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NOTE IMPORTANTE : cette version est une traduction de la version originale anglaise. CENTRE DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS SPORTIFS DU CANADA (CRDSC) SPORT DISPUTE RESOLUTION CENTRE OF CANADA (SDRCC) No de dossier : SDRCC 13-0211 JACLYN LABERGE (DEMANDERESSE) ET BOBSLEIGH CANADA SKELETON (BCS) (INTIMÉ) ET LANETTE PREDIGER (PARTIE AFFECTÉE) ET MELLISA HOLLINGSWORTH (PARTIE AFFECTÉE) ET JANE CHANNELL (PARTIE AFFECTÉE) Avocats et représentants des parties : Me Emir A. Crowne Me Paul J. Greene Esq. Meredith MacGregor Me Sarah Storey Avocat de la demanderesse Avocat de la partie affectée Lanette Prediger Étudiante en droit, assistant Lanette Prediger Avocate de BCS Jaclyn Laberge Dr Lanette Prediger Don Wilson Demanderesse Partie affectée Chef de la direction, BCS Marjha Thénor Beauchamps Gestionnaire de dossiers, CRDSC Tanya Gates Chef des opérations, CRDSC Arbitre : Graeme Mew FCIArb Audience tenue par conférence téléphonique le 26 novembre 2013 2 MOTIFS DE DÉCISION 1. Après avoir pris part aux courses de sélection à Calgary et Whistler, Jaclyn Laberge (la « demanderesse ») a été sélectionnée au sein de l’équipe canadienne de skeleton de la Coupe Intercontinentale (« CIC ») pour les deux premières courses de la saison de compétition 2013–2014. 2. Une autre athlète de skeleton, Lanette Prediger, n’a pas été sélectionnée au sein de l’équipe de skeleton de la CIC. Celle-ci estimait qu’elle aurait dû être sélectionnée et elle a donc interjeté appel conformément aux procédures d’appel de Bobsleigh Canada Skeleton (« BCS »). 3. Le 15 novembre 2013, un comité d’appel, constitué en vertu de la Politique d’appel de BCS (la « Politique d’appel ») a accueilli l’appel de Dr Prediger, après avoir conclu qu’elle aurait dû être sélectionnée pour être membre de l’équipe de Skeleton de la CIC. 4. Le Canada peut inscrire trois compétitrices à chaque course de la CIC. Dr Prediger ayant obtenu gain de cause en appel, BCS a révoqué la sélection de Mme Laberge. 5. Mme Laberge n’avait pas été informée de l’appel interjeté par Dr Prediger et elle n’a donc pas participé au processus d’appel. 6. Mme Laberge exerce à présent un autre droit de recours conformément au paragraphe 20 de la Politique d’appel de BCS, qui permet de soumettre certains différends impliquant BCS et ses membres à un arbitrage du CRDSC. 7. La demanderesse a déposé sa demande le 18 novembre 2013. Dans sa demande, elle désignait Lanette Prediger à titre de partie affectée1. Elle y 1 Les dispositions du Code applicables aux parties affectées et aux interventions sont notamment les suivantes : 6.12 Participation d’une Partie affectée (a) Si un Demandeur et un Intimé identifient une Partie affectée dans la Demande et la Réponse, selon le cas, le CRDSC signifiera un avis à ladite Partie affectée, aux dernières coordonnées connues de cette Personne. (b) Sur réception d’une entente de confidentialité signée par la Partie affectée, le CRDSC communiquera à la Partie affectée les renseignements pertinents concernant le dossier, qui énonceront et incluront les éléments suivants : (i) la question soumise au CRDSC; (ii) une copie du formulaire de Demande et du formulaire de Réponse; et (iii) le délai dont dispose la Partie affectée pour soumettre une Intervention conformément au paragraphe 6.13 ci-dessous. Le CRDSC enverra un [sic] copie de l’Intervention aux Parties. (c) Le CRDSC peut, à sa discrétion, signifier un avis en vertu de l’alinéa 6.12(b) ci-dessus à toute Personne pouvant être concernée ou touchée par une décision relative au différend faisant l’objet de la Demande. [suite de la note 1 à la page suivante] 3 indiquait également que l’affaire devrait être tranchée d’urgence, dans la mesure où l’équipe devait quitter le Canada le 30 novembre 2013, avant la première course de la CIC. 8. BCS a communiqué sa réponse le 19 novembre 2013. L’organisme a également désigné Dr Prediger à titre de partie affectée. 9. Dr Prediger a déposé un formulaire d’intervention le 20 novembre 2013. 10. J’ai été nommé arbitre le 20 novembre 2013. Une réunion préliminaire a eu lieu par conférence téléphonique le même jour. Les parties ont confirmé qu’elles n’avaient aucune objection au sujet de ma nomination ou de la compétence du CRDSC pour trancher cette affaire. Un échéancier a été établi pour la communication des mémoires et déclarations des témoins, et l’audience a été fixée au 26 novembre 2013 à 16 h (HNE), par conférence téléphonique. Deux autres athlètes de BCS, Mellisa Hollingsworth et Jane Channell, ont également été désignées à titre de personnes susceptibles d’être affectées par la procédure. Il a été convenu qu’elles devraient être avisées de l’audience et avoir la possibilité de participer à titre de parties affectées, conformément au paragraphe 6.12 du Code canadien de règlement des différends sportifs (le « Code »). 11. L’audience a eu lieu comme prévu. Dr Prediger a participé à titre d’intervenante. Mmes Hollingsworth et Channell, qui avaient été avisées de l’audience, n’ont pas participé. 12. Au cours de l’audience, la demanderesse et Dr Prediger ont toutes les deux fait des déclarations et répondu à des questions, tout comme le chef de la direction de BCS, Don Wilson. À un moment donné, à ma demande, le directeur du programme de haute performance de BCS, Nathan Cicoria, s’est joint brièvement à l’audience, pour donner des informations que M. Wilson n’avait pas pu fournir. 13. À la conclusion de l’audience, tous les participants ont confirmé qu’on leur avait donné pleinement et en toute équité la possibilité de présenter leurs cas respectifs. J’ai ensuite indiqué aux parties que je leur ferais part de ma décision le 27 novembre 2013, et que les motifs seraient communiqués à une date ultérieure. 14. J’ai décidé de ne pas accueillir l’appel interjeté par Mme Laberge. 1 [suite] (d) Le défaut d’une Partie affectée de participer à l’Arbitrage est un facteur qui sera pris en considération par toute Formation future qui devrait y attribuer une grande importance dans l’éventualité où la Partie affectée déposerait sa propre Demande relativement à ce différend. 6.13 Intervention Si une Personne désire participer à l’Arbitrage à titre d’Intervenant, cette Personne remplit et dépose une Intervention auprès du CRDSC dans les délais impartis par le CRDSC. Ce dernier envoie une copie de l’Intervention aux Parties et fixe un délai pour qu’elles prennent position sur la participation de la Personne désirant intervenir. 