NOTE IMPORTANTE : cette version est une traduction

Transcription

NOTE IMPORTANTE : cette version est une traduction
NOTE IMPORTANTE : cette version est une traduction de la version
originale anglaise.
CENTRE DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS SPORTIFS DU CANADA (CRDSC)
SPORT DISPUTE RESOLUTION CENTRE OF CANADA (SDRCC)
No de dossier : SDRCC 13-0211
JACLYN LABERGE
(DEMANDERESSE)
ET
BOBSLEIGH CANADA SKELETON (BCS)
(INTIMÉ)
ET
LANETTE PREDIGER
(PARTIE AFFECTÉE)
ET
MELLISA HOLLINGSWORTH
(PARTIE AFFECTÉE)
ET
JANE CHANNELL
(PARTIE AFFECTÉE)
Avocats et représentants des parties :
Me Emir A. Crowne
Me Paul J. Greene Esq.
Meredith MacGregor
Me Sarah Storey
Avocat de la demanderesse
Avocat de la partie affectée Lanette Prediger
Étudiante en droit, assistant Lanette Prediger
Avocate de BCS
Jaclyn Laberge
Dr Lanette Prediger
Don Wilson
Demanderesse
Partie affectée
Chef de la direction, BCS
Marjha Thénor Beauchamps Gestionnaire de dossiers, CRDSC
Tanya Gates
Chef des opérations, CRDSC
Arbitre :
Graeme Mew FCIArb
Audience tenue par conférence téléphonique le 26 novembre 2013
2
MOTIFS DE DÉCISION
1.
Après avoir pris part aux courses de sélection à Calgary et Whistler, Jaclyn
Laberge (la « demanderesse ») a été sélectionnée au sein de l’équipe
canadienne de skeleton de la Coupe Intercontinentale (« CIC ») pour les deux
premières courses de la saison de compétition 2013–2014.
2.
Une autre athlète de skeleton, Lanette Prediger, n’a pas été sélectionnée au sein
de l’équipe de skeleton de la CIC. Celle-ci estimait qu’elle aurait dû être
sélectionnée et elle a donc interjeté appel conformément aux procédures d’appel
de Bobsleigh Canada Skeleton (« BCS »).
3.
Le 15 novembre 2013, un comité d’appel, constitué en vertu de la Politique
d’appel de BCS (la « Politique d’appel ») a accueilli l’appel de Dr Prediger, après
avoir conclu qu’elle aurait dû être sélectionnée pour être membre de l’équipe de
Skeleton de la CIC.
4.
Le Canada peut inscrire trois compétitrices à chaque course de la CIC. Dr
Prediger ayant obtenu gain de cause en appel, BCS a révoqué la sélection de
Mme Laberge.
5.
Mme Laberge n’avait pas été informée de l’appel interjeté par Dr Prediger et elle
n’a donc pas participé au processus d’appel.
6.
Mme Laberge exerce à présent un autre droit de recours conformément au
paragraphe 20 de la Politique d’appel de BCS, qui permet de soumettre certains
différends impliquant BCS et ses membres à un arbitrage du CRDSC.
7.
La demanderesse a déposé sa demande le 18 novembre 2013. Dans sa
demande, elle désignait Lanette Prediger à titre de partie affectée1. Elle y
1
Les dispositions du Code applicables aux parties affectées et aux interventions sont
notamment les suivantes :
6.12 Participation d’une Partie affectée
(a) Si un Demandeur et un Intimé identifient une Partie affectée dans la Demande et la Réponse,
selon le cas, le CRDSC signifiera un avis à ladite Partie affectée, aux dernières coordonnées
connues de cette Personne.
(b) Sur réception d’une entente de confidentialité signée par la Partie affectée, le CRDSC
communiquera à la Partie affectée les renseignements pertinents concernant le dossier, qui
énonceront et incluront les éléments suivants :
(i) la question soumise au CRDSC;
(ii) une copie du formulaire de Demande et du formulaire de Réponse; et
(iii) le délai dont dispose la Partie affectée pour soumettre une Intervention conformément au
paragraphe 6.13 ci-dessous. Le CRDSC enverra un [sic] copie de l’Intervention aux
Parties.
(c) Le CRDSC peut, à sa discrétion, signifier un avis en vertu de l’alinéa 6.12(b) ci-dessus à toute
Personne pouvant être concernée ou touchée par une décision relative au différend faisant
l’objet de la Demande.
[suite de la note 1 à la page suivante]
3
indiquait également que l’affaire devrait être tranchée d’urgence, dans la mesure
où l’équipe devait quitter le Canada le 30 novembre 2013, avant la première
course de la CIC.
8.
BCS a communiqué sa réponse le 19 novembre 2013. L’organisme a également
désigné Dr Prediger à titre de partie affectée.
9.
Dr Prediger a déposé un formulaire d’intervention le 20 novembre 2013.
10.
J’ai été nommé arbitre le 20 novembre 2013. Une réunion préliminaire a eu lieu
par conférence téléphonique le même jour. Les parties ont confirmé qu’elles
n’avaient aucune objection au sujet de ma nomination ou de la compétence du
CRDSC pour trancher cette affaire. Un échéancier a été établi pour la
communication des mémoires et déclarations des témoins, et l’audience a été
fixée au 26 novembre 2013 à 16 h (HNE), par conférence téléphonique. Deux
autres athlètes de BCS, Mellisa Hollingsworth et Jane Channell, ont également
été désignées à titre de personnes susceptibles d’être affectées par la
procédure. Il a été convenu qu’elles devraient être avisées de l’audience et avoir
la possibilité de participer à titre de parties affectées, conformément au
paragraphe 6.12 du Code canadien de règlement des différends sportifs (le
« Code »).
11.
L’audience a eu lieu comme prévu. Dr Prediger a participé à titre d’intervenante.
Mmes Hollingsworth et Channell, qui avaient été avisées de l’audience, n’ont pas
participé.
12.
Au cours de l’audience, la demanderesse et Dr Prediger ont toutes les deux fait
des déclarations et répondu à des questions, tout comme le chef de la direction
de BCS, Don Wilson. À un moment donné, à ma demande, le directeur du
programme de haute performance de BCS, Nathan Cicoria, s’est joint
brièvement à l’audience, pour donner des informations que M. Wilson n’avait pas
pu fournir.
13.
À la conclusion de l’audience, tous les participants ont confirmé qu’on leur avait
donné pleinement et en toute équité la possibilité de présenter leurs cas
respectifs. J’ai ensuite indiqué aux parties que je leur ferais part de ma décision
le 27 novembre 2013, et que les motifs seraient communiqués à une date
ultérieure.
14.
J’ai décidé de ne pas accueillir l’appel interjeté par Mme Laberge.
