D`une part, l`exclusion peut résulter de la toxicomanie dans la

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D`une part, l`exclusion peut résulter de la toxicomanie dans la
REVISTA
ANÁLISIS, No. 8, 2011.
D’une part, l’exclusion peut résulter de la toxicomanie
dans la mesure où «la désaffiliation dans l’une ou l’autre
sphère de la vie sociale et professionnelle» peut se
constituer lentement lors d’un tel parcours (Boivin et De
Montigny, 2002: 9). D’autre part, «c’est la toxicomanie
qui est venue se greffer à une trajectoire déjà en voie
de désaffiliation» (Ibid). Dans les deux cas, «la personne
est en perte de repères et s’éloigne de ce qui constitue
ses liens d’attachement avec son milieu social» (Boivin
et Ibid).
Les écrits scientifiques mettent en lumière cette
exclusion vécue par les personnes toxicomanes.
Uchtenhagen, Schaaf et Berger (2000: 9) traitant du
contexte européen soulèvent que «les toxicomanes
connaissent un risque nettement accru de marginalisation
sur le marché de l’emploi et de chômage». Ils rapportent
également que ces personnes font «l’objet d’une
stigmatisation sociale et sont considérés comme des
criminels, des individus peu fiables, inaptes au travail
et irresponsables» (Ibid). Une autre étude portant sur
la Martinique et la France métropole observe que les
chômeurs et inactifs représentent presque deux tiers des
personnes toxicomanes accueillies en établissements du
système de soin et de santé (Madin, 2001: 5).
Sur un autre plan, plusieurs sociologues intéressés
«à la drogue» dans les quartiers en difficulté se
centrent sur les dérégulations sociales pour expliquer
le développement de la toxicomanie (Morel, Hervé et
Fontaine, 1997: 155).
Au Liban, une recherche action situant parmi ses
intérêts l’étude des représentations de la toxicomanie,
confirme la situation d’exclusion de cette population
(Kahi, 2001). Cette étude a ciblé les professionnels
dans le domaine, les parents des usagers de drogue,
les personnes toxicomanes ainsi des leaders
communautaires. Les résultats recueillis font dégager
des représentations de la personne toxicomane
comme un «échec pour la famille et pour la société», la
toxicomanie étant perçue comme un «crime contre soimême, qui pousse à commettre des délits» (Ibid).
Le regard de la société libanaise sur la toxicomanie
est par ailleurs décrit par les interviewés comme étant
«marqué par une impitoyable dureté» (Kahi, 2001: 6). La
société tend à étiqueter la personne toxicomane, «elle
la refuse, la rejette et la piétine» (Ibid). Un jugement
moral est porté sur ces personnes chez qui toxicomanie,
délinquance et criminalité sont associées. Pour les
parents, cette exclusion s’élargit pour toucher toute la
cellule familiale. De là, ils cherchent souvent à cacher
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le problème et ont peur du «qu’en dira t-on» de leur
entourage (Ibid). Certains parents voient dans cette
attitude sociétale une raison à la rechute de la personne
réhabilitée et un obstacle au monde du travail.
1.1.1. Une exclusion intensifiée par la criminalisation
visant la normalisation
Bien que la vision scientifique donne désormais de
la toxicomanie «une conception moins tournée vers la
déviance» (Morel, Hervé et Fontaine, 1997: 155), dans
les faits, cette problématique demeure associée à la
marginalité qu’il importe de contrôler.
En effet, la criminalisation de la marginalité se
présente comme «une modalité importante de sa
gestion sociale» vu que les marginaux vivent souvent
à la marge des normes sociales (Castel, 1994: 18). À
ce titre, la toxicomanie offre un exemple pertinent.
Dans sa définition classique la toxicomanie est conçue
comme «un comportement antisocial, […] une déviance
sociale presque toujours associée à la marginalité et à la
délinquance» (Morel, Hervé et Fontaine, 1997: 155). Il
s’ensuit que les toxicomanes soient «toujours menacés
de relever de l’appareil judiciaire» (Castel, 1994: 18)
tel qu’est le cas au Liban et dans d’autres pays. Dans
le contexte libanais, en plus de l’incarcération des
personnes consommatrices de drogues, leur infraction
est signalée sur leur casier judiciaire durant un minimum
de trois ans (Kahi, 2001).
1.1.2. L’exclusion: un phénomène multifactoriel
L’exclusion se présente comme un phénomène
complexe et multifactoriel. L’étude de cette notion avise
de la nécessité d’évacuer toute vision déterministe
qui tend à accuser un acteur sans l’autre. En effet, si
les valeurs dominantes et les conditions sociales se
réunissent pour rejeter certaines populations qui ne
répondent pas aux normes préétablies (Xiberras, 1998:
25), les personnes exclues, elles-mêmes, ne sont pas
sans contribuer à ce processus.
Sur un premier plan, il s’agit de certaines
«caractéristiques
habituelles
des
populations
défavorisées [tels
que]
la
sous-qualification
professionnelle, le faible niveau d’instruction» (Castel,
1994: 22). Sur un autre plan, tel que le démontrent
les chercheurs de l’interactionnisme symbolique «les
minorités se forgent elles aussi des mécanismes de
protection et d’exclusion d’ordre symbolique» (Xiberras,
1998: 25). Dans le cas des personnes toxicomanes,
ces «êtres blessés, infantilisés […] coupent les circuits
relationnels, pour […] compenser leur sentiment

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