Conflits d`intérêt : le cas du chlorure de vinyle aux Etats

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Conflits d`intérêt : le cas du chlorure de vinyle aux Etats
Conflits d’intérêt : le cas du chlorure de vinyle aux Etats-Unis
Par Jennifer Beth Sass *, Barry Castleman $ et David Wallinga #
* Natural Resources Defense council, Washington D.C., Etats-Unis
$ Consultatnt en environnement, Garrett Park, Maryland, Etats-Unis
# Institute for Agriculture and Trade Policy, Minneapolis, Minnesota, Etats-Unis
En 2000, l’Agence de protection de l’environnement des Etats-Unis (EPA,
Environmental Protection Agency) a finalisé la mise à jour des effets toxicologiques
d’un gaz fondamental pour l’industrie chimique, le chlorure de vinyle (CV). Elle se
concentrait sur deux questions : la classification du CV comme cancérogène, et
l’estimation quantitative de son pouvoir carcinogène. Or le rapport toxicologique de
l’agence, préparé avec d’importantes contributions de l’industrie chimique, a réduit
les mesures de sécurité sur ces deux points. Premièrement il sous-estime le risque
de cancer touchant d’autres organes que le foie. Deuxièmement, il diminue le pouvoir
carcinogène du CV d’un facteur 10 par comparaison aux valeurs utilisées
précédemment, diminuant ainsi les coûts et l’étendue des mesures de dépollution.
Comment une telle gestion du risque, qui relève de pratiques scientifiques totalement
discréditées, a-t-elle été possible ?
Qu’est-ce que le chlorure de vinyle ?
Le CV (CH2=CHCl) est un gaz incolore synthétisé exclusivement pour servir à la
fabrication, par polymérisation, d’un plastique : le polychlorure de vinyle (PVC,
polyvinyl chloride). Le PVC a de nombreuses utilisations : construction, emballages,
industries électrique et du transport ; produits domestiques tels que revêtements,
tuyauteries, vidéodisques et cartes de crédit ; produits médicaux comme les sacs
jetables de perfusion, les tuyaux souples et les bassins de lit. La production mondiale
de PVC a atteint près de 27 millions de tonnes en 2002, pour une valeur
approximative de 19 milliards de dollars. Le marché connaît une croissance annuelle
moyenne de 3 % depuis 1997 (Linak et Yagi). Tout cela génère une pollution par le
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chlorure de vinyle, notamment au cours de la fabrication, de l’incinération des
produits en PVC et dans les décharges.
En 1969, Pier Luigi Viola, un médecin employé par la firme Solvay, rapporta les
premières données expérimentales démontrant que le CV était cancérigène chez
l’animal (données non publiées). Il publia des résultats complémentaires deux ans
plus tard (Viola et al.1971). Puis, en 1974 et 1975, des formes rares de cancers
hépatiques furent découvertes chez des ouvriers (Creech and Johnson 1974; Creech
and Makk 1975; Maltoni 1974, 1975; Maltoni et al. 1974). Suite à l’annonce de ces
données, l’administration américaine en charge de la sécurité et des maladies
professionnelles (OSHA) publia une note prenant effet en avril 1975, selon laquelle
les usines de CV et de PVC devaient réduire les expositions sur les postes de travail
de 500 ppm (parties par million) à 1 ppm pour que les ouvriers disposent d’une
protection suffisante (OSHA 1975).
A cette nouvelle, les porte-parole de l’industrie avertirent que pertes d’emplois et
fermetures d’usine allaient frapper l’industrie du plastique. Néanmoins, moins de
deux ans plus tard, toutes les usines des Etats-Unis avaient réussi à respecter les
nouvelles normes, tout en conservant une rapide croissance de leurs ventes. Cela
surtout grâce au meilleur confinement du chlorure de vinyle, et à l’amélioration de la
surveillance des niveaux d’exposition (OSHA 1975).