1
[suite]
(d) Le défaut d’une Partie affectée de participer à l’Arbitrage est un facteur qui sera pris en
considération par toute Formation future qui devrait y attribuer une grande importance dans
l’éventualité où la Partie affectée déposerait sa propre Demande relativement à ce différend.
6.13 Intervention
Si une Personne désire participer à l’Arbitrage à titre d’Intervenant, cette Personne remplit et
dépose une Intervention auprès du CRDSC dans les délais impartis par le CRDSC. Ce dernier
envoie une copie de l’Intervention aux Parties et fixe un délai pour qu’elles prennent position sur
la participation de la Personne désirant intervenir.
4
15.
Voici les motifs de ma décision. Bien que j’aie pris en considération l’ensemble
de la preuve, et des observations et documents qui ont été portés à ma
connaissance, je renvoie uniquement aux éléments de preuve, et aux
observations et documents soumis que j’estime nécessaires pour expliquer mon
raisonnement et mes conclusions.
Les critères de sélection
16.
Le Programme national de skeleton – Processus et critères de sélection 20132014 de Bobsleigh Canada Skeleton (les « Critères de sélection ») comprend les
dispositions suivantes :
Totaux de points de sélection et classement des athlètes
dans la Série d’épreuves de sélection
Pour les deux (2) premières compétitions de la saison 201314 (CM#1-2), le total global de points gagnés à la conclusion de
l’épreuve de sélection #2 servira à établir un classement des
athlètes par rapport aux autres compétiteurs ou compétitrices.
Compte tenu du rang au classement et des considérations
précisées dans les documents de critères de sélection 2013-14,
les athlètes recevront une «position» et celle-ci aidera à décider
l’équipe dans laquelle/le circuit dans lequel l’athlète sera
affecté(e).
Les équipes consisteront en les quotas respectifs (ou moins)
auxquels le Canada s’est qualifié, tel que déterminé par les totaux
de points de la saison 2012-13 (quota FIBT).
Veuillez vous reporter aux critères de sélection 2013-14 pour
savoir les détails du processus de sélection pour le reste de la
saison de compétition 2013-14.
Les athlètes qui ont atteint les critères d’«admissibilité à la présélection», en fonction des résultats de la saison 2012-13, se
feront octroyer une place de priorité au sein de l’équipe de Coupe
du Monde (pour les deux (2) premières compétitions de Coupe du
Monde), à savoir une priorité supérieure à ceux et celles qui
concourent à la série d’épreuves de sélection. Les conditions pour
la pré-sélection suivant les critères de sélection 2012-13, sont en
cours.
Dans le cas d’égalité des points de sélection, la décision quant à
quel athlète recevra le rang plus élevé au classement se basera
sur les chronos de poussée cumulatifs des athlètes concernés,
compte tenu de toutes les quatre (4) descentes de la série.
L’athlète ayant le chrono cumulatif le plus bas aux poussées sera
l’athlète qui aura le rang plus élevé au classement.
5
L’Équipe de Coupe Intercontinentale peut consister en un
maximum de trois (3) hommes et de trois (3) dames,
conformément aux quotas indiqués par la FIBT. Seront considérés
au circuit de Coupe Intercontinentale les athlètes qui ont participé
au processus de sélection et qui atteignent les critères suivants :
Équipe de Coupe InterContinentale
Pour chacune des disciplines, les places de départ #4 - #6
(hommes et dames) seront attribuées aux athlètes pour les
deux (2) premières compétitions de la saison 2013-14 en
fonction des dispositions suivantes :
a) 4e - 6e (hommes et dames) rangs les plus élevés, basé
sur le total des points à la série d’épreuves de sélection
et la discrétion de l’entraîneur en chef (tel que précisé
dans les critères ci-dessous mentionnés de
candidat(e)s à l’équipe nationale ».
b) Statut de maladie/blessure.
Série d’épreuves de sélection
17.
Parmi les athlètes féminines qui ont participé à la Série d’épreuves de sélection,
Mme Hollingsworth a réalisé le troisième total de points le plus élevé (394 points);
Dr Prediger a réalisé le quatrième total de points (376 points); Mme Channell et
Mme Laberge étaient ex aequo en cinquième place (344 points chacune). Mais
après application du critère de départage des ex aequo, Mme Channell a été
classée avant Mme Laberge. Il y avait en outre une athlète pré-sélectionnée, de
sorte que la demanderesse a pris la 7e place au classement général, alors que
Dr Prediger était 5e.
La décision du Comité de sélection
18.
Les Critères de sélection prévoient, en ce qui concerne la « Sélection
définitive » :
Une fois complétées les procédures de sélection, l’entraîneur en
chef soumettra la liste d’athlètes admissibles au Comité de
sélection, qui consistera en : membre du conseil d’administration
BCS (président du comité), président-directeur général, directeur
des programmes de haute performance, et un participant
indépendant. Le comité de sélection va confirmer les athlètes
sélectionnés et annoncer sa décision définitive.
19.
Aucun document faisant état de la décision finale du Comité de sélection n’a été
versé au dossier, que ce soit devant le Comité d’appel ou lors de cette audience.
Toutefois, Don Wilson, le chef de la direction de BCS, a confirmé que le Comité
de sélection était formé du directeur de haute performance (Nathan Cicoria), du
président-directeur général [chef de la direction] (M. Wilson), du président de
BCS (Reid Morrison) et d’un participant indépendant (Jason Poole).
6
20.
M. Wilson a confirmé que le Comité de sélection avait reçu une liste de
recommandations de l’entraîneur en chef, Duff Gibson. En ce qui concerne la
sélection des membres de l’équipe de la CIC, M. Gibson avait recommandé la
sélection de Mmes Hollingsworth, Channell et Laberge au sein de l’équipe.
M. Wilson se rappelle qu’il y avait eu une discussion à propos des mérites des
athlètes susceptibles de former l’équipe, mais il ne se rappelle pas quels critères
objectifs ont joué en faveur de Mme Laberge plutôt que Dr Prediger, ni pourquoi
M. Gibson a préféré Mme Laberge plutôt que Dr Prediger.
21.
Le Comité de sélection a confirmé les recommandations de M. Gibson, de sorte
que l’athlète pré-sélectionnée, Sarah Reid, ainsi que les deux athlètes les mieux
classées ensuite, Cassie Hawrysh et Robynne Thompson, ont été sélectionnées
pour former l’équipe de la Coupe du monde et Mmes Hollingsworth, Channell et
Laberge ont été sélectionnées pour former l’équipe de la CIC. Une septième
athlète, Carli Brockway, a été sélectionnée comme remplaçante pour l’équipe de
la CIC. Dr Prediger n’a été sélectionnée ni pour l’équipe de la Coupe du monde
ni pour celle de la CIC.
L’appel interne
22.
