Les dépenses des actes techniques des médecins

Transcription

Les dépenses des actes techniques des médecins
3 • ECLAIRAGES
3.5 Les dépenses des actes techniques des médecins
1
Mise en œuvre en 2005, la classification commune des actes médicaux (CCAM) est la liste des actes techniques
médicaux, diagnostiques ou thérapeutiques, qui s'appliquent aux médecins et chirurgiens-dentistes pour la prise en
charge ou le remboursement par l'assurance maladie des actes techniques qu'ils réalisent. La CCAM a évolué
2
progressivement. Elle permet de différencier les tarifs des « actes techniques » selon des critères prenant en compte le
travail médical, la durée de l'acte, le stress du praticien, la compétence technique nécessaire et les charges
professionnelles associées (coût de la pratique), définissant ainsi une hiérarchisation médicale des actes et des tarifs
cibles (cf. encadré 1). Les actes techniques sont pratiqués en très grande majorité par des spécialistes (94% en 2014) et
concernent, par exemple, les actes d’imagerie (radiologie, échographie, etc.), les frottis, les actes chirurgicaux, les
accouchements, etc.
Les dépenses de l’assurance maladie au titre des remboursements des actes techniques médicaux se sont élevées à
3
7,1 Md€ en 2014, dont 6,1 Md€ pour le régime général . Ces dépenses ont progressé de 2,4 % en moyenne sur les
quatre dernières années et pèsent pour près de 9 % des dépenses de soins de ville en 2014. Par ailleurs, les forfaits
4
techniques associés à ces actes sont en augmentation de 4% et représentent plus de 0,9 Md€ en 2014. L’évolution des
dépenses résulte de la progression du nombre des actes techniques de 2,8 % en moyenne entre 2010 et 2014, soit près
de 140 millions d’actes pris en charge par l’assurance maladie en 2014.
Le champ de cette fiche se concentre sur les praticiens libéraux et n’intègre pas les praticiens hospitaliers à plein temps.
Du fait des modifications récentes de nomenclature, l’analyse exclut également les actes des anatomo-cytopathologistes et des stomatologues.
3.5 • Les dépenses des actes techniques des médecins
Une progression continue des dépenses des actes techniques sur la période 20102014
Les dépenses relatives aux actes techniques connaissent
une croissance de 2,4 % en moyenne par an entre 2010 et
2014, avec une accélération en 2014 (+3,0 %), après deux
années de progression plus faible (+1,4 % en 2012 et
+2,5 % en 2013, cf. graphique 1). Cette dynamique résulte
en partie des évolutions liées aux développements de
nouveaux traitements mais également aux diverses
mesures affectant les tarifs des actes sur la période.
Une évolution des dépenses marquée par
des modifications des tarifs et des
évolutions du périmètre des actes
En 2012, des baisses de cotations et les radiations d’un
certain nombre d’actes de la CCAM avaient conduit à une
moindre progression des dépenses des actes techniques.
Par exemple, la suppression des suppléments de tarifs au
titre de l’archivage en radiologie, la réduction du
deuxième forfait scanner et le respect des indications de
radiographie de l’abdomen et du thorax ont permis une
économie de l’ordre de 136 M€ sur la période 2011-2012.
principalement sous l’effet de la reprise des volumes. De
manière plus marginale, les revalorisations de plus de
3 700 actes, pour les médecins exerçant en secteur 1 ou
adhérents au contrat d’accès aux soins, ont contribué
pour 0,3 point à l’évolution de 2013. Ces revalorisations
prévues dans l’avenant 8 de la convention médicale des
er
médecins libéraux ont débuté au 1 juillet 2013, et
s’étendent jusqu’en 2015 (cf. encadré 1). Elles expliquent
également 0,4 point de la hausse des dépenses constatée
en 2014. Enfin, l’année 2014 a également été marquée par
er
l’instauration au 1 juin de la CCAM pour l’activité buccodentaire qui couvre l’ensemble des actes de chirurgie
dentaire et qui concerne également les stomatologues. En
effet, seuls les actes techniques médicaux étaient codés
en CCAM, excluant de fait les autres professions
médicales et les auxiliaires médicaux. La CCAM dentaire
est composée de 440 actes dont 370 sont remboursables
par l’assurance maladie.