Des preuves précoces dissimulées
En privé, les industriels reconnaissaient que l’ancien seuil de 500 ppm était
considéré comme excessif depuis longtemps, bien avant que l’OSHA publie la
nouvelle norme. Dès 1959, des expériences menées par l’industrie avaient en effet
révélé des micro-lésions hépatiques chez le lapin exposé de façon répétée à des
doses de 200 ppm de CV (Markowitz and Rosner 2002). En 1959, un toxicologue de
la firme Dow Chemical, V.K. Rowe, confiait en privé à son homologue de la société
B.F. Goodrich : « Nous sommes assez certains (…) que 500 ppm, respiré 7 heures
par jour, 5 jours par semaine, sur une longue période, provoqueront des lésions tout
à fait mesurables. Comme vous pouvez le comprendre, cette opinion n’est pas
encore mûre pour être diffusée et j’apprécierais que vous gardiez la confidentialité,
tout en l’utilisant pour le mieux dans vos propres opérations. »
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Les fabricants de CV et de PVC ont également retardé la publication des
observations d’angiosarcomes hépatiques réalisées à leur demande par l’Italien
Cesare Maltoni sur des rongeurs exposés au CV (Markowitz et Rosner 2002). Vers la
fin de 1972, l’industrie prit connaissance du rapport de Maltoni montrant que des
cancers primitifs du foie et des reins étaient provoqués par des expositions de
250 ppm, deux fois plus faibles que la limite autorisée pour les ouvriers. Cependant,
lors d’une réunion avec des officiels du gouvernement, huit mois plus tard, les
représentants de l’industrie omirent de mentionner ces résultats (Markowitz et
Rosner 2002). Le public n’apprit le risque mortel dû au CV qu’au début de 1974, par
les journaux ; ceux-ci relataient la mort de trois ouvriers de l’usine B.F. Goodrich de
Luisville (Kentucky) (Creech et Johnson 1974). Comme les animaux de Maltoni, ces
ouvriers étaient atteints d’angiosarcomes hépatiques.
D’autres cibles que le foie
Dès les années 1970, les études réalisées par l’industrie elle-même rapportaient un
excès de cancers dans des sites autres que le foie, dont le tractus respiratoire et le
cerveau (Tabershaw et Gaffey 1974). Dans un mémoire interne de 1976,
Mitchell Zavon, un médecin d’Ethyl Corporation, reconnaissait : « A présent, le travail
épidémiologique démontre amplement une association entre une forte exposition au
monomère de CV et l’augmentation des angiosarcomes du foie, des tumeurs du
cerveau et du poumon. » (Zavon 1976)
En 1979, une synthèse scientifique du Centre international de recherche sur la
cancer affirme (CIRC, 1979) : « Le CV est un cancérogène humain. Ses organes
cibles sont le foie, le cerveau , le poumon, et le système hémo-lymphatique. (…) Il
n’y a pas de preuve de l’existence d’un seuil au-dessous duquel il n’y aurait pas
d’augmentation du risque de cancer chez l’homme. »
Un deuxième rapport de l’IARC en 1987 confirme la première évaluation, citant des
résultats plus récents selon lesquels le CV, en plus de son rôle dans les
angiosarcomes du foie, cause des carcinomes hépatocellulaires, des tumeurs du
cerveau, du poumon et des lymphomes et autres hémopathies (IARC 1987).
Après l’évaluation du CIRC, l’industrie missionne l’épidémiologiste britannique
Richard Dole pour revoir les données épidémiologiques concernant le CV. En
combinant les données de quatre études, Doll trouve un excès de risque de cancer
du cerveau (risque agrégé observé de 29 contre 19,54 attendu). Il rapporte ce
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résultat comme « statistiquement non significatif », ajoutant que « rien ne suggère
que l’origine [de cet excès] est professionnelle » (Doll 1988). Doll minimise le risque
de cancer pour tous les sites autres que le foie en concluant : « La mortalité des
hommes exposés, en dehors de celle due aux angiosarcomes du foie, est typique de
l’ouvrier normalement sain ; cela n’exclut pas d’autres risques, mais leur effet est
faible. »
Conflits d’intérêt
Doll n’a pas cité dans son article les sources de son financement. Mais au cours de
l’examen au tribunal d’une plainte pour empoisonnement intenté par un ouvrier
mourant d’un cancer du cerveau, l’épidémiologiste a témoigné pour la défense que
son rapport de 1988 avait été réalisé « pour le compte de la Chemical Manufacturers
Association » (CMA) et qu’il avait reçu 12 000 livres comme « donation pour des
œuvres de charité, en récompense » de son travail (Doll 2000). Doll versa la somme
au Green College d’Oxford, dont Doll est le fondateur et le premier doyen.
