ses élégies et ses sonnets avec une audace exceptionnelle sur le plan de l’expression. Inclassable, Louise Labé a été injuriée et calomniée dès son vivant, traitée de courtisane. Sa poésie est pourtant militante, consciente de sa charge subversive, et ne se laisse en aucun cas interpréter comme un reflet naïf de ses sentiments sincères. Dans sa préface, elle en appelle aux femmes, pour qu’elles prennent sa relève : « ne pouvant de moi-même satisfaire au bon vouloir que je porte à notre sexe, de le voir non en beauté seulement, mais en science et vertu passer ou égaler les hommes : je ne puis faire autre chose que prier les vertueuses Dames d'élever un peu leurs esprits par-dessus leurs quenouilles et fuseaux ». Elle enjoint aux femmes non seulement de s’instruire mais aussi de prendre la plume : « Étant le temps venu, […] que les sévères lois des hommes n'empêchent plus les femmes de s'appliquer aux sciences et disciplines, il me semble que celles qui [en] ont la commodité, doivent employer cette honnête liberté, que notre sexe a autrefois tant désirée, à icelles apprendre, et montrer aux hommes le tort qu'ils nous faisaient en nous privant du bien et de l'honneur qui nous en pouvaient venir : et si quelqu'une parvient en tel degré, que de pouvoir mettre ses conceptions Civisme et démocratie – CIDEM par écrit, le faire soigneusement et non dédaigner la gloire, et s'en parer plutôt que de chaînes, anneaux, et somptueux habits, lesquels ne pouvons vraiment estimer nôtres, que par usage. » En exigeant l’accès des femmes à l’éducation et à la culture universelle, Louise Labé s’inscrit dans la longue lignée des militantes pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Civisme et démocratie – CIDEM