4 15. Voici les motifs de ma décision. Bien que j’aie pris en considération l’ensemble de la preuve, et des observations et documents qui ont été portés à ma connaissance, je renvoie uniquement aux éléments de preuve, et aux observations et documents soumis que j’estime nécessaires pour expliquer mon raisonnement et mes conclusions. Les critères de sélection 16. Le Programme national de skeleton – Processus et critères de sélection 20132014 de Bobsleigh Canada Skeleton (les « Critères de sélection ») comprend les dispositions suivantes : Totaux de points de sélection et classement des athlètes dans la Série d’épreuves de sélection Pour les deux (2) premières compétitions de la saison 201314 (CM#1-2), le total global de points gagnés à la conclusion de l’épreuve de sélection #2 servira à établir un classement des athlètes par rapport aux autres compétiteurs ou compétitrices. Compte tenu du rang au classement et des considérations précisées dans les documents de critères de sélection 2013-14, les athlètes recevront une «position» et celle-ci aidera à décider l’équipe dans laquelle/le circuit dans lequel l’athlète sera affecté(e). Les équipes consisteront en les quotas respectifs (ou moins) auxquels le Canada s’est qualifié, tel que déterminé par les totaux de points de la saison 2012-13 (quota FIBT). Veuillez vous reporter aux critères de sélection 2013-14 pour savoir les détails du processus de sélection pour le reste de la saison de compétition 2013-14. Les athlètes qui ont atteint les critères d’«admissibilité à la présélection», en fonction des résultats de la saison 2012-13, se feront octroyer une place de priorité au sein de l’équipe de Coupe du Monde (pour les deux (2) premières compétitions de Coupe du Monde), à savoir une priorité supérieure à ceux et celles qui concourent à la série d’épreuves de sélection. Les conditions pour la pré-sélection suivant les critères de sélection 2012-13, sont en cours. Dans le cas d’égalité des points de sélection, la décision quant à quel athlète recevra le rang plus élevé au classement se basera sur les chronos de poussée cumulatifs des athlètes concernés, compte tenu de toutes les quatre (4) descentes de la série. L’athlète ayant le chrono cumulatif le plus bas aux poussées sera l’athlète qui aura le rang plus élevé au classement. 5 L’Équipe de Coupe Intercontinentale peut consister en un maximum de trois (3) hommes et de trois (3) dames, conformément aux quotas indiqués par la FIBT. Seront considérés au circuit de Coupe Intercontinentale les athlètes qui ont participé au processus de sélection et qui atteignent les critères suivants : Équipe de Coupe InterContinentale Pour chacune des disciplines, les places de départ #4 - #6 (hommes et dames) seront attribuées aux athlètes pour les deux (2) premières compétitions de la saison 2013-14 en fonction des dispositions suivantes : a) 4e - 6e (hommes et dames) rangs les plus élevés, basé sur le total des points à la série d’épreuves de sélection et la discrétion de l’entraîneur en chef (tel que précisé dans les critères ci-dessous mentionnés de candidat(e)s à l’équipe nationale ». b) Statut de maladie/blessure. Série d’épreuves de sélection 17. Parmi les athlètes féminines qui ont participé à la Série d’épreuves de sélection, Mme Hollingsworth a réalisé le troisième total de points le plus élevé (394 points); Dr Prediger a réalisé le quatrième total de points (376 points); Mme Channell et Mme Laberge étaient ex aequo en cinquième place (344 points chacune). Mais après application du critère de départage des ex aequo, Mme Channell a été classée avant Mme Laberge. Il y avait en outre une athlète pré-sélectionnée, de sorte que la demanderesse a pris la 7e place au classement général, alors que Dr Prediger était 5e. La décision du Comité de sélection 18. Les Critères de sélection prévoient, en ce qui concerne la « Sélection définitive » : Une fois complétées les procédures de sélection, l’entraîneur en chef soumettra la liste d’athlètes admissibles au Comité de sélection, qui consistera en : membre du conseil d’administration BCS (président du comité), président-directeur général, directeur des programmes de haute performance, et un participant indépendant. Le comité de sélection va confirmer les athlètes sélectionnés et annoncer sa décision définitive. 19. Aucun document faisant état de la décision finale du Comité de sélection n’a été versé au dossier, que ce soit devant le Comité d’appel ou lors de cette audience. Toutefois, Don Wilson, le chef de la direction de BCS, a confirmé que le Comité de sélection était formé du directeur de haute performance (Nathan Cicoria), du président-directeur général [chef de la direction] (M. Wilson), du président de BCS (Reid Morrison) et d’un participant indépendant (Jason Poole). 6 20. M. Wilson a confirmé que le Comité de sélection avait reçu une liste de recommandations de l’entraîneur en chef, Duff Gibson. En ce qui concerne la sélection des membres de l’équipe de la CIC, M. Gibson avait recommandé la sélection de Mmes Hollingsworth, Channell et Laberge au sein de l’équipe. M. Wilson se rappelle qu’il y avait eu une discussion à propos des mérites des athlètes susceptibles de former l’équipe, mais il ne se rappelle pas quels critères objectifs ont joué en faveur de Mme Laberge plutôt que Dr Prediger, ni pourquoi M. Gibson a préféré Mme Laberge plutôt que Dr Prediger. 21. Le Comité de sélection a confirmé les recommandations de M. Gibson, de sorte que l’athlète pré-sélectionnée, Sarah Reid, ainsi que les deux athlètes les mieux classées ensuite, Cassie Hawrysh et Robynne Thompson, ont été sélectionnées pour former l’équipe de la Coupe du monde et Mmes Hollingsworth, Channell et Laberge ont été sélectionnées pour former l’équipe de la CIC. Une septième athlète, Carli Brockway, a été sélectionnée comme remplaçante pour l’équipe de la CIC. Dr Prediger n’a été sélectionnée ni pour l’équipe de la Coupe du monde ni pour celle de la CIC. L’appel interne 22. Rappelons que Dr Prediger a invoqué le processus d’appel dont font mention les Critères de sélection, à savoir : Tout différend relatif à la sélection et à la candidature au programme national de skeleton sera abordé par le biais de la procédure d’appels [de] Bobsleigh Canada Skeleton, tel que précisé dans l’entente d’athlète de BCS 2013-14. 