Barbara Spadaccini-Day - Histoire des poupées

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Barbara Spadaccini-Day - Histoire des poupées
HISTOIRE DES POUPEES
Barbara Spadaccini-Day
Barbara Spadaccini-Day est une spécialiste renommée de la poupée. Elle a été conservatrice du
Département des Jouets au Musée des Arts Décoratifs de Paris. Maintenant à la retraite, elle
continue à publier et reste très active auprès de nombreux musées, notamment le Musée du
jouet de Poissy et le Château de Josselin (Morbihan) où elle met en place chaque année une
nouvelle exposition de poupées.
Ce texte est un extrait du Catalogue de l’Exposition Poupées d’hier Créations d’Aujourd’hui qui a
été présentée au Musée des Arts Décoratifs en avril - novembre 1991 (21 x 30 cm, 12 pages, 12
ill. en couleurs)
POUPEES D’HIER, CREATIONS D’AUJOURD’HUI, UN SIECLE DE POUPEES
XIXe Siècle
En Europe, il y a deux pays où la tradition de la poupée et sa fabrication sont
bien ancrées: l’Allemagne et la France, surtout depuis l’avènement de
l’industrialisation au XIXe siècle, époque passionnante dans l’histoire de la
poupée.
Naissance de l’industrie de la poupée
Avant 1850 l’industrie de la poupée est naissante en France. Les poupées
étaient fabriquées ou assemblées (têtes souvent en provenance d’Allemagne) et
habillées par des petits ateliers.
Pendant cette période, la poupée pouvait être entièrement en bois avec les
cheveux moulés et le visage peint. Mais, le plus souvent, elle était composée
d’une tête-buste, en papier mâché ou en carton moulé, montée sur un corps de
peau souple bourré de sciure. Parfois, la poupée, corps en bois ou en tissu
bourré, était dotée d’une tête fine en porcelaine vernissée dont la coiffure était
moulée, simple, élégante ou très élaborée.
Dés 1850, de nombreux brevets furent déposés en France pour l’utilisation des
moules pour corps et têtes, le perfectionnement des articulations, l’emploi de
matériaux nouveaux, les mécanismes qui meuvent les poupées, la création des
machines-outils...
Si l’industriel du XXe siècle a surtout amélioré les techniques et la qualité de
fabrication, il n’a presque rien inventé, à part la poupée enceinte. Les poupées
qui marchent, nagent, chantent à volonté, respirent, tètent, dorment sont
toutes des innovations dues au génie créateur de quelques fabricants du XIXe
siècle.
La poupée mannequin
A la fin de 1850, un brevet fut déposé apportant des innovations dans la
manufacture des corps, provoquant ainsi un changement dans la production et
la conception du corps de la poupée. Cette invention-clé est l’oeuvre d’une
femme, Mademoiselle Huret.
Ce brevet marque les débuts d’un nouveau type de poupée, aujourd’hui connue
sous le nom de ‘poupée de poupée’ ou ‘poupée mannequin’. Elle mesure
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généralement entre 35 et 48 centimètres. La tête et les épaules, appelées ‘tête
buste’ ou ‘tête collerette’ est réalisée en porcelaine ou le plus souvent en biscuit
(porcelaine blanche non émaillée, cuite au four, puis de nouveau repassée au
four avec une couverte qui lui donne cette carnation rosée).
Ce type de poupée, habillée dans le style d’une jeune femme, est accompagné
d’un trousseau et d’une large gamme d’accessoires extrêmement raffinés. Tous
ces menus objets sortent de petits ateliers spécialisés dans leur fabrication.
Petit à petit, cette nouvelle poupée prend une place prépondérante et pendant
quelque vingt-cinq ans, elle est souveraine. Mais c’est une poupée sophistiquée,
de luxe.
Le bébé Jumeau
Pendant le règne de la poupée mannequin, un autre type de poupée va naître :
le ‘Bébé Incassable’ apparaît à la fin des années 1870 et va, peu à peu, la
supplanter. Cette nouvelle poupée connaîtra un succès sans pareil dans le
dernier quart du XIXe siècle.