Les dépenses des actes techniques ont accéléré en 2013,
1
La classification commune des actes médicaux (CCAM) est la nomenclature des actes médicaux techniques pratiqués par des
médecins exerçant en secteur libéral (quel que soit le secteur) ou en milieu hospitalier (public ou privé) et qui sont pris en charge par
l’assurance maladie. En application de l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, la liste de ces actes a été établie par décision
de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) et son application a été progressive entre 2005 et 2007. Dans le cadre
des dispositions réglementaires, la CCAM permet le codage obligatoire des actes techniques par un système de codification et des
règles de codage identiques pour tous les praticiens, libéraux et salariés, et tous les établissements.
2
Il s’agit d’un peu plus de 7 600 libellés d’actes codés (11 000 si l'on prend en compte l'activité et les actes d'anesthésie) et faisant
l’objet d’une hiérarchisation tarifaire, recensés dans la classification commune des actes médicaux selon les grands appareils: appareils
digestif, circulatoire, urinaire, reproducteur, système nerveux, squelette, etc
3 Les données présentées dans cette fiche résultent d'extractions de données à partir de l'univers CCAM du SNIIRAM excluant les actes
des hospitaliers à temps plein. Ces données ne sont pas corrigées des jours ouvrés.
4
Les forfaits techniques servent à rémunérer les coûts d’exploitation l’utilisation des équipements médicaux lourds (scanner, IRM, et
TPE.).
128 • Les Comptes de la Sécurité Sociale - juin 2015
3 • ECLAIRAGES
Graphique 1 ● Evolution comparée du volume et des montants remboursés de la classification
commune des actes médicaux (CCAM)
volume des actes techniques
montants remboursés
5,0%
4,5%
4,4%
4,0%
3,5%
3,0%
2,7%
2,6% 2,5%
2,7%
3,0%
2,5%
1,7%
2,0%
1,4%
1,5%
1,0%
0,5%
0,0%
2011
2012
2013
2014
Source : DSS/6B sur données CNAMTS SNIIRAM
La CCAM résulte de la refonte du catalogue des actes médicaux (cdAM) en milieu hospitalier et de la nomenclature des actes
professionnels (NGAP) pour les praticiens du secteur libéral. Sa création en 2005 visait à mettre en place un système de codage
unique pour décrire et tarifer l’ensemble des actes techniques des médecins avec un tarif cible pour chaque acte. Ce tarif cible a été
établi sur la base d’une combinaison de critères du travail médical (stress, durée de l’acte, compétence technique, effort mental, etc.)
et le montant des charges associé à chaque spécialité, de manière à garantir une neutralité et une équité entre l’ensemble des
spécialités.
Le codage des actes en CCAM a conduit à des situations d’« actes gagnants » pour certaines spécialités médicales , quand la cotation
de ces actes avant 2005 étaient inférieures aux « tarifs cibles » définis par la CCAM et devaient conduire à une revalorisation pour les
médecins concernés. Ainsi, les accords entre les syndicats et l’assurance maladie au moment de la mise en place de la CCAM en 2005
prévoyaient une revalorisation de ces «actes gagnants» pour les soins dispensés par les médecins exerçant en secteur à honoraires
opposables et étendus aux médecins adhérant au contrat d’accès aux soins. Une grande partie des actes gagnants a été revalorisée
en deux phases (2005 et 2007). A l’issue de ces deux phases, il subsistait un nombre encore important d’actes dont le tarif était
inférieur au tarif cible.