23. Si l’Entente de l’athlète de 2013–2014 ne faisait pas partie du dossier, la Politique d’appel de BCS en revanche y avait été versée. Cette politique prévoit la constitution d’un Comité d’appel formé de trois personnes. La composition du Comité d’appel qui a tranché l’appel de Dr Prediger n’a pas été contestée. Et endehors de la non-participation de Mme Laberge à cet appel, la procédure suivie par le Comité d’appel n’a pas été contestée non plus. 24. La Politique d’appel (article 7) établit les motifs en vertu desquels un appel peut être interjeté : Une décision ne peut pas faire objet d’appel seulement sur la base des faits. L’appel sera entendu seulement dans le cas où ledit appel paraîtrait exprimer suffisamment de motifs d’appel. Pour qu’un appel démontre suffisamment de motifs, il faut prétendre que l’Appelé(e) ait commis l’une ou plusieurs des actes suivants : a. Prendre une décision sur laquelle elle n’avait pas instance ou compétence, tel que précisé dans les documents constitutifs, règles et politiques BCS; b. Manquer de suivre les procédures précisées dans les règlements ou les politiques approuvées de BCS; 7 c. Prendre une décision qui a été influencée par un parti pris, à savoir une absence de neutralité à tel point que le décideur soit incapable de tenir compte des autres points de vue; d. Exercer sa discrétion à des fins irrégulières; e. Prendre une décision pour laquelle il n’existe pas de preuves à l’appui de ladite décision; f. Prendre une décision qui est grossièrement déraisonnable. En ce qui concerne les motifs d’appel c. et f. susmentionnés, l’Appelant(e) doit montrer que la décision faisant objet d’appel lui a porté préjudice, ou que la décision faisant objet d’appel a eu ou pourrait raisonnablement avoir eu une incidence significative sur le décideur dont la décision fait objet d’appel. 25. Le Comité d’appel avait en sa possession l’avis d’appel de Dr Prediger, les observations déposées en réponse par M. Gibson et la réplique écrite de Dr Prediger à la réponse de l’intimé. 26. Le Comité d’appel a accueilli l’appel de Dr Prediger à l’unanimité. Il a accueilli l’appel pour deux motifs, à savoir que le Comité de sélection avait été influencé par un parti pris et que le Comité de sélection avait pris une décision manifestement déraisonnable. Les motifs de la décision du Comité d’appel étaient brefs et ils sont donc reproduits intégralement ci-dessous : [Traduction] DÉCISION : Dans l’appel interjeté par Lanette Prediger (l’appelante) contre Duff Gibson, entraîneur en chef du Programme national de skeleton (l’intimé) et la décision de la retirer de l’équipe de la Coupe Intercontinentale pour la saison the 2013 – 2014, le Comité d’appel a tranché en faveur de l’appelante à l’unanimité. Le Comité d’appel estime que Dr Prediger doit être réintégrée dans l’équipe de la Coupe Intercontinentale. RAISONNEMENT : En vertu des motifs d’appel énoncés à la Politique d’appel de BCS, le Comité a conclu en faveur de l’appelante pour deux raisons : 1. Motifs d’appel du point C : Prendre une décision qui a été influencée par un parti pris, à savoir une absence de neutralité à tel point que le décideur soit incapable de tenir compte des autres points de vue : Le Comité d’appel a estimé qu’il y avait une crainte de parti pris dans la mesure où les conseils demandés par le Comité de haute 8 performance pour la recommandation des athlètes à sélectionner auraient dû être inclusifs, or M. Gibson a indiqué que si d’autres entraîneurs personnels ont participé à la discussion, l’entraîneur personnel de Dr Prediger n’était pas présent. Personne n’a tenté de communiquer avec lui de quelque manière que ce soit pour obtenir son avis, durant le processus. 2. Motifs d’appel du point F : Prendre une décision qui est grossièrement déraisonnable : Le Comité d’appel a estimé qu’il n’y avait aucun élément de preuve concret justifiant le remplacement de Dr Prediger au sein de l’équipe de la Coupe Intercontinentale. M. Gibson a fourni des arguments solides expliquant pourquoi la sélection de Dr Prediger devrait être annulée, mais aucun argument n’a été présenté afin de justifier pourquoi la glisseuse qui a terminé après Dr Prediger devrait la remplacer au sein de l’équipe de la Coupe Intercontinentale. 27. Bien que les règles d’appel envisagent la possibilité d’ajouter des parties, tout le monde s’entend pour reconnaître que Mme Laberge n’avait pas été informée de l’appel interjeté par Dr Prediger avant qu’il ne soit tranché, et elle n’a donc pas participé à la procédure devant le Comité d’appel. L’alinéa 13(j) prévoit : Le Comité des appels pourrait, à tout moment dans la procédure d’appel, mais pas après la complétion de l’audience, décider qu’un autre membre soit ajouté en tant que partie dans l’appel, si la présence de cette personne en tant que partie dans l’appel est nécessaire pour que le Comité des appels décide d’une manière tranchée et complète les questions soulevées dans le cadre de l’appel, et tout membre ainsi ajouté comme partie à l’appel aura tous les droits que détient l’Appelé(e) à moins que le Comité n’abrège raisonnablement lesdits droits en raison de la chronologie de l’ajout dudit membre. Le Comité des appels peut déléguer à son/sa président(e) la responsabilité de se charger de l’ajout d’une partie à l’appel et les autres questions y afférant, suivant les modalités de la présente… 28. Dans sa décision le Comité d’appel n’a pas pris en considération la position de la demanderesse de quelque manière que ce soit. Toutefois, dans une décision subséquente, distincte, BCS a annulé la sélection de la demanderesse au sein de l’équipe de la CIC. Aucun compte rendu écrit de cette décision n’a été présenté. Il a été admis, cependant, que la décision avait été prise parce qu’il avait fallu remplacer une des athlètes sélectionnées précédemment, à la suite de la décision du Comité d’appel au sujet de Dr Prediger. Qualité pour agir et compétence 29. L’article 20 de la Politique d’appel prévoit que : 9 Si l’une ou l’autre des parties croit que le Comité des appels a fait une erreur telle que celles décrites dans l’alinéa 8 de la présente politique, cette partie peut demander que le différend, autre que ceux qui relèvent du PAA, soit soumis à un arbitrage tiers, par le truchement du Centre de règlement des différends sportifs du Canada (CRDSC), pourvu que la partie le fasse en respectant les échéances précisées par le CRDSC. Les questions qui peuvent faire objet d’arbitrage et les dispositions dudit arbitrage seront précisées par le CRDSC. 