Des preuves de l’association entre l’exposition au CV et cancers du cerveau ont
continué à s’accumuler après 1988. En 1991, une étude de suivi financée par la
CMA retrouve un excédent de mortalité par cancer du cerveau et du système
nerveux central (Wong et al. 1991). Otto Wong, Donald Whorton et leurs
collaborateurs concluent que « cette mise à jour confirme l’augmentation du risque
de cancer du cerveau (et du système nerveux central). » De plus, les chercheurs
montrent un excédent de mortalité par cancers du foie et du tractus biliaire combinés
(37 cas observés vs 6 attendus), par cancer du foie sauf angiosarcomes (15 cas
observés vs 3 attendus) et par cancer du tractus biliaire à l’exclusion des
angiosarcomes (7 cas observés vs 2,7 attendus).
Deux ans plus tard, dans un démenti très inhabituel, deux des quatre auteurs
initiaux, Otto Wong et Donald Whorton, se rétractent : « nous concluons que nos
résultats préalables relevant un excès de cancer du cerveau chez les ouvriers du
chlorure de vinyle aux Etats-Unis ne sont vraisemblablement pas liés à ce composé
(Wong et Whorton 1993). Le journal Houston Chronicle décrit cette rétractation et
son utilisation en ces termes : « Wong n’avait pas été autorisé par le financeur de
l’étude, la CMA, à publier ses résultats – données qui pouvaient être utilisées contre
l’industrie au cours de procès, qui pouvaient inquiéter les ouvriers et attirer l’attention
du législateur. Les documents montrent que la publication non autorisée a irrité les
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membres du comité CV de la CMA et suscité de leur part des mois d’efforts pour
persuader Wong de désavouer sa publication. Bien que Wong démente toute
pression exercée sur lui, il a modifié ses conclusions sur le CV, déclarant que
l’excédent de morts par cancer du cerveau chez les ouvriers pourrait être dû à un
‘’biais de diagnostic’’, c’est-à-dire à un meilleur suivi et un meilleur diagnostic dans
l’industrie
que
dans
la
population
générale…
»
(Morris
1998 ;
http://www.chron.com/content/chronicle/special/vinyl/intro.html)
Mais en 2000, pour la quatrième fois, une étude épidémiologique financée par
l’industrie et menée par Kenneth Mundt démontrait un risque accru de cancer du
cerveau parmi les ouvriers exposés au CV (Mundt et al. 2000). La mortalité était la
plus élevée chez les ouvriers qui avaient été exposés durant les plus longues
périodes.
L’EPA entre en scène
Que deviennent toutes les données toxicologiques accumulées sur le CV ?
Beaucoup des études d’évaluation réalisées sur les produits chimiques réglementés
sont publiquement disponibles dans la base IRIS (Integrated Risk Information
System) gérée par l’Agence de protection de l’environnement des Etats-Unis (EPA,
Environmental Protection Agency). Elle contient les « positions scientifiques de
consensus de l’EPA sur les effets potentiels sur la santé humaine des contaminants
environnementaux ». Bien qu’il ne s’agisse pas en soi de normes réglementaires, ces
informations sont utilisées par les juristes au niveau des Etats et au niveau fédéral et
par d’autres dans le monde, en combinaison avec les données d’exposition, afin de
mettre en place des normes pour l’air, l’eau, le sol et l’alimentation (Phibbs 2002).
En 1994, le comité CV de la CMA a lancé un programme de travail avec l’EPA
concernant ses évaluations du CV disponibles dans IRIS. H.C. Shah, le représentant
de l’industrie dans le panel, a confirmé que l’EPA « a exprimé son intérêt pour
travailler avec l’industrie afin de développer une évaluation du risque du CV
scientifiquement fondée » (Shah 1994). Lors de la rencontre, des scientifiques
employés par le CMA exposèrent à l’EPA un modèle de risque (Reitz et Gargas). Ce
modèle, dit PBPK (physiologically based pharmacokinetic), avait été conçu pour
exprimer quantitativement la relation entre l’exposition extérieure au CV et la dose
interne au niveau du foie en prenant en compte l’absorption, la distribution, le
métabolisme et l’élimination du CV et de ses métabolites.