Rappelons que Dr Prediger a invoqué le processus d’appel dont font mention les
Critères de sélection, à savoir :
Tout différend relatif à la sélection et à la candidature au
programme national de skeleton sera abordé par le biais de la
procédure d’appels [de] Bobsleigh Canada Skeleton, tel que
précisé dans l’entente d’athlète de BCS 2013-14.
23.
Si l’Entente de l’athlète de 2013–2014 ne faisait pas partie du dossier, la
Politique d’appel de BCS en revanche y avait été versée. Cette politique prévoit
la constitution d’un Comité d’appel formé de trois personnes. La composition du
Comité d’appel qui a tranché l’appel de Dr Prediger n’a pas été contestée. Et endehors de la non-participation de Mme Laberge à cet appel, la procédure suivie
par le Comité d’appel n’a pas été contestée non plus.
24.
La Politique d’appel (article 7) établit les motifs en vertu desquels un appel peut
être interjeté :
Une décision ne peut pas faire objet d’appel seulement sur la base
des faits. L’appel sera entendu seulement dans le cas où ledit
appel paraîtrait exprimer suffisamment de motifs d’appel. Pour
qu’un appel démontre suffisamment de motifs, il faut prétendre que
l’Appelé(e) ait commis l’une ou plusieurs des actes suivants :
a. Prendre une décision sur laquelle elle n’avait pas instance ou
compétence, tel que précisé dans les documents constitutifs, règles
et politiques BCS;
b. Manquer de suivre les procédures précisées dans les règlements
ou les politiques approuvées de BCS;
7
c. Prendre une décision qui a été influencée par un parti pris, à
savoir une absence de neutralité à tel point que le décideur soit
incapable de tenir compte des autres points de vue;
d. Exercer sa discrétion à des fins irrégulières;
e. Prendre une décision pour laquelle il n’existe pas de preuves à
l’appui de ladite décision;
f. Prendre une décision qui est grossièrement déraisonnable.
En ce qui concerne les motifs d’appel c. et f. susmentionnés,
l’Appelant(e) doit montrer que la décision faisant objet d’appel lui a
porté préjudice, ou que la décision faisant objet d’appel a eu ou
pourrait raisonnablement avoir eu une incidence significative sur le
décideur dont la décision fait objet d’appel.
25.
Le Comité d’appel avait en sa possession l’avis d’appel de Dr Prediger, les
observations déposées en réponse par M. Gibson et la réplique écrite de
Dr Prediger à la réponse de l’intimé.
26.
Le Comité d’appel a accueilli l’appel de Dr Prediger à l’unanimité. Il a accueilli
l’appel pour deux motifs, à savoir que le Comité de sélection avait été influencé
par un parti pris et que le Comité de sélection avait pris une décision
manifestement déraisonnable. Les motifs de la décision du Comité d’appel
étaient brefs et ils sont donc reproduits intégralement ci-dessous :
[Traduction]
DÉCISION :
Dans l’appel interjeté par Lanette Prediger (l’appelante) contre
Duff Gibson, entraîneur en chef du Programme national de
skeleton (l’intimé) et la décision de la retirer de l’équipe de la
Coupe Intercontinentale pour la saison the 2013 – 2014, le
Comité d’appel a tranché en faveur de l’appelante à l’unanimité.
Le Comité d’appel estime que Dr Prediger doit être réintégrée
dans l’équipe de la Coupe Intercontinentale.
RAISONNEMENT :
En vertu des motifs d’appel énoncés à la Politique d’appel de
BCS, le Comité a conclu en faveur de l’appelante pour deux
raisons :
1. Motifs d’appel du point C : Prendre une décision qui a été
influencée par un parti pris, à savoir une absence de neutralité à
tel point que le décideur soit incapable de tenir compte des autres
points de vue :
Le Comité d’appel a estimé qu’il y avait une crainte de parti pris
dans la mesure où les conseils demandés par le Comité de haute
8
performance pour la recommandation des athlètes à sélectionner
auraient dû être inclusifs, or M. Gibson a indiqué que si d’autres
entraîneurs personnels ont participé à la discussion, l’entraîneur
personnel de Dr Prediger n’était pas présent. Personne n’a tenté
de communiquer avec lui de quelque manière que ce soit pour
obtenir son avis, durant le processus.
2. Motifs d’appel du point F : Prendre une décision qui est
grossièrement déraisonnable :
Le Comité d’appel a estimé qu’il n’y avait aucun élément de
preuve concret justifiant le remplacement de Dr Prediger au sein
de l’équipe de la Coupe Intercontinentale. M. Gibson a fourni des
arguments solides expliquant pourquoi la sélection de Dr Prediger
devrait être annulée, mais aucun argument n’a été présenté afin
de justifier pourquoi la glisseuse qui a terminé après Dr Prediger
devrait la remplacer au sein de l’équipe de la Coupe
Intercontinentale.
27.
Bien que les règles d’appel envisagent la possibilité d’ajouter des parties, tout le
monde s’entend pour reconnaître que Mme Laberge n’avait pas été informée de
l’appel interjeté par Dr Prediger avant qu’il ne soit tranché, et elle n’a donc pas
participé à la procédure devant le Comité d’appel. L’alinéa 13(j) prévoit :
Le Comité des appels pourrait, à tout moment dans la procédure
d’appel, mais pas après la complétion de l’audience, décider
qu’un autre membre soit ajouté en tant que partie dans l’appel, si
la présence de cette personne en tant que partie dans l’appel est
nécessaire pour que le Comité des appels décide d’une manière
tranchée et complète les questions soulevées dans le cadre de
l’appel, et tout membre ainsi ajouté comme partie à l’appel aura
tous les droits que détient l’Appelé(e) à moins que le Comité
n’abrège raisonnablement lesdits droits en raison de la
chronologie de l’ajout dudit membre. Le Comité des appels peut
déléguer à son/sa président(e) la responsabilité de se charger de
l’ajout d’une partie à l’appel et les autres questions y afférant,
suivant les modalités de la présente…
28.
Dans sa décision le Comité d’appel n’a pas pris en considération la position de la
demanderesse de quelque manière que ce soit. Toutefois, dans une décision
subséquente, distincte, BCS a annulé la sélection de la demanderesse au sein
de l’équipe de la CIC. Aucun compte rendu écrit de cette décision n’a été
présenté. Il a été admis, cependant, que la décision avait été prise parce qu’il
avait fallu remplacer une des athlètes sélectionnées précédemment, à la suite de
la décision du Comité d’appel au sujet de Dr Prediger.
Qualité pour agir et compétence
29.
L’article 20 de la Politique d’appel prévoit que :
9
Si l’une ou l’autre des parties croit que le Comité des appels a fait
une erreur telle que celles décrites dans l’alinéa 8 de la présente
politique, cette partie peut demander que le différend, autre que
ceux qui relèvent du PAA, soit soumis à un arbitrage tiers, par le
truchement du Centre de règlement des différends sportifs du
Canada (CRDSC), pourvu que la partie le fasse en respectant les
échéances précisées par le CRDSC. Les questions qui peuvent
faire objet d’arbitrage et les dispositions dudit arbitrage seront
précisées par le CRDSC.
