Le plus beau voyage, c`est celui qu`on n`a pas encore fait
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Le plus beau voyage, c`est celui qu`on n`a pas encore fait
Paroles de sportif Loïck Peyron Propos recueillis par Thibault DUMAS A 52, ans Loïck Peyron a un palmarès aussi vaste que les océans qu'il parcourt. Pourtant le tout récent recordman du tour du monde à la voile reste simple et décontracté. Heureux de faire partager sa vision du sport en général et de la voile en particulier : loin de tout mais proche de l'homme. : Vous en êtes à transatlantiques. Qu'estce qui vous motive encore ? LP : Il n'y pas que la course en elle-même. Il y aussi la préparation. La page blanche, le rêve. Le plus beau voyage, c'est celui qu'on n’a pas encore fait. C'est cette capacité du genre humain à imaginer, à espérer. Ce sont ces utopies qu’on arrive à réaliser plus ou moins. La partie la plus « visible » est quand nous sommes en mer. Mais c'est l'imagination qui la précède qui est déterminante. : Dans vos VHS hier comme dans vos directs par satellite aujourd'hui, on retrouve l'humour. Une façon de dédramatiser ? LP : Je n'utilise pas l'humour seulement à l'écran ! Ça serait dommage quand même... Je trouve que c'est important de dédramatiser. La vie normale est tellement chiante, tellement dramatique, qu’il ne faut pas en rajouter. Nous avons de bons dramaturges : il faut quelques marins qui comme ça ramènent un peu de larmes salées pour montrer que c'est difficile. Mais moi je n'aime pas ça. Je suis plutôt adepte du beau geste, du côté artistique de la chose. J'aime ça plutôt que larmoyer devant un écran. Now 52, Loïck Peyron has a list of successes as impressive as the oceans he sails. However, the record-breaking roundthe-world yachtsman remains relaxed and uncomplicated, and pleased to share his vision of sport in general and sailing in particular – far from everything, but close to mankind. : What is the hardest thing about sailing round the world? LP: Like everything which is done well, it looks easy from outside, but it is extremely difficult from inside. Going fast on water or elsewhere is never simple, but going fast over a long period is even harder. days is not long on the grand scale of mankind, but going round the world at an average speed of . knots involves enduring so many things. A lot of responsibility, noise, waves, shocks, fears…. It is so nice when it stops. But sailing is still a masochistic activity. A bit like the fool who keeps hitting himself, it’s a relief when it stops. During a race, every instant, every moment is stressful. With a tonne machine : Mais il y a une contradiction entre cette minutie, technologique aussi, et l’aléatoire des éléments déchaînés ? LP : C'est très paradoxal, c'est vrai. Il y a un côté aléatoire assez étonnant. Au large, l'aventure est humaine avant tout. Même si on est en solitaire sur un bateau, on partage avec une équipe avant et même pendant la course. Sur Banque Populaire V nous étions quatorze dans l’équipage. Évidemment il y a de la technologie. C'est peut-être un peu plus masculin, ou considéré comme tel : créer des outils, bricoler sur des voitures, des bateaux ou des lancepierres. La voile c'est une technologie fascinante empreinte d'une vraie valeur écologique. Montrer qu'avec une énergie renouvelable en permanence, on arrive à aller plus loin que n'importe quel engin mécanique sur la planète. A part un porte-avion ou un sous-marin nucléaire, aucun engin créé par l'homme ne peut nous suivre pendant jours à cette vitesse autour du globe. Pas avec un moteur mais avec du vent ! On est aussi les porteurs de ce message. surging forward at kph in the dead of night, surrounded by icebergs, that is understandable. But as I already have a lot of white hair, I don’t show it much. I endure it. At sea, the endeavour is first and foremost human : You have made transatlantic crossings. What motivates you to keep on? LP: It is not just the race. There is the preparation too. The blank page, the dream. The best voyage is always the one to come. It is this human capacity to imagine and to hope. These are the ideals which FOCUS Loïck Peyron est le fondateur de l’association « Goutte d’eau », qui apporte un soutien à l’ensemble des acteurs qui travaille sur la problématique de l’eau. Loïck Peyron is founder of the “Goutte d’eau” (“Drop of Water”) organisation which supports everyone involved in working on water issues. www.gouttedeau.fr can be achieved to a greater or lesser extent. The most “visible” part is when we are at sea. But it is the imagination which drives us. : In both your earlier video recordings and your present-day live satellite transmissions, we find a sense of humour. Is this a way of playing down the dangers? LP: I don’t only use humour on screen! That would be a bit sad…. I think it is important to play things down. Normal life is already so difficult, so tragic that we shouldn’t make it worse. We have some good dramatists: we need some sailors to shed a few salt tears to show how difficult it is. But that is not my style. I am better at the fine gesture, the artistic side of things. I prefer that to feeling sorry for myself in front of a screen. © OLIVIER PRIEUR Au large, l'aventure est humaine avant tout © THIBAULT DUMAS : Quelle est la principale difficulté d'un tour du monde à la voile ? LP: Comme toutes les choses bien faites, de l’extérieur cela paraît facile mais de l’intérieur c'est extrêmement difficile. Parce qu’aller vite sur l'eau ou ailleurs ça n'est pas simple, mais aller vite longtemps l'est encore plus. jours, c'est peu de temps à l'échelle humaine, mais faire un tour du monde à , nœuds de vitesse moyenne cela induit tant de choses à supporter. Beaucoup de responsabilités, de bruits, de vagues, de chocs, d'angoisses... C'est un vrai bonheur quand cela s'arrête. Mais notre activité reste masochiste. Un peu comme le fou qui se tape sur les doigts, cela fait du bien quand ça s'arrête. En course, l'instant, le moment, est angoissant. Avec une machine de tonnes lancée à km/h, en pleine nuit, au milieu des icebergs, c'est logique. Mais comme j'ai déjà beaucoup de cheveux blancs, cela se voit peu. Je le supporte. : Is there a contradiction in this attention to detail and technological precision and the SPORT AND CITIZENSHIP ● JOURNAL unpredictability of the unleashed elements? LP: It’s true, it’s a real paradox. There is a surprising unpredictability. At sea, the endeavour is first and foremost human. Even if you are alone on the boat, there is a team behind you before and even during the race. There were fourteen of us in the crew of Banque Populaire V. Obviously there is the technology. Perhaps that is thought of as a bit more masculine: making tools, messing about with cars, boats or catapults. Sailing is a fascinating technology with true ecological value, which demonstrates that with permanently renewable energy we can go further than any mechanical device on earth. With the exception of aircraft-carriers and nuclear submarines, no machine built by man can follow us around the globe at this speed. Not using an engine, but using the wind! We are conveying this message too. ● CORRUPTION IN SPORT