30. Le droit de la demanderesse de recourir à cet arbitrage n’a pas été sérieusement contesté. Si, strictement parlant, elle n’a pas été partie à l’appel tranché par le Comité d’appel, il est indéniable qu’elle est une partie affectée par la décision rendue à l’issue de cet appel. Elle aurait également eu le droit d’interjeter appel de la décision de BCS d’annuler sa sélection, après que le Comité d’appel eut rendu sa décision. D’autre part, vu le manque de temps, la seule façon pratique d’obtenir la réparation qu’elle demandait était de s’adresser directement au CRDSC. 31. Je suis donc convaincu que la demanderesse a qualité pour présenter la présente demande. Les motifs d’appel 32. La demanderesse invoque plusieurs motifs d’appel : (a) La décision du Comité d’appel de « réintégrer » Dr Prediger au sein de l’équipe de la CIC était sans fondement puisqu’elle n’avait pas été sélectionnée au départ. (b) Il aurait fallu donner à la demanderesse la possibilité de participer à la procédure devant le Comité d’appel étant donné que si Dr Prediger obtenait gain de cause en appel, il faudrait annuler la sélection de la demanderesse. Cela constituait un manquement au principe d’équité et à la Politique d’appel elle-même. (c) Dans les motifs de sa décision, le Comité d’appel n’explique pas le raisonnement suivi pour parvenir à sa décision. (d) La conclusion du Comité d’appel selon laquelle il n’y a pas eu de parti pris de la part du Comité de sélection était incorrecte. (e) Le Comité d’appel a rendu une décision qui n’est étayée par aucun élément de preuve. (f) La décision du Comité d’appel était manifestement déraisonnable. Le fardeau de la preuve 33. Cette affaire concerne un différend au sujet de la sélection des membres d’une équipe. Le paragraphe 6.7 du Code s’applique donc : 10 6.7 Fardeau de la preuve lors de différends sur la sélection d’équipe Lorsqu’un athlète est impliqué à titre de Demandeur dans une procédure pour régler un différend en matière de sélection d’équipe, le fardeau de la preuve repose sur l’Intimé qui aura à démontrer que les critères ont été établis de façon appropriée et que la décision de sélection a été rendue en conformité avec ces critères. Une fois cela établi, le fardeau de la preuve est transféré au Demandeur qui aura à démontrer qu’il aurait dû être sélectionné selon les critères approuvés. Chaque fardeau sera déterminé selon la balance des probabilités. La norme de révision 34. Le paragraphe 6.17 du Code canadien de règlement des différends sportifs dispose : La Formation a plein pouvoir de passer en revue les faits et l’application du droit. La Formation peut notamment substituer sa décision: (i) à la décision dont émane le différend… … et peut substituer une mesure à une autre et accorder les recours ou les mesures réparatoires qu’elle juge justes et équitables dans les circonstances. 35. La demanderesse dit, entre autres choses, que les motifs communiqués par le Comité d’appel étaient inadéquats. Si je devais en convenir, il est bien entendu possible de remédier à cette inadéquation étant donné que j’ai le droit d’examiner l’affaire « de novo ». 36. Le paragraphe 6.17 fait en sorte qu’il n’est pas exigé de faire preuve de retenue à l’égard du Comité d’appel inférieur, au-delà des précautions habituelles qui sont de rigueur lorsque le tribunal inférieur avait un avantage particulier, notamment une expertise technique ou la possibilité d’apprécier la crédibilité des témoins (voir CAS 2011/A/2518 Robert Kendrick v. ITF, paragr. 10.6). 37. Plus une décision portée en appel est convaincante et bien raisonnée, moins il est probable que lors d’une révision ou d’un appel subséquent elle soit annulée. À l’inverse, lorsque les motifs du tribunal inférieur sont brefs et offrent un aperçu limité du raisonnement suivi par le tribunal pour parvenir à sa décision, les probabilités que l’affaire ne fasse l’objet d’une évaluation plus poussée sur le fond augmentent. La position de la demanderesse 38. Étant donné que le nom de Dr Prediger ne figurait pas parmi ceux que M. Gibson a soumis au Comité de sélection, le Comité d’appel a parlé à tort de son « remplacement » et de « l’annulation de sa sélection ». En décidant de sélectionner lui-même Dr Prediger, le Comité d’appel a outrepassé sa 11 compétence. La demanderesse fait valoir que la mesure de réparation appropriée par le Comité d’appel aurait dû être de renvoyer l’affaire afin que M. Gibson la réexamine d’abord, et ensuite le Comité de sélection avec ou sans instruction précise d’inclure ou non Dr Prediger dans la liste des noms recommandés en vue de la sélection. 39. La demanderesse fait valoir qu’il aurait fallu lui donner la possibilité de participer au processus d’appel interne. S’il n’y a pas dans la Politique d’appel de dispositions expresses portant sur les parties affectées ou les interventions, l’alinéa 13(j) de la Politique d’appel permet d’ajouter « un autre membre ... en tant que partie dans l’appel, si la présence de cette personne en tant que partie dans l’appel est nécessaire pour que le Comité des appels décide d’une manière tranchée et complète les questions soulevées dans le cadre de l’appel... » Le défaut d’aviser la demanderesse, au minimum, de l’appel interjeté par Dr Prediger a privé la demanderesse de la possibilité de présenter une demande pour être incluse à titre de partie ajoutée, ce qui constitue une violation du droit de la demanderesse à un processus équitable. 40. Les motifs du Comité d’appel étaient si brefs qu’il est impossible de connaître le raisonnement ou la justification de sa décision. Les motifs d’une décision doivent être à la fois intelligibles et adéquats (South Bucks District Council v Porter, [2004] UKHL 33, Lord Brown, para 36; Blais-Dufour c Speed Skating Canada, SDRCC 11-0145, Richard Pound c.r. (arbitre) p. 12). 