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Des documents internes démontrent que l’EPA et l’industrie du CV ont été en
discussion sur une évaluation actualisée du CV depuis 1994 (Shah). Or ce n’est
qu’en 1996 que l’EPA a publié une appel à propositions invitant à soumettre des
informations techniques sur le CV et dix autres produits chimiques industriels pour la
base de l’Iris (EPA 1996).
Des modèles incomplets
Dès 1994, l’industrie du CV promouvait les modèles PBPK pour que l’EPA les utilise
dans son évaluation du CV. Deux de ces modèles ont été présentés à l’agence. Ils
prédisaient que le CV était 150 fois et 80 fois moins puissant comme carcinogène
(Reitz et Gargas, Reitz et al. Clewell et al.) que ce qui était établi à l’époque,
impliquant que les normes d’exposition pouvaient être réduites de manière
significative. La conclusion inscrite dans l’IRIS s’est appuyée sur le deuxième de ces
modèles, après quelques ajustements : ainsi le CV était estimé par l’EPA dix fois
moins cancérigène que les valeurs préétablies. Bien que le modèle ait été développé
uniquement à partir des données d’angiosarcomes du foie, l’EPA y a ajouté toutes
les tumeurs du foie mais a exclu toutes les tumeurs non hépatiques (EPA 2000a).
Comme l’exposition n’avait pas été bien caractérisée dans les études
épidémiologiques, l’EPA a estimé le potentiel cancérigène du CV sur la seule base
des essais réalisés sur l’animal.
Cependant, les deux modèles avaient été conçus pour modéliser uniquement les
effets du CV sur le foie, malgré un consensus scientifique qui soulignait que le CV
est un carcinogène multi-sites chez l’homme comme chez l’animal expérimental
(Byren et al. 1976, …). Le CV administré oralement ou par inhalation à des souris,
des rats et des hamsters provoque des tumeurs dans la glande mammaire (Feron et
al….) conduisant les auteurs du deuxième modèle cité à suggérer : «
il est
raisonnable de considérer au moins qualitativement les preuves de l’augmentation
d’incidence des tumeurs mammaires lors de la gestion du risque concernant
l’exposition potentielle au CV ».
Dans son projet d’évaluation du CV, en mai 1999, l’EPA avait proposé d’appliquer un
facteur d’ajustement de niveau trois permettant de tenir compte des possibles
inductions non hépatiques (EPA 1999a). Cependant, dans une lettre adressée à
l’agence, les fabricants de CV protestèrent : « les résultats épidémiologiques
disponibles ne soutiennent pas une association entre l’exposition au chlorure de
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vinyle et le cancer humain, excepté pour l’angiosarcome du foie. Le facteur trois
d’incertitude introduit par l’EPA pour tenir compte d’une possible induction tumorale
en d’autres sites est mal avisé et peut donc être éliminé », écrivirent-ils (Price 1999).
En réponse, la version finale de l’évaluation du CV par l’EPA a complètement éliminé
ce facteur protecteur. Dans la même lettre à l’agence, les fabricants contestaient qu’il
existât « des preuves épidémiologiques suggérant que le cancer du cerveau, du
poumon et du système lymphatique sont associés à l’exposition », Cette affirmation
« devait être supprimée dans la revue finale », soutenaient-ils (Price 1999). Là
encore, l’EPA s’est inclinée.
Une sous-estimation du risque
Cette attitude de l’agence de protection de l’environnement est saisissante. Celle-ci
la justifie de deux façons : d’abord, en s’appuyant sur les conclusions de Richard Doll
selon lesquelles les preuves que des tumeurs autres qu’hépatiques sont induites par
le CV sont faibles (Doll 1998) ; deuxièmement, en suggérant que le foie est la cible la
plus sensible et que, par conséquent, les normes protectrices contre le cancer du
foie seraient également protectrices contre les tumeurs touchant d’autres sites (EPA
2000b). Néanmoins, cette vision réductrice a empêché l’EPA de développer un
modèle normatif reposant sur la prise en compte du risque cancérigène total de
l’exposition au CV, ainsi que l’exigeait d’ailleurs les lignes directrices de l’agence
concernant le calcul du risque cancérigène (EPA 1999b, 2005).
