"SPORT ET INSERTION SOCIALE"

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"SPORT ET INSERTION SOCIALE"
"SPORT ET INSERTION SOCIALE"
RAPPORTEUR : M. JACQUES BERRIN
PRESIDENT DE LA COMMISSION : M. LEROY
VICE-PRESIDENT : M. GARAU
Assemblée Plénière du mardi 22 Juin 1999
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I EXPOSE DES MOTIFS
La société change, le sport évolue et un constat paradoxal se fait jour. L’offre et la
demande d’activité physique et sportive augmentent au plan qualitatif et quantitatif, mais
certaines catégories sociales restent exclues de ces pratiques pour des raisons pécuniaires,
culturelles ou géographiques.
En effet, l’exclusion sociale entraîne également l’exclusion sportive, car ses atteintes touchent
plus particulièrement les jeunes, les personnes isolées, les personnes handicapées (que ce soit
un handicap moteur ou mental), les familles monoparentales, les chômeurs de longue durée,
les moins qualifiés. Et au-delà des individus, c’est toute la cellule familiale qui est touchée, en
particulier les enfants et les jeunes. Ce processus est d’ailleurs renforcé par une tendance à
l’isolement volontaire qui augmente d’autant les conséquences de l’exclusion ou de la
marginalité.
Or, le sport est un vecteur d’intégration sociale :
• Parce qu’une pratique sportive peut constituer une première étape dans une démarche
individuelle d’insertion,
• parce que le sport peut lui-même fournir le cadre d’un emploi,
• et parce qu’il occupe une place non négligeable dans l’ensemble des phénomènes
économiques, culturels et sociaux tout en poursuivant ses propres objectifs d’épanouissement
humain et d’utilité sociale par la pratique d’une activité physique et sportive.
Donc, le sport associatif ne peut rester à l’écart d’un enjeu aussi profondément humaniste,
car il répond à une urgence sociale. Les clubs qui le souhaitent doivent pouvoir se mobiliser
pour participer à la lutte contre l’exclusion, dans la cohérence, et en respectant leurs
missions fondamentales.
La convention récemment signée entre le CNOSF, le ministère des Affaires Sociales et le
Ministère de la Jeunesse et des Sports a permis en partenariat avec EDF la mise en place de
chargés de mission "sport-insertion" au sein des CROS, des CDOS ou des fédérations pour
répondre à ces objectifs.
II LES CONSIDERANTS
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2.1. LE VRAI ROLE DU SPORT
Dans notre pays, l’organisation du sport a un siècle d’histoire et il est le premier
mouvement associatif en France avec 14 millions de licenciés. La pratique sportive rassemble
les hommes et les femmes au-delà de toutes les différences.
Mais le grand public et les leaders d’opinion ont souvent une fausse perception du rôle que le
sport joue dans notre société, car on voit trop souvent le sport à travers deux aspects :
•
l’aspect ludique,
•
le sport spectacle : ce dernier devient de plus en plus une affaire de gros sous.
A contrario, la pratique du sport est profondément éducative et c’est aussi un élément fort
d’intégration sociale.
Le sport en tant qu’activité permet d’intérioriser le sens de la norme, de la règle, mais aussi
le respect de soi et de l’autre. Il amène à dépasser ses limites, il a donc une dimension
éducative certaine, en particulier pour des jeunes manquant de repères et de références.
2.1.1. Quelle place pour le mouvement sportif associatif fédéré ?
L’Etat, les collectivités locales, l’ensemble des acteurs sociaux attendent beaucoup du
sport structuré et fédéral, qu’il s’agisse :
•
d'organiser le loisirs de la population,
•
de former et d'éduquer les jeunes,
•
de lutter contre l’exclusion sociale,
•
de faciliter l’insertion ou la réinsertion,
•
de contribuer au développement de l’emploi par et dans le sport,
•
d'aider à la revitalisation économique des territoires, etc.
