Analyse du film - Ciné-club Ulm
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Analyse du film - Ciné-club Ulm
CINÉ-CLUB NORMALE SUP’ mardi 12 mars 2002 After hours - Martin Scorsese FILM AMÉRICAIN, 1985, 97 MIN AVEC GRIFFIN DUNNE (PAUL HACKETT), ROSANNA ARQUETTE (MARCY), VERNA BLOOM (JUNE), LINDA FIORENTINO (KIKI), JOHN HEAD (LE BARMAN). En 1984, Martin Scorsese cherche de plus en plus désespérément à financer le grand projet qui lui tient à cœur, La Dernière tentation du Christ. Ayant échoué dans cette entreprise, il décide de se rabattre sur d'autres travaux en attendant de trouver une conjoncture plus propice à ce film ; Ses contacts à la Paramount lui proposent plusieurs scénarios conventionnels, dont ceux du Flic de Beverley Hills et de Witness ; mais pour le plus grand bonheur du cinéma américain, Scorsese choisit un petit scénario sans prétention, After Hours, écrit par Joe Minion, étudiant à l'université de Columbia. Séduit par les dialogues et les personnages, Scorsese décide d'en faire un film indépendant, à petit budget, dans lequel il retrouverait le cadre traditionnel des rues de New York. déroule dans le quartier branché de SoHo (" SOuth of HOuston Street "), situé dans le sud de Manhattan. Le héros, Paul Hackett, jeune informaticien propre sur soi, se rend chez la séduisante Marcy Franklin, qu'il a rencontrée dans un snack-bar. Sa soirée ne sera néanmoins pas de tout repos : après avoir perdu tout son argent en route, il trouve la réception qui l'attend étrange et s'en va. Il tente d'emprunter de quoi retourner chez lui à un barman sympathique, mais une incroyable série d'événements de plus en plus bizarres va lui faire passer la nuit la plus difficile de sa vie. Sur un rythme trépidant, Paul va être ballotté d'un endroit à l'autre sans ménagement, comme si le monde entier conspirait pour l'empêcher de rentrer chez lui. On peut voir After Hours comme une illustration parfaite de la Loi de Murphy selon laquelle, si une La folle nuit de Paul Hackett situation peut mal tourner, elle le fera forcément. Scorsese retrouve Plus précisément, After Hours se ainsi le fondement même de l'art narratif et du comique de situation, à savoir l'accumulation d'obstacles en tous genres devant un héros désemparé ; le film fourmille de gags visuels classiques, tels que l'usage des accélérés (la course en taxi) ou les objets qui semblent avoir une vie propre et récalcitrante (le billet de banque). La référence à la Loi de Murphy permet aussi de comprendre le côté " scientifique " amusé du film, construit comme une sorte d'expérience de laboratoire. Les fous sont lâchés En effet, Paul n'est rien d'autre qu'une sorte de cobaye, jeté dans un milieu hostile dont il doit chercher à s'échapper. Le film est extrêmement ciblé, autant au niveau du lieu qu'à celui du temps et de l'action. Tout se passe à SoHo, à part les scènes du début, qui permettent de mettre en place le film en justifiant la présence de Paul dans ce quartier, et la fin, qui met un terme à l'expérience. SoHo est un milieu clos, qui ne semble pas rattaché au reste de Manhattan : le seul moyen de s'y rendre pour Paul est un taxi qui roule à une vitesse folle, introduisant le héros dans un autre monde, où la bizarrerie est la norme. Le séjour de Paul peur même être conçu comme une descente aux enfers, et le chauffeur de taxi comme un Charon particulièrement aigri et dérangé. L'unité de temps est aussi respectée : toute l'action se déroule " after hours ", pendant ces heures de la nuit où rien ne se passe, où tout est fermé, et que seuls quelques rares fêtards ou ivrognes rôdent encore aux comptoirs des cafés. C'est l'heure où les franges les plus