SEQ 1 MOUVEMENT CLASSICISME

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SEQ 1 MOUVEMENT CLASSICISME
PREMIERE. Classes de mme Blanc, 2010/2011.
Séquence 1. UN MOUVEMENT LITTERAIRE ET CULTUREL
Le classicisme.
Groupement de textes.
TEXTE 1
Malherbe, Paraphrase du psaume CXLV (1627)
Question de commentaire : montrez que ce texte s’inscrit dans le mouvement classique
N'espérons plus, mon âme, aux promesses du monde ;
Sa lumière est un verre, et sa faveur une onde
Que toujours quelque vent empêche de calmer.
Quittons ces vanités, lassons-nous de les suivre ;
C'est Dieu qui nous fait vivre,
C'est Dieu qu'il faut aimer.
En vain, pour satisfaire à nos lâches envies,
Nous passons près des rois tout le temps de nos vies
A souffrir des mépris et ployer les genoux.
Ce qu'ils peuvent n'est rien; ils sont comme nous sommes,
Véritablement hommes,
Et meurent comme nous.
Ont-ils rendu l'esprit, ce n'est plus que poussière
Que cette majesté si pompeuse et si fière
Dont l'éclat orgueilleux étonne l'univers ;
Et dans ces grands tombeaux, où leurs âmes hautaines
Font encore les vaines,
Ils sont mangés des vers.
Là se perdent ces noms de maîtres de la terre,
D'arbitres de la paix, de foudres de la guerre ;
Comme ils n'ont plus de sceptre, ils n'ont plus de flatteurs ;
Et tombent avec eux d'une chute commune
Tous ceux que leur fortune
Faisait leurs serviteurs.
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TEXTE 2
Bossuet, Oraison funèbre de Henriette-Anne d’Angleterre (1670)
Question de commentaire : en quoi ce texte se donne-t-il les moyens d’entraîner l’adhésion
de son destinataire ?
Considérez, Messieurs, ces grandes puissances que nous regardons de si bas. Pendant que
nous tremblons sous leur main, Dieu les frappe pour nous avertir. Leur élévation en est la
cause ; et il les épargne si peu, qu'il ne craint pas de les sacrifier à l'instruction du reste des
hommes. Chrétiens, ne murmurez pas si Madame a été choisie pour nous donner une telle
instruction. Il n'y a rien ici de rude pour elle, puisque, comme vous le verrez dans la suite,
Dieu la sauve par le même coup qui nous instruit.
Nous devrions être assez convaincus de notre néant : mais s'il faut des coups de surprise à
nos cœurs enchantés de l'amour du monde, celui-ci est assez grand et assez terrible. Ô nuit
désastreuse ! ô nuit effroyable, où retentit tout à coup, comme un éclat de tonnerre, cette
étonnante nouvelle : Madame se meurt ! Madame est morte ! Qui de nous ne se sentit
frappé à ce coup, comme si quelque tragique accident avait désolé sa famille ? Au premier
bruit d'un mal si étrange, on accourut à Saint-Cloud de toutes parts ; on trouve tout
consterné, excepté le cœur de cette princesse. Partout on entend des cris ; partout on voit la
douleur et le désespoir, et l'image de la mort. Le Roi, la Reine, Monsieur, toute la cour, tout
le peuple, tout est abattu, tout est désespéré ; et il me semble que je vois l'accomplissement
de cette parole du prophète : le roi pleurera, le prince sera désolé, et les mains tomberont au
peuple de douleur et d'étonnement.
TEXTE 3
Pascal, Pensées, « les deux infinis » (1670)
Question de commentaire : comment la démonstration mathématique devient-elle
littéraire ?
Disproportion de l'homme. — Que l'homme contemple donc la nature entière dans sa haute
et pleine majesté, qu'il éloigne sa vue des objets bas qui l'environnent. Qu'il regarde cette
éclatante lumière, mise comme une lampe éternelle pour éclairer l'univers, que la terre lui
paraisse comme un point au prix du vaste tour que cet astre décrit et qu'il s'étonne de ce
que ce vaste tour lui-même n'est qu'une pointe très délicate à l'égard de celui que les astres
qui roulent dans le firmament embrassent. Mais si notre vue s'arrête là, que l'imagination
passe outre ; elle se lassera plutôt de concevoir, que la nature de fournir. Tout ce monde
visible n'est qu'un trait imperceptible dans l'ample sein de la nature. Nulle idée n'en
approche. Nous avons beau enfler nos conceptions au-delà des espaces imaginables, nous
n'enfantons que des atomes, au prix de la réalité des choses. C'est une sphère dont le centre
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est partout, la circonférence nulle part. Enfin, c'est le plus grand caractère sensible de la
toute-puissance de Dieu, que notre imagination se perde dans cette pensée.