Emile Jumeau, deuxième génération de fabricants de poupées, emploie à bon
escient les armes de la publicité. Son ’Bébé Jumeau’, marque déposée, devient
synonyme de poupée à tête de biscuit pour les adultes et les enfants, non
seulement de son propre vivant mais jusqu’à nos jours.
La fin de l’essor industriel, les importations allemandes, et les difficultés
commerciales que rencontrent les fabricants spécialisés dans la manufacture
de poupées vont apporter les principaux d’entre eux à créer un consortium en
1899: la Société Française des Bébés et des Jouets, plus connue sous le sigle
S.F.B.J. Au début du siècle, la qualité générale des poupées à tête de biscuit
baisse progressivement : il faut produire à moindre coût pour être compétitif
avec les importations allemandes.
PREMIERE MOITIE DU XXe SIECLE
Poupées d’artistes, bébé de caractère
1900 à 1950 est une période fertile en événements et changements dans le
domaine de la poupée. L’époque est caractérisée par la grande diversité de
poupées sur le marché et par les recherches de formes et de matériaux
nouveaux, effectuées par des artistes et illustrateurs.
Entre 1905 et 1909, en Allemagne, plusieurs femmes cherchent à renouveler
l’image de la poupée devenue stéréotypée avec la production industrielle. Käthe
Kruse est la plus connue aujourd’hui, car la petite entreprise qu’elle avait
fondée en 1911 produit toujours des poupées et des bébés conformes à sa
création et à l’image initiale. De sa main naît le réalisme et une nouvelle
conception de poupée à tête expressive appelé ‘bébé de caractère ou ‘bébé à tête
caractérisée’. Ces bébés, produit industriellement avec des têtes en biscuit,
sortent de grandes firmes allemandes, ou sont faits en France par la S.F.B.J.
Elles expriment une variété d’expressions allant de la gaieté à la colère. Chaque
numéro de moule est gravé sur la nuque et correspond à une physionomie
différente.
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Ce courant réaliste est la grande nouveauté de ce début de siècle. Mais il
n’évincera jamais le bébé national qu’est le ‘Bébé Jumeau’ qui subsiste
jusqu’au dernier soupir de la firme S.F.B.J. en 1957
Bleuette
Une petite poupée de 27 centimètres est liée à la publication de La Semaine de
Suzette, journal hebdomadaire pour fillettes. Elle est de fabrication S.F.B.J. et
elle porte le nom Bleuette. Pendant plus de cinquante ans, de 1905 à 1960, le
journal continuera à éditer des patrons et des vêtements de prêt-à-porter pour
habiller Bleuette. Aujourd’hui, cette poupée, investie d’une grande valeur
sentimentale, est devenue un objet de collection très demandé.
(Une autre poupée jouera le même rôle dans les années 50, Françoise, la
poupée de Modes et travaux. Note de caravansérail développement)
Une grande variété de matériaux
Coexisteront pendant trente ans des matériaux très variés comme le celluloïd,
la composition (une pâte composée de sciure de bois, de substances farineuses,
de blanc d’Espagne, de colle et de liants) le caoutchouc, le tissu et le feutre
moulé.
La forme de la poupée change un tant soit peu suivant la matière employée
dans sa fabrication A côté des baigneurs joufflus en celluloïd se trouve la
fantaisie en tissu des poupées de salon dégingandée, les formes schématisées
de poupards hauts en couleur et le semi réalisme des bébés.
Au cours du XIXe siècle, la poupée émerge de sa chrysalide et devient une
entité. Pendant la première moitié du XXe siècle, elle a évolué en forme et en
matières, elle devient moins précieuse, plus ludique et à la portée de tous les
enfants.
1950 -1990
La matière plastique
Si la période précédente se caractérise par l’extrême variété de formes et de
matières, l’époque contemporaine est marquée par l’utilisation quasiment
systématique d’un seul matériau par tous les industriels:la matière plastique.