41. Le Comité d’appel a conclu que la non-participation de l’entraîneur personnel de Dr Prediger aux discussions qui ont précédé la décision du Comité de sélection a donné lieu à une crainte de parti pris. Parti pris est défini ainsi dans la Politique d’appel : « une absence de neutralité à tel point que le décideur soit incapable de tenir compte des autres points de vue ». Le fait que l’entraîneur de Dr Prediger n’ait pas été présent lors des discussions menées par M. Gibson avant de formuler ses recommandations à l’intention du Comité de sélection a peut-être été une omission, mais cela n’a pas empêché le Comité de sélection de tenir compte d’autres points de vue. 42. Le Comité d’appel a déclaré qu’il n’y avait [traduction] « aucun élément de preuve concret justifiant le remplacement de Dr Prediger » au sein de l’équipe de la CIC. Or elle n’avait pas été sélectionnée, alors comment aurait-on pu la « remplacer » ou « annuler sa sélection »? Le Comité a dit ensuite que l’on n’avait pas expliqué pour quelles raisons la glisseuse qui avait fini après Dr Prediger, à savoir Mme Laberge, devrait la « remplacer ». Pourtant, le dossier soumis au Comité d’appel comprenait des observations de M. Gibson dans lesquelles il disait, entre autres choses, ce qui suit en appui à la sélection de Mme Laberge : [traduction] … Jaclyn a été sélectionnée, non pas à cause de l’état actuel de ses poussées (qui doivent encore être améliorées) mais parce qu’elles s’étaient considérablement améliorées, tout comme son pilotage, depuis la série d’épreuves de sélection l’an dernier où elle n’avait pas été sélectionnée. Elle est également plus jeune. 43. Si le Comité d’appel a accueilli l’appel interjeté par Dr Prediger pour le motif, notamment, que la décision du Comité de sélection était « manifestement déraisonnable », une telle conclusion était sans fondement. La sélection de la 12 demanderesse était non seulement appuyée par ses résultats, elle correspondait au Cheminement de développement de l’athlète de skeleton de l’intimé, qui prévoit un processus de progression des athlètes, de candidats au Circuit de la Coupe du monde et à l’équipe nationale, aux épreuves de la CIC et ensuite aux épreuves de la Coupe du monde et aux Jeux olympiques. Les résultats de la demanderesse s’étaient considérablement améliorés au cours de la dernière année et justifiaient la recommandation de M. Gibson et la décision du Comité de sélection. Position de l’intimé 44. Bien que l’intimé respecte et ait exécuté la décision du Comité d’appel, l’intimé continue à défendre sa décision de sélection initiale. 45. Au cours de l’interrogatoire, les représentants de l’intimé, MM. Wilson et Cicoria, ont invoqué la disposition des Critères de sélection de BCS qui portent sur la sélection de l’équipe de la CIS – « 4e – 6e (hommes et dames) rangs les plus élevés, basé sur le total des points à la série d’épreuves de sélection et la discrétion de l’entraîneur en chef … » – qui selon eux justifient la sélection de la demanderesse. Si BCS a reconnu que la demanderesse ne satisfaisait pas à la description « 4e – 6e rangs les plus élevés » (elle était 7e après la prise en compte de l’athlète présélectionnée), sa sélection était justifiée du fait de la « discrétion de l’entraîneur en chef ». Position de la partie affectée 46. Le Comité de sélection de BCS a violé ses propres règles en sélectionnant l’athlète classée au 7e rang pour former l’équipe de la CIC. Les Critères de sélection ne prévoient pas la sélection d’athlètes qui ne sont pas classés entre le 4e et le 6e rangs, pour former l’équipe de la CIC. 47. En revanche, l’athlète classée au 5e rang, Dr Prediger était admissible à être sélectionnée. 48. Le Comité d’appel était un comité d’experts. Les procédures adoptées à l’audience étaient équitables et raisonnables, et conformes à la politique d’appel, qui n’exige pas d’inclure à titre de partie affectée une personne dans la situation de la demanderesse. 49. Le Comité d’appel avait d’amples raisons d’accueillir l’appel de Dr Prediger, à savoir notamment : (a) M. Gibson avait indiqué que Dr Prediger n’avait pas été sélectionnée à cause, entre autres choses, de ses temps de poussée. Pourtant les temps de poussée de Mme Laberge étaient plus lents que ceux de Dr Prediger. (b) Bien qu’il ait protesté qu’il n’y avait pas eu de parti pris apparent dans le processus de sélection, M. Gibson a admis qu’il y avait [traduction] « peutêtre eu un parti pris » de la part d’entraîneurs personnels dont il avait demandé les avis avant de faire ses recommandations pour les sélections (l’entraîneur de Dr Prediger n’ayant pas pris part à ce processus). (c) M. Gibson a invoqué le fait que Dr Prediger n’avait pas obtenu de médaille au cours de la saison précédente pour justifier sa décision de ne pas la 13 sélectionner alors qu’en fait elle avait remporté une médaille à la course de Park City du circuit de la CIC. 50. À condition que le Comité d’appel ait suivi les règlements et politiques de BCS et exercé son pouvoir discrétionnaire correctement, un arbitre du CRDSC ne devrait pas intervenir dans la décision du Comité : Blais c. Association de Taekwondo du Canada, ADRsportRED 03-0016, 9 mai 2003; Barich & Gildner c. Canoe-Kayak Canada SDRCC 11-0153. Analyse 51. Le fondement de ma conclusion selon laquelle l’appel devrait être rejeté est inhabituel. Bien que je ne sois pas d’accord avec le raisonnement du Comité d’appel, en tant que tel, il a eu raison d’accueillir l’appel de Dr Prediger. 52. J’en suis venu à cette conclusion parce que selon les critères de sélection, il n’était pas loisible au Comité de sélection de la sélectionner. 53. Les Critères de sélection des membres de l’équipe de la CIC pour les deux premières courses de la saison sont très clairs. L’équipe peut être formée d’un « maximum » de trois hommes et trois dames, selon les quotas indiqués par la FIBT. 54. Comme je l’ai déjà indiqué, les Critères de sélection précisent ensuite : Les places de départ #4 - #6 (hommes et dames) seront attribuées aux athlètes pour les deux (2) premières compétitions de la saison 2013-14 en fonction des dispositions suivantes : a) 4e – 6e (hommes et dames) rangs les plus élevés, basé sur le total des points à la série d’épreuves de sélection et la discrétion de l’entraîneur en chef (tel que précisé dans les critères cidessous mentionnés de candidat(e)s à l’équipe nationale). b) Statut de maladie/blessure 55. BCS se réserve expressément le droit de ne pas présenter un contingent complet d’athlètes, « compte tenu des facteurs de budget, programmes de compétition et/ou la discrétion d’entraîneur/du comité de sélection ». 56. Le mot « et » entre les mots « épreuves de sélection » et « la discrétion de l’entraîneur en chef » est souligné et mis en italiques dans le document des Critères de sélection lui-même. Si la demanderesse et l’intimé estiment tous les deux que cette disposition signifie que l’entraîneur en chef a le pouvoir discrétionnaire de recommander un athlète qui n’est pas classé entre le 4e et le 6e rangs, cette interprétation n’est pas soutenue par le sens naturel et ordinaire des mots choisis par l’auteur des critères de sélection. Les italiques et le soulignement ne changent rien à cette conclusion. 