solitaires, décalées ou désœuvrées de la population sortent de chez elles. Le temps se fait sans cesse sentir dans le film : à plusieurs reprises, la musique se teinte du son d'un chronomètre, égrenant les heures de cette nuit surexcitée. On se sent un peu chez un Hitchcock déluré et parodique, ce que Scorsese assume pleinement. Le film consiste de même en une seule action, assurée par les individus susnommés en question ; Il s'agit pour Paul de leur échapper, de se tirer des pièges qu'ils lui tendent, et de survivre, tout simplement. En effet, si le film de Scorsese s'inscrit dans la tradition de la comédie des fâcheux, les personnages qui font de la soirée de Paul un enfer ne sont pas de simples enquiquineurs, mais par moments de véritables psychopathes. SoHo, à mi-chemin entre un laboratoire et l'Enfer, ressemble en fait à un asile d'aliénés : les fous sont lâchés. Tous les personnages sont caricaturaux, schématiques et hors du commun ; After Hours n'est pas un film qui repose sur la psychologie ou la richesse des caractères. Son propos, presque austère s'il n'était aussi drôle, est d'explorer toutes les possibilités d'une situation donnée. Les personnages sont des pantins, bourreaux ou souffredouleur, avec Paul au premier rang : ce jeune homme un peu fadasse est la cible idéale pour les pires expérimentations. La folie, après tout, est une caractéristique universelle, déclinée sous tous ses aspects dans After Hours, paranoïa, complexe de persécution, manies, phobies, mais aussi folie du rire et du comique déjanté. Dès le début du film, les déplacements de la caméra parmi les bureaux, accompagnés d'un concerto pour violon de Mozart, indiquent que l'on est déjà passé La grande évasion ? de l'autre côté du miroir (ou de la pellicule), dans un monde Le thème dominant d'After Hours dérangé, dangereux, mais est en fin de compte l'emprison- extrêmement vivifiant. nement : le protagoniste est successivement enfermé dans des sitPatrick Moran uations de plus en plus inextricables, dont il ne se dépêtre que pour Filmographie tomber de Charybde en Scylla. L'Enfer, le laboratoire, l'asile, tous Mean Streets (1973) sont des prisons. Le film, Taxi Driver (1975) d'ailleurs, s'ouvre et se clôt avec New York, New York (1977) les bureaux où travaille Paul Raging Bull (1980) Hackett, et par l'image de la grille The King of Comedy (1982) qui en protège l'entrée : mais la La Couleur de l'argent (1986) véritable prison est-elle SoHo, ou La Dernière tentation du Christ la vie pantouflarde que mène le (1988) héros ? Peut-être Paul souffre-t-il, Les Affranchis (1990) pendant sa folle nuit, de trop de L'Age de l'innocence (1993) liberté : il agit comme un fugitif, Casino (1996) comme un homme traqué, qui Kundun (1998) n'est pas dans son milieu habituel, A tombeau ouvert (2000). sa cage dorée d'informaticien. Il est significatif que Scorsese apparaisse à l'écran, dans la boîte de Actualités nuit new wave, sous les traits d'un homme pointant un mirador sur le héros en fuite. Paul a péché par Mardi 19 mars : La Nuit du excès de curiosité, en voulant voir ciné-club, avec pour thème “Le un monde qui n'est pas fait pour cinéma au cinéma”. lui, et il en paie le prix. Cette curiosité malsaine s'illustre dans la Barton Fink, des frères Coen; grande scène " hitchcockienne " Chantons sous la pluie, de du film, lorsque le héros dévoile Stanley Donen; lentement le corps de Marcy, qu'il La Rose pourpre du Caire, de soupçonne d'être une grande Woody Allen. brûlée ; le spectateur, lui aussi fasciné et horrifié à la fois, est comme Paul la marionnette du http://www.eleves.ens.fr:8080/cof/cineréalisateur, se laissant entraîner de club/ [email protected] tous côtés.