30.
Le droit de la demanderesse de recourir à cet arbitrage n’a pas été sérieusement
contesté. Si, strictement parlant, elle n’a pas été partie à l’appel tranché par le
Comité d’appel, il est indéniable qu’elle est une partie affectée par la décision
rendue à l’issue de cet appel. Elle aurait également eu le droit d’interjeter appel
de la décision de BCS d’annuler sa sélection, après que le Comité d’appel eut
rendu sa décision. D’autre part, vu le manque de temps, la seule façon pratique
d’obtenir la réparation qu’elle demandait était de s’adresser directement au
CRDSC.
31.
Je suis donc convaincu que la demanderesse a qualité pour présenter la
présente demande.
Les motifs d’appel
32.
La demanderesse invoque plusieurs motifs d’appel :
(a) La décision du Comité d’appel de « réintégrer » Dr Prediger au sein de
l’équipe de la CIC était sans fondement puisqu’elle n’avait pas été
sélectionnée au départ.
(b) Il aurait fallu donner à la demanderesse la possibilité de participer à la
procédure devant le Comité d’appel étant donné que si Dr Prediger obtenait
gain de cause en appel, il faudrait annuler la sélection de la demanderesse.
Cela constituait un manquement au principe d’équité et à la Politique d’appel
elle-même.
(c) Dans les motifs de sa décision, le Comité d’appel n’explique pas le
raisonnement suivi pour parvenir à sa décision.
(d) La conclusion du Comité d’appel selon laquelle il n’y a pas eu de parti pris de
la part du Comité de sélection était incorrecte.
(e) Le Comité d’appel a rendu une décision qui n’est étayée par aucun élément
de preuve.
(f) La décision du Comité d’appel était manifestement déraisonnable.
Le fardeau de la preuve
33.
Cette affaire concerne un différend au sujet de la sélection des membres d’une
équipe. Le paragraphe 6.7 du Code s’applique donc :
10
6.7 Fardeau de la preuve lors de différends sur la sélection
d’équipe
Lorsqu’un athlète est impliqué à titre de Demandeur dans une
procédure pour régler un différend en matière de sélection d’équipe,
le fardeau de la preuve repose sur l’Intimé qui aura à démontrer
que les critères ont été établis de façon appropriée et que la
décision de sélection a été rendue en conformité avec ces critères.
Une fois cela établi, le fardeau de la preuve est transféré au
Demandeur qui aura à démontrer qu’il aurait dû être sélectionné
selon les critères approuvés. Chaque fardeau sera déterminé selon
la balance des probabilités.
La norme de révision
34.
Le paragraphe 6.17 du Code canadien de règlement des différends sportifs
dispose :
La Formation a plein pouvoir de passer en revue les faits et l’application
du droit. La Formation peut notamment substituer sa décision:
(i) à la décision dont émane le différend…
… et peut substituer une mesure à une autre et accorder les recours ou
les mesures réparatoires qu’elle juge justes et équitables dans les
circonstances.
35.
La demanderesse dit, entre autres choses, que les motifs communiqués par le
Comité d’appel étaient inadéquats. Si je devais en convenir, il est bien entendu
possible de remédier à cette inadéquation étant donné que j’ai le droit
d’examiner l’affaire « de novo ».
36.
Le paragraphe 6.17 fait en sorte qu’il n’est pas exigé de faire preuve de retenue
à l’égard du Comité d’appel inférieur, au-delà des précautions habituelles qui
sont de rigueur lorsque le tribunal inférieur avait un avantage particulier,
notamment une expertise technique ou la possibilité d’apprécier la crédibilité des
témoins (voir CAS 2011/A/2518 Robert Kendrick v. ITF, paragr. 10.6).
37.
Plus une décision portée en appel est convaincante et bien raisonnée, moins il
est probable que lors d’une révision ou d’un appel subséquent elle soit annulée.
À l’inverse, lorsque les motifs du tribunal inférieur sont brefs et offrent un aperçu
limité du raisonnement suivi par le tribunal pour parvenir à sa décision, les
probabilités que l’affaire ne fasse l’objet d’une évaluation plus poussée sur le
fond augmentent.
La position de la demanderesse
38.
Étant donné que le nom de Dr Prediger ne figurait pas parmi ceux que M. Gibson
a soumis au Comité de sélection, le Comité d’appel a parlé à tort de son
« remplacement » et de « l’annulation de sa sélection ». En décidant de
sélectionner lui-même Dr Prediger, le Comité d’appel a outrepassé sa
11
compétence. La demanderesse fait valoir que la mesure de réparation
appropriée par le Comité d’appel aurait dû être de renvoyer l’affaire afin que M.
Gibson la réexamine d’abord, et ensuite le Comité de sélection avec ou sans
instruction précise d’inclure ou non Dr Prediger dans la liste des noms
recommandés en vue de la sélection.
39.
La demanderesse fait valoir qu’il aurait fallu lui donner la possibilité de participer
au processus d’appel interne. S’il n’y a pas dans la Politique d’appel de
dispositions expresses portant sur les parties affectées ou les interventions,
l’alinéa 13(j) de la Politique d’appel permet d’ajouter « un autre membre ... en
tant que partie dans l’appel, si la présence de cette personne en tant que partie
dans l’appel est nécessaire pour que le Comité des appels décide d’une manière
tranchée et complète les questions soulevées dans le cadre de l’appel... » Le
défaut d’aviser la demanderesse, au minimum, de l’appel interjeté par
Dr Prediger a privé la demanderesse de la possibilité de présenter une demande
pour être incluse à titre de partie ajoutée, ce qui constitue une violation du droit
de la demanderesse à un processus équitable.
40.
Les motifs du Comité d’appel étaient si brefs qu’il est impossible de connaître le
raisonnement ou la justification de sa décision. Les motifs d’une décision doivent
être à la fois intelligibles et adéquats (South Bucks District Council v Porter,
[2004] UKHL 33, Lord Brown, para 36; Blais-Dufour c Speed Skating Canada,
SDRCC 11-0145, Richard Pound c.r. (arbitre) p. 12).
41.
Le Comité d’appel a conclu que la non-participation de l’entraîneur personnel de
Dr Prediger aux discussions qui ont précédé la décision du Comité de sélection a
donné lieu à une crainte de parti pris. Parti pris est défini ainsi dans la Politique
d’appel : « une absence de neutralité à tel point que le décideur soit incapable de
tenir compte des autres points de vue ». Le fait que l’entraîneur de Dr Prediger
n’ait pas été présent lors des discussions menées par M. Gibson avant de
formuler ses recommandations à l’intention du Comité de sélection a peut-être
été une omission, mais cela n’a pas empêché le Comité de sélection de tenir
compte d’autres points de vue.