Cet écart entre le tarif actuel et le tarif cible devait être comblé par tiers en 3 étapes au 1er juillet 2013, au 1er mars 2014 et au 1er
janvier 2015 : pour chaque acte, un pourcentage d’augmentation défini par l’application de modificateurs spécifiques (coefficients
multiplicateurs à appliquer au tarif de l’acte) créés dans la liste des actes et prestations, à chacune des trois étapes doit permettre
d’atteindre la valeur tarifaire définie pour chaque étape. La décision fixe ainsi des valeurs initiales à ces modificateurs du 1 er juillet
2013 au 28 février 2014, qui sont ensuite doublées sur la période du 1er mars 2014 au 31 décembre 2014. 3 768 actes dont les
dépenses remboursées s’élevaient à plus de 1 Md€ en 2012 ont bénéficié de ces revalorisations et concernent les spécialités
suivantes : cardiologie, chirurgie, dermatologie, endocrinologie, gynécologie et obstétrique, hématologie, neurologie, omnipraticiens,
ORL, pédiatrie, pneumologie, psychiatrie, médecine physique et de réadaptation, rhumatologie. A l’issue de ce mécanisme, le tarif de
certains « actes gagnants » demeure encore inférieur à la cible.
Les Comptes de la Sécurité Sociale - juin 2015 • 129
3.5 • Les dépenses des actes techniques des médecins
Encadré 1 ● Convergence vers les « tarifs cibles »
3 • ECLAIRAGES
En 2014, les actes techniques médicaux (non
chirurgicaux) contribuent le plus à la
croissance des dépenses de la CCAM
La plus forte progression des montants remboursés en
CCAM en 2014 est celle des actes techniques
thérapeutiques (+7,1%), notamment les « séances
d’irradiation en radiothérapie » qui enregistrent une
augmentation de 17,2%. Cette hausse traduit d’une
part le déploiement des équipements de radiothérapie
qui est l’un des traitements majeurs des cancers, et
d’autre part l’augmentation du nombre de patients traités
par radiothérapie (2% en moyenne par an entre 2009 et
2012 selon l’Institut National du Cancer). Les actes
d’injection dans l’œil sont également en forte
progression, notamment pour le traitement de la
dégénérescence maculaire liée à l’âge (+16%) et lors
d’intervention de la cataracte (+28,% en 2014).
Les dépenses des actes techniques sont concentrées sur certaines spécialités
Quatre spécialités médicales concentrent
plus de la moitié des honoraires des actes
techniques
Quatre spécialités médicales constituent plus de la moitié
des dépenses de l’assurance maladie au titre des actes
techniques sur la période 2010-2014 : il s’agit des
radiologues, suivis des anesthésistes, des cardiologues et
des ophtalmologues. Malgré une baisse continue de la
part des radiologues dans les dépenses des actes
techniques, les honoraires au titre de l’imagerie médicale
sont toujours majoritaires. Sur la période observée, les
dépenses au titre de la radiologie représentent un peu
plus du quart des dépenses des actes techniques.
3.5 • Les dépenses des actes techniques des médecins
La part des anesthésistes et des cardiologues dans les
dépenses remboursées reste stable autour de 10%. Celle
des ophtalmologues est proche de 8%, tandis que celle
des radiologues est en baisse de 4 points entre 2010 et
2014 (24%).
Les évolutions des dépenses par spécialités sont assez
hétérogènes sur la période (cf. graphique 2). La croissance
des honoraires des ophtalmologues est la plus
dynamique (7% en moyenne), suivie de celle des
cardiologues et anesthésistes (2% en moyenne). Celle des
radiologues reste assez faible, moins de 1% en moyenne.
La part des actes techniques dans l’ensemble des
honoraires est très variable d’une spécialité à l’autre (cf.
graphique 3). Elle représente 92% des honoraires en
oncologie-radiothérapie alors qu’elle n’est que de 29% en
gynécologie médicale et obstétrique.
Alors que l’évolution des actes d’imagerie
reste modérée, les remboursements des
autres actes techniques accélèrent en 2014
Bien que les actes techniques présentent une croissance
de 3,0% en 2014 en moyenne, on observe toutefois une
relative stabilisation du nombre d’actes des « grandes
spécialités » en CCAM. Ainsi, l’activité des radiologues, qui
constitue la part la plus importante des actes techniques
(cf. supra), connaît une progression modérée de 2%. Cette
évolution résulte d’évolutions contrastées selon la
1
technique d’imagerie considérée. En effet, la radiographie
qui représente plus de 20% des actes d’imagerie est en
léger recul sur un an (-0,4%) tandis que l’imagerie par
résonance magnétique (IRM) qui ne représente que 2,5%
des actes en 2014 a progressé de 9,4%. L’état actuel du
parc des équipements qui est moins doté en IRM, mais en
phase de déploiement pour atteindre l’objectif du
1
troisième plan cancer explique ces évolutions. Ce plan
prévoit un objectif de réduction à 20 jours maximum du
délai d’attente pour l’accès à une IRM, grâce à une hausse
du taux d’équipement et une optimisation du parc
existant. L’IRM de l’appareil digestif enregistre la plus
forte progression en volume dans l’ensemble des
examens d’IRM 2014 : +12% d’actes. Cette hausse résulte
de la substitution partielle des examens de scanographie
abdomino-pelviens par des examens IRM dans le bilan
des cancers abdomino-pelviens.