A part quelques essais infructueux pour faire revivre les poupées d’antan,
l’utilisation de têtes en biscuit disparaît complètement. Le celluloïd, encore
employé en 1957, est abandonné. Le tissu est employé presque exclusivement
pour les premières poupées tendres des plus jeunes enfants.
Claude Refabert et les inventions, de Clodrey à Corolle : cette petite
entreprise familiale de la rue du Louvre existe depuis la fin de la guerre et
fabrique, hochets, petits animaux et poupées en moleskine.
Claude Refabert est souvent en avance sur son temps dans l’utilisation des
techniques modernes. Il fut le premier à employer le polyéthylène, à implanter
les cheveux de la poupée.
En 1960 il est récompensé par l’Oscar du Jouet pour la poupée Coucou aux
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yeux suiveurs. Les innovations sont nombreuses au cours de la décennie
suivante (1960-70) et ses créations sont encore couronnées de récompenses:
comme Caroline et Mick le bébé de poche.
Clodrey est également précurseur en produisant les personnages-jouets,
répliques des héros des premières émissions enfantines télévisées, typiquement
françaises, comme ceux de Bonne Nuit les Petits’ ‘Le Manège Enchanté’ et
’Babar’.
En 1970 Clodrey rejoint le groupement de la CEJI. (Compagnie Générale du
Jouet). Claude Refabert démissionne l’année suivante, laissant la maison
Clodrey entre les mains de son fils Jacques et de sa femme, Catherine
Pendant la période 1972-1974, Catherine Refabert crée les poupées de la ligne
CR Club. A leur tour ils quittent Clodrey et la CEJI en 1974, mais la marque
Clodrey continue d’être utilisée jusqu’en 1982.
Jacques et Catherine Refabert forment leur propre entreprise. En 1978 la
première collection de poupées Corolle voit le jour et depuis le succès de cette
firme ne s’est jamais démenti.
Barbie
Un phénomène de société assez significatif de l’après-guerre est la création aux
Etats-Unis d’une poupée mannequin, Barbie, elle arrive en France en 1963.
Depuis, la popularité de Barbie ne cesse de grandir.
Si elle est reine, plébiscitée par les enfants, elle n’est pas unique en son genre.
La firme française Gégé fut une des premières à mettre sur le marché, en
1963,une réplique française, Mily, munie d’une garde-robe de style français,
une petite soeur, Baby, et un fiancé Jacky.
Poupées design
Un courant marginal de fabrication de poupées, de type relativement différent
des normes industrielles, s’installe. Il s’agit de poupées-design allant à
l’encontre des modes, produites en petites séries, dans une matière autre que
l’habituel PVC ou vinyle. Ces poupées connaissent un succès limité, presque
confidentiel; mais néanmoins constant quand il s’agit des poupées créées par
Sasha Morgenthaler, d’origine Suisse.
La première production, jusqu’aux alentours des années 1960, est réalisée sous
l’égide de Sasha elle-même.Ses poupées diffèrent (elles sont plus grandes, faites
dans un matériau plus dense) de celles qui sont produites industriellement
plus tard par la firme Allemande, Götz, (1964), et celles de la maison Anglaise,
Trendon (1965) Cette production semi industrielle des poupées Sasha s’est
terminée en 1986.
Dans les années, 1980 commence à se dessiner la dichotomie entre les
poupées-jouets destinées aux enfants et les poupées-objets de collection. Les
signes avant-coureurs de cette orientation apparaissent avec la création et la
fabrication des poupées Peynet à partir de 1955.
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En un siècle, la poupée s’est démocratisée. Chaque fillette a une ou plusieurs
poupées. Au contraire du XIXe siècle, il existe une différence extrêmement
minime entre la poupée d’une petite fille qui appartient à une famille fortunée
et celle d’une classe moins aisée. Il s’est produit un nivellement par le haut
avec l’uniformité des matières.
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