Que l'homme, étant revenu à soi, considère ce qu'il est au prix de ce qui est; qu'il se regarde
comme égaré dans ce canton détourné de la nature ; et que de ce petit cachot où il se
trouve logé, j'entends l'univers, il apprenne à estimer la terre, les royaumes, les villes et soimême son juste prix.
Qu'est-ce qu'un homme dans l'infini ?
Mais pour lui présenter un autre prodige aussi étonnant, qu'il recherche dans ce qu'il
connaît les choses les plus délicates. Qu'un ciron lui offre dans la petitesse de son corps des
parties incomparablement plus petites, des jambes avec des jointures, des veines dans ses
jambes, du sang dans ses veines, des humeurs dans ce sang, des gouttes dans ses humeurs,
des vapeurs dans ces gouttes ; que, divisant encore ces dernières choses, il épuise ses forces
en ces conceptions, et que le dernier objet où il peut arriver soit maintenant celui de notre
discours ; il pensera peut-être que c'est là l'extrême petitesse de la nature. Je veux lui faire
voir là dedans un abîme nouveau. Je lui veux peindre non seulement l'univers visible, mais
l'immensité qu'on peut concevoir de la nature, dans l'enceinte de ce raccourci d'atome. Qu'il
y voie une infinité d'univers, dont chacun a son firmament, ses planètes, sa terre, en la
même proportion que le monde visible; dans cette terre, des animaux, et enfin des cirons,
dans lesquels il retrouvera ce que les premiers ont donné ; et trouvant encore dans les
autres la même chose sans fin et sans repos, qu'il se perde dans ses merveilles, aussi
étonnantes dans leur petitesse que les autres par leur étendue; car qui n'admirera que notre
corps, qui tantôt n'était pas perceptible dans l'univers, imperceptible lui-même dans le sein
du tout, soit à présent un colosse, un monde, ou plutôt un tout, à l'égard du néant où l'on ne
peut arriver ?
Qui se considérera de la sorte s'effraiera de soi-même, et, se considérant soutenu dans la
masse que la nature lui a donnée, entre ces deux abîmes de l'infini et du néant, il tremblera
dans la vue de ces merveilles ; et je crois que, sa curiosité se changeant en admiration, il sera
plus disposé à les contempler en silence qu'à les rechercher avec présomption.
Car enfin qu'est-ce que l'homme dans la nature ? Un néant à l'égard de l'infini, un tout à
l'égard du néant, un milieu entre rien et tout. Infiniment éloigné de comprendre les
extrêmes, la fin des choses et leur principe sont pour lui invinciblement cachés dans un
secret impénétrable, également incapable de voir le néant d'où il est tiré, et l'infini où il est
englouti.
TEXTE 4
Madame de Sévigné, Lettre à Madame de Grignan, Correspondance, 1671
Question de commentaire : quels sont les buts de cette lettre ?
à Livry, Mardi saint, 24 mars 1671.
Voici une terrible causerie, ma pauvre bonne. Il y a trois heures que je suis ici ; je suis partie
de Paris avec l’Abbé, Hélène, Hébert et Marphise, dans le dessein de me retirer pour jusqu’à
jeudi au soir du monde et du bruit. Je prétends être en solitude. Je fais de ceci une petite
Trappe ; je veux y prier Dieu, y faire mille réflexions. J’ai dessein d’y jeûner beaucoup par
toutes sortes de raisons, marcher pour tout le temps que j’ai été dans ma chambre et, sur le
tout, m’ennuyer pour l’amour de Dieu. Mais, ma pauvre bonne, ce que je ferai beaucoup
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mieux que tout cela, c’est de penser à vous. Je n’ai pas encore cessé depuis que je suis
arrivée, et ne pouvant tenir tous mes sentiments, je me suis mise à vous écrire au bout de
cette petite allée sombre que vous aimez, assise sur ce siège de mousse où je vous ai vue
quelquefois couchée. Mais, mon Dieu, où ne vous ai-je point vue ici ? et de quelle façon
toutes ces pensées me traversent-elles le cœur ? Il n’y a point d’endroit, point de lieu, ni
dans la maison, ni dans l’église, ni dans le pays, ni dans le jardin, où je ne vous aie vue. Il n’y
en a point qui ne me fasse souvenir de quelque chose de quelque manière que ce soit. Et de
quelque façon que ce soit aussi, cela me perce le cœur. Je vous vois ; vous m’êtes présente.