57. La demanderesse a fait valoir qu’il serait absurde de restreindre les « places de départ #4 - #6 » (les places #1 - #3 étant prises par les athlètes qui participent aux épreuves de Coupe du monde) aux athlètes classées du 4e au 6e rangs. Si cela était le cas, à quoi cela servirait-il d’ajouter [traduction] « la discrétion de l’entraîneur en chef »? 58. Toutefois, si, comme cela semble avoir été le cas, BCS avait l’intention de donner la possibilité de sélectionner quelqu’un classé au 7e rang – à savoir la 14 demanderesse – les Critères de sélection auraient pu et auraient dû indiquer clairement que l’entraîneur en chef a le pouvoir discrétionnaire, suivant les Critères des candidats à l’équipe nationale, de recommander quelqu’un qui ne s’est pas classé entre le 4e et le 6e rangs. Les Critères de sélection ne l’ont pas indiqué et il est bien établi qu’il n’est pas du ressort d’un arbitre de réécrire un processus de sélection : Blais c. Association de taekwondo du Canada, ADRsportRED 03-0016, 9 mai 2003, p.5. 59. Mis à part le fait que les Critères de sélection ne traduisent pas l’intention du rédacteur de donner à l’entraîneur en chef le pouvoir discrétionnaire de sélectionner un athlète qui ne figure pas du 4e au 6e rangs, les Critères de sélection semblent avoir été établis comme il faut. Et la décision du Comité d’appel de sélectionner Dr Prediger respectait les Critères de sélection. 60. Il aurait sans doute été loisible au Comité de sélection, compte tenu des Critères des candidats à l’équipe nationale, de ne pas sélectionner Dr Prediger (de sorte qu’il n’y aurait eu que deux femmes dans l’équipe de la CIC – ce qui aurait été tout à fait conforme à la politique de BCS). Mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Le Comité de sélection a délibéré pour savoir s’il devait sélectionner Mme Laberge ou Dr Prediger, et il a finalement choisi l’athlète classée au 7e rang, Mme Laberge, plutôt que l’athlète classée au 5e rang, Dr Prediger. Il n’a jamais été question de ne pas emmener un contingent complet d’athlètes. 61. Si les motifs du Comité d’appel n’invoquent pas la mauvaise application des Critères de sélection de BCS par le Comité de sélection, il est clair d’après le dossier qu’elle avait formé l’un des motifs avancés par Dr Prediger pour interjeter appel. De fait, c’était son premier motif d’appel. 62. Étant donné le libellé des Critères de sélection, le Comité d’appel aurait commis une erreur s’il avait laissé en place la décision du Comité de sélection de BCS. 63. L’intimé dans cet appel s’est donc acquitté, mais d’une manière peu orthodoxe en quelque sorte, du fardeau de la preuve qui lui incombait en vertu du paragraphe 6.7 puisque le Comité d’appel a sélectionné Dr Prediger. 64. Le Comité d’appel avait le choix entre annuler la décision et la renvoyer au Comité de sélection (paragraphe 15(b) de la Politique d’appel) ou modifier la décision « dans le cas où une erreur serait détectée et ladite erreur ne peut pas être rectifiée par le décideur initial, pour des raisons qui pourraient inclure, sans en être limité à : absence de procédure exacte, manque de temps, ou manque de neutralité » (paragraphe 15(c)). 65. Le Comité d’appel n’a pas expliqué pourquoi il avait choisi de modifier la décision de sélection plutôt que de renvoyer l’affaire au Comité de sélection. Ceci est l’un des vices des motifs du Comité d’appel. 66. Le Comité d’appel en question avait sans doute une expérience vaste et pertinente en sport, mais il aurait néanmoins eu le temps, sans doute, de renvoyer l’affaire s’il avait choisi cette solution (la décision du Comité d’appel a été rendue le 15 novembre et le départ de l’équipe de la CIC était prévu pour le 29 novembre). 67. Le Comité d’appel a peut-être décidé que puisqu’il n’avait jamais été question de ne pas envoyer trois athlètes féminines aux deux premières courses de la CIC, 15 et que Dr Prediger était la seule athlète admissible qui n’avait pas encore été sélectionnée, il serait indiqué de la « réintégrer » à ce moment-là. 68. Quoi qu’il en soit, au moment où j’ai examiné l’arbitrage introduit par la demanderesse, il était trop tard pour renvoyer l’affaire à qui que ce soit. Dr Prediger devait prendre l’avion pour aller en Europe moins de trois jours après l’audience et à peine deux jours après le prononcé de ma décision courte. Dans ces circonstances, il était nécessaire et approprié que je rende une décision finale, en dépit de la réticence que les arbitres ont habituellement de substituer leurs décisions à celles des sélectionneurs qui ont l’expertise en sport appropriée pour prendre ces décisions. 69. En fin de compte, et eu égard à la compétence qui m’est conférée en vertu de l’article 20 des Règles d’appel et du paragraphe 6.17 du Code, l’issue correcte en l’espèce est la sélection de Dr Prediger. La décision du Comité d’appel avait donné le même résultat et sa décision doit en conséquence être confirmée. 70. Mais l’affaire ne doit pas s’arrêter là. L’une des fonctions du CRDSC à titre de tribunal spécialisé en sport a une mission éducative. En l’espèce, le processus qui a mené à cette situation soulève plusieurs préoccupations. Mme Laberge, en particulier, est victime d’un processus vicié. Je vais expliquer ces points de préoccupations et ma réponse à chacun d’eux. J’espère pouvoir ainsi donner des conseils utiles à ceux qui pourraient se trouver dans des situations semblables à celle des parties de l’espèce. J’ai énuméré ces points de préoccupation non pas d’après les motifs d’appel formulés par la demanderesse, mais plutôt selon le sujet ou problème. La Politique de sélection 71. Les règles et politiques d’un organisme de sport devraient être interprétées selon les mêmes principes que ceux qui sont utilisés pour interpréter les contrats. Bien que les cas débattus par les cours portent en grande partie sur des accords commerciaux, ces principes peuvent et devraient être adaptés pour guider l’interprétation des règles, règlements et autres ententes du milieu du sport. Pour commencer, il convient de donner aux mots leur sens naturel et ordinaire, en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utilisés. L’intention des parties est importante, mais l’interprétation subjective des parties – ce qu’ils pensaient que les critères de sélection signifiaient – n’est pas pertinente (voir Chitty on Contracts, 30e éd. Vol. 1, paragr. 