42.
Le Comité d’appel a déclaré qu’il n’y avait [traduction] « aucun élément de
preuve concret justifiant le remplacement de Dr Prediger » au sein de l’équipe de
la CIC. Or elle n’avait pas été sélectionnée, alors comment aurait-on pu la
« remplacer » ou « annuler sa sélection »? Le Comité a dit ensuite que l’on
n’avait pas expliqué pour quelles raisons la glisseuse qui avait fini après
Dr Prediger, à savoir Mme Laberge, devrait la « remplacer ». Pourtant, le dossier
soumis au Comité d’appel comprenait des observations de M. Gibson dans
lesquelles il disait, entre autres choses, ce qui suit en appui à la sélection de
Mme Laberge :
[traduction]
… Jaclyn a été sélectionnée, non pas à cause de l’état actuel de
ses poussées (qui doivent encore être améliorées) mais parce
qu’elles s’étaient considérablement améliorées, tout comme son
pilotage, depuis la série d’épreuves de sélection l’an dernier où
elle n’avait pas été sélectionnée. Elle est également plus jeune.
43.
Si le Comité d’appel a accueilli l’appel interjeté par Dr Prediger pour le motif,
notamment, que la décision du Comité de sélection était « manifestement
déraisonnable », une telle conclusion était sans fondement. La sélection de la
12
demanderesse était non seulement appuyée par ses résultats, elle correspondait
au Cheminement de développement de l’athlète de skeleton de l’intimé, qui
prévoit un processus de progression des athlètes, de candidats au Circuit de la
Coupe du monde et à l’équipe nationale, aux épreuves de la CIC et ensuite aux
épreuves de la Coupe du monde et aux Jeux olympiques. Les résultats de la
demanderesse s’étaient considérablement améliorés au cours de la dernière
année et justifiaient la recommandation de M. Gibson et la décision du Comité
de sélection.
Position de l’intimé
44.
Bien que l’intimé respecte et ait exécuté la décision du Comité d’appel, l’intimé
continue à défendre sa décision de sélection initiale.
45.
Au cours de l’interrogatoire, les représentants de l’intimé, MM. Wilson et Cicoria,
ont invoqué la disposition des Critères de sélection de BCS qui portent sur la
sélection de l’équipe de la CIS – « 4e – 6e (hommes et dames) rangs les plus
élevés, basé sur le total des points à la série d’épreuves de sélection et la
discrétion de l’entraîneur en chef … » – qui selon eux justifient la sélection de la
demanderesse. Si BCS a reconnu que la demanderesse ne satisfaisait pas à la
description « 4e – 6e rangs les plus élevés » (elle était 7e après la prise en
compte de l’athlète présélectionnée), sa sélection était justifiée du fait de la
« discrétion de l’entraîneur en chef ».
Position de la partie affectée
46.
Le Comité de sélection de BCS a violé ses propres règles en sélectionnant
l’athlète classée au 7e rang pour former l’équipe de la CIC. Les Critères de
sélection ne prévoient pas la sélection d’athlètes qui ne sont pas classés entre le
4e et le 6e rangs, pour former l’équipe de la CIC.
47.
En revanche, l’athlète classée au 5e rang, Dr Prediger était admissible à être
sélectionnée.
48.
Le Comité d’appel était un comité d’experts. Les procédures adoptées à
l’audience étaient équitables et raisonnables, et conformes à la politique d’appel,
qui n’exige pas d’inclure à titre de partie affectée une personne dans la situation
de la demanderesse.
49.
Le Comité d’appel avait d’amples raisons d’accueillir l’appel de Dr Prediger, à
savoir notamment :
(a) M. Gibson avait indiqué que Dr Prediger n’avait pas été sélectionnée à
cause, entre autres choses, de ses temps de poussée. Pourtant les temps de
poussée de Mme Laberge étaient plus lents que ceux de Dr Prediger.
(b) Bien qu’il ait protesté qu’il n’y avait pas eu de parti pris apparent dans le
processus de sélection, M. Gibson a admis qu’il y avait [traduction] « peutêtre eu un parti pris » de la part d’entraîneurs personnels dont il avait
demandé les avis avant de faire ses recommandations pour les sélections
(l’entraîneur de Dr Prediger n’ayant pas pris part à ce processus).
(c) M. Gibson a invoqué le fait que Dr Prediger n’avait pas obtenu de médaille au
cours de la saison précédente pour justifier sa décision de ne pas la
13
sélectionner alors qu’en fait elle avait remporté une médaille à la course de
Park City du circuit de la CIC.
50.
À condition que le Comité d’appel ait suivi les règlements et politiques de BCS et
exercé son pouvoir discrétionnaire correctement, un arbitre du CRDSC ne
devrait pas intervenir dans la décision du Comité : Blais c. Association de
Taekwondo du Canada, ADRsportRED 03-0016, 9 mai 2003; Barich & Gildner c.
Canoe-Kayak Canada SDRCC 11-0153.
Analyse
51.
Le fondement de ma conclusion selon laquelle l’appel devrait être rejeté est
inhabituel. Bien que je ne sois pas d’accord avec le raisonnement du Comité
d’appel, en tant que tel, il a eu raison d’accueillir l’appel de Dr Prediger.
52.
J’en suis venu à cette conclusion parce que selon les critères de sélection, il
n’était pas loisible au Comité de sélection de la sélectionner.
53.
Les Critères de sélection des membres de l’équipe de la CIC pour les deux
premières courses de la saison sont très clairs. L’équipe peut être formée d’un
« maximum » de trois hommes et trois dames, selon les quotas indiqués par la
FIBT.
54.
Comme je l’ai déjà indiqué, les Critères de sélection précisent ensuite :
Les places de départ #4 - #6 (hommes et dames) seront
attribuées aux athlètes pour les deux (2) premières compétitions
de la saison 2013-14 en fonction des dispositions suivantes :
a) 4e – 6e (hommes et dames) rangs les plus élevés, basé sur le
total des points à la série d’épreuves de sélection et la discrétion
de l’entraîneur en chef (tel que précisé dans les critères cidessous mentionnés de candidat(e)s à l’équipe nationale).
b) Statut de maladie/blessure
55.
BCS se réserve expressément le droit de ne pas présenter un contingent
complet d’athlètes, « compte tenu des facteurs de budget, programmes de
compétition et/ou la discrétion d’entraîneur/du comité de sélection ».
56.