Je pense et repense à tout. Ma tête et mon esprit se creusent, mais j’ai beau tourner, j’ai
beau chercher, cette chère enfant que j’aime avec tant de passion est à deux cents lieues de
moi ; je ne l’ai plus. Sur cela, je pleure sans pouvoir m’en empêcher ; je n’en puis plus, ma
chère bonne. Voilà qui est bien faible, mais pour moi, je ne sais point être forte contre une
tendresse si juste et si naturelle. Je ne sais en quelle disposition vous serez en lisant cette
lettre. Le hasard peut faire qu’elle viendra mal à propos, et qu’elle ne sera peut-être pas lue
de la manière qu’elle est écrite. À cela je ne sais point de remède. Elle sert toujours à me
soulager présentement, c’est tout ce que je lui demande. L’état où ce lieu ici m’a mise est
une chose incroyable. Je vous prie de ne point parler de mes faiblesses, mais vous devez les
aimer, et respecter mes larmes qui viennent d’un cœur tout à vous.
TEXTE 5
Madame de La Fayette, La princesse de Clèves, incipit (1678)
Question de commentaire : en quoi cet incipit de roman est-il spectaculaire ?
La magnificence et la galanterie n’ont jamais paru en France avec tant d’éclat que
dans les dernières années du règne de Henri second. Ce prince était galant, bien fait et
amoureux ;
Quoique sa passion pour Diane de Poitiers, duchesse de Valentinois, eût commencé il y avait
plus de vingt ans, elle n’en était pas moins violente, et il n’en donnait pas des témoignages
moins éclatants.
Comme il réussissait admirablement dans tous les exercices du corps, il en faisait une
de ses plus grandes occupations. C’étaient tous les jours des parties de chasse et de paume,
des ballets, des courses de bagues, ou de semblables divertissements ; les couleurs et les
chiffres de madame de Valentinois paraissaient partout, et elle paraissait elle-même avec
tous les ajustements que pouvait avoir mademoiselle de La Marck, sa petite-fille, qui était
alors à marier.
La présence de la reine autorisait la sienne. Cette princesse était belle, quoiqu’elle
eût passé la première jeunesse ; elle aimait la grandeur, la magnificence et les plaisirs. Le roi
mourut à Tournon, prince que sa naissance et ses grandes qualités destinaient à remplir
dignement la place du roi François premier, son père.
L’humour ambitieuse de la reine lui faisait trouver une grande douceur à régner ; il
semblait qu’elle souffrît sans peine l’attachement du roi pour la duchesse de Valentinois, et
elle n’en témoignait aucune jalousie ; mais elle avait une si profonde dissimulation, qu’il était
difficile de juger de ses sentiments, et la politique l’obligeait d’approcher cette duchesse de
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sa personne, afin d’en approcher aussi le roi. Ce prince aimait le commerce des femmes,
même de celles dont il n’était pas amoureux : il demeurait tous les jours chez la reine à
l’heure du cercle, où tout ce qu’il y avait de plus beau et de mieux fait, de l’un et de l’autre
sexe, ne manquait pas de se trouver.
Jamais cour n’a eu tant de belles personnes et d’hommes admirablement bien faits ;
et il semblait que la nature eût pris plaisir à placer ce qu’elle donne de plus beau, dans les
plus grandes princesses et dans les plus grands princes. Madame Elisabeth de France, qui fut
depuis reine d’Espagne, commençait à faire paraître un esprit surprenant et cette
incomparable beauté qui lui a été si funeste. Marie Stuart, reine d’Ecosse, qui venait
d’épouser monsieur le dauphin, et qu’on appelait la reine Dauphine, était une personne
parfaite pour l’esprit et pour le corps : elle avait été élevée à la cour de France, elle en avait
pris toute la politesse, et elle était née avec tant de dispositions pour toutes les belles
choses, que, malgré se grande jeunesse, elle les aimait et s’y connaissait mieux que
personne. La reine, sa belle-mère, et Madame, sœur du roi, aimaient aussi les vers, la
comédie et la musique. Le goût que le roi François premier avait eu pour la poésie et pour
les lettres régnait encire en France ; et le roi son fils aimant les exercices du corps, tous les
plaisir étaient à la cour. Mais ce qui rendait cette cour belle et majestueuse était le nombre
infini de princes et de grands seigneurs d’un mérite extraordinaire. Ceux que je vais nommer
étaient, en des manières différentes, l’ornement et l’admiration de leur siècle.
ETUDE DE L’IMAGE : LE LORRAIN : port de mer au soleil couchant (1639) (coll. Palettes)
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