Par ailleurs, le vieillissement de la population se traduit
2
par la forte augmentation de l’acte « tomographie de
l’œil par scanographie à cohérence optique » (OCT),
examen d’imagerie de l’œil utilisé dans le diagnostic des
glaucomes et des dégénérescences maculaires liées à
l’âge (DMLA). L’OCT est de plus en plus utilisé depuis les
recommandations en 2007 de la HAS pour le suivi de
l’évolution de la DMLA, des œdèmes maculaires et des
rétinopathies
diabétiques,
identifiés
comme
les
3
principales causes de cécité et de malvoyance en France .
La progression des actes chirurgicaux liés au traitement
de la cataracte (+2,6%) est également à relier au
vieillissement de la population. On note ainsi une
augmentation de 16,4% des injections dans le corps vitré.
Cette technique permet d’obtenir des actions ciblées pour
certaines affections de la rétine, notamment dans les cas
de DMLA, ou d’œdème de la rétine, ou encore dans les
cas de rétinopathie diabétique proliférante. Par ailleurs, le
volume des actes chirurgicaux est en progression de près
de 2,5%, porté par la chirurgie de l’obésité morbide
(+7,7%), notamment la gastrectomie, et la chirurgie
prothétique du genou (+7,3 %).
Enfin, les actes de diagnostic sont également en hausse
de plus de 4%, et parmi ceux-ci l’exploration de la
4
motricité oculaire augmente de 5,2% en volume.
Le troisième plan cancer lancé en 2014 fait état du sous équipement de la France en IRM par rapport à la moyenne européenne
(10/million d’habitants contre 20/million d’habitant) et d’un délai moyen d’accès à une IRM de 27 jours pour un bilan initial.
2
+18,5% en volume et en valeur en 2014 selon la CNAMTS.
3
Source HAS, TOMOGRAPHIE DU SEGMENT POSTERIEUR DE L’ŒIL PAR SCANOGRAPHIE A COHERENCE OPTIQUE, juin 2007
4
Examen visant à établir la déviation de l’axe de l’un ou des deux yeux.
130 • Les Comptes de la Sécurité Sociale - juin 2015
3 • ECLAIRAGES
Graphique 2 ● Evolution comparée des dépenses des actes techniques remboursés entre 2010 et 2014
selon les spécialités médicales (Md€)
12,0%
10,0%
9,6%
7,3%
8,0%
6,0%
5,9%
6,3%
4,0%
3,4%
2,9%
2,6%
2,0%
2,0%
1,6%
0,8%
0,2%
0,0%
2011
1,2%
2012
-0,6%
-0,7%
1,9%
0,03%
2014
2013
-2,0%
Evolution Radiologues
Evolution Anesthésistes
Evolution Cardiologues
Evolution Opthalmologues
Source : DSS/6B sur données CNAMTS SNIIRAM
Graphique 3 ● Honoraires totaux et part des honoraires techniques dans les honoraires totaux
3500 M€
3 142
2500
2000
honoraires totaux
1 499
1500
1 133
59%
500
68%
296
355
92%
45%
41%
oncologie radiothérapique
ophtalmologie
cardiologie
anesthesie
0
radiodiagnostic et imagerie
medicale
honoraires des actes techniques
(part des actes techniques dans
total honoraires en %)
55
29%
gynecologie medicale et obstétrique
65%
chirurgie generale
1000
1 077
Les Comptes de la Sécurité Sociale - juin 2015 • 131
3.5 • Les dépenses des actes techniques des médecins
3000