Le mot « et » entre les mots « épreuves de sélection » et « la discrétion de
l’entraîneur en chef » est souligné et mis en italiques dans le document des
Critères de sélection lui-même. Si la demanderesse et l’intimé estiment tous les
deux que cette disposition signifie que l’entraîneur en chef a le pouvoir
discrétionnaire de recommander un athlète qui n’est pas classé entre le 4e et le
6e rangs, cette interprétation n’est pas soutenue par le sens naturel et ordinaire
des mots choisis par l’auteur des critères de sélection. Les italiques et le
soulignement ne changent rien à cette conclusion.
57.
La demanderesse a fait valoir qu’il serait absurde de restreindre les « places de
départ #4 - #6 » (les places #1 - #3 étant prises par les athlètes qui participent
aux épreuves de Coupe du monde) aux athlètes classées du 4e au 6e rangs. Si
cela était le cas, à quoi cela servirait-il d’ajouter [traduction] « la discrétion de
l’entraîneur en chef »?
58.
Toutefois, si, comme cela semble avoir été le cas, BCS avait l’intention de
donner la possibilité de sélectionner quelqu’un classé au 7e rang – à savoir la
14
demanderesse – les Critères de sélection auraient pu et auraient dû indiquer
clairement que l’entraîneur en chef a le pouvoir discrétionnaire, suivant les
Critères des candidats à l’équipe nationale, de recommander quelqu’un qui ne
s’est pas classé entre le 4e et le 6e rangs. Les Critères de sélection ne l’ont pas
indiqué et il est bien établi qu’il n’est pas du ressort d’un arbitre de réécrire un
processus de sélection : Blais c. Association de taekwondo du Canada,
ADRsportRED 03-0016, 9 mai 2003, p.5.
59.
Mis à part le fait que les Critères de sélection ne traduisent pas l’intention du
rédacteur de donner à l’entraîneur en chef le pouvoir discrétionnaire de
sélectionner un athlète qui ne figure pas du 4e au 6e rangs, les Critères de
sélection semblent avoir été établis comme il faut. Et la décision du Comité
d’appel de sélectionner Dr Prediger respectait les Critères de sélection.
60.
Il aurait sans doute été loisible au Comité de sélection, compte tenu des Critères
des candidats à l’équipe nationale, de ne pas sélectionner Dr Prediger (de sorte
qu’il n’y aurait eu que deux femmes dans l’équipe de la CIC – ce qui aurait été
tout à fait conforme à la politique de BCS). Mais ce n’est pas ce qui s’est passé.
Le Comité de sélection a délibéré pour savoir s’il devait sélectionner
Mme Laberge ou Dr Prediger, et il a finalement choisi l’athlète classée au 7e rang,
Mme Laberge, plutôt que l’athlète classée au 5e rang, Dr Prediger. Il n’a jamais été
question de ne pas emmener un contingent complet d’athlètes.
61.
Si les motifs du Comité d’appel n’invoquent pas la mauvaise application des
Critères de sélection de BCS par le Comité de sélection, il est clair d’après le
dossier qu’elle avait formé l’un des motifs avancés par Dr Prediger pour interjeter
appel. De fait, c’était son premier motif d’appel.
62.
Étant donné le libellé des Critères de sélection, le Comité d’appel aurait commis
une erreur s’il avait laissé en place la décision du Comité de sélection de BCS.
63.
L’intimé dans cet appel s’est donc acquitté, mais d’une manière peu orthodoxe
en quelque sorte, du fardeau de la preuve qui lui incombait en vertu du
paragraphe 6.7 puisque le Comité d’appel a sélectionné Dr Prediger.
64.
Le Comité d’appel avait le choix entre annuler la décision et la renvoyer au
Comité de sélection (paragraphe 15(b) de la Politique d’appel) ou modifier la
décision « dans le cas où une erreur serait détectée et ladite erreur ne peut pas
être rectifiée par le décideur initial, pour des raisons qui pourraient inclure, sans
en être limité à : absence de procédure exacte, manque de temps, ou manque
de neutralité » (paragraphe 15(c)).
65.
Le Comité d’appel n’a pas expliqué pourquoi il avait choisi de modifier la décision
de sélection plutôt que de renvoyer l’affaire au Comité de sélection. Ceci est l’un
des vices des motifs du Comité d’appel.
66.
Le Comité d’appel en question avait sans doute une expérience vaste et
pertinente en sport, mais il aurait néanmoins eu le temps, sans doute, de
renvoyer l’affaire s’il avait choisi cette solution (la décision du Comité d’appel a
été rendue le 15 novembre et le départ de l’équipe de la CIC était prévu pour le
29 novembre).
67.
Le Comité d’appel a peut-être décidé que puisqu’il n’avait jamais été question de
ne pas envoyer trois athlètes féminines aux deux premières courses de la CIC,
15
et que Dr Prediger était la seule athlète admissible qui n’avait pas encore été
sélectionnée, il serait indiqué de la « réintégrer » à ce moment-là.
68.
Quoi qu’il en soit, au moment où j’ai examiné l’arbitrage introduit par la
demanderesse, il était trop tard pour renvoyer l’affaire à qui que ce soit.
Dr Prediger devait prendre l’avion pour aller en Europe moins de trois jours après
l’audience et à peine deux jours après le prononcé de ma décision courte. Dans
ces circonstances, il était nécessaire et approprié que je rende une décision
finale, en dépit de la réticence que les arbitres ont habituellement de substituer
leurs décisions à celles des sélectionneurs qui ont l’expertise en sport appropriée
pour prendre ces décisions.
69.
En fin de compte, et eu égard à la compétence qui m’est conférée en vertu de
l’article 20 des Règles d’appel et du paragraphe 6.17 du Code, l’issue correcte
en l’espèce est la sélection de Dr Prediger. La décision du Comité d’appel avait
donné le même résultat et sa décision doit en conséquence être confirmée.
70.
Mais l’affaire ne doit pas s’arrêter là. L’une des fonctions du CRDSC à titre de
tribunal spécialisé en sport a une mission éducative. En l’espèce, le processus
qui a mené à cette situation soulève plusieurs préoccupations. Mme Laberge, en
particulier, est victime d’un processus vicié. Je vais expliquer ces points de
préoccupations et ma réponse à chacun d’eux. J’espère pouvoir ainsi donner
des conseils utiles à ceux qui pourraient se trouver dans des situations
semblables à celle des parties de l’espèce. J’ai énuméré ces points de
préoccupation non pas d’après les motifs d’appel formulés par la demanderesse,
mais plutôt selon le sujet ou problème.
La Politique de sélection
71.
Les règles et politiques d’un organisme de sport devraient être interprétées selon
les mêmes principes que ceux qui sont utilisés pour interpréter les contrats. Bien
que les cas débattus par les cours portent en grande partie sur des accords
commerciaux, ces principes peuvent et devraient être adaptés pour guider
l’interprétation des règles, règlements et autres ententes du milieu du sport.