Sous-estimer le risque de cancers autres qu’hépatiques laisse le public et les
travailleurs exposés insuffisamment informés de la menace sanitaire posée par
l’exposition aux produits, procédés et polluants contenant du chlorure de vinyle. De
plus, les professionnels de la santé sont moins à même de suspecter un lien avec
l’exposition au CV chez des patients n’ayant pas de cancer du foie, et ainsi les liens
de cause à effet sont davantage susceptibles d’être ignorés. Cette sous-estimation
peut avoir d’importantes implications dans les cas de litige juridique en compensation
de préjudices.
Défaillance des pairs
Le processus externe de « contrôle par les pairs » (peer review process) de l’EPA est
censé assurer qu’une évaluation scientifique crédible est produite. Or au moins sept
des dix-neuf « reviewers » (vérificateurs) externes de l’évaluation du CV étaient des
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employés ou des consultants de l’industrie chimique ; quatre étaient des
représentants du gouvernement, et pas un ne représentait les syndicats ou des
groupes d’intérêt publique (EPA 2000b). Ce comité de pairs a accepté l’assertion de
l’agence selon laquelle les limites de l’exposition humaine fondées sur le cancer du
foie seraient suffisamment protectrices contre les cancers développés dans d’autres
tissus. Il a rejeté l’ajout de tout facteur d’ajustement protecteur tenant compte du
risque de cancers non hépatiques (EPA 2000a).
Ainsi, l’évaluation finale du chlorure de vinyle ajoutée à la base de l’IRIS établit que
le risque posé par le CV est de 8,8 x 10-6 par µg/m3 ; autrement dit, ce composé
provoque un excès de 8,8 cas de cancer parmi une population d’un million de
personnes exposées durant la vie à un volume moyen de 1 µg par m3 d’air : soit un
risque dix fois inférieur à la précédente estimation (8,4 x 10-5 par µg/m3, soit 84 cas
en excès). Par contrecoup, la pollution par le chlorure de vinyle pouvait donc
augmenter de dix fois.
L’indépendance des évaluations
Aux Etats-Unis, pour quelques-uns des produits chimiques parmi les plus répandus
et toxiques actuellement réglementés, les fabricants produisent une bonne part des
données (souvent non publiées) utilisées pour l’évaluation du risque et travaillent en
collaboration étroite avec l’EPA pour produire les estimations du risque.
Malheureusement, le poids de l’industrie l’emporte souvent sur la capacité du public,
des syndicats ou des associations à s’impliquer dans les réglementations en cours
de rédaction. Dans une entretien de 2002, Paul Gilman, alors conseiller scientifique
de l’administratrice de l’EPA, Christine Whitman, exprimait son insatisfaction devant
les estimations soumises par l’industrie à l’IRIS : « cela prend autant ou plus de
temps de travailler avec les parties externes que de développer des évaluations
toxicologiques internes. A ce jour, la procédure n’a pas économisé du temps ou des
ressources ainsi qu’elle devait le faire (Phibbs 2002).
Néanmoins, fin août 2004, l’EPA a annoncé des changements dans sa procédure de
contrôle des pesticides « qui donnerait aux instances de l’industrie plus d’importance
pour l’apport des données scientifiques… dans un effort de réduction du temps
consacré par l’agence aux rapports sur les risques » (Inside EPA 2004). Cette
tendance va permettre aux intérêts privés de recommander avec plus d’efficacité des
limites acceptables d’exposition pour leurs propres produits et déchets, tout en
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plaçant une pression irréaliste sur les scientifiques de l’EPA et le public censés
fournir relecteurs de rapports, suivi et contrôle. On sape la confiance du public quand
ce sont des intérêts commerciaux, au lieu d’évaluations scientifiques, qui façonnent
les politiques de santé publique.
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