Mais dans le quotidien, le sport associatif amateur a souvent l’impression qu’on lui préfère
d’autres interlocuteurs : services techniques des collectivités locales, entreprises de service,
sport professionnel…
2.1.2 Mieux reconnaître les valeurs du sport associatif
Le bénévolat : un acte de liberté et une richesse personnelle.
On peut s’interroger sur les termes "bénévole" et "bénévolat", qui sont aujourd’hui assez
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souvent associés à des valeurs négatives (alors que bénévolat ne signifie pas plus
incompétence que professionnalisme n’est synonyme de manque de générosité) ?
Que faire pour entendre à nouveau dans "bénévole" les deux mots "béné" (bien) et "volo"
(vouloir) qui le composent et qui fondent l’acte bénévole comme l’acte de celui ou de celle qui
"veut bien", de celui qui agit de manière volontaire, libre et désintéressée dans le sens de
l’intérêt général ?
L'association, un espace de citoyenneté.
L’association sportive, le club, c’est cet endroit privilégié où 14 millions de licenciés se
rencontrent, partagent, conçoivent et réalisent des projets en commun.
L’association sportive c’est un espace où se fait de manière quotidienne, familière et concrète
l’expérience du "vivre, décider et agir ensemble", fondement de communautés de droits et
devoirs.
Le fait de s'associer a une valeur en soi.
L’association n’a pas pour seul but d’apporter des avantages matériels à ses membres.
Si cela advient, elle cédera la place à l’entreprise. Et sans doute, à l’avenir, faudra-t-il que
nous clarifions mieux ce qui relève de l’association sportive — et doit adopter le mode de
fonctionnement associatif — et ce qui relève de l’entreprise — et doit adopter les modes
d’organisation de l’entreprise.
Et peut-être faudra-t-il réfléchir à un statut spécifique de "l’entreprise sportive" qui prenne
en compte les évolutions actuelles.
L'éthique associative et sportive.
Fondamentalement, les membres des associations et fédérations ne se fédèrent pas seulement
autour des pratiques et des techniques sportives.
Ce qui rassemble les sportifs, ce sont les valeurs auxquelles ils sont attachés et qu’ils
partagent, quel que soit leur sport d’origine.
•
Des valeurs associatives :
- le bénévolat,
- la sociabilité.
•
Mais aussi des valeurs sportives :
- le respect des autres : partenaires, adversaires, arbitres...
- l'adhésion librement consentie à des règles du jeu,
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- le respect et la promotion de ces règles et au-delà, de leur esprit,
- le refus de toute forme de tricherie...
•
Des valeurs sportives qui privilégient :
- l'entraide,
- l'esprit d'équipe,
- la participation plus que le résultat...
•
Et qui définissent :
- le haut niveau comme le plus haut niveau que chacun, pour lui-même, puisse
atteindre,
- la compétition comme une fin en soi (la production d'une performance, le plaisir de
la rencontre), ou comme un moyen, un outil de service du progrès personnel et
collectif.
2.1.3. Sport et aménagement du territoire
Le sport est un des éléments de l’aménagement du territoire, et les sportifs y
contribuent souvent sans le savoir.
Le sport fait partie des besoins à satisfaire dans toutes politiques, qu’il s’agisse :
•
d'organiser la localisation spatiale des équipements sportifs et des services pour
permettre à chacun d’accéder aux pratiques sportives quel que soit son lieu de résidence
ou ses ressources,
•
d'aider au développement local, par sa participation au soutien de l’économie locale,
•
d'améliorer l'attractivité des territoires en offrant une gamme de loisirs propres à attirer
de nouveaux habitants, …
Pour le sport, contribuer à l’aménagement du territoire c’est associer le sport à la vie de la
cité, aux demandes des populations et aux volontés de leurs élus.
2.1.4. L’association sportive : une formule socialement utile
L’association exprime effectivement une sociabilité, le goût de vivre ensemble, le
plaisir de partager un projet commun.