Pour commencer, il convient de donner aux mots leur sens naturel et ordinaire,
en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utilisés. L’intention des parties
est importante, mais l’interprétation subjective des parties – ce qu’ils pensaient
que les critères de sélection signifiaient – n’est pas pertinente (voir Chitty on
Contracts, 30e éd. Vol. 1, paragr. 12-043).
72.
Comme la Cour suprême du Canada l’a expliqué dans Consolidated-Bathurst c.
Mutual Boiler, [1980] 1 R.C.S. 888 à 901 :
…les règles normales d’interprétation amènent une cour à
rechercher une interprétation qui, vu l’ensemble du contrat, tend â
[sic] traduire et à présenter l’intention véritable des parties …
73.
En l’espèce, une interprétation correcte des mots utilisés ne soutient pas
l’interprétation avancée par BCS. Sauf si l’interprétation des mots utilisés dans
les critères de sélection devait mener à un résultat absurde (c’est-à-dire un
résultat injuste), la cour doit appliquer le langage utilisé (SM Waddams, The Law
of Contracts, 5e éd, paragr. 492).
16
74.
Étant donné que le langage utilisé par BCS ne traduisait pas comme il faut son
intention de donner à un entraîneur le pouvoir discrétionnaire de choisir un
athlète qui ne s’est pas classé du 4e au 6e rangs, la demanderesse n’avait pas
droit au pouvoir discrétionnaire qui aurait été exercé en sa faveur au stade du
Comité de sélection. Ceci est en effet regrettable. Mais il s’agit d’un problème
qu’il serait facile de corriger en utilisant un langage qui traduit plus clairement
l’intention du rédacteur.
La décision de sélection
75.
M. Gibson a apparemment soumis ses recommandations au Comité de sélection
après la Série d’épreuves de sélection. Plusieurs entraîneurs étaient présents
après la course et, selon M. Gibson, il a invité [traduction] « tous les entraîneurs
concernés à donner leur point de vue ». M. Gibson a dit que si l’entraîneur de Dr
Prediger avait été en ville à ce moment-là, il aurait été invité également.
S’agissant de la décision de ne pas proposer la sélection de Dr Prediger, M.
Gibson a estimé qu’il avait entendu une gamme complète d’opinions, après quoi
il a fait ses recommandations. Quant aux allégations de parti pris, il a dit qu’il n’y
avait pas d’apparence de parti pris, car toutes les opinions concernant les
capacités de Dr Prediger étaient étayées par [traduction] « un raisonnement
solide et/ou des données précises ». Néanmoins, il a également admis que les
entraîneurs présents avaient un parti pris dans la mesure où ils devaient être
loyaux envers les athlètes qu’ils entraînaient.
76.
Dr Prediger a critiqué le processus de sélection, car il n’indiquait pas clairement
qui était le véritable décideur. S’il y a bien eu Comité de sélection qui, selon
M. Wilson, a discuté des recommandations soumises par M. Gibson, lors de son
témoignage devant le Comité d’appel, M. Gibson a souvent fait référence à sa
« décision ».
77.
J’ai conclu que le rôle de M. Gibson s’est limité à soumettre ses
recommandations au Comité de sélection. Bien qu’il ait été suggéré que le
Comité de sélection avait tout simplement donné son approbation, j’accepte la
preuve selon laquelle le Comité de sélection a procédé à un véritable processus
de délibération.
78.
Je m’inquiète cependant de la participation des entraîneurs personnels. J’ai eu
l’impression qu’il y avait eu une discussion en table ronde entre plusieurs
entraîneurs et M. Gibson, et qu’ensuite M. Gibson a fait ses recommandations.
79.
Il est facile de comprendre pourquoi Dr Prediger a pu penser que le processus
suivi par M. Gibson était injuste. Il a fait ses recommandations après avoir
consulté un certain nombre d’entraîneurs qui étaient loyaux envers d’autres
athlètes. Personne n’a essayé de contacter l’entraîneur de Dr Prediger.
80.
La définition que la Politique d’appel donne de parti pris est, sans doute, plus
étroite que le terme « parti pris » lorsqu’il est utilisé dans le contexte de l’équité
procédurale généralement. Le Comité d’appel a estimé que la participation des
entraîneurs personnels et la non-inclusion de l’entraîneur personnel de
Dr Prediger avait donné lieu à une crainte de parti pris.
81.
Je n’irais pas jusque là. Premièrement, en tenant compte de la définition donnée
dans la Politique d’appel, pour tirer une telle conclusion le Comité d’appel aurait
dû conclure que M. Gibson avait été « incapable de tenir compte des autres
17
points de vue ». En d’autres termes, que son esprit était fermé. La preuve ne
permet pas de tirer une telle conclusion.
82.
Même en tenant compte de l’usage plus large et ordinaire du terme « parti pris »
– à savoir si un observateur juste et informé, après avoir pris les faits en
considération, conclurait qu’il existe une possibilité réelle que le décideur ait eu
un parti pris – le contexte est important :
[traduction]
…le parti pris dépend du contexte et le fait que la procédure en
question soit celle d’un comité et non pas une procédure judiciaire
ne devrait pas être prise en considération. Il s’ensuit que la
question du parti pris (réel ou apparent) devrait être abordée avec
« une certaine dose de réalisme et de bon sens », en tenant
compte du fait qu’en sport, la communauté en question est
souvent un petit cercle au sein duquel les personnalités
concernées doivent interagir fréquemment et se connaissent bien
entre elles. (Jack Anderson, Modern Sports Law (2010) p. 106).
83.
J’ajouterais que je serais plus réceptif à la conclusion du Comité d’appel, qui a
estimé que M. Gibson avait fait preuve de parti pris, s’il avait été le décideur,
plutôt que le Comité de sélection. Puisque j’ai accepté la preuve de M. Wilson
selon laquelle les mérites des athlètes sélectionnées avaient fait l’objet d’une
véritable discussion (quoique M. Wilson ne se soit pas souvenu des détails de
cette discussion), je suis convaincu que la conclusion du Comité d’appel quant à
l’existence d’un parti pris était incorrecte.
La non-participation de la demanderesse au processus d’appel
84.
Je suis d’accord avec la demanderesse pour dire qu’il était injuste qu’elle n’ait
pas eu la possibilité d’être entendue par le Comité d’appel. Il devait être évident,
non seulement pour BCS mais également pour le Comité d’appel, que si
Dr Prediger était sélectionnée, il faudrait annuler la sélection d’une autre athlète.
On a fait remarquer qu’une personne qui n’a pas été partie à une décision
arbitrale ne peut être liée par celle-ci (JE Grenig, « Arbitration of Olympic
Eligibility Disputes: Fair Play and the Right to be Heard » (2001 – 2002) 12 Marq.
Sports L.Rev. p. 267). Il en découle, logiquement, qu’un processus d’audience
équitable exige que toutes les parties qui sont susceptibles d’être touchées par
une décision arbitrale aient le droit de participer à ce processus.
