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Style(s) “La mode passe, le style demeure” Y. S.-L. Entretien Gaël Mamine, propos recueillis par olivier Vaccaro Conservateur de la fondation Pierre Bergé - Yves Saint-Laurent, Gaël Mamine compose chaque jour pour transmettre le patrimoine du couturier disparu. Expositions, éditions… un seul mot d’ordre pour son équipe : le style. Interview exclusive. Il n’a « pas du tout » de complexe face à ces deux noms, monstres sacrés. Sa personnalité calme, presque ineffable, existe par son travail, ses « projets de recherches liés à l’histoire du couturier français ; une véritable affaire d’enquête qui chemine inévitablement à travers les domaines contingents à la mode : celui des archives, du monde de l’édition, du théâtre et de la presse… » jusqu’à parfois traquer l’entourage de celui qui, du haut de ses 18 ans, en 1955, fut certainement le plus jeune assistant de monsieur Dior. « Il s’agit chaque fois de produire un nouvel énoncé relatant la réalité du travail d’Yves, à partir de problématiques différentes, puis le traduire en une exposition ou l’édition d’un recueil. C’est le même travail qu’un archéologue ; en ce moment, par exemple, nous travaillons sur sa ligne Rive Gauche. Saint-Laurent, en précurseur du prêt-à-porter, a su définir un nouvel espace pour les vêtements, à son époque, en le concept de boutique, celui qui offrait la possibilité aux femmes, Yves-Mathieu Saint-Laurent en 1962, lors de sa toute première collection en nom propre. Photo : Pierre Boulat 1962 Cette épistémologie de la mode semble donc toute rodée pour continuer à inscrire le travail du couturier dans le patrimoine culturel français. Pour une fondation dotée Ou faut-il préférer le terme de patride tels moyens, – on ne rappel- moine artistique ? « Je considère lera pas le chiffre de 373 Ms d’euros la mode comme un art seulement récoltés lors de la “vente du siècle” en si la création est unique, telle une février dernier –, n’y aurait-il pas plutôt pièce de couture, par exemple. urgence à soutenir la jeune garde fran- La captation du réel traduite dans çaise, ou une maison comme Christian les paramètres de références du Lacroix qui traverse actuellement une couturier fait de l’art ; il faut en comprendre une conceppériode de difficultion toute romantique, tés ? « Je rappelle “La saharienne, les que Pierre Bergé smokings pour femmes, évidemment. » Ancien étudiant de est président de les formes des robes des l’école des Beauxl’ANDAM (l’Associapremières collections… Arts de Dijon puis de tion Nationale pour le Marseille, qui mieux Développement des Toutes ces pièces que notre intéressé Arts de la Mode) et de peuvent inspirer des l’IFM (l’Institut Français générations entières.” peut commenter ce sujet de discorde, un de la Mode). C’est débat qui continue à ces titres-là que les fonds circulent, pour les étudiants. à alimenter le discours critique. De Quant à apporter un soutien logistique même que l’avancée de la marque directement aux jeunes créateurs, l’ate- Yves Saint-Laurent depuis la cession à lier de monsieur Saint-Laurent est resté Sanofi, en 1993 (sauf la haute couture) ouvert depuis 1999 ; les membres puis celle d’Elf-Sanofi à Gucci (PPR), du studio de Stefano Pilati, ou autres en 2000. Il répond : « Je pense que étudiants, peuvent venir consulter des Nicolas Ghesquière chez Balenciaga archives. Nous souhaitons léguer du [où il travaillé au département Archives mieux possible le style de la Maison : la avant de prendre son poste actuel à la saharienne, les smokings pour femmes, fondation, Ndlr] a bien mieux digéré les formes des robes des premières col- l’esprit de sa Maison que Pilati chez lections… Toutes ces pièces peuvent ins- Saint-Laurent. Ce bal-défilé de directeurs artistiques à la tête des grands noms pirer des générations entières. » pignon sur rue, de s’approprier toute la silhouette du créateur grâce aux nombreux accessoires. » de la couture peut avoir son intérêt si le vocabulaire est maîtrisé. Je n’ai pas très bien compris l’utilisation des motifs issus des collections, lors du dernier défilé Saint-Laurent, par exemple ; mais l’idée de travailler sur un motif est désuète quand elle ne rend pas compte du style, de la forme. » mode devenue consumériste, voire vulgaire (voir notre article “La Mode fait son cirque”). Toujours est-il que les multiples projets* qui foisonnent à la Fondation Bergé–Saint-Laurent façonnent chaque jour une autre vision : la continuation du “style”. n La mode telle que l’a vécue Saint-Laurent n’est-elle plus qu’un souvenir ? « La réalité de la mode est, aujourd’hui, chez H&M et Zara. C’est ce sont eux qui officient pour la production de masse des silhouettes qui défilent, et ça marche ! Les créateurs, dans la fonction qui leur est propre, imaginent des tenues qui se retrouvent immédiatement dans les vitrines de ces enseignes, et dans le monde entier. Les vestes en paillettes, les jean’s troués, les T-shirts crades des podiums se transposent inexorablement ; mal détournés, tels les ingrédients d’une mauvaise cuisine. » En ce sens, il semble que Gaël Mamine traduise de façon élégante un autre mal qui s’est emparé d’une industrie de la Gaël Mamine (*) Grande rétrospective Yves Saint-Laurent au Petit Palais dès mars 2010. Fondation Pierre Bergé – Yves Saint-Laurent, 5 avenue Marceau, 75116 Paris. fondation-pb-ysl.net