Si le sport est un fait de société, il joue un rôle social, de la sociabilité on passe à la
socialisation.
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En sport, ce n’est pas la couleur de la peau qui compte mais celle du maillot. Le maillot
habille une appartenance à une même association et déshabille des clivages de la société. Le
sport permet à l’exclu de retrouver sa citoyenneté, il gomme les particularismes, il rassemble
ceux que la société oppose. Chacun peut donc être fier de ses couleurs (ce qui ne signifie pas
être chauvin car l’autre a sans doute autant de raisons d’être fier des siennes) parce qu’elles
expriment les valeurs du sport, des valeurs qui sont à la disposition de tous.
Le sport associatif ne peut résoudre, à lui seul, les maux de notre société, mais il apporte une
contribution non négligeable.
Sa contribution serait d’ailleurs d’autant plus performante si on lui reconnaissait son utilité
sociale, si son caractère d’intérêt général était mieux pris en compte, si on assimilait mieux
l’action des associations sportives comme l’expression au plan local de la mission de service
public à laquelle participent les fédérations.
Dans le club, chacun apporte ses qualités naturelles en pouvant se débarrasser de tabous
sociaux. Ce privilège mérite d’être souligné.
Poser ces principes conduit à reconsidérer la place que peut tenir le sport dans la société.
Le développement des activités sportives dans la vie associative constitue, en lui-même, un
enjeu et un objectif.
Aujourd’hui les structures sportives (c’est à dire les clubs) sont amenées à prendre en compte
toutes les dimensions qui intéressent notre jeunesse :
•
la pratique régulière du sport pour tous,
•
les pratiques de loisirs,
•
la pratique du sport traditionnel avec ses compétitions à tous les niveaux,
le sport de haut niveau et le sport spectacle.
Les deux récents événements mondiaux que sont la Coupe du Monde de Football et le Tour de
France ont démontré à la fois les aspects positifs et négatifs du "sport-business". Il est, en ce
sens, urgent que le mouvement sportif, représenté par les fédérations, reprenne les choses en
mains. Si faire référence à une équipe de France "multicolore" est porteur de valeurs, a
contrario, tricher pour gagner est dangereux pour la santé.
Parce que le sport scolaire n’a jamais été une priorité, parce que le mouvement sportif a été
le grand absent des lois de décentralisation, un manque de moyens évident a
considérablement freiné l’évolution des associations sportives dont les soutiens ne dépendent
que de politiques volontaristes.
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Si, comme Madame la Ministre de la Jeunesse et des Sports l’a déclaré, "le sport doit remplir
une mission de service public", il faut lui donner les moyens de jouer son rôle.
III LES PROPOSITIONS
1. Le Conseil Général pourrait travailler en étroite collaboration avec l’Etat et le mouvement
sportif sur l’élaboration d’un dispositif qui viendrait en complément du coupon-sport mis en
place par le Ministère de la Jeunesse et des Sports afin de permettre l’adhésion dans les clubs
aux plus défavorisés, quel que soit le niveau de compétence de chacun. Le chéquier sport-été
13 qui est proposé aux jeunes est une initiative qui mérite d'être développée en trouvant des
solutions pour le transport.
2. Comme les collèges entrent dans les compétences du Conseil Général, celui-ci devrait
pouvoir favoriser le rapprochement entre le milieu scolaire et le milieu sportif ; les emploisjeunes, financés (à hauteur de 20 % du SMIC chargé) par le Conseil Général, pourraient être
utilisés pour établir des relations entre les deux institutions. De plus, ces jeunes seraient mis
à disposition des clubs pendant les vacances scolaires. Ils pourraient y compléter leur
formation.
Les nouveaux dispositifs mis en place par le Ministère de l'Education Nationale (contrats
éducatifs locaux et Ecole ouverte) et le Ministère de la Jeunesse et des sports pourraient
constituer une bonne base de travail.
