Jean de la Fontaine, La Besace

Jean de la Fontaine, La Besace
LA BESACE, JEAN DE LA FONTAINE
Jupiter dit un jour : « Que tout ce qui respire
S'en vienne comparaître aux pieds de ma grandeur :
Si dans son composé quelqu'un trouve à redire,
Il peut le déclarer sans peur ;
Je mettrai remède à la chose.
Venez, singe; parlez le premier, et pour cause.
Voyez ces animaux, faites comparaison
De leurs beautés avec les vôtres.
Etes-vous satisfait ? - Moi ? dit-il ; pourquoi non ?
N'ai-je pas quatre pieds aussi bien que les autres ?
Mon portrait jusqu'ici ne m'a rien reproché ;
Mais pour mon frère l'ours, on ne l'a qu'ébauché :
Jamais, s'il me veut croire, il ne se fera peindre."
L'ours venant là-dessus, on crut qu'il s'allait plaindre.
Tant s'en faut: de sa forme il se loua très fort ;
Glosa sur l'éléphant, dit qu'on pourrait encor
Ajouter à sa queue, ôter à ses oreilles ;
Que c'était une masse informe et sans beauté.
L'éléphant étant écouté,
Tout sage qu'il était, dit des choses pareilles :
Il jugea qu'à son appétit
Dame baleine était trop grosse.
Dame fourmi trouva le ciron trop petit,
Se croyant, pour elle, un colosse.
Jupin les renvoya s'étant censurés tous,
Du reste contents d'eux.
Mais parmi les plus fous
Notre espèce excella ; car tout ce que nous sommes,
Lynx envers nos pareils, et taupes envers nous,
Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes :
On se voit d'un autre oeil qu'on ne voit son prochain.
Le fabricateur souverain
Nous créa besaciers tous de même manière,
Tant ceux du temps passé que du temps d'aujourd'hui :
Il fit pour nos défauts la poche de derrière,
Et celle de devant pour les défauts d'autrui.
La Fontaine, Fables
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Jean de la Fontaine, La Besace
Commentaire
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Introduction
Les Fables de Jean de la Fontaine sont le fruit d’un travail colossal. Elles sont composées de trois recueils et
douze livres. Leur publication s'étend sur un quart de siècle (1668-1694) et leur composition sur plus de
trente années. C’est un recueil de petits poèmes en vers libre comportant une morale.
Jean de La Fontaine (1621-1695) est une figure indissociable du classicisme. Il utilise ses fables moralisées
pour dénoncer les abus et états de la société. Son appartenance au milieu de la nature lui fournit de
nombreuses idées - il a été maître de Eaux et Forêts -, et lui permet, avec une facilité étonnante de
personnifier animaux et végétaux en vue de les rendre actuels à la société, de refléter les idées.
En effet, au XVIIème siècle la littérature s’efforce d’instruire et de plaire. Fidèle à cette exigence du
classicisme, la « Besace » prend pour thème l’homme et son image.
Problématique : Comment la mise en scène d’un bestiaire permet-elle à La Fontaine de dénoncer les
comportements humains ?
Nous allons détailler dans une première partie un récit alerte, puis nous verrons la critique des animaux et
nous terminerons notre analyse par la moralité.
I) Un récit alerte
La Besace se caractérise par un récit très rapide obtenu par des procédés précis.
 Absence de descriptions d’animaux : l’auteur ne décrit ni les animaux, ni Jupiter, ni le paysage
 Rapidité du récit : pas de schéma narratif, narration rapide, peu de précision
 Rythme soutenu : on passe d’un animal à un autre (l.9 à 13)
 Il y a même quelques incohérences car il va vite : la baleine succède à l'éléphant alors qu'ils ne
vivent pas au même endroit.
 Variété du type de discours :
 Utilisation d’un dialogue (style direct) (l.9 et 10), les paroles prononcées occupent une grande
place
 Eléphant : au style indirect libre : l.21 « il jugea qu’à son appétit »
Transition : la vivacité du récit permet à JDL une critique des animaux
II) La critique des animaux
 La surprise : on s’attendait à ce que chaque bête améliore son aspect. Or, c’est le singe qui se croit
tout à fait normal : « aussi bien que les autres »
 L’amour propre : tous les animaux se déclarent heureux de leur apparence avec un orgueil parfois
comique (l.10, 11 discours du singe, l.24 « se croyant être un colosse »)
 La moquerie : les animaux se parlent avec un respect (l.12/22) mais derrière avec moquerie (l.12 à
16 « glosa » l.18 à 22)
  Les discours des animaux révèlent qu’ils n’ont aucun sens de la relativité et leur autosatisfaction
les conduit à être désobligeants vis-à-vis des autres.
 Allégorie de la Besace (l.31 à la fin) : assistance de la part du narrateur sur le « on » et « nous »
La Fontaine fait comprendre au lecteur que les hommes se font des illusions sur eux-mêmes mais
sont très critiques envers les autres.
Transition : Bien que la fable laisse la part belle aux animaux sa moralité vise l’homme qui apparaît dans la
dernière partie
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III) La moralité
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 Moralité de la fable : « nous sommes forts pour voir les défauts des autres mais nuls pour voir les
nôtres »
 Jupiter échappe à la critique (l. 25censuré à dénoncer les défauts)
 La moralité est coupée en 2 parties de 5vers : l.26 à 30 ; l.31 à 35
 Tendance à voir le vice chez autrui (l.27). La Fontaine s’inclue dans la critique, il emploie un vers
qui a l’allure d’un proverbe (l.28). d’ailleurs le ton proverbial est lié au parallélisme.
 Besacier : mot qui date du moyen-âge et Jean de La Fontaine le choisit pour suggérer que sa morale
est intemporelle.
Conclusion
JDLF met en scène les animaux devant Jupiter. Il critique ainsi la société en utilisant des procédés pour
instruire tout en distrayant. Le fabuliste observe ses contemporains et dénonce leur orgueil. On note que
cette morale est toutefois intemporelle.
Comme l’a fait La Bruyère dans les « caractères » ou La Rochefoucauld dans ses « maximes ».
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