Voitures neuves: la guerre des prix est déclarée

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Voitures neuves: la guerre des prix est déclarée
FRANC FORT Samedi25 septembre 2010
Voitures neuves: la guerre des
prix est déclarée
François Pilet
En refusant de répercuter la baisse de l’euro, les marques font le
jeu de l’importation directe. Les soldeurs se frottent les mains
Inlassable casseur de prix, ­l’entrepreneur lausannois Enzo Stretti
remercie le ciel. Ou plutôt le franc fort. Profitant d’un cours
extrêmement favorable et d’importants stocks d’invendus partout en
Europe après la suppression des primes à la casse, l’entrepreneur
négociait vendredi l’achat d’une centaine de voitures neuves de
marques françaises à des prix défiant toute concurrence. D’ici à
l’automne, cet importateur indépendant ouvrira une deuxième agence
à Yverdon-les-Bains et multipliera par trois son stock de voitures
soldées.
Des rabais jamais vus
«C’est le boom», se réjouit Enzo Stretti, qui estime pouvoir revendre
ses autos dans les trois à quatre mois en offrant d’importants rabais.
En Suisse alémanique, les grands garages actifs dans l’importation
directe depuis l’Union européenne multiplient les offres imbattables:
47% de rabais sur un lot de Citroën C4, 50% sur des Fiat Bravo et
Panda, 40% sur des Renault Clio et Scenic. Du jamais-vu de mémoire
de casseur de prix: les rabais atteignent désormais 30% sur des
modèles recherchés de BMW et d’Audi.
Ces prix n’ont en réalité rien de miraculeux: aux tarifs plus favorables
appliqués par les constructeurs au sein de l’Union européenne, s’ajoute
désormais la force du franc qui s’est apprécié de près de 15% face à
l’euro depuis le début de l’année. Une hausse de pouvoir d’achat que
les importateurs officiels refusent de répercuter à leurs clients suisses.
«La branche automobile […] n’est ni en mesure ni prête, pour des
raisons stratégiques, à réagir par des baisses de prix aux fluctuations
monétaires à court terme», expliquait l’association des importateurs
automobiles dans un communiqué mardi. Auto-Suisse s’en prend
violemment aux importateurs directs, qu’elle qualifie «d’opportunistes»
et de «resquilleurs».
L’association avance deux arguments pour justifier le maintien des
prix. D’abord, les importateurs assurent qu’ils ne profitent pas
pleinement de la baisse de l’euro. En assurant leurs risques de devise
sur de longues périodes, de un à trois ans selon Auto-Suisse, les
marques se retrouveraient bloquées par des contrats à terme qui
fixeraient leurs revenus en euros à des niveaux supérieurs aux cours
actuels: «Cela explique pourquoi les changements monétaires ne se
traduisent pas immédiatement par des baisses de prix», commente
l’association. Le même communiqué expose pourtant un peu plus loin
que «la plupart des importateurs tablent sur un rapport franc-euro de
1,38», soit de 10% inférieur au niveau du début de l’année. Contactés
hier, ni Amag ni des importateurs comme Peugeot et Citroën n’ont pu
donner plus de détails sur la nature et la durée de leurs contrats à
terme ­entre l’euro et le franc.
Le deuxième argument avancé pour refuser toute réduction de prix
touche au précieux marché de l’occasion. Une baisse des tarifs des
véhicules neufs «anéantirait des ­valeurs de l’ordre de plusieurs
milliards de francs avec des conséquences dramatiques pour
l’économie nationale», prévient Auto Suisse.
Audi augmente ses tarifs
A Lausanne, un concessionnaire de la marque Audi note qu’en réalité,
les stratégies de prix des marques contredisent parfois les déclarations
d’Auto-Suisse. Le garagiste, qui demande l’anonymat de craintes de
représailles, fait remarquer que le constructeur allemand s’est payé le
luxe d’augmenter ses tarifs en francs suisses sur ses modèles les plus
vendus au printemps dernier, précisément au moment où l’euro
amorçait sa dégringolade.