85.
Rappelons que l’alinéa 13(j) des Règles d’appel donnait le moyen d’inclure
Mme Laberge au processus d’appel. Le fait qu’elle n’ait pas été incluse viole les
principes de justice naturelle et d’équité procédurale. Ces principes sont
considérés comme faisant partie intégrante du règlement des différends liés au
sport (Hilary A. Findlay, « Rules of a Sport-Specific Arbitration Process as an
Instrument of Policy Making » (2005 – 2006) 16 Marq. Sports L.Rev. 73 et 74 :
Lee v. Showmen’s Guild of Great Britain, [1952] 2 All E.R. 1175 (C.A.)).
86.
Si je n’avais pas tiré la conclusion que le Comité de sélection ne pouvait pas, en
appliquant correctement les Critères de sélection, sélectionner la demanderesse,
j’aurais accueilli son appel pour le motif qu’elle a été privée de son droit à la
justice naturelle et à l’équité procédurale puisqu’elle avait été oubliée dans le
processus d’appel interne.
18
Les motifs du Comité d’appel
87.
Le fait que le raisonnement du Comité d’appel ait tenu sur moins qu’une feuille
de papier format lettre ne le rend pas inadéquat ni, pour citer l’arbitre Richard
Pound, c.r. (arbitre) dans Blais-Dufour c. Patinage de vitesse Canada SDRCC
11-0145, à la page 12, « succinct, au point d’être squelettique ».
88.
Les motifs n’ont pas besoin d’être détaillés ni très longs. Mais ils devraient être
suffisants pour indiquer aux parties, en des termes généraux, pourquoi la
décision a été prise. Bien qu’il ait été formulé principalement à l’intention des
lecteurs britanniques, le conseil de Jack Anderson (Modern Sports Law, 2010,
p. 107) est pertinent :
[traduction]
ll vaut mieux fournir des motifs de qualité « adéquate et
intelligible » afin que l’intéressé puisse comprendre « l’essence de
la décision » prise à son encontre et, ainsi, être en mesure
contester cette décision s’il le souhaite.
89.
Dans Blais-Dufour c. Patinage de vitesse Canada, SDRCC 11-0145, p. 12,
l’arbitre donne un conseil qui va dans le même sens :
La jurisprudence du Tribunal arbitral du sport (TAS) et du Tribunal
fédéral suisse saisi des contrôles judiciaires des décisions du TAS
a établi qu’un tel manquement [ne pas donner de motifs adéquats]
peut équivaloir à un déni d’audience équitable pour la partie
perdante. Je soulève ce sujet uniquement, pour souligner combien
il est important de traiter toutes les questions de fond soulevées
dans un appel par la partie contre laquelle une décision est
prononcée. Ce qui ne veut pas dire que les arguments et
questions futiles ou vexatoires doivent être examinés en
profondeur, mais qu’une formation devrait préciser les questions
qui ont été soulevées et prises en compte, pour en arriver à une
décision qui rejette la position de la partie perdante [Références
omises].
90.
En l’espèce, les motifs n’étaient pas adéquats. Bien sûr, ils ont été rédigés en
ayant à l’esprit que l’appel avait été accueilli. Ils n’avaient pas pris en compte les
conséquences que la décision aurait pour Mme Laberge et la possibilité qu’elle
veuille contester la décision du Comité d’appel. Mais même en tenant compte de
cela, les motifs présentaient un certain nombre de vices évidents. D’une part, le
Comité d’appel n’a pas expliqué pourquoi il avait choisi de prendre lui-même la
décision concernant la sélection, au lieu de renvoyer l’affaire au Comité de
sélection. D’autre part, il n’a pas traité du premier motif de l’appel interjeté par
Dr Prediger, à savoir que si les critères de sélection avaient été appliqués comme
il faut, il n’aurait pas été possible de sélectionner Mme Laberge en premier lieu.
91.
Un autre aspect troublant de la décision du Comité d’appel est son apparente
prédisposition à l’égard de la sélection de Dr Prediger. Il a dit que sa sélection
avait été annulée et qu’elle avait été remplacée. Il a décidé qu’elle devrait être
« réintégrée » au sein de l’équipe de la CIC. Il semble curieux d’utiliser une telle
terminologie à l’égard d’une personne que le Comité de sélection n’avait pas
sélectionnée.
19
Conclusion
92.
Cette affaire est la conséquence d’une politique de sélection rédigée d’une
manière qui ne traduisait pas l’intention du rédacteur, d’un processus de
sélection qui a été dirigé d’une manière qui (même si elle n’équivalait pas à un
parti pris) aurait pu être mieux gérée et d’une décision d’appel qui, pour les
raisons que j’ai exposées ci-dessus, était viciée.
93.
Il est regrettable que ces deux athlètes accomplies aient eu à s’opposer l’une
contre l’autre devant un arbitre. Toutes deux ont fait des présentations
éloquentes et convaincantes en appui à leur sélection. Je leur suis
particulièrement reconnaissant de la manière très digne dont elles ont participé à
l’audience. Je tire une certaine consolation du fait que la décision de sélection ne
s’applique qu’aux deux premières courses du calendrier de la CIC de cette
saison.
Dépens
94.
En vertu du paragraphe 6.22 du Code, il est loisible à la Formation de déterminer
s’il y aura une adjudication de frais et quelle en sera l'ampleur. Je suis d’avis,
pour le moment, qu’en l’espèce il serait approprié que j’envisage l’attribution de
dépens en faveur de la demanderesse ou de Dr Prediger, ou des deux (dépens
qui seraient à la charge de l’intimé). Si la demanderesse ou Dr Prediger souhaite
demander les dépens, elles devront déposer de brefs arguments à ce sujet, de
trois pages au maximum, au plus tard à 16 h (HNE) le 17 décembre 2013. Ces
arguments devront traiter de l’issue de la procédure, du comportement des
parties et de leurs ressources financières respectives, de leurs intentions, de
leurs propositions de règlement et de la volonté démontrée par chaque partie de
régler le différend avant ou pendant l’arbitrage et, dans le cas de la
demanderesse, du montant des droits de dépôt retenus par le CRDSC. Si les
dépens sont demandés et que l’intimé s’oppose à la demande (parce qu’il
conteste le droit aux dépens ou son montant, ou les deux), l’intimé aura jusqu’au
23 décembre 2013, 16 h (HNE), pour déposer une réponse écrite (également de
trois pages au maximum).
Ordonnance
95.
Pour les motifs exposés ci-dessus, la demande est rejetée. La décision du
Comité d’appel de sélectionner Dr Prediger pour faire partie de l’équipe féminine
qui représentera le Canada aux deux premières courses de la CIC de la saison
2013–2014 est confirmée.
Le 11 décembre 2013
______________________________
Graeme Mew FCIArb
Arbitre

Documents pareils