12-043). 72. Comme la Cour suprême du Canada l’a expliqué dans Consolidated-Bathurst c. Mutual Boiler, [1980] 1 R.C.S. 888 à 901 : …les règles normales d’interprétation amènent une cour à rechercher une interprétation qui, vu l’ensemble du contrat, tend â [sic] traduire et à présenter l’intention véritable des parties … 73. En l’espèce, une interprétation correcte des mots utilisés ne soutient pas l’interprétation avancée par BCS. Sauf si l’interprétation des mots utilisés dans les critères de sélection devait mener à un résultat absurde (c’est-à-dire un résultat injuste), la cour doit appliquer le langage utilisé (SM Waddams, The Law of Contracts, 5e éd, paragr. 492). 16 74. Étant donné que le langage utilisé par BCS ne traduisait pas comme il faut son intention de donner à un entraîneur le pouvoir discrétionnaire de choisir un athlète qui ne s’est pas classé du 4e au 6e rangs, la demanderesse n’avait pas droit au pouvoir discrétionnaire qui aurait été exercé en sa faveur au stade du Comité de sélection. Ceci est en effet regrettable. Mais il s’agit d’un problème qu’il serait facile de corriger en utilisant un langage qui traduit plus clairement l’intention du rédacteur. La décision de sélection 75. M. Gibson a apparemment soumis ses recommandations au Comité de sélection après la Série d’épreuves de sélection. Plusieurs entraîneurs étaient présents après la course et, selon M. Gibson, il a invité [traduction] « tous les entraîneurs concernés à donner leur point de vue ». M. Gibson a dit que si l’entraîneur de Dr Prediger avait été en ville à ce moment-là, il aurait été invité également. S’agissant de la décision de ne pas proposer la sélection de Dr Prediger, M. Gibson a estimé qu’il avait entendu une gamme complète d’opinions, après quoi il a fait ses recommandations. Quant aux allégations de parti pris, il a dit qu’il n’y avait pas d’apparence de parti pris, car toutes les opinions concernant les capacités de Dr Prediger étaient étayées par [traduction] « un raisonnement solide et/ou des données précises ». Néanmoins, il a également admis que les entraîneurs présents avaient un parti pris dans la mesure où ils devaient être loyaux envers les athlètes qu’ils entraînaient. 76. Dr Prediger a critiqué le processus de sélection, car il n’indiquait pas clairement qui était le véritable décideur. S’il y a bien eu Comité de sélection qui, selon M. Wilson, a discuté des recommandations soumises par M. Gibson, lors de son témoignage devant le Comité d’appel, M. Gibson a souvent fait référence à sa « décision ». 77. J’ai conclu que le rôle de M. Gibson s’est limité à soumettre ses recommandations au Comité de sélection. Bien qu’il ait été suggéré que le Comité de sélection avait tout simplement donné son approbation, j’accepte la preuve selon laquelle le Comité de sélection a procédé à un véritable processus de délibération. 78. Je m’inquiète cependant de la participation des entraîneurs personnels. J’ai eu l’impression qu’il y avait eu une discussion en table ronde entre plusieurs entraîneurs et M. Gibson, et qu’ensuite M. Gibson a fait ses recommandations. 79. Il est facile de comprendre pourquoi Dr Prediger a pu penser que le processus suivi par M. Gibson était injuste. Il a fait ses recommandations après avoir consulté un certain nombre d’entraîneurs qui étaient loyaux envers d’autres athlètes. Personne n’a essayé de contacter l’entraîneur de Dr Prediger. 80. La définition que la Politique d’appel donne de parti pris est, sans doute, plus étroite que le terme « parti pris » lorsqu’il est utilisé dans le contexte de l’équité procédurale généralement. Le Comité d’appel a estimé que la participation des entraîneurs personnels et la non-inclusion de l’entraîneur personnel de Dr Prediger avait donné lieu à une crainte de parti pris. 81. Je n’irais pas jusque là. Premièrement, en tenant compte de la définition donnée dans la Politique d’appel, pour tirer une telle conclusion le Comité d’appel aurait dû conclure que M. Gibson avait été « incapable de tenir compte des autres 17 points de vue ». En d’autres termes, que son esprit était fermé. La preuve ne permet pas de tirer une telle conclusion. 82. Même en tenant compte de l’usage plus large et ordinaire du terme « parti pris » – à savoir si un observateur juste et informé, après avoir pris les faits en considération, conclurait qu’il existe une possibilité réelle que le décideur ait eu un parti pris – le contexte est important : [traduction] …le parti pris dépend du contexte et le fait que la procédure en question soit celle d’un comité et non pas une procédure judiciaire ne devrait pas être prise en considération. Il s’ensuit que la question du parti pris (réel ou apparent) devrait être abordée avec « une certaine dose de réalisme et de bon sens », en tenant compte du fait qu’en sport, la communauté en question est souvent un petit cercle au sein duquel les personnalités concernées doivent interagir fréquemment et se connaissent bien entre elles. (Jack Anderson, Modern Sports Law (2010) p. 106). 83. J’ajouterais que je serais plus réceptif à la conclusion du Comité d’appel, qui a estimé que M. Gibson avait fait preuve de parti pris, s’il avait été le décideur, plutôt que le Comité de sélection. Puisque j’ai accepté la preuve de M. Wilson selon laquelle les mérites des athlètes sélectionnées avaient fait l’objet d’une véritable discussion (quoique M. Wilson ne se soit pas souvenu des détails de cette discussion), je suis convaincu que la conclusion du Comité d’appel quant à l’existence d’un parti pris était incorrecte. La non-participation de la demanderesse au processus d’appel 84. Je suis d’accord avec la demanderesse pour dire qu’il était injuste qu’elle n’ait pas eu la possibilité d’être entendue par le Comité d’appel. Il devait être évident, non seulement pour BCS mais également pour le Comité d’appel, que si Dr Prediger était sélectionnée, il faudrait annuler la sélection d’une autre athlète. On a fait remarquer qu’une personne qui n’a pas été partie à une décision arbitrale ne peut être liée par celle-ci (JE Grenig, « Arbitration of Olympic Eligibility Disputes: Fair Play and the Right to be Heard » (2001 – 2002) 12 Marq. Sports L.Rev. p. 267). Il en découle, logiquement, qu’un processus d’audience équitable exige que toutes les parties qui sont susceptibles d’être touchées par une décision arbitrale aient le droit de participer à ce processus. 