3. Actuellement les associations sportives perçoivent des subventions pour leur
fonctionnement, dont la répartition se réalise à partir des critères essentiellement quantitatifs
(nombre de licenciés, résultats sportifs, frais de déplacement, stages sportifs, niveaux des
compétitions, etc.). Les clubs qui s’inscrivent dans une démarche sociale et n’obtiennent pas
forcément des résultats sportifs devraient pouvoir bénéficier d’un soutien spécifique de la
part du Conseil Général, notamment du secteur social.
4. Des soutiens spécifiques devraient être également accordés à toutes les structures qui font
des efforts pour créer des emplois sportifs permanents, destinés à des personnes ayant
bénéficié d’une formation initiale, car le risque est grand de voir ces emplois disparaître au
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terme des aides accordées ponctuellement.
5. Il y a nécessité d’établir un véritable travail partenarial entre le mouvement sportif, dont
les fédérations et associations scolaires, le Conseil Général, les communes et l’Etat.
Un groupe d’études qui associerait toutes les parties concernées pourrait réfléchir à un
ensemble d’actions dont l’objectif viserait à conforter au quotidien la vie des clubs. Un
réseau d’aide et de soutien aux associations sportives permettrait à chacun de trouver des
aides et des conseils indispensables pour mener à bien des projets de développement à
caractère social.
6. Bien que les problèmes liés aux formations professionnelles soient du domaine de la
Région, celui de la formation des animateurs ou éducateurs bénévoles dans tous les domaines
: gestion des personnels, accueil, information, communication pourrait être l’affaire du
Conseil Général et du Comité Départemental Olympique et Sportif, en complément des
formations dispensées actuellement par l’Etat et la Région.
Le dirigeant responsable se doit de répondre aux nécessités du temps, de prendre en
compte les besoins et les attentes des pratiquants, de respecter la démocratie en associant
le plus grand nombre aux décisions et aux orientations.
7. Le Conseil Général, en collaboration avec les communes et/ou les syndicats
intercommunaux et les utilisateurs, devrait contribuer à la rénovation des installations
sportives existantes. Pour inciter les collectivités à décider la construction d’espaces sportifs
nouveaux, le Conseil Général pourrait accorder des aides plus importantes, en particulier
dans les zones sensibles. L'aide liée à la pratique sportive des handicapés doit se manifester
en premier lieu par des subventions d'investissement permettant de mettre en place des
infrastructures spécifiques à ce type de pratiquants.
8. Le Conseil Général devrait poursuivre sa nouvelle politique de construction d’installations
sportives spécifiques dans tous les collèges qu’il construit, reconstruit ou réhabilite.
9. Une utilisation à temps plein des installations sportives des collèges est souhaitable ; pour
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y parvenir le Conseil Général, les chefs d'établissement, les communes et les associations
auraient tout à gagner en établissant des conventions sur le développement du sport dans les
quartiers.
Dans le cadre du programme de construction ou reconstruction des collèges qui est en cours,
il serait intéressant d'associer le monde sportif aux différents projets afin que les installations
sportives puissent devenir de véritables lieux de vie en dehors du temps scolaire.
10. Une extension du dispositif appelé « Centres d’animations sportives » (CAS) mis en place
avec succès à Marseille depuis 1997 en direction des jeunes en difficulté est aujourd’hui
nécessaire dans d’autres villes des Bouches-du-Rhône.
Dans le cadre de sa future implication dans la politique de la Ville, le Conseil Général
devrait participer à la création d’un Centre d’animations sportives dans chacune des sept
autres villes en Contrat de Ville dans le département.
Un partenariat entre l’Etat, les villes concernées (Aix-en-Provence, Arles, La Ciotat,
Miramas, Port de Bouc, Port St Louis et Salon de Provence), le Conseil Général et le Comité
départemental olympique et sportif devrait être établi, pour mettre en oeuvre l’ingéniérie
nécessaire à un tel dispositif et dégager les financements nécessaires, dans la perspective de
l’élaboration de la future contractualisation 2000/2006.
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