Un franc-tireur du tourisme en Afrique

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Un franc-tireur du tourisme en Afrique
Portrait
Un franc-tireur du tourisme en Afrique
Maurice Freund Président de Point-Afrique Selon ce baroudeur qui a repris les vols charters sur la Mauritanie et le Tchad, le tourisme
peut détourner les jeunes Africains de l'islamisme.
« Ma passion, ce ne sont ni les avions, ni le tourisme, mais le développement! » Cette profession de foi sonne
curieusement dans la bouche de Maurice Freund, un franc-tireur qui, presque toujours en bisbille avec les autorités
françaises, a passé l'essentiel de sa vie à affréter des avions. Et à faire découvrir notamment l'Afrique, souvent à prix
modérés, à des touristes français. À désormais 70 ans, cet Alsacien séjourne davantage dans sa maison de Bidon
(Ardèche) où il voisine avec l'agrobiologiste Pierre Rabhi qu'il présente comme son « ami » et son « directeur de
conscience ». La voix désormais éraillée mais toujours haut en couleur et controversé, il propose de nouveau, depuis le
16 février, des voyages vers Attar (nord de la Mauritanie) et à partir du 23 février vers le Tchad, autour de Faya-Largeau,
passant outre les réserves du ministère français des affaires étrangères inquiet du danger pour les ressortissants français.
« Les avions, dit-il, je n'y connais rien, ils sont un moyen, comme le tourisme. »
Cette passion lui est venue tôt. « Enfant, j'ai rêvé d'être missionnaire », se souvient-il. Sa première aventure touristique,
celle du Point Mulhouse trouve ses racines au milieu des années 1960. Avec une bande d'étudiants, Maurice Freund
« veut aller à Madras, en Inde, nettoyer les puits des lépreux dans les missions tenues par des Salésiens » . Pour y aller,
le moins cher consiste à louer des avions. « C'est ainsi que c'est parti », se souvient-il. La réussite lui donne des ailes.
En 1969, il crée le Point Mulhouse: profitant de l'exception alsacienne à la loi de 1905 sur les associations, ses vols
charters décollent de l'aéroport de Bâle-Mulhouse. Un succès! Mais, quand il atteint 10 000 passagers par an, Air France
s'énerve. Puis, c'est la compagnie française privée UTA alors détentrice d'un quasi-monopole sur l'Afrique qui se fâche!
Dans la foulée, la direction de l'aviation civile s'en mêle et reproche aux deux DC-8 du Point Mulhouse de ne pas
respecter toutes les consignes de sécurité: en 1987, ils sont interdits de voler. L'année suivante, le Point Mulhouse fait
faillite: 480 salariés se retrouvent sur le carreau.
Maurice Freund devient brièvement directeur d'Air Mali: il démissionne après qu'un ministre lui propose de partager les
bénéfices. D'ailleurs, ses relations avec les dirigeants africains ont souvent été aussi compliquées qu'avec les autorités
françaises. En 1995 cependant, il retourne au Mali à la demande d'amis touaregs: les premiers charters partent vers Gao,
Agadès, la Libye, Attar en Mauritanie. Les vols sont affrétés par la coopérative qu'il a créée, le Point-Afrique qui fait du
tourisme solidaire ou du transport aérien bon marché pour touristes ou travailleurs immigrés sans le sou. Avec lui, le
tourisme dans le désert devient tendance. Le Point-Afrique gagne de l'argent. L'insécurité dans le Sahel va tout briser. Il
continue parfois de faire voler des avions quasi vides, perdant énormément d'argent.
Maurice Freund conteste en partie les interdits des autorités françaises (La Croix du 28 janvier) qui le jugent volontiers
« irresponsable ». À ses yeux, le tourisme a la vertu d'éviter l'oisiveté des jeunes Africains, donc la tentation de
l'islamisme. « Si on avait investi au Mali en actions sociales et préventives seulement la moitié de l'argent dépensé pour
l'opération Serval, on n'en serait pas là aujourd'hui », assène-t-il. Et d'ajouter: « Ne pas réussir à relancer le tourisme en
Mauritanie serait, pour moi, un échec moral. » Manifestement, le Quai d'Orsay voit les choses autrement.
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BOYER Paula
http://www.la-croix.com/Archives/2014-02-25/Un-franc-tireur-du-tourisme-en-Afrique-2014-02-25-1112231
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