85. Rappelons que l’alinéa 13(j) des Règles d’appel donnait le moyen d’inclure Mme Laberge au processus d’appel. Le fait qu’elle n’ait pas été incluse viole les principes de justice naturelle et d’équité procédurale. Ces principes sont considérés comme faisant partie intégrante du règlement des différends liés au sport (Hilary A. Findlay, « Rules of a Sport-Specific Arbitration Process as an Instrument of Policy Making » (2005 – 2006) 16 Marq. Sports L.Rev. 73 et 74 : Lee v. Showmen’s Guild of Great Britain, [1952] 2 All E.R. 1175 (C.A.)). 86. Si je n’avais pas tiré la conclusion que le Comité de sélection ne pouvait pas, en appliquant correctement les Critères de sélection, sélectionner la demanderesse, j’aurais accueilli son appel pour le motif qu’elle a été privée de son droit à la justice naturelle et à l’équité procédurale puisqu’elle avait été oubliée dans le processus d’appel interne. 18 Les motifs du Comité d’appel 87. Le fait que le raisonnement du Comité d’appel ait tenu sur moins qu’une feuille de papier format lettre ne le rend pas inadéquat ni, pour citer l’arbitre Richard Pound, c.r. (arbitre) dans Blais-Dufour c. Patinage de vitesse Canada SDRCC 11-0145, à la page 12, « succinct, au point d’être squelettique ». 88. Les motifs n’ont pas besoin d’être détaillés ni très longs. Mais ils devraient être suffisants pour indiquer aux parties, en des termes généraux, pourquoi la décision a été prise. Bien qu’il ait été formulé principalement à l’intention des lecteurs britanniques, le conseil de Jack Anderson (Modern Sports Law, 2010, p. 107) est pertinent : [traduction] ll vaut mieux fournir des motifs de qualité « adéquate et intelligible » afin que l’intéressé puisse comprendre « l’essence de la décision » prise à son encontre et, ainsi, être en mesure contester cette décision s’il le souhaite. 89. Dans Blais-Dufour c. Patinage de vitesse Canada, SDRCC 11-0145, p. 12, l’arbitre donne un conseil qui va dans le même sens : La jurisprudence du Tribunal arbitral du sport (TAS) et du Tribunal fédéral suisse saisi des contrôles judiciaires des décisions du TAS a établi qu’un tel manquement [ne pas donner de motifs adéquats] peut équivaloir à un déni d’audience équitable pour la partie perdante. Je soulève ce sujet uniquement, pour souligner combien il est important de traiter toutes les questions de fond soulevées dans un appel par la partie contre laquelle une décision est prononcée. Ce qui ne veut pas dire que les arguments et questions futiles ou vexatoires doivent être examinés en profondeur, mais qu’une formation devrait préciser les questions qui ont été soulevées et prises en compte, pour en arriver à une décision qui rejette la position de la partie perdante [Références omises]. 90. En l’espèce, les motifs n’étaient pas adéquats. Bien sûr, ils ont été rédigés en ayant à l’esprit que l’appel avait été accueilli. Ils n’avaient pas pris en compte les conséquences que la décision aurait pour Mme Laberge et la possibilité qu’elle veuille contester la décision du Comité d’appel. Mais même en tenant compte de cela, les motifs présentaient un certain nombre de vices évidents. D’une part, le Comité d’appel n’a pas expliqué pourquoi il avait choisi de prendre lui-même la décision concernant la sélection, au lieu de renvoyer l’affaire au Comité de sélection. D’autre part, il n’a pas traité du premier motif de l’appel interjeté par Dr Prediger, à savoir que si les critères de sélection avaient été appliqués comme il faut, il n’aurait pas été possible de sélectionner Mme Laberge en premier lieu. 91. Un autre aspect troublant de la décision du Comité d’appel est son apparente prédisposition à l’égard de la sélection de Dr Prediger. Il a dit que sa sélection avait été annulée et qu’elle avait été remplacée. Il a décidé qu’elle devrait être « réintégrée » au sein de l’équipe de la CIC. Il semble curieux d’utiliser une telle terminologie à l’égard d’une personne que le Comité de sélection n’avait pas sélectionnée. 19 Conclusion 92. Cette affaire est la conséquence d’une politique de sélection rédigée d’une manière qui ne traduisait pas l’intention du rédacteur, d’un processus de sélection qui a été dirigé d’une manière qui (même si elle n’équivalait pas à un parti pris) aurait pu être mieux gérée et d’une décision d’appel qui, pour les raisons que j’ai exposées ci-dessus, était viciée. 93. Il est regrettable que ces deux athlètes accomplies aient eu à s’opposer l’une contre l’autre devant un arbitre. Toutes deux ont fait des présentations éloquentes et convaincantes en appui à leur sélection. Je leur suis particulièrement reconnaissant de la manière très digne dont elles ont participé à l’audience. Je tire une certaine consolation du fait que la décision de sélection ne s’applique qu’aux deux premières courses du calendrier de la CIC de cette saison. Dépens 94. En vertu du paragraphe 6.22 du Code, il est loisible à la Formation de déterminer s’il y aura une adjudication de frais et quelle en sera l'ampleur. Je suis d’avis, pour le moment, qu’en l’espèce il serait approprié que j’envisage l’attribution de dépens en faveur de la demanderesse ou de Dr Prediger, ou des deux (dépens qui seraient à la charge de l’intimé). Si la demanderesse ou Dr Prediger souhaite demander les dépens, elles devront déposer de brefs arguments à ce sujet, de trois pages au maximum, au plus tard à 16 h (HNE) le 17 décembre 2013. Ces arguments devront traiter de l’issue de la procédure, du comportement des parties et de leurs ressources financières respectives, de leurs intentions, de leurs propositions de règlement et de la volonté démontrée par chaque partie de régler le différend avant ou pendant l’arbitrage et, dans le cas de la demanderesse, du montant des droits de dépôt retenus par le CRDSC. Si les dépens sont demandés et que l’intimé s’oppose à la demande (parce qu’il conteste le droit aux dépens ou son montant, ou les deux), l’intimé aura jusqu’au 23 décembre 2013, 16 h (HNE), pour déposer une réponse écrite (également de trois pages au maximum). Ordonnance 95. Pour les motifs exposés ci-dessus, la demande est rejetée. La décision du Comité d’appel de sélectionner Dr Prediger pour faire partie de l’équipe féminine qui représentera le Canada aux deux premières courses de la CIC de la saison 2013–2014 est confirmée. Le 11 décembre 2013 ______________________________ Graeme Mew FCIArb Arbitre